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1Comme le chantait déjà Dario Moreno, chanteur turc d’origine mais spécialiste de l’exotisme latino-américain, dans sa plus célèbre chanson, qui fit un succès en France en 1959 « Si tu vas à Rio, n’oublie pas de monter là-haut ». Les sites et agences de tourisme disent aujourd’hui la même chose : « Si vous avez décidé de passer quelques jours à Rio, vous allez certainement vouloir monter au Corcovado. Vous avez bien raison. Le site du Christ Rédempteur a de quoi faire rêver. Il offre l’une des plus belles vues de Rio et probablement l’une des plus belles vues d’Amérique du Sud »1.

2Inaugurée le 12 octobre 1931, la statue du Christ aux bras ouverts a fêté ses 90 ans en 2021. D’une hauteur de 38 mètres (y compris le piédestal de 8 mètres) et d’un poids de 1 145 tonnes, elle est située au sommet du morne du Corcovado (709 mètres au-dessus du niveau de la mer) et domine donc la baie de Guanabara et toute la ville, sur laquelle elle offre un splendide point de vue.

  • 2 Ibidem

3Hélas, comme le reconnait franchement le même site : « Mais cette expérience qui fait rêver nécessite (un petit peu) d’organisation » […] C’est vrai que c’est un lieu très touristique et que la file d’attente peut être assez longue »2.

4En effet, beaucoup de touristes ont la même idée, au 1er juillet 2023 plus de 655 000 personnes avaient déjà visité le site en empruntant les minibus qui mènent au Corcovado, soit une augmentation de 45 % par rapport à la même période de l’année précédente (449 000 visiteurs). Le petit train qui mène au sommet a de son côté déjà transporté 538 000 visiteurs, alors que 777 000 billets avaient été achetés pour toute l’année 20223.

5On ne peut donc pas échapper aux files d’attente en prenant le petit train à crémaillère qui monte jusqu’au sommet : « Il y aura toujours un délai entre le moment où vous prenez vos billets et l’horaire de votre train. Même si la petite gare de Cosmo Velho est charmante, vous n’aurez sûrement pas envie d’y rester 1h30 à attendre votre train… »4. Mais le problème principal est bien la gestion des minibus, qui ont un succès croissant car ils vont chercher les touristes au centre-ville ou près de leur hôtel.

6Dans son article du Diario de Rio intitulé « Le Christ Rédempteur atteint dix millions de visiteurs par les minibus officiels » Gabrielle Lopes annonçait le 25 de mai 2023 que « ce jeudi matin le Christ Rédempteur a accueilli son dix millionième visiteur transporté par les camionnettes officielles de Paineiras-Corcovado, l’entreprise qui transporte les visiteurs vers le monument depuis 2012 », donc sans compter ceux qui prennent le train, des bus privés ou qui arrivent en taxi ou en voiture jusqu’au « Centre de visite »5.

7En effet, comme l’on ne peut pas stationner au sommet, très exigu, un centre d’accueil a été mis en place pour réguler le flot des visiteurs. Comme l’indique son site « Le nouveau centre d’accueil du Corcovado et les changements qu’il apportera à la visite du Christ Rédempteur »6, le nouveau centre d’accueil, installé dans l’ancien Hotel das Paineiras au début du dernier tronçon de la route qui mène au Christ Rédempteur, a réorganisé les visites de tous ceux qui arrivent par la route. L’idée qui a présidé à la création du nouveau centre était de respecter les normes de sécurité et de mettre fin aux longues files d’attente sur le dernier tronçon de la route, qui est désormais effectué exclusivement par les minibus du concessionnaire du parc. Ils mettent un peu moins de 15 minutes pour arriver au sommet du Corcovado et leurs passagers rejoignent ceux qui sont montés directement par le train du Corcovado.

Figure 1. Localisation du Christ Rédempteur du Corcovado et accès au sommet

Figure 1. Localisation du Christ Rédempteur du Corcovado et accès au sommet

Source : OpenStreetMap

8Mais tout ce système est manifestement débordé par l’ampleur du flux qu’il doit gérer. Comme le dit – avec un sens certain de la litote – le commentaire d’un visiteur sur le site « la visite sur place pourrait être mieux organisée ; le flux des visiteurs et leur séjour dans le centre mériteraient d’être réglés. Le moment le plus désordonné est la sortie de la zone du monument, il n’y a pas assez de place pour faire la queue pour les passagers du train, et les passagers des minibus doivent valider leurs billets à un tourniquet placé au milieu de la foule »

9Mais on peut en dire autant – et c’est plus grave – du temps passé sur les terrasses qui entourent la base de la statue du Christ, comme le montrent les deux figures 1 et 2. Comme le dit le site déjà cité : « Attention, il est fort probable que le promontoire soit pris d’assaut. Si vous arrivez jusqu’au bord du promontoire, restez-y quelques minutes »7.

Figure 2. Le flot de touristes au sommet du Corcovado

Figure 2. Le flot de touristes au sommet du Corcovado

Photo ©Hervé Théry 2023

10Il y a évidemment des contraintes liées à l’étroitesse du site, où il a fallu placer tant bien que mal les terrasses d’où les touristes peuvent contempler la vue et les projecteurs servant à illuminer la nuit la statue du Christ.

11Mais en réalité la plupart des visiteurs ne sont pas tellement intéressés par la vue, ils veulent surtout prendre des selfies, se prendre en photo devant elle, qui ne sert qu’à fournir un arrière-plan. Et évidemment cela leur prend un peu de temps de dégager, en jouant des coudes, un espace suffisant pour donner l’impression qu’ils ne sont pas au milieu d’une foule.

Figure 3. L’activité principale, prendre un selfie...

Figure 3. L’activité principale, prendre un selfie...

Photo ©Hervé Théry 2023

12Ce n’est pas beaucoup plus facile au pied de la statue du Christ, où la concurrence est tout aussi forte.

Figure 4. Qui fera le meilleur selfie ?

Figure 4. Qui fera le meilleur selfie ?

Photo ©Hervé Théry 2023

13Vu les difficultés à réguler le taux toujours plus important des visiteurs, sans doute va-t-il falloir mettre en place des quotas d’accès et la réservation obligatoire, comme l’a fait le Louvre. Le plus grand musée mondial a ainsi été précurseur en France mais à l’étranger certains musées et monuments appliquent déjà la politique de réservation obligatoire. « C’est le cas de la Sagrada Família, à Barcelone. Pour la visiter, il faut réserver [bien] à l’avance », explique Carine Azzopardi « […] C’est le cas aussi pour la Galerie Borghèse à Rome, l’Alhambra à Grenade, ou encore le Musée Van Gogh, à Amsterdam. Face à la surcharge de ces monuments, la réponse est drastique : pas de réservation, pas de visite »8.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Localisation du Christ Rédempteur du Corcovado et accès au sommet
Crédits Source : OpenStreetMap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/viatourism/docannexe/image/10564/img-1.png
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Titre Figure 2. Le flot de touristes au sommet du Corcovado
Crédits Photo ©Hervé Théry 2023
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Fichier image/jpeg, 574k
Titre Figure 3. L’activité principale, prendre un selfie...
Crédits Photo ©Hervé Théry 2023
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Titre Figure 4. Qui fera le meilleur selfie ?
Crédits Photo ©Hervé Théry 2023
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Pour citer cet article

Référence électronique

Hervé Théry, « Surtourisme au Christ du Corcovado de Rio de Janeiro », Via [En ligne], 24 | 2023, mis en ligne le 20 décembre 2023, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/viatourism/10564 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/viatourism.10564

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Auteur

Hervé Théry

Universidade de São Paulo

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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