De l’« image numérique » à la photographie. Exposer les savoirs statistiques au tournant du XXe siècle
Résumés
Depuis une vingtaine d’années, la visualisation graphique est devenue un outil central d’observation, d’analyse et de communication dans le domaine de la science des données. Loin d’un phénomène purement contemporain lié à l’essor des cultures et des humanités digitales, le développement des techniques de visualisation des données s’inscrit au cœur d’un vaste mouvement de reconfiguration des savoirs scientifiques et techniques, qui prit son essor dans les années 1870 déjà. Dans cet article, l’auteure explore l’influence de la pensée statistique dans la culture visuelle au tournant du XXe siècle, en s’intéressant notamment à l’importance du modèle photographique dans les discours savants qui encadrèrent l’application de la « méthode graphique » à la statistique, et revient sur l’un des principaux enjeux épistémologiques et techniques d’un tel projet : celui de « matérialiser des abstractions ». Elle montre ainsi combien la statistique, dans ses formes exposées, et les tentatives répétées d’en populariser les usages – par la dissémination de tableaux graphiques, de diagrammes muraux ou de reliefs statistiques – fut conçue dans une relation étroite aux autres arts de la reproductibilité, qu’il s’agisse de la photographie, de la typographie ou du graphisme.
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Mots-clés :
statistique graphique, image scientifique, popularisation des savoirs, visualisation des données, histoire matérielleKeywords:
graphic statistics, scientific image, popularisation of knowledge, data visualisation, material historyPlan
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- 1 Émile Cheysson, « Histoire d’un tableau statistique. Conférence faite le 5 février 1888 au Conserva (...)
« Au sommet de la tour Eiffel, pour éviter que la nouvelle tour de Babel n’aggrave la confusion des langues, on fera bien de ne s’exprimer que par diagrammes et cartogrammes1. »
- 2 Émile Cheysson, Album de statistique graphique, Paris, Imprimerie Nationale, 1889, p. 2.
- 3 « Académie des sciences morales et politiques. Séance du samedi 8 mai 1880 », Journal officiel de l (...)
- 4 C’est ainsi qu’Alain Desrosières qualifie cette génération de statisticiens aux identités professio (...)
- 5 Émile Cheysson, « L’Exposition d’économie sociale et son installation », La Réforme sociale, t. 6, (...)
- 6 Ibidem.
1En 1888, à la veille de l’Exposition universelle de Paris, une foi nouvelle dans le pouvoir émancipateur des « images statistiques », mâtinée d’utopie savante, semblait pouvoir lever les obstacles à l’internationalisation des échanges intellectuels. Conçue comme « une sorte de langue universelle2 », la statistique graphique portait les promesses d’une circulation illimitée des connaissances et d’un décloisonnement des disciplines. Elle avait vocation à « illustrer les phénomènes sociaux3 » dans un langage que ses promoteurs souhaitaient libéré des contraintes de l’écrit et des pesanteurs du raisonnement chiffré. À une période où elle n’était encore qu’une méthode, ces « militants de la statistique4 », issus de traditions disciplinaires aussi variées que l’économie, la géographie ou la démographie, entreprirent de conquérir, par l’image et dans un seul et même mouvement, l’espace savant et l’espace public. Par le jeu des couleurs, des courbes et parfois des reliefs, en substituant l’image aux anciennes dénominations latines et aux longues colonnes de chiffres, ils ambitionnaient de donner corps à une discipline que l’on classait alors systématiquement parmi les sciences dites « abstraites ». Il s’agissait, pour reprendre les mots de l’un d’entre eux, de « matérialiser des choses immatérielles5 » et, pour ce qui concernait la vulgarisation des savoirs statistiques, de répondre à un défi nouveau : celui d’« exposer des abstractions6 ». Plus que nul autre média, les expositions internationales et universelles devinrent en effet, dès les années 1870, le principal vecteur de la statistique.
2Omniprésente sans jamais avoir été stabilisée, la « méthode graphique » fut dans le domaine des sciences économiques et sociales ce que la photographie avait progressivement été aux sciences naturelles dans la seconde moitié du XIXe siècle : un outil d’observation et d’analyse, auquel fut surtout prêtée la capacité de révéler des phénomènes invisibles à l’œil nu. Dans les discours sur la statistique, l’importance du modèle photographique joua un rôle majeur pour l’inscription de la discipline dans l’espace savant. Toutefois, la photographie fut surtout utilisée, à partir de l’entre-deux-guerres, comme un formidable outil de communication qui permettait de démultiplier les formes visuelles de la statistique dans l’espace public et d’en augmenter l’attrait populaire. Au-delà d’un pur instrument de connaissance destiné à décrire, inventorier et classer le monde, les « images statistiques » s’imposèrent comme un motif dominant dans les nouveaux médias de masse, accompagnant les mutations des cultures visuelle et matérielle au tournant du XXe siècle.
- 7 Voir notamment Miles A. Kimball et Charles Kostelnick (dir.), Visible Numbers. Essays on the Histor (...)
- 8 Signalons à ce sujet deux articles qui développent d’intéressantes perspectives, le premier dans le (...)
- 9 « Discours de M. Octave Keller, président », Journal de la société de statistique de Paris, no 2, f (...)
3Difficile ainsi de se faire une idée de l’usage des « images statistiques » sans évoquer les pratiques discursives et matérielles qui leur donnèrent une vie sociale, sans évoquer le développement des procédés photomécaniques, les lieux d’exposition et les supports de diffusion de ces images, la tension entre codification du savoir graphique et discours sur l’universalité de cette méthode. Si les études récentes ont certes abordé la question sous l’angle de la « visualisation des données7 » dans la sphère scientifique, les usages techniques et sociaux dont firent l’objet les « images statistiques » constituent en revanche un terrain largement inexploré8. En nous intéressant à leurs reconfigurations successives – de « l’image numérique9 » à la photographie –, nous montrerons combien la matérialité de ces dispositifs de vision, leur circulation, ainsi que les discours qui entourèrent leurs usages favorisèrent l’essor d’un imaginaire statistique dans la culture savante et populaire.
4L’engouement pour la « méthode graphique » précède donc de loin celui pour la « visualisation des données », tel qu’il se manifeste aujourd’hui dans de multiples espaces sociaux. Au tournant du XXe siècle déjà, il constitue un phénomène transnational, qui s’inscrit dans un vaste mouvement de reconfiguration des savoirs scientifiques et techniques. La professionnalisation de la statistique, la popularisation des sciences par l’image et le développement des procédés photographiques et photomécaniques qui rythmèrent cette « préhistoire » de la visualisation des données formeront la toile de fond du présent article.
