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Des autochtones venus d’ailleurs ? Ancrage territorial et appartenance au Nord Laos

Grégoire Schlemmer

Résumés

L’article discute le caractère anthropologiquement heuristique ou non de l’application de la notion d’autochtone aux ethnies minoritaires du Laos. Après avoir présenté les enjeux liés à la mobilisation de ce terme, il veut montrer, en partant de la situation d’une province de ce pays, que son usage comme catégorie descriptive oblitère d’importantes caractéristiques des populations qui l’occupent, tel que le faible ancrage territorial, la mobilité, et la venue récente de ces populations.

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Entrées d’index

Mots-clés :

Laos, autochtonie, ethnie, territoire

Géographique :

Laos

Chronologique :

XIXe siècle, XXe siècle
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Texte intégral

  • 1 Les enquêtes ont été menées essentiellement à travers des entretiens — environ un millier — menés e (...)

1Phongsaly, petite province montagneuse du Laos aux frontières du Vietnam et de la Chine, se caractérise par une grande diversité de populations, encore largement méconnues. La région fut en effet longtemps difficile d’accès. Reculée, elle ne fut traversée pour la première fois par des Occidentaux qu’à la fin du XIXe siècle. Puis elle fut jusque récemment fermée pour des raisons politiques et militaires. Ceci fait qu’elle n’a commencé à faire l’objet de recherches ethnologiques qu’au début des années 2000 (Bouté 2005). Ayant pu bénéficier d’un accès privilégié à cette province, j’ai entrepris durant quatre ans un travail de collecte de données ethnographiques et historiques1. L’objectif de ces recherches était d’étudier la constitution et l’effet des modes d’appartenance de l’ensemble des groupes occupant cette province, afin de dégager des logiques communes à leur organisation et à leur évolution. Il s’agissait également de mesurer les effets de l’appartenance ethnique sur leur mode de vie et de prendre en compte l’ensemble des autres facteurs possibles qui unissent et distinguent ces groupes, en vue de proposer une lecture sociopolitique et diachronique des phénomènes ethniques et culturels.

2De passage dans la capitale, je discutais de mes recherches avec un ami travaillant pour un organisme international de développement, qui me demanda de réaliser une intervention orale, sur un sujet de mon choix. Je proposais alors la question du rapport au territoire et des formes d’inscription spatiales – le thème que j’aimerais traiter dans cadre du présent article. Le lendemain, il me demanda par courriel de confirmer que j’étais bien prêt à intervenir sur le thème : Territorial inscription of indigenous people in Northern Laos. La formulation me gênait, et je réalisais que c’était en raison de la présence du terme indigenous : tout en voyant comment cette formulation pouvait faire sens, la charge évocatoire de ce terme ne me semblait pas correspondre aux réalités que j’avais en tête. Certes, depuis plus d’une décennie, l’usage du terme indigenous, « autochtone » en français, se répand au Laos, comme ailleurs dans le monde. En dépit de la non-reconnaissance du statut d’autochtone par l’État laotien, plusieurs chercheurs, organismes internationaux et ONG emploient de plus en plus ce terme dans leurs écrits sur ce pays, mais selon un sens qui me paraît ambigu et, ce faisant, problématique. Relever ces ambiguïtés et les problèmes que peut poser l’usage du terme autochtone à partir de mon terrain d’étude est l’objectif de cet article.

La notion d’« autochtone » au Laos

  • 2 Tai (ou Tay) désigne un ensemble à la fois linguistique (les locuteurs des langues de la famille di (...)

3Les premières recherches faites par des explorateurs puis les membres de l’administration française du protectorat du Laos (1893-1949) furent à l’origine du scénario de peuplement du Laos par vagues, scénario qui s’est imposé jusqu’à aujourd’hui parmi la communauté scientifique. D’après ce scénario, la population la plus anciennement installée était celle nommée Kha, ou « de race kha » – reprenant ainsi le terme utilisé par les Lao pour désigner les autres populations du Laos, et qui signifie aussi « servile ». Elle fut parfois qualifiée de malaise, indonésienne, puis proto-indochinoise, avant que les termes, qui désignent en fait des familles linguistiques, d’Austro-asiatique ou Môn-khmer se soient imposés. La chronologie de l’occupation du territoire établie par les Français était ensuite la suivante : aux alentours du premier millénaire de notre ère, les Lao et les autres populations Tai2, venus du nord, se seraient installés sur le territoire qui allait prendre leur nom. Ils refoulèrent lesdits Kha dans les montagnes, ces derniers se retrouvant subordonnés aux seigneurs lao et dotés d’un statut inférieur. Enfin, dans le courant du XIXe siècle, seraient arrivés de Chine des populations « Méos » et « chinoisantes » – Hmong, Yao et groupes de langues tibéto-birmanes, comme nous dirions aujourd’hui.

4Dans ces écrits datant du Protectorat français au Laos, la notion d’autochtone (ou celle, alors synonyme, d’aborigène), mobilisée pour qualifier une partie de la population, les Kha, était loin d’être associée à des valeurs positives. Ces Kha étaient décrits comme étant des « gens presque sauvages, sans monuments, et pour ainsi dire sans écriture » (Lefèvre 1898), voire comme « des débris des autochtones préhistoriques » (Guillemet, 1921 : 27), ou comme des populations « refoulées (…) par des peuplades plus entreprenantes et plus énergiques » (Diguet, 1908 : 9).

Photo 1. Femme Akha Nouheu, région de Phongsaly, vers 1950.

Photo 1. Femme Akha Nouheu, région de Phongsaly, vers 1950.

« La vie sauvage, toute de luttes et d’émotions développe les muscles aux dépens du cerveau. Si les sens acquièrent une finesse inouïe, le raisonnement et l’intelligence restent à l’état embryonnaire. Vivant en dehors des voies de communication, évitant d’entrer en relation avec leurs voisins, séparés d’eux par des obstacles naturels, jouissant par ailleurs sans grand travail d’un pays qui leur fournit les ressources les plus indispensables à la vie, les tribus de la montagne ont une tendance naturelle à s’attacher au passé, à s’éterniser dans leurs anciennes coutumes et à perpétuer un état voisin de celui des hommes primitives ». Ces propos de Guillemet (1921 : 28), comme les photos montrant des individus miséreux en costumes, sont évocatoires d’une certaine représentation de l’autochtonie.

Source : Photo de Henri Dedier, EFEO Vientiane.

  • 3 Il y aura bien un impôt différentié entre Lao et Kha, en raison du plus grand dénuement de ces dern (...)

5Plusieurs textes décrivent ainsi des « autochtones », associés à l’idée de résidu et comme épuisés par le temps, paraissant destinés à se faire dominer par des races conquérantes. Par contraste, les « derniers venus », Méo (ou Hmong), sont largement appréciés en raison de leur indépendance (« habitués dès leur enfance à vivre libres comme l’aigle de leurs montagnes et à détester tout ce qui peut porter atteinte à leur indépendance », écrit par exemple Guillemet, 1921 : 32), qui se traduit notamment par leur grande mobilité (voir plus loin). Durant cette période d’expansion coloniale, il apparaît ainsi que ce fut l’esprit de conquête, et non l’autochtonie, qui avait tendance à être valorisé. Quoi qu’il en soit, autochtone ne deviendra pas une catégorie juridique ou légale, et n’aura aucune conséquence administrative3. Il en ira de même par la suite.

  • 4 On distingue donc maintenant les Tai-kadai – ex-laotien des plaines –, les Austro-asiatiques – ex-L (...)

6Dans les débuts du Laos post colonial, les débats sur la question de l’autochtonie ne sont pas de mise. Toute l’élite est d’origine lao, et les regards ne sont pas tournés vers les groupes qui peuplent les montagnes et les frontières, mais vers le colonisateur et le puissant voisin thaïlandais. La constitution de 1949 ne parle d’ailleurs que du « peuple laotien », avec pour seule concession à la diversité de populations, cette unique formule plurielle : « les populations du Laos ». Lors de la seconde guerre d’Indochine, le gouvernement royal et, surtout, les révolutionnaires communistes, d’abord cantonnés dans les zones montagneuses, vont essayer de se concilier les populations majoritairement non lao qui les habitent. Durant les années 1960 se met en place un découpage ethnique officiel, qui permettra d’abandonner le vocable péjoratif de « Kha » pour désigner les groupes non-lao, et tenter d’insuffler un sentiment commun d’appartenance nationale. Cette classification va se fonder sur une base géographique qui se veut intégratrice puisqu’elle associe la nationalité à un étagement spatial censé répartir les habitants du pays en trois grands ensembles : les « Laotiens de la plaine » (Lao loum) pour les Lao et Tai, les « Laotiens des hauteurs » (Lao theung) pour les anciens Kha, et les « Laotiens des sommets » (Lao soung) pour les Hmong et autres groupes venus plus récemment de Chine. Encore en vigueur dans les usages, cette terminologie fut néanmoins remplacée dans les années 1980 par des termes ethniques et des catégories linguistiques, substitut pratique aux anciennes classifications raciales4.

