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Dossier "musiques actuelles : un 'pas de côté' "

Pourquoi un «  pas de côté  » ?

Introduction
Introduction: Why Offer Alternative Perspectives?
Philippe Teillet
p. 5-14

Texte intégral

  • 1  Master (ex DESS) « Direction d’équipements et de projets dans le secteur des musiques actuelles et (...)

1Ce numéro de Copyright Volume ! a été construit à partir d’interrogations qui sont plus ou moins directement nées de la conception puis de la mise en œuvre d’un diplôme de 3e cycle (en formation continue), devenu spécialité de Master professionnel, dans le secteur des musiques actuelles et amplifiées 1.

  • 2  Voir sur ce point les remarques de Vincent Dubois (1999).

2Pour leurs responsables, la création de nombreuses formations diplômantes, accompagnant le développement et la professionnalisation des politiques culturelles depuis la fin des années 1970, pose une première série de questions. Sans être spécifiques à ce domaine, elles concernent tant les débouchés professionnels de ces étudiants ou stagiaires, que la capacité du secteur culturel à constituer un marché de l’emploi viable, à même d’offrir aux détenteurs de ces différents titres des perspectives réelles d’intégration et de carrières professionnelles. Les débats récents sur l’emploi culturel, nourris par les mobilisations concernant le régime d’assurance-chômage des professions du spectacle, ont mis à jour une situation à bien des égards problématique. Mais, parallèlement, on ne peut nier une réelle motivation chez des étudiants ou des professionnels d’autres secteurs, pour les métiers de la culture (intégrant souvent, en toute connaissance de cause, les aléas et la précarité qui les accompagnent), traduisant l’orientation culturelle des sociétés contemporaines, l’importance croissante et les différentes dimensions (économique, sociale et politique) des enjeux culturels les plus divers. On peut également s’interroger sur l’impact de ces formations sur les formes des activités culturelles dans la mesure où les teneurs idéologique et politique de ces dernières se sont progressivement effacées aux profits d’exigences professionnelles… dont les « professionnels » de la culture se sont fait, au nom de leurs qualifications diverses, les premiers juges 2.

3Mais c’est autour d’une autre série de questions que nous avons décidé de concevoir ce numéro. En partie, il prolongera les interrogations présentes dans la précédente livraison (à laquelle Damien Tassin et moi avons été associés). Musiciens-sociologues. Usages de la réflexivité en sociologie de la culture (Copyright Volume !, nº 4-1, 2005, sous la direction de Philippe Le Guern) s’intéressait aux musiques actuelles comme champ de recherche universitaire en cours de structuration et surtout à la délicate position réflexive des acteurs de ces musiques — musiciens ou non —, engagés dans les terrains dont ils se font les observateurs scientifiques. La bonne connaissance de ces musiques et du secteur constitué autour d’elles, l’empathie voire l’implication de ces chercheurs, étant alors susceptibles de constituer simultanément une ressource et une contrainte. Notre perspective, dans ce numéro, présente indéniablement un « air de famille » avec cette thématique. Il s’agit en effet de « faire un pas de côté », de mettre un peu de distance entre le monde de la recherche et les acteurs des musiques actuelles, non pas pour se tourner le dos, mais pour donner aux premiers l’occasion et les moyens d’apporter encore plus aux seconds.

Take a Walk on the Wild Side

4Une telle ambition ne saurait se comprendre sans le rappel des liens (trop ?) étroits qui ont jusqu’à présent associé le développement de l’intervention publique en faveur des musiques actuelles aux réflexions sur (et à l’étude de) ces musiques et (de) ce champ d’intervention.