Du « numérique » au graphique : classer et visualiser les données
- 10 Tom Crook et Glen O’Hara, « The “Torrent of Numbers.” Statistics and the Public Sphere in Britain, (...)
- 11 J. Thompson, « Printed Statistics and the Public Sphere… », art. cité, p. 124.
- 12 Franz Joseph Mone, Théorie de la statistique, Louvain, Imprimerie Louvain Vanlinthout et Vandenzand (...)
5À partir de la fin du XVIIIe siècle, le flux de données numériques produites par les services officiels de statistique et les sociétés savantes ne cessa de croître10. Rarement rendues publiques jusqu’alors, les informations statistiques devinrent un auxiliaire indispensable à la centralisation et au développement des États modernes en Europe. Quittant le registre, elles se répandirent sous la forme d’imprimés, contribuant à instaurer dans la sphère publique une « culture visuelle des nombres11 », sans qu’il ne fût encore question d’images graphiques à proprement parler. En France, le terme de « tableau statistique » fut employé dès cette période pour désigner de courts traités, rédigés par certaines sociétés savantes, prédestinant en quelque sorte les données numériques à être exposées. L’introduction du système tabulaire qui permettait de disposer, sur le papier, les nombres d’« une manière naturelle et lucide12 » marqua par la suite un premier pas vers une mise en image des données. Dans le dernier quart du XIXe siècle, alors que l’engouement pour les formes graphiques de la statistique était de plus en plus manifeste, l’organisation visuelle des chiffres ne fut plus seulement désignée sous le terme de « tableau », mais devint, sous la plume de certains statisticiens, une « image numérique » propre, elle aussi, à être imprimée et exposée.
- 13 Émile Levasseur, La Statistique graphique. Read at the International Statistical Congress, held at (...)
- 14 É. Cheysson, « Histoire d’un tableau statistique », art. cité, p. 195.
6Dans un contexte marqué par l’internationalisation des échanges scientifiques, les images furent ainsi placées au cœur de l’entreprise de production et de dissémination des savoirs statistiques. Contrairement aux figures géométriques de l’algèbre ou de l’arithmétique, la statistique graphique fut d’emblée envisagée comme un moyen de « vulgariser les nombres13 ». Au « tableau froid, inanimé, hérissé de chiffres14 », les « militants de la statistique » souhaitaient substituer des représentations graphiques – appelées aussi « statistiques imagées » – attrayantes et rigoureusement établies (fig. 1). La « méthode graphique » fit ainsi l’objet de plusieurs traités publiés au tournant des années 1880 par des savants de renom – Georg von Mayr en Allemagne, Émile Cheysson et Jacques Bertillon en France ou Michael G. Mulhall en Irlande – qui s’efforcèrent d’en formuler les principes opératoires dans le domaine de la statistique, sur le modèle de l’ouvrage somme du physiologiste Étienne-Jules Marey, paru en 1878, La Méthode graphique.
1. Jacques Bertillon, Album de statistique graphique

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans (GE DD‑819).
- 15 Levasseur contribua à l’Exposition de l’économie sociale organisée dans le cadre de l’Exposition un (...)
- 16 Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, P (...)
7Auteur d’un essai remarqué sur la statistique graphique, publié en 1885 à l’occasion du premier Congrès international de statistique, Émile Levasseur joua, lui aussi, un rôle crucial dans la normalisation des pratiques de la statistique graphique. Membre de très nombreuses sociétés savantes, Levasseur prit part à la conception de plusieurs expositions, dont il fut également l’un des prolixes rapporteurs15. Celui-ci appartenait à la « dernière génération de statisticiens ‹ amateurs › antérieure au XXe siècle16 », soucieuse d’institutionnaliser la statistique administrative et d’en disséminer les pratiques. Pour ce spécialiste de l’économie politique et monétaire, versé dans l’enseignement de la géographie, de l’histoire du mouvement ouvrier et de la démographie, la statistique apportait une unité de méthode dans l’observation et la description des faits, qui ne semblait devoir heurter aucune limite.
- 17 Émile Levasseur, « Stéréogramme construit par la direction de la statistique du Royaume d’Italie », (...)
- 18 É. Levasseur, La Statistique graphique, op. cit., p. 219.
- 19 Pierre Guillemenot, Essai de science sociale ou éléments d’économie politique. Notions fondamentale (...)
8Ces vertus apparaissaient plus vraies encore pour ce qui concernait les « images statistiques ». Leur qualité descriptive, leur clarté et leur universalité attestaient l’idée selon laquelle la statistique graphique était « accessible à tous17 » et devait permettre, comme d’autres dispositifs de vision livrant une représentation synoptique du monde, de saisir « tout un ensemble d’un coup d’œil18 ». Le passage du numérique au graphique nourrissait le mythe d’un langage libéré des contingences de l’écrit, qui transcenderait les frontières linguistiques et disciplinaires, et redéfinirait la hiérarchie traditionnelle des savoirs. Les vertus épistémologiques de l’image statistique rivalisaient ainsi, dans le discours scientifique, avec celles de la photographie. En plus d’être une « science numérique des faits sociaux19 » appropriable par toutes les disciplines, la statistique devenait, par l’image, une science universelle s’adressant à chacun.
- 20 Émile Cheysson, « Section XIV – institutions patronales. Rapport de M. Cheysson », in Exposition un (...)
- 21 Émile Levasseur, « Statistique graphique dans l’enseignement primaire », Journal de la société stat (...)
9Dans les expositions, plates-formes par excellence de la popularisation des savoirs, les graphiques, plébiscités pour leur capacité d’abstraction, devaient « dépouiller l’enseignement de son austérité20 » et amener le public à se familiariser avec une discipline réputée pour sa sécheresse. Davantage adaptés à une pratique collective des savoirs, les « tableaux graphiques en style mural21 » – ou « diagrammes muraux » – devinrent, à côté des images lumineuses et des atlas, un auxiliaire indispensable pour populariser la statistique. Si l’on ne saurait affirmer que l’inflation des images graphiques dans l’espace public freina l’inscription de la statistique dans l’espace savant, leur dissémination précoce et massive dans les publications populaires et les expositions plaça en revanche les « militants de la statistique », désireux de conquérir leur autonomie, face à un paradoxe persistant : celui de devoir proclamer le caractère universel de la statistique graphique tout en dénonçant ses appropriations débridées.
Faire science : enregistrement statistique et reproductibilité technique
- 22 Mathieu Rouxel, « Comptes rendus », Journal des économistes, t. 11, no 1, juil. 1906, p. 137.
- 23 Pierre Foissac, La Longévité humaine ou l’art de conserver la santé et de prolonger la vie, Paris, (...)
- 24 Maurice Block, Traité théorique et pratique de statistique [1878], Paris, Librairie Guillaumin, 188 (...)
