1À part quelques travaux épars, la recherche universitaire et contractuelle portant sur la population portugaise immigrée en France est pratiquement inexistante avant la fin des années 1960.
- 1 L’émergence d’une politique d’intégration des personnes étrangères ou immigrées est récente. Pendan (...)
2À propos de ces immigrés portugais, une idée diffuse dans la population française les présentait comme une immigration temporaire1, idée selon laquelle ils « voulaient juste construire (ou reconstruire) une maison familiale dans leur village » et, une fois cela obtenu, ils retourneraient chez eux.
- 2 Secrétaire d’État sur les conditions des travailleurs manuels et des immigrés du gouvernement de Ra (...)
3L’immigration portugaise en France, qui démarre au début des années 1960, s’accroît d’année en année jusqu’à la fin des années 1970. Les statistiques ne signalent aucun mouvement sensible de retour, sauf en cas d’initiatives françaises promouvant le retour des immigrés vers leurs pays d’origine. La question du retour des Portugais fut soulevée dans des débats, lorsque l’on a vérifié que ces derniers (ainsi que les immigrés espagnols) se trouvaient parmi les plus nombreux des étrangers bénéficiaires de l’« aide au retour volontaire » (dit « le million de Stoléru » en 1977)2. Selon les observateurs, le gouvernement de l’époque avait pourtant lancé cette initiative dans l’espoir que les demandeurs les plus nombreux de cette « prime de départ » se trouveraient parmi les travailleurs maghrébins. Au lieu de cela, ce furent les Portugais, qui avaient la réputation auprès des patrons d’être des « bons travailleurs », qui en constituèrent de gros bataillons.
- 3 Michel Poinard, « Le retour des travailleurs portugais », édité par MIG. SOCIETE (1979).
- 4 Mise en place, en 1978, d’un mécanisme de retours organisés et forcés d’une partie de la main d’œuv (...)
4La problématique du retour des immigrés portugais en France a été ainsi abordée dans la recherche de Michel Poinard (1979)3. Dans cette recherche, des immigrés retournés au Portugal avec la « prime de retour volontaire » (« le million »)4 ont été interrogés sur leurs motivations du départ, le jugement positif ou négatif (voir nuancé) de la décision qu’ils avaient prise.
5Dans les débats soulevés à l’occasion de la crise économique de la deuxième moitié des années 1970, l’immigration fut l’un des principaux thèmes, repris dans les médias et dans les affrontements politiques. Des instances municipales se sentent également concernées et l’on voit ainsi apparaître des offices municipaux des migrants.
- 5 Citons deux ouvrages de compte-rendu de débats et conférence : Albano Cordeiro et alii (1979), « Le (...)
6Ainsi, Laurent Cathala, élu maire de Créteil (Val de Marne) en 1977, crée l’Office municipal des migrants de Créteil, dont l’animateur principal, pendant plusieurs années, sera Manuel Vaz, qui, entre ses activités concernant les Portugais et d’autres travailleurs immigrés, a organisé des débats publics et publié ses comptes rendus5. La thématique portugaise était présente dans ces débats économiques et sociologiques.
- 6 Entre la fin des années 1970 et début des années 1980, se sont développés au sein du CNRS des Group (...)
7Sous l’impulsion de Dominique Lahalle, directeur de recherches au CNRS, s’est constitué, à la fin des années 1970, un Groupement de recherches coordonnées sur migrations internationales6 (GRECO 13). Parmi ses 30-40 membres, 7 à 10 avaient eu à faire des recherches sur les immigrés portugais ou étaient en phase d’élaboration de recherches sur ce thème. Parmi ceux-ci, on peut citer Michel Oriol, Marie-Antoinette (Marina) Hily, Dolores de Bartoli, Giovanna Campani , Brigitte Fichet, Michel Poinard, Marie-Claude Muñoz, Roselyne de Villanova et Albano Cordeiro.
- 7 Michel Oriol (dir.), « Variations de l’identité. Étude de l’évolution de l’identité des enfants d’é (...)
