Mutations techniques et division du travail : le cas des monteurs sons
Résumé
L’apport du rock au cinéma concerne aussi les techniques. Lui-même ancien musicien professionnel, Philippe le Guern fait apparaître comment « la culture du son » a peu à peu pénétré l’audio-visuel. Il montre que l’installation durable des monteurs-son dans la chaine de fabrication d’un film correspond à l’apparition de nouveaux outils, souvent expérimentés d’abord dans la sphère musicale et les homes-studios. En s’appuyant sur son enquête, l’amour du rock est en partie à l’origine de nombre de carrières de monteurs-son.
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Mots clés :
cinéma, enregistrement / montage / production, studios / home studios, techniques, technologies / dispositifs, travail / profession / carrière / salariat, intermédiaires / médiateursKeywords:
cinema / film industry, recording / editing / production, studios / home studios, techniques, technologies / devices, work / profession / career / wage labor, intermediaries / mediatorsGéographique :
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Cette contribution s’appuie sur les résultats d’une recherche en cours sur la profession de monteurs dans le secteur de l’audiovisuel.
Texte intégral
Avant toute autre considération, je voudrais mentionner les liens qui existent entre les univers du rock et du cinéma, et que l’on retrouvera tout au long de cette contribution. Tout d’abord, le choix de devenir monteur son peut être relié à l’amour de la musique et à la culture du son. En sorte que le monteur son est avant tout un fan de musique, phénomène particulièrement observable lorsqu’on enquête auprès des professionnels récemment entrés dans ce secteur d’activité : nombre d’entre eux sont d’ailleurs musiciens.
1Deuxièmement, ce goût pour l’esthétique ou l’écriture sonore est lui-même renforcé par un double transfert, qui marque à la fois l’histoire du rock et celle du cinéma : d’un côté, on peut voir comment les références cinéphiliques ont fécondé le travail du son. Qu’on songe par exemple aux bruitages de cinéma dont Brian Wilson a fait usage dans le disque Pet Sounds (1965), et à sa suite la pop des mid-sixties. Et d’un autre côté, le cinéma a été indéniablement imprégné par la culture du son en studio : pour ne retenir qu’un exemple, on évoquera la collaboration entre Angelo Badalamenti et David Lynch et, plus généralement, le travail de la matière sonore (sound-design) chez ce dernier.
- 1 Cette notion est employée par Elisabeth Lage dans « La culture technique comme mode de connaissance (...)
2Troisièmement, le montage son et le rock peuvent témoigner de l’existence d’une « culture technique populaire 1 » : de même que jouer du rock n’a jamais supposé la maîtrise préalable d’un savoir académique ou que fabriquer son CD est aujourd’hui à la portée du plus grand nombre grâce au home-studio, on peut apprendre à monter en dehors des filières traditionnelles. De ce point de vue, et sans se prononcer sur l’usage qui en est fait, on peut dire que bon nombre des logiciels de montage sont accessibles au grand public, en raison d’une ergonomie simplifiée et de coûts réduits.
3Enfin, le développement des techniques et des outils a induit des glissements ou des chevauchements entre les compétences et les attributions : au début des années quatre-vingt-dix, le clavier électro-pop que je fus pouvait jouer sur scène en mixant ses instruments et en contrôlant ses effets, travail et prérogative qui incombait traditionnellement à l’ingénieur du son. De même, les monteurs disposent aujourd’hui de sonothèques très performantes qui peuvent rendre le travail du bruiteur moins indispensable. Les mutations techniques menacent donc les hiérarchies et brouillent la division du travail.
- 2 De ce point de vue, il existe d’évidentes homologies entre le secteur audiovisuel et le champ de la (...)
4Pour comprendre l’intérêt que peut représenter le montage pour une sociologie des professions culturelles, il convient d’en souligner quelques caractéristiques principales : il s’agit tout d’abord d’une activité située – tant dans la pratique que dans les représentations constitutives de l’identité sociale et professionnelle du monteur – au point de recouvrement de l’artistique et du technique. Or, si les professions qui jouissent de la plus forte légitimité sociale dans le champ culturel (musiciens d’orchestre, de jazz, comédiens…) ont été étudiées, les professions jugées moins « nobles » sont globalement tenues à l’écart des centres d’intérêt académiques. Cette faible légitimité est d’ailleurs accentuée par la position spécifique qu’occupent les monteurs – et plus généralement tous les intervenants de la post-production – dans la configuration collective qu’implique la réalisation d’un film : les monteurs sont en effet amenés à travailler dans un relatif isolement, position excentrée – au propre et au figuré – qui contribue à accentuer la méconnaissance d’une profession tenue à l’écart des éléments les plus visibles et les plus valorisés de l’audiovisuel (le plateau de tournage, le réalisateur et les comédiens). Mais la caractéristique la plus remarquable tient aux modifications structurelles qu’ont induit les mutations technologiques dans ce secteur d’activité 2. Une évolution majeure a en effet affecté l’audiovisuel : la compression numérique, qui va de pair avec l’usage croissant de l’outil informatique. Les monteurs basculent ainsi en quelques années du montage traditionnel sur pellicule au montage virtuel.
- 3 Voir notamment Éric Brousseau, « Néo-institutionnalisme et évolutionnisme : quelles convergences ? (...)
5Comme on l’aura compris, cette recherche sur les monteurs s’inscrit dans une réflexion plus générale sur le déterminisme technologique. On peut en effet considérer que le facteur économique n’est pas l’unique vecteur de changements dans les modes de production, mais qu’il existe plutôt un entrelacement de différents facteurs, dont la technique. Cette question apparaît centrale pour les différents programmes de recherche qui se sont intéressés aux effets de la dynamique technologique, en particulier la sociologie des organisations et, en économie, le courant évolutionniste 3 : la technique est-elle source et effet de l’innovation ? Quelles sont les spécificités de la compétition technologique ? Quelle rationalité est mise en œuvre, et par qui, lors du processus de sélection d’une technologie ? Les évolutions sont-elles discontinues, ou à l’inverse, incrémentales ? Quelles sont les incidences du développement de techniques concurrentes sur le groupe professionnel qui les adopte ?
- 4 Certains aspects importants ne seront pas évoqués ici : la question des processus de sélection des (...)
- 5 Sur la question des mutations professionnelles, voir Françoise Piotet (dir.), La révolution des mét (...)
6Je propose donc d’aborder cette question en prenant la mesure des multiples changements que l’arrivée des technologies virtuelles à produit dans le secteur du montage audiovisuel 4 : je présenterai le montage son comme exemple d’une activité professionnelle dont le niveau de spécialisation va croissant. Je montrerai en quoi cette spécialisation est directement liée à l’importation des technologies d’enregistrement audio dans le domaine audiovisuel. J’indiquerai en quoi le virtuel a modifié les façons de travailler. Enfin, je soulignerai les conséquences de cette mutation en particulier lorsqu’elle met à mal l’identité et la cohésion d’un groupe professionnel 5.
- 6 Mes remerciement vont en particulier Hélène Ducret qui par ses conseils et ses recommandations, a g (...)