5Historiquement en effet, la cause des musiques actuelles a été soutenue par une série de travaux portant sur les pratiques culturelles (des jeunes notamment) et par contrecoup sur les difficultés et limites des politiques publiques de la culture. Leur diffusion a nourri une forme de réflexivité permettant de juger des mesures adoptées en ce domaine et de rechercher des orientations ou des modes d’action relativement inédits (nouveaux lieux, nouveaux rapports à la création artistique, « émergences », pratiques en amateur, etc.). En particulier, le Service des Études et de la Recherche du ministère de la Culture, aujourd’hui Département des Études, de la Prospective et des Statistiques, service plus militant que ne le laissent croire son intitulé et son objet, a largement montré la persistance des écarts entre catégories de Français quant à l’accès aux formes et pratiques culturelles légitimes (ce qui a été lu comme l’échec de la démocratisation culturelle) et, parallèlement, la progression de l’écoute musicale à domicile, le développement des pratiques musicales en amateur, le basculement des pratiques culturelles des « arts du verbe » vers le « pôle audiovisuel », la présence du rock parmi les goûts musicaux d’une majorité de Français nés après la Deuxième Guerre mondiale, les incertitudes croissantes concernant la notion de « culture légitime », la mise en cause des frontières entre « haute culture » et « sous culture » ainsi que les dissonances fréquentes dans les rapports (autrefois d’homologie) entre catégories sociales et catégories de pratiques culturelles (cf. Lahire, 2004).

  • 3  Qui rappelons-le a été forgé par Marc Touché (CNRS) dans le cadre de travaux pour le ministère de (...)

6Le secteur des musiques actuelles témoigne en outre de la forte emprise qu’exerce tout particulièrement en France l’orientation des politiques publiques de la culture sur les façons de concevoir les pratiques et la production de biens ou de services culturels. Le terme même de « musiques actuelles », dont on ne peut que rappeler ici les multiples imperfections, né vraisemblablement d’une improvisation ministérielle (alors qu’on parlait jusqu’alors — au milieu des années 1990 — de « musiques d’aujourd’hui », ce qui d’ailleurs n’était pas mieux), est parvenu à s’imposer pour désigner un champ de productions artistiques relativement unifié malgré les différences multiples et les oppositions nombreuses qu’on peut y remarquer sans trop d’effort. On entend même parfois parler de musiciens faisant de la « musique actuelle » ! Ce terme générique, absurde sous bien des aspects, tend donc à constituer une donnée de fait s’imposant « naturellement » à toutes les réflexions en ce domaine ou obligeant à des efforts considérables ceux qui voudraient mettre cette improbable catégorie à distance. Ainsi, on ne recourt plus trop aux « musiques amplifiées 3 » qui, pourtant, sans embrasser aussi large, avaient une tout autre pertinence. On observera avec consternation que nous nous sommes bien gardés, à V©lume ! et pour ce numéro en particulier, de mettre en cause le principe de vision et de division du monde que porte avec elle l’expression « musiques actuelles » et qui mériterait pourtant bien l’assaut vengeur que beaucoup lui promettent régulièrement.

7Enfin, récemment intégré au domaine des politiques culturelles, doté d’une légitimité encore contestée et, pour ces raisons, plus fragile que ses prédécesseurs, le secteur des musiques actuelles semble singulièrement marqué par la volonté de mobiliser en faveur de sa cause les recherches qui le concernent. Le souci de reconnaissance qui anime ses acteurs a tendu à multiplier les formes savantes de mobilisation (colloques, forums, journées d’étude, états des lieux, etc.) où les musiques actuelles ont été souvent appréhendées à travers des problématiques relatives à la formation, à l’aménagement du territoire, à la citoyenneté, etc. Pour partie destinées à éclairer les situations des acteurs, les recherches en ce domaine ont aussi été appelées à servir leur cause. On comprend d’ailleurs très bien que nombre de travaux en sciences sociales sur ces questions aient été menés par des individus si ce n’est militants, du moins amateurs et que, par ailleurs, de nombreux responsables de lieux, de manifestations ou d’organisations de ce domaine aient eu un parcours universitaire tel qu’ils envisagent assez spontanément d’associer des chercheurs (doctorants ou « seniors ») à leurs propres réflexions.