8À cette époque, Michel Oriol, professeur de sociologie à l’université de Nice, a présenté à la Fondation européenne de la science un projet de recherche concernant l’« Évolution de l’identité des jeunes Portugais en France et au Portugal ». Michel Oriol a réuni, pour mener ce projet, toute une équipe de chercheur.e.s inséré.e.s dans différentes équipes de recherche en France. Les réunions du GRECO 13 sont devenues naturellement le cadre informel d’échanges et de régulation des diverses contributions7. Le premier volume du rapport final est sorti en 1984, et le deuxième en 1988.
9Certes, la réputation du mouvement associatif portugais en France n’est pas démentie depuis les premières associations des années 1960. Ce grand mouvement associatif – et assez dispersé - a bien la réputation d’être particulièrement branché sur le folklore, en créant et en entretenant des groupes de danses folkloriques, sur le sport (football et autres sports mineurs, comme hockey en patins), organisation – régulièrement ou irrégulièrement - de grandes (et petites) fêtes-foires.
10Ces activités sont naturellement ouvertes à tout public mais tout aussi naturellement beaucoup des Français interprètent l’affichage de l’origine nationale de l’entité organisatrice comme étant une « activité pour Portugais » ne les concernant pas. De même, beaucoup de Portugais considéraient que ces activités s’adressaient spécialement aux Portugais et ne s’attendent pas à y voir leurs voisins français. D’ailleurs, dans maints cas, les Français présents y sont par invitation d’un(e) Portugais(e), ou « encouragés » à y aller par des Portugais.
11Ces actions et comportements pourraient relever d’une « spontanéité » diffuse, collective, tendant à faire vivre la culture populaire portugaise, en tant que composante de leur propre identité, hors du contexte social de cette même culture, hors du pays.
12Moult dirigeants associatifs - souvent, par ailleurs, des organisateurs d’initiatives du type indiqué - vivaient comme une contradiction le fait que ces activités d’organisation du temps libre et de moments de « portugalité », tendaient, en quelque sorte, à considérer la « communauté portugaise comme vivant à part – ou à côté - de la société française ».
13D’autant plus que ces dirigeants, et autres animat-rices-eurs, prenaient conscience eux et elles-mêmes d’une absence quasi-totale de contacts, d’échanges et d’initiatives des associations locales tenues par des Portugais en direction des institutions publiques, ainsi qu’un manque d’exemples de ces associations à des initiatives (manifestations ou fêtes) de la part d’associations d’origine immigrée, locales, régionales ou nationales. Si les sollicitations provenaient d’instances publiques locales, leur participation était moins rare, mais souvent ne mobilisant que les dirigeants associatifs. Or, ces contacts, échanges, initiatives et participations sont autant d’opportunités d’élargir la connaissance réciproque entre communautés de cultures différentes et des relations historiques également différentes vis-à-vis de la société d’accueil, et pour agir ensemble dans le cadre de la société où les uns et les autres vivent. Ce sont là des facteurs favorisant les dynamiques citoyennes. Cette problématique concerne d’ailleurs toutes les communautés issues de l’immigration.
14Étant sensibles à cette problématique, un groupe de dirigeants et animateurs associatifs portugais se connaissant entre eux - et dont une partie participait, du moins irrégulièrement à des rencontres et rassemblements ou manifestations pour la défense des droits des immigrés ou contre la répression des « sans-papiers » - ont eux-mêmes créé plusieurs structures spécifiques. Ces structures étaient, elles aussi, associatives, mais dans une démarche de participation aux mouvements de la société civile constituée en France avec des gens de divers horizons et cultures. Cela en poursuivant leurs liaisons avec le mouvement associatif local portugais et suppléant partiellement à la forte dispersion de ce mouvement, en établissant des rapports avec un grand nombre de ces associations locales.
15Ces initiatives ont eu le soutien, entre autres, de l’association créée par Hughes et Béatrice de Varine, Interaction France-Portugal. Hughes de Varine avait été nommé à la direction de l’Institut franco-portugais de Lisbonne en septembre 1982. Il a développé des contacts, en particulier, avec des animateurs associatifs portugais,
16Interaction France-Portugal a organisé deux réunions de dirigeants et animateurs du mouvement associatif portugais en France, dans la ville de Riom (Puy-de-Dôme) en 1983 et en 1984. Ces rencontres, venant d’une organisation « transversale », ont contribué au développement de l’action des militants associatifs participants.
