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Macao à l’ère postcoloniale : espoir et désespoir dans un centre mondial du tourisme et des loisirs

Michael O’Regan
Traduction de Allison Huetz
Cet article est une traduction de :
Post-Colonial Macau: hope and despair in a World Centre of Tourism and Leisure [en]
Autre(s) traduction(s) de cet article :
Macau pós-colonial: esperança e desespero em um Centro Mundial de Turismo e Lazer [pt]

Résumé

Après la rétrocession du Portugal en 1999, le développement des concessions de casino et la croissance consécutive de l’emploi et du produit intérieur brut (PIB) par habitant à Macao ont créé une illusion de prospérité dans un territoire postcolonial de moins de 30 km2. Région administrative spéciale (RAS) de la République populaire de Chine (RPC), c’est le seul endroit en Chine où les adultes peuvent légalement jouer dans des casinos. Cet article qui s’appuie sur des entretiens avec des résidents locaux soutient que la catégorie imaginée de «  centre mondial du tourisme et des loisirs  » créée par les autorités locales masque en fait une économie occulte illicite. L’article montre ainsi que la rapidité miraculeuse de la croissance du PIB par habitant, de l’emploi et de l’excédent budgétaire est le résultat d’une nouvelle élite postcoloniale tournée vers son passé colonial. L’article affirme que le «  centre mondial du tourisme et des loisirs  » est une construction politique et un projet hégémonique clé pour maintenir les citoyens dans un monde hyperréel de simulacre et de contrôle  ; cela au prix de rumeurs quotidiennes, de précautions, d’autocensure et de démoralisation.

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Notes de l’auteur

Avec la collaboration du Dr. Jaeyeon Choe

Texte intégral

1Située à l’embouchure du delta de la rivière des Perles, à l’ouest de Hong Kong, et bordée au nord par la province de Guangdong, Macao est devenue une région administrative spéciale [RAS] de la République populaire de Chine (PRC) en décembre 1999 quand la souveraineté a été transférée du Portugal à la Chine. Selon le modèle «  un pays, deux systèmes  » établi par la déclaration conjointe sino-portugaise de 1987, Macao possède une constitution connue sous le nom de Loi fondamentale stipulant qu’à l’exception des affaires étrangères et de la défense, elle conserve un haut degré d’autonomie jusqu’en 2049, date à laquelle elle devrait être entièrement placée sous contrôle chinois. Avant la rétrocession, l’industrie manufacturière était prédominante à Macao avec des usines de fabrication de jouets, de chaussures, de fleurs artificielles, de pétards, d’allumettes, de bâtons d’encens et de textiles contribuant à hauteur de 37,8 % au produit national brut (PNB) de Macao et à 45 % des emplois en 1988 (Sit et al., 1991). La fin des quotas par l’Organisation mondiale du commerce dans le cadre de l’Arrangement multifibres (1974-2005) a conduit les industriels de Hong Kong qui avaient établi leurs usines de fabrication de textiles et de vêtements à Macao à se retirer dans des territoires moins coûteux, entraînant le déclin du secteur.

2Comme une grande partie des exportations et des emplois du secteur manufacturier dépendait des quotas, le secteur a décliné à mesure que les quotas alloués à Macao pour les textiles et les vêtements étaient supprimés. La contribution du secteur au produit intérieur brut (PIB) est tombée à moins de 1 %, n’employant plus que 3,4 % de la main-d’œuvre en 2011 (Mieiro et al., 2012). Alors que le taux de chômage était de 1,5 % en 1989, celui-ci atteignit un niveau record de 7,1 % au deuxième trimestre de l’année 2000. Les efforts des autorités coloniales pour développer des liens économiques externes échouent à cette époque, la RAS nouvellement formée entrant dans la scène postcoloniale avec des désavantages structurels notables par rapport à sa jumelle RAS, Hong Kong, possédant des ports en eaux profondes et une population plus importante. Avec moins de 10 % de la population active de Macao ayant atteint un niveau de qualification tertiaire en 1999 et avec 28 km2 de territoire sans terres arables, sans pâturages, sans forêts, ni bois, Macao était en crise. Cependant, Macao a réalisé en 2003 un excédent budgétaire substantiel et une croissance importante du PIB, qui s’est accélérée pour atteindre 27,5 % en 2010. Alors que le PIB par habitant de Macao était de 13 000 dollars US en 2000, il est passé à 73 376 dollars US en 2016. Les arrivées touristiques sont passées de 7,44 millions en 1999 (1,63 million en provenance du continent) à 39,4 millions en 2019 (28 millions de visiteurs continentaux). D’ici 2020, le PIB de Macao atteindra environ 143 000 dollars US par personne, selon le FMI. Cela en ferait l’endroit ayant le PIB par personne le plus élevé au monde sur la base de la parité de pouvoir d’achat. Avec une dette publique nulle, des réserves fiscales saines et un faible taux de chômage (1,9 % en 2018), c’était un revirement «  miraculeux  » pour une petite colonie portugaise.

3Le miracle s’est opéré après qu’Edmund Ho, le premier chef de l’exécutif de la région administrative spéciale de Macao (RSAM), a obtenu le soutien de Beijing pour des «  mesures néolibérales de restructuration des casinos  » (Liu, 2008) en décembre 2000. Alors que les autorités coloniales avaient légalisé les jeux de hasard en 1847 au moment où les petits casinos informels étaient courants, l’industrie ne s’était pas encore pleinement développée en raison de la restriction des voyages à l’étranger depuis la Chine occidentale. Les jeux d’argent représentaient moins de 26 % du PIB de Macao en 1999 (Ho, 2005), avec des recettes brutes de 1,6 milliard de dollars US. Les autorités de Macao ont augmenté en 2002 le nombre de licences de jeu en octroyant trois concessions et trois sous-concessionnaires par le biais d’une commission d’appel d’offres pour les jeux de hasard (Simpson, 2018). Cela a permis à la Sociedade de Jogos de Macau (SJM), une filiale de la STDM, à Galaxy Casino, S.A. (Galaxy), à Wynn Resorts, à Sands China Ltd, à MGM Grand Paradise, S.A., et à Melco Crown Jogos de pénétrer le marché des casinos de Macao monopolisé par la STDM depuis 1962. L’accord de partenariat économique renforcé (CEPA) signé le 17 octobre 2003 a conduit Beijing à introduire le «  programme de visites individuelles  » (IVS), qui permet actuellement aux résidents de 49 villes continentales de demander un visa touristique pour visiter Macao à titre individuel.

