“The Voice in the Mirror”. Michael Jackson : d’une identité vocale à sa mise en image sonore
Résumés
Michael Jackson est un artiste dont les multiples expressions vocales constituent le premier jalon d’une identité paroxystiquement pop. Les références esthétiques éclectiques qui ont échafaudé et nourri sa vocalité se sont trouvées systématiquement réappropriées, réinvesties et assimilées en une seule et même personnalité vocale. L’identité sonore de Michael Jackson, outre ses constituants mélodiques et rythmiques, est construite de façon audible et tangible sur un phénomène de physicalité qui fait la part belle au bruitisme buccal, guttural, respiratoire ou corporel d’un chanteur dansant même en studio. Soucieux de restituer avec transparence cette identité, l’ingénieur du son Bruce Swedien a opté pour des approches techniques et des stratégies de studio visant à conserver fidèlement les expressions premières du chanteur : micros, prises de son analogiques, techniques d’enregistrement des larges prismes vocaux, élaboration d’espaces acoustiques naturels, champ stéréophonique converti en un espace sonore tridimensionnel jouant sur les early reflections, plywood, Monstercable ou encore Tubetraps ont fait l’objet, dans la quête d’authenticité de Bruce Swedien, de choix délibérés convoquant conjointement ou tour à tour tradition et technologie.
Entrées d’index
Mots clés :
studios / home studios, corps, voix, timbre / ton / tonalité, harmonie, rythme, enregistrement / montage / production, techniques, ingénieur son / monteur, beatboxing, danse, intermédiaires / médiateurs, exécution / interprétation / technique instrumentale, mélodie, analyse musicaleKeywords:
studios / home studios, body, voice, harmony, rhythm, recording / editing / production, techniques, sound engineer / mixer, beatboxing, dance, intermediaries / mediators, key / tone / tonality, melody, analysis (musical)Géographique :
États-Unis / USAGenre musical :
africaine-américaine / African-American music, pop music, soul music, rhythm‘n’blues / r‘n’bPlan
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Prix annuel 2011 jeune chercheur IASPM branche francophone d'Europe.
Lien pour écouter les extraits sur un smartphone : http://www.seteun.net/spip.php?article271.
Texte intégral

Crédits : History, Epic, 1994
1Michael Jackson est un artiste dont la carrière est devenue, avec un paroxysme certain, l’emblème de la musique populaire d’un XXe siècle transculturel et technologique. Il a porté à certains sommets les paradigmes de l’esthétique pop internationale que sont l’impact et la diffusion à grande échelle et s’est façonné une image représentative de la synthèse d’expressions artistiques et des figures trans-raciales qui constituent le ciment de la pop music. La réappropriation des influences esthétiques qui ont marqué le chanteur, renforcée par un esprit d’innovation permanent, a servi de base à l’élaboration d’une identité artistique à part entière, vecteur d’une authenticité expressive qui, sur le plan vocal, est assimilable à ce qu’il convient d’appeler une personnalité.
2Ne se limitant à aucun carcan esthétique, l’artiste a, tout au long de sa carrière, cherché à développer et à renouveler une évidente pluralité expressive. Celle-ci, alliant voix parlée et chantée, sons voisés ou non voisés, percussions buccales, bruitisme, jeux de souffle et chorégraphies vocalisées, s’est trouvée relayée et centralisée par un corps très présent phoniquement dans le champ musical, confirmant le propos de Roland Barthes : « Pour la pop music, il y a le contenu corporel, auquel cette forme de contre-culture accorde une grande importance. Il y a là un rapport nouveau au corps, qu’il faut défendre. » (Barthes, 1981 : 164)
3Mais outre l’aspect corporel, nous verrons que cette pluralité est sous-tendue autant par un travail vocal dirigé par un professeur issu du monde lyrique, Seth Riggs, que le recours spontané à des modes d’expression plus originels ou moins esthétisés. Soucieux de ne pas voir sa personnalité vocale diluée ou amoindrie, Michael Jackson − conscient de la portée et de la responsabilité médiatique de l’enregistrement − a porté un intérêt tout particulier à sa fixation et au façonnage de ce qui se devait d’être non pas seulement son image sonore, mais son double enregistré. Ce faisant, il s’est adjoint, pour l’ensemble de sa carrière, la collaboration d’un ingénieur du son emblématique, Bruce Swedien, porteur d’une quête parallèle d’authenticité sonore, dont les choix techniques guidés par cette dernière, feront l’objet de la seconde partie de notre étude.
Mais avant, nous nous proposons d’étudier les éléments constitutifs de l’identité vocale de Michael Jackson, à travers des critères techniques mais également à la lumière d’un travail sur le timbre qui a fait évoluer cette notion d’identité à celle, plus coloriste, de personnalité.
La voix de Michael Jackson : de l’identité à la personnalité
Berceau et prémices
- 1 L’histoire de la chanson « Who’s Loving You » est, à cet égard, révélatrice : celle-ci, écrite en 1 (...)
4L’identité vocale de Michael Jackson puise ses premières racines dans son parcours musical de jeunesse. Doté dès la petite enfance d’une certaine expressivité vocale (qui faisait douter, même parmi les professionnels1, de son jeune âge) et d’un don pour la danse, Michael Jackson a initié son parcours artistique long de presque cinquante ans par une première carrière d’amateur très dense débutée à l’âge de cinq ans, avec des répétitions quotidiennes et tardives doublées de concours et représentations fréquentes. À cette époque, il s’imprègne des musiques classique et country qu’écoute sa maman, clarinettiste, mais aussi de Little Richard, Chuck Berry, The Temptations, Aretha Franklin, Fats Domino et autres chanteurs de rhythm and blues. L’objectif que se fixe la famille lors de ces concours ne se limite pas à « reprendre » un titre connu, mais à y apporter l’élément musical, expressif ou scénique qui créera la démarcation. Ainsi commence sa formation, sous l’égide d’un père strict et efficace, aboutissant à l’âge de onze ans à la signature d’un contrat avec le label Motown :
- 2 « The five young brothers […] impressed Berry Gordy with their precocious professionnalism, discipl (...)
« Les cinq jeunes frères […] impressionnèrent Berry Gordy avec leur professionnalisme précoce, leur discipline et leur talent brut lors de leur audition durant l’été de 19682. » (Smith, 1999 : 229)
- 3 En jouant sur les valeurs sûres de son catalogue, la Motown sécurise financièrement quelques succès (...)
5Le programme « artist development » du groupe des Jackson 5 est dès lors élaboré selon la tradition de Hitsville, chaque aspect relatif aux prestations ou à l’image publique étant sous contrôle. Les auteurs et producteurs de la Motown ont alors conçu pour les Jackson 5 un répertoire de chansons spécifiques et de reprises3 d’esthétiques variées, ne leur laissant jamais la moindre possibilité de proposer l’une de leurs compositions et nourrissant finalement peu à peu les causes de la rupture de 1976.
- 4 The Jacksons (1976), Goin’ Places (1977), Destiny (1978), Triumph (1980), Victory (1984), 2300 Jack (...)
- 5 The Jacksons, [disque 33 tours, cassette, CD], prod. Gamble and Huff / Philadelphia International R (...)
- 6 Il s’agit de « Blues Away » et « Style of Life », album The Jacksons, ibid.
- 7 The Jacksons, Goin’ Places, [disque 33 tours, cassette, CD], prod. Gamble and Huff / Philadelphia I (...)
6En signant avec le label Epic Records, et à un âge où d’autres commencent à peine leur carrière, Michael Jackson ressent nécessairement un profond besoin de créer son style. Ayant pendant ces sept années exploité les veines expressives rock, country, soul et funk du répertoire Motown, il va peu à peu amorcer l’agrégation de ces références en une seule identité artistique. Cette période, couverte par six albums 4, est marquée par un bouillonnement d’idées et d’initiatives compositionnelles mais aussi vocales. Si, avec l’album éponyme The Jacksons5 en 1976, Michael Jackson s’adonne désormais à l’écriture et la composition, il ose déjà, dans ses deux premières chansons 6, quelques formules vocales idiomatiques moins policées, orientées vers une rythmicité et un bruitisme qui seront, en effet, bientôt constitutifs de son identité propre. Sur l’album Goin’ Places7 en 1977, le chanteur intègre ses premières interjections, futurs éléments symboliques de son style vocal.
- 8 The Wiz, film musical américain de Sydney Lumet, sorti en 1978 ; adaptation de la comédie-musicale (...)
7Lorsqu’il rencontre Quincy Jones, sur le tournage du film The Wiz8, le chanteur, désormais majeur, exprime clairement sa détermination à rompre avec son image d’enfant star. L’artiste a prouvé sur les derniers albums familiaux qu’il savait, au-delà de ses performances scéniques, écrire, composer, produire et arranger. Il souhaite voir désormais ses frères et sœurs remplacés par des musiciens professionnels et décide de superviser chaque étape de la production et de se poser en arbitre final de toutes les décisions artistiques et esthétiques.
« Je ne veux pas être une copie de ceux qui sont venus avant moi, je ne veux pas me répéter constamment, je dois toujours innover. » (Cachin, 2009 : 39)
8La phrase-précepte de Michael Jackson fait écho, à ce point crucial de sa carrière, au propos de Glynne Jones :
9Michael Jackson inscrira sa personnalité vocale et son catalogue dans une dynamique en flèche qui délaisse le confort des redites pour une évolution parfois déstabilisante pour le public.
10Nous nous proposons à présent d’analyser les éléments constitutifs de la démarcation vocale de Michael Jackson. Et nous verrons comment cette identité plurielle est nourrie par un réseau de références multi-esthétiques ayant pour dénominateur commun l’intérêt porté par le chanteur-compositeur aux textures et aux timbres sonores.