7Cet article prend appui sur une enquête en cours, débutée en septembre 2002 : pour l’essentiel, j’assiste notamment aux réunions mensuelles des « Monteurs associés » qui se tiennent dans les locaux de la Femis ; j’ai pu observer ou participer – dans un rôle identique à celui du stagiaire – à des montages, concernant des téléfilms, des longs métrages et des documentaires. J’ai ainsi été amené à rencontrer des monteurs très dissemblables par l’âge, la réputation, la trajectoire sociale et professionnelle, ou le type de travail effectué. J’ai également fréquenté des lieux de montage diversifiés, des confortables salles aux auditoriums de Joinville à des réduits obscurs et sous-équipés. J’ai mené à ce jour des entretiens approfondis avec une cinquantaine de monteurs, et régulièrement suivi le parcours d’une dizaine d’entre eux tout au long de ces deux ans, me liant d’amitié avec certains. Je peux enfin ajouter que mon expérience d’ancien musicien professionnel m’a probablement aidé pour déchiffrer l’activité des monteurs son qui, sur bien des points, présente de fortes homologies avec le travail des musiciens en studio d’enregistrement 6.
Le montage son : autonomisation d’une profession ?
- 7 Declan Mcgrath, « Entretien avec Skip Lievsay », Montage et post-production, la Compagnie du Livre, (...)
« De manière simplifiée, le boulot d’un monteur son consiste à récupérer tout ce qui comporte une bande son (en dehors de la bande musicale), à l’organiser, le monter et le préparer pour l’opération au cours de laquelle toutes ces bandes seront mixées ensemble. Il serait donc naturel de penser que tous ces sons ont été enregistrés par le preneur de son pendant le tournage. Or, en règle générale, les microphones utilisés sont dirigés de telle façon qu’ils ne retiennent pas les bruits d’ambiance. Le but du preneur de son est d’enregistrer l’acteur et lui seul, à tout prix. Pendant le tournage même, la priorité est donnée à l’acteur et non aux effets sonores. Il est bien plus facile de recréer des bruits de pas plusieurs semaines après le tournage que de faire revenir l’acteur pour le faire réenregistrer ses dialogues. C’est la manière la plus efficace de procéder et c’est là qu’intervient le monteur son 7. »
8Selon une enquête menée par les « Monteurs associés », la répartition entre les chefs monteurs et les chefs monteurs sons serait fortement inégale : 82 % se rangent du côté de l’image, contre 18 % du côté du son. Mais la séparation entre les deux activités est-elle aussi tranchée ? La nomenclature des métiers définie par le Centre national de la cinématographie pour l’attribution des cartes professionnelles ne retient par exemple qu’une appellation noyau, les chefs monteurs (et les assistants). Les seuls professionnels du son mentionnés sont les ingénieurs du son, profession totalement distincte. Il en va de même avec la convention collective de l’audiovisuel : elle considère le montage comme un secteur d’activité à part entière, distinct de la filière post-production (où on trouve les mixeurs, les superviseurs d’effets spéciaux, les truquistes, les étalonneurs, les conformateurs…). Mais le seul principe de classement retenu est hiérarchique (chef monteur/assistant monteur/assistant monteur adjoint) et ne tient pas compte de la spécialisation des activités. Dans le cas des Assedic, une monteuse m’explique que ce n’est que depuis récemment que cet organisme reconnaît la mention monteur son.
- 8 Voir Philippe Le Guern, « Mutation professionnelle et jeu social identitaire : le cas d’une profess (...)
9Dans le même temps, et ce fait s’impose rapidement à l’observateur, la définition du métier et des tâches à accomplir ne va pas de soi pour les monteurs : elle constitue même un enjeu important, révélateur des évolutions qui touchent la profession et de la façon dont les monteurs eux-mêmes présentent l’évolution de leur travail8. À la question de savoir quelles sont les prérogatives du monteur, et si le montage image est distinct du montage son, les réponses divergent, voire témoignent de controverses. Pour les uns, c’est le chef monteur qui contrôle l’ensemble des opérations effectuées au cours du montage ; il s’agit d’un travail en équipe qu’il a notamment pour tâche de superviser. Parmi les plus de quarante ans, certains vont jusqu’à refuser le terme « monteur son », considérant qu’il n’y a que des monteurs et que les deux activités ne sont pas dissociables. Ils se laissent parfois aller à déplorer l’émergence d’une nouvelle génération de monteurs sons, comprenant mal comment on peut travailler le son sans rien comprendre à l’image. De manière générale, ils nourrissent des sentiments ambivalents face à l’arrivée du virtuel : ils y voient la raison principale de la disparition des postes d’assistants, de l’émergence de nouveaux profils de monteurs socialisés hors des réseaux traditionnels susceptibles de déréguler un marché du travail dont l’équilibre relatif reposait sur le modèle du compagnonnage et sur la cooptation, et d’une nouvelle division des tâches où le monteur est contraint par les productions à faire toujours plus en moins de temps. Pour les autres, le montage son est une spécialité, il correspond à un métier distinct. Certains n’ont jamais monté la moindre image et comparent leur travail à l’ingénieur du son qui réalise des disques. Du reste, les monteurs sons formés « à l’ancienne » semblent avoir intériorisé la prévalence culturelle supposée de l’image ; s’attribuant des traits de caractère et de comportement caractéristiques, certains monteurs sons semblent convaincus qu’il existe un véritable habitus de la profession : « Le monteur son est souvent gentil, doux car très dépendant. Normal, c’est souvent le monteur image qui va recommander le monteur son. »
Des enjeux identitaires
10Dans tous les cas, ces évocations contrastées du changement technologique, cristallisées autour d’une définition problématique des attributions du monteur, de ses domaines d’intervention et de compétence, témoignent d’enjeux identitaires importants : car la mutation technique ne modifie pas simplement les savoir-faire, en l’occurrence hérités du montage traditionnel ; elle bouleverse les mécanismes de socialisation et les hiérarchies établies. Si certains monteurs déplorent l’importance croissante accordée au son, c’est sans doute aussi parce qu’ils perdent une partie du prestige attaché à leurs prérogatives. Une anecdote témoigne bien du sentiment de dévalorisation, et des stratégies défensives mises en place par une partie des monteurs, lorsque leur système de référence est menacé : à la sortie du film de Jean-Jacques Annaud, L’Ours, le « sound designer » fut amené à demander des royalties, considérant qu’il avait réalisé un véritable travail de création sonore. À ma grande surprise, nombre de monteurs jugèrent cette demande déplacée, ce que je ne comprenais pas puisqu’il me semblait que cela constituait une reconnaissance du métier de monteur son : or, comme me l’expliqua une monteuse,
« C’est pas étonnant, c’est parce qu’il brisait le monopole de la chef monteuse sur l’équipe des monteurs. C’était la fin du pouvoir des chefs monteuses ! »
En résumé, on peut considérer que les évolutions dans l’organisation du travail de montage et en particulier dans la division problématique des tâches entre l’image et le son, et la façon dont elles sont perçues, sont liées à des facteurs distincts mais qui peuvent s’additionner.