8Mais le temps semble désormais venu de plaider pour (et de valoriser) des approches présentant plus de distance (par leurs auteurs, les terrains étudiés, les méthodes employées) avec les problématiques professionnelles. Il ne s’agit pas seulement de rappeler ici la nécessaire autonomie de la recherche ni toutes les conditions indispensables à la production d’un travail scientifique en sciences sociales. Il s’agit surtout d’affirmer que c’est de cette façon que ces recherches gagneront en utilité. On a souvent pu constater que la seule description des faits et des situations vécues apportait déjà beaucoup aux acteurs concernés, trouvant dans ces tableaux une base (fiable ?) de discussion, entre eux et avec leurs partenaires institutionnels (rôle plus ou moins expressément dévolu, par exemple, aux multiples « états des lieux des musiques actuelles »). Mais il nous semble aussi qu’aller « voir ailleurs » (d’autres terrains musicaux ou artistiques, d’autres territoires — extra nationaux —, d’autres disciplines — parmi celles des sciences sociales que les musiques actuelles ont encore peu sollicitées —, voire des approches multi-dimensionnelles et trans-disciplinaires… The Wild Side ?) apportera plus aux acteurs des musiques actuelles que de nouveaux constats sur leur propre situation. Dans « La sociologie est un sport de combat », Pierre Bourdieu, interpellé de façon assez vive par un « jeune de quartier » prenant la parole au nom de son expérience et de ce qu’on appellerait aujourd’hui son « expertise profane », lui répondait que, sans être lui-même « du quartier », il pouvait lui en apprendre beaucoup sur sa situation à partir de ses travaux et de son métier de sociologue, et même, qu’il en savait plus que lui sur sa propre situation. Sans aller jusque-là, d’autant que certains des articles publiés dans ce numéro s’appuient sur un travail de terrain et une certaine complicité avec ses acteurs, c’est tout de même dans cette orientation que nous nous situons : la fécondité de la distance, l’écart ou le « pas de côté » permettant aux chercheurs d’apporter aux acteurs (professionnels ou non) une intelligence de leurs situations qu’ils ne pourraient pas produire eux-mêmes. Réciproquement, le savoir des acteurs permet aux chercheurs d’ajuster l’élaboration de concepts dans une démarche à la fois inductive et heuristique.

Under The Boardwalk

  • 4  Comme dans la chanson de Goffin et King, rendue célèbre par les Drifters, qui montrait toute la li (...)

9On verra à la lecture de ce numéro que, pour l’instant, c’est encore d’un petit pas qu’il s’agit, d’un écart assez modeste mais qui déjà propose une vision distancée, tant des enjeux des musiques actuelles que de leurs interprétations les plus courantes 4. Tous ces articles concernent en effet le champ musical. Il aurait été difficile de ne pas parler ici de musiques (surtout de celles que l’on range sous l’intitulé de musiques actuelles) et de ne s’intéresser qu’à d’autres champs de production artistique en demandant à chacun de faire l’effort de reporter sur le sien les conclusions de travaux portant sur d’autres. Par ailleurs, la sociologie se taille encore une place majoritaire parmi les disciplines mobilisées ici, même si deux articles en particulier se situent dans le cadre des sciences économiques et de gestion. Enfin, le contexte national français reste privilégié à l’exception notamment d’une étude sur le Québec… qui pousse sa singularité jusqu’à s’intéresser à la scène musicale anglophone… On nous permettra de voir dans la dimension modeste de ce premier « pas de côté » le poids de la situation présente dont nous souhaitons précisément sortir. Si les contributeurs de ce numéro ont jusqu’à présent peu eu l’occasion de participer aux réflexions et débats du « secteur des musiques actuelles », ils restent malgré tout, en majorité, spécialistes de ce domaine, faisant de ce dernier, voire d’une esthétique particulière, le terrain privilégié de leurs travaux. Les démarches comparatives intégrant d’autres formes et disciplines artistiques ou d’autres domaines d’activités, semblent encore à venir. Le rendez-vous est pris.

10Nous voudrions pour clore cette présentation souligner l’un des fils rouges de ces différents articles. Les « spécificités » des musiques actuelles, puisque ce sont d’elles qu’il s’agit, apparaissent tout au long de ces papiers, tantôt de façon explicite, tantôt de façon plus implicite, notamment à travers la propre spécialisation de ces auteurs ou du moins de leurs travaux qui, de façon circulaire, confortent symboliquement la spécificité apparente de leurs « objets ».

11Souvent affirmée plus que démontrée, la « spécificité » des musiques actuelles répond à des fonctions sociales et politiques. Elle sert d’abord en effet à revendiquer des mesures particulières de la part des pouvoirs publics (par exemple, reconnaissant le rôle important et « spécifique » des associations et autres organisations professionnelles dans la définition et la mise en œuvre d’actions d’« intérêt général », soulignant les modalités originales de l’apprentissage de ces musiques — rôle de la transmission orale, du disque et des enregistrements — et de leurs modes de diffusion, l’importance des coopérations entre structures lucratives et non lucratives « propres » ou « particulièrement » développées en ce domaine ou, d’une façon plus générale, la place « exceptionnelle » du disque et de son économie dans certaines esthétiques internes aux musiques actuelles). Ensuite, la rhétorique particulariste permet à différentes organisations (plus ou moins consciemment dans la mesure où il serait excessif de tout rapporter à des stratégies délibérées) de se poser en véritables propriétaires des problèmes des musiques actuelles, revendiquant à ce titre une place aux tables de négociation où sont mises en débat la situation de ces musiques et l’orientation de l’action publique en leur faveur. Le même discours sur les spécificités des musiques actuelles permet parallèlement la disqualification de toute mesure ou de tout dispositif qui seraient adoptés sans la nécessaire concertation de leurs « propriétaires » revendiquant, non sans pertinence ni légitimité, une maîtrise des enjeux et une connaissance fine des territoires et des acteurs, une qualité d’experts dont la non-consultation ou la non-implication signeraient par avance l’ineptie ou l’inadaptabilité de tout ce qui pourrait se décider ou se faire sans eux.

12Si on peut considérer qu’il serait effectivement absurde de prétendre réguler ce secteur sans impliquer tous ses acteurs dans la définition des « règles du jeu », on remarque déjà que sur ce point les musiques actuelles ne présentent guère de spécificités. L’institutionnalisation de l’action collective marque officiellement depuis plus d’une décennie (officieusement depuis plus longtemps encore) le fonctionnement de l’action publique. Le terme de gouvernance est venu qualifier ces pratiques de gouvernement qui, du niveau européen au niveau local, marquent tous les domaines d’intervention. On ne compte plus les lieux, instances et procédures de débats qui ont été constitués pour répondre à un appétit et à des besoins de « participation ». Les formes et degrés variables de consultation, concertation ou cogestion ne sont spécifiques ni aux musiques actuelles ni au secteur culturel. De même les enjeux de représentation du « secteur », la construction de ses frontières, l’« invention » du groupe représenté et de son unité par ses représentants (et non l’inverse comme pourrait le laisser croire une lecture démocratique un peu naïve), ont été observés dans bien d’autres domaines et à propos de bien d’autres questions. Les travaux de Vincent Dubois sur les politiques culturelles, ont dessiné en ce sens des pistes pertinentes. On attend encore la production d’autres analyses capables de situer les musiques actuelles dans des processus sociaux et politiques qui à la fois les dépasseraient mais aussi les expliciteraient aux yeux des acteurs et organisations du secteur.

Me, Myself And I

13Surtout, nombre des « spécificités » le plus souvent avancées mériteraient un examen sérieux. L’article de Fabrice Raffin, par exemple, fournit des éléments importants pour la compréhension de l’ancrage sociologique de certaines musiques à travers les pratiques et les trajectoires de leurs amateurs. Dans cette perspective on aimerait en savoir encore plus sur ce que sont socialement ces musiques, surtout si on veut bien admettre et si on présente comme leur « spécificité » que ce qui les caractérise dépasse leur musicalité. En ce sens également, on pourrait souhaiter des comparaisons avec d’autres pratiques, comme celles des lecteurs (cf. Mauger et al., 1991) ou des cinéphiles (cf. de Baecque, 2003 ; 2005). Sur ce point, l’article de Dimitri Della Faille montre qu’à rebours d’analyses philosophico-sociologiques « post-modernes », promouvant l’idée d’une structuration esthétique des sociétés contemporaines reposant en particulier sur des différences entre « familles » ou « tribus » musicales, la réalité de la scène montréalaise fait apparaître des solidarités trans-esthétiques construites à partir d’une variété de liens culturels. Autre thème porteur pour la légitimation des musiques actuelles, Vincent Rouzé montre que la « musicalisation de la société » ne peut se réduire ni au développement de l’écoute à domicile ni à celui des pratiques musicales en amateur. Son travail rappelle d’ailleurs qu’aux côtés des musiques « actuelles » ou « amplifiées » existent aussi des musiques « diffusées » méritant plus d’attention scientifique que celle qui leur a été jusqu’à présent accordée. Par ailleurs, si les représentants des musiques actuelles ont fait du légitimisme culturel l’un de leurs principaux cheval de bataille, contestant la pertinence des hiérarchies plaçant au plus bas les formes musicales qu’ils mettent au plus haut et auxquelles ils consacrent leur vie, traquant les hiérarchisations arbitraires tapies au fond des cerveaux par delà un égalitarisme de façade, plaidant pour des rééquilibrages, voire des réparations historiques, l’analyse des milieux musicaux régionaux que propose Elisabeth Cestor indique des trajectoires de légitimation particulièrement complexes et met le doigt sur le sens territorial d’une diversité culturelle que les acteurs des musiques actuelles tendent peut-être trop souvent à n’envisager que de façon verticale (haut/bas, élitiste/populaire) et, curieusement, selon une approche nationalement uniforme. Rachid Rahaoui indique de son côté que la tension entre contestation et normalisation traverse toutes ces musiques, même si les formes concrètes de ce dilemme dans le domaine de la techno diffèrent sensiblement de ce qu’on a pu connaître dans les diverses familles du rock ou dans le cas du rap.

  • 5 . En ceci d’ailleurs peu différents de la plupart des acteurs culturels ayant profondément intérior (...)

14Carole Le Rendu et Dominique Sagot-Duvauroux montrent enfin que les outils rugueux et souvent envisagés avec méfiance par les acteurs des musiques actuelles 5, que sont ceux de la gestion des ressources humaines et de la science économique, peuvent apporter beaucoup à l’analyse de leurs situations. Ils indiquent également que les éléments constitutifs des « spécificités » de ces musiques sont modélisables et déjà, au moins en partie, modélisés. En évitant, comme ils le font, de plaquer des analyses exogènes à ce domaine, ils parviennent à proposer l’un comme l’autre des pistes fécondes de réflexions et de propositions en évitant les impasses ou du moins les handicaps des formalisations trop indigènes.

15D’autres « spécificités » auraient mérité un examen au moins aussi distancié. Les modalités de l’apprentissage musical dans le champ de ces musiques, souvent présentées comme « très particulières », ne viennent-elles pas plutôt souligner, a contrario, les particularismes d’un modèle pédagogique et d’un type de rapport à l’œuvre — celui des musiques dites « classiques » — qui n’ont pu passer pour universels que par l’effet de la domination de certains groupes sociaux ? La présence exceptionnelle de l’industrie (du disque) dans ce domaine doit-elle faire oublier les situations en partie comparables du livre et du cinéma ? La part de social présent dans le cœur de ces musiques est-elle vraiment plus importante que chez les amateurs d’opéra, de théâtre, de football ou de jeux vidéo ? Mais à quelle distance de ces musiques doit-on se placer pour en évaluer le plus objectivement possible les « spécificités » ? En outre, existent-elles au même degré pour toutes les musiques des musiques actuelles ?

  • 6  La création récemment annoncée (lors du Foruma de Nancy, octobre 2005) de la création d’un Conseil (...)

16Loin de nous, toutefois, l’idée de nier toute spécificité aux musiques actuelles et au secteur d’intervention publique qui s’est constitué autour d’elles. Ainsi, le processus de la concertation nationale des musiques actuelles, lancé en 2004, en articulant acteurs publics ou parapublics et organisations professionnelles, d’un côté, niveaux national et territorial, de l’autre, est une forme jusqu’à présent inédite de production de politiques publiques dans le domaine culturel 6. Mais, ce numéro de V©lume ! entend rappeler qu’on ne saurait proclamer cette spécificité ni revendiquer le respect de pratiques et de valeurs « différentes », sans se donner les moyens d’en démontrer la réalité et pour cela, de faire ce « pas de côté » qu’exige une véritable comparaison. Over The Rainbow ?

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Bibliographie

Baecque A. de (2003), La cinéphilie, Paris, Fayard.

– (2005), La cinéphilie : Invention d’un regard, histoire d’une culture 1944-1968, Paris, Hachette, coll. « Pluriel Arts », 2005.

Chiapello E. (1998), Artistes versus managers, Paris, Métailié.

Dubois V. (1999), La politique culturelle — Genèse d’une catégorie d’interventions publiques, Belin, Paris.Lahire B. (2004), La culture des individus, Paris, La Découverte.

Mauger G., Poliack C., Pudal B. (1991), Histoires de lecteurs, Paris, Nathan.

Touché M. (1998), Mémoire vive # 1, Annecy, CEF - MNATP - CNRS - Association Musiques Amplifiées - Annecy.

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Notes

1  Master (ex DESS) « Direction d’équipements et de projets dans le secteur des musiques actuelles et amplifiées » de l’université d’Angers.

2  Voir sur ce point les remarques de Vincent Dubois (1999).

3  Qui rappelons-le a été forgé par Marc Touché (CNRS) dans le cadre de travaux pour le ministère de l’environnement. Voir à ce sujet : Touché (1998).

4  Comme dans la chanson de Goffin et King, rendue célèbre par les Drifters, qui montrait toute la liberté dont on peut jouir, tout ce que l’on peut faire et ressentir, sans aller trop loin, juste en se réfugiant sous la promenade : (Under the boardwalk) out of the sun / (Under the boardwalk) we’ll be havin’ some fun / (Under the boardwalk) people walking above / (Under the boardwalk) we’ll be *making love* / Under the board-walk, board-walk !).

5 . En ceci d’ailleurs peu différents de la plupart des acteurs culturels ayant profondément intériorisé la critique « artiste » du management, selon l’expression de Eve Chiapello (1998).

6  La création récemment annoncée (lors du Foruma de Nancy, octobre 2005) de la création d’un Conseil Supérieur des Musiques Actuelles destiné à pérenniser ce qui s’appelait jusqu’alors la Concertation Nationale devra être suivie de près. Il s’agira en effet de savoir si la spécificité dont cette dernière était porteuse survivra dans le cadre du premier.

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Pour citer cet article

Référence papier

Philippe Teillet, « Pourquoi un «  pas de côté  » ? »Volume !, 4 : 2 | 2005, 5-14.

Référence électronique

Philippe Teillet, « Pourquoi un «  pas de côté  » ? »Volume ! [En ligne], 4 : 2 | 2005, mis en ligne le 15 février 2008, consulté le 10 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/volume/1317 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/volume.1317

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Auteur

Philippe Teillet

Maître de conférences en science Politique, Institut d’Études Politiques de Grenoble. Co-responsable du Master « Direction de Projets Culturels », IEP Grenoble. Responsable du Master « Direction d’Équipement et de Projets dans le Secteur des Musiques Actuelles et Amplifiées », université d’Angers.
Philippe.Teillet@iep.umpf-grenoble.fr

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