  • 5 Voir la définition des « ethnies » donnée par le Comité des Affaires Ethniques de l’Assemblée Natio (...)

7Le gouvernement communiste, établi en 1975, affirmera le caractère pluriethnique de la République démocratique populaire du Laos ainsi que l’application d’une « politique de solidarité et d’égalité entre les diverses ethnies » (art. 8 de la constitution). Mais, bien qu’ayant signé dès sa promulgation, en 2007, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les instances officielles laotiennes ne concédèrent pas un statut d’autochtone (ni même l’usage du terme) aux minorités ethniques présentes sur son sol, pas plus d’ailleurs qu’elles ne reconnurent – sur le modèle chinois par exemple - l’existence d’un territoire propre à chaque ethnie5. Cette réticence de l’État laotien à reconnaitre la catégorie d’autochtone peut s’expliquer par sa crainte de tout facteur possible de dissension ethnique. La constitution insiste sur le fait que le pays est : « unitaire et indivisible de toutes les ethnies » (art. 1) et qu’est « interdit tout acte de division et de discrimination entre les ethnies » (art. 8).

8Ceci peut se comprendre par la faible démographie de ce pays enclavé entre la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam et la Chine : en 2015, on y comptait 7 millions d’habitants, contre 68 millions en Thaïlande, 92 millions au Vietnam et plus d’un milliard en Chine, ce qui le rend assez vulnérable. Et sur ces 7 millions, seuls 53 %, soit 3,4 millions, sont de l’ethnie lao. Ce ratio s’explique en partie par la perte, durant le XIXe siècle, de la grande plaine ouest du pays (le plateau du Khorat) et par les déportations massives de populations au profit du Siam (future Thaïlande), où la population lao est, aujourd’hui, estimée à quelque 13 millions (ONCC, 2004). On obtient donc cette situation étrange où les 4/5e des Lao vivent hors du Laos, tandis que les minorités y forment presque la majorité de la population (46,8 % de la population, contre 14 % au Vietnam et 8 % en Chine). La hantise gouvernementale de toute forme de dissension et de toute volonté de sécession est aussi attribuable au caractère transnational de nombreux groupes (beaucoup des minorités du Laos habitent à cheval sur plusieurs frontières) ce qui permit à plusieurs nations de jouer sur la dissension ethnique lors de conflits qu’a connus le Laos (guerre de libération 1954-1973 et guerre sino-vietnamienne de 1979 ; Gunn, 1983), l’épisode le plus traumatique et le plus célèbre étant le cas des Hmong, dont une partie de la communauté se battit du côté des communistes tandis que l’autre rejoignit le camp de l’Amérique (où ils durent fuir en masse après la fin de la guerre). Mentionnons enfin le développement et la promotion, à partir des années 1990, d’un certain ethno-nationalisme, le gouvernement semblant vouloir se réapproprier d’anciens symboles – la royauté et le bouddhisme – afin de pallier la crise de légitimité consécutive à l’effondrement des régimes communistes et à la dissipation de la mémoire de la guerre d’indépendance. Cette mise en avant des symboles étroitement associés à la population dominante conforte un certain sentiment de supériorité des Lao face aux membres desdites minorités, la culture lao s’étant, comme c’est fréquent en Asie du Sud-Est, construite sur un contraste de civilisation entre plaine et montagne, riziculture inondée et essartage, bouddhisme et culte aux esprits, ville et forêt (Evans, 1999 ; Goudineau, 2000, Scott 2009).

9Les travaux qui ont porté sur la situation des groupes minoritaires au Laos ont alors cherché à dénoncer la trop faible prise en compte des spécificités culturelles et la situation de marginalité économique et politique de ces groupes par l’État (Evans, 1998 ; Trankell, 1998 ; Pholsena, 2002, etc.). En 2000, un article de Y. Goudineau pose directement la question des raisons du non-usage du terme autochtone, ou indigène, par le gouvernement. Ceci participe notamment, dit-il, au fait « d’oblitérer l’ancienneté des populations austro-asiatiques et de faire croire à une autochtonie collective » (Goudineau, 2000, p. 24 ; voir aussi Pholsena, 2004). Par la suite, J. Ovesen (2002) puis I. Baird (2008, 2015) ont milité expressément pour l’usage de la notion d’autochtone au Laos, un terme mobilisé par de nombreux rapports d’ONG, pour englober l’ensemble des minorités ethniques du Laos.

L’évolution internationale de la notion

10On constate qu’entre ces écrits récents et ceux du début de la période coloniale, un siècle plus tôt, les jugements de valeurs associés à la notion d’autochtone se sont littéralement inversés. Cette évolution doit bien sûr être pensée en relation avec les grandes transformations politiques qu’a connues ce siècle. Ce fut d’abord les luttes contre la domination coloniale en Asie et en Afrique. Ce fut aussi, sur le continent américain où le peuplement colon a décimé les peuples qui l’occupaient, l’émergence d’importants combats politiques menés par les populations amérindiennes pour la reconnaissance de leurs droits. Ces combats mèneront d’abord à la mise en place par l’OIT de la convention 169 de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée par de nombreux pays latino-américains. Suivront la Décennie internationale des peuples autochtones (1995-2004) et la mise en place du Forum permanent des Nations unies sur les questions autochtones (2000), ce dernier œuvrant pour la reconnaissance de droits collectifs des peuples autochtones, qui aboutira notamment à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en 2007.

11Cette notion étant ainsi reconnue au niveau d’instances internationales, son usage va se généraliser dans les écrits des organismes internationaux, mais aussi de beaucoup d’ONG, d’activistes et de chercheurs : porteuse d’enjeux juridiques, politiques et moraux nouveaux, elle devient source d’espoir pour les populations avec qui ils travaillent et coopèrent et qu’ils voient enfin dotées d’un moyen de lutte, au niveau national et international. Mais cette internationalisation de la catégorie autochtone va entrainer l’émergence de débats complexes, en raison de la définition problématique de cette notion.

  • 6 Le terme « autochtone » n’est pas défini explicitement par la déclaration des Nations Unies. Les «  (...)

12Dans la déclaration des Nations unies, cette catégorie est en effet caractérisée par une combinaison de critères : socio-culturel (former un groupe clairement distinct de la population dominante), géo-historique (une antécédence sur un territoire) voire religieux (un rapport particulier à la terre), démographique (une situation minoritaire) et politico-économique (situation marginalisée) aux conséquences juridiques (droit coutumier, appartenance collective de la terre)6. Mais l’ambiguïté fondamentale inhérente à l’usage actuel de la notion se joue autour des deux critères principaux mobilisés plus ou moins explicitement pour qualifier un peuple d’autochtone : l’antécédence sur un territoire d’un côté, et de l’autre, la situation de marginalité et la vulnérabilité de minorités culturelles qui résultent d’une situation de domination. Ceci rend complexes les situations où ces critères sont déconnectés, car antécédence sur un territoire et situation de marginalité (mais aussi lien consubstantiel au territoire, minorité culturelle, relation de domination) sont autant de critères qui peuvent être disjoints.

