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Les invectives cicéroniennes comme matrices des invectives de l’époque triumvirale. Le cas des Philippiques I et II

Ciceronian invective as a matrix for invective during the triumvirate. The case of Philippics I and II
Loïc Borgies

Abstracts

This paper puts in evidence the links between, in one hand, the invectives of the First and Second Philippic and, in the other hand, the exchanges of the invectives between Octavian and Antony from 43 BC to 30 BC. Several clues suggest that the Philippics of Cicero would have been used as a rhetorical reservoir during the fights of the triumviral period, during which the increasingly polarized political life spurs the use of invectives. Not only the themes of the Philippics share striking similarities with that of the triumviral period, but also the claim to restore the Republic is not unrelated to the political legitimacy of the Augustan principate. More specifically, the portrait of Antony in the Second Philippic seems, at first sight, to foreshadow by contrast the Augustan paradigm.

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Introduction

  • 1 Sur cette communis opinio, voir Manuwald (2007 : 47-54). Sur les Philippiques, voir Hall (2002 : 27 (...)
  • 2 Cic. Phil. 2, 118-119. Voir Keeline (2020 : 15-36).
  • 3 Plut. Cic. 69. Pour une biographie de Cicéron en langue française, voir Grimal 1986.
  • 4 Cic. Phil. 13, 40 : quem ego inustum uerissimis maledictorum notis tradam hominum memoriae sempiter (...)
  • 5 Voir Ansuategui (2017 : 181-200).
  • 6 Le sénat déclare Marc Antoine et ses partisans hostes publici lors de la séance du 26 et 27 avril 4 (...)
  • 7 Voir Montlahuc 2019 avec références aux publications antérieures.
  • 8 Martin (2009 : 49-62).
  • 9 Cic. Fam. 12, 22, 1 : Nos hic cum homine gladiatore omnium nequissimo, collega nostro, Antonio, bel (...)

1Les Philippiques, ainsi dénommées en référence aux discours de Démosthène contre Philippe de Macédoine1, sont élaborées par Cicéron (senex) qui joue, probablement en en ayant la prescience ou l’intuition, le dernier acte de sa vie politique2 : sa tête et ses mains finiront exposées sur le Forum3. D’après les mots de Cicéron, ses discours frappent Marc Antoine d’une ignominie indélébile et éternelle4. Et pour cause, les Philippiques constituent un chef-d’œuvre d’éloquence du genre rhétorique de la uituperatio, c’est-à-dire de l’invective. Prononcées entre la mort de César aux ides de mars 44 av. J.-C. et la constitution du Triumvirat, le 11 novembre 43 av. J.-C., les Philippiques sont symptomatiques de la violence de l’époque tardo-républicaine5. Alors qu’au temps de la République classique, la uituperatio apparaissait comme une réalité banale de la vie politique à Rome – sans oublier qu’un censeur pouvait exclure un sénateur pour infamie –, son importance s’accroît durant les guerres civiles où l’élément déterminant réside dans l’adhésion des forces vives de la société à tel ou tel chef militaire, potentat ou belligérant. La rhétorique de l’invective ne cherche donc plus le seul déclassement moral, mais justifie l’injustifiable, à savoir la guerre civile et fratricide, cherche à débaucher les troupes d’un adversaire ou vise à la déclaration d’hostis publicus, soit l’un des buts ultimes des Philippiques6. Même si certaines recherches ont mis en évidence la propension des discours de Cicéron à utiliser l’humour pour tourner en ridicule un adversaire7, il semble qu’avec les Philippiques, « exemple parfait de haine politique »8, l’objectif ne réside pas seulement dans le fait de jeter le discrédit, mais aussi et surtout dans le fait de détruire un adversaire. S’engage alors une joute oratoire, une guerre contra arma uerbis9, où aucun retour en arrière ne sera désormais possible.

2Si l’invective cicéronienne contre Antoine gagne en intensité à partir de la troisième Philippique, il ne faudrait pas pour autant négliger les deux premières. En effet, ces dernières, surtout la deuxième, contiennent de nombreuses invectives tout en déployant une rhétorique mêlant le pathos à l’argumentation dialectique. Les invectives de la deuxième Philippique mobilisent de surcroît des thèmes qui trouveront une résonnance particulière durant toute l’époque triumvirale, et ce, d’autant plus que ce discours contre Antoine, qui ne circule que par écrit, fut sans doute plus sujet encore que les autres à une instrumentalisation politique anti-antonienne. Les deux premières Philippiques offrent un contraste saisissant l’une avec l’autre. La première, concise, prononcée devant le sénat le 2 septembre 44 av. J.-C. dans le temple de la Concorde, cherche la réconciliation et n’attaque qu’à demi-mots, si bien que Cicéron feint de ne rien dire tout en n’omettant rien de ce qu’il avait à dire, ce qui ne manque pas d’irriter Antoine. La deuxième, longue et fournie, diffusée uniquement par écrit et prétendant avoir été prononcée devant le sénat le 19 septembre 44 av. J.-C., déverse un torrent d’invectives contre Antoine. La deuxième Philippique répond au discours qu’Antoine avait préparé avec l’aide d’un rhéteur, prononcé au sénat le 19 septembre et diffusé par écrit dans la foulée, attaques qu’il réitère devant le peuple le 2 octobre. Cicéron réplique en reprenant les procédés de son adversaire. Le 20 octobre, il se retire dans sa villa de Pouzzoles pour préparer avec l’aide d’Atticus sa deuxième Philippique.

  • 10 Manuwald (2007 : 52-54).
  • 11 Voir Cic. Att. 15, 13, 1 ; 15, 13, 7 et 16, 11, 1-2. La date de publication, généralement située av (...)
  • 12 Cic. Att. 15, 13, 7. Voir aussi Cic. Att. 15, 13, 1 et 16, 11, 1-2.

3Étant donné que les Philippiques s’attaquent avec virulence à Antoine, le principal rival politique d’Octavien, il semble qu’il ne faille pas réduire l’étude des invectives des Philippiques à une analyse littéraire, mais qu’il faille les considérer en tant qu’instrument politique. Il y a d’ailleurs tout lieu de croire qu’Octavien, y compris après 27, lorsqu’il devient Auguste, favorise la diffusion des Philippiques, qui – Cicéron ne l’avait sans doute pas prévu – servent ses intérêts. D’ailleurs, concernant la deuxième Philippique, qui circule sous la forme de pamphlets et n’est pas déclamée par l’Arpinate, qui aurait pu ne pas la considérer originellement comme faisant partie du corpus complet des Philippiques10, des remaniements de son contenu auraient pu survenir ultérieurement11, d’autant plus que Cicéron, d’une part, retarde sa publication, d’autre part, la communique en priorité à son cercle restreint. Il envisage même, semble-t-il, de ne la publier qu’une fois la République rétablie12, ce que prétendra avoir réalisé Auguste. Quant à déterminer le moment où cette deuxième Philippique est diffusée plus largement, on en est réduit à des conjectures.

  • 13 Stevenson & Wilson 2008.
  • 14 De Francisci (1964 : 1-37).