- 8 Dans cette publication, « Les familles portugaises et la société française », est abordée la questi (...)
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Interaction France-Portugal, après 1985, a poursuivi, en France, son action avec des réunions « mixtes » de ses adhérents, militants portugais et français, et organisé des rencontres de réflexion sur des thèmes sur l’immigration portugaise en France et la publication de ces travaux. Un exemple : l’organisation de la rencontre sur « Les familles portugaises et la société française », en 19888.
18Une partie non négligeable (sinon majoritaire) des jeunes adultes qui s’impliquaient dans les actions que nous relevons ici étaient nés au Portugal. Cette observation, d’ordre démographique, a sa pertinence en termes d’aptitude à s’engager dans l’espace public et sur des valeurs d’ordre culturel et politique. En effet, le baby-boom que l’immigration portugaise a connu ayant eu lieu surtout au début des années 1970, les « né.e.s en France » sont alors (fin des années 1970-début des années 1980) des enfants scolarisés ou des adolescents. Par contre, les « né.e.s au Portugal » sont alors déjà des adultes. Ils-elles, non seulement portent des images plus variées et globales relatives au pays des parents, comparativement aux jeunes nés en France. Par ailleurs, certain-e-s ont pu être « instruits » politiquement, sur une base antifasciste, par des parents ou amis des parents, et ceux-là s’engagent « plus facilement » dans des actions interpellant le Pouvoir.
- 9 Je fais référence aux propos fréquemment entendus dans le milieu associatif portugais : « On n’est (...)
19C’est cette génération, conjointement à d’autres militants associatifs plus ou moins politisés, qui va prendre des initiatives qui mettaient en cause des pensées, des attitudes et des comportements établis, récurrents dans la communauté portugaise de France9.
20C’est sur la période de 1981 à 1985, que l’on observe le plus grand nombre de regroupements par affinité d’expériences et d’initiatives militantes culturelles. L’un de ces nouveaux acteurs associatifs est le Colectivo Centopeia (Collectif Millepattes) regroupant des jeunes et où une majorité de ses membres sont des jeunes filles. La présence également de jeunes hommes permet à ses membres de se définir « association mixte ». Centopeia publiera une brochure de présentation de données objectives et modes de pensée chez les jeunes Portugais de France, intitulée « Thos - Chuchotements dans l’arrière-cour », d’une soixantaine de pages, avec 13 contributions issues de membres de Centopeia. Ce collectif va également participer à une exposition qui se tiendra au Centre Pompidou sur le thème « Les enfants immigrés et l’école », en contribuant avec des panneaux. L’effervescence générale qu’a traversée le monde militant progressiste après 1981 et l’élection de François Mitterrand a aussi touché – partiellement, certes - la communauté portugaise. Comme dans d’autres cas, les initiatives qui émergeaient ici et là étaient aussi, dans beaucoup de cas, une façon de capitaliser des expériences des années 1970 - parfois modestes certes - d’intervention dans l’espace public français. Nous citerons à ce propos quelques exemples particuliers.
21La création du Collectif d’études et de dynamisation de l’émigration portugaise (CEDEP), entre 1982 et 1983, à la suite de plusieurs rencontres informelles entre animateurs associatifs, auxquels se sont agrégés, depuis le début, à titre individuel, quelques membres de la cellule Service d’aide à la communauté (SPAC), dépendant de l’ambassade du Portugal. De même, des responsables-animateurs portugais de la FASTI se sont joints, à titre individuel, au groupe fondateur.
22Manuel Dias, alors permanent du Comité liaison alphabétisation et promotion (CLAP), a eu un rôle moteur dans la mise en place de ce Collectif et en fut le premier président. Parmi les raisons qui ont motivé les fondateurs du CEDEP, il y a le sentiment - issu de la participation directe et de l’observation - que le mouvement associatif portugais de France se développait, certes, mais en négligeant l’établissement des rapports de complémentarité, de collaboration et d’échanges enrichissants avec la société civile (mouvement associatif français et immigré), avec l’État et les autorités territoriales. Ceci dit, il ne s’agissait pas pour autant d’une attitude et d’un comportement totalement généralisés.
