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Tribune

Construction de situations collectives d’invention – homestudio et dispositifs audio en réseau

Collective Creations: Homestudio and Network-Based Audio Tools
LABO
p. 19-42

Notes de l’auteur

10 novembre 2002. version 0.1e
NB : Ce texte est laissé à la disposition des artistes et des chercheurs, afin qu’ils puissent le développer, le compléter voire le corriger. Ce texte est en libre circulation et peut être modifié à la seule condition que les modifications et les augmentations soient communiquées à l’adresse audiolabo@free.fr ou à jukebox@thing.net et qu’il soit publié et transféré dans son intégralité. La source de ce document est téléchargeable à l’url suivante : http://audiolabo.free.fr/labo.html. Il sera automatiquement mis à jour au fur et à mesure des contributions.

Texte intégral

We create experiences and ambiances with audio architecture.
We are an anonymous collective of artists and musicians experimenting w/ audio & radio.
We reactualize a drifting theory thru post-radio, sound-systems and computers.
We explore portable, mobile, temporary & immersive audio spaces.
We favour loading forms, immaterial works and time-based objects.
We experiment micro-forms & replicas & duplicatas & palimpsests.
We develop social tactics & share a creative, experimental, workspace.
We open up a lo- & hi-tech critical audio-lounge and a musical floodnet.
We push DIY to DBO (done by other) and finally DWO (done with others) actions.
We are not vaporware, software, hardware but listening groupware.
We become only operators of the downfall of the centralized systems.
We say networks = free co-op production-diffusion-distribution-critical spaces.
We extend the virtual homestudio to virtually everyone.
We provide temporary on-air audio & handy interfaces for spare-time social occupation.
We want to extend the idea of soundscape to webscape (soundwalks to webwalks).
We want to change the way you listen to the world and to your immediate environment.
We expand telematic situations and sonic revolutions.
We work on sampled & non-stop streams & audio TAZ.
We will be able to remain anonymous.
We plug our angers out of your ears.
We use nanosounds and macrosounds.
We are involved in digital ecology.
We want a direct economy.
We ignore music industry.
We simply do research.
We are audio datasquares and we open radiophonic picnics.

Wear headphones and switch on your radio.

Les pratiques audio

1Il s’agirait d’envisager le coefficient expérimental des pratiques audio, voire audionumériques, dans les domaines des arts plastiques et de la musique, à l’heure de l’hégémonie de l’industrie musicale et de la marchandisation artistique et d’en dégager les pratiques émergentes liées à la création en apercevant que celle-ci n’aurait plus de sens en tant que réalité autarcique, autonome et identifiable. La compartimentation de l’activité artistique vue comme une pratique solitaire et « géniale » ainsi que la réification de l’oeuvre comme catharsis « aut(h)orisée » sont en train de voler en éclats dans un contexte dans lequel se développent les configurations homestudio et laptop, les projets connectiques et collectifs dans la perspective des réseaux, les plates-formes d’autoproduction et de diffusion libre, anonyme et délibérée. Nous ne pouvons plus avoir une approche synthétique et d’ensemble des mutations en cours et des logiques d’occupation qui deviennent de plus en plus modulaires, prenant le pas sur les pratiques traditionnelles de présentation artistique. Nous sommes passés des concerts de musique contemporaine et des expositions d’installations sonores à des modes d’occupation audio.

Les pratiques audio en art

  • 1 Cf. l’’exposition « Murs du Son » durant l’été 1995 à la Villa Arson, exposition qui est très souve (...)

2Depuis plusieurs décennies, les pratiques audio et sonores se sont développées dans l’art contemporain à partir de contextes et d’intentions plus ou moins singuliers. Entrer dans une salle vide « modifiée » par une diffusion sonore, « sonoriser » un objet ou une installation afin d’« augmenter » sa dimension, ou bien encore redéfinir un « espace » temporaire d’écoute (via un casque stéréophonique, une cabine isolée ou une édition audio, etc.) ont toujours eu à voir avec les notions de disparition et d’occultation. Ceci a notamment été exploré par de multiples expositions depuis une vingtaine d’années, avec plus ou moins de succès, et ceci encore aujourd’hui de manière exponentielle1. De nombreux artistes, dans l’actualité ou dans une perspective historique, ont développé des oeuvres et des dispositifs faisant appel au medium son et à ses éléments contextuels. Ces investigations ont toujours marqué des positionnements radicaux et critiques à propos des modalités des pratiques d’exposition, de l’ordre de la dématérialisation voire de l’immatérialité. De par leur perméabilité, leur puissance de contamination et leur proximité envers les technologies, ces pratiques ne se démarquent pas volontairement des territoires des musiques expérimentales et de ceux initiés par l’art sonore et ses branches diverses (microsound, phonographie, poésie sonore, soundwares, etc.).

  • 2 Une petite digression à propos de Marcel Duchamp : « On peut regarder (quelqu’un) voir ; on ne peut (...)

3D’autre part, la nature et les qualités multiples, et la plupart du temps non-objectales, de ces pratiques permettent d’interroger les catégorisations artistiques actuelles et d’envisager de nouveaux points de vue sur les activités de création2. Elles renouvellent les codes de l’art conceptuel et de l’art performatif ainsi que des logiques d’installation et du multimedia (video, cdrom, etc.). Ces investigations ouvrent des espaces critiques plus larges. En effet, les champs esthétique et artistique couvrent l’ensemble des objets et non seulement ceux matériels et fixés, stables et déposés, soumis à la compétition, et il semblerait que les pratiques artistiques liées à l’audio, l’audio-numérique et ses activités incidentes (programmation, réseaux, etc.) offrent des points de vue, créent des situations et construisent des environnements dans lesquels la notion d’oeuvre au sens historique semble dépassée. Ces pratiques se développent sans mur, disséminées, mobiles et temporaires, créent des « ambiances ».

  • 3 Citations de Constant et de Debord : « Le travail collectif que nous nous proposons est la création (...)
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  • 5 Walter Benjamin, « l’auteur devient producteur » (Essais sur Bertolt Brecht) : « il ne peut plus se (...)

4En 1958 et à la suite de Guy Debord, Constant, membre de l’IS parle de manière visionnaire de la pratique artistique comme « construction des ambiances »3 et nous pourrions prolonger cette prospective par le développement de situations et de dispositifs d’expérimentations exogènes, en faisant l’économie du medium symbolique qui d’habitude l’autorise et le légitime (l’exposition, le concert). D’une gestion « de fait » des objets et des oeuvres4, nous sommes passés à des hypothèses d’opérations et de productions dont les interfaces possèdent de multiples entrées et sorties. Les pratiques audionumériques en sont les prototypes. Celles-ci compilent, « midifient », samplent et mixent, re-mixent et renouvellent la mimésis par la réappropriation, le recyclage et par des activations opératoires « en temps réel », « en process » ou bien encore « programmées » et non plus contemplatives, nostalgiques voire héroïques. La machine de reproduction devient machine d’invention5. L’audio irrigue les objets spatiaux et les objets temporels, relativisés, reproductibles et non absolus, actifs et impliqués, et non simples jeux de l’apparence.

Les pratiques audio en musique

  • 6 Les festivals et les concerts de musique contemporaine sont devenus depuis vingt ans des « playlist (...)
  • 7 « Il faut en finir avec la musique-sous-verre, il faut lui faire reprendre pied dans la réalité, av (...)
  • 8 Il suffirait de citer ici en exemple un extrait de l’éditorial du Festival de Musiques Contemporain (...)
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  • 10 Pourtant quelques compositeurs ont tenté de résister au sein du territoire de la musique contempora (...)

5Des considérations (intempestives) identiques et parallèles pourraient être menées dans l’observation des champs de la musique contemporaine, en prise aujourd’hui avec une « historification » des pratiques d’écriture et de composition et avec une « logorrhée » homogène et symptomatique de ce qui nous est présenté comme le fer de lance des inventions subjectives6. Les enjeux se sont désamorcés et l’entropie s’est annulée pour ne générer qu’un champ atrophié de pratiques devenues amicales, pour un public et une audience de moins en moins médusés. Ce qui en faisait sa nécessité a disparu : son économie n’est plus viable, ses échelles d’expérimentation se sont volatilisées, ses enjeux politiques sont court-circuités par des modèles surannés, etc.7 Comment parler aujourd’hui d’expérimentation dans un contexte autoritaire d’historification ? Les fantasmes orchestraux et d’authoring sont toujours bien présents, même ré-amplifiés aujourd’hui au vu de la diabolisation technologique : on voudrait la musique contemporaine irréductible (distinctive, autonome et délivrant des oeuvres sublimes, uniques, concertantes et signées), le compositeur encore démiurge à l’instar des fausses images d’Épinal insufflées depuis plus de cinquante ans et lié à une paupérisation de fait, les instrumentistes encore « ouvriers » d’une cathédrale qui ne restera qu’un mirage (orchestral et romantique), l’électronique et l’informatique réduits à des outils, voire parfois à des « instruments » (mais d’une facture toujours douteuse)8, l’oeuvre musicale devrait devenir « médiatrice » d’une communication et non plus expérimentale9. Depuis plus de vingt ans, ceci est soutenu en vie artificielle, dans l’attente vaine de l’émergence d’une « avant-garde », sous l’égide d’un panthéon devenu aujourd’hui trop lourd et d’une irréductibilité de la notion d’auteur10.