4Il en découle que le fait de mieux mettre en relation les invectives des Philippiques avec les invectives de l’époque triumvirale est susceptible de révéler une éventuelle filiation entre les secondes et les premières, voire de mieux mesurer la manière dont ces Philippiques auraient pu être appréhendées ou perçues par les contemporains de l’époque triumvirale entre 43 et 30 av. J.-C. ou, au-delà, par les contemporains du principat augustéen. Parce qu’elles attaquent Antoine avec véhémence et parce qu’elles véhiculent et valorisent des notions politiques telles que princeps ou auctoritas13, les Philippiques sont aussi susceptibles de receler des éléments qui serviront à la formation d’une culture impériale sous Auguste. L’étude de Pietro de Francisci14 se situait déjà dans cette optique, mais elle ne prenait pas en considération les Philippiques I et II, ni les invectives. Dans le sillage de cette étude, le présent article s’efforce de déceler des liens entre les invectives cicéroniennes des deux premières Philippiques et celles que s’échangent Octavien et Marc Antoine entre 43 et 30 av. J.-C. Il se concentre donc sur les deux premières Philippiques non seulement à cause de l’ampleur du corpus, mais aussi en raison des spécificités de la deuxième Philippique. Après un survol des thèmes des invectives dans les Philippiques I et II, une place particulière est ensuite accordée à l’analyse de trois passages emblématiques de la deuxième Philippique, précisément parce qu’Antoine y fait figure de contre-modèle par excellence et d’antithèse de l’idéal républicain.

1. Les thèmes des invectives cicéroniennes dans les Philippiques I et II

  • 15 Sur le prestige à Rome, voir Baudry & Hurlet 2016.
  • 16 Sur les lieux communs de l’invective à Rome, voir Craig (2004 : 190-191), Arena (2007 : 149-160) et (...)
  • 17 Cic. Phil. 3, 15 ; Suet. Aug. 2, 6 et 4, 3. Voir Borgies (2016 : 53-84).
  • 18 Cic. Phil. 2, 14 ; 2, 42 et 2, 70. Ce thème de l’ignobilitas se prolongera dans le corpus des Phili (...)
  • 19 Cic. Phil. 2, 3.
  • 20 Cic. Phil. 2, 20 ; 2, 58 ; 2, 69 et 2, 77.
  • 21 Suet. Aug. 49, 3.
  • 22 Cic. Phil. 2, 44-45 ; 2, 50 ; 2, 55 ; 2, 61 et 2, 77. Ces attaques culminent dans le fait que la so (...)
  • 23 Voir Liv. perioch. 131 et 132 ; Plut. Ant. 10, 6 et 60, 1 ; Mart. epigr11, 20, 4-5 ; Flor. 2, 14, (...)
  • 24 Cic. Phil. 2, 11 : « à ta maison appartient un être qui leur a été fatal à tous deux » (trad. Boula (...)
  • 25 Voir Mart. epigr11, 20, 4-5. En outre, les inscriptions des balles de fronde du siège de Pérouse (...)
  • 26 Que Cicéron considère Fulvia comme de sinistre augure pour Antoine, en la qualifiant de « fatale », (...)

5À Rome, société hiérarchisée et inégalitaire, le prestige15 accordé par la naissance et le caractère plus ou moins connu et illustre de la gens à laquelle on appartient (nobilitas) sont des éléments déterminants pour l’exercice des fonctions publiques. Un des lieux communs de l’invective est par conséquent l’ignobilitas16. Durant l’époque triumvirale, l’ignobilitas d’Octavien est d’ailleurs un leitmotiv des invectives d’Antoine qui stigmatisait ses parents et aïeux pour leur origine provinciale, leur prétendue origine servile ou leurs métiers dégradants17. Étant donné que Marc Antoine peut se prévaloir d’une ascendance dont il n’a pas à rougir, Cicéron s’efforce de démontrer qu’il n’est pas de la même trempe que ses aïeux18, l’attaque plutôt sur ses mésalliances et méprise l’ignobilitas de ceux auxquels Antoine se lie. C’est d’abord la première femme de Marc Antoine, Fadia, issue d’une famille d’affranchis19, c’est ensuite Cythéris, actrice, comédienne ou mime que Cicéron se complaît à qualifier abusivement d’uxor20, qualification que l’on retrouvera pour Cléopâtre21. En filigrane de ces attaques, apparaît le thème de la soumission de Marc Antoine aux femmes, et son corollaire, son effémination22. Les invectives de l’époque triumvirale contre Antoine feront un usage intensif de ces thèmes23. Cicéron présente Antoine, entre autres, comme l’amant éperdu de Curion. Ce thème atteindra son intensité maximale avec Fulvia, elle qui était la veuve de P. Clodius, jadis ennemi juré de Cicéron. Ce dernier la présente comme ayant conduit ses deux premiers maris à leur perte. Une telle relation ne peut alors mener Antoine qu’à la même fatalité (id domi tuae est quod fuit illorum utrique fatale)24. Cela n’est pas sans préfigurer non seulement les attaques d’Octavien contre Fulvia durant le bellum Perusinum25, mais aussi celles contre Cléopâtre, dont le spectre semble déjà planer sur la destinée d’Antoine26.

  • 27 Cic. Phil. 2, 40-42 ; 2, 62 et 2, 103.
  • 28 Cic. Phil. 2, 48 et 2, 62.
  • 29 Cic. Phil. 2, 44 ; 2, 50 et 2, 62.
  • 30 Cic. Phil. 2, 39 ; 2, 62 ; 2, 64-66 et 2, 73-75.
  • 31 Cic. Phil. 2, 62.
  • 32 Cic. Phil. 2, 42-43 ; 2, 84 et 2, 101.
  • 33 Cic. Phil. 2, 93-97.
  • 34 Cic. Phil. 2, 101-102.
  • 35 Cic. Phil. 2, 103-104.
  • 36 Cic. Phil. 2, 109.
  • 37 Ces invectives toucheront tant Octavien (Suet. Aug. 70, 3-4) qu’Antoine (Plin. nat. 33, 50 et 34, 6 (...)

6La spoliation des biens publics et privés ainsi que leur dilapidation est un thème récurrent de la deuxième Philippique. Cicéron en fait un trait de caractère systématique, lié à la cupiditas, à l’auaritia et à l’indigence chronique, ce qui l’amène à prendre en considération une série d’acquisitions qu’il présente comme frauduleuses : les captations d’héritage27, les dettes28, la dilapidation de la fortune familiale et personnelle29, le rachat à l’encan puis la dilapidation des biens de Pompée30, les pillages en Italie31, le salaire exorbitant du rhéteur d’Antoine, Sextus Clodius, en lien avec la spoliation du domaine public de Leontinoi32, les trafics en tous genres après la mort de César33, la distribution de terres en Campanie, non pas à des vétérans, mais à un entourage déshonorant34, l’accaparement de villas, dont celle de M. Terentius Varro à Casinum35, la saisie d’œuvres d’art36. Durant l’époque triumvirale, ce thème du goût immodéré pour les richesses et les biens de luxe se manifestera en particulier à propos des proscriptions et des vases dits de Corinthe37.