Profils
11On doit ainsi tenir compte des effets générationnels : si la plupart des monteurs ont été formés en traditionnel et tendent à privilégier une conception unifiée du métier, on voit apparaître depuis quelques années de nouveaux profils intéressés avant tout à l’univers de la musique et qui ont suivi un enseignement spécialisé consacré non pas à l’audiovisuel mais plutôt aux métiers du son :
« C’est l’intérêt pour la musique qui m’a attiré vers les métiers du son. Comme beaucoup d’ailleurs de gens comme moi. À l’époque, j’étais très fan de Pink Floyd, de Genesis, tous ces groupes là. Moi, j’ai voulu très tôt, dès le début du lycée, faire quelque chose dans ce domaine là, la musique, la sonorisation, éventuellement l’enregistrement de disques (…) Et puis après, la prise de conscience que les milieux de la musique, pour gagner sa vie à court terme, c’était pas aussi évident que ça, en fait c’est quand même des secteurs très, très petits, donc ça voulait dire, retravailler… enfin… genre passer le balai (rires), en tout cas c’est l’image que moi on m’en a donné et qui est restée vraie avec des gens que j’ai rencontré qui étaient assistants dans des studios d’enregistrement qui étaient quand même obligés pour des espèces de salaires qui atteignaient à peine le Smig, enfin, très en dessous le Smig… Ils avaient la chance d’entrer dans ces univers là mais en allant chercher les cafés pour les uns et les autres… Donc il y a un côté réalité de la vie, prendre conscience que dans les métiers du cinéma il y avait un peu plus d’opportunités pour travailler. »
- 9 Voir Yann Bohmer, « Monter à la maison », Le technicien du film, 15 décembre 2003, n° 539, p. 41-48
12L’intérêt pour le montage est ici en partie secondaire, il correspond à des stratégies de rechange faute de trouver un emploi dans le secteur de la prise de son ou du studio d’enregistrement. Par ailleurs, on doit prendre en compte les évolutions du marché de l’emploi : comme l’affirme un monteur, « il y a des monteurs sons qui font le son parce qu’ils n’ont pas d’images à monter ». Dans un secteur où la formalisation des compétences reste faible et où on assiste à une forte augmentation du nombre des entrants, phénomène accentué par la facilité d’apprentissage des logiciels actuels de montage et le faible coût de l’informatique qui permet de s’auto-équiper avec un résultat quasi professionnel 9, nombre de monteurs expérimentés peinent à trouver une volume de travail suffisant pour maintenir leur droit à l’intermittence. La filière du montage son peut alors constituer un débouché complémentaire du montage image, certains abandonnant même progressivement le montage image pour se spécialiser dans le son. Elle peut également fonctionner comme un système de promotion interne :
« Au début des années quatre-vingt, on était encore dans la période où les gens qui faisaient du montage son étaient des gens issus de la filière image, qui pouvaient parfois être les même personnes, c’est à dire qu’était monteur ou monteuse son un monteur image qui n’avait pas pour l’instant du travail au montage image et qui acceptait de travailler pour un de ses collègues mais en tant que monteur son. Ou souvent, c’était par exemple une ancienne assistante de telle chef monteuse, qui avait travaillé quelques années avec elle, qui voulait commencer à voler de ses propres ailes mais qui avait pas vraiment d’opportunités de travail comme chef monteuse image… donc elle la reprenait et elle lui disait maintenant tu vas travailler avec un statut de chef monteuse – enfin, c’est pas tellement le statut qui est important mais le fait qu’elle avait le salaire qui allait avec quand même – mais pour monter les sons… toujours avec la magnétique perforée. Donc c’était très lié : c’était vraiment les gens issus du montage image qui montaient les sons. En même temps, le montage son s’est toujours fait un peu en parallèle du montage image, c’est à dire on a toujours couplé… on a trouvé des machines qui… les tables de montage sont des systèmes astucieux qui permettaient de coupler mécaniquement la bande magnétique son avec la pellicule film, donc de toute façon ils étaient habitués à monter le son et c’était le même outil, on montait le son à peu de chose près sur les mêmes tables de montage. Donc, ça tenait vraiment du même profil de formation au départ. »
- 10 Les entretiens font en effet apparaître que la plupart des monteurs s’estiment heureux lorsqu’ils s (...)
13Toutefois, pour une fraction réduite des monteurs sons, leur fort capital réputationnel fonctionne comme une garantie d’emploi, de niveau de rémunération 10, de collaboration avec les réalisateurs les plus renommés et d’accès aux tâches les plus valorisantes : la possibilité de fixer des exigences salariales élevées – le rapport de force est généralement favorable aux productions et la marge de manoeuvre pour le monteur est habituellement inexistante – constitue un principe de sélection très efficace des offres de travail. Alors que lors de ces deux dernières années, j’ai pu recueillir des impressions concordantes sur la dégradation du marché du travail auquel peu échappent, un monteur son particulièrement réputé tient un discours qui dénote :
« Je ne suis pas affecté par la crise. Je travaille sans cesse et j’investis beaucoup. On ne me propose pas de trucs minables. Je coûterais le double d’un type qui sort de l’école ! Mais je suis peu représentatif : je fais des films hors-norme. Quand on m’appelle, on sait que ça coûte plus cher, mais parce que c’est un travail spécifique à faire. »
14Cette position privilégiée est retraduite dans le vocabulaire utilisé pour décrire son métier, qui emprunte à la terminologie professionnelle en vigueur aux États-Unis :
« De montage sonore, c’est devenu du design sonore. Avant, on prenait les sons du film et on complétait avec sa sonothèque. Dans le design sonore, on fait ses propres sons. C’est la différence entre le haute couture et le prêt à porter. »
15Un troisième critère de la division des tâches tient à l’évolution des outils utilisés, qui va dans le sens d’une complexification croissante et d’une extension des possibilités d’intervention sur la matière sonore :
16Cette évolution est bien entendue à replacer dans l’histoire même du cinéma :
« Jadis, c’étaient les monteurs ou les assistants qui montaient les sons. C’était du son mono, ça n’avait rien à voir. Quand le Dolby est arrivé dans les salles, c’est devenu plus compliqué : prise de son stéréo, etc. »
L’outil crée la fonction ?