Profil vocal : éléments techniques et esthétiques
11Nous allons à présent évoquer la voix de Michael Jackson selon les quatre grands critères d’analyse évoqués par Allan F. Moore : la tessiture et l’ambitus, le sens tonal, la rythmicité vocale et le « degré de résonance », nous attachant à montrer que le travail vocal entrepris par le chanteur n’a pas altéré sa quête d’authenticité. Au contraire, nous complèterons ces critères en montrant combien ce travail a engendré une malléabilité accrue et propice aux références plurielles qui caractérisent de façon fondamentale son panel timbriste.
Les éléments techniques de l’identité vocale de Michael Jackson
- 10 Seth Riggs professeur de chant, est le créateur du « Speech Level Singing », méthode inspirée de la (...)
12La voix de Michael Jackson, faite d’expressions multiples (mélodies, sons buccaux, gutturaux et bruits vocalisés à tous les étages de son ambitus) a fait l’objet d’un travail et d’un entretien réguliers. Soucieux d’optimiser en toutes circonstances son instrument vocal, Michael Jackson s’est octroyé, dès 1979, les conseils d’un coach vocal, Seth Riggs10, qui l’a, tout au long de sa carrière, entraîné de façon personnalisée et quotidienne, même en dehors des périodes d’enregistrement ou de spectacle.
Tessiture et ambitus
- 11 . Seth Riggs nous a expliqué qu’il avait souhaité faire enregistrer un disque de chant lyrique à Mi (...)
13Lorsque Seth Riggs a fait la connaissance de Michael Jackson, celui-ci possédait déjà un ambitus très large. Quincy Jones, producteur et arrangeur de l’artiste, souhaitait à cette époque baisser d’une tierce mineure la tonalité de quelques chansons de l’album Off the Wall afin de donner à la voix du chanteur plus d’aisance, de souplesse et un timbre plus riche aux extrémités du registre. Seth Riggs a donc travaillé à élargir encore davantage l’ambitus du chanteur et lui a fait gagner une quarte supplémentaire. Au fil de séances quotidiennes, sa méthode de travail et les exercices qu’il lui a fait pratiquer ont visé (et c’est là un élément essentiel du Speech Level Singing de Seth Riggs) à gagner et conserver une homogénéité vocale sur toute la tessiture – celle de Michael Jackson s’étendait du mi 1 au sol# 4 sans recourir à la voix de tête ou falsetto – en gommant les ruptures de couleur et les sensations de passage d’un registre à l’autre. En cultivant, tout au long de sa carrière, une vocalité mélodique claire et expressive de ténor, mais également de baryton, Michael Jackson avait même initié un travail via le répertoire lyrique français, bien que celui-ci, pour des raisons de stratégie commerciale, soit resté non édité 11.
14Outre ce travail sur l’ambitus et l’égalité entre les registres, les objectifs visés par Seth Riggs ont été l’acquisition et l’entretien de sonorités vibrantes moyennant une balance harmonique constante, et d’un vibrato de relaxation permettant à l’artiste de chanter sans fatigue. Beaucoup d’exercices se sont portés conjointement sur la gestion du souffle, point essentiel pour le danseur. Il faut souligner que le choix de Seth Riggs comme coach vocal s’est inscrit clairement dans la quête d’authenticité de Michael Jackson, puisque sa méthode de travail, bien que baptisée de façon générique Speech Level Singing permet des adaptations et un respect des spécificités vocales de ses élèves.
La résonance
15Avec sa technique vocale, Michael Jackson a donc parcouru les strates de résonance évoquées par Allan F. Moore en lien avec la localisation physique de la voix : voix de tête, voix nasale ou de poitrine. En gommant les passages de registre, il a rendu possible une unicité d’émission vocale transversale allant à l’encontre de l’association généralement admise à l’intention des chanteurs de pop music en termes d’inégalité de timbre.
- 12 Michael Jackson, Invincible , [disque 33 tours, cassette, CD], prod. Michael Jackson, Label/Réf : E (...)
- 13 . Un exemple emblématique de cette voix de tête non détimbrée est la chanson « Don’t Stop ‘Til You (...)
16Si le placement nasal de voix entre fort peu en ligne de compte dans les pratiques de Michael Jackson, la voix de tête fait l’objet d’une utilisation beaucoup plus fréquente mais très souvent imperceptible compte tenu de la gestion homogène lors du changement de registre. Cette voix de tête, confinée à une tessiture suraiguë, ne s’accompagne pas plus que la voix de poitrine extrêmement grave d’une chanson comme « 2000 Watts 12 », d’une perte de clarté et de puissance vocale. Il faut souligner que l’utilisation par Michael Jackson d’une voix de tête détimbrée relève, dans les quelques cas existants, d’un choix climatique ou émotionnel, et non d’une carence technique − une partie du travail avec Seth Riggs ayant porté sur l’enrichissement vocalique des voyelles et leur énonciation purifiée et distincte, même dans les extrémité de sa tessiture 13.
« 2000 Watts » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/2000watts.mp3
Sens tonal et rythmicité vocale
Autres éléments d’analyse évoqués par Allan F. Moore, le sens tonal et la gestion du rythme sont, dans le cas de Michael Jackson, des marqueurs influents dans la restitution vocale et le travail d’enregistrement de sa voix.
- 14 « Michael was able to hear a sound around the corner », propos tenu par Bruce Swedien lors des diff (...)
- 15 John Robinson, pianiste et batteur américain ayant travaillé sur l’album Off the Wall, explique : « (...)
- 16 Nous reviendrons sur ce travail dans la seconde partie.
17Le sens tonal englobe la précision et la justesse et donc la capacité d’une voix à se situer dans un contexte harmonique et polyphonique. Si l’expression de Bruce Swedien « Michael était capable de distinguer un son au coin de la rue 14 » évoque une oreille musicale précise, les conséquences induites par cette image se traduisent concrètement par la transmission vocalisée de ses compositions (comprenant tant ses éléments mélodiques et harmoniques qu’une simulation vocalisée du timbre instrumental attendu) via le producteur ou arrangeur chargé de les retranscrire, ou, le cas échéant à destination de chaque musicien, et ce sans l’intermédiaire d’un enregistrement préalable. Mais ce sens tonal s’est traduit également par l’élaboration et l’enregistrement d’harmonies vocales15 fournies, qui ont engendré chez l’ingénieur du son une technique spécifique 16jouant justement sur la tonalité, technique qu’il n’a jamais réutilisée hors de son travail avec Michael Jackson.
- 17 Michael Jackson, Off the Wall, (Special edition), [CD] ,prod. Inc, label Epic / Sony ASIN : B0025 M (...)
- 18 Michael Jackson, Off the Wall, (Special edition) ibid., piste 18 « Voice-over Intro Rod Temperton I (...)
- 19 Michael Jackson, Dangerous, [cassette, CD], prod. Teddy Riley, Michael Jackson, Label/Réf : Epic / (...)
18Quant à la rythmicité vocale du chanteur, cette caractéristique n’est pas négligeable puisque, comme nous avons pu l’évoquer auparavant, elle s’est développée dès l’enfance au contact du répertoire Motown, aboutissant à un potentiel rythmique volontairement exploité par la suite et souligné dès l’album Off the Wall 17par le compositeur Rod Temperton18 : celui-ci explique en effet avoir volontairement utilisé ses capacités en lui confiant des mélodies instables et rythmées comme celles des couplets d’ « Off the Wall » ou des lead vocaux up-tempo au débit mordant dont l’exemple le plus saisissant est « Workin’ Day and Night ». Cette gestion du rythme et du contretemps est une constante que l’on retrouvera dans un répertoire plus tardif, avec, entre autres, les couplets d’un titre comme « Jam 19 ».
19« Jam » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/jam.mp3
Une personnalité vocale fondée dans le pluralisme : de la mélodicité au bruitisme
- 20 Michael Jackson a consacré une part importante de son temps et de ses finances à des recherches dan (...)
20Passionné depuis toujours par le son, le timbre, instrumental, vocal ou concret, Michael Jackson a développé son expérience en grandissant dans les studios d’enregistrement. Les expérimentations sonores dont il était féru et auxquelles il se prêtait, sont passées par la création de textures complexes et alors inédites20 souvent étroitement liées à la concrétude et au bruitisme. Mis en jeu dans la diversité des timbres instrumentaux, électroniques et concrets employés ou créés, cet intérêt a été originellement et naturellement exploité au sein de son propre instrument, sa voix. Et en s’appuyant sur des veines plus « racées » comme le funk, le rock ou le rap, Michael Jackson a mis en œuvre des expressions vocales plus originelles, complémentaires de sa pratique vocale policée et entretenue.
- 21 Le Beatboxing ou Human beatbox est un terme évoquant l’imitation multivocaliste d’une boîte à rythm (...)
- 22 Michael Jackson, Shout, [CD Single, 12’’, 7’’] prod. Michael Jackson, R. Kelly, label Sony, 2001, f (...)
- 23 Michael Jackson, HIStory, Past, Present and Future, [CD], prod. Michael Jackson, Label/Réf : Epic / (...)
- 24 Michael Jackson, Thriller, op. cit.
- 25 Michael Jackson, Bad , Special Edition [CD], prod. Quincy Jones, Michael Jackson, Label/Réf : Epic (...)