  • 38 Afin de discerner les thèmes « principaux » et « secondaires », on se reporte à l’étude statistique (...)
  • 39 Cic. Phil. 2, 67 : domus erat aleatoribus referta [...] ; suggerebantur etiam saepe – non enim semp (...)
  • 40 Voir Suet. Aug. 70, 4.
  • 41 Cic. Phil. 2, 35 ; 2, 75, 2, 93 ; 2, 99 et 2, 103.
  • 42 Voir R. Gest. div. Aug. 24, 2 ; Strab. 13, 1, 30 et 14, 1, 14 ; Plin. nat. 33, 24 (82-83) et 34, 19 (...)
  • 43 Sur la lâcheté d’Octavien à Nauloque, voir Suet. Aug. 16, 4.
  • 44 Cic. Phil. 2, 34 ; 2, 71 ; 2, 74 ; 2, 76 et 2, 88.
  • 45 Prop. 2, 16, 37-40 ; Vell. 2, 85, 3-4 ; Flor. 2, 17 (4, 7) et Plut. Ant. 14, 1-2.

7Enfin, s’y ajoutent de manière plus anecdotique, les dépenses liées au goût d’Antoine pour le jeu. L’addiction au jeu constitue un thème secondaire38. Néanmoins, on lui accorde ici une place car ce vice fait écho à des attaques subies plus tard par Octavien. Cicéron compare la malchance au jeu d’Antoine avec la felicitas dont il a pu bénéficier au cours des campagnes militaires39, soit l’exact inverse de l’invective anti-octavienne qui sera développée lorsqu’Octavien essuiera de graves défaites navales contre Sextus Pompée entre 38 et 36 av. J.-C. : on le dira alors plus chanceux au jeu qu’à la guerre40. Parmi les autres thèmes, l’on peut mentionner l’irrespect pour certains prescrits religieux et les actes d’impietas41, par exemple le pillage du temple d’Ops, thème mobilisé durant l’époque triumvirale pour dénoncer la spoliation des temples en Asie Mineure par Antoine42. Au contraire d’Octavien43, le thème de la lâcheté s’applique peu à Antoine, dont la bravoure militaire était patente, ce qui n’empêche pas Cicéron d’en faire usage44, ni n’empêche des sources pro-augustéennes d’accuser Antoine de lâcheté, probablement après Actium45.

  • 46 M. Delaunois ne relève que 6 occurrences de ce thème alors que les vices d’Antoine sont développés (...)
  • 47 Voir Cic. Phil. 2, 8 ; 2, 11 ; 2, 18 ; 2, 20 ; 2, 28 ; 2, 42-43 ; 2, 86 et 2, 111. Voir Orlandini ( (...)
  • 48 Suet. Aug. 86, 5. Voir aussi Plut. Ant. 2, 8.
  • 49 Cic. Phil. 2, 19 ; 2, 29 ; 2, 30 ; 2, 42 ; 2, 68 ; 2, 80 et 2, 97.

8Il faut aussi évoquer le thème de l’incompétence et de l’inaptitude oratoires, qui concerne un certain nombre de passages étant donné que la deuxième Philippique répond à un discours d’Antoine46. Les attaques de Cicéron sont alors marquées par l’ironie47, parce qu’Antoine devait présenter quelques indéniables qualités oratoires, qu’Octavien critiquera plus tard durant l’époque triumvirale en qualifiant le style de son rival d’ « asianiste »48. Enfin, il faut mentionner le thème de la bêtise et de la folie (stupiditas, stultitia et dementia), qui survient le plus souvent incidemment et en association avec un autre thème plus prégnant49, par exemple celui de l’ivrognerie.

  • 50 Bien que l’ebrietas se prolonge dans le corpus des Philippiques (voir par ex. Cic. Phil. 3, 12 ; 3, (...)
  • 51 Cic. Phil. 2, 103-105.
  • 52 Cic. Phil. 2, 7 ; 2, 67 ; 2, 77 et 2, 87.
  • 53 Cic. Phil. 2, 31 et 2, 42.
  • 54 Cic. Phil. 2, 62 et 2, 67.
  • 55 Cic. Phil. 2, 63 et 2, 106.
  • 56 Cic. Phil. 2, 63.
  • 57 Cic. Phil. 2, 76.
  • 58 Cic. Phil. 2, 101.
  • 59 Cic. Phil. 2, 81 et 2, 84.
  • 60 Cic. Phil. 2, 106.
  • 61 Comme le remarque M.-C. Ferriès, « les partisans d’Antoine sont toujours reçus ou représentés à ta (...)
  • 62 Voir Flor. 2, 21, 2 (4, 11) et Sen. epist. 83, 25. Sur le pamphlet, voir Plin. nat. 14, 28 (148) et (...)

9Le thème de l’ivrognerie d’Antoine, associé aux orgies et aux débauches, est l’un des fers de lance de la deuxième Philippique50. Bien que ce thème soit un lieu commun des invectives de l’époque républicaine, le systématisme de Cicéron rend son emploi original. Antoine s’adonnerait dans ses domus ou celles des autres51 aux pires beuveries. Il boit tous les jours, à tout moment et des journées durant52. Ses paroles et ses discours ne sont que des relents de vin53. Il pille les celliers lors de ses tournées en Italie54. La robustesse de son corps de gladiateur est mise en adéquation avec les importantes quantités de vin ingurgitées55. Il lui arrive de vomir en public56. Il fuit ses responsabilités pour boire57. Son penchant pour la boisson, parfois violent58, le rend incompétent et inapte59. Enfin, il est assisté d’un certain Laco, princeps poculorum60, une expression qui devait sonner avec d’autant plus d’ironie aux oreilles d’un contemporain du principat augustéen. L’ebrietas d’Antoine demeure durant l’époque triumvirale un axe non négligeable des attaques anti-antoniennes, qui présentent assez systématiquement Antoine et ses partisans en train de banqueter61. Antoine répond même avec un pamphlet intitulé De mea ebrietate, sans oublier que, dans les cours royales hellénistiques, la résistance à l’ébriété est considérée comme un trait prouvant le caractère surnaturel du souverain62.

  • 63 Cic. Phil. 2, 7 ; 2, 63 ; 2, 74 ; 2,  97 et 2, 106.
  • 64 Martin (2011 : 131-148).
  • 65 Les évocations de Spartacus sont en effet absentes des deux premières Philippiques. L’on peut donc (...)
  • 66 Cic. Phil. 1, 27.
  • 67 Cic. Phil. 1, 33-34. Voir aussi Cic. Phil. 2, 112-114.
  • 68 Cic. Phil. 2, 6 ; 2, 89 ; 2, 108 et 2, 112. Ce thème sera aussi développé dans la suite du corpus d (...)
  • 69 Cic. Phil. 2, 68 et 2, 80.
  • 70 Cic. Phil. 2, 10.
  • 71 Cic. Phil. 2, 35 ; 2, 70-71 et 2, 87. Pour la première Philippique, voir Stevenson (2009 : 174-186) (...)
  • 72 Cic. Phil. 2, 113.
  • 73 Voir Martin 1994 et Martin (2009 : 49-62).