  • 11 Référence directe au projet expérimental picNIC mené par le collectif électronique musical Formanex (...)
  • 12 Il faut souligner ici l’importance de la « réappropriation » technologique et technique, car trop s (...)
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  • 15 Un texte visionnaire datant de 1990 : « Les musiciens qui participent à des réseaux d’ordinateurs i (...)
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  • 17 Les listes de diffusion (microsound, phonography, lowercase-sound, rhizome, nettime-fr, x-change, f (...)
  • 18 radiomatic, http://radiomatic.org/, radiolabo, http://radiolabo.free.fr/, Silophone, http:// www.si (...)
  • 19 « Nous les soupçonnons de faire de l’art trop sciemment, de rafistoler du romantisme avec du fil té (...)

6La musique la plus intéressante serait aujourd’hui donc « hors-champ », dans des zones expérimentales non-délimitées, délibérées, et en prise directe avec des formes de représentation réinterrogées et moins visibles (immatérielles), inventant des pratiques « instrumentales et compositionnelles » radicalisées et liées à des protocoles de transfert, tout en restant des formes musicales. Celle-ci échappe donc en premier lieu aux formes de diffusion traditionnelles, qu’elle se réapproprie par la suite de manière beaucoup plus critique, le concert devenant un chantier et un dispositif de production et de diffusion (voire un pique-nique11), l’instrumentarium quittant les modèles instrumentaux et orchestraux pour des configurations modulaires et d’expérimentation acoustique, électronique, informatique et télématique12, etc. Il n’y aurait plus d’adresse spectaculaire et publique, tout autant qu’il n’y aurait plus de qualités d’exécution mais de transfert et de modification13 et qu’il n’y aurait plus de fantasme des dispositifs « orchestraux » (orchestre instrumental, orchestre de haut-parleurs, orchestre de laptops), mais des moments d’écoute, des espaces d’évaluation, motivés par une ou des situations « audiophoniques » voire « sociales ». L’incidence de ces alternatives artistiques et musicales activées la plupart du temps par des interrogations « politiques », est la création de communautés « atopiques »14 et de dispositifs temporaires en réseau sans centre de légitimation15, de lieux d’échanges et d’improvisations16, de développements collectifs voire anonymes17 et d’ouverture de canaux libres de diffusion et de production sans sélection et non compétitifs18. Il s’agirait de faire de la musique moins « sciemment »19 et d’interroger la « compatibilité » d’une telle activité et des produits de cette activité.

  • 20 « A l’image de la license GPL, l’Open Source consiste à ouvrir au domaine public l’ensemble des cod (...)

7Il reste pourtant aujourd’hui un large terrain à défricher du point de vue de l’histoire et de l’actualité afin d’identifier ces émergences significatives et leurs voisinages essentiels avec les domaines informatiques et des technologies de la communication (radio, Internet, streaming, …)20. Leurs espaces ne sont plus là a priori, dans la salle d’exposition ou dans la salle de concert, mais la plupart du temps ailleurs (dans l’espace télématique, dans l’espace public, dans l’espace social,…) et autrement (zone d’activités, objets temporels, installations interactives, dispositifs immersifs ou « lounges », dispositifs processuels contrôlables, plates-formes d’arrangement, etc.).

8Ces nouvelles hypothèses ouvrent de nouveaux laboratoires audionumériques. Ces contextes touchent autant les domaines de l’installation, de l’environnement, de la construction d’ambiances, de l’édition, de la vidéo, du concert et de réalisations multimédia et hypermédia jusqu’à aujourd’hui avec les nouvelles technologies et les espaces télématiques.

  • 21 Jules Verne, Paris au XX° siècle, Ed. Hachette-Livre et Le Cherche Midi, 1994.
  • 22 Jules Verne, Une Ville Idéale, Ed. CDJV, Amiens 1999. Nous pourrions aussi y voir une anticipation (...)

Cependant nous pourrions voir en celles-ci (ces hypothèses) la réalisation d’aventures déjà évoquées et imaginées il y a bien longtemps, en se référant aux descriptions prémonitoires et anticipatrices de l’écrivain Jules Verne, lorsqu’il décrit le premier concert électroacoustique en 186321 et le premier concert en réseau en 187522, à la suite des découvertes scientifiques de Caselli (Pantélégraphe, 1859), de David Hughes (le télégraphe avec une interface piano, 1859) et d’Elisha Gray en 1874 avec son télégraphe musical qui permît la première expérience musicale à distance : à Philadelphie, le pianiste Frederik Boskovitz joua des mélodies simples au clavier et la musique fût aussitôt transmise à New York (cette expérience est très proche de celle décrite par Jules Verne dans « Une Ville Idéale »), et ceci bien avant l’application du Théatrophone de Clément Ader en 1881 qui offrait aux auditeurs de suivre les concerts à distance via leur téléphone.

9« Cependant, il voyait encore au loin comme une immense lumière ; il entendait un bruit formidable qui ne pouvait se comparer à rien. Néanmoins, il continua ; enfin, il arriva au milieu d’un assourdissement épouvantable, à une immense salle dans laquelle dix mille personnes pouvaient tenir à l’aise, et sur le fronton, on lisait ces mots en lettres de flammes : Concert électrique. Oui ! concert électrique ! et quels instruments ! D’après un procédé hongrois, deux cent pianos mis en communication les uns avec les autres, au moyen du courant électrique, jouaient ensemble sous la main d’un seul artiste ! un piano de la force de deux cents pianos. » (Paris au XXe Siècle, 1863).

10« Et quand Pianowski est-il arrivé ? demandai-je à un dilettante, reconnaissable à l’extraordinaire développement de ses oreilles. — Il n’est pas arrivé, me répondit cet indigène, qui me regarda d’un air assez surpris. — Alors quand viendra-t-il ? . — Il ne viendra pas, répliqua le dilettante. — Mais s’il ne vient pas, dis-je, quand donnera-t-il son concert ? — Il le donne en ce moment ! — Ici ? — Oui, ici, à Amiens, en même temps qu’à Londres, à Vienne, à Rome, à Pétersbourg et à Pékin ! … Vous ne voyez pas que ce concert est un concert électrique ! En effet, dans ce même moment, le célèbre broyeur d’ivoire, Pianowski, jouait à Paris, à la Salle Hertz ; mais au moyen de fils électriques, son instrument était mis en communication avec des pianos de Londres, de Vienne, de Rome, de Pétersbourg et de Pékin. Aussi, lorsqu’il frappait une note, la note identique résonnait-elle sur le clavier des pianos lointains, dont chaque touche était mue instantanément par le courant voltaïque ! » (Une Ville Idéale, 1875).

Homestudio et dispositifs audio en réseau

  • 23 « Dans la musique aujourd’hui, demain dans la vidéo ou la littérature, l’émergence du numérique et (...)
  • 24 Ordinateur portable à alimentation autonome, de taille et de poids réduits (par extension, laptop « (...)

11De nombreux observateurs notent l’accroissement de tentatives musicales et artistiques et de projets audio ne prenant plus appui sur les formes de représentation convenues et sur les médias attendus23. Ces investigations expérimentales en audio tendent à faire disparaître une différenciation qui semblerait aujourd’hui non nécessaire, entre les expérimentations musicales en audionumérique rattachées à une extension de la composition et de l’improvisation dites « laptop »24, et celles qualifiées sonores, issues des pratiques de l’installation et de l’indexation du son dans les arts plastiques, et utilisant les mêmes configurations technologiques. Le territoire devient commun et les champs d’activités joints, même si les processus de réalisation semblent se référer à des modèles et des procédures différents. Les enjeux réels se posent sur des modes d’occupation audio, quelque soit leur nature.

  • 25 Liste de collectifs audio : voir 17.
  • 26 « MP3 permet une véritable démocratisation de la musique. Avec la généralisation des hauts débits e (...)
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12Le fait que se soient développés très rapidement des dispositifs audio en réseau extrêmement vivaces et porteurs, sous forme de collectifs d’échanges ou d’interfaces de diffusion collective25, va de pair avec la propagation des configurations « homestudio » et avec la démocratisation des accès au réseau Internet26, offrant une connectivité accrue et favorisant ainsi les investigations expérimentales d’échanges d’information, de production et de transfert de fichiers27. Les technologies audionumériques et télématiques étant au centre d’enjeux commerciaux et sociaux sans précédent dans le contexte sociétal, industriel et économique, évoluent sans cesse de manière exponentielle autant dans les logiques « propriétaires » de marketing28, que dans le domaine des logiciels libres29. La forte réactivité et propension hégémonique de l’industrie musicale et la sélectivité ésotérique des réseaux artistiques soumis à la logique de marché et à la compétition médiamétrique, ne cessent de rendre coercitifs les circuits standard de diffusion30. Les communautés audio développent une économie opposée et envisagent des enjeux différents, beaucoup plus recentrés sur la notion de production, puisque la dimension spectaculaire semblerait totalement absente et évacuée du processus de travail et de diffusion31 32. Ces communautés et ces dispositifs sont autant des espaces de production que des espaces d’écoute. Nous pourrions énoncer que les pratiques « d’occupation », qu’elles soient audio ou visuelles sont en train de prendre le pas sur les pratiques concertantes, sur les pratiques de diffusion et sur les pratiques d’exposition. Dire qu’une oeuvre ne serait en fin de compte qu’une « occupation » et non plus un substrat nominal destiné à une circulation repérable et capitalisable, permet d’envisager de nouveaux points de vue tout aussi opérants. La notion essentielle devient la production et non plus la reconnaissance d’une position ou d’une trajectoire. Au lieu de parler d’installation ou de détournement ou encore d’appropriation et d’indexation, nous pourrions changer le point de vue en parlant d’échantillonnage et d’ambiances : la production audio permet d’approcher la notion de « dispositif temporel et spatial ». Ce que nous appelions oeuvre, en tant qu’objet « promotionnel » et capitalisable, deviendrait un « dispositif » (générateur et producteur)33 implémentant et programmant une ou des situations et des modalités d’occupation.