13En Amérique – lieu d’émergence du mouvement autochtone – comme en Océanie, les deux critères (antécédence et marginalisation) vont de pair et le terme permet facilement l’identification de populations hétérogènes mais unies dans une même situation de minorités démographiques, culturelles, politiques et géographiques, dessinant un contraste entre les peuples d’avant la colonisation et les Blancs. La situation est souvent bien plus complexe sur les autres continents. C’est ainsi que de nombreux pays asiatiques et africains (dont beaucoup refusèrent de signer la convention de l’OIT) affirmèrent la non-pertinence de cette notion (Erni, 2008), qui ne pouvait s’appliquer qu’au prix de la mention d’un « colonialisme interne », selon la formule de L. Marquard (1957), formule que beaucoup de ces États qui se sont construits dans la lutte d’indépendance anticoloniale n’étaient pas forcément prêts à reconnaître. S’en sont suivis des débats sans fin, mobilisant parfois l’archéologie et la préhistoire, pour savoir qui furent les premiers venus, des tentatives d’élaboration de listes pour déterminer qui est, ou non, autochtone, mais aussi des conflits menés au nom de l’autochtonie et la mobilisation de cette notion par des mouvements xénophobes, notamment européens, etc. Toutes ces situations vont amener à se questionner sur la pertinence de la catégorie et sur l’association entre une antécédence et des droits, ce qui va entrainer d’importantes controverses, au ton parfois vindicatif, entre chercheurs.

Photo 2. Capture d’écran d’une page du site du fond vert pour le climat (mis en place par l’ONU pour lutter contre le changement climatique) dédié aux peuples autochtones.

Photo 2. Capture d’écran d’une page du site du fond vert pour le climat (mis en place par l’ONU pour lutter contre le changement climatique) dédié aux peuples autochtones.

Cette page est illustrée par la photo d’une Akha Puso, un groupe vivant au Laos dont les femmes sont photogéniques du fait qu’elles portent un costume ethnique, non plus ici représentatif d’une fermeture et d’une arriération, mais d’une résistance culturelle. Nous allons le voir, les Akha Puso ne sont arrivés au Laos que dans les années 1950.

Source : https://www.greenclimate.fund/​safeguards/​indigenous-peoples

  • 7 La littérature autour de ce débat est trop nombreuse pour être entièrement citée ici, mais parmi le (...)

14En forçant grandement le trait pour résumer les arguments des, disons, ‘critiques’ et ‘partisans’, on peut dire que ‘les critiques’ voient dans la notion d’autochtonie une catégorie coloniale imposée par des acteurs extérieurs (ONG, experts, chercheurs, etc.) et façonnée à leur image (voire un euphémisme remplaçant la notion de primitif), une catégorie parfois récupérée et portée par une petite élite internationalisée et souvent coupée de ses origines, s’auto-désignant porte-parole des populations dont ils sont originaires. Il s’agit au contraire, pour ‘les partisans’, d’une catégorie co-construite par des membres issus de ces groupes autochtones (activistes, militants, intellectuels et leaders traditionnels) et des acteurs extérieurs, à partir de traits et de valeurs partagés. La référence à l’autochtonie participe à la construction de nouvelles appartenances, qui tendent à devenir des réalités. Ces appartenances revendiquées peuvent faire, pour ‘les critiques’, l’objet des mêmes suspicions que celles existant envers la nation, à qui elle fait concurrence en tant que communauté politique réifiée. Elles sont même, dans certains cas, qualifiées d’ethnofascisme, car elles se fonderaient sur un essentialisme identitaire fondé sur un critère d’exclusion (l’autochtone versus l’allochtone), parfois en contradiction avec des vérités historiques, ce repli sur soi pouvant aller jusqu’à l’exclusion violente. Par contraste, pour les ‘partisans’, il s’agit d’un essentialisme stratégique fondé – comme toute construction d’appartenance – sur un narratif qui, en s’insérant dans les réseaux internationaux (la catégorie étant surtout mobilisée au niveau des instances internationales) et en devenant un élément du langage du développement, œuvre comme une ressource politique. Cette catégorie permet ainsi la mobilisation de moyens politiques et économiques, ce qui participe au renforcement, à l’émancipation et l’estime de soi de ces groupes marginalisés7. On le voit, le débat est complexe et peut laisser mal à l’aise, faisant osciller entre une sympathie naturelle pour la défense de groupes opprimés et une réalité clairement problématique.

  • 8 Le seul contre-exemple est le cas de certaines associations de Hmong émigrés au États-Unis et qui r (...)

15Dans le cas laotien, la question de l’auto-identification de groupes comme autochtones ne se pose pas vraiment, car le fait est absent : il n’y pas d’association (toute association est interdite au Laos), ni de groupe militant auprès des instances onusiennes8. La mobilisation de la notion est, jusqu’à présent (rien ne dit que cela durera), exclusivement le fait de chercheurs et de développeurs. La question porte donc plus sur le fait de savoir si le qualificatif d’autochtone est, en plus d’être bénéfique pour ceux ainsi désignés, anthropologiquement heuristique, ou du moins compatible avec les réalités observées. C’est ce que défendent par exemple J. Ovesen ou I. Baird. Outre la charge politique positive qui justifie en premier lieu la notion et son application, ces chercheurs mettent en avant le fait que les populations non lao connaissent une situation de marginalisation et que leur territoire fait l’objet d’un colonialisme interne. Sur ce dernier point, ces auteurs font référence à G. Evans (1992) qui qualifia ainsi la situation des Hautes terres du Vietnam central, une région qui partage de grandes similitudes avec la région frontalière du sud Laos, où ont essentiellement travaillé ces auteurs — à ceci près que le gouvernement d’Hanoi a mis en place une importante politique de peuplement des Hautes terres du Vietnam par la majorité Kinh.

  • 9 La question des pratiques rituelles liées à l’antécédence en un lieu, centrale (notamment dans la f (...)

16On peut relever dans l’usage du terme d’autochtone/indigenous au Laos cette ambiguïté inhérente à la notion précédemment mentionnée : le terme est mobilisé pour qualifier, tantôt les populations décrites comme les plus anciens habitants du pays : les groupes de langues austro-asiatiques, tantôt pour désigner l’ensemble des groupes jusque-là qualifiés de ‘minorités ethniques’ (et encore avant, de ‘tribus’). Cet usage révèle un double problème, qui me paraît important : d’un côté la question de l’antériorité sur un lieu et d’un lien particulier à celui-ci, justifiant un ensemble de droits, qui est son sens premier ; et de l’autre côté, la question de l’essentialisation induite plus ou moins implicitement par l’usage d’un terme (« les autochtones ») qui fait penser comme une entité collective l’ensemble des minorités du pays. Cela n’est pas sans conséquence sur l’analyse : la mobilisation de cette notion comme catégorie d’analyse peut être source de confusion, en ce qu’elle occulte certaines réalités et empêche de saisir des dynamiques contrastées. Je propose d’observer cela à travers les manières dont certaines de ces populations se pensent comme des collectifs, dans leur rapport à l’histoire et à l’espace, et de voir quelles valeurs elles attribuent, ou non, au statut d’autochtonie, et ce à l’échelle d’une province au peuplement particulièrement intéressant pour notre propos : Phongsaly9 (voir carte 1).

Carte 1. Carte de la province de Phongsaly, et localisation des différents lieux mentionnés dans l’article.

Carte 1. Carte de la province de Phongsaly, et localisation des différents lieux mentionnés dans l’article.

Source. G. Schlemmer

Phongsaly : une terre de migrants ?

  • 10 Schématiquement parlant, les Lao se répartissent dans les plaines et le long des principaux cours d (...)
  • 11 Cette autodéfinition s’opère le plus souvent sur le partage d’une même langue et de mêmes tradition (...)

17Au Laos, la diversité de peuplement va en augmentant du sud au nord du pays, et Phongsaly, région la plus septentrionale, en est la quintessence10. Tous les grands ensembles de langues et de populations y sont représentés, dans des proportions qui lui sont propres : la faible présence d’habitants lao et la grande variété de groupes de locuteurs de langues tibéto-birmanes rendent son peuplement singulier par rapport au reste du pays. Pour une population d’environ 170 000 habitants, on compte une vingtaine de langues parlées et une trentaine de groupes auto-définis11, répartis en quelque 600 villages. Le village – une réunion de familles, très majoritairement mono-ethniques, partageant un même espace producteur – est l’unité sociale la plus importante, aux niveaux tant politique, économique que rituel.

18Un des premiers enseignements livrés par mes enquêtes ethno-historiques concerne l’importante mobilité de la population. Les déplacements s’opèrent parfois à l’échelle familiale (chez les Lolo et les Ho par exemple), lignagère (chez les Hmong, qui n’ont d’ailleurs pas vraiment de notion de « village »), par scission de village quand ces derniers atteignent une certaine taille et, le plus souvent, par village entier. Il est ainsi fréquent qu’un même village se soit déplacé une ou deux, voire cinq ou six fois en un siècle. Les causes sont multiples, et parfois cumulées.