10Si Cicéron est habile à manier la parole, Antoine l’aurait bien plutôt été à manier le glaive, d’où le thème récurrent du gladiateur63. Ce rapprochement, superficiel en apparence, laisse perplexe étant donné que l’habileté guerrière des gladiateurs dans un contexte militaire laissait à désirer en raison de leur manque de discipline et de capacité à manœuvrer. Cette invective cherche en réalité à dénoncer l’utilisation récurrente des gladiateurs comme force d’appoint dans les guerres civiles64, voire à critiquer, à partir de la troisième Philippique et en exploitant le souvenir de Spartacus, la levée de troupes rassemblées priuato consilio ou le rappel des vétérans65. Néanmoins, dans le contexte précis des deux premières Philippiques, cette invective alimente une réflexion de Cicéron sur la nature de la vraie gloire. Antoine est un guerrier qui ne recherche que le pouvoir, et ce, par la force. L’emploi de la force armée, justifié par Antoine comme une nécessité pour assurer sa défense personnelle66, soit une justification dont fera aussi usage Octavien, est critiqué dès la première Philippique. Cicéron l’oppose à sa conception de la gloire véritable, celle durablement et valablement acquise par l’éloquence et la gestion pacifique et collégiale des affaires publiques67. La position du prétendant à cette gloire supérieure doit être le fruit du choix éclairé des citoyens et le résultat de l’expression de leur libertas, non une position obtenue sous la contrainte et par la terreur. Cicéron l’illustre en rappelant la présence d’hommes armés et de satellites68, une garde personnelle, soit une caractéristique typique de la tyrannie, en considérant Antoine comme un être irascible69, comme un être affublé de tous les vices, comme une parodie de consul70, comme la cause de la guerre civile et comme un tyran, un rex71. La présentation d’Antoine comme un aspirant à la tyrannie et comme le responsable des guerres civiles s’oppose, avec force, à l’exhortation finale de la deuxième Philippique, dans laquelle Cicéron, en un vibrant plaidoyer, en appelle à restaurer la République, fût-ce au péril de sa vie72. L’accusation de tyrannie, vers laquelle convergent de nombreuses invectives, fait office de « reine des invectives ». Elle mobilise l’odium regni profondément ancré dans les mentalités collectives en contexte romain73.

  • 74 R. Gest. div. Aug. 1.
  • 75 Suet. Aug. 28, 1.
  • 76 Cic. Phil. 2, 30.
  • 77 Cic. Phil. 2, 59 et 2, 71.
  • 78 Cic. Phil. 2, 67.
  • 79 Voir par ex. Cic. Phil. 4, 11-12; Phil. 6, 7 ; Phil. 10, 22 et Phil. 11, 1.
  • 80 Cic. Phil. 2, 58. Cicéron utilise à dessein des mots d’origine gauloise (essedum et raeda).
  • 81 Cic. Phil. 2, 76.
  • 82 Suet. Aug. 40, 8.
  • 83 Cic. Phil. 2, 76 ; 2, 108 et 2, 112.
  • 84 Plutarque rapproche son éloquence de son mode de vie (Plut. Ant. 2, 8).

11Si la plupart des invectives montrent qu’Antoine tente d’imposer un pouvoir inique en oppressant la res publica – c’est d’ailleurs cette accusation qui figure dans les Res gestae pour justifier les manœuvres illégales d’Octavien74 – et qu’ Antoine est le principal obstacle à la restauration de la République, soit ce dont Antoine accusera souvent Octavien75, la deuxième Philippique est aussi traversée par une lame de fond destinée à montrer qu’Antoine n’est plus tout à fait humain : il est aussi bête qu’une tête de bétail76, il se repaît du sang des citoyens77 et sa voracité égale celle de Charybde78. Cette bestialisation d’Antoine, développée dans les Philippiques suivantes79, rejoint sa barbarisation. C’est dans des chariots et chars gaulois qu’il se serait pavané en Italie80. Il aurait porté des vêtements gaulois sur le Forum81, ce qu’interdira plus tard Auguste afin de réaffirmer la toge comme marqueur ethnique par excellence du peuple romain82, et sa garde serait constituée de barbares ituréens83. Cette bestialisation et barbarisation d’Antoine relèvent du même mécanisme d’aliénation de son identité : Antoine n’a plus rien de romain. En adoptant des mœurs étrangères et extravagantes, auxquelles s’ajoutera son genus eloquendi de type « asianiste »84, il déroge à sa romanité.

2. Les tournées d’Antoine en Italie

  • 85 Voir Borgies (2016 : 287-327) avec renvoi aux sources. Sur l’invective comme vecteur de constructio (...)
  • 86 Pour l’entrée d’Antoine dans Éphèse en 42 av. J.-C., voir Plut. Ant. 24, 4. Pour la rencontre à Tar (...)

12Le travestissement de l’identité romaine que représente Antoine deviendra durant l’époque triumvirale, plus précisément durant les années précédant Actium, le cheval de bataille de la propagande anti-antonienne, tandis qu’Octavien incarnera la quintessence de l’identité romaine85. Durant ces années, tous les déplacements d’Antoine sont présentés comme un cortège de débauchés défilant sur le mode bachique ou dionysiaque86. À cet égard, l’image éloquente que nous offre l’Arpinate des tournées d’Antoine en Italie, alors que ce dernier était tribun de la plèbe, se présente comme une sorte de prototype des invectives ultérieures contre Antoine qui le chargent de uitia non Romana :

  • 87 Cic. Phil. 2, 58 (traduction remaniée de Boulanger & Willeumier 1963 : 120).

Vehebatur in essedo tribunus plebi ; lictores laureati antecedebant, inter quos aperta lectica mima portabatur, quam ex oppidis municipales homines honesti, obuiam necessario prodeuntes, non noto illo et mimico nomine, sed Volumniam consalutabant. Sequebatur raeda cum lenonibus, comites nequissimi. Reiecta mater amicam impuri fili tamquam nurum sequebatur. O miserae mulieris fecunditatem calamitosam ! Horum flagitiorum iste uestigiis omnia municipia, praefecturas, colonias, totam denique Italiam impressit87.

Il voyageait dans un char gaulois, ce tribun de la plèbe ; des licteurs, aux faisceaux ornés de laurier, le précédaient ; au milieu d’eux, une actrice de mime était portée dans une litière découverte, et des hommes honorables, magistrats municipaux, contraints de sortir des villes pour aller à sa rencontre, la saluaient, en lui donnant, non pas son nom de théâtre, si connu, mais celui de Volumnia. Suivait un chariot avec des proxénètes, une escorte de vauriens. Rejetée à l’arrière, sa mère suivait la maîtresse de ce fils impudique, comme s’il s’était agi de sa bru. Ô désastreuse fécondité de cette infortunée ! Il a imprimé les traces de ces scandales dans tous les municipes, les préfectures, colonies, en un mot dans l’Italie entière.

  • 88 Par ailleurs, Cythéris était une affranchie de Volumnius (Cic. Phil. 2, 20 ; 2, 58; 2, 61; 2, 69; 2 (...)
  • 89 Le manuscrit proposant leonibus est le codex Harleianus 2682. Leonibus pourrait être « a scribal co (...)
  • 90 Sous les traits de Bacchus-Dionysos, Antoine défile en char dans les rues d’Alexandrie (Vell. 2, 82 (...)
  • 91 Cic. Phil. 3, 15-17. Cela n’est pas sans lien avec le portrait que dresse Nicolas de Damas dans le (...)
  • 92 Suet. Aug. 94, 14.
  • 93 Cic. Phil. 2, 62.
  • 94 R. Gest. div. Aug. 25 : Iurauit in mea uerba tota Italia sponte sua et me belli quo uici ad Actium (...)