  • 34 « Dans le medium électronique, la proximité est un concept non plus relatif à l’espace mais au temp (...)
  • 35 « Internet a été conçu parallèlement dans le monde universitaire et dans celui des hackers, amateur (...)
  • 36 « Le point commun des nouvelles formes d’intelligence collective est la structure de communication (...)

13Le homestudio ou « la valise laptop » semble la plus petite unité de cette nouvelle échelle, et le dispositif, la plus grande. Ces pratiques audio et/ou musicales se développent autour des techniques du son enregistré, de la numérisation, de la mise en réseau et des manipulations et diffusions multiples que permettent ces technologies. Elles se réfèrent occasionnellement aux recherches sur la programmation, la robotique et les environnements « temps réel » pour les réalisations les plus expertes34. Ces « home-pratiques », aléatoires, modulaires, variant ostensiblement du « low-tech » au « high-tech », et faisant appel à des compétences adjacentes puis peu à peu assimilées – l’informatique et ses extensions, la sociologie, l’économie, etc. -, rompent avec l’autonomie de la pratique artistique telle qu’elle est entendue depuis plusieurs décennies, et initient ces nouvelles communautés audionumériques interconnectées35. Les forums rassemblant artistes, développeurs et programmeurs, deviennent des ateliers actifs, les listes de diffusion et les « chats », des espaces de débats et de discussion, et les zones de téléchargement, des studios partagés. Les homestudios sont étendus et « augmentés », ne sont plus isolés. L’intelligence collective a remplacé le génie singulier36. Les fichiers ont remplacé l’oeuvre symbolique. De nouvelles modalités de circulation et de transfert ont émergé indiquant qu’un changement de plan s’est opéré.

  • 37 « La TAZ (Temporary Autonomous Zone), ou Zone Autonome Temporaire, ne se définit pas. Des « Utopies (...)
  • 38 « Pouvons-nous alors oser imaginer prétendre à des organisations basées sur la coopération volontai (...)
  • 39 « Le paradoxe, c’est que plus nous essaierons de mettre l’art dans le cyberspace, moins ce dernier (...)
  • 40 Charles Fourier « Le nouveau monde industriel et sociétaire ». C.F. fonda une revue hebdomadaire : (...)

14Ces tentatives artistiques ne semblent plus répondre et n’être plus adéquates aux modes de présentation tels que le concert, l’édition (phonographique), l’émission (radiophonique) ou encore l’exposition – bien qu’elles puissent parfois y apparaître encore en ouvrant des champs critiques –. Elles préfèrent s’immerger la plupart du temps dans des espaces exogènes, délocalisés et improvisés, plus impliqués socialement et relayés, voire même exclusivement accessibles par les réseaux informatiques et télématiques. De nature collective, ces « zones d’activité » développent des dispositifs particuliers et inédits de production et de diffusion offrant de nouvelles circulations et de nouveaux espaces d’échanges, qu’il s’agirait d’observer aujourd’hui37. Se forment ainsi des communautés plus ou moins temporaires et perméables entre elles, dont l’objectif n’est plus l’adresse à un public « potentiel » comme rouage d’un système « spectaculaire », mais la mise en place de « workspaces », d’espaces productifs s’appuyant sur des codes d’échanges bijectifs (point à point), transitifs voire même intégralement coopératifs38. Ces dispositifs créent une certaine autonomie de leur activité, qui n’est pas décrétée en tant que telle, mais qui est plutôt « modérée », « cooptée », tout en cherchant via des interfaces et des modes d’action, une compatibilité et une implémentation dudit dispositif dans le ou les contextes où il apparaît, sans qu’il semble nécessaire de définir ou de légitimer catégoriquement s’il s’agit effectivement de musique (ou d’art). Au principe de réalité de l’implémentation du dispositif répond salutairement ainsi un principe d’indécision, de non définition du statut résultant des activités, en favorisant, sans stratégie particulière prévisible et sans tactique d’auteur, une dissémination pacifique dans tous les canaux de diffusion. Il ne s’agit ni de détournement et moins encore de contournement, ni de subversion explicite ou d’entrisme maquillé ; ces communautés n’utilisent aucun marketing et aucun Cheval de Troie, et ne posent pas comme question de principe l’irréductibilité de la pratique artistique39. Il serait en effet bien inutile et peu efficient de rechercher dans ces dispositifs une validation de statuts légitimés et reconnus par ailleurs, dans des circuits construits efficacement à cet effet. Ces projets ouvrent donc des zones de « recherche » et d’expérimentation libre, et restent éloignés de la marchandisation et de ses icônes ainsi que des genres et des formes qui y sont représentés. Ce sont des espaces d’échanges et des dispositifs libres, ouverts, non compétitifs, quasiment autorégulés, semblables à des phalanstères40. Il ne s’agit ni de « ghettos » ni de « groupes » revendicateurs en mal de reconnaissance. Ces activités créent plutôt des modules non exclusifs, des zones de flux dans lesquels les artistes circulent en adoptant les usages de la mobilité et de la présence sur les réseaux (pseudonymes, anonymat, contribution, etc.) et en activant des modes de distribution et de diffusion sur des logiques non commerciales.

  • 41 « Peut-on encore, dans ces conditions, parler de marchandise ou de produit ? En tant que finalité o (...)

15De par leur investigation des réseaux, ces communautés proposent des espaces de production, de diffusion, de distribution et d’information, unifiés en temps réel. Les relais se désagrègent, les liens s’activent tels des hypertextes continuellement mouvants et évolutifs. Ces dispositifs le plus souvent coopératifs utilisent des protocoles d’échanges et de transfert comme mode de circulation (ftp, p2p, streams, home-pages, chats, serveurs hotline, etc.) et offrent des accès et des flux plus ou moins permanents, éloignés de la temporalité sociale jusqu’à présent utilisée et imposée (exposition, événement, festival, concert, etc.). Les ateliers et les studios deviennent des espaces ftp, des zones de téléchargement et de streaming, reliés entre eux par une connectivité accrue, et activés par des protocoles collectifs. Ces communautés fonctionnent sur des mises à disposition, sur des propositions de téléchargements et d’interventions codifiées, bien différentes des modalités traditionnelles arbitraires et déléguées (l’exposition ou le festival sont le plus souvent thématisés par un tiers et l’artiste n’a ainsi plus accès à la modification de ce contexte fortement décrété). Ces plates-formes communautaires n’induisent aucune compétition ou concurrence au sein de leurs dispositifs, et il serait bien peu intéressant de transposer ou encore de reconduire des stratégies de positionnement existants dans les systèmes de marché et commerciaux41.

  • 42 Streaming : Flux de données. Exécution d’opérations sur des données au fur et à mesure qu’elles arr (...)
  • 43 Peer-to-peer : « N’utilisant pas de serveur central, les logiciels basés sur le P2P décentralisé pe (...)
  • 44 Tape-trading : Echange gratuit de documents.
  • 45 Datasquares : Espaces de données.
  • 46 Soundwares : anglicisme créé par le rédacteur pour désigner la création de logiciels libres touchan (...)
  • 47 « Les trackers, les home recorders et les MP3ers sont du côté du Bazar. Les principaux distributeur (...)

16Il y a un changement de paradigme, l’oeuvre ne semble plus être le parangon et l’emblème de l’activité artistique. Tenant à affirmer également que les formes antécédentes ne sont plus les uniques médias sociaux de la circulation musicale et artistique, ces pratiques dynamiques recherchent une connexion plus directe aux contextes sociétaux et économiques et mettent en place des champs d’expérimentation dont les modalités ne sont plus aussi clairement lisibles et repérables que les pratiques desquelles elles sont issues. Les pratiques de « streaming » organisent de nouvelles réceptions audio en flux sur des temporalités étendues42, les pratiques « peer-to-peer »43 de type Gnutella permettent des distributions sans destination en parallèle des échanges « tape-trading »44, les plates-formes de production (« datasquares »)45 et de programmation (« soundwares »)46 sont associées à des plates-formes de discussion et de diffusion, l’anonymat et la confidentialité brouillent l’identification, les « objets » ne sont plus capitalisés, l’économie des services disparaît pour une économie des expertises et des ressources immatérielles, etc. Ainsi les instances régulières de légitimation et de labellisation se retrouvent démunies et sans moyen d’intégration et d’approche face à ces zones d’activité autonomes et agissantes hors et via leur champ47.