10Tiraillés entre ambitions scientifiques et souci de vulgarisation, ces « statisticiens de la première heure22 » comptaient de nombreux détracteurs. Certaines attaques, particulièrement virulentes, contribuaient à répandre l’idée selon laquelle ils n’étaient que des « machines à compter », accumulant d’inutiles détails et se montrant incapables de « ne rien prouver23 ». Si la figure du statisticien était volontiers moquée dans la presse populaire, ses « méthodes » faisaient également l’objet de caricatures, à l’instar d’un dessin publié en 1869 dans le journal satirique allemand Fliegende Blätter, rappel ironique des enquêtes démographiques diffusées sous la forme de diagrammes (fig. 2). La défiance suscitée par la « méthode graphique » se manifestait jusque dans les rangs des sociétés statistiques elles-mêmes. Certains statisticiens contestaient en particulier son statut de « méthode » pour ne retenir que sa capacité à « illustrer » les données numériques24. Reposant sur des principes essentiellement empiriques, la statistique graphique ne pouvait être considérée à leurs yeux autrement que comme un moyen d’expression.
2. Anonyme, « Eine polygone Familie auf der Promenade (Une famille polygonale sur la promenade) », caricature parue dans Fliegende Blätter, vol. 50, no 1231, 1869, p. 52. Heidelberg, Universitätsbibliothek Heidelberg

- 25 Sur cette question, voir Gilles Palsky, « The Debate on the Standardization of Statistical Maps and (...)
- 26 « Rapport sur la méthode graphique appliquée à la statistique. Sous-section des méthodes graphiques (...)
- 27 Ibid., p. 24.
11Abordée à plusieurs reprises lors des congrès internationaux de statistique organisés entre 1853 et 1876, la stabilisation de la « méthode graphique » fit l’objet d’incessants débats25. En 1872, les rapporteurs désignés pour statuer sur cette délicate question et y apporter un épilogue firent part, au contraire, de leur impuissance. Rendre uniformes les représentations graphiques s’apparentait selon eux à la « quadrature du cercle26 ». « Il faut laisser régner dans ce domaine la plus grande liberté de la fantaisie et de l’esprit. Qu’on applique l’uniformité là où elle est bonne et convenable, mais qu’on laisse à nos diagrammes statistiques leurs habits nationaux et individuels27 », préconisaient les rapporteurs, rompant ainsi avec l’esprit positiviste qui caractérisait alors la pensée statistique. Dans le domaine des expositions en revanche, ceux-ci appelaient à une régulation des usages graphiques de la statistique, pour que le public fût assuré de pouvoir comparer les différents tableaux qui lui étaient présentés.
- 28 Alfred de Foville, « La statistique et ses ennemis », Journal of the Statistical Society of London, (...)
12Malgré les efforts entrepris pour en unifier les pratiques, les approximations persistantes de la statistique graphique pesaient sur la réputation de la discipline. Pour contrecarrer les inexactitudes entourant l’exécution des représentations graphiques, les discours se parèrent des atours de la scientificité. Dans les traités, la « statistique imagée » fut désormais désignée sous le terme de « méthode graphique ». Qualifiée comme telle, elle devenait éligible parmi d’autres méthodes expérimentales, dont les procédures reposaient sur l’observation, la vérification et la reproductibilité des faits. Le premier congrès de l’Institut international de statistique (ISS) organisé à Londres en 1885 fut l’occasion de propager largement ce point de vue et de fustiger l’amateurisme des « faux statisticiens28 » gravitant hors du cercle restreint des sociétés savantes.
- 29 Émile Levasseur, « Quelques réflexions sur la statistique graphique », Journal de la société de sta (...)
13Pour les « militants de la statistique », et en particulier pour Levasseur devenu vice-président de l’ISS, le statisticien, au contraire des « amateurs », était un scientifique maîtrisant les normes et les usages d’un langage au raffinement complexe. Il était surtout celui qui fixait la syntaxe d’une « langue scientifique29 » que Levasseur souhaitait universelle. Comme le physiologiste utilisant la photographie pour consigner la trace de phénomènes advenus dans le passé et en favoriser l’analyse et la compréhension, le statisticien avait recours aux « images statistiques » pour simplifier l’étude et la comparaison des faits.
- 30 Lorraine Daston et Peter Galison, Objectivité [2007], trad. S. Renaut et H. Quiniou, Dijon, Les pre (...)
- 31 « Avant-propos », in Atlas graphique et statistique de la Suisse. Publié par le Bureau statistique (...)
- 32 François Brunet, La Naissance de l’idée de photographie, Paris, Presses universitaires de France, 2 (...)
14La référence à la photographie et au modèle mécanoreproductible – de plus en plus dominante dans les sciences de la nature30 – fut ainsi largement mobilisée par les statisticiens eux-mêmes pour renforcer l’inscription de leurs pratiques dans l’espace savant. Il s’agissait de démontrer combien la statistique graphique, à l’instar de la photographie, produisait un savoir exact, propre à favoriser l’étude et l’observation des phénomènes démographiques, économiques ou sociaux. Les vertus mnémotechniques prêtées à la statistique graphique devaient compenser l’examen souvent furtif dont les tableaux faisaient l’objet sur les stands des expositions. Selon une métaphore associant la membrane cellulaire au papier sensible, l’image statistique « se photographi[ait], pour ainsi dire, dans la mémoire31 ». On lui prêtait par ailleurs une pareille faculté à frapper l’imagination et à révéler certains phénomènes invisibles à l’œil nu. À l’instar de la photographie, dont François Brunet a montré combien elle constitua, dans la seconde moitié du XIXe siècle, une « image consacrée de la science, son signe social32 », la statistique graphique devait, elle aussi, livrer une représentation objective, transparente et immédiate des faits économiques et sociaux.
- 33 M. Block, « L’élaboration statistique du prochain recensement », Journal des économistes, t. 15, no(...)
- 34 Antonio Favaro, Leçons de statistique graphique, Paris, Gauthier-Villars, 1885, p. 182.
- 35 Sur ce sujet, voir James W. Cortada, Before Computer. IVM, NCR, Burroughs, and Remington Rand and t (...)