13L’identité romaine est pervertie : les indicateurs de la romanité (la charge de tribun de la plèbe, la présence des licteurs et de la matrone) sont mêlés avec les flétrissures de l’étranger et de l’exotique, qu’il s’agisse des véhicules gaulois ou de cette curieuse mime, transportée en chaise à porteur. Cette dernière est décrite comme si c’était à elle que devaient rendre hommage les villes et notables italiens, elle qui désormais se faisait appeler Volumnia plutôt que Cythéris, probablement pour renforcer son italianisation88. Cicéron la présente comme une souveraine hellénistique d’opérette. La phrase Sequebatur raeda cum lenonibus pose bien des problèmes étant donné que l’on pourrait lire leonibus, ce qui donnerait « Suivait un chariot gaulois tiré par des lions », leçon possible qui s’appuie sur un manuscrit et plusieurs sources dont une lettre de Cicéron89. Une telle lecture ne serait pas sans renforcer encore l’assimilation de la suite d’Antoine à un cortège dionysiaque. Il en découle que l’extravagance de cette suite dépravée préfigure l’atmosphère dionysiaque dans laquelle baignait le personnage d’Antoine, exagérée voire caricaturée par l’interprétation anti-antonienne des évènements en Orient, entre autres le triomphe d’Alexandrie90. Dans la deuxième Philippique, cette atmosphère dionysiaque s’accorde avec le leitmotiv de l’ivrognerie d’Antoine et les procédés d’aliénation visant à le rendre étranger à sa propre romanité. Au beau milieu de ce cortège, le statut de matrone de la mère d’Antoine est bafoué, elle qui a enfanté un impurus filius. Cet élément contrastera avec l’éloge d’Octavien dans la troisième Philippique91, avec le portrait pro-augustéen de la mère d’Octavien, Atia, qui aurait enfanté le fils d’Apollon92, enfin, avec la revalorisation augustéenne du statut de femme mariée et mère de plusieurs enfants (leges Iuliae). Cicéron offre aussi une variante de ce cortège antonien pour qualifier son retour en Italie à Brindes, en insistant sur l’oppression des villes et le pillage93, ce qui préfigure en quelque sorte la menace qu’aurait fait planer sur l’Italie Cléopâtre, et donc Antoine, d’après les sources pro-octaviennes. Enfin, Cicéron insiste à dessein sur les diverses forces vives de l’Italie provinciale (ex oppidis municipales homines honesti ; omnia municipia, praefecturas, colonias) car elles devaient constituer une partie de l’audience qu’il s’efforçait d’atteindre. Antoine souille de ses vices toute l’Italie (tota Italia), une expression qu’on retrouvera dans les Res gestae pour caractériser le serment que prêtèrent toute l’Italie (tota Italia) et les provinces occidentales de l’Imperium Romanum à Octavien pour le désigner chef dans la guerre d’Actium94.

3. Les orgies d’Antoine dans la villa de Varron

14Ce premier tableau rejoint celui que brosse Cicéron vers la fin de la deuxième Philippique pour décrire les orgies auxquelles se livrerait Antoine à Casinum, dans la villa de M. Terentius Varro le grand intellectuel et érudit polygraphe de la fin de la République :

  • 95 Cic. Phil. 2, 104-105 (trad. Boulanger & Willeumier 1963 : 146).

At quam multos dies in ea uilla turpissime es perbacchatus ! Ab hora tertia, bibebatur, ludebatur, uomebatur. [...] Studiorum enim suorum M. Varro uoluit illud, non libidinum deuersorium. Quae in illa uilla antea dicebantur, quae cogitabantur, quae litteris mandabantur ! iura populi Romani, monumenta maiorum, omnis sapientiae ratio omnisque doctrinae. At uero te inquilino – non enim domino – personabant omnia uocibus ebriorum, natabant pauimenta uino, madebant parietes, ingenui pueri cum meritoriis, scorta inter matres familias uersabantur95.

Mais que de jours tu as passés dans cette maison de campagne, à mener la plus honteuse des orgies ! Dès la troisième heure, on y buvait, on y jouait, on y vomissait. [...] C’est pour ses travaux intellectuels que M. Varron a voulu en faire une retraite, et non pour les débauches. Quels propos tenait-on autrefois dans cette maison de campagne ! à quelles pensées s’attachait-on ! quels écrits y rédigeait-on ! il s’agissait des lois du peuple romain, des archives de nos ancêtres, des principes de toute philosophie et de toute science. Mais, quand tu en as été l’occupant (car je ne dis pas le maître), tout retentissait des cris des ivrognes, les dallages étaient inondés de vin, les murailles en étaient humectées, des enfants de bonne famille étaient mêlés à des prostitués, des courtisanes à des mères de famille.

  • 96 Voir la légende de l’aureus de 28 av. J.-C. : Leges et iura P. R. restituit. Voir Suspène (2009 : 1 (...)

15L’atmosphère décrite parachève l’ambiance dionysiaque (turpissime es perbacchatus) esquissée auparavant dans le discours de Cicéron. Le contraste entre l’usage que faisait Varron de sa villa, consacrée aux savoirs et à l’étude, et celui qu’en fait Antoine, à qui le statut de dominus est refusé, ne saurait être plus violent. Alors que Varron s’était efforcé, par de savants et colossaux travaux d’érudition, de contribuer au rétablissement de l’identité romaine, travaux certainement valorisés par le principat augustéen qui entendait rétablir le mos maiorum, mais aussi les iura populi Romani96 sur lesquels travaillait Varron, Antoine s’adonne aux plus honteuses débauches, maculant de vin les murs et les sols. À noter que l’invective portant sur la sexualité concerne avant tout, non pas l’acte en tant que tel, mais bien le mélange des statuts sociaux, subtilement souligné par le chiasme (ingenui pueri cum meritoriis, scorta inter matres familias uersabantur), la sexualité à Rome ne se pensant pas en fonction de l’orientation sexuelle, mais en fonction des statuts sociaux.

4. L’incident des Lupercales

16Enfin, l’on ne saurait clôturer cette analyse sans faire mention du fameux incident des Lupercales survenu le 14 février 44 av. J.-C., que Cicéron dépeint en ces termes :

  • 97 Cic. Phil. 2, 85-87 (trad. Boulanger & Willeumier 1963 : 135-136).