  • 48 Domotique : Informatique appliquée à la gestion d’une maison, d’une habitation, en utilisant un rés (...)
  • 49 « Nous appuierons notre analyse sur l’interprétation de Téléférique au sujet de l’objet : Le concep (...)
  • 50 « Nous appuierons notre analyse sur l’interprétation de Téléférique au sujet de l’objet : Le concep (...)
  • 51 Esthétique par défaut : Désigne un affichage par défaut. Par exemple les sites FTP ont une interfac (...)
  • 52 Jens Gebhart, Sweet Suite, 1990, http://www.ensba.fr/projets/gebhart/sweet_suite/HTML/index.html.

17La production audionumérique a investi la plupart des domaines de l’information et de diffusion, jusqu’aux domaines du design et de la domotique48. La propagation et l’adaptation potentielle des pratiques audio est telle que le moindre interstice aussi éloigné soit-il, peut donner lieu à une intervention, à une occupation. Il ne s’agit plus d’objets isolés mais bien de dispositifs et d’interfaces connectés et connectables, mis à disposition. Pourtant le fait que ces pratiques soient numériques n’est pas un critère suffisant, bon nombre d’entre elles peuvent rester « analogiques » ou n’utiliser aucune technologie, tout en se modélisant sur les procédures informatiques et télématiques. Ces pratiques ne sont pas aliénées ou déterminées par la nature numérique du matériau qu’elles emploient. Il est à remarquer qu’ainsi bon nombre de dispositifs tout en étant activés sur les réseaux, induisent des « interfaces » physiques, localisées et événementielles, comme des sortes d’extensions temporaires49 – pour plus de clarté dans ce qui va suivre, nous vous conseillons de vous référer à un exemple de communauté, telle que le Collective JukeBox, http://collectivejukebox.org/​. La construction et la proposition de telles interfaces proposent alors de nouveaux accès à ces projets, viabilisées la plupart du temps dans des contextes autant artistiques que non artistiques. Ces interfaces apportent indubitablement une portée critique, une visibilité et une accessibilité, dénotant des enjeux essentiels liés à l’implémentation de ces dispositifs auxquels elles sont inhérentes, et liés à des « déplacements » plus ou moins significatifs. Un dispositif en réseau n’utilisant que le réseau, ne pourrait démontrer en fin de compte que l’efficacité du réseau. Un dispositif en réseau permettant aussi des accès « analogiques » pose en supplément la problématique de la pertinence de son « implémentation » et de son immersion. Ces interfaces jouent le principe des équivalences et non celui d’une singularité artistique affichée. Et il serait inutile de voir dans ces interfaces des substrats ou des substitutions de la notion d’oeuvre ou d’objet d’art, comme s’il fallait apporter un plus-value objectale visible et artistique à ce qui ne semblerait que virtuel50. Une implémentation « par défaut »51 suffit à les rendre opérantes dans les contextes dans lesquelles elles apparaissent. Ne revendiquant aucune appartenance et aucune initiation d’un mouvement artistique quel qu’il soit, ces communautés modulent ces interfaces, tout autant que leur(s) interface(s) d’accès utilisée(s) sur le réseau dans lesquelles nous pourrions retrouver une dimension critique équivalente tant celles-ci restent cryptées et difficilement repérables dans le maillage non-quantifiable des home-pages et des sites Internet52. Il semblerait que le choix de ces sites d’accès soit aussi déterminant – par leur non détermination même – pour le fonctionnement optimum de la communauté représentée. Ce choix semble encore collectif, c’est-à-dire qu’il ne représente en aucun cas un choix esthétique de l’un des participants ou de l’une des parties de ces communautés.

  • 53 Chaque participant a accès aux sources du dispositif et peut en proposer des modifications ou des v (...)

18Ce fonctionnement diffère complètement des regroupements collaboratifs dans lesquels chaque membre et protagoniste (et auteur) a une spécificité et l’affiche en tant que telle, pour le bon fonctionnement et une bonne répartition des tâches afin de finaliser l’objectif commun. Il y a différentiation là où dans les dispositifs coopératifs il y a équivalence quasi-anonyme et une circulation des compétences sans pouvoir déterminer la localisation (géographique, professionnelle et nominale) de celles-ci. Il y a un ou des modérateurs là où auparavant nous aurions parlé de réalisateur ou de compositeur, c’est-à-dire d’une légitimation originale en amont. Ces dispositifs répondent donc à un ensemble de règles et de codes reconnu et accepté par chaque participant dans le sens où il n’y a pas a priori de délégation ou d’autorité, et dans le sens où il n’y a pas non plus d’exploitation ou de programme dicté. Nous pourrions parler de chartes de coopération ou encore de « licences », si nous prenons un terme issu de l’informatique, qui permettent la mise en place et le fonctionnement évolutif et autorégulé de ces dispositifs53.

  • 54 « On a du mal à imaginer les conséquences artistiques que pourraient avoir de telles dynamiques col (...)
  • 55 « Quel peut être le rôle des chercheurs là-dedans ? Celui de travailler à une invention collective (...)

19La multiplication des masques (pseudos, noms de projets) dans ces communautés et le souci de rendre accessible au sein de celles-ci l’intégralité des éléments – ce qui est sans doute à rapprocher de la notion d’Open-Source – caractérisent de plus en plus les espaces de création numérique en réseau. Le modèle coopératif Linux apparaît ainsi comme un prototype du fonctionnement quasi-collecticiel d’un dispositif à l’échelle planétaire, dont pourraient rêver les communautés artistiques54. Les informaticiens ont inventé ces formes de coopération et ont ainsi créé des modèles de mutualisation, sans barrière ni compétition et à une échelle qu’aucun mouvement artistique n’a pu jusqu’à présent égalé. Les artistes s’emploient ainsi à la construction de situations collectives d’invention55.

20Ces dispositifs sont donc des nouveaux champs d’action et d’opérabilité pour les artistes, dont les destinations ne sont pas d’instaurer des cadres « en miroir » des systèmes d’exploitation et de présentation déjà en place, mais d’offrir et de favoriser des plates-formes et des canaux de production « délibérés ». Ces dispositifs et les pratiques qu’elles favorisent ouvrent certainement des spécificités esthétiques et artistiques qu’il s’agirait d’observer et de mettre en expérimentation.

  • 56 Voir par exemple Dan Peterman et sa Mobile Enterprise (Bike Shop) 1997 (http:// www.newartexaminer. (...)
  • 57 Il reste évident que les solutions apportées aux perspectives de régulation et aux utilisations abu (...)

21Les réseaux télématiques deviennent ainsi aujourd’hui le champ principal et inévitable d’expérimentation et d’immersion des pratiques audio, tout en initiant et modélisant des incursions dans des domaines adjacents à celui dit artistique56. Les standards de numérisation audio étant très tôt développés dans le monde informatique, il semble assez naturel que les enjeux liés à l’audio soient fortement présents sur les réseaux. Ces communautés se forment de manière temporaire ou permanente, sans volonté d’une adresse à un public, s’interconnectent et s’autorégulent, permettant l’émergence de pratiques « critiques » vis-à-vis des logiques habituelles de circulation artistique, autour du streaming, du p2p (téléchargements point-à-point), d’occupation, de construction d’ambiances, de la programmation, etc., en étant perméables aux implications sociétales. Gnutella et auparavant Napster ont rejoint les autres modèles tels que les BBS et Usenet, en laissant une empreinte durable dans nos modalités d’échanges immatériels. En favorisant et en laissant ouvert, jusqu’à aujourd’hui, l’accès direct – en montant et en descendant, le upload et le download -, les réseaux deviennent des espaces de production et de diffusion directs57.

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Notes

1 Cf. l’’exposition « Murs du Son » durant l’été 1995 à la Villa Arson, exposition qui est très souvent prise aujourd’hui en référence par de multiples autres événements et manifestations. Voir Annexe 1 pour une liste non exhaustive de manifestations plastiques prenant comme axe de recherche le son.

2 Une petite digression à propos de Marcel Duchamp : « On peut regarder (quelqu’un) voir ; on ne peut pas entendre (quelqu’un) entendre ». Voir aussi : « Sculpture musicale : sons durant et partant de différents points et formant une sculpture sonore qui dure » et bien sûr « La Mariée mise à nue par ses célibataires même », oeuvre pour laquelle M.D. propose de construire un dispositif machinique de choix aléatoire des notes, semblable à un petit train-loterie. Qu’est-ce qui intéresse tant Duchamp dans l’utilisation du son ? il semblerait que le son soit pour lui synonyme de cette fameuse quatrième dimension, il serait un des premiers artistes de la virtualité. Au travers de la mécanique ondulatoire (fascination optique), les ready-mades deviendraient des sculptures de « fréquences ». Duchamp était intéressé par l’association du son et de la vision parce qu’il y a similarité entre la réverbération dans l’écho au travers de l’écoute, et la transposition de la troisième dimension d’un objet qui au travers de l’acte de regarder, passerait à la quatrième dimension.