  • 12 Il implique de défricher, puis brûler pour la fertiliser, une parcelle végétalisée. Après une ou de (...)
  • 13 Cette capacité de certains villages à se déplacer semble par contre n’avoir que trop été prise en c (...)

19Ces déplacements sont facilités, voire parfois induits, par le mode de production agricole de la majorité des habitants de cette province jusque très récemment : l’essartage (ou « agriculture sur brulis »)12. Ces déplacements motivés par la recherche de meilleures terres pour une meilleure vie sont d’ailleurs valorisés par les groupes qui les effectuent (surtout ceux qui sont, pour des raisons historiques, les plus mobiles : les Hmong et, dans une moindre mesure, les Mun et les Akha). Le déplacement est vécu comme une prise de risque, qui demande courage et motivation, en vue d’un avenir meilleur13.

Photo 3. Un village abandonné de la région de Nyot Ou.

Photo 3. Un village abandonné de la région de Nyot Ou.

Fait de bois, de bambou et de feuilles, les villages sont assez facilement déplaçables quand le besoin s’en fait sentir (guerre, incendies, recherche de terre) ou, comme c’est le cas pour ce village, sur injonction des autorités du district pour se réimplanter en bord de route, malgré l’avis des habitants.

Source : G. Schlemmer, 2010.

20Épidémie ou incendie peuvent aussi être la cause du déplacement d’un village. Les épidémies, signe qu’une puissance du lieu est courroucée, entrainent l’éloignement, voire la dispersion de la population (ce qui a pour effet de favoriser la diminution de l’épidémie). Les incendies sont aussi perçus comme le signe d’une infortune. Ils n’impliquent pas nécessairement un déplacement mais ils peuvent précipiter une mobilité déjà envisagée ou débutée. Ils contribuent aussi à détruire la mémoire du groupe (documents écrits, temples, tambours de bronze, etc.) et, ce faisant, l’attachement au lieu.

  • 14 Entre 1860 et 1960, la région a connu une dizaine de conflits armés, vu défiler les armées de six p (...)

21Les villages de la province pratiquant la riziculture inondée – environ 15 %, essentiellement des groupes tai – sont moins enclins à se déplacer. En effet, leur habitat est plus limité par les nécessités de leur mode de production qui requiert des terres spécifiques (terres planes, en l’occurrence des fonds de vallée, au sol non sableux, idéalement irrigables) qui sont rares dans la région. De plus, cette riziculture implique un investissement préalable long et couteux en main d’œuvre pour le travail de terrassement. Tout ceci fait que ces villages sont généralement anciens. Mais cela n’implique pas que leur population le soit (certains villages ont changé trois fois de population sur un siècle) ou qu’elle soit fixe (de nombreux villages ont été désertés un temps). Il y a donc eu une circulation des groupes rizicoles sur les différents sites de la province où cette culture est possible. Ceci, en raison des très nombreuses situations d’insécurité entrainées par les razzias et guerres à répétition, remontant aussi loin que le peut la mémoire orale14. Durant tout le XIXe siècle, ces zones frontières montagneuses furent partiellement laissées à elles-mêmes et de petits seigneurs locaux tai (Lao, Lü, etc.) contrôlaient de manière plus ou moins directe, à partir d’un ou plusieurs villages rizicoles, les villages des montagnards non-tai (lesdits Kha) environnants.

  • 15 Dans le village de Tang, on raconte ainsi que, un jour où leur seigneur leur demanda, en plus des t (...)

22Ceci nous amène à une dernière motivation de déplacement : les situations de trop grande exploitation. La fuite devint alors une stratégie valorisée15. Notons comme variante de ce phénomène les fuites pour surcroît de taxes sous la période coloniale, ayant entrainé des aller-retour de villages entre la Chine et Phongsaly (AOM, fonds RSL, E12/E29).

Phongsaly : un peuplement récent ?

23Ces phénomènes de pillages, de guerres et d’exploitation ont parfois engendré des déplacements de plus grande distance que ceux, s’opérant le plus souvent sur quelques kilomètres à la ronde, précédemment évoqués. « On était à Chante ; il y eut guerres et famines, alors nous sommes partis ». Pour laconique qu’il soit, ce récit conté par un Akha n’en contient pas moins les éléments récurrents des récits d’origines que j’ai pu récolter en nombre, à savoir la mention d’un lieu d’origine et d’un évènement originel, au-delà duquel on ne peut remonter et qui initie leur parcours migratoire jusqu’à leur localité actuelle. Beaucoup des groupes disent venir de régions limitrophes, dans une circonférence d’environ 200 km à vol d’oiseau – ce qui, notamment au vu des reliefs, n’est pas négligeable en termes de jours de marche. Ces phénomènes migratoires se sont effectués par vagues, pour partie assez récentes. Plus de la moitié de la population actuelle de la province est issue de populations arrivées aux alentours de la seconde moitié du XIXe siècle (l’essentiel des Akha, environ les deux tiers des Khmu, une partie des Tai Dam, les Tai Deng, les Tai Dam, les Tai Yang, les Hmong, les Laopan, les Loma, et certainement les Mun). Une seconde vague d’arrivées, de moindre envergure, eut lieu dans les années 1950, et comprenait de personnes fuyant les nouveaux régimes politiques de Chine et du Vietnam (Tai Dam, des Tai Khao, des Akha Puso et des Ho et Lolo ; environ 7 % de la population actuelle). Ainsi, la majorité des populations de Phongsaly seraient, si l’on voulait forcer le trait, plus adéquatement décrites comme des réfugiés politiques et des migrants économiques que comme des groupes autochtones ayant entretenu un lien continu avec le territoire qu’ils occupent actuellement.

24Certains de ces groupes ont gardé un lien mémoriel plus ou moins fort avec le territoire qu’ils occupaient avant leur migration. Les Tai Yang, par exemple, se disent être les Tai de Muang Xieng Neua, une localité située près de l’actuelle frontière vietnamienne. Le terme de Mounteun, donné à un petit groupe akha, provient de Muang Then (Diên Biên Phu), vers où ils se sont installés un temps durant leur processus migratoire. Les Hmong et les différents groupes akha mentionnent un territoire originaire qu’ils contrôlaient, et qu’ils auraient été contraints de fuir à la suite de conflits avec des Chinois. Ces territoires œuvrent comme référent imaginaire à la source de l’unité du groupe, comme des territoires imaginés de l’autochtonie, mais ils ne sont pas connus, ni même localisés (autrement que par un nom, tel que Chante/Jade pour les Akha).

25Durant une période de temps relativement courte, la région vit donc l’arrivée d’un nombre important de populations. Celles-ci ne semblèrent pas avoir posé problème aux populations déjà installées : « Quand ces Akha sont arrivés, avec leurs dents toutes rouges, nous avions peur. Certains allaient même se cacher dans les maisons ! Mais quand ils nous ont demandé l’autorisation de faire des essarts, on les a laissés. On était contents. Par ici, il y avait très peu de villages, et on avait peur des tigres et des esprits » me raconte un homme du groupe Khmu, une population de langue austro-asiatique, plus anciennement implantée dans la région (le district de Khoua). Son récit révèle que, si une trop forte pression sur la terre rend difficile l’essartage, le problème inverse existe aussi, car une trop faible présence humaine favorise l’accroissement des animaux sauvages (rongeurs, sangliers, singes, éléphants, etc.), facteur important de destruction des récoltes. Il faut rajouter à cela le sentiment d’isolement dans cette province peu peuplée (pour plus de 16 000 km2, on comptait 170 000 habitants en 2005 et seulement 25 000 en 1917 ; AOM RSL L17). Un vieillard de l’ethnie Seng raconte, à propos d’un ancien emplacement de son village : « Là-bas, les gens n’étaient pas assez nombreux. Il n’y avait que de la forêt. On n’a pas pu gagner contre les maladies, les tigres et les esprits ; alors, on est parti ».

Photo 4. Un village d’essarteurs Akha du district de Boun Tai.

Photo 4. Un village d’essarteurs Akha du district de Boun Tai.

Ce village perdu dans la forêt rappelle que la région de Phongsaly fut durant longtemps faiblement peuplée. Avec l’augmentation de la pression démographique, des regroupements de villages le long des axes routiers et le développement des cultures commercial, cette photo ne sera bientôt qu’un souvenir.

Source, G. Schlemmer 2009.

  • 16 Cette situation a évolué, notamment depuis les politiques de relocalisation évoquées dans la note 1 (...)