17En quelque sorte, et pour reprendre l’expression d’un monteur, on peut dire que « la technologie a créé la fonction du montage sonore ». De ce point de vue, on peut analyser l’évolution des techniques comme le produit et le révélateur de la différenciation entre différentes catégories de monteurs son et des différentes conceptions du montage son. Dans l’exemple qui suit, on voit comment peut s’analyser le succès d’une machine comme le DD 1500 d’Akai, qui est un standard avant d’être supplantée par le Pro Tools :
« Le 1500, ils avaient frappé très, très fort, parce que on pouvait directement le locker dans un auditorium, sur les systèmes de projection, avec ce qu’on appelle le bi-phase qui était capable de suivre en avant, en arrière comme un défileur quoi. Donc ça, ça a eu un grand succès : pour les mixeurs, c’était merveilleux, il y avait les progrès et la qualité du numérique, l’absence de perte en terme de génération, de copies dans la chaîne de post-production, et avec l’habitude qui pour eux était conservée de faire marche avant/marche arrière, d’entendre le son défiler en arrière, de prendre leurs repères… Moi, j’ai toujours été un sceptique là dessus (rires), mais bon, y’a toujours et encore à l’heure actuelle les gens qui revendiquent ça, le fait d’entendre les choses à vitesse nominale arrière pour – alors moi ça me rend fou ce genre de séance, toute la journée à entendre ça – mais il y en a qui prennent des repères, même en marche arrière et ils disent que ça leur gagne du temps, mais bon, je crois qu’avec l’évolution des techniques, après tout, ça c’est un peu du combat d’arrière-garde. Mais donc du coup cette machine a tout de suite été un produit phare dans la post-production cinéma. Le côté « touches dédiées », et non pas l’interface informatique, a rassuré les gens qui venaient du montage traditionnel et là du coup, très vite, les gens qui étaient encore réticents aux outils comme le Pro Tools qui étaient avec un clavier, une souris, ont vu dans cette machine là un outil qui n’était pas un ordinateur, même si ça en reste un de toute façon. Simplement, eux n’avaient pas à rentrer dans les détails de l’ordinateur, c’est là ou Akai a marqué des points avec cette machine là. »
18On voit ici que le succès du DD 1500 est lié aux innovations techniques qu’il introduit mais également à l’adoption de solutions ergonomiques qui rassurent les monteurs issus du traditionnel. Ce point m’a été confirmé par une monteuse son expérimentée qui me confie récemment découvrir pour la première fois le Pro Tools : elle déplore la multiplicité des versions disponibles du logiciel et les difficultés d’utilisation dépendantes des ordinateurs employés. Par contraste, elle loue les qualités du DD 1500, tout en regrettant que la machine ne soit plus développée : « Pour moi, le truc novateur, c’était la possibilité de retour arrière avec le son synchro. »
19A contrario, on voit dans un autre exemple, celui de la « boucle » sonore, les monteurs traditionnels refuser de considérer cette évolution comme une amélioration ; car, en dépit d’un meilleur rendu sonore, c’est leur savoir-faire qui est menacé :
« Il y avait un truc tout bête qui servait beaucoup dans le mixage à l’époque, qui était de faire des boucles d’ambiance. C’est à dire d’essayer de trouver des bouts de silence raccords au bruit de fond de la prise utilisée dans une séquence et qui servait à cimenter un peu tout ça, c’est à dire à pas sentir toutes les coupes et les changements de niveau de bruit de fond et de rumeur. Donc, avant, on faisait des boucles, c’est-à-dire, c’était à mourir de rire, ça pouvait tenir sur quelques mètres de pellicule qu’on rebouclait sur elle-même, qu’on recollait, qu’on rechargeait sur la machine et ça tournait en permanence, avec le sempiternel endroit où il y avait la collure où ça raccordait évidemment jamais très bien puisque c’était typiquement dans un endroit où il n’y avait pas d’attaque, c’était une sorte de continuité de souffle, bruit de fond plus ou moins grave… mais tout se faisait comme ça. Et les monteuses qui travaillaient se faisaient fort d’avoir leur petite boite avec trois, quatre boucles passe-partout avec leur rumeur de ville… Et il y a plein de films qui sont faits comme ça, on n’y fait pas attention parce que le côté répétitif de certains éléments de cette boucle se noie de manière aléatoire par rapport à ce qu’il y a dans les dialogues… Et donc du coup, on s’est dit, là y’a moyen de faire cette opération là, de faire une longueur de son et en plus de la nettoyer puisqu’on pouvait couper avec cette machine, transposer le son, l’étirer. Tout ce qui se fait avec un S 900, sauf que là c’était un éditeur avec un écran d’ordinateur, la souris et des conditions de visualisation qui étaient bonnes – on pouvait zoomer, faire se raccorder la boucle pour que la sinusoïde face pas « clic ». Donc, je prétends pas qu’on était révolutionnaires, mais on s’est dit, y’a quelque chose à faire avec ces outils là (…) Tout ça, c’était évidemment le grand débat : là où on acceptait une boucle bêtement mécanique qui faisait trois mètres cinquante et où en entendait tout le temps un son qui revenait, là tout d’un coup, avec le DD 1000, ça devenait un problème (rires). Ce qu’on tolérait d’une boucle qui, comme son nom l’indique, tournait sur elle-même, on l’acceptait plus quand c’était une boucle faîte sur une machine numérique. »
20L’évolution technique met également en jeu des conceptions différentes voire opposées du traitement sonore : la répartition du son dans l’espace avec cinq canaux, la simplification et la réduction des coûts d’enregistrement qui produisent une inflation du matériau enregistré sur un tournage, ou encore l’accoutumance des spectateurs aux effets spéciaux induisant une sorte d’horizon d’attente sonore, démultiplient les possibilités d’intervention et rendent les choix problématiques.
21On rencontre d’ailleurs dans l’univers des musiques amplifiées un phénomène analogue : le public a pu développer une véritable expertise en matière d’identification sonore et se montre par exemple capable de restituer telle ou telle couleur sonore (liée aux instruments employés, notamment les synthétiseurs) dans son époque ; mais son horizon d’attente en tant qu’auditeur est également fortement structuré par les normes très standardisées d’une partie de la production musicale ellemême ajustée aux normes de la diffusion radiophonique (le fameux son FM). Du même coup, on assiste – au moins pour les productions à gros budget – à une sous-division des tâches à l’intérieur du montage son, conjuguant deux tendances en apparence contradictoires, l’hyper-spécialisation et la polycompétence.
Le chevauchement des métiers
22Dans le même temps où l’on assiste à cette division croissante des tâches, on note – sans que cela soit contradictoire – un déplacement entre les frontières professionnelles : cela peut être notamment observé dans les interactions entre le monteur son et le mixeur. Il ne s’agit pas pour le monteur d’entrer en concurrence avec le mixeur : les deux activités sont distinctes ; et le mixage est une étape cruciale qui débouche sur la production d’une version définitive du film, économiquement coûteuse, techniquement complexe et psychologiquement éprouvante :
« Par expérience, tu sais que ça crée de la complication car le mixage, c’est un moment où on speed, c’est 3000 balles de l’heure, si tu dépasses, les coups de fils pleuvent. »
23On peut le définir comme une sorte de huis clos à géométrie certes variable (il arrive que le compositeur de la bande-son soit présent) mais dont les deux principaux interlocuteurs sont le réalisateur et le mixeur ; la présence du monteur est acceptée mais sa marge d’initiative souvent réduite. Nombreux sont d’ailleurs les monteurs qui se plaignent parce que la production n’a pas prévu de les rémunérer lors du mixage : s’ils acceptent cependant d’y participer, c’est autant pour apporter leur contribution que par souci de préserver leur capital réputationnel. Bien entendu, ce type de situation peut varier selon le type de film concerné, le budget consacré, et la plus ou moins grande connivence entre le monteur et le mixeur.
- 12 Sur la notion de virtuosité au travail, voir par exemple Jean-Pierre Durand et Nicolas Hatzfeld, La (...)