15Au-delà des points communs prêtés à ces deux procédés distincts de visualisation des phénomènes (naturels pour les uns, économiques et sociaux pour les autres), les discours sur les usages scientifiques de la statistique et de la photographie convergeaient autour d’un imaginaire commun : celui de l’« enregistrement ». Prétendre que la statistique était à même d’« enregistrer les faits économiques et sociaux » ou, autrement dit, à même de produire une « photographie de la réalité33 », postulait une forme d’immédiateté et d’automaticité entre la phase d’observation des faits (ou de récolte des données) et leur visualisation graphique. Cette analogie pour le moins hâtive, qui écartait habilement l’idée même de médiation, permettait de contourner les déficits méthodologiques dont était alors affligée la statistique graphique. De l’enregistrement statistique des faits économiques et sociaux (soit l’acte de consigner des données numériques dans un registre) à l’enregistrement photomécanique des phénomènes naturels sur un papier sensible, tels qu’Étienne-Jules Marey les avait notamment décrits dans La Méthode graphique et son supplément sur la chronophotographie (1884), il n’y avait au fond qu’un pas que la métaphore photographique permettait de franchir aisément. L’intérêt suscité par les « appareils inscripteurs » (fig. 3) – appelés aussi « graphiques enregistreurs » – recueillant les variations de mouvements réputés invisibles à l’œil nu devait ainsi ouvrir la voie à plusieurs statisticiens qui estimèrent, à la suite de Marey, que « la traduction graphique des résultats d’observations devait naturellement conduire à leur enregistrement automatique34 ». Cet idéal de l’enregistrement automatique s’incarnerait véritablement à travers la « machine à statistique » (ou tabulating system) conçue par l’ingénieur allemand Herman Hollerith à la fin des années 1880, traitant et classant mécaniquement des millions de données grâce à un système de cartes perforées, et dont le brevet allait être racheté en 1924 par la firme IBM35.
3. Illustrations du sphygmographe direct, tirées de Étienne-Jules Marey, La Méthode graphique dans les sciences expérimentales et principalement en physiologie et en médecine, Paris, G. Masson, 1878, p. 560

Du tableau au relief : l’éducation statistique par les sens
16Du point de vue de ses promoteurs cependant, la statistique graphique n’avait pas pour unique vocation d’offrir aux savants les outils nécessaires à l’observation de la réalité économique et sociale. Elle devait également instruire et, pour ceci, exercer un attrait particulier sur la grande masse des visiteurs des expositions, dont l’attention était réputée volatile. Diagrammes, courbes et cartogrammes déclinés en d’infinies – et parfois fantaisistes – variations, composaient l’essentiel du répertoire visuel de la statistique.
- 36 É. Cheysson, Album de statistique graphique, op. cit., pp. 10-11.
- 37 « Discours de M. Octave Keller, président », op. cit., p. 35.
17Contrairement à la photographie, dont les formats réduits se prêtaient souvent mal à la présentation publique, les graphiques étaient particulièrement adaptés à ces événements de masse. Leurs formes raffinées et leurs couleurs vives rehaussaient le prestige des stands d’exposition tout en conférant à l’ensemble un gage bienvenu de sérieux. L’utilisation même du terme de « tableau » indiquait combien l’information statistique avait vocation à être exposée. L’« aspect décoratif36 » des planches statistiques était ici essentiel. Il fallait en somme que le public « prenne goût37 » à la statistique au contact de la méthode graphique.
- 38 É. Levasseur, La Statistique graphique, op. cit., p. 3.
- 39 Émile Levasseur, « La statistique. Leçon d’ouverture du cours de l’école libre des sciences politiq (...)
- 40 É. Levasseur, « Stéréogramme… », art. cité, p. 108.
- 41 G. T. W. Patrick, « The Rivalry of the Higher Senses », The Popular Science Monthly, vol. 39, oct. (...)
- 42 [Georges-Louis Buffon], « De L’Homme », in Œuvres complètes de Buffon avec des extraits de Daubento (...)
- 43 A. Ekström, « “Showing at One View.”… », art. cité, pp. 36-37.
- 44 É. Cheysson, « Les méthodes de statistique graphique à l’Exposition universelle de 1878 », Bulletin (...)
18La statistique graphique se distinguait ainsi des autres images scientifiques par son indéniable capacité à « frapper l’imagination38 ». Pour Levasseur, par exemple, qui croyait fermement aux principes de l’« éducation par les sens » et de l’instruction intuitive, les formes, les objets et les couleurs devaient donner « à la notion abstraite de chiffres une forme sensible et concrète »39. N’exigeant pas un « œil exercé40 », l’acquisition des savoirs statistiques pouvait s’appuyer sur la subjectivité de l’appareil perceptif des visiteurs. À côté des images proprement dites, l’« éducation par la main41 », ainsi qu’on la désignait alors parfois, était elle aussi appelée à jouer un rôle décisif dans l’acquisition des connaissances. Considéré par certains savants comme le sens le plus apte à « rectifier les autres sens » et à en contrecarrer les « illusions »42, le toucher devait avantageusement compléter les imperfections de l’éducation par les yeux. Les représentations en relief de la statistique – stéréogrammes ou « solides » – en offraient un exemple frappant (fig. 4)43. En substituant les courbes statistiques aux courbes de niveau bien connues des amateurs de reliefs géographiques, le « solide » donnait corps aux informations quantitatives. Dans certains cas, la statistique se faisait même paysage. Le stéréogramme était décrit comme « un terrain véritable, avec ses montagnes et ses vallées, qui représenterait les faits statistiques, non seulement pour les yeux, mais encore pour le toucher44 ». Dans les musées sociaux issus de la mouvance réformatrice de la fin du XIXe siècle, le toucher constituait la pierre angulaire de l’« éducation populaire ». Divers dispositifs participatifs invitaient ainsi le spectateur à se saisir – souvent littéralement – de la statistique pour éprouver de sa main la plasticité des données (fig. 5). Autrefois abstraites et intangibles, celles-ci s’offraient désormais au public sous la forme de machines et de reliefs, dont les différents leviers pouvaient être actionnés et manipulés selon une gestuelle qui mimait les mouvements du travail mécanisé. Ainsi mis à contribution, le corps du visiteur devenait le siège central du savoir et le moteur de l’acquisition des connaissances.
4. Vue du stéréogramme exposé à l’Exposition universelle de Paris (pavillon des Travaux publics), Paris, 1889

Tirage sur papier albuminé d’après négatif sur verre, 53,5 x 43,5 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie (FOL-VE-65 [O]).
5. Vue de l’appareil présentant la balance commerciale de la Suisse dans la salle 4 (« Vermögen [fortune] ») du Schweizerisches Sozialmuseum, [Zurich, 1916]
![5. Vue de l’appareil présentant la balance commerciale de la Suisse dans la salle 4 (« Vermögen [fortune] ») du Schweizerisches Sozialmuseum, [Zurich, 1916]](docannexe/image/614/img-5-small480.jpg)
Carte postale. Zurich, Schweizerisches Sozialarchiv (000/37 Z 1).