4Pour explorer les expériences vécues et la qualité de vie dans un «  centre mondial du tourisme et des loisirs  », des entretiens approfondis et semi-directifs ont été conduits auprès de résidents locaux (N = 22) entre octobre 2014 et mai 2015. Ces derniers étaient nés, avaient grandi et vécu à Macao et possédaient le statut de résidents. L’auteur principal a engagé et formé deux étudiants en dernière année de tourisme et de gestion hôtelière pour mener des entretiens avec les résidents en cantonais. Ces entretiens ont ensuite été traduits en anglais, contrôlés et validés à travers une traduction inversée de trois entretiens. Les enquêteurs ont reçu pour instruction de ne pas créer d’interprétations durant les entretiens. Afin de recueillir des données plus approfondies, les enquêtés ont été encouragés à parler de leur vie à Macao. Tous les entretiens ont été enregistrés numériquement (audio) avec l’accord des enquêtés. Les transcriptions ont identifié un thème autour d’une économique « magique  » après que les informateurs ont posé des questions sur leurs droits, sur les puissantes élites commerciales et politiques, et sur les conditions matérielles, sociales et spatiales, perçues comme anormales, qui existent à Macao. Suite au défi lancé aux chercheurs par Comaroff et Comaroff (1999  ; 2003) consistant à enquêter à une «  échelle gênante  » qui n’est ni explicitement «  locale  », ni évidemment «  globale  » — mais à une échelle intermédiaire, le thème a été développé par les auteurs en une enquête anthropologique sur les relations imbriquées entre l’histoire de Macao, la colonisation et son image auto-proclamée de centre mondial du tourisme et des loisirs. Plutôt qu’une analyse thématique des personnes interrogées, l’article utilise le paradigme postcolonial de Comaroff et Comaroff sur «  l’économie occulte  » qu’ils décrivent et définissent comme «  l’attrait d’accumuler des richesses à partir de rien  » (Comaroff et Comaroff, 2000, p. 313). Ses caractéristiques transgressent souvent le conventionnel, le rationnel et le moral, Comaroff et Comaroff définissant ces «  économies  » comme «  la conjuration de richesses par le recours à des techniques intrinsèquement mystérieuses, dont les principes de fonctionnement ne sont ni transparents ni explicables en termes conventionnels  » (p. 297).

5Cet article décrira la rupture de la relation rationnelle entre la fin et les moyens au moment où Macao transformait son territoire colonial en un centre mondial globalisé du tourisme et des loisirs. L’article va au-delà des discours qui conçoivent le tourisme et le développement touristique en Asie comme une «  authenticité  » médiée, agissant comme un catalyseur pour un développement économique ultérieur ou un moyen d’affirmer de la légitimité (Burns, 2008). Nous soutenons que le paradigme de l’économie occulte offre un cadre d’interprétation en mettant l’accent sur les riches et les puissants plutôt que sur les pauvres et les impuissants (Nader, 1972), afin de saisir comment le tourisme, terme très ambigu, a été défini par ceux en position de pouvoir comme étant le seul fondement à l’origine de son succès. Cette approche nécessite d’étudier «  les colonisateurs plutôt que les colonisés, la culture du pouvoir plutôt que la culture des sans-pouvoirs  » (Nader, 1972, p. 289) en posant des questions de «  bon sens  » à l’envers sur les raisons pour lesquelles le gouvernement, les entreprises, les décideurs et les créateurs de politiques socio-économiques n’ont pas su jouer sur des marchés plus conventionnels lorsqu’ils ont cherché à répondre aux besoins de leurs citoyens  ; et pourquoi l’introduction de la catégorie de «  centre mondial du tourisme et des loisirs  » comme baromètre de la «  croissance économique  » et de la stabilité sociale occulte les transactions néfastes, les rumeurs, la spéculation, les rituels obscurs et désirs irrationnels, et les chances frustrées d’améliorer la qualité de vie. Afin d’ajouter de la richesse et de la couleur à cette recherche et de permettre au lecteur de tirer ses propres conclusions à partir des propos des participants, les citations verbatim des informateurs ont été utilisées.

I. Les héritages coloniaux

6Comme beaucoup de villes coloniales et de territoires ayant une histoire axée sur le commerce qui adoptent la logique consommatrice des forces du marché, l’accumulation illicite peut submerger les surfaces civiles des pays postcoloniaux et alimenter «  une économie dynamique et immorale pulsant sous leur rythme léthargique  » (Comaroff et Comaroff, 1999, p. 285). Comaroff et Comaroff (2000, p. 310) décrivent ces économies comme construites sur « des modes de spéculation fondés sur des liens irrationnels entre les moyens et les fins  ». Ces économies, affirment-ils, peuvent attirer des populations entières séduites par l’accumulation de «  richesses sans production, de valeurs sans effort  » (pp. 313-314). Ce concept s’est forgé pour décrire la montée et la chute alimentées par le pétrole du Nigéria dans les années 1970 (Apter, 2005), d’Haïti (James, 2012), de l’Irlande (Coen et Maguire, 2012) et du Mexique dans les années 1980 (Cahn, 2008).

7Permettant à des entrepreneurs immigrés chinois de survivre aux marges d’un ordre racial capitaliste discriminatoire (Louw, 2019), ou reliant des cadavres dans le congélateur d’un casino en Afrique de Sud à la création de richesse (Comaroff et Comaroff, 2002 b), les casinos sont depuis longtemps liés à l’accumulation illicite. Expliquer pourquoi Macao devrait recourir à l’élargissement des concessions de casinos et à l’accumulation illicite comme à une «  formule magique  » reflète un ensemble spécifique d’expériences historiques issues de la colonisation. Sous l’administration portugaise et en partie à cause de l’héritage du régime colonial portugais, il y a eu un mélange ambigu de «  possibilité et d’impuissance, de désir et de désespoir  » pendant la période de rétrocession coloniale, lorsque celle-ci était rongée par les incendies criminels, les meurtres, les attaques à la bombe et les fusillades entre des gangs rivaux. Bien que Macao n’ait pas connu la pauvreté totale ou la privation matérielle, beaucoup s’inquiétaient alors de la détérioration de l’ordre social (Hing, 2005). Les autorités avaient effectivement perdu le contrôle à bien des égards (Chou, 2013) avec une autonomie limitée vis-à-vis des associations traditionnelles nées de la révolution culturelle et soutenues par Beijing, ainsi que du puissant groupe STDM. Macao a aussi souffert d’une récession économique à la suite des crises financières asiatiques de 1997-1998, avec un PIB réel en baisse pendant quatre années consécutives jusqu’en 1999, qui a entraîné en retour une augmentation du chômage et un effondrement du marché immobilier. En raison de la crise financière régionale et du réinvestissement limité du groupe STDM, les recettes publiques générées par l’impôt direct sur les jeux d’argent ont diminué de 9,1 % en 1999. Cela signifiait que ceux ayant expérimenté la transition en 1999, l’avaient fait durant une période d’instabilité, avec des jeunes gens ayant souvent les plus grandes espérances, mais à qui on avait refusé la répartition attendue des richesses (Liu, 2009). Plutôt que de faire face à l’incertitude et d’investir dans les marchés conventionnels pour prospérer potentiellement grâce à de nouveaux objectifs, de la créativité et de la vitalité, le nouveau gouvernement a rejeté la croissance lente faisant souvent partie intégrante d’une économie postcoloniale (Grier, 1999). À la place, il a en apparence adopté la libre entreprise, l’accumulation flexible et la spéculation financière pour accumuler des richesses. Plutôt qu’une conversion à la «  sorcellerie capitaliste  » (Pignarre et Stengers, 2011), la décision d’étendre les concessions des casinos et de dépendre des joueurs du continent pour générer des ressources reflétait les résidus de la domination coloniale (Godinho, 2014).

  • 1 L’expression originale est « indentured servant ».