26Une des conséquences importantes de cette faible densité démographique est l’absence de pression foncière16. Selon une situation longtemps répandue en Asie du Sud-est continentale (à l’exception de quelques zones comme le delta du Tonkin), la main-d’œuvre était plus rare que la terre ; c’est donc le manque de force de travail qui était le véritable frein à la production, et l’enjeu des guerres était plus le contrôle de la main-d’œuvre que du territoire ou de ressources rares (telles que les salines, les mines ou les lieux de passages commerciaux, voir Grabowsky, 1999, 2001). De plus, comme cela est fréquent parmi les essarteurs, c’est, au Laos, l’action de défricher qui est à l’origine de tout droit de propriété foncière (Condominas et al. 1971 : 109). L’espace ne pouvant être approprié que lorsqu’il est transformé pour être productif, la terre ne formait pas une ressource accumulable et commercialisable, ni même appropriable : seul le droit de travailler cet espace et les produits qui résultaient de ce travail revenaient à celui qui l’avait exploité. Quand cette mise en valeur cessait et qu’il n’y avait pas de perspective de reprise ultérieure, la propriété d’usage sur cet espace prenait fin. La répartition des terres n’entraînait donc aucune stratification basée sur la puissance économique ; les droits que donne l’antériorité étaient un avantage bien mince tant que la pression foncière restait faible, et peu de conflits territoriaux furent dus au foncier.

27Notons enfin que ces très nombreux déplacements ont entrainé un véritable enchevêtrement territorial des différents groupes. Il s’agit là d’une situation paroxysmique d’une caractéristique plus générale de l’Asie du Sud-Est, qui faisait dire à G. Condominas (1991 : 89) que toute carte de peuplement de la région ne pouvait se faire qu’en pointillés. Cette absence de peuplements ethniquement homogènes dépassant quelques villages fait que le référent est moins l’ethnie que le village, dont le territoire (ou plutôt devrions dire le finage, car il s’agit d’un espace approprié pour son exploitation agricole) ne couvre que quelques kilomètres carrés.

28En résumé, l’importance de la mobilité, l’arrivée récente de populations, généralement depuis les pays voisins, la mémoire d’une terre d’origine lointaine à laquelle est attachée un sentiment d’appartenance et la faible pression foncière rendirent difficile tout sentiment d’adhésion fort à un territoire et les revendications à le voir reconnu comme sien.

Les groupes anciennement présents

29Les mobilités internes que nous avons mentionnées concernent l’ensemble de la population. Néanmoins, l’arrivée récente des groupes est le fait de la majorité, mais pas de la totalité, de la population. Et nous n’avons pas encore évoqué le cas des populations les plus anciennement implantées, à savoir les Bisou (Phounoy et apparentés), les Lao et les Tai Lü, une partie des Khmu et les quelques villages Bit (ou Bid). C’est chez ces groupes que l’on peut s’attendre à un lien plus fort sur le territoire, voire à une revendication d’autochtonie.

  • 17 24 % de la population du pays (les locuteurs de langues tibéto-birmanes et hmong-mien ne représenta (...)
  • 18 Cette période correspond à la grande révolte dite tjeuang qui toucha le nord-est du Vietnam et les (...)

30Khmu et Bit font partie de cet ensemble de populations le plus spontanément qualifiées d’autochtones au Laos, à savoir les groupes de langues austro-asiatiques, majoritaires parmi les groupes minoritaires du Laos17 et que l’on suppose présents depuis des temps reculés, bien avant l’arrivée des autres populations. Cependant, à Phongsaly, environ les deux tiers des Khmu disent être venus de la région de Diên Biên Phu, dans l’actuel Vietnam, vers la seconde moitié du XIXe siècle18. La région de Diên Biên Phu – ou de Muang Then, de son nom tai – est certes géographiquement et culturellement proche, mais il serait étrange de regrouper ces groupes sous la catégorie d’autochtones, lorsqu’ils se disent venir d’un pays voisin ; nous allons revenir sur cette question de l’échelle du territoire de l’autochtonie.

31Les Bit (un petit groupe, 2 372 personnes en 2011, majoritaires dans seulement huit villages) se disent, eux, bien originaires de la région, et plus précisément de Muang Sen, une ancienne chefferie située dans l’actuel district de Muang Mai, mais suite à sa dislocation vers la seconde moitié du XIXe siècle, ils s’éparpillèrent : environ un quart d’entre eux habitent encore à proximité de cette ancienne chefferie, un autre quart vivant dans d’autres districts de la province de Phongsaly, et la moitié restante, dans d’autres provinces du pays. Par rapport à leur lieu d’origine, c’est ainsi majoritairement comme migrants qu’ils se pensent.

32Il existe toutefois des groupes que l’on peut dire territorialisés, puisqu’ils se définissent en relation à un territoire qu’ils occupent depuis longtemps. C’est le cas des Phounoy (du moins ceux qui n’ont pas ultérieurement migré, notamment sur injonctions étatiques) et de quelques villages seng et khmu. Certains villages de ces groupes avaient des officiants issus d’un clan particulier se disant « maître de la terre », possédant des documents écrits mentionnant le tracé des frontières de leur territoire, mobilisé lors de rituels collectifs assurant la fertilité des territoires qu’ils couvraient. Mais les conclusions des études approfondies menées par V. Bouté (2010, 2011) sur les Phounoy, et que nous avons pu vérifier pour les villages khmu et seng ayant possédé de tels documents, ont montré que cet ancrage territorial n’était guère lié à l’antécédence sur le sol (les Phounoy ont en effet des récits de migrations qui les feraient venir de Birmanie, peut-être au XVIIIe siècle), mais plutôt à une volonté du roi lao de Luang Prabang, entre la fin du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, de fixer ces populations, afin de veiller sur les marges de son royaume et de limiter l’arrivée de bandes armées ou autres invasions. Et les documents écrits possédés par ces « maîtres de la terre » ont été donnés par le roi de Luang Prabang pour légitimer leur présence sur ces lieux. C’est donc une légitimité politique extérieure qui est ici à la source de ces revendications territoriales, que l’on peut alors tout aussi bien lire comme des formes d’assignation territoriale.

33Les membres issus de ces groupes anciennement présents, mais qui ne furent pas l’objet d’un tel pacte, ne possèdent pas de récits valorisant leur ancienneté qui viendraient justifier une quelconque revendication territoriale. C’est plus souvent à un aveu d’ignorance que nous nous sommes confrontés lors des entretiens. C’est ce que me rétorqua un habitant Seng de Namsaat à propos de questions sur l’histoire de son village et, plus généralement, des Seng : « D’aussi loin qu’on le sait, nous étions dans la région. Mais nous n’avons pas d’histoire. On ne sait pas, ce n’est pas clair. On ne sait que ce dont se souviennent les anciens, et ils ne nous ont pas dit d’où nous venions ». Avoir une histoire, semble vouloir dire ce propos, c’est venir de quelque part ; inversement, ceux qui ne viennent de nulle part, les autochtones, seraient ainsi sans histoire.

34Restent enfin les Tai Lü et les Lao (13 % de la population de la province). La population dominante du pays fait ainsi partie des plus anciens occupants des lieux. Le nord de la province fut intégré au royaume Lü fondé au XIIe siècle (dans l’actuel sud du Yunnan) et le sud, au royaume lao fondé au XIVe siècle ; plusieurs des villages de la région sont mentionnés dans les chroniques de ces royaumes (Lorillard 1995, Liew-Herres et al. 2012). Si ces villages peuvent donc être très anciens, rappelons que cela n’implique pas que leur population le soit : durant des périodes de conflits, de nombreux villages furent plusieurs fois entièrement abandonnés, et repeuplés par d’autres villageois de même origine en quête de terre rizicole, car ayant fui eux-mêmes d’autres conflits.