19Si l’émergence de la question sociale joua un rôle fondamental dans la diversification des pratiques visuelles et matérielles de la statistique, l’inflation croissante des représentations graphiques, dans l’espace de l’exposition notamment, finit par avoir raison de l’idéal positiviste qui avait animé les « militants de la statistique ». Autrefois loués pour leur clarté et pour leur faculté à synthétiser l’information, diagrammes et cartogrammes avaient échoué à exprimer de manière simple des données complexes. À la veille de la Première Guerre mondiale, les images graphiques, placées au cœur de la croisade statistique menée dans le dernier quart du XIXe siècle, avaient pris les traits d’un langage surchargé et sibyllin (fig. 6). Ce phénomène se mesura non seulement au nombre et à l’inflation des images graphiques, mais également à leur extraordinaire mobilité dans l’espace public, comme à New York en 1913 où des « chars » statistiques circulèrent dans les rues à l’occasion de la parade municipale (fig. 7). De l’excès de visibilité avait ainsi surgi un paradoxal manque de lisibilité.
6. Eugène Würgler, vue de l’exposition sur la tuberculose organisée par Francis Cevey au Musée pédagogique, Fribourg, 1911

Tirage argentique. Lausanne, Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique (IUHMSP).
7. Vue d’un défilé statistique lors de la parade municipale de la ville de New York en 1913, tirée de Willard Cope Brinton, Graphic Method for Presenting Facts, New York, The Engineering Magazine Company, 1919, p. 343

Du diagramme au photogramme : la statistique, moyen de communication de masse
- 45 A. Desrosières, Gouverner par les nombres, op. cit., p. 38.
20L’éclatement de la Première Guerre mondiale marqua une véritable reconfiguration des discours sur la statistique graphique, qui dépassa largement le seul cas français. Alors que la génération des « militants de la statistique » s’éteignait progressivement et que la profession entrait, partout en Europe, dans une « période de transformation radicale45 », la nécessité de légitimer la « science statistique » se fit moins présente. En 1914, l’enseignement de la statistique s’était en effet généralisé et ses pratiques largement institutionnalisées. Quant aux formes visuelles de la statistique, elles s’étaient considérablement complexifiées, creusant ainsi l’écart entre ses déclinaisons savantes et populaires. Ces transformations eurent notamment des répercussions en Suisse où, à l’occasion de l’Exposition nationale de 1914, une importante controverse éclata sur les manières de visualiser et d’exposer la statistique. Elle opposa deux tendances, incarnées d’un côté par les bureaux officiels de statistique et de l’autre par les organisations d’entraide sociale issues de la mouvance réformiste.
- 46 Christian Mühlemann, « Die amtliche Statistik an der schweizerischen Landesausstellung 1914 in Bern (...)
- 47 « À travers l’exposition », Gazette de Lausanne, 23 mai 1914, p. 1.
21Les dizaines de tableaux présentés sur le stand du groupe de la statistique officielle étaient caractéristiques de la profusion graphique qui régissait encore de nombreux aménagements (fig. 8). D’après ses organisateurs, la section poursuivait un « but scientifique », au contraire d’autres groupes dénoncés pour leur propension à n’utiliser la statistique que dans un objectif de « propagande ou de réclame46 ». Pourtant, cette section fut fort mal reçue : « La plupart des visiteurs passent complètement indifférents devant les kilomètres de tabelles dont le Bureau fédéral de statistique a couvert les murs47 », accusait notamment la Gazette de Lausanne.
8. Vue de la section « Öffentliche Verwaltung, Städtebau (Administration publique, urbanisme) », Exposition nationale suisse à Berne, 1914

Tirage argentique. Zurich, Stadtarchiv Zürich (V.B.c.52).
- 48 Union suisse des Sociétés de consommation (U. S. C.). Rapports et Comptes concernant l’activité des (...)
- 49 George Michael Mulhall, Dictionary of Statistics, Londres/ New York, G. Routledge, 1884.
22Au contraire des bureaux officiels, les organisations d’entraide sociale renoncèrent à reproduire d’importants volumes de données chiffrées ou écrites. Elles privilégièrent les formes figuratives aux dépens des abstractions graphiques. Il fallait notamment éviter que l’espace ait une « apparence nue et ennuyeuse » et l’animer par des « statistiques en images plastiques » et des tableaux « plus ou moins humoristiques »48, à l’instar de la série de tableaux réalisés par l’artiste bâlois Paul Kammüller pour le compte de l’Union suisse des coopératives de consommation (fig. 9). En lieu et place des axes gradués et des courbes ordinairement utilisés pour représenter l’évolution temporelle des phénomènes économiques ou sociaux, Kammüller avait choisi de représenter le développement de la consommation de pâtes alimentaires sous les traits d’une soupière géante. Allongés à ses pieds – rappel lointain et amusé à l’iconographie des banquets antiques –, les coopérateurs y puisaient leur ration journalière. Les données numériques, ramenées à une fonction purement informative, étaient intégrées à l’image même. La mise en forme de ces illustrations rompait avec les règles de composition adoptées par le groupe de la statistique officielle. Au lieu de longues légendes explicitant les sens des tableaux graphiques, texte et image ne devaient ici faire qu’un. Si l’exactitude scientifique ne constituait assurément pas une priorité, l’incarnation des données chiffrées sous une forme figurative constituait en revanche un moyen de matérialiser les données sur le modèle des pictogrammes popularisés par le Dictionary of Statistics de Michael G. Mulhall paru en 188449. Au contraire des « graveurs-cartographes » sollicités pour la réalisation des premiers atlas statistiques, les illustrateurs tels que Kammüller, en s’inspirant des règles de composition des affiches ou de la réclame, réintroduisirent une dimension figurative que les abstractions géométriques popularisées à la fin du XIXe siècle avaient écartée.
9. Paul Kammüller, « Débit de pâtes alimentaires, en 1913 », illustration réalisée pour le compte de l’Union suisse des coopératives de consommation, tirée de Heinrich Schlosser, « Künstlerische statistische Darstellung », Das Werk, vol. 2, no 1, 1915, p. 9

- 50 Claire-Lise Debluë, « Économie de guerre et popularisation des savoirs en Suisse autour de 1917 », (...)
- 51 Heinrich Schlosser, « Ausstellungsstatistik und angewandter Kunst », Zeitschrift für schweizerische (...)
23L’éclatement de la Première Guerre mondiale renforça ce mouvement. Dans un climat marqué par le renchérissement et la pénurie des matières premières, la nécessité de justifier les différentes mesures adoptées dans le cadre de l’économie de guerre, dans un langage qui prétendait se distinguer des discours propagandistes, constituait un enjeu crucial pour les autorités publiques50. Pour mener à bien ce projet, il s’agissait de définir les contours d’un « nouveau champ d’activité51 », au sein duquel artistes et statisticiens devaient être amenés à collaborer plus étroitement qu’auparavant.
