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Recension

Jean-Christophe Gay, La France d'outre-mer. Terres éparses, sociétés vivantes, Armand Colin, 2021

Philippe Bachimon

Texte intégral

1La France d’outre-mer (FOM) dans l’imaginaire national est vue soit comme un reliquat de l’époque des colonies, soit comme une insularité paradisiaque exotique, soit comme un lieu de dystopies, l’envers de l’Eden, frappé par des cyclones et des crises à répétition. Pour les plus optimistes il est vu comme un ensemble, certes éparpillé en une multitude d’îles qui possèdent chacune des eaux territoriales (en fait une ZEE) dont l’ensemble cumulé fait de l’entité nationale la deuxième puissance maritime mondiale. Mais il est fort probable aussi que ses trois aspects se mêlent dans la tête des Français. Cet ensemble disparate est vu tantôt sous la couleur sépia de la nostalgie (coloniale, édénique) ou sous celle tricolore de la fierté nationale (la FOM permet à la France de garder une place de premier plan dans le monde). Mais au final la FOM est méconnue par sa Métropole. Elle n’entre que marginalement dans l’expérience touristique et professionnelle (celle des expatriés) et on accède à sa connaissance le plus souvent par l’intermédiaire de ses natifs qui vivent en Métropole. Qui bien souvent y sont perçus à la fois comme des étrangers et des fonctionnaires des services publics régaliens. Bref on rêve des tropiques, mais pas uniquement tropiques français, tandis que les « tropicaux » métropolisés ne font pas rêver de cet ailleurs résiduel.

2Cette ignorance bien réelle est sans réciprocité dans la FOM. Même si ce problème n’est pas abordé frontalement dans l’ouvrage, dont le riche point de vue reste métropolitain - et ce peut-être du fait même de l’inclusion de toutes les outre-mer dans l’ensemble FOM - il est bien un des éléments clé de la compréhension du mécontentement qui traverse ces territoires qui « endurent » une relation asymétrique avec la Métropole. Ayant finalement peu de relations entre eux, sauf micro-régionalement, ils sont dans un rapport binaire avec la métropole, rapport qui les isole peu ou prou (selon les status) de leur environnement international. Pour eux le « récit national » est celui de la Métropole, alors que l’inverse n’est pas vrai.

3L’autre image que la Métropole a de la FOM est celle d’un ensemble immuable. C’est sur la déconstruction de cette idée fausse que le présent ouvrage s’avère le plus sagace. Et ce en y étudiant les mutations spectaculaires et rapides qui y marquent le début du XXIe siècle, notamment sur les plans statutaire, démographique et socio-économique. L’auteur y dissèque les innovations sociales et les expérimentations juridiques, qui contribuent en retour à métamorphoser la République française, a priori une et indivisible. Il montre que ces territoires en se diversifiant (l’auteur y instruit : la montée des inégalités et des disparités qui contribuent à l’approfondissent des déséquilibres socio-spatiaux ; l’affirmation des autochtonies ; la prise de conscience des vulnérabilités au réchauffement climatique…) font de ce que l’on considère souvent comme un simple legs colonial, un laboratoire politique pour la métropole elle-même en terme par exemple de décentralisation et d’autonomie. On assisterait aux frémissements d’une inversion du rapport entre les deux entités. L’auteur conclut son ouvrage, en relevant les pesanteurs immuables qui marquent cet « ensemble », sur une note pessimiste, en nous rappelant qu’on observe dans la FOM « une décolonisation sans indépendance » qui se « combine à une sujétion économique » reposant sur un « assistanat ». Un ouvrage à lire absolument.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Philippe Bachimon, « Jean-Christophe Gay, La France d'outre-mer. Terres éparses, sociétés vivantes, Armand Colin, 2021 », Via [En ligne], 20 | 2021, mis en ligne le 15 décembre 2021, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/viatourism/7320 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/viatourism.7320

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Auteur

Philippe Bachimon

Université d’Avignon

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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