24La projection en auditorium sur grand écran peut révéler les faiblesses ou les ratés du film. À ce stade, le mixeur, seul face à une console qui frappe l’observateur par son gigantisme, est mis à l’épreuve : il doit faire preuve de virtuosité 12 ; et réussir à trouver un équilibre entre ses décisions et les souhaits de ses interlocuteurs. Ceci permet de comprendre en quoi le travail du monteur son est doublement contraint : d’un côté, les bandes son se sont complexifiées et peuvent atteindre jusqu’à deux cents pistes. Le monteur doit donc structurer son travail de façon à faciliter ensuite le mixage : ce qui revient à faire « du travail très prédigéré » selon l’expression de l’un d’entre eux :
« Aujourd’hui, il y aussi demande qui vient du mixeur, c’est à dire, pour pas se retouver en audi avec 10 milliards de trucs à faire, il demande au monteur de préparer de plus en plus, donc la voix du téléphone tu l’as déjà filtrée toi même, plein de trucs que prépares, quand les voix sont crades, tu les égalises et le mec au mixage voit qu’elles sont propres et il perd pas 3 minutes à filtrer ton ambiance. »
25Le monteur son est donc amené à anticiper en réalisant des prémix ou en égalisant les sons :
« Quand le son est dégueulasse, je le préfiltre, j’en parle même pas au mixeur. Des fois, c’est mieux de le faire sans le dire que de dire qu’on l’a fait, sinon… »
26Et il sait qu’il met sa propre réputation en jeu lors du mixage :
« Un monteur son qui ferait le mixage, pour une prod’, c’est pas rassurant. Le mixeur est le grand chef du son. Le monteur flippe d’aller au mix. parce qu’il va se mettre à nu. Et des fois on passe des heures et des heures à faire un truc qu’on va mixer en dix minutes. »
27À titre personnel, j’ai éprouvé également ce sentiment de dépossession d’un travail dont j’étais en grande partie l’auteur lors du mixage d’un disque réalisé pour Virgin : après avoir tenté de persuader la maison de disque que j’étais capable, en m’entourant d’un technicien, de produire et mixer moi-même cet album. Face au refus réitéré de Virgin, j’avais fini par comprendre que, habituée à fonctionner selon une division des tâches très établie, la maison de disque considérait qu’il ne pouvait pas en aller autrement et que dans le cas contraire, ce n’était en effet « pas rassurant ».
28Ainsi, le monteur son a fait des choix esthétiques, a élaboré des sons, des ambiances, des effets, a puisé dans sa sonothèque personnelle : or, à l’étape du mixage, il ne contrôle plus ce qui advient de son travail. Le mixage peut être vécu comme une expérience de dépossession. C’est pourquoi il peut être incité à en conserver la maîtrise, même si cette démarche présente des risques :
« Le mixeur a la main sur la barre de transport, quand il fait play, ‘‘waaaammm !’’, tout le monde se synchronise avec un code et puis on lui dit la piste 1 à 16 c’est les bruits, de 17 à 26 les ambiances, de 27 à 32 les effets, et après t’as les musiques, etc. Et quand c’est un film à effets, tu arrives avec tes 120 pistes de montage son, là sur ce film, on va se retrouver avec 200 pistes environ. Les pistes sont regroupées. Quand tu as trop de pistes, on fait des prémix. D’abord, on fait un prémix paroles, là c’est pas parce qu’on a trop de pistes, c’est qu’on fait un prémix paroles avant d’intégrer le montage son. Et puis après, sur un film à effets, tu vas regrouper : comme c’est numérique, même si tu as 100 faders sur la console, tu peux avoir 4 couches. Donc elle peut faire virtuellement 400 faders. Mais le mec va pas mixer sur 400 tirettes, donc il va prémixer : là c’est un film de guerre, donc on va faire d’abord tout ce qui est impacts de guerre, obus… Après, les humains, les soldats… Ensuite les ambiances… Si tu amènes ton truc et que tu es pas organisé, avec le mixeur, c’est la prise de tête. Avant on avait des feuilles de mix. Maintenant on arrive, on a tout dans la tête : on regarde nos machines, on lui dit, tu vois les effets sont de là à là… Tu peux aussi construire ton effet en ne laissant plus le choix au mixeur d’enlever tel élément de ton effet : tu le construis sur 50 pistes et tu le resserres sur 5 pistes. Là il faut que tu sois sûr de ton coup aussi et que ça plaise bien. Mais comme là on a beaucoup de pistes, on peut se permettre de décomposer comment on a fait le truc et puis on peut dire ‘‘là l’élément métallique il me fait chier, blam, on l’enlève’’. Tu vas perdre du temps, mais tu vas gagner de la précision. Si t’as fait ton truc comme ça et que tu veux que ça passe comme ça, tu le livres comme ça. Si tu as des doutes, tu le laisses décomposé. Tu peux aussi violer le mixeur : si tu veux que ce soit comme ça, tu lui donnes que ça et il peut rien faire, mais faut que ton réal’ aime ça, il faut que tu sois sûr de ton coup. »
29Une telle situation – où deux métiers se chevauchent – peut également être observée dans la relation du monteur au bruiteur :
« Le montage son a beaucoup évolué : il y a des tas de trucs que faisait le bruiteur qu’aujourd’hui on fait nous aussi. Toutes les bruits de portes, on les monte, nous les monteurs sons. Le bruiteur, en auditorium, il a deux portes et on se dit, il a deux sons de portes. Nous on en a 2000. On va monter des portes pour les enrichir, les alourdir et on va demander au bruiteur un renfort de porte pour avoir un certain grain mais on va monter nos portes aussi. Sans parler de doublons, on fait beaucoup d’ajouts qui avant n’étaient faits que par le bruitage. Aujourd’hui, il y a une complémentarité entre le bruitage et le montage son. Souvent, le bruiteur se met ça a son crédit et le monteur se dit ‘‘Ah, elles sont belles mes portes’’. »
30De même, les monteurs images peuvent être amenés à anticiper sur le montage son :
« Du côté du monteur image, les raccords qui passent mal, on s’en fout c’est le monteur parole qui va se débrouiller. Et puis c’est vrai que de plus en plus, quand t’as le téléphone qui sonne et que t’as pas monté le son au montage image, les productions te disent ‘‘vous pouvez mettre le son du téléphone quand même !’’. T’as un minimum syndical du monteur image qui va positionner les petits sons récurrents, la sonnerie du téléphone… Et puis tu as celui qui étoffe déjà un petit peu plus au montage image, là c’est vraiment en fonction des monteurs. La vieille école, c’est ‘tout ça c’est pour le son ‘. Et tu as ceux qui viennent de l’image mais qui aiment le son et qui le travaillent un peu plus même s’ils laissent le montage son aux monteurs son mais au moins ils présentent un truc déjà plus abouti, plus harmonisé au niveau de ce que tu entends et de ce que tu vois. »