8Historiquement, les autorités de Macao ont rempli leurs caisses épuisées en faisant appel à des techniques qui défient toute explication en termes conventionnels. Des moyens non conventionnels de s’enrichir sont souvent apparus pendant les périodes opportunes de transition. Une politique du shogun Tokugawa en 1640 a mis fin au commerce japonais et la perte de Malacca au profit des Néerlandais en 1641 a mis fin au commerce entre Macao et Goa (Inde). La fin de la double monarchie ibérique en 1668 a mis fin au commerce entre Macao et Manille et l’essor de Hong Kong comme port commercial après sa cession aux Britanniques par le gouvernement Qing en 1842 a conduit Macao à être mis de côté. Pendant cette période troublée, les autorités ont facilité le jeu, la prostitution, les mercenaires, le trafic d’armes, la traite des êtres humains ainsi que le commerce de l’opium et de coolies devenus des «  serviteurs sous contrat  »1 (Pinheiro, 2002). Alors que Hong Kong a interdit le jeu en 1870, comme le fera Canton en 1911 (Ho, 2005), Macao l’a facilité et a attiré de nouvelles entreprises et de nouveaux joueurs. L’opium étranger introduit par les Portugais de Goa au début du XVIIIe siècle a été interdit en Chine en 1976, ce qui a conduit Macao à devenir un lieu de transbordement, un foyer pour les trafiquants d’opium, avec la participation des commerçants et des habitants qui en bénéficiaient (Garrett, 2010 ; Puga, 2013). Après la fin de l’implication britannique dans le commerce des coolies en provenance de Chine en 1854, le commerce s’est déplacé vers Macao (Meagher, 2008). Il n’a été supprimé qu’en 1873 sous la pression des Britanniques et du gouvernement Qing (Pinheiro, 2002). Même après la révolution communiste chinoise de 1949, Macao a conservé son statut de plaque tournante du commerce illicite, puisqu’elle aurait servi de point de passage pour la contrebande d’or, d’essence et d’automobiles en Chine, ainsi que celle d’armes pendant la guerre de Corée afin de contourner les mandats des Nations unies (Dicks, 1984).

  • 2 Les opérateurs junket de Macao travaillent avec les casinos pour attirer les joueurs VIP, en organi (...)

9Bien qu’elles ne soient souvent pas directement impliquées, les autorités coloniales après 1846 ont nourri ces activités en s’ouvrant à des flux rapides et matériels de biens et de personnes et à des flux immatériels de services et d’informations, les taxant de manière à produire «  une richesse et une puissance immenses sans travail régulier et contre toute attente, à une vitesse surnaturelle et avec une ingéniosité frappante  » (Comaroff et Comaroff, 1999, p. 284). Ces activités peu réglementées servaient les intérêts des autorités locales, des commerçants étrangers, des triades et des élites locales, mais excluaient la grande majorité des citoyens d’origine chinoise de l’intégration économique, sociale et politique (Cheng, 1999 ; Clayton, 2010). Le choix de poursuivre la libéralisation du marché par le biais de concessions de casinos a été sanctionné par les élites locales et une caste dirigeante soutenue par Beijing. Macao se trouvant dans une situation économique «  ambivalente  » avec la disparition de l’ancienne administration coloniale, le nouveau gouvernement de la RAS s’est transformé en port franc, en zone tarifaire séparée sans contrôle des changes, et en «  nouvelle Mecque  » pour les joueurs du continent. Alors que la décision traitait des difformités compatibles avec une économie postcoloniale, telles que les difficultés à établir des principes normaux de marché et la recherche d’investissements transnationaux dans le sillage d’un krach immobilier local et d’une crise financière régionale (Zheng et Wan, 2014), Macao est devenu un espace d’exception «  néo-libérale  » (Ong, 2006) au sein du modèle « un pays, deux systèmes  » désormais élargi de la RPC. La séduction magique consistant à «  faire de l’argent à partir de rien  » attirait les joueurs de passage, les travailleurs migrants, les magnats de l’immobilier, les hommes d’affaires, les travailleurs du sexe, les fonctionnaires corrompus, les investisseurs, les criminels et les promoteurs de jeux de hasard2. En créant et en affichant une richesse soudaine, beaucoup d’entre eux, comme l’opérateur de casino «  Broken Tooth  » (Hing, 2005  ; Simpson, 2019), et le patron du Casino de Macao, Alvin Chau du groupe Suncity, sont devenus des objets de gloire et d’admiration. Circulant de manière inégale, et souvent sans relation claire avec la production, le travail, la loi ou l’effort, ces flux matériels et immatériels ont été constitués par et pour des élites locales, des acteurs non étatiques et une population multinationale transitoire en plein développement. Ils ont été au fondement de la prospérité qui a alimenté les nouvelles autoroutes, le système de métro léger, les bâtiments universitaires, les régimes de prestations sociales et les immenses complexes d’hôtellerie-casinos. En promettant de mettre la richesse entre les mains des résidents par l’intermédiaire des casinos destinés aux visiteurs en provenance du continent et de Hong Kong, le gouvernement a prôné les avantages d’une richesse massive et sans effort par les jeux de casino, une activité interdite dans la Chine continentale depuis 1949.

10Face à une culture supposée dévolue à un travail et un lieu de travail enracinés dans la communauté locale, à des liens familiaux et ethniques forts, et à des «  valeurs conservatrices de dur labeur et de fiabilité  » (Sit et al., 1991, p. 85), un changement d’époque a bien eu lieu dans «  la relation constitutive de la production à la consommation, et donc du travail au capital  » (Comaroff et Comarof, 2000, p. 293). L’incapacité du gouvernement à contrôler les entrées et les sorties rapides par le biais d’une économie déréglementée a remodelé, récupéré, reproduit, développé et transformé en marchandise le paysage, le tissu social, les loisirs, les conditions d’emploi, les universités, la structure des entreprises et la vie quotidienne de Macao (Blackburn Cohen, 2019  ; Hall et al., 2017  ; Hao, 2005), transformant ses jeunes et ses migrants en une armée de travailleurs pour les casinos, et compromettant les valeurs traditionnelles et la qualité de vie.

II. Gouvernance et société civile dans une destination touristique

11Alors que beaucoup de gouvernements à travers le monde ont essayé de tirer profit des recettes des jeux de hasard (Leiper, 1989), Macao l’a incorporé à son cœur matériel et fiscal. Le recours direct et indirect aux activités liées aux casinos par le biais de taxes et de prélèvements sur les jeux d’argent est presque le seul moyen de remplir ses caisses avec 38 milliards de dollars US de recettes brutes en 2018. Alors que seulement six licences de 25 ans ont été délivrées, une évaluation souveraine de Fitch en 2012 a estimé que Macao tirait 87,7 % de son PIB des jeux de hasard (et des activités connexes, comme l’hôtellerie) et dépendait de ce secteur pour 85 % de ses recettes fiscales. L’étude du compte satellite du tourisme réalisée en 2010 a révélé que les jeux d’argent dépendaient largement des visiteurs du continent, qui représentaient environ 70 % de l’ensemble des visiteurs. Quelque 97,3 % des recettes de l’industrie du jeu proviennent des visiteurs et 84 % de ce que les touristes dépensent à Macao est consacré aux jeux de hasard (Bland, 2015). L’industrie du jeu représentait 75,8 % des emplois de la ville en 2015 selon le Service de la statistique et du recensement de Macao (DSEC).