- 10 Solliciter ces subventions à l’organisme qui les distribuait (le Fonds d’action sociale, FAS) était (...)
23Dès le début de la création du CEDEP, s’est manifestée la préoccupation de tirer des avantages légitimes de subventions de la part de structures chargées du financement des projets issus du mouvement associatif immigré10. D’autant plus que le mouvement associatif portugais de France, qui était le plus important, était celui qui était le moins financé.
- 11 José Vieira, responsable du secteur Jeunes de la FASTI, s’occupait également, en 1983, du journal d (...)
24Le souci de prendre des initiatives tendant à sortir la communauté de son invisibilité s’est manifesté par un soutien apporté à la réalisation du documentaire de José Vieira « Week-end en Tosmanie »11. Ce film montre la capacité de la communauté portugaise à organiser son « temps libre », créant ses propres espaces de portugalité, dans lesquels les enfants et adolescents peuvent « baigner » pour pratiquer la langue et apprendre les « bonnes manières » ethnoculturelles.
25Le CEDEP a suivi de près le mouvement dit des « radios libres », déclenché par l’espoir que le nouveau gouvernement de gauche libéraliserait l’expression et la communication via la radio. Ce mouvement qui a mené à l’apparition en peu de temps des centaines de radios locales (quelques-unes nationales), a touché bien de catégories sociales de la société civile française, dont les résidents portugais (nous reviendrons plus loin sur ce sujet).
26L’investissement du CEDEP sur ce terrain peut être induit du fait que ce Collectif a organisé des rencontres nationales d’animateurs de radios lusophones et qu’un bon nombre de ses membres étaient eux-mêmes des animateurs–radio.
- 12 La rédaction finale du rapport de cette enquête a été réalisée par Albano Cordeiro.
27Le CEDEP avait également le souci de contribuer à ce que le plus grand mouvement associatif de l’histoire de l’immigration en France sorte de l’obscurité dans laquelle il vivait. C’est ainsi que, avec l’aide du permanent et membre du CEDEP, Daniel Lacerda, cinquante associations ont été consultées et répondirent à un questionnaire. L’information recueillie a été à l’origine de la publication d’un ouvrage, « Enfermement et ouvertures »12, qui reste, encore aujourd’hui, l’étude la plus complète sur ce mouvement associatif.
28Le CEDEP a, par ailleurs, publié plusieurs brochures sur des thèmes divers d’intérêt pour les militants associatifs (scolarisation, mouvement associatif, nationalité, etc.), grâce à des subventions ou par engagement non rémunéré de quelques-uns de ses membres.
- 13 Sur l’expérience des jeunes Portugais engagés dans Convergence 84 Pour l’Égalité et sur sa signific (...)
29Une des implications majeures du CEDEP est sans doute son engagement et sa participation active dans Convergence 84 pour l’Égalité13. Le Collectif Centopeia s’implique également. Citons encore l’investissement de militants portugais de la FASTI, du CLAP et d’autres structures, sans oublier les militants portugais des associations des villes où passait le « circuit des Portugais ». Nous étions devant un fait nouveau.
- 14 Suite à l’expérience de Convergence 84, il nous est apparu nécessaire d’attirer l’attention sur les (...)
30José Vieira, permanent de la FASTI et membre du CEDEP, a un rôle déterminant dans l’organisation de l’initiative Convergence 84, pour diverses raisons, dont le fait d’avoir, en se déplaçant en province, pris les contacts nécessaires. Après le revirement de Farida Belghoul (mi-novembre 1984)14, l’équipe qui, à Paris, préparait la manifestation prévue pour le 1er décembre, s’est trouvée dégarnie. Des permanents associatifs portugais (et autres) sont venus renforcer l’équipe en question pour que la manifestation ne soit pas un échec dans la situation de conflit interne qui était apparue.
- 15 Après Manuel Dias, premier président du CEDEP, lui ont succédé A. Magalhães (1984) et Albano Cordei (...)