Sedebat in rostris collega tuus, amictus toga purpurea, in sella aurea, coronatus. Escendis, accedis ad sellam – ita eras Lupercus ut te consulem esse menimisse deberes – diadema ostendis. Gemitus tot foro. Vnde diadema ? Non enim abiectum sustuleras, sed attuleras domo ; meditatum et cogitatum scelus. Tu diadema imponebas cum plangore populi, ille cum plausu reiciebat. Tu ergo unus, scelerate, inuentus es qui, cum auctor regni esses eumque quem collegam habebas dominum habere uelles, idem temptares quid populus Romanus ferre et pati posset. [...] Quid indignius quam uiuere eum qui imposuerit diadema, cum omnes fateantur iure interfectum esse qui abiecerit ?97

Ton collègue se tenait sur les rostres, vêtu d’une tunique de pourpre, assis sur un siège doré, couronné de lauriers. Tu montes, tu t’approches du siège (ta qualité de luperque n’aurait pas dû te dispenser de te rappeler que tu étais consul) ; tu exhibes un diadème. Gémissement dans tout le Forum. D’où venait ce diadème ? tu ne l’avais pas ramassé par terre, mais tu l’avais apporté de chez toi ; crime prémédité et réfléchi. Tu posais le diadème <sur la tête de César>, au milieu des lamentations du peuple, et lui, le repoussait, au milieu des applaudissements. Il ne s’est donc trouvé que toi, scélérat, pour prendre l’initiative de rétablir la royauté et vouloir comme maître celui que tu avais comme collègue, pour faire aussi l’épreuve de ce que le peuple romain pouvait supporter et souffrir. [...] Est-il plus grande indignité que d’avoir laissé la vie à celui qui a posé le diadème, quand celui qui l’a repoussé a été, de l’aveu de tous, mis à mort à bon droit ?

  • 98 Cic. Phil. 2, 86.

17Lors de la fête des Lupercales, alors que César siégeait sur les Rostres dans un apparat quasi monarchique, Antoine, qui faisait partie des Luperques et était alors dénudé – ce que ne manque pas de railler Cicéron98 –, se risque à poser sur la tête de César le diadème, emblème du roi hellénistique. L’essentiel à retenir de ce passage est que, par amplification rhétorique et par son argumentation, Cicéron fait d’Antoine le seul et unique responsable de l’aspiration prétendue de César au pouvoir royal, en soulignant l’absurdité de la situation présente : César, qui avait rejeté l’insigne de la royauté, est mort, tandis que le véritable auteur du crime (scelus), l’auctor regni, est toujours en vie, sous-entendant qu’Antoine est digne d’être châtié.

Conclusion

18Alors qu’avec les deux premières Philippiques, l’on ne se situe qu’au début de la série des discours contre Antoine, l’essentiel s’y trouve soit en germe, soit en pleine efflorescence, qu’il s’agisse des thèmes mobilisés ou des axes en faveur desquels plaide Cicéron, excepté le thème de la crudelitas qui se déploiera à partir de la troisième Philippique. Ces deux discours balisent en amont la gradation future de l’inimitié entre Cicéron et Antoine, atteignant son paroxysme avec la déclaration d’hostis publicus après la XIVe Philippique.

  • 99 Cic. Phil. 2, 71.
  • 100 Cic. Phil. 2, 85.

19En raison des similitudes entre les invectives cicéroniennes et celles de l’époque triumvirale qui nous sont parvenues, il est vraisemblable que les Philippiques aient servi de réservoir rhétorique anti-antonien auquel puiseront probablement Octavien et ses partisans. La deuxième Philippique, grâce au triptyque rhétorique qui dépeint tout ce que le personnage d’Antoine a d’excessif et de barbare, à savoir le « cortège dionysiaque » d’Antoine en Italie, la « profanation » de la villa de Varron et l’ « incident » des Lupercales, offre des descriptions vivantes, lesquelles devaient constituer des moments forts, lui donnant alors souffle et puissance. La deuxième Philippique ne contient pas seulement des invectives traditionnelles prêtes à l’emploi, mais semble élever l’usage de la uituperatio à un stade supérieur. C’est que ces invectives n’entendent pas seulement détruire leur cible, mais en appellent aussi, en filigrane, à restaurer la République et à rétablir tant le cours normal des institutions que le mos maiorum. C’est ainsi que le vocabulaire même utilisé par Cicéron pour qualifier Antoine, notamment belli princeps, crudelitatis auctor99 et auctor regni100, le présente comme l’antithèse par excellence des valeurs républicaines traditionnelles.

20Les rapprochements proposés plus haut entre les invectives cicéroniennes et celles de l’époque triumvirale dirigées contre Antoine offrent des parallèles étonnants, surtout dans la deuxième Philippique. Si ces derniers peuvent être le fruit de la coïncidence, étant donné que les invectives de l’époque tardo-républicaine puisent à une culture politique commune, ces parallèles pourraient s’expliquer par l’hypothèse d’une récupération de la deuxième Philippique par Octavien-Auguste et/ou ses partisans, dès l’époque triumvirale et/ou le principat augustéen. Cependant, ces parallèles s’expliquent plus simplement par le fait que les Philippiques ont probablement exercé une influence sur les invectives contre Antoine durant l’époque triumvirale et par le fait qu’Octavien-Auguste affirmera le rétablissement des valeurs traditionnelles et prétendra avoir restauré la République. Bien que séduisante, l’hypothèse d’une instrumentalisation voire d’un réaménagement de la deuxième Philippique après la mort de Cicéron et au profit d’Octavien-Auguste demeure fragile.

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Notes

1 Sur cette communis opinio, voir Manuwald (2007 : 47-54). Sur les Philippiques, voir Hall (2002 : 273-304), à compléter par Booth 2007 et Stevenson & Wilson 2008.

2 Cic. Phil. 2, 118-119. Voir Keeline (2020 : 15-36).

3 Plut. Cic. 69. Pour une biographie de Cicéron en langue française, voir Grimal 1986.

4 Cic. Phil. 13, 40 : quem ego inustum uerissimis maledictorum notis tradam hominum memoriae sempiternae, « Moi, je le livrerai à l’impérissable mémoire des hommes marqué des plus patentes traces d’infamie » (traduction personnelle).

5 Voir Ansuategui (2017 : 181-200).

6 Le sénat déclare Marc Antoine et ses partisans hostes publici lors de la séance du 26 et 27 avril 43 av. J.-C. (Cic. Ad Brut. 1, 3, 4 ; 1, 5, 1 ; 1, 15, 8-9 ; Fam. 10, 21, 4 ; Vell. 2, 62, 4-5 et 2, 64, 4 ; Liv. perioch119 ; App. B.C3, 74 et Dion Cass. Hist. Rom. 46, 39, 3 et 46, 41, 5). Voir Allély (2012 : 94-95 et 98-99).

7 Voir Montlahuc 2019 avec références aux publications antérieures.

8 Martin (2009 : 49-62).

9 Cic. Fam. 12, 22, 1 : Nos hic cum homine gladiatore omnium nequissimo, collega nostro, Antonio, bellum gerimus, sed non pari condicione, contra arma uerbis, « Dans le cas présent, nous menons certes une guerre avec un gladiateur, le plus vil de tous, notre collègue, Antoine, mais dans des conditions inégales, avec des mots contre des armes » (traduction personnelle). Cette expression fait écho au vers cedant arma togae, raillé par Marc Antoine dans son discours auquel répond la deuxième Philippique (Cic. Phil. 2, 20).