12La société civile qui est faible n’a fait aucune tentative sérieuse pour réfléchir à l’économie dépendant des casinos (Liu, 2008). Les 1 720 associations civiles qui existaient en 1999, tout en représentant la diversité des intérêts et en incluant des groupes d’intérêt pro-Beijing, ont été intégrées dans les rouages du gouvernement après la rétrocession. Edmund Ho, un acteur clé dans les milieux d’affaires locaux et le leader des groupes locaux prochinois avant la rétrocession, est devenu le premier chef de l’exécutif (Choi, 2008). Le nombre d’associations est passé à plus de 5 000 en 2011 (Zheng et Wan, 2014) avec la plupart des groupes, dont la Fédération des syndicats de Macao, l’Union générale des associations de quartier de Macao, l’Association générale des femmes de Macao, l’Association générale des étudiants chinois de Macao et l’Association générale des bénévoles de Macao, étant financés par la Fondation de Macao contrôlée par le gouvernement, dont l’argent provient d’une taxe de 1,6 % sur les recettes brutes des jeux. La fondation sert de lieu de distribution, les 284,5 millions de dollars US distribués en 2018 assurant la cooptation de la société civile (Chou, 2012). La couverture médiatique relative aux jeux mentionne ainsi rarement ses inconvénients, l’autocensure prévalant par peur de perdre la publicité provenant des départements de la RAS et de l’industrie des casinos (Su, 2017).

13L’opacité des pratiques bureaucratiques à Macao (James, 2012  ; Press, 2007) est un obstacle à la promotion de la société civile et donc à la bonne gouvernance. Qu’il s’agisse des transactions foncières secrètes pour les complexes de casino, des questions relatives aux marchés publics, du recours aux incitations fiscales, de l’allocation et des subventions aux personnes et associations clés, la capacité des résidents à remettre en question leur gouvernement ou leur système politique est considérablement limitée en raison du système d’élection/de nomination et d’un système politique fondé sur des liens entre les hommes d’affaires, les membres de l’Assemblée législative (AL) et les fonctionnaires. Le consensus est généralement coordonné entre le gouvernement, les élites locales et Beijing. Le gouvernement est dirigé par des secrétariats, le premier étant nommé par le gouvernement populaire central de Beijing par l’intermédiaire d’un comité électoral de 300 membres composé de patrons de casinos comme Pansy Ho de MGM et Francis Lui de Galaxy, ainsi que de chefs d’entreprise, de syndicats et d’autres groupes nommés par le gouvernement central. L’Assemblée législative (AL) est un organe de 33 membres comprenant 14 membres élus directement, 12 membres élus indirectement qui représentent des circonscriptions fonctionnelles et 7 membres nommés par le chef de l’exécutif (CE). La Loi fondamentale de Macao ne prévoit pas de suffrage universel ni d’élection directe du corps législatif ou du CE.

III. Anxiété, suspicion et insécurité dans une destination touristique

14Tout en offrant des opportunités, les casinos ont accru les incertitudes, la suspicion, la désaffection et l’anxiété concernant l’identité à Macao, les informateurs se sentant exclus des promesses d’une vie meilleure et s’inquiétant pour l’avenir. John, 40 ans, s’inquiète des autorités continentales et de savoir si elles continueront à soutenir les jeux d’argent :

15«  [c]e que je peux seulement prédire, c’est que Macao conservera ses avantages dans les cinq prochaines années, mais après cela, je n’en ai aucune idée. Nous devons attendre les décisions du gouvernement central  ». Jennifer, 32 ans, a également fait valoir que si la « Chine continentale fait plus d’efforts pour lutter contre la corruption ici, cela réduira le nombre de touristes venant du continent... et les entreprises étrangères quitteront Macao  ». Jane, 32 ans, espère comme d’autres, «  qu’il y aura d’autres industries pour aider à équilibrer cette situation  ».

16La dépendance aux jeux d’argents a sapé les valeurs de la productivité et de l’accumulation rationnelle et a accru l’anxiété quant à la production et à la reproduction de la richesse dans une société qui combine « la fusion étrange du moderne et du postmoderne, de l’espoir et du désespoir, de l’utilité et de la futilité, de l’espoir et de ses perversions  » (Comaroff et Comaroff, 1999, p. 283). Il existe un «  sentiment omniprésent de fausse valeur, de surplus accumulé sans production adéquate  » (Comaroff et Comaroff, 1999, p. 281), avec de la condamnation, de la jalousie et de l’envie envers «  ceux qui s’enrichissent de manière non traditionnelle  » (Comaroff et Comaroff, 2000, p. 316), tout en recherchant par ailleurs des moyens nouveaux et magiques pour atteindre des fins autrement inaccessibles.

17Les économies occultes «  offrent [donc] de vastes richesses, presque instantanées, à ceux qui maîtrisent ses technologies spectrales — et, simultanément, menacent l’existence même de ceux qui ne les maîtrisent pas  » (Comaroff et Comaroff, 1999, p. 298). Ces sentiments s’épanouissent sur un territoire dépendant du jeu, dans lequel «  la possibilité d’un accomplissement rapide, en amassant une fortune par des méthodes largement invisibles, est toujours présente de manière tangible  » (Comaroff et Comaroff, 1999, p. 293). Malgré les nombreuses études menées par les organismes gouvernementaux, les statistiques et les rapports, il y a un manque d’informations sur les décisions et les acteurs les plus influents de Macao. Des rumeurs sur l’IA et la technologie numérique permettant de suivre les joueurs les plus attirés par le risque, des prêteurs sur gages aidant les Chinois du continent à faire passer clandestinement des actifs à travers la frontière (Varese et al 2019), des véritables actionnaires de certains groupes de casinos, aux opérateurs de casinos soutenus par les syndicats du crime organisé asiatique (Lo et Kwok, 2017), il existe un monde mystérieux, secret et invisible derrière le centre mondial du tourisme et des loisirs (McKenzie et al, 2019) qui crée et renforce la richesse réelle de quelques-uns (West et Sanders, 2003). Les habitants qui se sentent démunis et désavantagés ripostent par des commérages, des superstitions, de la paranoïa, des conspirations, des rumeurs et de la jalousie, afin de donner un sens au monde et d’agir sur lui (Zhu, 2019).

18Les histoires et les rumeurs sont principalement liées à l’incertitude, à la rareté et au risque dans une société où les pouvoirs invisibles produisent parfois des résultats visibles. Les histoires abondent sur les hommes d’affaires qui «  disparaissent  » de Chine en passant par Macao avec des millions de dollars, les voisins qui tiennent des pensions illégales pour les joueurs, les banques clandestines, les espions étrangers et la détention illégale de joueurs (pour le remboursement de prêts). Les histoires sur les «  dieux du jeu  » comme Sheldon Adelson (Sands) et Lui Che Woo (Galaxy Entertainment), qui possèdent des casinos, font partie des conversations quotidiennes. Nombre d’entre eux sont considérés comme possédant des pouvoirs extraordinaires grâce à leurs liens répréhensibles avec les fonctionnaires et le crime organisé (Lo, 2005). Comme aucun des joueurs principaux ne vit à Macao, et que les actions des casinos sont négociées à Hong Kong et aux États-Unis, les magnats des casinos se sont insérés dans le sillage de l’économie mondiale, échappant ainsi souvent à la connaissance des coûts, ainsi qu’à la plupart des sanctions ou des contrôles. Bien qu’ils soient souvent accusés de divers actes répréhensibles, c’est souvent leur personnel qui est menacé, alors qu’eux-mêmes échappent à toute poursuite pénale sérieuse (Lintner, 2016 ; McKenzie et al., 2019). De même, ceux qui aident les joueurs du continent à échapper aux contrôles stricts des exportations de devises, ou ceux qui dirigent des maisons closes dans les casinos (Fraser, 2019) font toujours partie de la vie quotidienne (Pomfret, 2014  ; Wang et Eadington, 2008  ; Wang et Zabielskis, 2010).