35Tai Lü et Lao se ressemblent sur de nombreux points. Il s’agit de groupes parlant des langues tai assez proches, vivant en plaines et fonds de vallée où ils pratiquent la riziculture inondée, professant le bouddhisme, sujets d’anciens royaumes pluriethniques dont ils formaient la population dominante, etc. – au point que les villages Tai Lü en zone Lao se « laocisent » rapidement, et réciproquement (Aymé 1930 : 50). Les vicissitudes de l’histoire leur firent pourtant subir un sort bien différent. Si les Lao ont hérité d’un État qui porte leur nom et forment donc la population dominante d’un pays, les autres virent leur ancien royaume progressivement contrôlé essentiellement par la Chine, puis intégré à elle, et pour une petite portion par le Laos (le district de Nyot Ou, au nord de Phongsaly, en faisait partie). Le pays Tai Lü n’a donc pas donné lieu à la création d’un Etat. Ainsi, au Laos comme en Chine, les Tai Lü forment officiellement une minorité ethnique. Ainsi, tout en étant très proches de la population Lao, ils sont inclus, en raison de leur statut minoritaire, dans la catégorie indigenous par la plupart de ceux qui emploient ce terme.

Photo 5. Les ruines d’un temple Tai Lü dans le district de Nyot Ou.

Photo 5. Les ruines d’un temple Tai Lü dans le district de Nyot Ou.

« Le paysage qui nous entoure est désert. À peine devine-t-on à flanc de coteau, de l’autre côté de la vallée, l’emplacement d’un ancien ray, déjà reconquis par une brousse épaisse. Ces régions ont cependant vu se succéder sans doute, depuis des siècles, de nombreuses agglomérations. Mais ici les hommes passent sans laisser le moindre écrit, le moindre signe sur une pierre et, tel que des ombres sur un mur, il ne reste rien de leurs pistes à peine visibles, de leurs cabanes croulantes, de leur agriculture primitive » écrivait Guillemet (1921 : 240) à propos de la région de Phongsaly. Les rares traces visibles du passé sont le fait des populations Lao et Tai Lü.

Source : G. Schlemmer, 2011.

36C’est parmi les Lao et les Tai Lü que les discours historiques peuvent être les plus fournis. S’appuyant sur la connaissance de récits ou bribes de récits historiques, liés à la mémoire de noms de rois ou de seigneurs ayant gouverné la région et, plus généralement, à la fondation des anciens royaumes dont ils se disent les héritiers, ils peuvent remonter plus loin dans le temps que leurs voisins. Ceci nous amène aux questions d’échelle dans l’expression du rapport à l’autochtonie. Nous avons vu que le niveau d’appartenance concret le plus pertinent était l’échelle villageoise – une réalité autant spatiale que généalogique. Mono-ethnique (jusqu’aux regroupements imposés par le gouvernement à partir des années 1960), c’est au sein du village que le foncier est géré, et non au niveau de l’ethnie – qui intervient essentiellement, de manière idéelle, dans les traditions, et de manière concrète, dans les mariages (à très grande majorité ethniquement endogames). Ce n’est donc qu’au niveau du village qu’une antécédence – qui ne prend pas en considération le temps long, mais la fondation dudit village – justifie le droit d’accès au foncier. Il s’agit donc d’un temps court, sur un espace restreint. Chez les Lao et les Tai Lü, cette expression d’une antériorité ne s’exprime pas uniquement au niveau villageois, mais à celui du muang, à ses différentes échelles. Muang est un terme polysémique caractéristique de ce que l’on appelle les systèmes politiques tai (Tambiah 1976, Condominas 1980), un système de type féodal dont chaque niveau d’emboitement – d’un gros village dirigé par un petit seigneur à la capitale d’un empire – est désigné par le même terme de muang. Le muang définit un territoire, à partir de son centre, lieu d’une autorité politique.

37De plus, l’antériorité ne justifie pas en soi un rapport de supériorité (qui est plutôt pensé comme résultant d’une supériorité civilisationnelle liée à l’écriture, au bouddhisme et à la royauté). Le muang de base (unité généralement pluri-ethnique regroupant d’une à quelques dizaines de villages mono-ethnique) était le siège d’un seigneur qui asseyait son autorité par délégation royale et par la maîtrise de la force. Il devait assurer la sécurité sur le territoire qu’il contrôlait (et donc sur des groupes lao comme non lao, qui subissaient pareillement son autorité), ce qui justifiait la collecte de taxes qu’il opérait (mais s’il les augmentait trop et/ou s’il n’assurait plus une certaine sécurité, il s’exposait à la fuite des villages-sujets).

*

38À l’échelle d’une petite province, il existe ainsi une grande diversité de formes d’inscription spatiale et de rapport au territoire : villages rizicoles ou essarteurs fixés ; villages mouvants dans une zone ou par fronts pionniers ; groupes assignés à un territoire, et d’autres ayant fui une situation similaire ; groupes se référant à un territoire originel et d’autres sans attachement particulier, etc. Cette situation peut se comprendre comme étant essentiellement le produit de rapports politiques, c’est-à-dire d’un type de relations entretenues avec les populations dominantes (de leur région d’origine et/ou d’installation) : assujettissement, fuite, rivalité, autonomie, etc. Ce rapport au politique et les stratégies qui s’en sont suivies ont aussi participé à structurer tout un ensemble de caractéristiques (maîtrise de la langue lao, tradition d’éducation, existence de réseaux locaux ou transnationaux, investissement dans le fonctionnariat, réseaux) voire aussi des attitudes (estime de soi, combativité, esprit d’initiative, capacité d’insoumission) que les observateurs coloniaux ont pu ranger sous la rubrique « psychologie des peuples ». Ce n’est pas ici le lieu de développer cette hypothèse, mais retenons que la prise en compte de l’histoire politique de la région permet d’en appréhender la réalité sociale et culturelle autrement que selon les appartenances ethniques, les fractures linguistiques ou culturelles, ou un simple rapport dominant/autochtones – rapport qui, nous l’avons vu, ne fonctionne pas pour Phongsaly où les dominants sont aussi, voire plus, au sens premier du terme, autochtones que les minorités.

  • 19 Comme c’est le cas, par exemple, dans la définition de la Banque Mondiale : « groups with a social (...)

39Certes, le peuplement de cette province n’est pas représentatif de celui du pays. Jusqu’à l’arrivée des Hmong au XIXe siècle, la population de l’ancien royaume de Luang-Prabang était essentiellement composée de Khmu et de Lao, ces derniers entretenant par des mythes et des rites le récit de la conquête par des Lao d’un territoire peuplé par des Kha, premiers occupants et maîtres des puissances locales, suivant en cela un schéma répandu dans le nord de la Péninsule (Kraisri 1967, Archaimbault 1973, Tanabe, 2000, etc.). La situation dans les régions du sud-est du pays (dont nous avons noté qu’elles formaient le point d’ancrage des auteurs ayant défendu l’usage du terme autochtone) est très différente : ces régions ont vu l’arrivée des populations dominantes et la prise en main du territoire assez tardivement dans leur histoire. Ce qui justifiait les partisans de l’emploi de la catégorie d’autochtone et, à la suite de G. Evans (1992), à parler de colonialisme interne. C’est en cela que Phongsaly offre un contrepoint intéressant, permettant de relativiser l’applicabilité du terme d’autochtone à toutes les minorités ethniques du Laos. Ce cas révèle un prisme « sudiste » dans cette vision des choses. Evans lui-même contrastait la situation qu’il décrit avec celle qui prévalait dans le nord du pays, où les populations « were "invaders" from China and in that sense non-indigenous minorities » (Evans, 1992 : 274). Ce point me paraît révélateur. Il me semble que, même lorsque la question de l’antériorité sur un lieu, et d’un lien particulier à lui justifiant un ensemble de droits, n’est pas mise en avant dans le sens donné au terme d’autochtone19, celui-ci reste, parfois même inconsciemment, latent, du simple fait que c’est le sens premier, et durant des siècles, unique, de la notion. L’argument de l’antécédence pourrait se retourner contre certains ; ainsi en Thaïlande, certains groupes venus de Chine ou de Birmanie entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle ne sont pas considérés comme citoyens du pays (http://minorityrights.org/​minorities/​highland-ethnic-groups). Par ailleurs, nous avons vu qu’à Phongsaly, le sentiment communautaire n’est pas généralement basé sur un ancrage spatial ou autre forme de lien substantiel à un territoire. Cette notion même de territoire est d’ailleurs elle-même peu pertinente. À l’exception des groupes ayant reçu des prérogatives royales sur la terre qu’ils occupaient (on peut ainsi parler d’un ancien territoire phounoy, d’environ 25 km2) ou de groupes dominants tels les Lao et les Tai Lü, il est difficile de parler, à Phongsaly, de territoires liés à une ethnie qui ne dépassent pas un ou quelques finages villageois.

40La diversité de situations, tant interne à la province qu’au pays, révèle au final qu’il est difficile de penser ensemble tous ces groupes que l’on dit autochtones. Qu’est-ce qui rapproche un Bit d’un Hmong – population très mobile venue très récemment – ou d’un Tai Lü – population qui partage de nombreuses similarités avec les Lao ? C’est donc bien la seule situation de minoritaire qui relie ces groupes, ce pour quoi « minorité ethnique » reste à mon avis le meilleur terme lorsqu’il s’agit de désigner, justement, des minorités ethniques. Leur statut de minoritaire est leur seul et unique point commun. C’est ce que tend à oblitérer la notion d’autochtone.

  • 20 De nombreux rapports d’étude opposent les Lao aux « autochtones » (ou « indigenous people »), c’est (...)

41De plus, la notion est souvent employée au pluriel (« les autochtones », « les peuples autochtones »), désignant un vaste sujet collectif (au niveau d’une nation, voire du monde), à penser en contraste avec l’autre sujet par rapport auquel il se définit : le peuple dominant (ou allochtone, si on part du sens restreint du terme). Cela mène presque inconsciemment beaucoup de ceux qui emploient ce terme de manière non réfléchie (parce que c’est une catégorie reconnue par les instances internationales, par l’usage) et même chez des auteurs en sciences sociales20, sinon à une forme d’essentialisme, du moins à une forme de réification, qui tend à prêter à ceux que l’on qualifie ainsi toutes les caractéristiques spontanément associées à la notion. Ceci a des conséquences dans une approche de logique de développement : les formes de marginalisation variant, ainsi devrait-il en être des stratégies pour les combattre.

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Notes

1 Les enquêtes ont été menées essentiellement à travers des entretiens — environ un millier — menés en lao dans un tiers des 600 villages de la province, principalement avec des hommes adultes et des anciens, entre 2008 et 2012, dans le cadre d’un programme de recherche IRD et Université Nationale du Laos.

2 Tai (ou Tay) désigne un ensemble à la fois linguistique (les locuteurs des langues de la famille dite Tai-Kadai), civilisationnel (caractérisable par un mode de vie basé sur la riziculture inondée de plaine et fond de vallée) et politique (une organisation en entité politique, le muang, dirigé par des seigneurs, ciao muang), qui distingue les hommes intégrés pleinement au muang – les Tai – des autres – les Kha. Dans ce sens, les Lao font partie des Tai. Mais le terme est aussi employé pour désigner plus spécifiquement les autres populations tai minoritaires du pays : Tai Lü, Tai Dam, Tai Khao, etc.

3 Il y aura bien un impôt différentié entre Lao et Kha, en raison du plus grand dénuement de ces derniers, mais la catégorie de « Kha » sera alors prise comme synonyme de « non-lao », et inclura les populations venues les plus récemment, tel que les Hmong. À partir des années 1940, le prélèvement se complexifiera et prendra en compte l’appartenance ethnique comme un des multiples facteurs (Pholsena, 2002 : 177).

4 On distingue donc maintenant les Tai-kadai – ex-laotien des plaines –, les Austro-asiatiques – ex-Laotiens des hauteurs –, les Sino-tibétain et les Hmong-mien – ex-laotien des sommets (comme si on différentiait les populations européennes en Fino-oungrien, Indo-européens, Nakho-daghestaniens, etc.). Pour un examen plus approfondi des classifications ethniques et un état des lieux de la question ethnique au Laos, cf. par exemple Trankell 1998, Goudineau 2000, Pholsena 2002, Evans 2003, Schlemmer 2015.

5 Voir la définition des « ethnies » donnée par le Comité des Affaires Ethniques de l’Assemblée Nationale du Laos (2009 : 15).

6 Le terme « autochtone » n’est pas défini explicitement par la déclaration des Nations Unies. Les « peuples autochtones » sont caractérisés par le fait qu’ils « ont subi des injustices historiques à cause, entre autres, de la colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et ressources » (Nations unies, 2007 : 2). Deux des points centraux de cette déclaration sont le droit à l’auto-détermination et les droits sur les territoires qu’ils occupent « traditionnellement » et sur leurs ressources (ibid. art. 25 à 28). Il est dit de ces « droits intrinsèques » qu’ils « découlent de leurs structures politiques, économiques et sociales et de leur culture, de leurs traditions spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie, en particulier leurs droits à leurs terres, territoires et ressources » (ibid. art. 2), terre avec laquelle il est encore dit qu’ils entretiennent des « liens spirituels particuliers » (ibid. art. 25).

7 La littérature autour de ce débat est trop nombreuse pour être entièrement citée ici, mais parmi les ‘militants’, en plus des références précitées concernant le Laos et l’Asie (Erni, 2008), mentionnons, en privilégiant les références en français, I. Bellier (2011), F. Morin (2011), N. Gagné (2009). Parmi les ‘critiques’, retenons A. Beteille (1998) et A. Kuper (2003). Sur ses usages politiques actuels et ses dérives en Afrique, voir J.-F. Bayart et al. (2001), P. Geschiere (2009), et le numéro 112 de la revue Politique Africaine (2008). On trouvera des confrontations de points de vue dans le riche ouvrage collectif de N. Gagné, T. Martin et M. Salaün (2009) ou dans le numéro de Social Anthropology (2011). Quant à la littérature relative à la question de l’autochtonie, elle est encore plus vaste. Parmi des thèmes que je n’aborderai pas, notons les nombreux travaux sur la notion d’autochtonie en Grèce ancienne, qui a offert la notion (Loraux, 1996 ; Detienne, 2003), sur des conceptions et usages politiques emic de l’autochtonie, notamment en Afrique (par ex., Vincent et al. 1995), et ceci est sans parler des recherches menées en droit international, en sciences politiques, en histoire, jusqu’en sociologie (le ‘capital d’autochtonie’ qualifiant l’ensemble des ressources que procure l’appartenance à des réseaux de relations localisés Retière, 2003).

8 Le seul contre-exemple est le cas de certaines associations de Hmong émigrés au États-Unis et qui réclament le statut d’autochtones et la formation d’un État Hmong au Nord Laos (Baird, 2015). Le cas peut paraître étrange car les Hmong forment la population la plus récemment installée au Laos (vers 1870 ; Michaud et Culas, 1997), la moins ancrée dans un espace en raison de sa grande mobilité, et représentant 13 % de la population du territoire réclamé. Mais il peut s’expliquer en partie par la longue histoire de lutte pour l’autonomie des groupes Hmong, d’abord contre l’empire Manchu en Chine, ce qui fut pour beaucoup la raison de leur migration en Asie du Sud-Est, puis contre les communistes, soutenue par la CIA qui a pu donner l’espoir de former un état indépendant (Culas, 2005, Benson 2015).

9 La question des pratiques rituelles liées à l’antécédence en un lieu, centrale (notamment dans la formation d’un possible sentiment d’autochtonie) mais trop complexe pour être traitée ici, fera l’objet d’un autre article.

10 Schématiquement parlant, les Lao se répartissent dans les plaines et le long des principaux cours d’eau de tout le pays, les autres groupes de langue tai occupent les fonds de vallée et cours d’eau inférieurs, tandis que les groupes non tai occupent flancs et sommets de montagnes, les populations Hmong et Yao n’occupent que la moitié nord du pays, et les différents groupes de langue tibéto-birmanes uniquement les extrémités nord et nord-ouest du pays. Les groupes de langue austro-asiatiques, très divers et variés, se retrouvent dans tout le pays.

11 Cette autodéfinition s’opère le plus souvent sur le partage d’une même langue et de mêmes traditions, impliquant une endogamie de groupe et un habitat mono-ethnique, ainsi que le partage d’un même nom de groupe, utilisable comme un collectif d’appartenance (« nous, les X »).

12 Il implique de défricher, puis brûler pour la fertiliser, une parcelle végétalisée. Après une ou deux années de semis (sans labour), on laisse la parcelle régénérer son couvert végétal. En plus de ne requérir qu’un très simple outillage et aucun aménagement préalable des sites (ce qui facilite la mobilité), cette technique permet de cultiver sur toute pente, ce qui la rend très adaptée aux zones montagneuses. Mais la fertilité dépendant de la biomasse brûlée, les bonnes parcelles doivent être boisées (idéalement une friche de 10 à 20 ans). Il faut ainsi multiplier par autant d’années la surface nécessaire pour une famille (environ un hectare) afin de rendre possible une rotation. Les essarts peuvent donc se retrouver à une grande distance de marche, ce qui implique soit le déplacement temporaire des villageois dans les cabanes d’essarts, soit la scission d’un trop gros village.