- 52 Wegleitungen des Kunstgewerbemuseums der Stadt Zürich 3. 18. November bis 8. Dezember 1914. Ausstel (...)
- 53 « Zur gegenwärtigen Ausstellung im Zürcher Kunstgewerbemuseum. Von Dr. Wilhelm Feld », Neue Zürcher (...)
24L’entrée de la statistique au musée, opérée sous les auspices du Bureau de la statistique de Zurich à l’automne 1914, devait marquer le début de cette ère nouvelle. Organisée en novembre 1914 au Kunstgewerbemuseum de Zurich, l’Exposition de représentations statistiques populaires avait pour ambition de populariser la statistique en tenant compte, cette fois-ci, des « dispositions psychologiques des spectateurs52 » (fig. 10). La série de Kammüller, récompensée lors de l’Exposition nationale, y fut présentée à côté d’autres tableaux graphiques sélectionnés pour leur clarté et leur concision53. Autour d’eux furent aménagés de larges espaces qui devaient correspondre aux canons de la nouvelle muséographie artistique. Ainsi agencés, les graphiques se présentaient sous les traits de véritables œuvres d’art, dont les formes, les couleurs et les caractères typographiques étaient présentés comme le fruit du travail d’illustrateurs expérimentés.
10. Alfred Willimann, Ausstellung populärer statistischer Darstellung (Exposition de représentations statistiques populaires), affiche pour le Kunstgewerbemuseum, Zurich, 1914

Lithographie, 70 x 50 cm. Zurich, Zürcher Hochschule der Künste/Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung (M-0732).
- 54 Ch. Mühlemann, « Die amtliche Statistik an der schweizerischen Landesausstellung 1914… », op. cit., (...)
- 55 Wilhelm Feld, « Ein neues Arbeitsgebiet für den kunstgewerblichen Zeichner », Die Schweizerische il (...)
25Faire converger les savoir-faire, renforcer la fonction pédagogique des représentations graphiques et reconquérir un public qui s’était détourné de la statistique : tel était en substance l’objectif de cette exposition organisée pour rectifier certaines des erreurs commises quelques mois auparavant. Mais l’attachement des statisticiens à nouer des relations privilégiées avec certains artistes ne s’arrêtait pas là. Il était également le signe d’une réelle volonté d’encadrer leurs pratiques et d’exercer un contrôle resserré sur la production des formes dites populaires de la statistique. La plupart des statisticiens persistaient en effet à souligner les dangers d’une « popularisation de la statistique à tout prix », préconisant l’adoption d’un « juste milieu »54, propre à préserver leurs intérêts. Il fallait, en somme, que l’art de l’affiche soit mis au service de « l’art du diagramme » et que l’illustrateur se mue en un véritable « graphiste statistique [statistische Graphiker]55 ».
26Cette redéfinition du rôle de l’artiste, véritable médiateur entre le statisticien et le grand public, fut au centre des reconfigurations observées au tournant de la guerre dans la manière de populariser les savoirs statistiques. Devenus des experts de la communication visuelle, les graphistes jouèrent un rôle crucial dans le renouvellement des formes visuelles de la statistique. Maîtrisant à la fois les codes de la typographie, de la photographie et de la modélisation en trois dimensions, ces artistes, désormais rompus aux règles élémentaires du langage publicitaire, éprouvèrent de nouvelles manières d’agencer les éléments textuels, chiffrés et photographiques jusque dans les expositions, qui s’imposèrent à partir des années 1920 comme d’importants lieux d’innovation et d’expérimentation graphiques.
27Durant l’entre-deux-guerres et, à plus forte raison encore après l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale, dans un climat de développement mais aussi de suspicion à l’égard des médias de masse, les enjeux épistémologiques qui avaient façonné les relations entre statistique et photographie à la fin du XIXe siècle se déplacèrent. Dans les discours spécialistes, le modèle photographique convoqué pour justifier l’inscription de la statistique dans l’espace savant fut progressivement abandonné. Considérée comme un langage légitime et autonome, la statistique graphique faisait désormais autorité parmi les autres images scientifiques. C’est ainsi davantage du point de vue des pratiques que se reconfigurèrent les relations entre photographie et statistique. L’utilisation de la photographie, cette fois-ci comme outil de communication, vint en effet renforcer la prétention du discours statistique à l’« enregistrement » immédiat du réel et à l’objectivité en conférant aux données abstraites une forme figurative.
- 56 Au sujet de l’usage de la statistique dans les films, voir Michael Cowan, Walter Ruttmann and the C (...)
28À elle seule, la figure du diagramme photographique incarnait cette prétention à l’efficacité du langage statistique (fig. 11). Longtemps maintenue dans une fonction essentiellement métaphorique, la photographie joua ainsi un rôle majeur pour l’entrée de la statistique dans la culture de masse. Dans les vitrines, les revues publicitaires, ou sur les écrans56, l’imaginaire statistique prit une telle importance que l’évocation d’une simple courbe ascendante suffisait à exprimer le succès d’une entreprise (fig. 12).
11. Robert Spreng, vue de l’exposition Schweizer Wirtschaftsschau. Durchhalten – Neugestalten (Exposition économique suisse. Persévérer – Réaménager), section des industries chimiques, conception et graphisme par Numa Rick, Lucerne, septembre 1942

Tirage argentique. Berne, Archives fédérales suisses (E7311 1990/145, vol. 3).
12. Anonyme, vues de la vitrine de l’Allgemeiner Consumverein (ACV), Bâle, [1941]
![12. Anonyme, vues de la vitrine de l’Allgemeiner Consumverein (ACV), Bâle, [1941]](docannexe/image/614/img-12-small480.jpg)
Tirages argentiques. Bâle, Coop Schweiz Zentralarchiv (Album 54).
- 57 Voir Multiplex Display Equipment, Saint-Louis Missouri, Multiplex Display Co., 1932, n. p. (<archive.org>).
- 58 « Les graphiques. Moyen de direction des entreprises. Conférence faite à la Société industrielle de (...)
- 59 Winfield A. Savage, Graphic Analysis for Executives, New York, Codex, 1924, p. 5.