19Dans les commérages quotidiens, les questions liées à la répartition inégale des ressources telles que la richesse, l’emploi et les infrastructures, et des ressources sociales comme les services de santé, l’éducation, les transports et le logement sont fortement présentes. Pour chaque histoire concernant les habitants ou les joueurs devenus millionnaires (ou ayant tout perdu) grâce aux jeux de hasard ou aux programmes de récompenses des casinos, il y a d’autres histoires sur les inégalités, les injustices, la corruption et la violence provoquées par les jeux de hasard. Les complexes hôteliers avec casino qui favorisent les inégalités sociales et spatiales se construisent rapidement, du jour au lendemain, «  comme par magie  », tandis que les infrastructures publiques échouent à garder le rythme ou à commencer. Le système de métro léger de Macau (LRT), les divers projets de logements publics et l’ouverture d’un second hôpital public, entre autres initiatives, ont été maintes fois retardés ou ont vu leur coût multiplié. Plutôt que d’agir comme un fournisseur de services d’infrastructure, le gouvernement a donné la priorité à des espaces pour les joueurs. Le système de tramway de 20 kilomètres, proposé pour la première fois par le gouvernement de la RAS en 2003, a été partiellement achevé en 2019, mais il desservira principalement les casinos de la bande de Cotai et contournera les zones résidentielles à faibles revenus. Jennifer, 32 ans, note que «  le LRT est pratique pour les touristes, mais pas conçu pour les résidents  ».

20Avec une population de 632 418 personnes en 2018 (contre 430 000 en 1999), et une force de travail de moins de 400 000 personnes, le marché du travail et les conditions conventionnelles d’emploi ont été détruits, les «  travailleurs qualifiés  » tels que les constructeurs de bateaux étant remplacés par des travailleurs jeunes et moins qualifiés pour assurer au secteur du tourisme des travailleurs plus inadaptés. Il n’existe pas de liberté fondamentale d’association, de droits de négociation collective, de protection contre l’inscription sur liste noire et le licenciement des grévistes, ni de salaire minimum standard. Comme 40 % des élèves du secondaire redoublent au moins une année scolaire (OCDE, 2011), les adolescents locaux abandonnent leurs études à cause de l’attrait des généreuses primes de début dans les casinos. Cela signifie qu’il y a une pénurie considérable d’enseignants, d’infirmières, d’ingénieurs et de médecins qualifiés. Si les travailleurs peuvent avoir le sentiment de maîtriser la situation, compte tenu du faible taux de chômage et du système de quotas pour les habitants, la plupart, vu l’absence d’une économie diversifiée, se contentent de passer d’un groupe de casinos à l’autre. John, 40 ans, fait valoir que le casino pour lequel vous travaillez importe peu, car «  les sociétés de jeu partagent les mêmes principes et valeurs de gestion  »  ; il a par conséquent perdu une partie de sa santé et de sa jeunesse. Il fait remarquer que «  fumer et travailler de nuit sont vraiment nuisibles pour moi, et j’ai peut-être perdu dix ans de longévité à cause de ce travail  ». Ces travailleurs sont définis comme du «  travail fantôme  » par Comaroff et Comaroff (2002a), étant donné que les entreprises de casinos siphonnent l’essence de leurs travailleurs, et s’approprient même les choix futurs de leurs enfants en matière de travail. De nombreux informateurs travaillent par roulement dans les casinos ouverts 24 heures sur 24. Jane, 22 ans, a noté : «  [n]ous commençons le quart du matin à 6 heures. Cela signifie que nous devons nous lever vers 3 ou 4 heures du matin et nous préparer pour le travail  ». Même si elle est croupière, un poste relativement bien rémunéré dans les casinos, la plupart des formations sont liées aux jeux de table comme le baccarat. John, 40 ans, note ainsi : «  je dois accepter presque tous les comportements des clients, même si leurs mots ou comportements deviennent trop grossiers et insensés  ». Cela suggère que les postes de croupier de casino, bien que mieux payés et réservés aux locaux, sont très stressants (Chau, 2019).

  • 3 Les billets de banque spéciaux sont imprimés par l'Autorité monétaire de Macao (AMCM) mais ne sont (...)

21Les quelques 188 480 immigrés de Macao ayant le statut de «  travailleurs non-résidents  » (2018), dont le secteur des casinos est fortement tributaire, se trouvent dans une situation bien plus précaire et se voient refuser des formes basiques de protection, telles que le transfert vers d’autres catégories d’emploi, les congés ou l’indemnisation des accidents de travail. S’ils perdent leur travail, ils doivent quitter la ville dans les deux jours lorsqu’ils ont eu un emploi ayant duré moins d’un an. Comme l’Assemblée législative a voté le rejet d’un projet de loi sur les syndicats pour la septième fois en 2019, les riches et les puissants ont la liberté de servir leurs propres intérêts, entraînant potentiellement une augmentation des inégalités (Carvalho, 2018). L’attrait d’une richesse créée à partir de rien, les inégalités et l’absence de marchés spéculatifs conventionnels comme la bourse, ont conduit les citoyens à se laisser emporter par les courants spéculatifs. L’absence d’une idéologie globale et cohérente au niveau interne a permis aux élites locales de nourrir une éthique compétitive auprès d’une population en quête d’un rendement acceptable. L’absence d’un programme standard d’études unifié et approuvé par le gouvernement, le peu d’établissements proposant un enseignement supérieur de qualité et la situation de Macao comme RAS font que de nombreux citoyens craignent de «  perdre  » ou d’être «  évincés  » de la propriété, de la stabilité financière, de l’avancement professionnel et même du mariage. Cela a conduit certains citoyens à spéculer sur les billets de banque du zodiaque3, la possession d’un parking, ou à lutter pour une occupation permettant d’exploiter économiquement la population éphémère des non-résidents, des joueurs et des travailleurs (agences pour l’emploi, pharmacies offrant des produits sûrs aux visiteurs du continent, prêteurs sur gages contournant les contrôles des changes et agents immobiliers qui proposent des logements de courte durée aux travailleurs non-résidents). À mesure que la confiance des citoyens dans des processus autrefois lisibles, comme l’accession à la propriété et la répartition des richesses s’est fracturée, les gens ont eu le sentiment que le respect des règles allait les détruire. Pour Billy, 22 ans, «  le prix de toutes les marchandises vendues ici est ridiculement élevé, mais la plupart des résidents locaux, y compris moi, s’y sont progressivement habitués parce qu’il faut accepter la réalité, que cela vous plaise ou non  ». Pour la plupart des informateurs qui ont participé à cette étude, le logement et les frais médicaux étaient un problème majeur. Jane, 32 ans, a fait valoir que «  les prix des maisons et le prix des produits de base ont beaucoup augmenté, de manière folle, vraiment folle  ! Donc, même si vous êtes payés entre 2 500 et 3 750 dollars, vous ne pouvez pas toujours y avoir accès  ». John, 40 ans, a fait remarquer que «  les prix des logements sont ridiculement élevés  ». Mary, 23 ans, affirme que «  bien que le gouvernement offre de nombreux avantages financiers aux citoyens, les bénéfices indirects et les compensations ne sont pas suffisants. La qualité des traitements médicaux à Macao est si terrible que les gens doivent se rendre à Hong Kong et en Chine pour se faire soigner lorsqu’ils tombent malades. Et même si vous avez juste un rhume, vous passez trop de temps à attendre d’être soigné dans les hôpitaux publics  ». Chris, 59 ans, affirme «  qu’il est très difficile de consulter un médecin, car cela prend beaucoup de temps, même pour fixer une date [pour voir un médecin]  ».