3 Citations de Constant et de Debord : « Le travail collectif que nous nous proposons est la création d’un nouveau théâtre d’opérations culturel, que nous plaçons par hypothèse au niveau d’une éventuelle construction générale des ambiances par une préparation, en quelques circonstances, des termes de la dialectique décor-comportement… C’est-à-dire que nous devons prévoir et expérimenter l’au-delà de l’actuelle atomisation des arts traditionnels usés, non pour revenir à un quelconque ensemble cohérent du passé (la cathédrale) mais pour ouvrir la voie d’un futur cohérent, correspondant à un nouvel état du monde dont l’affirmation la plus conséquente sera l’urbanisme et la vie quotidienne d’une société en formation. » (Guy E. Debord, Potlatch, #29, 5 Novembre 1957). « La machine est un outil indispensable pour tout le monde, même les artistes, et l’industrie est le seul moyen pour subvenir aux besoins, même esthétiques, de l’humanité à l’échelle du monde actuel. Ce ne sont plus des « problèmes » pour les artistes, c’est la réalité qu’ils ne peuvent pas impunément ignorer. Le travail machiniste et la production en série offrent des possibilités de création inédites, et ceux qui sauront mettre ces possibilités au service d’une imagination audacieuse seront les créateurs de demain. Les artistes ont pour tâche d’inventer de nouvelles techniques et d’utiliser la lumière, le son, le mouvement, et en général toutes les inventions qui peuvent influencer les ambiances. Nous approuvons la formule « ceux qui se méfient de la machine et ceux qui la glorifient montrent la même incapacité de l’utiliser ». Mais nous ajouterons : « et de la transformer ». Il faut tenir compte d’une relation dialectique. La construction des ambiances n’est pas seulement l’application à l’existence quotidienne d’un niveau artistique permis par un progrès technique. C’est aussi un changement qualitatif de la vie, susceptible d’entraîner une reconversion permanente des moyens techniques. » (Constant, Internationale Situationniste, #2, Décembre 1958).

4 Jean-Yves Jouannais parle de la gestion des « stocks », symbole de la marchandisation de l’oeuvre d’art (Artistes sans Oeuvre, Ed. Hazan, 1997). Nous pourrions évoquer le passage des « stocks » à la gestion des « flux », d’après Frank Perrin : « Dans l’économie marchande, la valeur reposait sur la pénurie et la distinction, dans l’économie des réseaux, elle repose sur le partage et l’accès direct. Aujourd’hui possède de la valeur ce qui est à disposition. Un logiciel rare est un non-sens. L’oeuvre avancera-t-elle longtemps à rebours ? » (Blocnotes, N° 14, Janvier/Février 1997, Manifesto Mutationniste), « Plus encore qu’une réponse à une situation, le mix devient une forme générique, cryptée, partagée et définitivement durable : le mix universel, de la création permanente et du réseau continu. Domestiques, immédiates, polymorphes et planétaires, les oeuvres ont donc aujourd’hui muté dans leur chair même, prise d’un côté dans le modèle de l’autoproduction musicale et de l’autre dans les mailles d’un réseau officiant comme une nouvelle cartographie constitutive. La création n’a plus de sens aujourd’hui comme réalité autarcique, et encore moins comme entité identifiable … La création n’a jamais été aussi ouverte, fluide, innovante, libre pour tout dire, libre au point de décider d’abandonner ses paramètres d’usage, ses repères, ses centres. L’époque n’est plus à l’exposition mais à la production, à la mise en activité, en accès et en distribution… Un nouveau langage immédiat et non hiérarchique s’esquisse. Chaque oeuvre est dorénavant protéiforme… Dans le magma numérique, il n’y a plus de musiciens, de plasticiens, ou que sais-je, il y a des opérateurs de données en tous genres » (Blocnotes, N° 17, Automne 1999, Expanded Mix).

5 Walter Benjamin, « l’auteur devient producteur » (Essais sur Bertolt Brecht) : « il ne peut plus se satisfaire d’approvisionner l’appareil de production, mais il doit le transformer en devenant opérateur » (Jean-Yves Jouannais, op. cit.).

6 Les festivals et les concerts de musique contemporaine sont devenus depuis vingt ans des « playlists », garantes de la circulation des noms, de jeux de position et non de la circulation des oeuvres, et spécialistes de « concerts-cocktails » et non plus collectifs. Les groupes instrumentaux sont en survie permanente, paradoxalement voisins des orchestres pachydermiques et riches, et soumis aux mêmes évaluations médiamétriques. Le compositeur est accusé d’entretenir une « coupure » avec le public, de par son langage « trop spécialiste », trop ésotérique et à bas mot « trop expérimental ».

7 « Il faut en finir avec la musique-sous-verre, il faut lui faire reprendre pied dans la réalité, avec sa dimension sociale, politique, esthétique, humaine, il faut sortir de la culture marginale d’assistés, de l’alibi de la désaffection « populaire » vis-à-vis de la musique contemporaine » (Alain Féron, Sommes-nous modernes ?, Cahiers Perspectives Musique Aujourd’hui, Actes Sud Radio France, mars 1987).

8 Il suffirait de citer ici en exemple un extrait de l’éditorial du Festival de Musiques Contemporaines Manca 2002 « Les Nuits Etoilées » : « La mission … n’est pas de prendre en compte les étoiles filantes, ni de créer artificiellement des nouvelles constellations … elle est d’intensifier la lumière des étoiles qui brillent déjà » … « Les ordinateurs viendront souvent enrichir les instruments dans le souci constant d’amplifier la volonté d’expression du compositeur et non de se substituer à elle ».

9 On peut lire à ce sujet un essai de 1938 de Theodor Adorno sur « Le caractère fétiche dans la musique et la régression de l’écoute » dans lequel il note que « la musique … sert essentiellement à la publicité des marchandises que l’on doit précisément acquérir pour pouvoir écouter de la musique » (Theodor Adorno, Le caractère fétiche dans la musique, Ed Allia, 2001).

10 Pourtant quelques compositeurs ont tenté de résister au sein du territoire de la musique contemporaine, comme par exemple Mathias Spahlinger, promoteur d’une musique négative : « So what people who listen music are confronted with their ability to recognize forms, that they are confronted with their own a-perception of form and their constant compulsion to find a sense in everything. My logic is not hierarchic-deductive but anarchic-paratactic ».

11 Référence directe au projet expérimental picNIC mené par le collectif électronique musical Formanex à Nantes, http://homestudio.thing.net/picnic/, http://formanex.free.fr/. Voir Annexe 2 pour une description du projet picNIC et également du projet PacJap en Annexe 3.

12 Il faut souligner ici l’importance de la « réappropriation » technologique et technique, car trop souvent le modèle technique est marqué par une soumission à celui-ci, en passant par le « savoir-faire » et l’allégeance à l’industrie musicale et informatique. Nous suivons dans ce sens Bastien Gallet : « Une technique ne devient artistiquement opératoire qu’en acceptant de fonctionner autrement, de dysfonctionner » et Kim Cascone dans son texte « The Aesthetics of failure : Post-Digital Tendencies in contemporary computer music » (Computer Music Journal n° 24, MIT Press) et dans « Laptop Music – counterfeiting aura in the age of infinite reproduction ».

13 « L’art électronique fut fondé dès ses origines sur un principe nouveau : la modification d’un signal existant » (Lev Manovich, catalogue Monter/Sampler, Centre Georges Pompidou, Décembre 2000).

14 « En tant que dispositif nomade, une atopie se destine avant tout à la sensibilité d’un groupe de participants réunis autour d’un projet spécifique dans un contexte particulier. Sa cohérence appelle à un consensus provisoire et évolutif entre les acteurs … les projets atopiques initient des agencements collectifs où la notion pathétique d’auteur-créateur autoritaire cède autant que possible sa place à celle d’intercesseur/initiateur au sein d’un groupe pluridisciplinaire … Les réseaux télématiques portent enfin la déstructuration des lieux de discours à un degré d’accomplissement sans précédent. Ils déterritorialisent des structures de médiation symbolique complexes plus ou moins stabilisées au sein de groupes d’individus ou de domaines de connaissances spécialisés, sans que l’on puisse prévoir ou apprécier les formes ambiguës de reterritorialisation qui peuvent en émerger » (Bruno Guiganti, Qu’est-ce que l’atopisme ?, Synesthésie n° 11).

15 Un texte visionnaire datant de 1990 : « Les musiciens qui participent à des réseaux d’ordinateurs individuels vont-ils faire vaciller les fondements traditionnels de la propriété artistique, étroitement lié au concept d’originalité ? La musique cessera d’être une création privée pour se transformer continuellement au gré des utilisateurs du réseau » (Susumu Shomo, Techno-éclectisme, Revue Contrechamps n° 11, Musiques Electroniques, Ed L’Age d’Homme, 1990). Josephine Bosma tente d’aller plus loin : « Emerging technologies allow for the appropriation, on a large scale, of a soundspace which is mass medial, musical and habitat at the same time. We enter the world of musaic. Musaic is like a tapestry, a mosaic, or an ocean of soundbytes and samples ranked and ordered according to individual taste or choice. Musaic is the condition of music and sound once it is channeled through computer networks like the internet. Music is no longer a finished, static product that can be taken for granted. On the contrary, the listener becomes the producer of her or his own sound environment. » (Josephine Bosma, Music and The Internet : Musaic, texte électronique, Forum Hub et Walker Art Center, Octobre 2000), http://laudanum.net/bosma/.