10 Manuwald (2007 : 52-54).

11 Voir Cic. Att. 15, 13, 1 ; 15, 13, 7 et 16, 11, 1-2. La date de publication, généralement située avant la troisième Philippique, et les modalités de cette publication ont fait couler beaucoup d’encre (voir Manuwald 2007 : 59, n. 156 qui propose un aperçu assez exhaustif des publications sur cette question délicate).

12 Cic. Att. 15, 13, 7. Voir aussi Cic. Att. 15, 13, 1 et 16, 11, 1-2.

13 Stevenson & Wilson 2008.

14 De Francisci (1964 : 1-37).

15 Sur le prestige à Rome, voir Baudry & Hurlet 2016.

16 Sur les lieux communs de l’invective à Rome, voir Craig (2004 : 190-191), Arena (2007 : 149-160) et Seager (2007 : 25-46).

17 Cic. Phil. 3, 15 ; Suet. Aug. 2, 6 et 4, 3. Voir Borgies (2016 : 53-84).

18 Cic. Phil. 2, 14 ; 2, 42 et 2, 70. Ce thème de l’ignobilitas se prolongera dans le corpus des Philippiques (voir par ex. Cic. Phil. 3, 15-17).

19 Cic. Phil. 2, 3.

20 Cic. Phil. 2, 20 ; 2, 58 ; 2, 69 et 2, 77.

21 Suet. Aug. 49, 3.

22 Cic. Phil. 2, 44-45 ; 2, 50 ; 2, 55 ; 2, 61 et 2, 77. Ces attaques culminent dans le fait que la soumission d’ Antoine aux femmes aurait fini par le conduire à une servitude totale (Cic. Phil. 2, 86).

23 Voir Liv. perioch. 131 et 132 ; Plut. Ant. 10, 6 et 60, 1 ; Mart. epigr11, 20, 4-5 ; Flor. 2, 14, 4 (4, 11) ; Dion Cass. Hist. Rom. 50, 5, 1 et 2. Ces thèmes apparaissent également en filigrane des réponses d’Antoine à Octavien (Suet. Aug. 63, 4 et 69, 3). Voir Borgies (2016 : 266-279).

24 Cic. Phil. 2, 11 : « à ta maison appartient un être qui leur a été fatal à tous deux » (trad. Boulanger & Wuilleumier 1963 : 95). Fulvia était en effet la veuve de P. Clodius Pulcher (mort en 52 av. J.-C.). Elle s’est ensuite mariée à C. Scribonius Curio fils (mort en 49 av. J.-C.). Voir aussi Cic. Phil. 2, 113.

25 Voir Mart. epigr11, 20, 4-5. En outre, les inscriptions des balles de fronde du siège de Pérouse (glandes plumbeae Perusinae) sont éloquentes (voir CIL XI 6721, 5 et CIL XI 6721, 14).

26 Que Cicéron considère Fulvia comme de sinistre augure pour Antoine, en la qualifiant de « fatale », évoque le fatale monstrum d’Horace (Hor. carm. 1, 37, 21).

27 Cic. Phil. 2, 40-42 ; 2, 62 et 2, 103.

28 Cic. Phil. 2, 48 et 2, 62.

29 Cic. Phil. 2, 44 ; 2, 50 et 2, 62.

30 Cic. Phil. 2, 39 ; 2, 62 ; 2, 64-66 et 2, 73-75.

31 Cic. Phil. 2, 62.

32 Cic. Phil. 2, 42-43 ; 2, 84 et 2, 101.

33 Cic. Phil. 2, 93-97.

34 Cic. Phil. 2, 101-102.

35 Cic. Phil. 2, 103-104.

36 Cic. Phil. 2, 109.

37 Ces invectives toucheront tant Octavien (Suet. Aug. 70, 3-4) qu’Antoine (Plin. nat. 33, 50 et 34, 6).

38 Afin de discerner les thèmes « principaux » et « secondaires », on se reporte à l’étude statistique de M. Delaunois (Delaunois 1966 : 6-12).

39 Cic. Phil. 2, 67 : domus erat aleatoribus referta [...] ; suggerebantur etiam saepe – non enim semper iste felix – damna aleatoria, « la maison était bondée de joueurs [...] ; à tout cela venaient encore s’ajouter souvent (car il n’avait pas toujours de la chance) des pertes au jeu » (trad. Boulanger & Wuilleumier 1963 : 125).

40 Voir Suet. Aug. 70, 4.

41 Cic. Phil. 2, 35 ; 2, 75, 2, 93 ; 2, 99 et 2, 103.

42 Voir R. Gest. div. Aug. 24, 2 ; Strab. 13, 1, 30 et 14, 1, 14 ; Plin. nat. 33, 24 (82-83) et 34, 19, 58 et Plut. Ant. 24, 5-6.

43 Sur la lâcheté d’Octavien à Nauloque, voir Suet. Aug. 16, 4.

44 Cic. Phil. 2, 34 ; 2, 71 ; 2, 74 ; 2, 76 et 2, 88.

45 Prop. 2, 16, 37-40 ; Vell. 2, 85, 3-4 ; Flor. 2, 17 (4, 7) et Plut. Ant. 14, 1-2.

46 M. Delaunois ne relève que 6 occurrences de ce thème alors que les vices d’Antoine sont développés dans 110 passages (Delaunois 1966 : 10). Ce thème de l’inaptitude oratoire et littéraire se prolongera dans le corpus des Philippiques (voir par ex. Cic. Phil. 3, 21-22).

47 Voir Cic. Phil. 2, 8 ; 2, 11 ; 2, 18 ; 2, 20 ; 2, 28 ; 2, 42-43 ; 2, 86 et 2, 111. Voir Orlandini (2002 : 212).

48 Suet. Aug. 86, 5. Voir aussi Plut. Ant. 2, 8.

49 Cic. Phil. 2, 19 ; 2, 29 ; 2, 30 ; 2, 42 ; 2, 68 ; 2, 80 et 2, 97.

50 Bien que l’ebrietas se prolonge dans le corpus des Philippiques (voir par ex. Cic. Phil. 3, 12 ; 3, 20 ; 3, 31 ; 3, 35 et 5, 24), elle n’atteindra pas la même ampleur que dans la deuxième.

51 Cic. Phil. 2, 103-105.

52 Cic. Phil. 2, 7 ; 2, 67 ; 2, 77 et 2, 87.

53 Cic. Phil. 2, 31 et 2, 42.

54 Cic. Phil. 2, 62 et 2, 67.

55 Cic. Phil. 2, 63 et 2, 106.

56 Cic. Phil. 2, 63.

57 Cic. Phil. 2, 76.

58 Cic. Phil. 2, 101.

59 Cic. Phil. 2, 81 et 2, 84.

60 Cic. Phil. 2, 106.

61 Comme le remarque M.-C. Ferriès, « les partisans d’Antoine sont toujours reçus ou représentés à table ; le triclinium est le décor de l’essentiel des anecdotes, paris [et] plaisanteries » (Ferriès 2007 : 251).

62 Voir Flor. 2, 21, 2 (4, 11) et Sen. epist. 83, 25. Sur le pamphlet, voir Plin. nat. 14, 28 (148) et Marasco (1992 : 538-548). Ce type d’attaque est d’autant plus évident que Marc Antoine renforce à dessein son assimilation à Dionysos.