31Le CEDEP poursuit ses activités suite à l’épisode de Convergence. En 1985, avec l’embauche de José Vieira au secrétariat15, le Collectif s’engage dans la préparation d’une exposition sur divers aspects de la vie de la communauté portugaise en France. L’exposition, avec le titre « Le Rêve portugais », a été ouverte au public un an après. Elle a ensuite circulé dans des associations de villes de province, et également au Portugal.
32Signalons aussi la création du groupe de théâtre « Cà e Là » (Ici et Là-bas), à laquelle ont participé Graça dos Santos et Isabel Vieira, venant de Centopeia, et, avec très peu de moyens, ont monté des pièces tournant autour du vécu de l’immigration portugaise en France.
- 16 La « nouvelle citoyenneté » est une notion qui a été développée en France dans la suite des débats (...)
33Le CEDEP a postulé dès le début l’intérêt politique de développer les relations et la participation dans les initiatives concernant la défense des droits des immigrés, avec les mouvements associatifs des autres communautés issues de l’immigration. Ce fut donc naturellement que le CEDEP a intégré le Conseil des associations immigrées de France (CAIF) qui, lui aussi, a été créé au début des années 1980. Le CAIF a organisé plusieurs débats sur différents thèmes dont le droit de vote local des résidents étrangers, la vieillesse, la « nouvelle citoyenneté »16, ainsi que d’autres auxquels les membres du CEDEP participaient ou qu’ils animaient.
34Le CAIF n’était pas impliqué dans l’organisation de la Marche de 1983 ni dans celle de Convergence. Par contre, une bonne partie de ses associations ont été organisatrices de la dite « 3e Marche » ou « Marche des droits civiques ».
- 17 Hermano Sanches Ruivo, président fondateur de Cap Magellan, et puis du CCPF-2ème forme, est actuell (...)
35Une autre organisation associative portugaise faisait partie du CAIF : le CCPF - 1ère forme, ou Conseil des communautés portugaises de France, constitué d’élus-représentants de la communauté auprès du gouvernement portugais à Lisbonne. Lorsque, dans la période 1987-1988, ce conseil fut dissous, le CCPF-France s’est maintenu comme association française, et postérieurement (début des années 1990), a procédé à un changement de nom, avec le même sigle, pour devenir Coordinatrice des collectivités portugaises de France. Cela coïncide avec l’adhésion de Cap Magellan, association affichant clairement la volonté des fondateurs de devenir une structure « de et pour » les jeunes. Et ils ont su attirer réellement des jeunes (« que savez-vous faire pour nous aider ? »). Plusieurs de ses dirigeants se sont investis politiquement, prenant même des responsabilités partisanes et électives en France et au Portugal17.
- 18 In Lusitano, hebdomadaire, 19/2/2000 (article « Mais trabalho-Menos lazer », de Cristina Ferreira).
36Le CCPF promeut des débats et conférences et a, pendant plusieurs années de suite, organisé des rencontres de « luso-descendants » en été au Portugal. Depuis 1998, il organise annuellement en été, au Portugal, des « rencontres européennes de luso-descendants »18. Dans les nombreux débats et conférences organisés par le CCPF, les thèmes des jeunes, de scolarisation, de mouvement associatif sont souvent abordés.
- 19 Et encore Antonio Garcia (CCPF), Justino da Costa (Club des entrepreneurs portugais en France), Pèr (...)
- 20 Le haut patronage des présidents de la République, François Mitterrand et Mário Soares, a été deman (...)
- 21 « Portugais de France, Citoyens d’Europe : État des Lieux et Avenir – Actes - 3 et 4 Avril 1993 », (...)