16 Collective JukeBox, http://collectivejukebox.org, http://jukebox.thing.net/.

17 Les listes de diffusion (microsound, phonography, lowercase-sound, rhizome, nettime-fr, x-change, forum hub, etc.), les ateliers de développement (keystroke, max/msp, radiolabo, etc.), les soundwares (ixi, etc.), les collectifs (Formanex, Büro, Nomusic, Superflex, PacJap, N55, Wochenklausur, Téléférique, Critical Art Ensemble, E-Xplo, Movo.net, etc.).

18 radiomatic, http://radiomatic.org/, radiolabo, http://radiolabo.free.fr/, Silophone, http:// www.silophone.net/, Collective JukeBox.

19 « Nous les soupçonnons de faire de l’art trop sciemment, de rafistoler du romantisme avec du fil téléphonique et de ne pas savoir les dynamos » (Jacques Vaché).

20 « A l’image de la license GPL, l’Open Source consiste à ouvrir au domaine public l’ensemble des codes sources d’un programme, c’est-à-dire ces secrets de fabrication. Chacun est libre d’utiliser gratuitement un tel programme, d’accéder à son code source, de le modifier et de le redistribuer. (utilisateurs et développeurs se conjuguent). En regard de tels modèles, l’oeuvre ne serait plus nécessairement liée à son originalité mais à sa capacité à être reprise, appropriée… L’auteur-programmeur propose des hypothèses de situation… On peut alors adopter le dispositif proposé ou l’adapter dès lors que celui-ci livre ses sources (Open Source). L’écriture des opérations, le programme, devient l’affaire de tous : chacun peut être utilisateur et prendre sa part d’autorité et de responsabilité dans le développement des modes opératoires » (Samuel Bianchini, catalogue Monter/Sampler, Centre Georges Pompidou, Décembre 2000).

21 Jules Verne, Paris au XX° siècle, Ed. Hachette-Livre et Le Cherche Midi, 1994.

22 Jules Verne, Une Ville Idéale, Ed. CDJV, Amiens 1999. Nous pourrions aussi y voir une anticipation des concerts « téléphonés » du Telharmonium. Breveté en 1897 par un scientifique Canadien, Thaddeus Cahill, on peut considérer qu1il est l’ancêtre du synthétiseur. Le Telharmonium pesait 200 tonnes, haut-parleurs compris, il était tellement gigantesque (18 mètres de large) que lorsqu’on le transportait de ville en ville pour des représentations il fallait louer un train de 6 wagons ! Cet appareil était polyphonique, doté d’un clavier sensitif et pouvait produire des sons de n’importe quelle fréquence et de n’importe quelle intensité, avec leurs harmoniques. Les oscillateurs étaient en fait des alternateurs pilotés par des moteurs électriques ! Le bruit produit par la mécanique de l’instrument (les moteurs) était tel qu’il fallait enfermer ce dernier dans une pièce séparée de celle où se trouvaient les haut-parleurs ! Deux personnes étaient nécessaires pour le faire fonctionner. « le Dynamophone porte un autre nom : Telharmonium. Installé à New York en 1906, l’instrument donne des concerts journaliers que les abonnés peuvent entendre transmis à distance par des câbles. On dîne au restaurant au son du Telharmonium. Mais les câbles passent par les mêmes conduits que ceux du téléphone ce qui crée des interférences ». (Peter Szendy, De la harpe éolienne à la « toile » : fragments d’une généalogie portative in Lire l’Ircam – n° spécial des Cahiers de l’Ircam -, pp. 40-72, 1996, et Tr@verses n° 1, juillet 1996, http://mediatheque.ircam.fr/articles/textes/Szendy96d/).

23 « Dans la musique aujourd’hui, demain dans la vidéo ou la littérature, l’émergence du numérique et des réseaux télématiques bouleverse les équilibres et réinterroge les formes mêmes de la création et de la circulation des oeuvres artistiques et culturelles. Face au règne hégémonique des « majors » (les grandes entreprises du loisir et du spectacle) tant sur les circuits de distribution que sur le contenu même de la création, certains artistes commencent à se saisir des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication pour tenter de desserrer les contraintes qu’elles imposent. Dans le domaine musical, en particulier, l’apparition du Homestudio depuis quelques années ou du format de compression Mp3, les artistes peuvent eux-mêmes enregistrer, produire et distribuer – sinon commercialiser – leur travail sans être complètement tributaires de la loi du marché imposée par les majors et les politiques culturelles des États » (Olivier Blondeau).

24 Ordinateur portable à alimentation autonome, de taille et de poids réduits (par extension, laptop « signifie sur le haut des cuisses »).

25 Liste de collectifs audio : voir 17.

26 « MP3 permet une véritable démocratisation de la musique. Avec la généralisation des hauts débits et des appareils permettant d’accéder au Net, la musique du Web va devenir incontournable. Un nombre beaucoup plus important d’artistes parviendra sans doute à se faire entendre » (Daniel Ichbiah, Enquête sur la génération mp3, Ed 1001 Nuits, 2000).

27 « L’immatérialité : Internet transmet sans matière. Esprit sans corps, le message survit grâce aux rotations des sites d’accueil, rebondissant de machine en machine. Il n’y a plus de stockage localisé, mais des flux déterritorialisés de mémoire virtuelle » (Emmanuel Hoog, Le Monde, 16 août 2002).

28 « Nos clients ont explicitement réclamé plus de flexibilité, poursuit Michael Bebel. Avec Pressplay 2.0, nous leur offrons la possibilité, non seulement d’écouter des morceaux en temps réel, mais aussi de les télécharger, ainsi que de transférer vers des terminaux portables autant de fichiers musicaux qu’ils le souhaitent. Ils auront la liberté d’écouter ces morceaux quel que soit l’endroit où ils se trouvent » (PressPlay, joint-venture créée par Universal et Sony, Août 2002).

29 « Les avantages du logiciel libre sont bien connus. L’accès libre au code source du logiciel et le mode de travail collaboratif, à l’origine basé sur le volontariat et Internet, permettent de produire rapidement des logiciels très fiables et gratuits. C’est ainsi que des logiciels libres de grande qualité ont pu être développés. Citons parmi les plus médiatisés le système d’exploitation Linux et le serveur Web Apache … A l’inverse, avec le logiciel propriétaire, le code source est protégé (en ne livrant que le code binaire) et rémunéré par la vente de licences … » (Patrick Valduriez, Le Monde, 2 août 2002). Voir aussi : « La gratuité réelle est historiquement au coeur de l’internet dont les standards sont ouverts et dans le domaine public. Par ailleurs, le réseau des réseaux, sans être à l’origine des freeware (comme Linux p.ex.) ou des sharewares , a néanmoins facilité leur diffusion massive, en permettant à ses auteurs de s’affranchir des supports de reproduction traditionnels ainsi que de la mainmise des grandes entreprises de distribution. On peut d’ailleurs affirmer que c’est ce modèle de gratuité qui a poussé les marketers à développer des modèles économiques de pseudo-gratuité comme les versions bridées de logiciels, les versions d’essai à durée limitée et autres versions light, censées pousser l’internaute à acheter ensuite une version complète (ou à les louer s’il s’agit d’applications en ligne, commercialisées par des Applications Service Providers). Avec Freenet, le concept de gratuité fait place à ceux de liberté, de rejet de la censure et du copyright – censé profiter plus aux distributeurs qu’aux auteurs – ainsi que de décentralisation, par le biais d’un outil qui permet l’existence d’un réseau collaboratif totalement décentralisé dont chaque participant peut rester anonyme. Qui dit collaboration dit bien sûr communauté, en l’espèce communauté des partisans d’un Internet libre où les lois du monde physique capitaliste n’ont pas cours. A dire vrai, si l’outil Freenet est puissant, soutenu par un projet à l’esprit libertaire militant et promis à un bel avenir à la suite de l’éclipse de Napster, il s’inscrit néanmoins dans la tradition de certains réseaux de l’internet non commercial » (Luc Calis, Anthropologie de la Société Digitale, Tome 1, Haute Ecole ICHEC, Bruxelles).

30 « La toute récente et très médiatique croisade des professionnels de l’édition musicale contre la prolifération des copies pirates de supports numériques est une des nombreuses illustrations de l’ampleur des questions que soulève aujourd’hui la transition de l’économie vers l’immatériel … Chacun peut en effet se rendre compte du caractère arbitraire, et bien souvent insensé, du tri opéré par les maisons de disque, privilégiant les logiques financières du musiquement correct au détriment de la qualité » (Olivier Blondeau, Grande peur et misère de l’édition musicale à l’ère numérique, Libres Enfants du Savoir Numérique, Ed de L’Eclat, Mars 1999).

31 « Comparer le monde de l’art à un hypertexte, c’est se donner les moyens de comprendre les enjeux de la renégociation continuelle de son extension, de sa composition et de sa définition. C’est accepter qu’il n’y ait pas de centre, pas de direction. C’est retrouver la viabilité d’un travail de proximité, de voisinage. C’est se débarrasser de la question de la signature et se défaire de la propriété intellectuelle. C’est abandonner les stratégies de concurrence pour imaginer un système associatif et coopératif. Il apparaît comme étant urgent aujourd’hui de comprendre le monde de l’art tel qu’il est, et d’agir dans le monde de l’art tel qu’il pourrait être.L’évolution de la pratique artistique vers un vaste forum de discussion tels qu’en tiennent les communautés virtuelles sur Internet nous obligera à écouter chacun et à parler à tous, sans aucun des repères de légitimité dont l’obtention mobilisait la plupart des énergies et dont l’autorité réglait tous les comportements » (Maria Wutz, L’Art World Wide Web, Omnibus n° 13, Juillet 1995).

32 « Agglo est un aggloméré de sites liés par l’art. C’est une plateforme économique à la disposition de tous les artistes, une sorte de plateau de synthèse bon marché. Agglo doit être une planche à dessein plutôt qu’une palette graphique. C’est une base de travail ouverte par cooptation rhizomique à tous les opérateurs en art. Agglo, en forçant un peu, c’est le support attendu d’un Art Global Généreux Libre et Ouvert. Le socle ne fait pas la fontaine. Agglo n’a pas d’interface, pas de design, pas de ligne, pas de programme, pas de sens, pas de direction, pas de directeur, pas de modérateur. Agglo n’a pas de porte, pas de hall d’entrée, pas de home page, pas de sommaire. Agglo n’est pas une école, pas un atelier, pas un centre d’art, pas une galerie, pas un musée, pas une revue. Agglo n’est pas une liste de noms propres. Agglo n’est rien d’autre qu’une adresse internet, un nom de domaine en début d’URL pour un certain nombre de sites web indépendants et autonomes … Agglo c’est le pari de l’accrétion contre le principe de l’accréditation » (Collectif Agglo, 1997).

33 « La création de logiciels employés en communauté (« collecticiel ») autorise, voire stimule le partage de la création » (Luc Calis, Anthropologie de la Société Digitale, Tome 1, Haute Ecole ICHEC, Bruxelles). Une définition du dispositif : « un dispositif est construit à partir d’éléments discrets interconnectés dans un diagramme d’interactions » (Douglas E. Stanley, Essais d’Interactivité, Labart Paris VIII). Une seconde définition : « Un dispositif fait intervenir : /des individus / des machines en réseau (clients, serveurs, internet) / des applications et interfaces / éventuellement des objets dans un espace localisé (cf installation en art plastique. installation : mise en espace d’objets et matériaux) » (ARN, Art Réseaux Numériques, 1998-2002).

34 « Dans le medium électronique, la proximité est un concept non plus relatif à l’espace mais au temps. L’accès direct à l’information reconfigure le concept de proximité en une question de proximité temporelle, l’instantanéité. Les processus d’information sont caractérisés ainsi par l’instantanéité, étendue à l’échelle globale – le réseau – en reconfigurant le paramètre espace en un paramètre de « temps réel » ; ou, pour le décrire en d’autres termes, notre expérience devient étroitement liée à une hypercontextualisation, une perte du contexte matériel et physique, en transformant nos représentations sub-symboliques » (Anthropologie de la Société Digitale, Tome 1, Haute Ecole ICHEC, Bruxelles).

35 « Internet a été conçu parallèlement dans le monde universitaire et dans celui des hackers, amateurs proches de la contre-culture. Chacun de ces deux mondes sociaux avaient une conception de l’informatique en réseau. Ces projets se sont incarnés dans un certain nombre de choix technologiques mais aussi dans de nouvelles pratiques de communication et d’information conçues par et pour les universitaires ou les hackers. Ces deux mondes ont ainsi mis au point de nouveaux dispositifs informatiques mais aussi de nouveaux usages … En devenant un nouvel internaute, on ne devient pas seulement un utilisateur d’informatique de réseau, d’outils de communication ou de recherche d’informations, mais on pénètre aussi dans un autre monde social où les rapports entre les individus sont égalitaires et coopératifs, où l’information est gratuite » (Patrice Flichy, L’Imaginaire d’Internet, Ed La Découverte, 2001). Voir aussi : Pekka Himanen, L’Ethique Hacker, Ed Exils, 2001.

36 « Le point commun des nouvelles formes d’intelligence collective est la structure de communication « tous-tous ». Selon des modalités encore primitives, mais qui s’affinent d’année en année, le cyberespace offre des instruments de construction coopérative d’un contexte commun dans des groupes nombreux et géographiquement dispersés » (Pierre Lévy, L’intelligence collective et ses objets, 1994).

37 « La TAZ (Temporary Autonomous Zone), ou Zone Autonome Temporaire, ne se définit pas. Des « Utopies pirates » du XVIIIe au réseau planétaire du XXIe siècle, elle se manifeste à qui sait la voir, « apparaissant-disparaissant » pour mieux échapper aux Arpenteurs de l’Etat. Elle occupe provisoirement un territoire, dans l’espace, le temps ou l’imaginaire, et se dissout dès lors qu’il est répertorié. La TAZ fuit les TAZs affichées, les espaces « concédés » à la liberté : elle prend d’assaut, et retourne à l’invisible. Elle est une « insurrection » hors le Temps et l’Histoire, une tactique de la disparition » (Hakim Bey, TAZ, Ed de L’Eclat, 1997) (Hakim Bey, T.A.Z., The Temporary Autonomous Zone, Ontological Anarchy, Poetic Terrorism, Ed Autonomedia, Brooklyn USA, 1991).

38 « Pouvons-nous alors oser imaginer prétendre à des organisations basées sur la coopération volontaire plutôt que sur le pouvoir de contrainte ? … Certaines communautés ont réussi à mettre sur pied une telle coopération … La production de logiciels libres est un excellent exemple des possibilités offertes par la coopération en réseau. De tels logiciels fournissent tous les moyens aux utilisateurs qui le souhaitent pour suggérer des modifications mais également pour les faire eux-mêmes et les apporter à la collectivité… Notre proposition d’une nouvelle méthodologie de projet coopératif s’est basée sur 3 grandes idées qui doivent permettre d’inciter les personnes à contribuer plutôt que de le leur imposer, ce qui a des répercussions importantes sur l’implication de chacun dans le projet, mais ajoute de nouvelles contraintes en particulier sur la durée du projet pour atteindre sa maturité. Ces avantages et ces contraintes permettent de mieux connaître les cas de figure où il est judicieux de mettre en place un projet coopératif. La gestion de projet coopératif agit plus particulièrement sur l’environnement pour qu’il 1/Réconcilie l’intérêt individuel avec l’intérêt collectif, 2/Maximise les possibilités tout en faisant en sorte qu’aucune ne soit critique pour le projet, 3/Incite les contributeurs potentiels à passer à l’action » (Jean-Michel Cornu La coopération, http://jmichelcornu.free.fr/cooperation/, Avril 2001). Voir aussi : Pit Schultz, Notes towards a Free Net Radio Network, Klubradio, Berlin, septembre 2000.

39 « Le paradoxe, c’est que plus nous essaierons de mettre l’art dans le cyberspace, moins ce dernier présentera de qualités esthétiques. Je veux dire par là que toute tentative d’imposer sur le Net des attitudes, des valeurs et une esthétique comportementale privilégiées dans l’art prétélématique s’avérera contre-productive » (Roy Ascott, Qu’est-ce que l’atopisme ?, Revue Spirale N° 144, Montréal).

40 Charles Fourier « Le nouveau monde industriel et sociétaire ». C.F. fonda une revue hebdomadaire : Le Phalanstère, où il diffusa son projet utopique. « Imaginer un phalanstère dans le cadre du cybermonde, c’est d’emblée le penser comme éclaté, sans mur, sans sol et sans lieu. Ou plus exactement n’ayant lieu que lorsque le branchement s’effectue, quand la connection donne sens à cette association de correspondants, séparés les uns des autres par des kilomètres, mais partageant la même culture technico-informationnelle… Le phalanstère virtuel possède une énorme mémoire, celle de toutes les théories et les expériences passées, ce qui lui confère une puissance référentielle incontestable » (Thierry Paquot, D’un phalanstère à l’autre, Grand Angle n° 1, Paris 1996).

41 « Peut-on encore, dans ces conditions, parler de marchandise ou de produit ? En tant que finalité objective, c’est-à-dire comme valeurs d’usage possédant une forme distincte des producteurs et pouvant circuler dans l’intervalle entre production et consommation, la version définitive de Linux ou d’un quelconque autre logiciel n’existe pas, ne peux théoriquement pas exister. La marchandise devient en quelque sorte une abstraction métaphysique. L’acte de production s’objective non pas dans le produit du travail, ni valeur d’échange, ni valeur d’usage, mais bien dans cet espace public de coopération posant la maîtrise collective comme finalité de l’activité » (Olivier Blondeau, Genèse et subversion du capitalisme informationnel, Le bazar comme mode de production, Libres Enfants du Savoir Numérique, Ed de L’Eclat, Mars 1999).

42 Streaming : Flux de données. Exécution d’opérations sur des données au fur et à mesure qu’elles arrivent via un réseau. C’est le cas du son (e.g. en Real Audio) ou de la vidéo en temps réel sur le net (Le Jargon v 3.3.70 – 09/08/2002, Linux France).

43 Peer-to-peer : « N’utilisant pas de serveur central, les logiciels basés sur le P2P décentralisé permettent à l’utilisateur d’échanger des fichiers sans pour autant être fiché dans un quelconque ordinateur. C’est une réelle différence avec Napster, car le système créé par l’Américain Shawn Fanning utilisait un fichier gardant en mémoire les requêtes et les téléchargements effectués par chaque utilisateur. Ce fichier n’a pas été officiellement utilisé lors des procès, mais a officieusement permis d’identifier les plus gros utilisateurs du logiciel » (Guerric Poncet, Le Monde, 2 Juillet 2002). Gnutella : http://www.gnutelliums.com/ , Gnucleus : http://www.gnucleus.net/ , Morpheus : http://www.morpheus-os.com/.

44 Tape-trading : Echange gratuit de documents.

45 Datasquares : Espaces de données.

46 Soundwares : anglicisme créé par le rédacteur pour désigner la création de logiciels libres touchant à des applications sonores et audio-visuelles (aussi employé par Makoto Yoshihara, http:// www.teleferique.org/stations/Yoshihara/). Exemples : ixi software http://www.ixi-software.net/, permasound http://www.permasound.com/, telcosystems http://www.telcosystems.net/, etc.

47 « Les trackers, les home recorders et les MP3ers sont du côté du Bazar. Les principaux distributeurs et les mécanismes de distribution sont du côté de la Cathédrale, aspirant le talent créatif des musiciens pour en tirer des bénéfices financiers tout en restant distants et hors de portée de la base que constituent les créateurs et les consommateurs » (Ram Samudrala, L’avenir de la musique, Libres Enfants du Savoir Numérique, Ed de L’Eclat, Mars 1999). L’actualité révèle de plus en plus le rétablissement d’une morale esthétique et l’établissement de régulation juridique et économique face aux activités du « Bazar », comme par exemple dans le champ esthétique : « Comment exposer après la critique de la société du spectacle, et la mise en évidence des procédures de domination culturelle qui constituent l’histoire même des expositions depuis le 19ème siècle ? D’où tirer l’autorité intellectuelle, politique et morale de montrer et donc de cacher ? … L’exposition quant à elle demeure une donnée de fait. Non seulement parce qu’elle est impliquée de facto par la pratique artistique, et ce d’autant plus que cette pratique se fait plus conceptuelle, mais parce qu’elle constitue un rite social primordial excédant les fonctions de contextualisation, d’historicisation, d’éducation, voire de dépense somptuaire qui peuvent lui être reconnus par ailleurs » (extraits tirés du Colloque « L’art contemporain et son exposition », colloque international au Centre Georges Pompidou, 4 et 5 Octobre 2002, direction Catherine Perret).

48 Domotique : Informatique appliquée à la gestion d’une maison, d’une habitation, en utilisant un réseau local. Ses principales applications concernent la sécurité et la surveillance, les communications, les économies (d’énergie, d’eau…) et la télécommande des appareils ménagers. (Le Jargon v 3.3.70 – 09/08/2002, Linux France). Voir aussi, les recherches au MIT sur la domotics et sur l’informatique embarquée (wear).

49 « Nous appuierons notre analyse sur l’interprétation de Téléférique au sujet de l’objet : Le concept du téléchargement qui semble matérialiser l’algorithme entraîne une certaine existence de l’objet au sein du cyberespace. Quant aux « off line », où il sera question d’expliquer des événements publics dans des espaces physiques, artistiques ou universitaires, sous forme de démo et/ou conférence, nous remarquerons que le passage entre la virtualité et le réel existe » … « Contrairement à des groupes comme le G.R.A.V. où les artistes qui le représentaient, constituaient un tout sans distinction individuelle, Téléférique représente des artistes qui agissent en leur nom au sein d’un collectif et il n’est pas question de travailler au seul nom de Téléférique » … Ce qui caractérise Téléférique, c’est qu’il s’étend au-delà du web. Comme nous l’avons vu, Internet est utilisé par Téléférique comme un espace de diffusion et d’échange et dans une moindre mesure comme un support d’expérimentation d’oeuvres en ligne. C’est pourquoi, il est cohérent pour le collectif de se regrouper dans des espaces physiques afin de manipuler les oeuvres en ‘live’. L’artiste totalement effacé derrière son projet en on line réapparaît en off line » (Collectif Téléférique, http://www.teleferique.org/, Cécile Vendrely, mémoire 2002, http://www.teleferique.org/stations/ Vendrely/).

50 « Nous appuierons notre analyse sur l’interprétation de Téléférique au sujet de l’objet : Le concept du téléchargement qui semble matérialiser l’algorithme entraîne une certaine existence de l’objet au sein du cyberespace. Quant aux « off line », où il sera question d’expliquer des événements publics dans des espaces physiques, artistiques ou universitaires, sous forme de démo et/ou conférence, nous remarquerons que le passage entre la virtualité et le réel existe » … « Contrairement à des groupes comme le G.R.A.V. où les artistes qui le représentaient, constituaient un tout sans distinction individuelle, Téléférique représente des artistes qui agissent en leur nom au sein d’un collectif et il n’est pas question de travailler au seul nom de Téléférique » … Ce qui caractérise Téléférique, c’est qu’il s’étend au-delà du web. Comme nous l’avons vu, Internet est utilisé par Téléférique comme un espace de diffusion et d’échange et dans une moindre mesure comme un support d’expérimentation d’oeuvres en ligne. C’est pourquoi, il est cohérent pour le collectif de se regrouper dans des espaces physiques afin de manipuler les oeuvres en ‘live’. L’artiste totalement effacé derrière son projet en on line réapparaît en off line » (Collectif Téléférique, http://www.teleferique.org/, Cécile Vendrely, mémoire 2002, http://www.teleferique.org/stations/ Vendrely/).

51 Esthétique par défaut : Désigne un affichage par défaut. Par exemple les sites FTP ont une interface web dictée par le serveur ou le navigateur. Beauté relative à une absence de design. À la limite du reconnaissable, l’esthétique par défaut peut désarmer par sa simplicité voire être interprétée comme une erreur. S’applique également à un graphisme artisanal, intemporel voire désuet comme les icônes du serveur Apache réalisée en 1993 par Kevin Hugues (Etienne Cliquet). Voir aussi : « Esthétique par défaut », Etienne Cliquet, Août 2002, http://www.teleferique.org/stations/Cliquet/Default/.

52 Jens Gebhart, Sweet Suite, 1990, http://www.ensba.fr/projets/gebhart/sweet_suite/HTML/index.html.

53 Chaque participant a accès aux sources du dispositif et peut en proposer des modifications ou des variantes. Voir aussi : licences, GPL, chartes de coopération, etc. http://www.opensource.org/licenses/ et http://www.aful.org/presentations/licences/.

54 « On a du mal à imaginer les conséquences artistiques que pourraient avoir de telles dynamiques collectives au niveau de centaines d’artistes implantés dans différents contextes et mis en relation constante sans enjeu de pouvoir ni pression commerciale. Les logiques, méthodes et règles de coopération développées par les milliers de programmeurs de l’univers Linux apparait de plus en plus comme un modèle pour bon nombre de jeunes artistes immergés dès l’adolescence dans la cyber-culture. Le mouvement du logiciel libre (open source) et les transformations du droits d’auteur qui en résultent pourraient inspirer une recherche appliquée à l’activité artistique … Ce sont des artistes qui n’attendent pas non plus un retour d’investissement en termes d’image au sein du milieu de l’art, sur la base de la prise de risque que constitue leur immersion totale dans d’autres champs d’activité. Leur disparition potentielle en tant qu’artiste se négocie plutôt en échange de leur viabilité en tant qu’opérateur dans les zones qu’ils explorent. La recherche autour de ces travaux non-identifiés envisagera la « portabilité » des contextes de lisibilité une fois ceux-ci détachés des institutions qui les ont produits, la question des compatibilités, des transferts de technologie du « hard » au « soft ». Le domaine d’observation privilégié de ces mutations est bien sûr le réseau internet » (Paul Devautour).

55 « Quel peut être le rôle des chercheurs là-dedans ? Celui de travailler à une invention collective des structures collectives d’invention qui feront naître un nouveau mouvement social, c’est-à-dire des nouveaux contenus, des nouveaux buts et des nouveaux moyens internationaux d’action » (Pierre Bourdieu, Pour un savoir engagé, Le Monde Diplomatique, Février 2002).

56 Voir par exemple Dan Peterman et sa Mobile Enterprise (Bike Shop) 1997 (http:// www.newartexaminer.org/archive/1000_peter.html) et les dispositifs de Fabrice Gallis : combinaisons d’actes réels dans des espaces précis et de formes appelant l’information facilement reproductibles et diffusables, programmes-partitions influençant les comportements quotidiens ou bien reprogrammant des structures technologiques que nous habitons (réseaux électriques, de communication, d’aide, de surveillance et de contrôle), perturbations d’espaces quotidiens grâce à l’intégration d’installations électroniques embarquées.

57 Il reste évident que les solutions apportées aux perspectives de régulation et aux utilisations abusives et partiales des législations ainsi qu’aux demandes de confidentialité et de sécurité seront déterminantes dans les années à venir.

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Pour citer cet article

Référence papier

LABO, « Construction de situations collectives d’invention – homestudio et dispositifs audio en réseau »Volume !, 1 : 2 | 2002, 19-42.

Référence électronique

LABO, « Construction de situations collectives d’invention – homestudio et dispositifs audio en réseau »Volume ! [En ligne], 1 : 2 | 2002, mis en ligne le 15 mai 2004, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/volume/2466 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/volume.2466

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Auteur

LABO

LABO – mail

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Droits d’auteur

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