63 Cic. Phil. 2, 7 ; 2, 63 ; 2, 74 ; 2,  97 et 2, 106.

64 Martin (2011 : 131-148).

65 Les évocations de Spartacus sont en effet absentes des deux premières Philippiques. L’on peut donc estimer qu’elles renvoient assez précisément aux mobilisations de vétérans menées illégalement par Octavien en Campanie. Antoine qualifiera en effet Octavien de « Spartacus » dans ses edicta (Cic. Phil. 3, 21 et 4, 6), invective retournée par Cicéron contre Antoine, alors dépeint comme un nouveau « Spartacus » (Cic. Phil. 3, 18 ; 3, 21 et 4, 6).

66 Cic. Phil. 1, 27.

67 Cic. Phil. 1, 33-34. Voir aussi Cic. Phil. 2, 112-114.

68 Cic. Phil. 2, 6 ; 2, 89 ; 2, 108 et 2, 112. Ce thème sera aussi développé dans la suite du corpus des Philippiques (par ex. Cic. Phil. 5, 17-20).

69 Cic. Phil. 2, 68 et 2, 80.

70 Cic. Phil. 2, 10.

71 Cic. Phil. 2, 35 ; 2, 70-71 et 2, 87. Pour la première Philippique, voir Stevenson (2009 : 174-186). Ce thème se prolongera dans le corpus des Philippiques, notamment, dès la troisième qui contient une peccatorum comparatio avec Tarquin le Superbe (Cic. Phil. 3, 8-12).

72 Cic. Phil. 2, 113.

73 Voir Martin 1994 et Martin (2009 : 49-62).

74 R. Gest. div. Aug. 1.

75 Suet. Aug. 28, 1.

76 Cic. Phil. 2, 30.

77 Cic. Phil. 2, 59 et 2, 71.

78 Cic. Phil. 2, 67.

79 Voir par ex. Cic. Phil. 4, 11-12; Phil. 6, 7 ; Phil. 10, 22 et Phil. 11, 1.

80 Cic. Phil. 2, 58. Cicéron utilise à dessein des mots d’origine gauloise (essedum et raeda).

81 Cic. Phil. 2, 76.

82 Suet. Aug. 40, 8.

83 Cic. Phil. 2, 76 ; 2, 108 et 2, 112.

84 Plutarque rapproche son éloquence de son mode de vie (Plut. Ant. 2, 8).

85 Voir Borgies (2016 : 287-327) avec renvoi aux sources. Sur l’invective comme vecteur de construction identitaire, voir Breunesse (2019 : 448-463).

86 Pour l’entrée d’Antoine dans Éphèse en 42 av. J.-C., voir Plut. Ant. 24, 4. Pour la rencontre à Tarse entre Antoine et Cléopâtre VII, voir Plut. Ant. 26, 5. Pour le triomphe d’Alexandrie, voir Vell. 2, 82, 4 ; Plut. Ant. 54 et Dion Cass. Hist. Rom. 49, 40. Pour les préparatifs de la guerre d’Actium, voir Plut. Ant. 55-56. Ces attaques sont rendues d’autant plus évidentes qu’Antoine s’assimile à Dionysos pour renforcer la cohésion des territoires situés sous son contrôle dans la partie orientale du bassin méditerranéen (voir Marasco 1992 : 538-548).

87 Cic. Phil. 2, 58 (traduction remaniée de Boulanger & Willeumier 1963 : 120).

88 Par ailleurs, Cythéris était une affranchie de Volumnius (Cic. Phil. 2, 20 ; 2, 58; 2, 61; 2, 69; 2, 77 ; Cic. Ad Att. 10, 10, 5 ; 10, 16, 5 et Cic. Ad Fam. 9, 26, 2).

89 Le manuscrit proposant leonibus est le codex Harleianus 2682. Leonibus pourrait être « a scribal conjecture, made also by Victorius in 1540 » (voir l’édition de Lacey 1986 : 94 et 200). Pour les sources, voir la lettre datée de 49 av. J.-C. (Cic. Ad. Att. 10, 13, 1 : Tu Antoni leones pertimescas caue, « garde-toi d’avoir peur des lions d’Antoine » (traduction personnelle) ; Pline l’Ancien (Plin. nat. 8, 21 (55) : iugo subdidit eos [leones] primusque Romae ad currum iunxit M. Antonius, [...], « Marc Antoine les [les lions] plaça sous un joug et il fut le premier à Rome à les atteler à un char [...] », traduction personnelle) et Plutarque (Plut. Ant. 9 : καὶ λέοντες ἅρμασιν ὑπεζευγμένοι « ses lions attelés à un char », traduction personnelle), lesquels pourraient s’appuyer sur Cicéron. Cependant, la leçon lenonibus est soutenue par la mention des lenones en Cic. Phil. 6, 2 et 8, 9.

90 Sous les traits de Bacchus-Dionysos, Antoine défile en char dans les rues d’Alexandrie (Vell. 2, 82, 4).

91 Cic. Phil. 3, 15-17. Cela n’est pas sans lien avec le portrait que dresse Nicolas de Damas dans le Βίος Καίσαρος, présentant Octavien comme un être pur et chaste (Nic. Damas Aug. F 127, V, 12 ; F 128, XIII, 18 et F 129, XV, b, 36).

92 Suet. Aug. 94, 14.

93 Cic. Phil. 2, 62.

94 R. Gest. div. Aug. 25 : Iurauit in mea uerba tota Italia sponte sua et me belli quo uici ad Actium ducem depoposcit. Iurauerunt in eadem uerba prouinciae Galliae, Hispaniae, Africa, Sicilia, Sardinia, « L’Italie entière, de sa propre initiative, prêta serment selon mes termes et me réclama comme chef pour mener la guerre d’Actium dont je sortis victorieux. Selon les mêmes termes, les provinces des Gaules, des Espagnes, d’Afrique, de Sicile et de Sardaigne prêtèrent aussi serment » (traduction personnelle).

95 Cic. Phil. 2, 104-105 (trad. Boulanger & Willeumier 1963 : 146).

96 Voir la légende de l’aureus de 28 av. J.-C. : Leges et iura P. R. restituit. Voir Suspène (2009 : 145-167).

97 Cic. Phil. 2, 85-87 (trad. Boulanger & Willeumier 1963 : 135-136).

98 Cic. Phil. 2, 86.

99 Cic. Phil. 2, 71.

100 Cic. Phil. 2, 85.

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References

Electronic reference

Loïc Borgies, “Les invectives cicéroniennes comme matrices des invectives de l’époque triumvirale. Le cas des Philippiques I et IIVita Latina [Online], 204 | 2024, Online since 01 February 2024, connection on 05 October 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/vita/300; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/vita.300

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About the author

Loïc Borgies

Université de Namur
Fontes Antiquitatis – PaTHs
Loïc Borgies est doctorant à l’Université de Namur (UNamur, Belgique) au sein du centre de recherches Fontes Antiquitatis.
Il s’est spécialisé dans l’étude de l’époque triumvirale et du principat augustéen.
Il a notamment publié Le conflit propagandiste entre Octavien et Marc Antoine. De l’usage politique de la uituperatio entre 44 et 30 a. C. n. (Bruxelles, 2016).

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