IV. Aide divine et cycles d’instabilité

22Après qu’un développement effréné a épuisé les ressources sociales qui «  servaient auparavant à façonner le consentement populaire  » (Liu, 2008, p. 23), des problèmes et des contradictions sont apparus à Macao. Après une série de manifestations sociales en 2006, 2007 et 2014 par des ouvriers du bâtiment, des fonctionnaires locaux et d’autres personnes, la crédibilité et l’intégrité du gouvernement ont été sapées (Lao et Siu, 2013  ; Liu, 2008). Plus de 20 000 personnes se sont rassemblées en mai 2014 contre un projet de loi qui exempterait le chef de l’exécutif de toute responsabilité pénale pendant son mandat. Cependant, malgré les ajustements politiques/économiques, toute dissidence des résidents ou tout signe de résistance à Macao se heurte à la censure et à la bénédiction «  divine  » accordée à la population résidente par le biais de nouvelles subventions, de bourses et de casinos pour passer le temps libre. Deux manifestations en 2007 ont conduit le gouvernement à annoncer que les détenteurs d’une carte de résident de Macao recevraient près de 1 000 dollars US par an dans le cadre d’un «  programme de distribution des richesses  ». Ce montant est passé à 1 250 dollars. Protégés par des systèmes de quotas d’emplois, des logements sociaux et des paiements annuels, des subventions sont accordées pour l’électricité et l’eau, tandis que des subventions annuelles sont versées aux travailleurs sous-payés, aux enseignants, aux étudiants, aux fonctionnaires retraités et aux personnes âgées. Les casinos accordent généralement aux employés deux mois supplémentaires de salaire chaque année pour instiller à leurs employés et à leurs familles une confiance et une assurance en un avenir qui n’existe peut-être pas. Sheila, 60 ans, par exemple, a ressenti cela : «  [j]e n’ai jamais pensé à immigrer dans d’autres pays parce que le gouvernement accordait des subventions annuelles aux résidents  ». Pour Tracy, 24 ans, cependant, «  le gouvernement nous envoie juste de l’argent, mais il ne peut pas résoudre complètement les problèmes [transport, frais médicaux et logement]  ».

23Tout en étant de petits montants, cette «  aide divine  » rend tangible l’idée que la nouvelle prospérité est partagée. L’autonomie dans l’expression culturelle, les quotas d’emplois, les subventions, les aides et les techniques de redistribution du gouvernement ne peuvent pas compenser les contraintes institutionnelles et le mécontentement public. Elle prive «  le public  » de sa «  vitalité et, réciproquement, vulgarise le politique — et avec lui aussi la nation — en le réduisant à une chimère, ce qui crée le besoin d’encore plus de magie  » (Comaroff et Comaroff, 2000, p. 328). Le pouvoir exécutif (et les casinos) cherche à «  dissimuler  » les impacts sociaux négatifs nets derrière les actifs culturels et sociaux générés par les casinos (événements, galeries d’art, concerts gratuits, séminaires sur l’éducation des enfants pour les employés et réductions pour les résidents) et à repousser le mécontentement, à minimiser les manifestations, à empêcher les perturbations au travail ou de ceux dérangeant les actes de consommation excessive (Buhi, 2019  ; Strauss, 2015). Il est extrêmement difficile d’obtenir une autorisation pour n’importe quel type de manifestation publique. Qu’il s’agisse de dépenser l’argent public par l’intermédiaire de la Fondation de Macao pour un festival de shopping d’un mois à Macao ou d’interdire aux législateurs, aux militants et aux universitaires de Hong Kong d’entrer à Macao, le système politique s’est affaibli avec des décisions de plus en plus centrées sur la sauvegarde des opérations liées au marché des jeux et des entreprises transnationales. Le gouvernement a eu recours à un «  rituel de masse à la fois pour produire du pouvoir d’État et de l’unité nationale et pour persuader les citoyens de leur réalité  » (Comaroff et Comaroff, 2000, p. 327). Cela s’est traduit par de somptueux feux d’artifice (coûtant 3 millions de dollars US en 2018), de multiples festivals (nourriture, cinéma, lumière), qui ne font qu’attirer l’attention sur la fragilité du gouvernement, «  les différences inéluctables sur lesquelles le corps politique s’est construit, [et] les divergences d’intérêts qu’il doit concilier  » (Comaroff et Comaroff, 2000, p. 328).

V. Tourisme et Hyperréalité

24Pour les autorités et Beijing, l’économie occulte est cachée sous le vernis de la prospérité touristique, de l’architecture iconique et de la promotion du tourisme. Le tourisme est couramment évoqué, comme si faire appel à ce concept cachait la constellation hyperréelle d’attractions de casino et l’hyperconsommation qui transforme d’énormes pertes financières personnelles à travers le jeu en consommation «  touristique  » (Hom, 2015). Les casinos dissimulent une activité humaine problématique qui repose sur la promesse d’un enrichissement instantané par des moyens alternatifs tels que la magie, le talent, l’intuition et l’héritage ancestral (Hamilakis, 2016). Bien que critiquée comme dégénérée en raison de sa nature non productive dans de nombreuses régions du monde (Reith, 2007), la pratique de courtiser les forces irrationnelles du hasard et l’accent mis sur la réalisation dans «  l’ici et maintenant  » laissent Macao soumise aux pressions et aux incitations de Beijing, des spéculateurs, des blocs politiques et des acteurs transnationaux non étatiques. Comaroff et Comaroff (2000, p. 295) décrivent le jeu comme une pratique «  paria  » située dans les régions liminaires «  des loisirs et/ou des repaires de ceux (aristocrates, débauchés, “aventuriers”) se trouvant au-dessus de tout travail honnête  » et de «  la quintessence de l’accumulation immorale  » (Comaroff et Comaroff, 2000, p. 295). Bien que dépendant du jeu et de la richesse qu’il produit, le discours officiel mentionne rarement le jeu, de peur qu’il ne rappelle cruellement au gouvernement continental les transactions obscures sur lesquelles l’économie de Macao s’est construite. Au moins pour les étrangers, l’économie occulte est reléguée à la périphérie, dissimulée au sein de la catégorie combinée de «  centre mondial du tourisme et des loisirs  ». Après un rapport de 2008 par la Commission nationale du développement et de la réforme, Beijing a cherché à positionner Macao comme un centre mondial du tourisme et des loisirs (l’expression était alors «  Macao comme centre global du tourisme et du divertissement  »). Le 12e plan quinquennal national de 2011 a annoncé un soutien à ce positionnement/cette aspiration, et en 2015, le gouvernement de la RAS de Macao a soumis une proposition spécifique pour le 13e plan quinquennal national. En octobre 2015, le chef de l’exécutif a créé la Commission pour la construction du centre mondial du tourisme et des loisirs. L’illusion de Macao comme nouveau centre mondial du tourisme et des loisirs vise à occulter les jeux de hasard et autres activités spéculatives  ; le plan directeur de 2017 ne mentionnant pas les casinos ou les jeux de hasard comme une activité sur le territoire (MGTO, 2017).