29Paradoxalement, cette surmédiatisation du langage statistique s’accompagna d’un nouveau mouvement de repli. Dans certains cas, les idiomes traditionnels de la statistique, réduits à une dimension essentiellement symbolique, ne se résumèrent plus qu’à une infinie succession de flèches et de lignes exprimant l’idée d’un processus continuellement à l’œuvre. L’agencement de différents éléments graphiques rendit également plus floue la frontière entre le schéma scientifique ou technique et la statistique graphique proprement dite, de sorte que celle-ci, considérée en tant que langage autonome, tendit à se faire plus rare dans l’espace public. Certaines entreprises spécialisées dans la fabrication de supports de présentation commercialisèrent un type singulier de mobilier destiné à conserver les tableaux statistiques à l’abri des « regards indiscrets » et garantissant un usage « strictement confidentiel des données graphiques57 ». En France, c’est un membre de la Taylor Society qui préconisait d’afficher les graphiques dans le bureau du directeur, mais de « veiller à ce que les visiteurs n’aient pas la possibilité d’en comprendre la signification58 ». Au-delà d’un pur instrument de visualisation, le tableau graphique s’était donc imposé comme un attribut de pouvoir, indispensable au manager. Il était devenu, pour reprendre les termes d’un manuel états-unien à l’attention des cadres, un instrument de « contrôle et de supervision59 », appuyant la mise en œuvre des principes du scientific management au sein des entreprises. La construction d’un langage crypté, dont les clés n’auraient été détenues que par quelques rares initiés, rompait avec le modèle photographique de la transparence et de l’immédiateté si souvent plébiscité à la fin du XIXe siècle au sein des sociétés savantes, ainsi qu’avec les prétentions universalistes de la « méthode graphique ». Si la visibilité avait, dans le champ des sciences, longtemps constitué un gage de légitimité, le surcodage de la statistique, loin de signaler un rejet de ses formes graphiques, marqua au contraire l’absorption des « images numériques » par la culture de masse, dans un entrecroisement croissant des médias.
Notes
1 Émile Cheysson, « Histoire d’un tableau statistique. Conférence faite le 5 février 1888 au Conservatoire des arts et métiers », Revue scientifique, 18 fév. 1888, p. 200.
2 Émile Cheysson, Album de statistique graphique, Paris, Imprimerie Nationale, 1889, p. 2.
3 « Académie des sciences morales et politiques. Séance du samedi 8 mai 1880 », Journal officiel de la République française, 19 mai 1880, p. 5199.
4 C’est ainsi qu’Alain Desrosières qualifie cette génération de statisticiens aux identités professionnelles multiples. Voir Id., Gouverner par les nombres. L’argument statistique II, Paris, Presses des mines, 2008, pp. 41-43.
5 Émile Cheysson, « L’Exposition d’économie sociale et son installation », La Réforme sociale, t. 6, juil.-déc. 1888, p. 507.
6 Ibidem.
7 Voir notamment Miles A. Kimball et Charles Kostelnick (dir.), Visible Numbers. Essays on the History of Statistical Graphics, Farnham, Ashgate, 2016 ; Astrit Schmidt-Burkhardt, Die Kunst der Diagrammatik. Perpektiven eines neuen bildwissenschaftlichen Paradigmas, Bielefeld, Transcript Verlag, 2012 ; Marija Dalbello et Mary Shaw (dir.), Visible Writings. Cultures, Forms, Readings, New Brunswick/Londres, Rutgers University Press, 2011 ; Michael Friendly, « The Golden Age of Statistical Graphics », Statistical Science, vol. 23, no 4, 2008, pp. 502-535 ; Sybilla Nokolow, « Kurven, Diagramme, Zahlen- und Mengenbilder. Die Wiener Methode der Bildstatistik als statistische Bildform », Bildwelten des Wissens. Kunsthistorisches Jahrbuch für Bildkritik, vol. 3, no 1, 2005, pp. 20-33.
8 Signalons à ce sujet deux articles qui développent d’intéressantes perspectives, le premier dans le domaine des expositions, le second des publications : Anders Ekström, « “Showing at One View.” Ferdinand Boberg’s “Statistical Machinery” and the Visionary Pedagogy of Early Twentieth-Century Statistical Display », Early Popular Visual Culture, vol. 6, no 1, 2008, pp. 35-49 ; James Thompson, « Printed Statistics and the Public Sphere. Numeracy, Electoral Politics and the Visual Culture of Numbers, 1880-1914 », in Tom Crook et Glen O’Hara (dir.), Statistics and the Public Sphere. Numbers and the People in Modern Britain, c. 1800-2000, New York, Taylor & Francis, 2011, pp. 121-143.
9 « Discours de M. Octave Keller, président », Journal de la société de statistique de Paris, no 2, fév. 1890, p. 35.
10 Tom Crook et Glen O’Hara, « The “Torrent of Numbers.” Statistics and the Public Sphere in Britain, c. 1800-2000 », in T. Crook et G. O’Hara (dir.), Statistics and the Public Sphere, op. cit., p. 11.
11 J. Thompson, « Printed Statistics and the Public Sphere… », art. cité, p. 124.
12 Franz Joseph Mone, Théorie de la statistique, Louvain, Imprimerie Louvain Vanlinthout et Vandenzande, 1834, p. 139.
13 Émile Levasseur, La Statistique graphique. Read at the International Statistical Congress, held at the Jubilee of the Statistical Society of London, 23 juin 1885, Londres, Edward Stanford, 1885, p. 31.
14 É. Cheysson, « Histoire d’un tableau statistique », art. cité, p. 195.
15 Levasseur contribua à l’Exposition de l’économie sociale organisée dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris en 1889. Il rédigea notamment des comptes rendus sur l’Exposition universelle de Vienne (1873) et sur celle de Chicago (1893).
16 Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, Paris, Presses des mines, 2008, p. 39.
17 Émile Levasseur, « Stéréogramme construit par la direction de la statistique du Royaume d’Italie », Journal des économistes, t. 11, no 34, oct. 1880, p. 108.
18 É. Levasseur, La Statistique graphique, op. cit., p. 219.
19 Pierre Guillemenot, Essai de science sociale ou éléments d’économie politique. Notions fondamentales à l’usage des établissements d’éducation, Paris, Bray et Retaux, 1884, p. 6.
20 Émile Cheysson, « Section XIV – institutions patronales. Rapport de M. Cheysson », in Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Rapports du jury international. Groupe de l’économie sociale. Deuxième partie, Paris, Imprimerie nationale, 1891, p. 355.
21 Émile Levasseur, « Statistique graphique dans l’enseignement primaire », Journal de la société statistique de Paris, 1908, p. 141.
22 Mathieu Rouxel, « Comptes rendus », Journal des économistes, t. 11, no 1, juil. 1906, p. 137.
23 Pierre Foissac, La Longévité humaine ou l’art de conserver la santé et de prolonger la vie, Paris, J.-B. Baillère et fils, 1873, p. 259.
24 Maurice Block, Traité théorique et pratique de statistique [1878], Paris, Librairie Guillaumin, 1886, p. 418.
25 Sur cette question, voir Gilles Palsky, « The Debate on the Standardization of Statistical Maps and Diagrams (1857-1901). Elements for the History of Graphical Language », Cybergeo. European Journal of Geography, 1999 (en ligne).