Conclusion
31La révolution numérique a ainsi créé les conditions d’une véritable spécialisation professionnelle et a contribué à accroître la division des tâches. Toutefois, cette autonomisation d’un métier, pour être comprise, doit être rapportée à l’interaction entre plusieurs facteurs : d’une part, la complexité croissante du montage son avec l’apparition d’outils et de logiciels spécifiques et l’extension du nombre de pistes utilisées. D’autre part, les contraintes imposées par la production qui affectent le mode d’organisation du travail. En effet, le montage son commence de plus en plus et est effectué presque parallèlement au montage image. Il n’est donc plus possible pour le chef monteur de réaliser l’ensemble des opérations. Et cette nouvelle organisation est vécue comme déstabilisante puisque le monteur son débute son travail avec une image qui n’est pas définitive :
« Tu as monté avec la version 1 de l’image et le monteur arrive et te donne la version 6 et il fait tout conformer de nouveau. Quand t’as 50 pistes avec des rafales de mitraillettes précisément calées et qu’il a changé des images à tous les plans, t’imagines le bordel ? ! »
32Enfin, l’importance accordée au son avec la sophistication des effets et la spatialisation conduit les productions à recruter de véritables spécialistes dont le capital réputationnel est solidement établi, et ainsi à minimiser les risques, tout du moins pour les films à gros budget : on voit ainsi apparaître de nouveaux réseaux professionnels où les monteurs sons se distinguent progressivement des monteurs images. Ce fait est d’autant plus vrai que le niveau de compétence est élevé. Reste que pour une partie des monteurs, le montage son est vécu comme un pis-aller dans les situations de sous-emploi ou d’inactivité. On voit ainsi s’établir une hiérarchie entre une minorité de monteurs sons qui travaillent sur les projets les plus valorisants – et dont les pratiques peuvent apparaître, au sein de la profession, critiquables : revendication de l’appellation « créateur sonore » (sound designer) ; perception de royalties – et les autres. L’existence d’une hiérarchie pose à son tour la question des critères permettant d’établir la valeur professionnelle : les monteurs sons interrogés considèrent que la nature même du son rend son évaluation plus difficile que l’image ; aussi préfèrent-ils généralement mettre en avant les qualités relationnelles indispensables dans un univers fonctionnant en réseaux :
« Est-ce que je travaille mieux qu’un autre ? Je remarque surtout que dans la vie, les bons rapports humains fédèrent énormément les gens » ;
« Je considère que j’ai un haut niveau de culture générale par rapport aux jeunes qui écoutent « tchak-Poum » toute l’année […]. Avec le réalisateur, c’est une délégation de confiance. Et c’est important pour les gens de confier leur bébé à un type qui est pas un âne ! »
33Mais ils peuvent également dénoncer la figure du « virtuose », technicien habile mais plus préoccupé par le brio que par l’efficacité, pour définir les qualités d’un bon monteur son :
« C’est facile d’embourber au son, de faire un effet sonore qui déchire, mais est-ce que ça le nécessite ? Tu apprends ça avec les monteurs qui viennent du 35, qui mettaient le bon son au bon moment. C’est un métier un peu flambant le montage son, avec les ordinateurs, c’est la compét’ ! »
34On devine peut être également que cette rhétorique du « son juste » cache une rivalité latente avec de nouveaux profils de monteurs sons, jeunes, majoritairement masculins, bénéficiant d’une offre pléthorique de formations notamment privées, rompus à l’informatique, et dont la vocation pour les métiers du son est portée par leur espoir « d’être les ingénieurs du son pour les prochains Rolling Stones ».
35Plus largement, on peut se demander si les phénomènes d’auto-équipement, croissant dans le cas du montage image, voient le jour avec le montage son et s’ils accompagnent la culture désormais bien établie des home-studio. On peut également s’interroger sur les phénomènes de court-circuitage des normes professionnelles dès lors qu’émergent de nouveaux acteurs formés en dehors des réseaux établis et à l’écart des modes d’apprentissage traditionnels.
- 13 Dans le cas précis du montage, deux tendances contradictoires se développent : d’une part, la polyq (...)
36En définitive, les technologies ne se limitent pas à des changements de techniques ; elles entraînent des bouleversements affectant les métiers, les produits, les conceptions des modes de production et l’organisation du travail. L’impact le plus évident est ainsi la suppression ou le déplacement de certaines frontières entre les métiers, voire à l’intérieur d’un métier : le cas des monteurs sons illustre bien ces modifications des pratiques qui peuvent aller jusqu’à la transformation des métiers 13 ou à l’apparition de nouvelles professions.
« Ça paraît très naturel maintenant, c’est pas si ancien que ça, pourtant… » :
37Ces extraits d’entretien ont été recueillis en mai 2004, auprès d’Hervé Guyader. Agé de 43 ans, timide, Hervé se révélera prolixe, comme bon nombre de ces monteurs sons qui ont rarement l’occasion d’être interrogés sur une profession mal connue. Il joue de la guitare et son entrée dans le métier est en réalité le résultat d’une vocation contrariée d’ingénieur du son/sonorisateur. Il a crée avec des amis sa propre structure de montage son – une SARL – et dispose d’un équipement et d’un mini-auditorium qu’il loue aux productions de films. Il se décrit comme un des premiers à avoir aperçu les possibilités offertes par l’arrivée des technologies numériques dont il s’est très tôt équipé, nourrissant la suspicion des monteurs formés en traditionnel. Là encore le parralèle avec le mondes des musiques populaires est patent puisque l’acquisition d’une compétence (y compris professionnelle) s’appuie sur une « auto-exploration », en dehors des circuits de formation, quasi sytématique des nouvelles machines. Le monteur teste les nouveaux outils avant même qu’ils deviennent, le cas échéant, des standards. La passion pour les innovations rejoint l’acquisition de nouvelles compétences professionnelles que l’on peut valoriser sur le marché. L’uptodate concerne non seulement les machines mais aussi les personnes. Enfin, on doit remarquer que les appareils mentionnés ci-dessous ont tous largement été utilisés dans les studios( pros ou domestiques) parfois même avant qu’ils soient adoptés dans l’audiovisuel.
« Le son direct, c’était du quart de pouce sur Nagra. Le DAT est arrivé à la fin de la décennie. Les premiers DAT en France, c’est quand j’ai commencé à bosser, c’était 1987-1988. Mais c’était normal puisque les premiers multipistes numériques qu’on a vu, ce qu’on appelle le 33/24 Sony, c’était autour des années 1983-1984 et du coup les quelques expériences sur des formats plus petits, c’était sur des meubles aussi gros que ces machines là (il me désigne un gros multipiste 24 pistes). Le 33/24, si je me trompe pas, c’est du demi-pouce, donc avec des très gros moteurs, des grosses bobines, les bobines étaient un peu plus petites effectivement que les gros multipistes analogiques, mais c’était quand même des gros meubles avec beaucoup d’électronique dedans. Il y a eu des formats intermédiaires dérivés du HI-8 vidéo, donc les cassettes étaient un peu plus grosses, mais le meuble avec les cartes électroniques était pratiquement aussi gros que ce gros multipiste avec 24 pistes (rires). C’est assez délirant quoi. En même temps, c’est là qu’on se rend compte que ça a été à une vitesse prodigieuse : j’ai vu le premier DAT moins de 5 ans après quoi ! L’ADAT, c’est à peu près ces années là. J’ai vu arriver les premiers, achetés au Japon directement, avec en plus un transfo parce qu’ils étaient en 110. Et puis après sont arrivés les modèles professionnels, Sony notamment, mais ça a du se suivre à un an d’écart quoi…
Les samplers, c’est à peu près la même période parce que c’est issu des mêmes recherches : tout le monde était sur le traitement numérique du signal. Mais en fait, les premières machines étaient déjà expérimentées depuis le début des années soixante-dix. Pratiquement 15, 20 ans avant, chez Daenon au Japon, qui était très en avance là dessus. Alors là, c’était monstrueux, j’ai des photos sur certains ouvrages, enfin c’était à l’image de ce qui se faisait dans l’informatique, c’est à dire qu’il fallait des armoires entières de matériel pour réussir à enregistrer un signal stéréo qui était – j’ai pas eu la chance d’écouter ça –, ça devait avoir les défauts qu’on a attribué aux premières platines laser, c’est à dire, très métallisant sur les sons riches en harmoniques…
J’ai acheté un des premiers logiciels sur Atari, je m’étais endetté à l’époque pour ça. Une machine qui s’appelait l’ADAP. En fait, il y avait deux machines qui se concurrençaient : il y avait Sound Tools et l’ADAP. Sound Tools tournait sur les premiers MacIntosh, les SE 30, et l’ADAP tournait sur une base Atari, le 1040, voire un 520, enfin y’avait pas 50 modèles de toute façon dans les différents ordinateurs à l’époque et je crois que j’ai rencontré un jeune gars qui faisait les démonstrations, qui faisait du son, qui venait un peu des studios de musique, qui s’était branché avec la boîte qui faisait ce produit là en France. Il nous a fait une démonstration, et là très vite je me suis dit, ‘‘alors là, c’est faramineux’’, on prend un bout de son, on le renverse, c’est à dire que tous les trucs étaient laborieux à faire sur une bande magnétique – parce que moi j’avais eu l’occasion, dans l’école et hors de l’école, de manipuler la matière sonore avec de la bande magnétique, et j’avais fait des essais, couper les attaques, etc., enfin tous les trucs issus des travaux de Pierre Schaeffer – et là d’un seul coup, on avait un outil qui en trois clics de souris fait ça et on entend pas la collure (rires). Alors, tout de suite ça m’a interpellé, je me suis dit y’a quelque chose qui est en train de se passer. Donc, c’était un éditeur, un sampleur en quelque sorte, en fait à l’époque ça fonctionnait comme sampleur puisqu’on pouvait fonctionner que sur la mémoire de l’ordinateur, donc on mettait très peu de son, c’est à dire que même boosté à fond, avec le 1040 on devait faire 40 secondes en mono. Mais c’était déjà ça.
Rétrospectivement, je dirais que j’étais quand même un peu fou d’avoir mis autant d’argent là dedans. Il a fallu qu’on s’équipe d’un disque dur, alors là ! Je crois que ça faisait 60 ou 80 mégas (rires) : je parle en mégas ! Ca coûtait à l’époque pratiquement un mois de salaire, 7000 francs, c’est délirant quoi. Ça m’a permis de stocker des sons… et il fallait sélectionner parce qu’avec 60 mégas ! Mais c’est là où pour moi le déclic s’est fait. J’entends beaucoup de gens dire aujourd’hui ‘‘ça coûte cher Pro Tools et tout ça !’’ mais c’est finalement – pour ce que ça fait maintenant – beaucoup plus proportionné que quand moi j’ai acheté ces machines là… Même un S 900 ça coûtait cher à l’époque ?
On était à la croisée des chemins : des machines Akai héritières de leurs sampleurs, sauf qu’on enregistrait sur des disques magnéto-optiques. Le DD 1000, c’était assez polyvalent, c’est ce qui a fait son succès, sauf que c’était très limité, mais de toute façon les machines à l’époque étaient très limitées mais on pouvait enregistrer des fichiers soit mono, soit stéréo, définir des régions, les monter avec un système d’edit-list, ou de cue-list, donc soit déclencher des événements avec des informations midi comme un sampleur, soit avec la référence d’un time-code, et ça se repositionnait dès qu’on rembobinait. C’est une des premières machines qu’on a acheté, en fait, c’était pour faire le film Delicatessen.
Les premiers magnéto multipistes sur des cassettes arrivaient, je crois bien que c’est toujours Akai, le MR 1200, enfin une sorte de référence comme ça mais qui a pas fait très long feu, mais il y avait, je ne sais plus, 12 ou 16 pistes sur une cassette genre grosse cassette comme des VHS et tout ça se synchronisait avec le « Time Code » déjà. Donc, très vite moi j’avais dit, ce qu’on est en train de faire – les effets, traiter les sons, les mettre à l’envers, les pitcher et tout ça, on arrivait à empiler un certain nombre de sons dans le DD 1000, pas beaucoup mais avec de l’astuce on pouvait arriver à empiler trois, quatre sons avec des espèces de copies successives. Malheureusement, on n’avait pas les moyens d’acheter ce truc là. On achetait le matériel en leasing. Du coup, ça a été les premiers pas avec ces techniques là. J’ai proposé mes services : c’était avec Claire Pinero qui était la monteuse son ; plutôt que de faire des boucles et de nettoyer des silences, parce qu’elle avait besoin de ça dans son montage son et ça se montait encore en magnétique, j’ai proposé à la production de louer la machine pas trop cher et de travailler quelque temps : ‘« je vais aller chercher dans les différentes prises ce dont tu as besoin, je vais ajuster les silences dans la machine, je vais te faire des longueurs et je vais te reporter ça sur du 35 et si tu me dis que tu en veux des longueurs de dix minutes, je t’en fais dix minutes, ça sera toujours mieux que cette boucle qui va revenir avec ce collant à chaque fois qui va passer, et puis je vais essayer de travailler ça pour que ce soit aléatoire si je détecte un son qui revient trop souvent, je vais essayer de casser le phénomène répétitif ’’.
Quand j’ai dit, ‘‘Y’a des machines qui arrivent, vous croyez pas que…’’, il y a des gens qui m’ont ri au nez. Le Pro Tools arrivait déjà, mais des gens m’ont dit, ‘‘quand vous arriverez à faire le dixième de ce qu’on fait avec de la bande magnétique, on en reparlera’’. Il s’est pas passé deux ans, il y avait les premiers DD 1500 qui arrivaient (rires). J’ai fait des petits boulots dans des boîtes, mais c’était quand même du montage son, aller faire des séances de nuit dans des petites boîtes qui sonorisaient des espèces de téléfilms genre Amoureusement votre, enfin des espèces de sitcom arrivés des États-Unis : il fallait faire du bruitage mais sans bruiteurs. Il y avait des collections de sons, et c’était des gens qui s’étaient équipés avec des ADAP justement, on était en vidéo et on se calait à l’image et on faisait des longueurs comme ça, toute une longueur avec les bruits, les assiettes, les verres, les portes, ouverture, fermeture, les portières voiture, qu’on reportait sur un multipiste analogique avec des réducteur de bruit, et ça se mixait comme ça. Mais ces gens là avaient compris aussi qu’avec ces outils là, il y avait quelque chose à faire. On mettait des longueurs d’ambiance, c’était d’un intérêt très réduit : genre le bureau de JR de Dallas avec la sempiternelle boucle d’ambiance, la ville entendue de haut, la nuit chez la copine de l’étudiant, le grillon dans la cour… C’était un peu ça mais avec des outils comme le S 900. J’ai fait des dessins animés comme ça aussi : on faisait les arrivées, les départs de carrosses, c’était une transposition de D’Artagnan en dessin animé. Là, c’était le mélange des techniques : y’avait des choses plus adaptées pour être calées à l’image, au « time code », le son devait se déclencher à un moment précis mais y’avait pas spécialement de le traiter ; et puis y’avait besoin pour tout ce qui était effets de banques de sons affectées à des touches de clavier, c’est à dire au lieu de mettre des instruments et des notes, on avait des librairies de sons affectées aux touches du clavier avec des petites marges de transposition pour chaque événement et qui permettaient par effet de cumul de ces touches de grossir le son, puisque simultanément on entendait avec un ton, un ton et demi d’écart, le même son et sa version un peu plus grave. Je parlais tout à l’heure de Délicatessen, le DD 1000, ça fait être la fin de l’année quatre-vingt-dix.
Après, je suis tombé sur un copain de l’Insas qui travaillait comme monteur son sur des téléfilms. Là, on travaillait dans une société équipée avec des Audio File, au tout début des années quatre-vingt-dix. C’était une machine très coûteuse, qui gérait je crois que 8 pistes, mais on montait en virtuel. Il fallait pas hésiter, se dire pendant une heure ‘‘‘Ah, je me souviens plus comment on fait plus glisser le son sans décaler la synchro de ce qui suit sur la piste ?’’, tout un tas de notions comme ça qui peuvent paraître très bêtes actuellement mais qui étaient pas si simples que ça techniquement à l’époque à régler. Et cette machine là était très en avance, c’est à dire que on pouvait… on avait enlevé par exemple deux secondes dans une séquence mais le reste de la bobine n’avait pas changé, on était capable avec cette machine de localiser l’endroit où il y avait eu la coupe et de rapprocher les deux bords, c’est à dire ramener toute la suite de la bobine à l’endroit de la coupe, de peaufiner l’endroit du raccord… et tout ce qui suivait, on n’était pas obligé son par son de tout recaler ; ça paraît très naturel maintenant, c’est pas si ancien que ça, pourtant il a fallu du temps pour que les techniciens trouvent des solutions informatiques, puisque toutes ces machines sont issues de l’univers informatisé… C’était une machine très complexe, un peu usine à gaz quand même, dont il fallait avoir une grande pratique pour réussir à en tirer le plus de bénéfices, pas se perdre dans les multiples options qu’elle offrait. Et après est arrivé – alors ça a été quand même assez rapide – le DD 1500 ; ça a été révolutionnaire dans le secteur du cinéma : parce que tout le monde avait un peu des réticences jusque là, soit parce que c’était des machines très chères comme le Screen Sound ou l’Audio File – Screen Sound a fait une percée dans le monde du cinéma parce qu’elle était extrêmement bien pensée en terme d’ergonomie et l’interfaçage était avec un système de tablette avec un crayon un peu comme les tablettes de graphistes, et on pouvait prendre le son, le ramener sur les repères qui simulaient les têtes de lecture virtuelle, synchroniser par le début, par la fin d’un son, rabouter des sons, faire une zone de chevauchement avec un un cross-fade entre les deux, et puis c’était des machines très soignées en terme d’électronique, avec un son de qualité… »
Notes
1 Cette notion est employée par Elisabeth Lage dans « La culture technique comme mode de connaissance, d’expression et de créativité », Culture Technique, n° 17, mars 1987.
2 De ce point de vue, il existe d’évidentes homologies entre le secteur audiovisuel et le champ de la production musicale : dans le cas de la musique, on pourra montrer comment l’apparition de la technologie midi, puis des samplers et des logiciels direct-to-disk ont favorisé l’apparition des home-studios et de l’auto-équipement et on eu des conséquences considérables sur les techniques, les lieux et les conditions d’enregistrement, sur l’évolution des styles musicaux, et plus généralement sur l’industrie et l’économie du disque. Je développe ce point à partir de ma propre expérience de musicien professionnel sous contrat avec Virgin au début des années quatre-vingt-dix dans un autre article de Volume ! du dossier « Sociologues -musiciens : de la pratique à l’analyse » : cf. ici http://volume.revues.org/1682.
3 Voir notamment Éric Brousseau, « Néo-institutionnalisme et évolutionnisme : quelles convergences ? », Économies et Sociétés, HS 35, n° 1, 1, 1999.
4 Certains aspects importants ne seront pas évoqués ici : la question des processus de sélection des technologies, avec une observation sur les interactions entre des monteurs beta-testeurs et des fabriquants de machines de montage ? la question des motivations individuelles et de leur incidence sur l’adoption ou le rejet de technologies, avec le cas des monteurs utilisateurs de Hot-lines et le cas de l’association « Les monteurs associés » lorsqu’elle est amenée à interpeller les fabriquants sur la possibilité de partage des disques durs.
5 Sur la question des mutations professionnelles, voir Françoise Piotet (dir.), La révolution des métiers, Paris, PUF, 2002.
6 Mes remerciement vont en particulier Hélène Ducret qui par ses conseils et ses recommandations, a grandement facilité mon entrée dans l’univers du montage et m’a aidé à saisir le sens de certaines situations lorsque ma trop grande extériorité les rendaient indéchiffrables. Mes remerciements vont également à Hervé Guyader, Laurent Quaglio, Alexandre Widmer pour leur disponibilité et leur cordialité. Et enfin, à Elsa Lafaye de Micheaux, qui m’a éclairé sur la place qu’occupe l’histoire des techniques et la notion de développement dans les théories économiques.
7 Declan Mcgrath, « Entretien avec Skip Lievsay », Montage et post-production, la Compagnie du Livre, 2000, p. 165.
8 Voir Philippe Le Guern, « Mutation professionnelle et jeu social identitaire : le cas d’une profession technico-artistique, les monteurs », IXes journées de Sociologie du Travail, vol. I, p. 187-195.
9 Voir Yann Bohmer, « Monter à la maison », Le technicien du film, 15 décembre 2003, n° 539, p. 41-48.
10 Les entretiens font en effet apparaître que la plupart des monteurs s’estiment heureux lorsqu’ils sont payés au minimum syndical et il est fréquent qu’ils soient amenés à accepter des tarifs de 20 à 40 % inférieurs à ce minimum.
11 Il s’agit d’un procédé numérique de reproduction sonore multicanaux. Le format Dolby SRD ou Dolby Digital est un procédé d’enregistrement numérique 18 bits de 5 canaux audio large bande plus un canal subwoofer limité aux fréquences inférieures à 120 Hz.
12 Sur la notion de virtuosité au travail, voir par exemple Jean-Pierre Durand et Nicolas Hatzfeld, La chaîne et le réseau. Peugeot-Sochaux, ambiances d’intérieur, Cahiers Libres Editions Page deux, 2002, p. 119-123.
13 Dans le cas précis du montage, deux tendances contradictoires se développent : d’une part, la polyqualification (par exemple, rédacteur/reporter d’images et monteur) qui permet d’augmenter la productivité ; d’autre part, l’expertise et la spécialisation (par exemple, monteur sons).
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Référence papier
Philippe Le Guern, « Mutations techniques et division du travail : le cas des monteurs sons », Volume !, 3 : 0 | 2004, 101-121.
Référence électronique
Philippe Le Guern, « Mutations techniques et division du travail : le cas des monteurs sons », Volume ! [En ligne], 3 : 0 | 2004, mis en ligne le 30 août 2006, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/volume/2172 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/volume.2172
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