25Le tourisme est devenu une sorte de fraude pyramidale, car «  plus on s’y adonne, plus on en exige  » (Comaroff et Comaroff, 2000, p. 328). Bien qu’il ait identifié une capacité d’accueil comprise entre 32,62 et 33,7 millions de visiteurs en 2014 (IFT, 2015), l’Office du tourisme du Gouvernement de Macao (MGTO, 2017) prévoit d’accueillir 40 millions de visiteurs en 2025 — un chiffre qu’il a presque atteint en 2019 (voir ci-dessous). L’illusion produite par le concept de «  centre mondial du tourisme et des loisirs  » signifie que la capacité d’accueil est également une construction politique, et un chiffre fictif, grâce aux prévisions d’autres acteurs, visibles et invisibles, ayant le pouvoir de produire et de définir la nature du tourisme et de maintenir le projet hégémonique en vie. Aujourd’hui, les habitants tentent de vivre leur vie dans une économie qui fonctionne sur la probabilité et la confiance et qui dissimule l’accumulation rapide des richesses par un petit nombre (Coen et Maguire, 2012), mais au prix d’une aspiration contrariée, d’un contrôle et d’une aliénation par des forces invisibles. Plutôt que les chiffres du tourisme, Macao reste fixé sur des prévisions et des chiffres ayant acquis une signification mystique : les chiffres des recettes mensuelles des jeux d’argent. La catégorie du centre mondial du tourisme et des loisirs occulte également d’autres chiffres illicites, comme le nombre de travailleurs sans licence issus des populations sans emploi des provinces de Guangdong et de Fujian, ou encore le nombre de femmes travaillant dans des maisons closes. Incapable d’exercer un contrôle stable sur l’espace, le temps ou les flux, il y a eu 39,4 millions d’arrivées de touristes en 2019. Les flux incontrôlés de capitaux, de risques et de personnes à la recherche de retours instantanés ont porté atteinte à la sphère civile, au corps politique, à la santé économique et à l’intégrité sociale de Macao. Pour Tracy, 24 ans, «  Macao n’est pas un endroit pour vivre. Cette ville n’a que des casinos, des hôtels et des touristes  ».

26La «  démocratie aveugle du hasard dans les jeux d’argent en séparant la récompense de l’effort ou du mérite  » (Reith, 2007, p. 34) a sapé la méritocratie dans les écoles, les universités, les lieux de travail et le corps politique, et créé de nouveaux risques, tel un «  État fantôme  » (Reno, 2000), derrière la façade de la souveraineté étatique et la possibilité d’une intervention de Beijing. Bien qu’ayant statistiquement l’un des revenus par habitant les plus élevés du monde, les gens voient la vie comme une loterie lorsqu’ils cherchent des promotions, des logements (subventionnés), des places en crèche, dans les écoles et les universités, des transports et l’accès aux subventions gouvernementales. Jane, 32 ans, par exemple, a estimé que faire carrière dans un casino était difficile, car «  il y a déjà beaucoup de collègues qui ont essayé à plusieurs reprises de se battre pour une promotion, en passant l’examen écrit et en ayant l’entretien à plusieurs reprises. Mais ils ont échoué autant de fois qu’ils ont essayées.... parce que leurs réseaux sociaux ne sont pas assez étendus  ».

27Il n’est plus question de parler officiellement d’un futur égalitaire ou de l’avenir de Macao après 2049. Personne ne sait pas si les frontières s’ouvriront entièrement au continent, si la monnaie (MOP) sera dissoute, ou si la RAS sera fusionnée dans une zone plus large de la Grande Baie de Guangdong-Hong Kong-Macao. Les autorités de Macao n’ont pour l’instant que des ébauches de plans ou des discussions préliminaires pour régler la question de l’égalité des femmes, de l’organisation du travail, du salaire minimum standard pour tous, des droits des personnes LGBT, des monopoles, de la justice sociale, des soins de santé, de la sécurité sociale, des droits des immigrants et des immigrés et de la liberté de la presse. Venus, 24 ans, note que «  la discrimination à l’encontre des couples du même sexe existe réellement à Macao. Comme j’ai étudié dans une école de filles, je sais que certains couples du même sexe subissent de fortes pressions sociales en raison des traditions ethniques chinoises. Ils se sentent vraiment gênés et s’auto-humilient lorsqu’ils font face à leur famille et à leurs amis  ». À mesure que Macao érodait son contrôle sur la masse monétaire et sa capacité à réguler et à contrôler les flux financiers, les marchés de la propriété, les communications, les devises, les personnes, l’information, la richesse et le travail, elle devenait une zone d’instabilité occulte, conduisant à une fusion entre la privation de droits et la limitation.

28Comme la population est englobée «  dans les fonctions culturelles et idéologiques du marché  » (Liu, 2008, p. 118), le manque de transparence, de responsabilité et de stabilité signifie que certains résidents de Macao recherchent un «  profit rapide  » sans but, passion ou plan à long terme, ce qui a entraîné une hausse spectaculaire des prix pour les services de santé et du logement. Les habitants considèrent que toute augmentation de la richesse parmi les travailleurs non-résidents est illégitime (Zhu, 2019). La «  crainte d’une invasion par des ‘aliens’ vêtus d’une forme corporelle banale  » (281) signifie que les travailleurs locaux sont toujours à la recherche de travailleurs continentaux non-résidents prétendant être des locaux pour bénéficier des emplois qui leur sont réservés  ; et ils ont de plus en plus souvent recours à des raids pour forcer «  le mal souterrain à se rendre visible au public, [et] inverser l’aliénation obscure qui crée des travailleurs [zombies] fantômes  » (Comaroff et Comaroff, 2002, p. 789). Comme le notent Comaroff et Comaroff (2000, p. 326), les économies occultes amènent les résidents à exiger :

« l’arrêt de l’afflux d’immigrants et d’autres personnes détournant le bien commun des autochtones  ; l’incarcération des criminels… et d’autres personnages répréhensibles qui gâchent le monde pour les gens honnêtes et travailleurs ».