13 Cette capacité de certains villages à se déplacer semble par contre n’avoir que trop été prise en compte par l’État laotien, qui ordonna des déplacements de villages, parfois massifs et contraints, répondant à divers objectifs : une politique de repeuplement des fonds de vallée rizicoles par les montagnards (dans les années 1960), puis l’éloignement ou le renforcement de telle ou telle frontière (durant les années 1970), la construction de routes au bord desquelles les villages devaient s’installer au fur et à mesure que le réseau routier s’étendait (particulièrement pendant les années 1990) et enfin la volonté de pallier le manque de main-d’œuvre dans les plantations d’hévéas (essentiellement par les entreprises chinoises, durant les années 2000). Sur les déplacements de populations au Laos, voir Évrard et Goudineau, 2004.

14 Entre 1860 et 1960, la région a connu une dizaine de conflits armés, vu défiler les armées de six pays, été le siège de deux révoltes, ces différents évènements étant ponctués de fréquents pillages et actes de banditisme transfrontaliers. La récurrence de ces conflits s’explique en partie par la situation géographique de la province, située entre trois ensembles politiques (lao, tai lü, tai dam), eux-mêmes sous l’influence de trois puissants voisins (Thaïlande, Chine, Vietnam), auxquels s’ajouta la colonisation française à la fin du XIXe siècle.

15 Dans le village de Tang, on raconte ainsi que, un jour où leur seigneur leur demanda, en plus des taxes et corvées, de tisser une corde de sable, les villageois décidèrent de fuir. Ils répandirent alors dans tous les alentours leur réserve de poissons séchés et y mirent le feu. L’acre fumée empêcha les soldats du seigneur de voir les fuyards, puis les fourmis qui mangèrent les restes recouvrirent de leurs excréments les traces de pas, rendant impossible toute poursuite. Notons que d’autres villages de populations asservies (les « Kha ») qui étaient attachés à un seigneur, moins chanceux, devaient suivre celui-ci dans sa fuite lorsque lui-même cherchait à échapper à une situation (c’est le cas de certains groupes kheu et de leur seigneur tai lü).

16 Cette situation a évolué, notamment depuis les politiques de relocalisation évoquées dans la note 11, la population se trouvant concentrée en bord de route et près des zones cultivables en rizières.

17 24 % de la population du pays (les locuteurs de langues tibéto-birmanes et hmong-mien ne représentant respectivement que 3 % et 10 % de la population).

18 Cette période correspond à la grande révolte dite tjeuang qui toucha le nord-est du Vietnam et les régions laotiennes avoisinantes (Aymé, 1930 ; Proschan, 1998). Notons aussi que certains anciens Khmu dirent d’ailleurs qu’à leur arrivée, ils se mélangèrent à et assimilèrent des groupes proches, dont il ne reste peut-être pour seule trace que des noms – Ka Rok, Ka Brien, Ka Bra, Tar Or – qui désignent aussi des familles qui, localement, ne se distinguent plus que par le trajet qu’ils opèrent rituellement dans leurs essarts pour semer le riz.

19 Comme c’est le cas, par exemple, dans la définition de la Banque Mondiale : « groups with a social and cultural identity distinct from the dominant society that makes them vulnerable to being disadvantaged » (dans Kingsbury, 1998 : 420).

20 De nombreux rapports d’étude opposent les Lao aux « autochtones » (ou « indigenous people »), c’est-à-dire aux autres minorités, prises comme un tout. La description proposée dans le chapeau de l’entrée « Laos » du rapport publié par International Work Group of Indigenous Affair, qui recense la situation des autochtones pays par pays, me paraît révélatrice. D’un constat de « diversité ethnique », Baird (2010) passe à un contraste entre les « ethnic Lao » et les autres groupes. Puis, tout en précisant ensuite que l’État laotien ne reconnaît pas cette catégorie, le texte précise ensuite que « these groups are sometimes considered to be the “indigenous peoples” of Laos », suite à quoi ce terme est employé comme tel dans le restant du texte.

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Table des illustrations

Titre Photo 1. Femme Akha Nouheu, région de Phongsaly, vers 1950.
Légende « La vie sauvage, toute de luttes et d’émotions développe les muscles aux dépens du cerveau. Si les sens acquièrent une finesse inouïe, le raisonnement et l’intelligence restent à l’état embryonnaire. Vivant en dehors des voies de communication, évitant d’entrer en relation avec leurs voisins, séparés d’eux par des obstacles naturels, jouissant par ailleurs sans grand travail d’un pays qui leur fournit les ressources les plus indispensables à la vie, les tribus de la montagne ont une tendance naturelle à s’attacher au passé, à s’éterniser dans leurs anciennes coutumes et à perpétuer un état voisin de celui des hommes primitives ». Ces propos de Guillemet (1921 : 28), comme les photos montrant des individus miséreux en costumes, sont évocatoires d’une certaine représentation de l’autochtonie.
Crédits Source : Photo de Henri Dedier, EFEO Vientiane.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/urmis/docannexe/image/1660/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 496k
Titre Photo 2. Capture d’écran d’une page du site du fond vert pour le climat (mis en place par l’ONU pour lutter contre le changement climatique) dédié aux peuples autochtones.
Légende Cette page est illustrée par la photo d’une Akha Puso, un groupe vivant au Laos dont les femmes sont photogéniques du fait qu’elles portent un costume ethnique, non plus ici représentatif d’une fermeture et d’une arriération, mais d’une résistance culturelle. Nous allons le voir, les Akha Puso ne sont arrivés au Laos que dans les années 1950.
Crédits Source : https://www.greenclimate.fund/​safeguards/​indigenous-peoples
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/urmis/docannexe/image/1660/img-2.png
Fichier image/png, 701k
Titre Carte 1. Carte de la province de Phongsaly, et localisation des différents lieux mentionnés dans l’article.
Crédits Source. G. Schlemmer
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/urmis/docannexe/image/1660/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 215k
Titre Photo 3. Un village abandonné de la région de Nyot Ou.
Légende Fait de bois, de bambou et de feuilles, les villages sont assez facilement déplaçables quand le besoin s’en fait sentir (guerre, incendies, recherche de terre) ou, comme c’est le cas pour ce village, sur injonction des autorités du district pour se réimplanter en bord de route, malgré l’avis des habitants.
Crédits Source : G. Schlemmer, 2010.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/urmis/docannexe/image/1660/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
Titre Photo 4. Un village d’essarteurs Akha du district de Boun Tai.
Légende Ce village perdu dans la forêt rappelle que la région de Phongsaly fut durant longtemps faiblement peuplée. Avec l’augmentation de la pression démographique, des regroupements de villages le long des axes routiers et le développement des cultures commercial, cette photo ne sera bientôt qu’un souvenir.
Crédits Source, G. Schlemmer 2009.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/urmis/docannexe/image/1660/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 4,3M
Titre Photo 5. Les ruines d’un temple Tai Lü dans le district de Nyot Ou.
Légende « Le paysage qui nous entoure est désert. À peine devine-t-on à flanc de coteau, de l’autre côté de la vallée, l’emplacement d’un ancien ray, déjà reconquis par une brousse épaisse. Ces régions ont cependant vu se succéder sans doute, depuis des siècles, de nombreuses agglomérations. Mais ici les hommes passent sans laisser le moindre écrit, le moindre signe sur une pierre et, tel que des ombres sur un mur, il ne reste rien de leurs pistes à peine visibles, de leurs cabanes croulantes, de leur agriculture primitive » écrivait Guillemet (1921 : 240) à propos de la région de Phongsaly. Les rares traces visibles du passé sont le fait des populations Lao et Tai Lü.
Crédits Source : G. Schlemmer, 2011.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/urmis/docannexe/image/1660/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Grégoire Schlemmer, « Des autochtones venus d’ailleurs ? Ancrage territorial et appartenance au Nord Laos »Cahiers de l’Urmis [En ligne], 18 | 2019, mis en ligne le 19 juillet 2019, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/urmis/1660 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/urmis.1660

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Auteur

Grégoire Schlemmer

Chargé de recherche, ethnologue, à l’Institut de Recherche pour le Développement, Urmis, IRD, CNRS, Université de Paris, Université Côte d’Azur, Paris, France

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Droits d’auteur

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