37Nous disions que l’importance acquise par le mouvement associatif des Portugais de France, manquait de reconnaissance – ne serait-ce que pour être pris en compte dans des initiatives locales ou nationales impliquant logiquement une participation de ce mouvement associatif. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, après avoir attendu une occasion favorable, nous (un groupe de militants animateurs associatifs désigné Comité d’Initiative) avons eu la possibilité d’adresser au FAS une demande de subvention pour la réalisation d’une initiative de prestige que nous avons appelé « Premières assises de la communauté portugaise ». Le lieu choisi pour tenir ces Assises a été la Grande arche de la Défense. Du Comité d’Initiative ont fait partie, entre autres19, Albano Cordeiro, José Barros, Carlos Semedo, Daniel Lacerda, José Machado (Fédération des associations portugaises de France, FAPF), Hermano Sanches Ruivo (Cap Magellan)20. Les actes des Assises ont été publiées dans un ouvrage intitulé « Portugais de France, citoyens d’Europe : état des lieux et avenir »21.
- 22 Dans la presse française, seuls Libération et Le Figaro-La Défense ont informé sur les Assises et é (...)
38De la postface de cet ouvrage, nous avons extrait le passage suivant : (sous-titre : la couverture même de l’évènement) « Très insuffisante, ce qui nous amène à dire que la barrière de l’invisibilité est bien plus épaisse que ce que l’on aurait pu croire22. Par contre, en ce qui concerne la couverture de la presse du Portugal et de l’immigration, elle aurait pu être meilleure, certes, mais elle a existé. La présence du secrétaire d’État des communauté portugaises a pu aussi jouer. Mais les assises montrèrent que c’est en définitive un plus grand renforcement et la diversification (déjà en acte) de notre communauté qui finiront par rendre incongrue une telle invisibilité ».
39L’immigration portugaise, passée en peu d’années, de quelques dizaines de milliers à des centaines de milliers de résidents, s’est forgée une image relativement globalisante (hommes maçons – femmes concierges – folklore – destinés à retourner au village après avoir amassé l’épargne pour faire ou refaire une maison).
40La rareté – relative - d’études sur la communauté portugaise a passablement contribué à la persistance de cette image. Les idées reçues sur les communautés issues de l’immigration ont la vie dure et celles des Portugais n’y échappent pas. Pourtant elle a bien subi une évolution au-delà de celle - au demeurant, naturelle – de sa démographie (proportion de jeunes, arrivée de jeunes dans le marché du travail, proportion de seniors, etc.). Sa diversité interne s’est accrue, en termes professionnels, culturels, et autres. Cette évolution est non seulement due aux échanges entre individus et entre acteurs collectifs, de l’environnement culturel français et de la communauté. Elle a sa propre dynamique interne. Toutefois, dans la littérature scientifique, nous devons constater le peu de sources sur cette thématique, bien que des thèses issues de jeunes d’origine portugaise, sorties depuis une quinzaine d’années, colmatent relativement ce manque.
41L’autre image-qui-colle-aux-Portugais-de-France est celle qui définit cette population d’immigrés comme « bien intégrée » et l’on sait aussi que – souvent - cette affirmation sous-entend qu’il y a d’autres communautés immigrées qui ne sont pas dans ce cas (suivez mon regard !).
42Cette « affirmation-supposition » jouit d’un « fondement » qui la rend « évidente » : les Portugais sont européens et chrétiens, tandis que les « autres » ne sont ni européens ni chrétiens. Étonnant rapprochement qui tient pour négligeable le fait que les autres (de l’immigration post-coloniale) sont arrivés en France avec pour la majorité des connaissances de la langue française et en connaissant un minimum du fonctionnement de l’administration française. Ces éléments s’avèrent être d’une importance capitale pour une insertion et puis une éventuelle intégration dans la communauté française et francisée.
43Comme d’autres, les immigrés portugais (première génération) ont bien quitté leur pays pour sortir des conditions de vie proches de la misère dans lesquelles ils vivaient, sans perspectives de futur digne pour leurs enfants. Une aspiration résume ce contexte : celle de pouvoir afficher les signes d’appartenance à la classe moyenne (voiture, loisirs spécifiques et bien d’autres).
44Or, sur ce plan, Français pauvres et immigrés pauvres se retrouvent. Il est toutefois à signaler que les immigrés portugais montrent des signes d’avoir plus rapidement atteint ce stade, numériquement et en termes relatifs, par rapport à d’autres immigrations. Mais nous devons signaler également que manquent les études pour l’affirmer avec certitude.