29Les informateurs ont souvent accusé les travailleurs migrants de «  nations aliens  » comme les Philippines quittant leur maison, leur famille et leur communauté, de commettre des crimes, de prendre des emplois, de falsifier leurs antécédents et de bloquer l’avancement des carrières. Ces divisions éthiques reposent en grande partie sur les systèmes de classification régissant la diversité ethnique institués sous la domination portugaise (Clayton, 2019) et ont contribué à façonner à la fois de la «  discrimination positive  » en faveur des résidents de Macao et des inquiétudes à propos des étrangers qui s’expriment sur les réseaux sociaux et dans les conversations informelles (Zhu, 2019). Une loi de 2018 impose par exemple aux non-résidents accouchant dans les hôpitaux de Macao des frais d’accouchement trois fois plus élevés que ceux payés par les résidents (Clayton, 2019). Pour de nombreux informateurs, les travailleurs étrangers menacent de «  siphonner le reste de la prospérité, en rapide diminution, de la population indigène  » (Comaroff et Comaroff, 2002a, p. 789). Pour Sean, 23 ans, «  il y a davantage de travailleurs étrangers dans ma région, ce qui pourrait faire augmenter le taux de criminalité  », tandis que Sally, 21 ans, a noté que «  les habitants du Népal, des Philippines et d’autres pays d’Asie du Sud-Est pourraient entraîner une hausse du taux de criminalité  ». Chris, 59 ans, a estimé que la criminalité était élevée avec «  trop de prostituées étrangères  » et «  une police corrompue qui ne voulait pas les arrêter  ». Venus, 24 ans, note : «  je dois dire que je sens que je ne peux pas accepter les comportements et les valeurs de certains Chinois du continent, bien que je sois également d’origine chinoise  ».

30L’avenir de Macao repose sur la confiance, les prévisions et les probabilités d’une économie qui peuvent être détruites par une simple signature de Beijing ou des discussions négatives sur le sujet (par exemple en faisant chuter les valeurs boursières). Les casinos sont entrés dans toutes les maisons de Macao, et sont corporellement présents, tout en étant simultanément opaques et mystérieux. Actuellement, Macao n’a pas d’identité culturelle et politique forte ni d’institutions capables de résister ou de s’éloigner de l’envie de courtiser délibérément et de promouvoir les forces irrationnelles du hasard. Les casinos sont la principale attraction, séduisante et tentante, car «  ils font appel à ce lointain que nous appelons le futur  » (Bauman, 2013, p. 78). Si une partie de la population transitoire d’investisseurs, de travailleurs, de joueurs et d’élite perd confiance dans ce monde magique, dans lequel ils ont spéculé sur leur richesse, leur identité et leur avenir, la prospérité économique et la stabilité sociale de Macao risquent de se décomposer. Avec 30 % de la population active non résidente, 25 % de la population, y compris les professionnels, les juges, les politiciens et les hauts fonctionnaires détenteurs d’un passeport portugais (Chou, 2011), et 40 % des diplômés du secondaire à Macao partant à l’étranger pour l’université (O’ Keefe, 2013), les citoyens ont perdu confiance, même si les autorités soutiennent l’idée que placer sa foi dans le tourisme permettra tant bien que mal à Macao de surmonter une multitude de dysfonctionnements.

31Les histoires extérieures sur les milliards qui, selon la rumeur, transiteraient par Macao chaque année (rapport annuel de la Commission exécutive du Congrès sur la Chine, 2013) et sur la prostitution (Département d’État des États-Unis, 2018) provoquent de l’angoisse et des tensions. Elles rappellent aux citoyens à quel point l’économie s’est peu diversifiée et combien elle est vulnérable aux rumeurs, aux acteurs extérieurs et aux chocs. Les mêmes flux mondiaux qui ont créé la croissance du PIB sont susceptibles de changer ce qui concerne les politiques de visa et/ou de transfert d’argent par le continent, la disponibilité du crédit et les conditions macroéconomiques mondiales défavorables. Une flambée de grippe aviaire ou une épidémie, comme celle du nouveau coronavirus, le 2019-nCoVde Wuhan, une hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale, des cyber-attaques, des catastrophes naturelles, un revers dans les mesures de relance des banques centrales et des liquidités mondiales, et des modifications du SVI peuvent mettre fin à l’essor spéculatif et conduire à une consolidation. Les inquiétudes croissantes concernant les banques clandestines, le blanchiment d’argent, le détournement de fonds publics et l’échec politique d’introduire de la diversification signifient que Beijing peut fermer le robinet aussi facilement qu’il l’a ouvert (Chou, 2011).

32Étant donné l’incertitude quant à une éventuelle limitation du tourisme par Beijing et les restrictions sur l’extension des concessions des casinos, les groupes de casinos, qui ne sont ni imputables ni directement responsables vis-à-vis de Macao, ont commencé à s’intéresser aux juridictions environnantes. Tandis que «  les anciennes marges deviennent des nouvelles frontières [et] des lieux dans lesquels les capitaux mobiles et compétitifs au niveau mondial trouvent des zones peu réglementées  » (Comaroff et Comaroff, 2012, p. 121), les Philippines, la Corée du Sud, Taïwan, le Cambodge et le Vietnam sont devenus de nouvelles destinations de jeu.

Conclusion

33Toujours dans le tourbillon des changements économiques régionaux, politiques et sociaux, Macao a accueilli favorablement la rétrocession du Portugal à la Chine en 1999. Bien qu’elle n’ait jamais été une démocratie, le modèle «  un pays, deux systèmes  » a conféré à la ville un degré élevé d’autonomie pour que les décideurs politiques puissent introduire les ajustements économiques rationnels anticipés, et que celle-ci reste un carrefour. Cependant, Macao est devenue à la place une nouvelle frontière peu réglementée grâce à la libéralisation et à la dérégulation, offrant aux opérations étrangères des casinos et aux capitaux troubles un foyer et une porte d’entrée. Coïncidant avec une surabondance mondiale de liquidités déclenchée par les principales banques centrales du monde et l’ouverture de la Chine, Macao a prospéré grâce à des flux anormaux d’entrée et de sortie des capitaux. Comme le gouvernement semble incapable ou peu désireux de s’affirmer ou de laisser les schémas normaux de l’économie se réaffirmer, l’histoire pourrait se répéter à moins que Beijing ne vise un processus de décolonisation qui rompe les cycles d’instabilité. Tout comme Macao a bénéficié des retombées immédiates du commerce de l’opium, du coolie, de l’or et des armes pour éviter de devenir une économie en faillite, son destin actuel doit être façonné par des acteurs qui ne lui enlèvent pas la vitalité, la créativité et la réelle confiance nécessaires à la rupture du sortilège en vue d’une plus grande émancipation. Il y a peu de raisons de croire que la RAS réduira sa dépendance aux jeux d’argent par elle-même. Avec une société politique faible et une société civile cooptée, on peut affirmer que Macao facilite un commerce mondial sans «  produire  » quoi que ce soit de tangible, et sert simplement de frontière afin de poursuivre la spéculation financière à court terme en Asie de l’Est et du Sud-Est.

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Notes

1 L’expression originale est « indentured servant ».

2 Les opérateurs junket de Macao travaillent avec les casinos pour attirer les joueurs VIP, en organisant le transport et l'hébergement, ainsi qu'en proposant des crédits et en recouvrant les dettes.

3 Les billets de banque spéciaux sont imprimés par l'Autorité monétaire de Macao (AMCM) mais ne sont accessibles qu'aux résidents, à des fins d'investissement.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michael O’Regan, « Macao à l’ère postcoloniale : espoir et désespoir dans un centre mondial du tourisme et des loisirs », Via [En ligne], 16 | 2019, mis en ligne le 30 mars 2020, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/viatourism/4504 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/viatourism.4504

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Auteur

Michael O’Regan

Bournemouth University (UK)

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Traducteur

Allison Huetz

Université de Genève, Département de Géographie

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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