21Du point de vue timbriste et mélodique, il a ainsi développé une vocalité proche de ce que Jean-Claude Éloy nomme le son sale (Éloy, 22 juin 1999), usant de textures vocales rauques et saturées ou se confinant dans des graves inhabituels, et il a également donné aux cris et aux interjections, relégués au rang de commentaires vocaux dans le funk ou le rock, des statuts musicaux propres. En combinant ces aspects timbristes aux paramètres rythmiques, il a prolongé le travail amorcé par les courants afro-américains comme le jazz et le funk, en faisant de sa voix un véritable instrument à percussion qui s’appuie souvent prioritairement sur la sonorité des mots (sans pour autant négliger leur sens), ou qui se dégage totalement de ceux-ci pour plonger dans un bruitisme vocal et buccal qui trouve son expression la plus aboutie dans le beatboxing 21. Ainsi, dans une chanson comme « Shout22 » ou encore le rap de « Can’t Let Her Get Away23 », il a modifié sa texture vocale de façon très marquante pour en faire un flux rauque distant de toute hauteur mesurable mais jouant avec les impulsions vocales et la rythmicité des mots jusqu’à réduire le texte à son plus pur squelette sonore, en marge du sens. La voix du chanteur oscille alors entre une verve physique et concrète et une irréalité synthétique (sans cependant recourir à aucun effet artificiel), entre une voix humaine porteuse de texte et une mutation instrumentiste de celle-ci. Michael Jackson a poussé loin ces pratiques, il les a affichées et, d’une certaine façon imposées, au point qu’elles sont devenues les symboles de sa personnalité vocale. Une interjection ou quelques bruits vocaux en prélude de chanson comme les célèbres t-k-tch-tch ou hee ! hee ! qui ouvrent respectivement (et entre autres) « Billie Jean24 » ou « The Way You Make Me Feel25 », sont rapidement devenus pour le public un moyen instantané d’identification, à la manière d’initiales ou d’une signature vocale de l’artiste.
« Shout » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/rockwithyou-2.mp3
« Can’t Let Her Get Away » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/cantlethergetaway.mp3
« Billie Jean » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/billiejean.mp3
« The Way You Make Me Feel » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/thewayyoumakemefeel.mp3
- 26 Rock et rap sont, en effet généralement opposés dans leur principe. Ainsi, le rock, qui se traduit (...)
- 27 C’est le cas, par exemple, dans « Black or White », album Dangerous, op. cit. Dans cette chanson, l (...)
22En combinant dans ses expressions mélodiques des principes multi-esthétiques et poly-expressifs — timbres non polissés, agressifs ou étranges, cris et rythmicité — Michael Jackson a créé une personnalité vocale qui lui est propre et qui est reconnaissable d’emblée par un large public. Il a, certes, nivelé en surface des expressions proprement contestataires en les fondant dans l’éclectisme de sa musique et de sa vocalité, mais il a contribué, de ce fait aussi, à populariser et à galvaniser ces expressions au sein d’une acceptation plus massive véhiculée par la veine pop. Et au sein même des veines contestataires, il a, par cette personnalité, osé et permis une conciliation 26(Thonon, 1998 : 95) entre le rock et le rap en les combinant souvent dans une même chanson27. C’est donc en unissant et en surplombant ces esthétiques populaires que Michael Jackson est parvenu à créer une personnalité authentique et à se faire le miroir du plus grand nombre.
23Nous allons à présent expliquer comment Bruce Swedien, porteur d’une philosophie du son qui se trouve être le prolongement de la quête d’authenticité et d’unicité de Michael Jackson, a été l’artisan technique de ce qu’il a établi comme le véritable double vocal enregistré de l’artiste. Nous évoquerons les approches conceptuelles et techniques de l’ingénieur du son, traditionnelles ou innovantes, mais toutes convergeant vers un même objectif : la conservation et la restitution des particularismes et aspérités de la voix de Michael Jackson.
Mise en image sonore et restitution enregistrée de la personnalité vocale de Michael Jackson
Un personnage-clé : Bruce Swedien
- 28 « The best engineers draw their reservoir of knowledge and experience to manage the interface betwe (...)
« Les meilleurs ingénieurs puisent dans leur réservoir de connaissance et d’expérience pour gérer l’interface entre la musique et la machine, l’art et la technologie, avec une sensibilité vis-à-vis de l’expression musicale qui guide leur propre "performance" technique 28 » (Zak III, 2001 : 168)
- 29 Même si Bruce Swedien a participé à des projets ultérieurs pour Michael Jackson, comme l’enregistre (...)
- 30 Propos recueillis au cours de différents entretiens avec l’auteur.
24Sonoriste et architecte de la voix de Michael Jackson depuis Off the Wall en 1979 jusqu’à Invincible en 200129, Bruce Swedien, surnommé le « philosophe du son » par ses pairs, est celui qui a fait basculer le statut d’ingénieur du son de technicien à co-artiste. Sa carrière balaye toutes les évolutions du travail en studio qui ont jalonné le XXe siècle : en effet, sa carrière a débuté dans les années 1950, à l’époque où le travail en studio n’en était qu’à ses balbutiements, en enregistrant à Minneapolis des orchestres et chœurs classiques, mais aussi en expérimentant ses techniques avec des grands noms comme Count Basie, Duke Ellington, Dizzy Gillespie, Lionel Hampton, Oscar Peterson, Sarah Vaughan ; il a connu l’évolution des multipistes depuis l’acquisition de son premier quatre pistes en 1959, et a connu la révolution du numérique. Pourtant, ce collaborateur et admirateur de Bill Putnam, lequel fut un pionnier en termes de technologies toujours actuelles comme la réverbération et l’écho, a gardé, tout au long de sa carrière, cette même devise : « Music First », reléguant au second plan un recours à la technologie qu’il juge souvent, dans les musiques populaires, trop systématique et artificiel 30.
25De même que la masterisation ne constitue pas, pour Bruce Swedien, une ultime étape où l’on sauve la musique, il affirme ne pas être un adepte de la technologie corrective (et ce même en termes d’égalisation, qu’il préfère gérer directement dans la position du musicien face au micro, instrument par instrument, même dans le cas d’un orchestre) et lui préfère clairement une fonction créatrice.
- 31 Noel Lee, fondateur en 1979 de la société Monster Cable Products, Inc est un ingénieur en fusion-la (...)
- 32 Michael Jackson, Bad, op. cit.
26Il faut noter que le souci porté aux détails du champ sonore orchestré par Bruce Swedien a été rendu possible par un choix alors d’avant-garde, qui est resté longtemps son exclusivité : l’utilisation des Monster Cable (Swedien, 2009a : 110-111) créés par son ami Noel Lee31. Ceux-ci furent les premiers câbles haute-fidélité ayant pallié définitivement aux degrés variables de performance audio réalisés par les standards zip-cord, câbles jusqu’alors utilisés sans distinction pour le son, l’électricité ménagère et les lampes. C’est grâce à l’utilisation de connectiques en or 24 carats que sont donc nés ces câbles audiophoniques haute-performance, lesquels allaient améliorer considérablement pour Bruce Swedien, dès 1987 et l’album Bad32, la finesse de perception des éléments mis en scène au sein du champ sonore et particulièrement l’approche de la voix de Michael Jackson, dont les modes d’expressions, lyriques ou pointillistes, parsèment les différentes strates des chansons.
Une quête commune
- 33 « Certain producers […] choose their engineers very carefully, because the producers know that thos (...)
« Certains producteurs […] choisissent leurs ingénieurs très attentivement, parce que les producteurs savent que ces ingénieurs vont apporter certains aspects au disque 33. » (Zak III, 2001 : 170)
27Si le producteur Quincy Jones est le vecteur de la rencontre entre Bruce Swedien et Michael Jackson en 1979, c’est bien Michael Jackson lui-même, comme producteur mais surtout comme artiste, qui prolongera et scellera pour de longues années sa collaboration avec l’ingénieur du son, bien après la scission avec son instigateur. Fournir un travail de précision et veiller aux détails dans leurs moindres mesures sont deux traits professionnels qui ont rapproché les deux hommes. Mais au-delà, c’est autour de la quête d’une certaine authenticité que s’est scellée leur collaboration, mise en œuvre par la corporalité vocale du chanteur et par l’approche technique la plus naturelle possible de l’ingénieur.
- 34 Michael Jackson enregistrait en effet très souvent en les superposant l’essentiel des parties vocal (...)
28L’authenticité, pour Bruce Swedien, commence par le respect de la substance musicale originelle d’une chanson. Ainsi, il explique que si, la plupart du temps, les chansons finalisées sont, suite à d’innombrables remodelages en studio, généralement très éloignées de leur concept original pour finir dissoutes dans le paysage sonore à la mode, sa démarche, en particulier avec Michael Jackson, s’est voulue justement inverse. Soucieux de ne pas quitter le concept initial toujours précisément défini par l’artiste (et souvent même enregistré vocalement de façon très complète34, ce qui lui permettait d’y revenir régulièrement), attentif à l’esprit musical inhérent à chaque chanson, il a toujours cherché à restituer avec fidélité les intentions vocales du chanteur dans une high fidelity qui n’a, selon ses propres termes, rien d’aseptisant.
29Nous allons donc voir à présent comment, partageant avec Michael Jackson ce souci d’une restitution sonore précise, Bruce Swedien a opté pour des choix techniques privilégiant toujours la proximité face au micro, les espaces ou effets naturels, et une gestion tridimensionnelle de l’espace sonore où trouve place chaque mode d’expression vocale du chanteur.