26 « Rapport sur la méthode graphique appliquée à la statistique. Sous-section des méthodes graphiques et géographiques », Huitième session du Congrès international de Statistique à Saint-Pétersbourg. Rapports et résolutions, Saint-Pétersbourg, Impr. Trenké & Fusnot, 1872, pp. 22 et 23.
27 Ibid., p. 24.
28 Alfred de Foville, « La statistique et ses ennemis », Journal of the Statistical Society of London, 22-24 juin 1885 (« Jubilee Volume »), p. 92.
29 Émile Levasseur, « Quelques réflexions sur la statistique graphique », Journal de la société de statistique de Paris, t. 27, 1886, p. 225.
30 Lorraine Daston et Peter Galison, Objectivité [2007], trad. S. Renaut et H. Quiniou, Dijon, Les presses du réel, 2012, pp. 200 sq.
31 « Avant-propos », in Atlas graphique et statistique de la Suisse. Publié par le Bureau statistique du Département fédéral de l’intérieur, Berne, Buchdruckerei Stämpfli & Cie, 1897, p. IV.
32 François Brunet, La Naissance de l’idée de photographie, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 278.
33 M. Block, « L’élaboration statistique du prochain recensement », Journal des économistes, t. 15, no 43, juil. 1881, p. 331.
34 Antonio Favaro, Leçons de statistique graphique, Paris, Gauthier-Villars, 1885, p. 182.
35 Sur ce sujet, voir James W. Cortada, Before Computer. IVM, NCR, Burroughs, and Remington Rand and the Industry they Created, 1865-1956, Princeton, Princeton University Press, 1993, pp. 44-63.
36 É. Cheysson, Album de statistique graphique, op. cit., pp. 10-11.
37 « Discours de M. Octave Keller, président », op. cit., p. 35.
38 É. Levasseur, La Statistique graphique, op. cit., p. 3.
39 Émile Levasseur, « La statistique. Leçon d’ouverture du cours de l’école libre des sciences politiques », Journal de la société statistique de Paris, t. 49, 1908, p. 369.
40 É. Levasseur, « Stéréogramme… », art. cité, p. 108.
41 G. T. W. Patrick, « The Rivalry of the Higher Senses », The Popular Science Monthly, vol. 39, oct. 1891, pp. 761 sq.
42 [Georges-Louis Buffon], « De L’Homme », in Œuvres complètes de Buffon avec des extraits de Daubenton, et la classification de Cuvier, t. 3, Paris, Imprimerie d’Éverat et comp., 1837, p. 264.
43 A. Ekström, « “Showing at One View.”… », art. cité, pp. 36-37.
44 É. Cheysson, « Les méthodes de statistique graphique à l’Exposition universelle de 1878 », Bulletin de statistique et de législation comparée, t. 5, janv.-juin 1879, p. 33.
45 A. Desrosières, Gouverner par les nombres, op. cit., p. 38.
46 Christian Mühlemann, « Die amtliche Statistik an der schweizerischen Landesausstellung 1914 in Bern mit einem Ausblick auf die amtliche Statistik überhaupt », Zeitschrift für schweizerische Statistik, 1915, p. 255.
47 « À travers l’exposition », Gazette de Lausanne, 23 mai 1914, p. 1.
48 Union suisse des Sociétés de consommation (U. S. C.). Rapports et Comptes concernant l’activité des organes de l’Union pour l’année 1913, Bâle, Imprimerie de l’U. S. C., 1914, p. 10.
49 George Michael Mulhall, Dictionary of Statistics, Londres/ New York, G. Routledge, 1884.
50 Claire-Lise Debluë, « Économie de guerre et popularisation des savoirs en Suisse autour de 1917 », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, vol. 49, no 2, 2017.
51 Heinrich Schlosser, « Ausstellungsstatistik und angewandter Kunst », Zeitschrift für schweizerische Statistik, 1914, p. 348.
52 Wegleitungen des Kunstgewerbemuseums der Stadt Zürich 3. 18. November bis 8. Dezember 1914. Ausstellung populärer statistischer Darstellungen, Zurich, Gewerbeschule der Stadt Zürich, 1914, p. 6.
53 « Zur gegenwärtigen Ausstellung im Zürcher Kunstgewerbemuseum. Von Dr. Wilhelm Feld », Neue Zürcher Zeitung, 19 nov. 1914, p. 2.
54 Ch. Mühlemann, « Die amtliche Statistik an der schweizerischen Landesausstellung 1914… », op. cit., pp. 257 et 261.
55 Wilhelm Feld, « Ein neues Arbeitsgebiet für den kunstgewerblichen Zeichner », Die Schweizerische illustrierte Zeitschrift, vol. 19, 1915, p. 381.
56 Au sujet de l’usage de la statistique dans les films, voir Michael Cowan, Walter Ruttmann and the Cinema of Multiplicity, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2014, pp. 99-132.
57 Voir Multiplex Display Equipment, Saint-Louis Missouri, Multiplex Display Co., 1932, n. p. (<archive.org>).
58 « Les graphiques. Moyen de direction des entreprises. Conférence faite à la Société industrielle de Rouen. Le 9 mars 1935 par M. Robert Satet, membre du comité national de l’Organisation française et de la Taylor Society », Bulletin de la société industrielle de Rouen, no 1, janv.-fév. 1935, p. 281.
59 Winfield A. Savage, Graphic Analysis for Executives, New York, Codex, 1924, p. 5.
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | 1. Jacques Bertillon, Album de statistique graphique |
Légende | Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Cartes et plans (GE DD‑819). |
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Fichier | image/jpeg, 513k |
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Titre | 2. Anonyme, « Eine polygone Familie auf der Promenade (Une famille polygonale sur la promenade) », caricature parue dans Fliegende Blätter, vol. 50, no 1231, 1869, p. 52. Heidelberg, Universitätsbibliothek Heidelberg |
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Fichier | image/jpeg, 156k |
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Titre | 3. Illustrations du sphygmographe direct, tirées de Étienne-Jules Marey, La Méthode graphique dans les sciences expérimentales et principalement en physiologie et en médecine, Paris, G. Masson, 1878, p. 560 |
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Fichier | image/jpeg, 1,7M |
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Titre | 4. Vue du stéréogramme exposé à l’Exposition universelle de Paris (pavillon des Travaux publics), Paris, 1889 |
Légende | Tirage sur papier albuminé d’après négatif sur verre, 53,5 x 43,5 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie (FOL-VE-65 [O]). |
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Fichier | image/jpeg, 487k |
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Titre | 5. Vue de l’appareil présentant la balance commerciale de la Suisse dans la salle 4 (« Vermögen [fortune] ») du Schweizerisches Sozialmuseum, [Zurich, 1916] |
Légende | Carte postale. Zurich, