L’éternité en photographie. La Grèce exposée à la Conférence de paix de Paris, 1919
Résumés
Quelques jours après l’ouverture de la Conférence de paix de Paris, en janvier 1919, une vaste exposition de photographies est inaugurée dans le centre de la capitale : La Grèce éternelle présente plus de cinq cents photographies de Fred Boissonnas et est accompagnée par le Premier ministre grec Elefthérios Venizélos et sa délégation, venus à Paris plaider la cause de la Grèce. Avec plus de 40 000 visiteurs en un mois, l’exposition se révèle comme l’un des théâtres du règlement de la paix. Dans cet article, l’auteure s’interroge sur l’intrication des enjeux artistiques, économiques et idéologiques de cette exposition, en observant le contexte politique de l’événement, le dispositif scénographique élaboré, ainsi que les liens tissés entre les images (exposées, imprimées et projetées) et les objets, les textes et les paroles déployés autour d’elles. L’auteure se penche aussi sur les interactions entre un photographe, le monde politique et un groupe d’intellectuels associés pour influencer le règlement de la paix en donnant une forme visuelle à un récit national, et en soudant un groupe social autour d’un imaginaire politique et géographique élaboré au XIXe siècle, et actualisé par la photographie, celui de la « Grande Grèce ».
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Mots-clés :
Conférence de paix de Paris, Première Guerre mondiale, Boissonnas (Fred), Grèce, Venizélos (Elefthérios)Keywords:
Paris Peace Conference, First World War, Boissonnas (Fred), Greece, Venizélos (Elefthérios)Plan
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- 1 Voir notamment Michael Llewellyn Smith, « Venizelos’ Diplomacy, 1919-1923. From Balkan Alliance to (...)
1Quelques jours après l’ouverture de la Conférence de paix de Paris, en janvier 1919, alors que la ville accueille un nombre inédit de représentants politiques et de porte-paroles de toutes les causes et de tous les continents venus négocier des traités et bâtir la paix, une vaste exposition de photographies ouvre dans le centre de la capitale. Du 13 février au 17 mars 1919, La Grèce éternelle présente plus de 500 tirages de Fred Boissonnas (1887-1946), accompagnés de moulages provenant du Louvre et de Grèce, de quelques sculptures et dessins originaux d’artistes grecs, de drapeaux et de costumes, sous la vigilance d’evzones envoyés d’Athènes (fig. 1 à 3). Montée dans l’urgence, l’exposition suit le Premier ministre grec Elefthérios Venizélos et sa délégation, venus à Paris plaider la cause de la Grèce, « petite nation » tardivement entrée dans le camp des Alliés, et demander une extension – importante – de son territoire, notamment dans la perspective du démantèlement de l’Empire ottoman1. Avec les plus de 40 000 personnes qu’elle accueille en un mois – chiffre des organisateurs –, avant d’être transférée à New York et de circuler aux États-Unis, l’exposition peut être appréhendée comme l’un des théâtres du règlement de la paix.
1. Fred Boissonnas, « Pic Vénisélos. Le plus haut sommet de l’Olympe », [1913]
Héliogravure, 60 x 45 cm. Genève, Bibliothèque de Genève (Ci-BGE, FBB, P TG01 28).
2. Carton d’invitation, Paris, 1919
Genève, Bibliothèque de Genève (Ci‑BGE, FBB, dossier « 1919. Paris salle de la Boëtie »).
3. Fred Boissonnas, vue de l’exposition La Grèce éternelle, Paris, 1919
Tirage argentique noir et blanc, 18,1 x 23,8 cm, Genève, Bibliothèque de Genève (Ci‑BGE, FBB, dossier « 1919 Paris salle de la Boëtie »).
- 2 Voir les travaux d’Hélène Guillot, notamment Les Soldats de la mémoire. La section photographique d (...)
- 3 Le fonds Borel-Boissonnas conservé au Centre d’iconographie de la Bibliothèque de Genève comprend u (...)
2La photographie est devenue entre 1914 et 1918 un enjeu majeur pour les États belligérants, un instrument de propagande internationale servant la construction des discours visuels sur la guerre de part et d’autre des fronts2. Étudier l’exposition de Boissonnas permet d’interroger ses usages dans les États démocratiques à l’issue de la Grande Guerre, avant que des gouvernements totalitaires n’aient un large recours au médium dans les années 1920 et 1930. Organisée par un réseau d’hommes politiques et d’intellectuels grecs, ainsi que d’auteurs français et suisses autour de l’œuvre d’un artiste-photographe genevois, elle témoigne non seulement du « bricolage » visuel d’États disposant de moyens politiques et financiers modestes pour peser dans les négociations, mais aussi de la dimension transnationale de la fabrique de nouvelles visibilités pour réimaginer la carte du monde au sortir de la guerre. Au-delà de cette fabrique identitaire, l’étude des traces laissées par l’exposition permet d’appréhender la porosité des usages et de la valeur alors attribués à la photographie, média de masse récent, au statut incertain3.
- 4 Jérôme Glicenstein, « Introduction », in Bernadette Dufrêne et Jérôme Glicenstein, Histoire(s) d’ex (...)
- 5 Sur la carrière de Fred Boissonnas, voir Nicolas Bouvier, Boissonnas. Une dynastie de photographes (...)
3Événements fugaces et rencontres ponctuelles entre des artistes, des publics, des commanditaires et un lieu, les expositions « donnent à voir l’art – c’est-à-dire les œuvres d’art, les pratiques artistiques, le milieu de l’art – en train de se faire, de se penser, de s’organiser », l’art étant conçu non comme une entité universelle et immuable, mais comme une donnée instable, prise dans un mouvement incessant de pratiques, d’interprétations et de réinterprétations4. Après avoir été l’un des principaux représentants du pictorialisme en Europe à la fin du XIXe siècle, Fred Boissonnas continua à revendiquer et à explorer, par différents moyens, la dimension artistique de la photographie5. En observant le contexte politique de l’événement, le dispositif scénographique élaboré, les liens tissés entre les images exposées, imprimées et projetées, ainsi que les objets, les textes et les paroles déployées autour d’elles, cet article interrogera l’intrication des enjeux artistiques, économiques et idéologiques de cette exposition. Il examinera aussi les interactions entre un photographe, le monde politique et un groupe d’intellectuels associés pour influencer le règlement de la paix. Il s’agissait de donner une forme visuelle à un récit national concordant avec le principe d’autodétermination des peuples prôné par Woodrow Wilson et de souder un groupe social autour d’un imaginaire politique et géographique établi au XIXe siècle, actualisé par la photographie, celui de la « Grande Grèce ».
Convaincre, par l’entrelacement de l’image, de la parole et du texte
- 6 F. Boissonnas, Rapport sur l’exposition…, op. cit.
- 7 Irène Boudouri, « En Grèce et Le voyage en Grèce. Deux revues touristiques de l’entre-deux-guerres (...)
4En décembre 1918, au moment même où la France invite les pays de tous les continents à venir négocier à Paris les traités de paix aux côtés des Alliés, le gouvernement grec charge ex abrupto Fred Boissonnas de réaliser une exposition d’envergure. L’ouverture de La Grèce éternelle est programmée pour le 1er février 1919, soit quelques jours après l’ouverture de la Conférence de paix6. Cette demande expéditive s’explique par l’ampleur de la collection de vues que Boissonnas a alors déjà réunie sur la Grèce (fig. 1). Le photographe avait connu un tournant dans sa carrière, en 1903, lors d’un premier séjour dans le pays en compagnie de l’historien de l’art et écrivain Daniel Baud-Bovy. Fasciné par ses paysages et sa lumière, il devient résolument philhellène et consacre à la Grèce les trois dernières décennies de sa carrière en collaborant avec différentes personnalités, comme l’helléniste Victor Bérard ou l’archéologue Maxime Collignon, créant une œuvre pléthorique, déclinée sur différents supports. Les relations entre le Genevois et Athènes ont été soulignées pour la première fois par la chercheuse Irène Boudouri, qui a pointé les accointances politiques et les intérêts économiques de celui qui est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands photographes de l’histoire de Grèce7. Entré en contact dès 1905 avec le roi Georges Ier qui lui accorda bientôt un soutien à l’édition, Boissonnas réalisa une campagne photographique pour le Premier ministre Venizélos durant l’été 1913, au lendemain des guerres balkaniques. Après une interruption durant la Grande Guerre, la coopération entre le photographe et l’homme d’État connaîtra son apogée en 1918‑1920.
- 8 Elefthérios Venizélos, La Grèce devant le Congrès de la paix, Paris, Chaix, 1919. Mémorandum publié (...)
- 9 Pour une somme semble-t-il relativement élevée, comme le laisse entendre ce commentaire du ministre (...)
- 10 En majorité au format 50 x 60 cm, mais aussi 30 x 40 cm, 80 x 100 cm, 18 x 24 cm et 24 x 30 cm. F. (...)
- 11 F. Boissonnas, Rapport sur l’exposition…, op. cit.
5Venizélos commandite l’exposition alors qu’il rédige les demandes territoriales de la Grèce dans un mémoire qui reprend les principes défendus par le président Wilson, en particulier ceux concernant le droit des peuples à l’autodétermination ; il y revendique, chiffres et statistiques à l’appui, un agrandissement territorial substantiel du pays en s’appuyant sur le critère de la « conscience nationale » des Hellènes8. La Conférence de paix inaugurée le 18 janvier 1919 réunit les représentants de vingt-neuf États, auxquels s’ajoutent des centaines de journalistes, de juristes, d’hommes d’affaires, autour d’un immense programme comprenant notamment le tracé de nouvelles frontières, la création de nouveaux circuits économiques et commerciaux et la fondation de la Société des Nations. L’exposition de Boissonnas, entièrement financée par le gouvernement grec9, est inaugurée avec deux semaines de retard, le jeudi 13 février, le wagon spécial transportant les photographies encadrées depuis Genève ayant connu des difficultés d’acheminement. Un lieu a été trouvé in extremis, à quelques rues du palais de l’Élysée : la salle de la Boëtie, rouverte pour la première fois depuis la guerre, est assez vaste pour accueillir sur ses murs les 518 photographies de différentes tailles10, ainsi que les objets, les moulages et les gardes en fustanelle qui l’accompagnent11 et qui font écho aux sujets des photographies (fig. 2 et 3) : leur mise en relation dans l’espace d’exposition suggère la matérialité des objets représentés et le lien des images au vivant.
- 12 Daniel Baud-Bovy et Fred Boissonnas, En Grèce par monts et par vaux, Genève/Athènes, F. Boissonnas (...)
- 13 Claude Hauser et al. (dir.), La Diplomatie par le livre. Réseaux et circulation internationale de l (...)
- 14 Sophie Basch, Le Mirage grec. La Grèce moderne devant l’opinion française depuis la création de l’É (...)
6Les images migrent aussi sur d’autres supports, les ouvrages de Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy étant ouverts sur des présentoirs, en particulier En Grèce par monts et par vaux (1910)12. Le succès de ce livre d’art, primé par l’Académie française, a contribué à donner à Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy le rôle de « passeurs culturels » entre la Grèce et l’Europe savante. Les deux Genevois avaient élaboré en 1913 une première opération de propagande internationale pour le gouvernement grec sous la forme de publications. Ils suivaient en cela un modèle de diplomatie par le livre, objet symbolique alors essentiel dans les échanges culturels internationaux, privilégié depuis le XIXe siècle pour valoriser l’image extérieure des États et influencer des opinions publiques13. Ils s’inscrivent, en outre, dans la lignée de la vaste production éditoriale engendrée par les mouvements philhellènes en faveur de l’indépendance de la Grèce, un siècle auparavant14.
- 15 Les sections sur l’Attique, Phocide et la Thessalie renvoient à En Grèce par monts et par vaux ; ce (...)
7En 1918, le photographe propose à Venizélos de reprendre et de développer le programme établi à la fin de la guerre des Balkans. Il envisage alors la parution de livres de luxe en français, la traduction de En Grèce par monts et par vaux en anglais, mais aussi la déclinaison d’une série de catalogues illustrés, intitulée « L’image de la Grèce », publiée en français, anglais et allemand. L’exposition de Paris est au centre de ce projet éditorial qui trouve un écho dans l’agencement de la pièce principale, pensée en analogie avec le modèle d’une bibliothèque. Chacune des sections renvoie en effet à un livre publié ou en devenir15 (fig. 4). L’entreprise de Boissonnas avait élargi dans les années 1900 ses activités à l’édition et l’exposition sert de relais entre le public et ces ouvrages qui représentent l’aboutissement de son travail photographique, comme en témoigne le soin apporté à la reproduction des images en héliogravure.
4. Plan de l’exposition La Grèce éternelle, extrait de Fred Boissonnas, Visions de Grèce, Genève, Sadag, 1919
- 16 F. Boissonnas, La Grèce immortelle…, op. cit.
- 17 L’Association gréco-suisse Jean-Gabriel Eynard est dirigée par un journaliste, Édouard Chapuisat. F (...)
8Outre la mise en scène des images, des objets et des textes, la parole est aussi convoquée au cœur de l’exposition. Neuf conférences sont présentées au milieu des œuvres, devant 800 participants chacune – toujours selon le rapport officiel16. La parole des intellectuels invités accompagne les photographies avec une autorité complémentaire à celle des livres (fig. 5). Les interventions renvoient aussi directement ou indirectement à des sections de l’exposition, créant du mouvement et de la vie autour des images qui migrent sur un support immatériel et éphémère, les projections à la lanterne animant les conférences. Le cycle est organisé par l’association genevoise Jean-Gabriel Eynard, du nom du banquier philhellène établi à Genève au début du XIXe siècle, et qui joua un rôle important dans l’histoire de l’indépendance de la Grèce17.
5. « Programme des conférences » (carton d’invitation), Paris, 1919
Genève, Bibliothèque de Genève (Ci-BGE, FBB, dossier « 1919. Paris salle de la Boëtie »).
9Les représentants de la Grèce à la Conférence de paix assistent aux séances et organisent des réceptions dans la salle de la Boëtie, en marge des négociations. L’exposition est une expérience publique, un lieu de rassemblement permettant de resserrer les liens entre les représentants du gouvernement grec, les philhellènes rassemblés à Paris et un plus large public. La Grèce éternelle sert de théâtre à cette diplomatie, les photographies ne faisant pas seulement office de décor, mais aussi de pièces à conviction.
La « Grande idée » offerte à une Europe en reconstruction
- 18 Marie-Lise Mitsou, « Le Philhellénisme bavarois et la ‹ Grande Idée › », Revue germanique internati (...)
- 19 Voir notamment Eleana Yalouri, The Acropolis. Global Fame, Local Claim, Oxford/New York, Berg, 2001 (...)
- 20 Ibidem.
- 21 Sophie Basch qualifie ce rejet de « mishellénisme » dans Le Mirage grec…, op. cit.
- 22 Ibid., p. 272.
- 23 M. Llewellyn Smith, « Venizelos’ Diplomacy… », art. cité.
- 24 M. MacMillan, Les Artisans de la paix…, op. cit., p. 460.
- 25 E. Yalouri, The Acropolis…, op. cit., p. 89.
10L’exposition de 1919 peut être appréhendée comme l’une des étapes de l’élaboration de l’imaginaire de la Grèce sur la scène internationale, dans la lignée des mouvements philhellènes du XIXe siècle. Les revendications défendues par Venizélos à Paris reposent sur le mythe de la « Grande idée », un concept polysémique forgé par des intellectuels grecs – et bavarois18 – référant à une volonté d’expansion territoriale visant à réunir les Grecs dans un même État-nation, à la réorganisation de l’État et à sa « régénération culturelle »19. Différents auteurs ont montré combien les Grecs avaient importé dans leur processus de construction nationale une image du pays élaborée à l’étranger, reposant sur une fascination pour l’Antiquité, faisant d’Athènes le lieu de naissance de l’histoire et le berceau de la civilisation européenne20. Le philhellénisme avait été une « passion politique et intellectuelle » vite malmenée par la confrontation avec la réalité du pays, laissant place à un « contre-imaginaire collectif » désappointé et critique21. Si les premières années du XXe siècle avaient vu la résurgence d’une fascination des Européens pour une Grèce abstraite et idéalisée, comme ce fut le cas de Sigmund Freud, celle-ci était désormais clairement distinguée de la Grèce contemporaine, redevenue un simple décor, « et ses habitants des silhouettes folkloriques22 ». Par son action politique et une diplomatie habile et volontaire, Venizélos tente – avec succès – de remobiliser l’imaginaire littéraire des dirigeants européens en faveur de la cause de son pays23 en utilisant l’image pour convaincre ses interlocuteurs, conjointement à d’autres supports (cartes, tableaux de statistiques, œuvres d’artistes grecs) : il aurait ouvert sa plaidoirie devant le Conseil suprême des alliés, le 3 février 1919, en présentant un album de photographies24. Associées à la parole et au texte, celles-ci permettent d’enrichir l’imaginaire philhellène, de le relier à la cause de la Grèce moderne et de fabriquer un nouveau récit collectif transnational et efficace sur le plan diplomatique. Le titre de l’exposition, La Grèce éternelle, est programmatique : si la création de l’État grec contemporain avait été qualifiée de « renaissance », voire de « résurrection » au début du XIXe siècle25, l’entrelacement de photographies contemporaines, de sculptures antiques et d’objets ethnographiques trouble le rapport au temps et permet de revendiquer cette fois, près d’un siècle après l’indépendance du pays, une idée d’éternité.
- 26 Son travail avait acquis une reconnaissance publique lors de l’Exposition nationale suisse de 1896 (...)
- 27 Le professeur à l’université d’Athènes André Andréadès projette par exemple la carte des demandes d (...)
11Fred Boissonnas a acquis une connaissance approfondie des expositions nationales et universelles qui participent, au-delà de leur caractère commercial, à la « fabrique » des imaginaires nationaux26. La Grèce éternelle propose aussi une mise en scène ordonnée de la nation à des fins politiques et commerciales. Le parcours mis en place dans la galerie de la Boëtie est une invitation au voyage dans l’espace géographique et mythique de la Grande Grèce, les sections faisant aussi écho aux régions revendiquées par Venizélos : l’Épire du Nord, la Thrace, la Macédoine et une partie de l’Asie Mineure, présentées autour de l’Attique, du Péloponnèse, de la Thessalie et de la Crète déjà réunies. Aucune carte géographique générale n’est utilisée pour appuyer ces demandes territoriales, hormis de façon ponctuelle et fugitive durant les conférences27. Les cartes auraient sans doute rendu visibles ces revendications de manière trop péremptoire et peu diplomatique, alors que des cartographes officiaient au même moment à Paris pour le tracé des nouvelles frontières internationales. La disposition des photographies selon une logique géographique suggérait la cohérence et l’unité d’un territoire en cours de construction sans recourir à un tracé clos et arrêté. Cette stratégie visuelle effaçait néanmoins tout autant qu’une carte les clivages territoriaux, linguistiques et religieux de l’ensemble territorial revendiqué.
- 28 E. Yalouri, The Acropolis…, op. cit.
- 29 Ibid., p. 89.
- 30 A. Fenet, « Ruines et archéologie. Le front, un terrain culturel ? », in Vu du front. Représenter l (...)
- 31 M. MacMillan, Les Artisans de la paix…, op. cit., p. 462.
12Quarante-huit photographies de l’Acropole ouvrent l’exposition – dont vingt-six consacrées au seul Parthénon, présenté littéralement sous tous les angles, et toutes les faces (fig. 6). L’État grec a entretenu la visibilité du monument dès le XIXe siècle, jusqu’à l’ériger en symbole comparable à un drapeau national28. La présentation de cette série de photographies était une façon de placer ce symbole au cœur de l’Europe, un geste d’autant plus important que les Grecs étaient souvent critiqués pour leur indifférence envers les ruines antiques et considérés comme les gardiens illégitimes d’un héritage international29. En outre, la mise en lumière des vestiges archéologiques avait fait l’objet d’une âpre concurrence entre les Français, les Allemands et les Anglais, intensifiée durant la guerre, notamment en Macédoine et en Thrace. Porteuses d’une idéologie de la renaissance ou symbole de la barbarie de l’ennemi à travers leur destruction, les images des ruines antiques ont été manipulées au gré des circonstances par les belligérants30. Organisée par le ressortissant d’un État neutre, la Suisse, l’exposition permet à Venizélos de capter ces différentes appropriations en synthétisant les images de vestiges disséminés dans toutes les régions de culture grecque – à l’exception de l’Asie Mineure contrôlée par l’Empire ottoman. La qualité formelle et technique des images de Boissonnas était une dimension essentielle à leur interprétation et à leur rôle idéologique. Elle soulignait que le gouvernement hellène valorisait cet héritage de pierres par un double geste d’appropriation et de restitution au reste du monde, destiné à séduire les admirateurs de la Grèce antique, comme Clemenceau, formé aux Lettres classiques, à l’instar de tous les dirigeants européens31.
6. Fred Boissonnas, « Au Parthénon », Athènes, 8 juillet [1908]
29,1 x 41,9 cm. Genève, Bibliothèque de Genève (Ci‑BGE, album de famille Boissonnas, no Y631 10, planche 37).
- 32 É. Chapuisat, « Visions de Grèce… », art. cité.
- 33 Théophile Homolle, « Le génie grec dans l’art », in F. Boissonnas (dir.), La Grèce immortelle…, op. (...)
- 34 Umberto Boccioni, 1re exposition de sculpture futuriste du peintre et sculpteur futuriste Boccioni (...)
13Contrairement aux arguments « mishelléniques » refusant de continuer à voir dans la Grèce contemporaine l’héritière de la culture antique, l’accumulation des photographies de Boissonnas opère une synthèse historique et géographique prônée par les nouveaux philhellènes qui revendiquent en elle des « leçons d’ordre éternel » dont les Européens ont alors « un impérieux besoin »32. Les conférenciers développent l’idée selon laquelle la beauté, la poésie et la raison – des valeurs portées par la Grèce antique – peuvent aider les nations à surmonter le traumatisme de la Grande Guerre et à inventer un nouvel art de vivre ensemble. En rappelant les « services qu’a rendus la Grèce à l’humanité de tous les siècles et les droits qu’elle s’est acquis pour toujours à son admiration, à sa reconnaissance et à sa justice33 », ils réitèrent des arguments utilisés par les partisans de l’indépendance du pays depuis le début du XIXe siècle. Associés aux images de Boissonnas dont la beauté formelle est unanimement louée, ces discours prennent une teneur particulière en 1919, au milieu d’une Europe exsangue et d’un monde en quête de nouvelles voies politiques, sociales et économiques. La fusion du passé, du présent et du mythe grecs en photographie actualise les idéaux philhellènes et entretient une idée d’atemporalité. L’« éternité » défendue par l’exposition est l’antithèse du culte de la vitesse prôné avant-guerre par les futuristes qui avaient organisé en 1913, dans la même galerie, la Première exposition de sculpture futuriste [de l’artiste] Boccioni, inaugurée par une conférence du poète Filippo Tommaso Marinetti34.
- 35 M. Llewellyn Smith, « Venizelos’ Diplomacy… », art. cité, p. 163.
- 36 F. Boissonnas, Rapport de l’exposition…, op. cit., p. 11.
14Si le recours à la photographie par la diplomatie grecque s’inscrit sans conteste dans la lignée des propagandes d’État développées durant la Grande Guerre, La Grèce éternelle en prend le contre-pied en excluant toute trace de violence35. Ce mode opératoire correspond à la politique privilégiée par Venizélos, en Thrace par exemple : confiant dans le processus de la Conférence, il refuse toute mesure militaire contre les Bulgares pour ne pas nuire à l’image de son pays et accéder à ses revendications par la seule voie diplomatique. L’exposition privilégie une approche « artistique » des ruines, des paysages, des monuments, de la population et des villes ; les images sont soigneusement élaborées sur le plan de la composition, du choix des sujets et du tirage. Seuls quelques dessins originaux de l’artiste Nikolaos Lytras rappelaient à l’entrée de la salle « les atrocités commises par les Bulgares sur les Grecs » en Macédoine et en Thrace36, de façon plus euphémique que ne l’aurait fait la photographie. La Grande Grèce est une promesse de paix et de beauté offerte à l’avènement d’un nouvel ordre géopolitique international.
- 37 M. MacMillan, Les Artisans de la paix…, op. cit.
- 38 Vanessa R. Schwartz, Spectacular Realities. Early Mass-Culture in Fin-de-Siècle Paris, Berkeley, Un (...)
- 39 « À la veille de la guerre, le monde extérieur, pour nous autres Français, n’était guère qu’un spec (...)
15Dans le cadre des négociations, les émotions des diplomates sont manipulées, à l’exemple du gouvernement français qui cherche à sensibiliser les autres membres du Conseil suprême des alliés à sa cause, contre l’Allemagne, en organisant des visites des champs de bataille dévastés du nord de la France37. Le gouvernement grec tente de même par cette exposition à quelques pas du centre des négociations de mobiliser les émotions des représentants des grandes puissances, en théâtralisant son pays, avec la promesse de donner une consistance politique et géographique réelle à cet ailleurs idéalisé si le tracé des frontières revendiqué était accepté. Si Paris a été décrite comme la capitale internationale du spectacle avant-guerre38, on peut avancer qu’en 1919, le spectacle est mis au service de la politique internationale. L’un des conférenciers, l’écrivain Louis Bertrand, défend d’ailleurs l’idée de faire désormais du spectacle du monde un ressort de l’action politique, en dénonçant l’ancienne passivité des consommateurs d’images de la Belle époque39. Dans le contexte historique et politique exceptionnel de l’après-guerre, tous les possibles sont ouverts, et la mise en scène de la Grèce est aussi pensée comme un agent de sa transformation, ce d’autant plus que la dimension indicielle de la photographie prouve que cet État rêvé n’est plus un mirage. Si ses vestiges ont été photographiés dès l’invention du médium, Boissonnas en propose une vision dynamique en animant les matériaux par des jeux d’eau et de lumière (fig. 7). Outre l’esthétisation des ruines, il multiplie les angles de vue pour les inscrire par des cadrages larges ou en contre-champ dans le paysage environnant.
7. Fred Boissonnas, « Le Parthénon après l’orage », Athènes, [1907]
Héliogravure extraite de Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy, En Grèce par monts et par vaux, Genève/Athènes, F. Boissonnas / C. Eleftheroudakis, 1910, pl. XXXVII (document no 35 ou no 36 de l’exposition).
Autour des ruines : les hommes, le paysage et la mer
- 40 Voir notamment Hercules Papaioannou, « The Picture of Greece », in E. Sohier et N. Crispini, Fred B (...)
- 41 A. Andréadès, « La Grèce devant le Congrès », art. cité, p. 218.
16L’exposition ne s’arrête pas aux ruines et accorde en parallèle une large place à d’autres motifs et, partant, à d’autres références idéologiques, un élargissement de perspective à l’image du regard photographique que Boissonnas portait sur la Grèce, regard fondateur dans l’histoire du pays40. Héritier du courant pictorialiste idéalisant la vie rurale, il photographie les populations de différentes régions au travail, dans les champs, sur les chemins ou en mer, dans des scènes éthérées ou atemporelles (fig. 8). Costumes et gestes témoignent du caractère « grec » de leur culture, justifiant le rattachement des régions photographiées à la Grèce. La section consacrée à l’Épire présente des images de villageois réalisées à l’issue des guerres balkaniques, dans des mises en scène collectives organisées pour l’objectif de Boissonnas par les autorités locales et les militaires (fig. 9). L’« autre Grèce », héritière des périodes byzantine et ottomane, est représentée dans les photographies du patrimoine orthodoxe, comme les églises de Thessalonique ou les monastères des Météores. Il est difficile de savoir si des photographies de mosquées figurant dans différents ouvrages de Boissonnas ont été incluses dans le parcours afin d’intégrer les communautés musulmanes dans ce tableau national. En revanche, des films montrant des représentants musulmans de Macédoine aux côtés de Venizélos furent projetés durant l’une des conférences, pour symboliser la sagesse et le pacifisme de l’administration des provinces nouvellement conquises et la paix entre les différentes communautés ressortissantes de la Grande Grèce41.
8. Fred Boissonnas, « Le Taygète et la vallée de l’Eurotas », s. d.
Héliogravure extraite de Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy, En Grèce par monts et par vaux, Genève/Athènes, F. Boissonnas / C. Eleftheroudakis, 1910, pl. XIX (document no 111 de l’exposition).
9. Fred Boissonnas, « Delvinaki », Épire, 1913
Planche extraite de Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy, L’Épire, berceau des Grecs, Genève, éd. Boissonnas, 1915, pl. 42 (document no 302 ou no 303 de l’exposition)
- 42 Voir Sophie Basch (dir.), Portraits de Victor Bérard, Athènes, École française d’Athènes, 2015, et (...)
17En outre, la présence d’une section consacrée au voyage réalisé avant la guerre par le photographe avec l’helléniste Victor Bérard sur les traces d’Ulysse permettait de donner une autre dimension historique et mythique à la Grèce contemporaine : celle de la littérature homérique, mais aussi le souvenir des Phéniciens, prédécesseurs des Grecs anciens, dont les instructions nautiques auraient inspiré Homère, selon la théorie de Bérard, et dont les voyages étaient prétendument lisibles dans la géographie atemporelle de la Méditerranée (fig. 10)42. Au-delà de leur dimension poétique, les innombrables vues de mer présentées dans cette section portaient la promesse d’une circulation maritime ouverte et protégée par la Grèce élargie, alliée de la France, de la Grande-Bretagne et des États-Unis, circulation garantissant la liberté et la sécurité des échanges maritimes dans la région, l’un des enjeux majeurs de la Conférence de paix.
10. Fred Boissonnas, « Palaiokastrizza, récif et San Angelo », Corfou, 1912
Négatif sur plaque de verre, 18 x 13 cm. Genève, Bibliothèque de Genève (Ci‑BGE, FBB, fvb_n13x18_0790).
- 43 D. Baud-Bovy, « Le plus haut sommet de l’Olympe », in F. Boissonnas, La Grèce immortelle…, op. cit.(...)
18Alpiniste, Boissonnas avait été avec Daniel Baud-Bovy le premier à faire l’ascension du mont Olympe en 1913, une montagne à laquelle une section entière est consacrée dans l’exposition, ainsi qu’une conférence, « Le plus haut sommet de l’Olympe ». Très animé, le récit d’ascension de Baud-Bovy intègre des éléments géographiques, poétiques et de nombreuses références mythologiques43 en mettant en évidence la cohérence entre les descriptions des textes anciens de la montagne des dieux et les caractéristiques du relief homonyme situé à la limite de la Thessalie et de la Macédoine, photographié par Boissonnas (voir fig. 1). L’association d’images, d’un récit de voyage et de textes anciens permet d’inventer un nouveau lieu de mémoire sur la carte du territoire grec en cours de tracé et de sémiotiser le paysage conquis. La toponymie n’est pas oubliée dans ce processus d’appropriation symbolique, puisque Boissonnas propose à Venizélos à la fin de l’exposition de baptiser le plus haut sommet du massif à son nom, un moyen d’élever l’homme politique au rang de héros mythologique.
- 44 François Walter, Les Figures paysagères de la nation. Territoire et paysage en Europe (XVIe-XXe siè (...)
19En recourant conjointement à la photographie, au récit et à la toponymie, ils érigent l’Olympe en symbole, en « haut-lieu », site naturel anthropologisé auquel l’ensemble du groupe peut adhérer, un point qui condense les valeurs et les qualités attribuées à la nation, comme d’autres nations l’ont fait dès le XVIIIe siècle dans le processus de définition des identités collectives44. Cette « création identitaire » repose sur un transfert de technique et d’imaginaire depuis la Suisse. En effet, la force de la photographie pour influencer des imaginaires géographiques et des pratiques a été explicitée par Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy pour inciter le gouvernement grec à exploiter la collection de photographies du Genevois, comme le montre cet extrait de lettre de Baud-Bovy transmis par Boissonnas au ministère des Affaires étrangères, à Athènes, quelques mois plus tôt :
- 45 Lettre tapuscrite adressée par Daniel Baud-Bovy à Fred Boissonnas et transmise au gouvernement grec (...)
Il s’agit d’entreprendre en faveur de la Grèce, de ses industries, de ses produits naturels, de sa marine, etc. une intense et méthodique campagne de propagande par l’image. La majorité des hommes sont des St Thomas. Ils veulent voir pour croire. Combien de gens m’ont ri au nez lorsque je leur ai parlé des forêts de la Grèce. La Grèce pour eux, n’est qu’une immense Attique. Montre-leur des vues des forêts d’Arcadie, du Pinde ou de l’Olympe, et les voici convaincus sur-le-champ. D’où un puissant moyen, depuis longtemps éprouvé, de solliciter l’intérêt de l’étranger, du voyageur, du capitaliste45.
- 46 Lire en particulier Costanza Caraffa et Tiziana Serena (dir.), Photo Archives and the Idea of Natio (...)
- 47 Claire-Lise Debluë, Exposer pour exporter. Culture visuelle et expansion commerciale en Suisse (190 (...)