Le micro comme vecteur d’authenticité
30Le premier outil propre à véhiculer les éléments constitutifs de la personnalité vocale de Michael Jackson est le microphone. Il va être utilisé comme le prolongement du corps du chanteur, et non comme un outil de remodelage artificiel. En effet, l’apparition des micros et des outils technologiques avait permis, dans l’antre sacré des studios, de retravailler la voix humaine autant que les timbres instrumentaux. Elle avait donné lieu à des expérimentations qui ont contribué à faire de ces outils et autres ordinateurs les nouveaux ventres où tout se crée, se façonne, se redessine artificiellement. Ces techniques appliquées à la pop music sont le terreau même de la veine synthétique mais se sont aussi généralisées à tous les courants. Malheureusement pourtant, ce sont trop souvent elles qui, compte-tenu de leur utilisation emphatique, simplificatrice ou corrective, ont été à l’origine de la notion d’effet facile qui symbolise et a souvent assombri l’image de la pop.
31Ainsi, pendant un temps, la microphonisation de la voix a suscité l’effarement de certains théoriciens, comme Raoul Husson (1962 : 75), pour qui le chant avec micro ne pouvait que dénaturer le timbre propre d’une voix et conduire à la négation de la culture vocale individuelle. À l’inverse, des compositeurs comme John Cage ont vu en lui un moyen de restituer une voix plus naturelle que la technique d’amplification organique du Bel Canto. En effet et en fait de dématérialisation, le microphone a permis, dans le cas de Michael Jackson, de rapprocher l’oreille du corps en contribuant à révéler les gestes de ce dernier dans la phonation. Il s’agit bien là de l’utilisation instrumentale évoquée par Michael Chanan dans son ouvrage Repeated Takes (Chanan, 1995) et ayant inspiré et initié de nouvelles pratiques vocales, dont celle du close miking, mises en pratique par Bruce Swedien.
- 35 Il est intéressant de constater que Sophie Herr et Bruce Swedien établissent la même frontière entr (...)
32La notion de personnalité vocale telle que ce dernier l’utilise pour parler de la voix de Michael Jackson, trouve d’ailleurs un parallèle intéressant dans l’idée de « photographie acoustique 35 » exprimée par Sophie Herr (2009 : 108) et se définit en effet, dès lors et au-delà du simple contour d’un corps dématérialisé, par l’enregistrement d’un style, d’une manière, d’une authenticité de l’« être-en-vie » dont témoigne avant toute chose la respiration. Avec cette conception partagée, Bruce Swedien nous donne donc à écouter plus que la voix d’un chanteur. Il nous fait tendre l’oreille au corps sonore, membre à part entière du corps visible, qui le devance et le dépasse :
- 36 « […] close microphone placement brings the sound forward, suggesting, as one writer says of Bing C (...)
« Le placement proche du microphone place le son en avant, de façon suggestive, comme le dit un auteur à propos du crooning de Bing Crosby : « une relation intime, personnelle avec les fans » 36. » (Chanan, 1995 : 128)
33Un nouveau phénomène d’intimité, souligné par Simon Frith (Frith et al., 2001 : 98) naît dès lors entre le public et l’artiste, qui participe du grain de la voix barthésien et qui, grâce au micro, donne tout à coup à entendre un ton de voix jusque-là réservé aux conversations intimes. Et cette approche, relayée par Bruce Swedien et Michael Jackson, participe également de cette intensification de la suprématie vocale, amorcée dès la fin des années 1940, et qui a fini par supplanter dans l’esthétique des chansons populaires, la patte compositionnelle.
34Plus qu’à amplifier et à amener la voix du chanteur, le micro a donc permis à Bruce Swedien de faire un gros plan sur le lieu de naissance de cette dernière, le corps, faisant à sa manière du grain vocal barthésien ce « mixte érotique de timbre et de langage » (Barthes, 1973 : 88-89) en étroite relation avec la prise de son cinématographique par laquelle le sémiologue définissait son propos :
« Il suffit que le cinéma prenne de très près le son de la parole et fasse entendre dans leur matérialité, dans leur sensualité, le souffle, la rocaille, la pulpe des lèvres, toute une présence du museau humain… » (Barthes, 1973 : 88-89)
- 38 George Massenburg est ingénieur du son, producteur et designer électronique.
- 39 Propos recueillis lors d’un entretien de l’auteur avec Matt Forger au studio Westlake de LosAngeles (...)
35Pour mettre en pratique cette approche et restituer avec fidélité la vocalité corporelle de ce corps vocal, les choix techniques de Bruce Swedien ont donné lieu à des procédés de captation sonore les plus naturels possibles (dans le sens non technologique du terme) – lesquels entrent en résonance avec le souci de transparence de son ami George Massenburg 38. Opérée par la main nécessairement invisible de l’ingénieur, cette captation se devait d’englober tout un corps sonore et bruitiste, généré par le théâtre corporel de sa source, toujours en mouvement, et interagissant quelque peu avec les impulsions rythmiques de la voix. Ses mouvements de danse irrépressibles pendant les sessions d’enregistrement et l’usage percussif et émotionnel du corps du chanteur et de sa bouche (souffles, inspirations sonores, hoquet vocal, prononciation déformée ou exagérée de mots, claquement de doigts, tapements de pied), ne pouvaient qu’être, en tant que reflets de sa personnalité et de ses origines ethnico-sociales, partie prenante et nécessaire de son champ vocal. Et cela est sans compter sur la recherche directe et artisanale d’effets, que souligne Matt Forger 39, un autre ingénieur du son de l’artiste, et qui se traduit tant par des attitudes délibérées face au micro (déplacements ou mises à distance épisodiques), que par une utilisation parcimonieuse et réduite à de minimes exceptions de l’outil de compression sur la voix du chanteur (utilisation par ailleurs répandue et presque inévitable pour la plupart des artistes pop), et ce afin de ne pas annuler ou dénaturer cette dimension bruitiste assumée.
36C’est dans ce même esprit que Bruce Swedien a choisi d’enregistrer la voix du chanteur en analogique, préférant éviter les artefacts qui s’ajoutent pendant le processus numérique et dénaturent, même de façon minimaliste, la réalité. Cette préférence marquée pour une image du point source analogique et monophonique lui a permis de préserver la richesse du prisme sonore et un profil naturel. L’essentiel, pour Bruce Swedien, consistait véritablement à enregistrer et à mixer la voix du chanteur de manière à ce que les informations qui reviennent des haut-parleurs conservent et respectent autant que possible la valeur du champ sonore.
37Avant d’aborder en détail les technologies utilisées, en tête desquelles nous placerons le choix des micros, il nous faut nous arrêter sur un outil fondamental dont l’utilisation a été commandée par l’importance de la conservation des éléments corporels inhérents à cette image vocale : la plywood.
Fonction et impact de la plywood dans l’image vocale du chanteur
- 40 « One aspect of an engineer’s task is to afford performers a sense of well-being in the studio. »
« Un aspect du rôle d’un ingénieur est d’apporter aux artistes une impression de bien-être dans le studio 40. » (Zak III, 2001 : 166)
38Michael Jackson était chanteur tout autant que danseur. La pratique de ces deux arts participait d’une seule et même nature au point que le fait de chanter générait irrépressiblement chez l’artiste des mouvements corporels. Empêcher l’interprète de danser ou éliminer les impacts sonores et vocaux de ses mouvements par le biais de la compression aurait relevé de ce que Bruce Swedien appelle une approche chirurgicale totalement dénaturée.
39Afin donc de permettre à Michael Jackson d’user librement de ses mouvements et de conserver, sans avoir à les traiter artificiellement, la part juste nécessaire des bruits et percussions corporels qui font partie intégrante de sa personnalité vocale, Bruce Swedien a fait réaliser, dès 1979, une plywood (estrade en contreplaqué) qui est devenue le pôle d’enregistrement du chanteur-danseur. Cette estrade a été pensée et réalisée en conséquence : élaborée par les menuisiers du studio, d’une largeur de huit pieds et élevée à dix pouces du sol, elle a été renforcée et contre-renforcée. Sa surface a été conservée sans verni ou peinture, afin d’assurer une porosité du matériau et donc une part d’absorption phonique. Elle permettait également d’éviter qu’une mise en contact directe avec le sol ne provoque une résonance qui se propage et génère des interférences.
Des micros : choix, position et caractéristiques techniques
« [le grain de la voix] implique un certain rapport érotique entre la voix et celui qui l’écoute. » (Barthes, 1981 : 200)
40L’érotisme mis ici en évidence par Roland Barthes est étroitement lié à cette tangibilité corporelle du chanteur, ses propres « apports du corps dans l’œuvre » selon l’expression même de Paul Valery (Larnaudie, 1998), soulignés par une proximité physique avec un micro qui, nous allons le voir, sert justement d’amplificateur au grain vocal barthésien présent chez Michael Jackson.
41Si les types de microphones ont fait l’objet de choix précis dans cette restitution, nous allons voir en effet qu’il en est de même pour le positionnement du chanteur. Ainsi, pour les lignes mélodiques principales des chansons, ou leads vocaux, c’est la technique du close miking qui a été privilégiée par Bruce Swedien : en plaçant le chanteur très près du micro, il éliminait ainsi naturellement l’essentiel des réflexions et des bruits environnants, hormis le son direct de la voix. Contrairement aux pratiques courantes des studios, il n’utilisait aucun windscreen, afin de ne pas perdre les petits bruits corporels du chanteur, puis il adaptait, si nécessaire, le predelay en fonction de la vitesse du morceau, en utilisant l’emblématique E.M.T. 250 Electronic Reverberator Unit, considéré aujourd’hui encore par les professionnels comme le meilleur outil de réverbération et la référence à partir de laquelle ont été définies toutes les réverbérations digitales actuelles.
- 41 . Terme emprunté à Freud, tiré de son article Das Unheilmliche, 1919, format électronique : http:// (...)
42En plaçant ainsi le micro près de la bouche et en enregistrant les moindres bruits buccaux, respiratoires et corporels de Michael Jackson, qui font cependant l’économie de toute surcharge expressive, Bruce Swedien a finalement révélé et mis en scène cette proximité, cette intimité vocale qu’évoquait plus haut Michael Chanan, et il a mis à jour, d’une certaine façon, une part de cette « inquiétante étrangeté 41 » qui a fasciné et parfois dérangé le public.
- 42 Propos exprimés lors d’un entretien de l’auteur avec Bruce Swedien.
43Concernant le choix des micros, s’il en possède cent cinq, Bruce Swedien en a privilégié deux seulement, en prenant en considération les paramètres vocaux de Michael Jackson. Les micros, utilisés à parts inégales, ne sont pas le fruit des dernières technologies mais relèvent de valeurs sûres qu’il juge in-supplantées42. Mais, puisqu’il ne s’agit pas, pour l’ingénieur, de produire une musique scientifiquement à la pointe « qui ne communiquerait rien » (selon ses propres termes), il effectue des choix qu’il estime sans concession, sans être fondamentalement conservatistes, mais guidés par son expérience au sein des évolutions technologiques.
44C’est ainsi que le micro de prédilection de Bruce Swedien, celui-là même qu’il utilisera pour enregistrer toutes les parties vocales de Michael Jackson (exceptée une seule chanson que nous évoquons juste après), est le microphone dynamique Shure SM-7. Acheté en 1977 au Westlake Audio à Hollywood, son Shure SM-7 fut le premier à être utilisé dans des projets musicaux d’envergure. L’ingénieur du son explique son choix relativement aux prérogatives de Michael Jackson et notamment pour les qualités du son qu’il restitue, transparent, fidèle, non artificiel dans les aigus et offrant beaucoup de présence. Bien adapté aux voix dynamiques, le Shure SM-7 n’écorche pas les consonnes sifflantes dont use fréquemment le chanteur. Celles-ci passent de façon plus lisse, avec une sonorité légèrement flûtée, sans perdre corps. Au contraire, le micro enrichit légèrement la texture. Le Shure SM-7 demande en effet, conformément aux pratiques de Bruce Swedien avec Michael Jackson, à être utilisé très près de la source d’émission sonore, et confère tant une grande chaleur qui flatte la voix, qu’une restitution précise de la dynamique vocale. En enregistrant Michael Jackson avec ce micro, Bruce Swedien obtient une image sonore très nette et précise. En étant, de surcroît, peu réactif aux sons environnants, le Shure SM-7 constitue un premier filtre « naturel » aux bruits corporels du chanteur et garantit, avec la plywood, de n’en garder que la part nécessaire. C’est la raison pour laquelle Bruce Swedien n’y adjoint donc aucun windscreen supplémentaire, lequel aurait risqué d’éliminer les bruits de souffle et les émissions sonores explosives justement voulues.
- 43 Michael Jackson, HIStory Past, Present and Futur, op. cit.
- 44 Propos exprimés lors d’un entretien de l’auteur avec Bruce Swedien.
45La seule chanson qui n’a pas été enregistrée avec le Shure SM-7 est « Earth Song » sur l’album HIStory Past, Present and Futur43 en 1995, chanson au message mi-apocalyptique mi-prophétique dans laquelle Bruce Swedien a choisi de souligner et timbrer la voix du chanteur avec un micro offrant un son chaud, captant un spectre sonore plus large : le Neumann M-49. Ce micro électrostatique a été créé en 1949, commercialisé en 1950, et acquis par Bruce Swedien peu après son tout premier micro (qui fut le Telefunken U-47). Pour l’ingénieur, il constitue un excellent micro pour l’enregistrement des voix, bien que ses spécificités lui permettent d’être utilisé pour de nombreuses autres applications44. Le Neumann M-49 est multi-directif et totalement ajustable, et permet une utilisation omnidirectionnelle, intéressante pour capturer des backgrounds vocaux par exemple. Le ton riche et rond qu’il restitue confère aux sons les plus durs des couleurs agréables et chaudes. Et c’est la structure incantatoire des refrains de cette chanson, constitués de vocalises aiguës, et les ad libitum finaux traités comme des cris, qui ont imposé la nécessité d’incorporer une dose supplémentaire de chaleur à l’image vocale, et donc dicté à Bruce Swedien le choix circonstancié de ce micro.
« Earth Song » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/earthsong.mp3
46La voix, nous l’avons vu, a pris une importance considérable en tant qu’identité dans les esthétiques populaires, supplantant même l’importance du compositeur, au point de devenir un jalon essentiel dans les arrangements, détrônant même souvent les instruments.
- 45 « […] voices became central to the group’s musical arrangements – vocal harmonies and back-up choru (...)
« Les voix sont devenues centrales dans les arrangements musicaux des groupes – les harmonies vocales et les sons renforçant les refrains devaient faire le travail des cordes et des échos et des astuces de studio des disques pop pour jeunes 45. » (Martin, 1983 : 32)
47Ce même paradigme irrigue les structures vocales des chansons de Michael Jackson, notamment lorsqu’au-delà des leads vocaux qui constituent la partie émergente portée et exprimée par sa voix, sa personnalité vocale se déploie dans les différentes strates musicales des chansons, des harmonisations de la mélodie à la réalisation quasi instrumentale d’éléments mélodico-rythmiques, ou buccaux et non voisés, de l’accompagnement. Tous ces éléments font l’objet d’un enregistrement adapté afin de trouver une place dans un espace sonore que Bruce Swedien ne veut pas seulement stéréophonique, mais tridimensionnel.
Une personnalité vocale multi-expressive au sein de l’espace sonore
L’espace sonore tridimensionnel de Bruce Swedien
48L’espace sonore et la tridimensionnalité jouent un rôle important dans l’esthétique vocale enregistrée de Michael Jackson. L’espace sonore tel qu’il est exploré par Bruce Swedien peut être rapproché de la description que font Roberto Casati et Jérôme Dokic (1994 : 102) d’un « espace accessible au mouvement corporel, et dans lequel (c’est-à-dire, à certains endroits duquel) se produisent des sons, qui peuvent être localisés par un auditeur ». C’est dans cet apparent vide matériel qui entoure le corps, que la personnalité vocale de Michael Jackson et les événements sonores qui la constituent sont organisés par l’ingénieur pour façonner une épaisseur sensorielle et une image sonore dans la tridimensionnalité de l’espace. L’une soutient et valorise l’autre, comme le décor et la théâtralisation mettent en scène le personnage, ici véritable vocalité organique.
- 46 Les Paul & Mary Ford, « How High the Moon », [78 tours, 25 cm /10’ 78 rpm], Telefunken/Capitol 1466 (...)
- 47 Comme par exemple, lors de leur participation à l’émission d’Alistair Cooke « Omnibus », le 23 octo (...)
49Si pour Bruce Swedien, l’espace stéréophonique est profondément tridimensionnel, c’est qu’il ne le considère pas comme un simple effet de latéralisation, mais comme une occupation pleine du panorama acoustique par des personnages sonores dont les espaces vitaux respectifs ne s’entre-étouffent pas. À l’instar de Sophie Herr pour qui la « photographie acoustique » (Herr, 2009 : 74) brise le miroir d’une pensée selon l’œil et ne saurait donc être un quelconque reflet, Bruce Swedien ne considère pas l’image sonore comme la restitution d’une quelconque spatialisation réaliste du son et tient cette conception des années 1950, laquelle conception avait émergé suite au succès d’une chanson emblématique de Les Paul et Marie Ford « How High the Moon46 ». Celle-ci en effet, bien avant l’apparition des enregistreurs multipistes, était construite autour d’une superposition de lignes vocales et harmoniques préenregistrées appelée overdubbing, sur laquelle, lors de présentations télévisées qui mettaient en avant cette nouveauté 47, la mélodie principale était la seule voix qui soit posée en direct, en réalité. La prise de conscience liée à cette chanson avait été, pour Bruce Swedien, de faire évoluer la notion d’exactitude sonore, cette quête de pureté symbolisée par la high fidelity, en une notion d’image sonore globale, dotée d’une profondeur de champ et d’un relief acoustique dont les limites étaient désormais fixées par l’imaginaire du créateur-compositeur-ingénieur. Et l’idée de transparence, évoquée plus haut, intervient justement lorsque la manipulation de la réalité sonore devient, pour l’auditeur, une réalité en elle-même.
- 48 Acoustic Sciences Corporation (ASC) a été fondée par l’ingénieur du son Arthur M. Noxon en 1984. De (...)
50Pour placer la voix de Michael Jackson, avec toutes ses composantes esthétiques et organiques, dans un cadre sonore qui la souligne ou l’enrobe en faisant l’économie d’effets artificiels à contrepied de l’authenticité recherchée, Bruce Swedien s’attache à créer des espaces acoustiques réels et modulables au sein du studio. Son choix va porter, comme pour les Monster Cable, sur du matériel de pointe avec l’adoption, dès l’album Bad en 1987, de gobos d’une toute nouvelle génération appelés Tubetraps, pensés et réalisés par son ami Arthur M. Noxon d’Acoustic Sciences 48. Ces Tubetraps (traps signifiant « pièges ») sont des cylindres aux formes étudiées, montés sur pieds et pourvus de revêtements acoustiques spéciaux qui permettent la modulation d’espaces dotés de caractéristiques sonores pouvant être, en dépit des variables extérieurs, hautement prévisibles. Les Tubetraps, variation des Quick Sound Fields, sont rapides à la fois en termes d’installation, mais également de réactivité, puisqu’ils recréent un champ sonore réaliste sans réflexion importune ou écho flottant. Certains cylindres sont creux et recouverts de fibre de verre densément tissée. Il en découle un taux de pression important entre la surface fortement résistante et l’intérieur vide, différentiel de pression qui contribue à maximiser la vitesse acoustique. La particularité novatrice de ces Tubetraps fut que, dans un même temps, toute la surface du cylindre absorbait le spectre des basses, tandis qu’une moitié permettait également de diffuser avec une brillance et une clarté contrôlée, le spectre aigu. Cette acoustique hybride est rendue possible par la suspension d’une mince mais lourde feuille de plastique mou perforée qui couvre à moitié la face avant du cylindre. Les propriétés hybrides de la feuille plastique permettent l’absorption des basses fréquences et la réflexion des hautes. Ces Tubetraps étaient donc installés autour de la plywood sur laquelle chantait Michael Jackson, et disposés sur la base d’un cercle de trois mètres de diamètre. Cependant, il est à noter que le chanteur, familiarisé avec les outils des studios et leurs contraintes d’utilisation, ajustait lui-même leur position suivant les réflexions vocales qu’il souhaitait obtenir.
51C’est donc au sein de ces espaces acoustiques maîtrisés qu’était enregistré le chanteur, et, couplée aux techniques de prise de voix que nous allons évoquer à présent, cette mise en espace joue sur la proximité et la physicalité tout en soulignant les aspects vocaux caractéristiques convoqués par l’esprit et la sève musicale propres à chaque chanson.
Les leads vocaux : une présence soulignée
52Nous l’avons vu, les leads vocaux de Michael Jackson étaient enregistrés monophoniquement et analogiquement, le chanteur étant positionné très près du microphone Shure SM-7 pour ne pas perdre toutes les particules bruitistes et corporelles liées à son identité sonore. Mais Michael Jackson réalisait également lui-même ses harmonies vocales, superposant avec une précision sur laquelle insiste Bruce Swedien, son vibrato sur chaque ligne. Dans cette phase des enregistrements, le chanteur doublait tout d’abord la même piste en conservant la même proximité avec le micro, puis, à la troisième prise, reculait et réenregistrait une nouvelle fois la même ligne mélodique. Bruce Swedien montait ensuite le niveau sonore de cette troisième prise au même degré que les deux précédentes. Ce procédé générait une augmentation de la proportion des early reflections et créait un premier renforcement de la richesse sonore.
- 49 Blumlein Pair est le nom d’une technique d’enregistrement stéréotechnique inventée par Alan Blumlei (...)
- 50 Alan Dower Blumlein (29 juin 1903 – 7 juin 1942), ingénieur anglais en électronique, célèbre pour s (...)
53Une quatrième prise lui permettait d’enregistrer à une distance encore plus lointaine, mais cette fois en stéréophonie, au moyen de deux microphones configurés en une paire X-Y, ou « Blumlein Pair 49 ». Cette méthode a été conçue par Alan Dower Blumlein 50 : elle est la technique stéréophonique la plus connue et celle que privilégie Bruce Swedien. Très simple, elle consiste à placer deux microphones bidirectionnels, l’un en face de l’autre de manière à ce que les capsules convergent autant que possible en gardant entre elles un angle de 90 degrés. Le résultat de cette prise était ajouté aux précédentes.
- 51 Michael Jackson, Off the Wall, (Special edition), op. cit.
- 52 Michael Jackson, Invincible, [disque 33 tours, cassette, CD], op. cit.
54C’est cette addition d’early reflections qui est à l’origine de la profondeur de champ dont sont affublés les différents blocs d’harmonies vocales de nombre des refrains des chansons de Michael Jackson. Le titre « Rock With You 51 » de l’album Off the Wall, fut le premier à faire entendre ce procédé, et génère un effet acoustique novateur pour l’époque, son aboutissement étant, à l’autre bout de sa carrière, les larges déploiements vocaux de la chanson « Butterflies 52 » en 2001.
« Butterflies » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/butterflies.mp3
« Rock With You » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/rockwithyou.mp3
« Rock With You » (2nd extrait) : http://www.seteun.net/IMG/mp3/rockwithyou-2.mp3
- 53 Michael Jackson, Bad, op. cit.
55Notons que le même procédé est appliqué au chœur d’Andrae Crouch dans la chanson « The Man in the Mirror 53 » de l’album Bad et y génère une densité sonore qui démultiplie le chœur et le rend présent dans tout le champ. Il faut préciser que dans ce cas particulier et puisqu’une importante réverbération était ajoutée à cette partie vocale, Bruce Swedien a veillé précisément à prévoir suffisamment de retard initial pour que la réverbération ne couvre pas les early reflections.
« Man in the Mirror » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/maninthemirror.mp3
Les harmonies vocales : impact de la stéréophonie et profondeur de champ
Le caractère poly-expressif de la personnalité vocale de Michael Jackson est ainsi exploité, souligné et mis en valeur par le biais des techniques d’enregistrement.
- 54 Michael Jackson, HIStory, Past, Present and Future, op. cit.
- 55 Selon l’expression employée par un dirigeant de label devant Bruce Swedien à l’époque.
56Nous avons vu comment les harmonies vocales du chanteur sont non seulement stratifiées mais aussi mises en perspective dans le champ acoustique et quel impact les prises de son stéréophoniques jouent dans cette mise en scène sonore : appliquées aux backgrounds vocaux, elles jouent sur la profondeur du champ ; appliquées au chœur, elles confèrent à ce dernier une présence tangible. Enfin, utilisée pour l’orchestre, comme dans la chanson « Childhood 54 », la stéréophonie exploitée par Bruce Swedien tisse un réseau de relations spatiales entre l’ensemble instrumental et l’auditeur et maintient ce dernier dans une vraie perspective d’auditoire de concert. L’intérêt de la stéréophonie s’était également imposé à Bruce Swedien dès les années 1950, alors que nombre de dirigeants des sociétés d’enregistrement n’avait pas pressenti la révolution qui se profilait et ne souhaitait pas investir dans ce domaine. Alors que certains d’entre eux gageaient que, pas plus qu’« une douche avec deux pommeaux55 » la stéréophonie n’avait d’intérêt, Bruce Swedien, à l’instar de son modèle et ami Bill Putman, avait, au contraire, installé un poste de commande séparé et dissimulé à l’arrière du studio pour réaliser des expérimentations en stéréo, qui lui ont permis d’avoir ensuite une longueur d’avance dans ce domaine. Il avait, en effet, saisi dès le début son intérêt en termes de profondeur d’espace sonore et d’impact expressif.
- 56 Bruce Swedien insiste bien sur la notion de « paire stéréophonique » à ne pas confondre avec un enr (...)
- 57 Album Back on the Block, [CD], prod. Quincy Jones, label Dreamworks, ASIN : B000A2H8WQ, 1989, réed. (...)
- 58 Notons enfin qu’à l’heure actuelle, avec les workstations audio digitales, le nombre de pistes est (...)
57Notons que les enregistrements de Bruce Swedien par paires stéréo, appliqués aux backgrounds vocaux mais surtout de façon systématique aux instruments, constituèrent longtemps une méthode de travail unique, baptisée Acusonic Recording Process par Quincy Jones et qui a fait repenser la notion de stéréophonie à toute une génération d’ingénieurs. Soupçonné à une certaine époque d’être un nouvel outil technologique tenu secret, l’Acusonic Recording Process (combinaison des mots accurate, se référant à la précision de l’imagerie sonore de la vraie stéréo, et sonic se référant au son que l’on cherche à personnaliser) désignait en fait un procédé pensé par Bruce Swedien visant à combiner plusieurs enregistreurs multipistes, afin de multiplier les paires stéréophoniques56. Il en a utilisé jusqu’à quatre-vingt-seize pour la chanson « Places You Find Love57 » de Quincy Jones. La musique de Michael Jackson nécessitait en moyenne soixante-six pistes audio (soient trois appareils de vingt-quatre pistes reliés, sachant qu’une piste de chaque appareil servait à synchroniser le SMPTE timecode et qu’une autre était gardée vide pour éviter de générer une interférence) (Swedien, 2009a : 109-110). Le fait d’avoir à disposition autant de pistes que nécessaire58 a ainsi permis à Bruce Swedien de multiplier les images stéréo dans les champs sonores de la musique de Michael Jackson et ce procédé a contribué plus que tout autre à créer une démarcation qualitative et une nouvelle identité sonore.
« Places You Find Love » : http://www.seteun.net/IMG/mp3/placesyoufindloveQuincyJones.mp3
- 59 Propos exprimés lors d’un entretien de l’auteur avec Bruce Swedien.
58Mais les harmonisations vocales du chanteur ont également donné lieu à d’autres procédés d’enregistrements spécifiques. En effet, très tôt dans sa collaboration avec Michael Jackson, Bruce Swedien a saisi l’opportunité de créer, à partir de la voix du chanteur, une perspective sonore usant de la largeur et de la profondeur de l’espace. Il explique que les compétences vocales de l’artiste, couplées avec son intérêt et son goût pour les expérimentations sonores, en faisaient un vaste laboratoire d’expériences. De plus, Quincy Jones et Michael Jackson ayant toujours été enthousiasmés par le sens créatif de Bruce Swedien, ce dernier avait toute latitude pour apporter sa propre personnalité à la musique. C’est dans ce contexte propice que, adepte des techniques naturelles, Bruce Swedien a fait réaliser en direct à Michael Jackson des effets sur les doublages de sa voix principale : pour donner encore davantage de relief à la texture sonore de ces blocs vocaux, l’ingénieur du son s’employait à ralentir très légèrement l’enregistrement de la voix principale en cours de doublage (trois ou quatre pour cent), et donc, par la même occasion, à baisser très légèrement sa tonalité. Michael Jackson enregistrait la doublure en tenant compte de cette nouvelle micro-tonalité. Puis, Bruce Swedien combinait les deux voix, avec leur quasi-imperceptible décalage de fréquence, en mixant le niveau sonore de la piste du double légèrement en-deçà de celle du lead vocal. Cette technique, qui nécessite un bon sens tonal relatif et une grande précision vocale, comme le souligne Bruce Swedien pour qui cette expérience est restée unique 59, permettait d’apporter un soutien à la voix en enrichissant son spectre sonore de façon naturelle et réelle, sans recourir à des retraitements artificiels.