20Les deux hommes n’incitent pas seulement le gouvernement grec à exploiter ces archives photographiques privées comme un catalogue photographique au service d’un récit national, ils proposent aussi les objets et les méthodes pour exploiter les images de manière adéquate46. La diffusion des photographies et leur interprétation par le texte et la parole permettent tout à la fois de faire voir, de faire savoir et de faire croire. Historien de l’art, écrivain, ancien conservateur de musée, Daniel Baud-Bovy (1870-1958) abandonne en 1919 le poste de directeur de l’École des beaux-arts de Genève pour se consacrer à sa collaboration éditoriale avec Fred Boissonnas. Issu d’une famille d’artistes proche des milieux fouriéristes, il avait aussi hérité des idéaux du peintre genevois Barthélemy Menn sur la fonction sociale de l’art. Comme président de la Commission fédérale des beaux-arts en Suisse (un poste qu’il occupe entre 1916 et 1938), il est, en outre, au fait des moyens permettant de valoriser un art national et conscient de l’influence d’une politique d’exposition dans l’expansion commerciale d’un pays, en particulier pour la promotion du tourisme47. Son approche complexe de l’art, notamment quant à son rôle social, politique et économique, ainsi que sa culture visuelle étendue, lui permettent de soutenir les innovations en matière de propagande politique et économique, mais aussi de valoriser les photographies de Boissonnas à travers ses textes. Fils du peintre Auguste Baud-Bovy, chantre des montagnes suisses, il eut sans doute une influence décisive sur l’importance accordée par Boissonnas au paysage.
Délacer les frontières de l’État et celles du médium
- 48 A. Andréadès, « La Grèce devant le Congrès… », art. cité, pp. 195-196.
21Le dispositif de l’exposition encourage les visiteurs à regarder, à lire et à consommer les photographies accumulées dans la pièce par différents moyens. Durant les conférences, les images de Boissonnas, démultipliées par le biais de leur projection à la lanterne, sont intégrées à différents récits. Dans « La Grèce du soleil et des paysages », Louis Bertrand les introduit dans la narration en marquant des pauses pour les contempler – presque religieusement. Les récits de Victor Bérard et de Daniel Baud-Bovy, proches collaborateurs de Boissonnas, sont étroitement construits autour des images de ce dernier, et le conférencier André Andréadès ponctue lui aussi son argumentaire géopolitique de « belles photographies » de l’Épire48.
- 49 Olivier Lugon, « Introduction », in Id., Exposition et médias. Photographie, cinéma, télévision, La (...)
22Fred Boissonnas utilise de façon exacerbée la perméabilité des usages du médium. Les photographies accrochées sont discriminées par l’usage de différents formats, une façon de prendre le contre-pied de leur standardisation, tout comme l’utilisation de toute une gamme de modes de tirage : papiers mats albuminés, papiers simili-platines, papiers au charbon avec ou sans coloration (bleu, vert et sang) et tirages à l’huile, une variété mettant en lumière son art de la reproduction. L’ensemble est rythmé par l’usage de cadres de bois naturel et de cadres blancs, un accrochage dense et classique qui valorise les photographies, tandis que l’alternance des couleurs met à distance la transparence du médium, en soulignant la qualité et les spécificités de chaque forme de tirage49. Ce dispositif établit un parallèle avec les expositions de tableaux en montrant la diversité des choix formels permettant de traiter un sujet, en photographie, et le caractère unique de chaque tirage. Les images valorisent le patrimoine historique, paysager, culturel du pays, et leur mise en scène dans l’exposition en propose une synthèse mobile, qui devient elle aussi patrimoine.
- 50 Ulrich Pohlmann, « ‹ Harmonie entre art et industrie ›. Sur l’histoire des premières expositions ph (...)
- 51 Pour la liste de ses participations et des récompenses obtenues, voir E. Sohier et N. Crispini, Fre (...)
- 52 F. Boissonnas, La Grèce immortelle…, op. cit., pp. 2, 92 et 187.
23Fred Boissonnas avait une large expérience des expositions de photographie, dont il avait testé toutes les formes élaborées au XIXe siècle : expositions universelles, expositions nationales, expositions de sciences et d’industrie, mais aussi salons pictorialistes. Il avait participé à toutes les manifestations qui tentaient d’imposer la valeur esthétique de la photographie jusque dans l’agencement des expositions aux côtés des amateurs50, dans les années 1890 et 1900, dans tous les pays d’Europe (Amsterdam, Bruxelles, Londres, Francfort, Chicago, Paris, Vienne, Hambourg, etc.51). S’il avait déjà réussi à investir le musée Rath – le Musée des beaux-arts de Genève – en 1913, l’exposition de 1919 lui permet d’inaugurer une nouvelle forme de présentation des photographies, alors que le mouvement pictorialiste décline : une exposition non collective, mais personnelle, où ses images sont associées à des œuvres (dessins, sculptures) relevant incontestablement des beaux-arts. La démonstration de ce statut est renforcée par les prises de parole et les écrits des conférenciers qui qualifient à plusieurs reprises Boissonnas d’« artiste »52. Celui-ci donne ainsi un nouveau souffle au pictorialisme tardif, en lui conférant, en outre, une portée politique.
- 53 Vanessa R. Schwartz, « Le XIXe siècle au prisme des Visual Studies. Entretien de Quentin Deluermoz (...)
24La migration des photographies sur différents supports, tout en permettant de marteler le message politique en faveur de la Grèce, encourage des modes de consommation différenciés des images. Le patronage du gouvernement grec et le lancement de souscriptions pour des livres d’art à tirages limités font entrer dans un circuit élitiste des images par ailleurs accessibles sur d’autres supports dans une gamme de prix très large. Leur reproductibilité permet de disséminer, depuis Paris, une culture visuelle mobile, d’une portée géographique illimitée53, faisant de Boissonnas un passeur culturel entre la Grèce, l’Europe et l’Amérique du Nord.
- 54 M. Llewellyn Smith, « Venizelos’ Diplomacy… », art. cité, p. 161.
25Après Paris, l’exposition suit en effet le président Wilson aux États-Unis : elle est présentée à New York avant de circuler dans différentes universités du pays. Si Venizélos connaît un succès diplomatique à Paris, où ses revendications comme l’attribution de Smyrne à la Grèce sont acceptées54, les faits vont réduire à néant les aspirations de la « Grande idée » : après l’échec électoral du Premier ministre, un changement de gouvernement et la défaite cinglante de l’armée grecque contre les troupes turques, en 1921, l’événement désigné sous le nom de « Grande catastrophe » met fin aux volontés d’expansion territoriale du pays en Asie Mineure. La Grèce éternelle est dissoute aux États-Unis où les photographies sont acquises par différentes universités. Dans une histoire de la Grèce contemporaine scandée par les tentatives de connecter un espace national en cours de constitution à la mémoire d’un illustre passé, l’exposition de Boissonnas aura été l’une des ressources utilisées par Athènes pour redessiner son territoire sur la carte du monde.
Notes
1 Voir notamment Michael Llewellyn Smith, « Venizelos’ Diplomacy, 1919-1923. From Balkan Alliance to Greek-Turkish Settlement », in Paschalis M. Kitromilides (dir.), Eleftherios Venizelos. The Trials of Statesmanship, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2006. Sur le contexte général de la Conférence de paix de Paris, voir Margaret MacMillan, Les Artisans de la paix. Comment Lloyd George, Clemenceau et Wilson ont redessiné la carte du monde, Paris, J.-C. Lattès, 2006.
2 Voir les travaux d’Hélène Guillot, notamment Les Soldats de la mémoire. La section photographique de l’armée, 1915-1919, Paris, Presses universitaire de Paris Nanterre, 2017.
3 Le fonds Borel-Boissonnas conservé au Centre d’iconographie de la Bibliothèque de Genève comprend un rapport sur l’exposition (Fred Boissonnas, Rapport sur l’exposition de photographies de La Grèce immortelle à Paris, Genève, 1919) et son catalogue annoté (Fred Boissonnas, Visions de Grèce, Genève, Sadag, 1919). Des articles de journaux, des extraits de la correspondance de Boissonnas et un recueil de conférences sont également disponibles (Fred Boissonnas, La Grèce immortelle. Sept conférences faites à Paris, Genève, éditions d’art Boissonnas, 1919).
4 Jérôme Glicenstein, « Introduction », in Bernadette Dufrêne et Jérôme Glicenstein, Histoire(s) d’exposition(s), Paris, Hermann, 2016, p. 21.
5 Sur la carrière de Fred Boissonnas, voir Nicolas Bouvier, Boissonnas. Une dynastie de photographes 1864-1983, Payot, Lausanne, 1983 (rééd. sans ill., Genève, Héros-Limite, 2010) ; Estelle Sohier et Nicolas Crispini (dir.), Usages du monde et de la photographie. Fred Boissonnas, Genève, Georg, 2013.
6 F. Boissonnas, Rapport sur l’exposition…, op. cit.
7 Irène Boudouri, « En Grèce et Le voyage en Grèce. Deux revues touristiques de l’entre-deux-guerres » in Sophie Basch et Alexandre Farnoux (dir.), Le Voyage en Grèce (1934-1939). Du périodique de tourisme à la revue artistique, Athènes, École française d’Athènes, 2006, pp. 55-67 ; « The Asia Minor of Henri-Paul Boissonnas », in Henri-Paul Boissonnas. Asia Minor, 1921, Athènes, Benaki Museum, 2002.
8 Elefthérios Venizélos, La Grèce devant le Congrès de la paix, Paris, Chaix, 1919. Mémorandum publié en français et en anglais daté du 30 déc. 1918.
9 Pour une somme semble-t-il relativement élevée, comme le laisse entendre ce commentaire du ministre des Affaires étrangères, Nicolas Politis, rapporté par le photographe à la clôture de l’exposition : « certes cela nous coûte cher… mais je ne regrette pas cette dépense et malgré tous les tracas que cela nous a causés je n’hésiterai pas à recommencer. » Lettre de Fred Boissonnas à Daniel Baud-Bovy, Paris, 11 mars 1919. Fonds Borel-Boissonnas, centre d’iconographie de la BGE.
10 En majorité au format 50 x 60 cm, mais aussi 30 x 40 cm, 80 x 100 cm, 18 x 24 cm et 24 x 30 cm. F. Boissonnas, Catalogue de l’exposition…, op. cit.
11 F. Boissonnas, Rapport sur l’exposition…, op. cit.
12 Daniel Baud-Bovy et Fred Boissonnas, En Grèce par monts et par vaux, Genève/Athènes, F. Boissonnas / C. Eleftheroudakis, 1910.
13 Claude Hauser et al. (dir.), La Diplomatie par le livre. Réseaux et circulation internationale de l’imprimé de 1880 à nos jours, Paris, Nouveau Monde éditions, 2011, p. 9.
14 Sophie Basch, Le Mirage grec. La Grèce moderne devant l’opinion française depuis la création de l’École d’Athènes jusqu’à la guerre civile grecque (1846-1946), Paris/Athènes, Hatier/Kaufmann, 1995, p. 23.
15 Les sections sur l’Attique, Phocide et la Thessalie renvoient à En Grèce par monts et par vaux ; celle sur le mont Olympe à une monographie en préparation ; Macédoine-Salonique correspondent à l’album Salonique et L’Épire, à l’album éponyme, publiés tous deux en 1913 ; les deux dernières sections annoncent la parution de deux livres d’art dont les souscriptions sont lancées : Des Cyclades en Crète au gré du vent (1919) et l’Odyssée avec l’helléniste Victor Bérard.
16 F. Boissonnas, La Grèce immortelle…, op. cit.
17 L’Association gréco-suisse Jean-Gabriel Eynard est dirigée par un journaliste, Édouard Chapuisat. Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy comptent parmi ses premiers membres. Voir « Visions de Grèce », Journal de Genève, 19 févr. 1919, p. 2.
18 Marie-Lise Mitsou, « Le Philhellénisme bavarois et la ‹ Grande Idée › », Revue germanique internationale, no 1-2, 2005, pp. 35-44.
19 Voir notamment Eleana Yalouri, The Acropolis. Global Fame, Local Claim, Oxford/New York, Berg, 2001, p. 36.
20 Ibidem.
21 Sophie Basch qualifie ce rejet de « mishellénisme » dans Le Mirage grec…, op. cit.
22 Ibid., p. 272.
23 M. Llewellyn Smith, « Venizelos’ Diplomacy… », art. cité.
24 M. MacMillan, Les Artisans de la paix…, op. cit., p. 460.
25 E. Yalouri, The Acropolis…, op. cit., p. 89.
26 Son travail avait acquis une reconnaissance publique lors de l’Exposition nationale suisse de 1896 et de l’Exposition universelle de Paris en 1900 où il reçut une médaille d’or.
27 Le professeur à l’université d’Athènes André Andréadès projette par exemple la carte des demandes de Venizélos. A. Andréadès, « La Grèce devant le Congrès », in F. Boissonnas, La Grèce immortelle…, op. cit., p. 193.
28 E. Yalouri, The Acropolis…, op. cit.
29 Ibid., p. 89.
30 A. Fenet, « Ruines et archéologie. Le front, un terrain culturel ? », in Vu du front. Représenter la Grande Guerre, cat. exp., Paris, Bibliothèque de documentation internationale contemporaine/musée de l’Armée, Somogy éditions d’Art, 2014.
31 M. MacMillan, Les Artisans de la paix…, op. cit., p. 462.
32 É. Chapuisat, « Visions de Grèce… », art. cité.
33 Théophile Homolle, « Le génie grec dans l’art », in F. Boissonnas (dir.), La Grèce immortelle…, op. cit., p. 1.
34 Umberto Boccioni, 1re exposition de sculpture futuriste du peintre et sculpteur futuriste Boccioni du 20 juin au 16 juillet, Paris, Galerie La Boëtie, 1913.
35 M. Llewellyn Smith, « Venizelos’ Diplomacy… », art. cité, p. 163.
36 F. Boissonnas, Rapport de l’exposition…, op. cit., p. 11.
37 M. MacMillan, Les Artisans de la paix…, op. cit.
38 Vanessa R. Schwartz, Spectacular Realities. Early Mass-Culture in Fin-de-Siècle Paris, Berkeley, University of California Press, 1998.
39 « À la veille de la guerre, le monde extérieur, pour nous autres Français, n’était guère qu’un spectacle cinématographique à l’usage de bourgeois retirés des affaires. Eh bien non ! La France n’est pas retirée des affaires. Elle vient de le prouver par sa victoire. » Louis Bertrand, « La Grèce du soleil et des paysages », in F. Boissonnas, La Grèce immortelle…, op. cit., p. 258.
40 Voir notamment Hercules Papaioannou, « The Picture of Greece », in E. Sohier et N. Crispini, Fred Boissonnas…, op. cit., pp. 147-160. Seulement vingt pour-cent de ses images prises en Grèce auraient pour sujet les vestiges antiques (Ibid., p. 150).
41 A. Andréadès, « La Grèce devant le Congrès », art. cité, p. 218.
42 Voir Sophie Basch (dir.), Portraits de Victor Bérard, Athènes, École française d’Athènes, 2015, et Estelle Sohier, « L’Odyssée comme document géographique. Entre fiction et projet scientifique, l’enquête de Fred Boissonnas et de Victor Bérard sur les traces d’Ulysse (1912) », Annales de géographie, no 709-710, 2016, pp. 333-359.
43 D. Baud-Bovy, « Le plus haut sommet de l’Olympe », in F. Boissonnas, La Grèce immortelle…, op. cit., pp. 41-87.
44 François Walter, Les Figures paysagères de la nation. Territoire et paysage en Europe (XVIe-XXe siècle), Paris, éditions de l’EHESS, 2004. Anne-Marie Thiesse, La Création des identités nationales. Europe, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Seuil, 2001. Sur la notion de haut-lieu, lire en particulier Bernard Debarbieux, « Du haut lieu en général et du mont Blanc en particulier », Espace géographique, t. 22, no 1, 1993, pp. 5-13.
45 Lettre tapuscrite adressée par Daniel Baud-Bovy à Fred Boissonnas et transmise au gouvernement grec le 29 oct. 1918. Une lettre de Boissonnas adressée au consul de Grèce à Genève le 28 oct. 1918 décrit, de même, les avantages de la création d’un « office de propagande par l’image ». Archives du ministère des Affaires étrangères de Grèce, Athènes, dossier 1922-98, pochette 4‑2‑2.
46 Lire en particulier Costanza Caraffa et Tiziana Serena (dir.), Photo Archives and the Idea of Nation, Berlin/Munich, De Gruyter, 2015.
47 Claire-Lise Debluë, Exposer pour exporter. Culture visuelle et expansion commerciale en Suisse (1908-1939), Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses, 2015.
48 A. Andréadès, « La Grèce devant le Congrès… », art. cité, pp. 195-196.
49 Olivier Lugon, « Introduction », in Id., Exposition et médias. Photographie, cinéma, télévision, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2012, p. 11.
50 Ulrich Pohlmann, « ‹ Harmonie entre art et industrie ›. Sur l’histoire des premières expositions photographiques de 1839 à 1911 », in Id., Exposition et médias…, op. cit., pp. 29-62.
51 Pour la liste de ses participations et des récompenses obtenues, voir E. Sohier et N. Crispini, Fred Boissonnas…, op. cit., pp. 206-211.
52 F. Boissonnas, La Grèce immortelle…, op. cit., pp. 2, 92 et 187.
53 Vanessa R. Schwartz, « Le XIXe siècle au prisme des Visual Studies. Entretien de Quentin Deluermoz et Emmanuel Fureix avec Manuel Charpy, Christian Joschke, Ségolène Le Men, Neil McWilliam, Vanessa R. Schwartz », Revue d’histoire du XIXe siècle, no 49, 2014, pp. 139-175.
54 M. Llewellyn Smith, « Venizelos’ Diplomacy… », art. cité, p. 161.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | 1. Fred Boissonnas, « Pic Vénisélos. Le plus haut sommet de l’Olympe », [1913] |
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Légende | Héliogravure, 60 x 45 cm. Genève, Bibliothèque de Genève (Ci-BGE, FBB, P TG01 28). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 915k |
Titre | 2. Carton d’invitation, Paris, 1919 |
Légende | Genève, Bibliothèque de Genève (Ci‑BGE, FBB, dossier « 1919. Paris salle de la Boëtie »). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 896k |
Titre | 3. Fred Boissonnas, vue de l’exposition La Grèce éternelle, Paris, 1919 |
Légende | Tirage argentique noir et blanc, 18,1 x 23,8 cm, Genève, Bibliothèque de Genève (Ci‑BGE, FBB, dossier « 1919 Paris salle de la Boëtie »). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 396k |
Titre | 4. Plan de l’exposition La Grèce éternelle, extrait de Fred Boissonnas, Visions de Grèce, Genève, Sadag, 1919 |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,8M |
Titre | 5. « Programme des conférences » (carton d’invitation), Paris, 1919 |
Légende | Genève, Bibliothèque de Genève (Ci-BGE, FBB, dossier « 1919. Paris salle de la Boëtie »). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 404k |
Titre | 6. Fred Boissonnas, « Au Parthénon », Athènes, 8 juillet [1908] |
Légende | 29,1 x 41,9 cm. Genève, Bibliothèque de Genève (Ci‑BGE, album de famille Boissonnas, no Y631 10, planche 37). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 493k |
Titre | 7. Fred Boissonnas, « Le Parthénon après l’orage », Athènes, [1907] |
Légende | Héliogravure extraite de Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy, En Grèce par monts et par vaux, Genève/Athènes, F. Boissonnas / C. Eleftheroudakis, 1910, pl. XXXVII (document no 35 ou no 36 de l’exposition). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 334k |
Titre | 8. Fred Boissonnas, « Le Taygète et la vallée de l’Eurotas », s. d. |
Légende | Héliogravure extraite de Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy, En Grèce par monts et par vaux, Genève/Athènes, F. Boissonnas / C. Eleftheroudakis, 1910, pl. XIX (document no 111 de l’exposition). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 325k |
Titre | 9. Fred Boissonnas, « Delvinaki », Épire, 1913 |
Légende | Planche extraite de Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy, L’Épire, berceau des Grecs, Genève, éd. Boissonnas, 1915, pl. 42 (document no 302 ou no 303 de l’exposition) |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 749k |
Titre | 10. Fred Boissonnas, « Palaiokastrizza, récif et San Angelo », Corfou, 1912 |
Légende | Négatif sur plaque de verre, 18 x 13 cm. Genève, Bibliothèque de Genève (Ci‑BGE, FBB, fvb_n13x18_0790). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/625/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 772k |
Pour citer cet article
Référence papier
Estelle Sohier, « L’éternité en photographie. La Grèce exposée à la Conférence de paix de Paris, 1919 », Transbordeur, 2 | 2018, 66-77.
Référence électronique
Estelle Sohier, « L’éternité en photographie. La Grèce exposée à la Conférence de paix de Paris, 1919 », Transbordeur [En ligne], 2 | 2018, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/625 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12gwp
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