Conclusion
59Ainsi, si Michael Jackson n’a jamais eu de cesse de développer, enrichir ou renouveler sa personnalité vocale et musicale, il a porté en parallèle un soin particulier à la transmission fidèle de celle-ci. Il a eu à cœur de développer une esthétique innovante et indépendante, symptomatique d’un moteur qui consiste à aller toujours de l’avant plutôt que de goûter au confort sûr du succès précédent. En doublant ses aptitudes vocales d’un travail quotidien relatif à sa tessiture et à son timbre vocal, il est parvenu à créer une personnalité sonore originale, convoquant et réhabilitant dans sa voix toute la sphère corporelle.
60À l’instar de la création contemporaine qui goûte à ce grain de la voix barthésien et qui tend l’oreille au corps, l’approche de Michael Jackson s’est, en effet, portée sur le réinvestissement, au sein du champ vocal, d’une physicalité tangible. Utilisant sa voix comme un instrument de musique à part entière, le chanteur l’a posée sur toutes les strates musicales de ses chansons, incluant mélodie, harmonies, cellules voisées ou projections rythmiques du canevas mélodico-rythmique, lignes vocalisées de basse. Il ne l’a pas cantonnée à être le vecteur d’une expression de l’intellect et de l’émotion, mais l’a établie comme média sonore d’un corps entier interagissant organiquement dans l’image vocale et dont les plus petites particules de présence, maintenue dans le spectre du mix final, jouent un rôle fondamental dans la restitution de cette authenticité. Les techniques employées à cet effet par l’ingénieur du son Bruce Swedien ont visé, par des stratégies de studio évitant les retraitements artificiels, à architecturer chaque intervention vocale, qu’elle soit linéaire ou pointilliste au sein d’un espace acoustique profondément tridimensionnel, sans rien perdre du lien d’intimité auditive tissé entre l’interprète, à travers son double sonore, et l’auditeur.
61Michael Jackson a établi sa personnalité vocale au travers d’une esthétique musicale populaire très large, non stigmatisée, en développant une pluralité expressive tournée vers la multiplicité des références esthétiques, ethniques ou sociales du syncrétisme culturel pop. Certes, les conditions de travail offertes par l’artiste, en termes de budget et de temps, demeureront pour longtemps une exception expliquant les longues stratégies de studio souvent mises en place − de l’enregistrement parcimonieux d’orchestres à la création d’entités sonores inédites combinant éléments concrets, timbres électroniques et instrumentaux – ainsi que le jusqu’au-boutisme des démarches. En effet, Michael Jackson a autofinancé une grande partie de son travail en studio, cherchant par la même occasion à conserver une certaine autonomie ; il a également doté les studios de matériel de pointe et octroyé des délais de travail très étendus, se confrontant parfois aux impératifs des contrats ; bref, il est parvenu à réunir des facteurs primordiaux qui ont tous et chacun contribué à la réalisation d’un travail de fond.
62Mais, au-delà, l’éthique sonore et artistique partagée par Michael Jackson et Bruce Swedien restera probablement, en amont de toute autre donnée technique, la clé de ce qu’il convient d’appeler une véritable démarcation musicale au sein des musiques populaires internationales du XXe siècle.
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Zak III Albin J. (2001), The Poetics of Rock. Cutting tracks, making records, Berkeley, University of California Press.
Notes
1 L’histoire de la chanson « Who’s Loving You » est, à cet égard, révélatrice : celle-ci, écrite en 1960 par Smokey Robinson, n’avait toujours trouvé qu’une seconde place en face B des 45 Tours, jusqu’à la reprise des Jackson 5. Parlant de rupture, de maltraitance conjugale, de culpabilité, elle n’était pas le genre de chanson pouvant être interprétée par un enfant de dix ans. Et pourtant, séduit par la version enregistrée par Michael Jackson, Smokey Robinson demande à rencontrer l’interprète et se trouve tellement étonné d’être face à un enfant qu’il demande à vérifier son identité et sa date de naissance, chose courante pour l’enfant qui était souvent soupçonné d’être un « nain » par ses adversaires lors des concours d’amateurs qu’il passait.
2 « The five young brothers […] impressed Berry Gordy with their precocious professionnalism, discipline, and raw talent at their audition in the summer of 1968. »
3 En jouant sur les valeurs sûres de son catalogue, la Motown sécurise financièrement quelques succès phares qui assureront ensuite la promotion d’inédits sur chaque album. Citons parmi ces reprises des titres de Dionne Warwick, Stevie Wonder, the Four Tops, the Supremes, the Temptations, the Miracles, the Isley Brothers, Sly and the Family Stone, Ray Charles, George Clinton, Simon & Garfunkel, Marvin Gaye, Petula Clark, Funkadelic, Carole King ou encore the Crests.
4 The Jacksons (1976), Goin’ Places (1977), Destiny (1978), Triumph (1980), Victory (1984), 2300 Jackson Street (1989 Michael Jackson n’y apporte qu’une contribution vocale dans les chorus).
5 The Jacksons, [disque 33 tours, cassette, CD], prod. Gamble and Huff / Philadelphia International Records, label Epic, 1976.
6 Il s’agit de « Blues Away » et « Style of Life », album The Jacksons, ibid.
7 The Jacksons, Goin’ Places, [disque 33 tours, cassette, CD], prod. Gamble and Huff / Philadelphia International Records, label Epic ASIN : B0012GN0LW, sortie 18 octobre 1977.
8 The Wiz, film musical américain de Sydney Lumet, sorti en 1978 ; adaptation de la comédie-musicale créée à Broadway en 1975..
9 « It is important for singers to develop a unique style […] The singer must cultivate thoses aspects of his singing which are unique to him. »
10 Seth Riggs professeur de chant, est le créateur du « Speech Level Singing », méthode inspirée de la technique vocale lyrique. Ayant lui-même fait carrière à l’opéra et à Broadway, il s’est ensuite tourné, voilà cinquante ans, vers l’enseignement, ayant pour élèves des chanteurs, acteurs, danseurs, fantaisistes issus du star system américain (Ray Charles, Barbara Streisand, Stevie Wonder, Madonna, Prince) ou francophone (Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Mireille Mathieu). Il préside des Master-classes de technique vocale dans les collèges et universités du monde entier et a aussi apporté son aide à des docteurs américains spécialistes des troubles organiques et fonctionnels de la voix, participant à l’élaboration de thérapies vocales.
11 . Seth Riggs nous a expliqué qu’il avait souhaité faire enregistrer un disque de chant lyrique à Michael Jackson, car, bien qu’il n’ait pas la technique parfaite d’une voix lyrique, il chantait de façon adaptée et surprenante ce répertoire, ce que nous avons pu constater à l’écoute d’un extrait de ses enregistrements personnels. Seth Riggs nous a confirmé que Michael Jackson écoutait d’ailleurs régulièrement les ténors Georges Thill, Edmond Clément, le baryton Michel Dens ou la soprano coloratura Nathalie Dessay. Il lui avait fait travailler des œuvres françaises comme « Le rêve » dans Manon, « Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps ? » des Contes d’Hoffmann, ou encore « Salut ! Demeure chaste et pure » du Faust de Gounod.
12 Michael Jackson, Invincible , [disque 33 tours, cassette, CD], prod. Michael Jackson, Label/Réf : Epic / Sony EPC 495174 2, sortie 30 octobre 2001.
13 . Un exemple emblématique de cette voix de tête non détimbrée est la chanson « Don’t Stop ‘Til You Get Enough » de l’album Off the Wall, op. cit., que l’on peut mettre en balance avec le falsetto volontairement vaporeux d’un titre comme « Fall Again », album Ultimate Collection, [CD 4], prod. Michael Jackson, Label/Réf : Sony Music Entertainment / BMG Entertainment, sortie 16 novembre 2004.
14 « Michael was able to hear a sound around the corner », propos tenu par Bruce Swedien lors des différents entretiens avec l’auteur, à Paris et en Floride.
15 John Robinson, pianiste et batteur américain ayant travaillé sur l’album Off the Wall, explique : « Il créait des overdubs pour chacune des parties de chant et superposait les couches de parties chantées. La seule autre personne que j’ai entendu faire ça, c’est Chaka Kahn. Elle le fait mieux que n’importe qui, mais Michael était extraordinaire à ce niveau. Je l’entendais placer une troisième note sur un ensemble de quatre, et je me disais en me basant sur ma connaissance harmonique acquise à l’université de Berkeley que ça n’allait pas sonner juste. Et, tout d’un coup, il ajustait la quatrième note là-dessus et tout s’imbriquait parfaitement. » (Cachin, 2009 : 22-23)
16 Nous reviendrons sur ce travail dans la seconde partie.
17 Michael Jackson, Off the Wall, (Special edition), [CD] ,prod. Inc, label Epic / Sony ASIN : B0025 M0LTG, (1979) sortie 16 octobre 2001.
18 Michael Jackson, Off the Wall, (Special edition) ibid., piste 18 « Voice-over Intro Rod Temperton Inteview ». Rod Temperton (Rodney Llyn Temperton) auteur-compositeur et arrangeur anglais, né en 1947, a composé et arrangé huit titres pour Michael Jackson et travaillé sur les albums Off the Wall et Thriller.
19 Michael Jackson, Dangerous, [cassette, CD], prod. Teddy Riley, Michael Jackson, Label/Réf : Epic / Sony EPC 504424 2, sortie 21 novembre 1991.
20 Michael Jackson a consacré une part importante de son temps et de ses finances à des recherches dans ce domaine. Il a mis à contribution de nombreux ingénieurs et techniciens pour façonner des concepts originaux et novateurs pour l’époque. Chuck Wild, qui a travaillé de longs mois à la création de sons pour les albums HIStory et Blood on the Dancefloor, nous a ainsi expliqué comment il avait répondu à la requête de Michael Jackson, qui souhaitait dès 1995, combiner et fondre sons concrets, électroniques et instrumentaux dans une même entité qui se devait d’être à la fois méconnaissable, totalement inédite, mais empreinte, en un seul son, de l’esprit de chaque chanson.
21 Le Beatboxing ou Human beatbox est un terme évoquant l’imitation multivocaliste d’une boîte à rythmes, laquelle trouve son développement le plus abouti dans la culture urbaine hip-hop américaine. Michael Jackson a progressivement mis en place cette expression dans ses chansons comme la terminaison logique de ses bruits vocaux et buccaux jusque-là disparates. Les prémisses officielles de son beatboxing ouvrent la chanson « Speed Demon » de l’album Bad. Dès lors, le beatboxing va être une composante musicale importante agrémentant et enrichissant la polyphonie vocale et timbriste de ses chansons. Mais elle est d’autre part un moyen fondamental pour le chanteur de transmettre oralement ses compositions à ses musiciens et ingénieurs, en leur proposant ainsi un canevas mélodico-rythmique plutôt complet de sa chanson.
22 Michael Jackson, Shout, [CD Single, 12’’, 7’’] prod. Michael Jackson, R. Kelly, label Sony, 2001, face B de Cry.
23 Michael Jackson, HIStory, Past, Present and Future, [CD], prod. Michael Jackson, Label/Réf : Epic / Sony EPC 474709 2, sortie 16 juin 1995, CD 2.
24 Michael Jackson, Thriller, op. cit.
25 Michael Jackson, Bad , Special Edition [CD], prod. Quincy Jones, Michael Jackson, Label/Réf : Epic / Sony ASIN : B00005NUZO, (1987) sortie 15 octobre 2001.
26 Rock et rap sont, en effet généralement opposés dans leur principe. Ainsi, le rock, qui se traduit vocalement par des textures rauques qui ne sont pas sans évoquer la distorsion sonore, est également attaché au support instrumental, lequel peut être par ailleurs développé dans des pièces musicales pures, et rejette la vocalité primordiale des rappeurs dont les instruments sont enfermés dans des boîtes à rythme ou des samples. Quant au rap, il privilégie l’expression vocale et semble souvent tourner en dérision l’outil-instrument de musique autant que la barrière sociale que représentent matériellement son acquisition et symboliquement l’accès à sa pratique (Gilles Boudinet).
27 C’est le cas, par exemple, dans « Black or White », album Dangerous, op. cit. Dans cette chanson, le double-pont (pensé comme tel avec ses seize mesures scindées par un break d’une mesure) restait, après 18 mois de travail sur la chanson, le dernier élément de composition à élaborer, et a été pensé par Bill Bottrell et Michael Jackson comme un pont vocal soutenu et renforcé par des guitares rock suivi dans sa seconde partie par un rap.
28 « The best engineers draw their reservoir of knowledge and experience to manage the interface between music and machine, art and technology, with a sensitivity to musical expression guiding their own technical "performance". »
29 Même si Bruce Swedien a participé à des projets ultérieurs pour Michael Jackson, comme l’enregistrement du collectif de la chanson à vocation caritative « What More Can I Give » en 2003.
30 Propos recueillis au cours de différents entretiens avec l’auteur.
31 Noel Lee, fondateur en 1979 de la société Monster Cable Products, Inc est un ingénieur en fusion-laser au Laboratoire de Lawrence-Livermore, mais également audiophile et batteur professionnel.
32 Michael Jackson, Bad, op. cit.
33 « Certain producers […] choose their engineers very carefully, because the producers know that those engineers are going to bring certain aspects to the record », propos de Kevin Killen, producteur de Peter Gabriel et ingénieur du son de Kate Bush et U2.
34 Michael Jackson enregistrait en effet très souvent en les superposant l’essentiel des parties vocales et musicales (mais réalisées vocalement) des chansons, fournissant ainsi des démos polyphoniques a cappella très élaborées. Un exemple édité, très parlant est la démo de la chanson « Beat It », album This Is It, [CD], prod. Michael Jackson & John McClain, Label/Réf : Jive Epic Group, ASIN : B002Q4U9YU, sortie 26 octobre 2009.
35 Il est intéressant de constater que Sophie Herr et Bruce Swedien établissent la même frontière entre les notions de photographie acoustique et de personnalité vocale d’une part et celles d’image acoustique (chez Sophie Herr) et d’image sonore (chez Bruce Swedien).
36 « […] close microphone placement brings the sound forward, suggesting, as one writer says of Bing Crosby’s crooning, "an intimate, personal relationship with fans". »
37 « What I listen for is transparency, where the idea moves from its inception to the listener with the least amount of forces impeding it », propos de George Massenburg.
38 George Massenburg est ingénieur du son, producteur et designer électronique.
39 Propos recueillis lors d’un entretien de l’auteur avec Matt Forger au studio Westlake de LosAngeles. Matt Forger a travaillé à de nombreuses reprises avec l’artiste sur les albums Thriller (1982), E.T. Story-board (1982), Victory (The Jacksons, 1984), Bad (1987), Dangerous (1991), HIStory (1995), Blood on the Dancefloor (1997), ainsi que sur les musiques des courts-métrages Captain Eo (1986) et Ghosts (1996).
40 « One aspect of an engineer’s task is to afford performers a sense of well-being in the studio. »
41 . Terme emprunté à Freud, tiré de son article Das Unheilmliche, 1919, format électronique : http://classiques.uqac.ca/classiques/freud_sigmund/essais_psychanalyse_appliquee/10_ inquietante_etrangete/inquietante_etrangete.pdf
42 Propos exprimés lors d’un entretien de l’auteur avec Bruce Swedien.
43 Michael Jackson, HIStory Past, Present and Futur, op. cit.
44 Propos exprimés lors d’un entretien de l’auteur avec Bruce Swedien.
45 « […] voices became central to the group’s musical arrangements – vocal harmonies and back-up chorus sounds had to do the job of the strings and echoes and studio tricks of the teen pop records », propos de Simon Frith.
46 Les Paul & Mary Ford, « How High the Moon », [78 tours, 25 cm /10’ 78 rpm], Telefunken/Capitol 14660. Chanson écrite par Morgan Lewis (musique) et Nancy Hamilton (paroles) en 1940, enregistrée en 1949 par Art Tatum pour Capitol Records, puis interprétée par Les Paul et Mary Ford dans différentes émissions télévisées en 1951.
47 Comme par exemple, lors de leur participation à l’émission d’Alistair Cooke « Omnibus », le 23 octobre 1953.
48 Acoustic Sciences Corporation (ASC) a été fondée par l’ingénieur du son Arthur M. Noxon en 1984. Depuis, ASC s’est forgée une réputation mondiale dans le domaine du traitement acoustique.
49 Blumlein Pair est le nom d’une technique d’enregistrement stéréotechnique inventée par Alan Blumlein et visant à recréer les caractéristiques spatiales du signal enregistré.
50 Alan Dower Blumlein (29 juin 1903 – 7 juin 1942), ingénieur anglais en électronique, célèbre pour ses nombreuses inventions dans les domaines des télécommunications, de l’enregistrement sonore, de la stéréo, la télévision et le radar. Il a reçu 128 récompenses et fut considéré comme un des plus importants ingénieurs et inventeurs de son époque. Il a mis en place la technique d’enregistrement appelée « binaural sound » en 1931.
51 Michael Jackson, Off the Wall, (Special edition), op. cit.
52 Michael Jackson, Invincible, [disque 33 tours, cassette, CD], op. cit.
53 Michael Jackson, Bad, op. cit.
54 Michael Jackson, HIStory, Past, Present and Future, op. cit.
55 Selon l’expression employée par un dirigeant de label devant Bruce Swedien à l’époque.
56 Bruce Swedien insiste bien sur la notion de « paire stéréophonique » à ne pas confondre avec un enregistrement sur deux canaux en mono, confusion visiblement très répandue dans le milieu pop.
57 Album Back on the Block, [CD], prod. Quincy Jones, label Dreamworks, ASIN : B000A2H8WQ, 1989, réed. 9 août 2005. L’organisation est, certes, acrobatique, mais Bruce Swedien dit aimer ce genre d’exercices.
58 Notons enfin qu’à l’heure actuelle, avec les workstations audio digitales, le nombre de pistes est virtuellement illimité.
59 Propos exprimés lors d’un entretien de l’auteur avec Bruce Swedien.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Isabelle Stegner-Petitjean, « “The Voice in the Mirror”. Michael Jackson : d’une identité vocale à sa mise en image sonore », Volume !, 8 : 2 | 2011, 221-253.
Référence électronique
Isabelle Stegner-Petitjean, « “The Voice in the Mirror”. Michael Jackson : d’une identité vocale à sa mise en image sonore », Volume ! [En ligne], 8 : 2 | 2011, mis en ligne le 15 décembre 2013, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/volume/2760 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/volume.2760
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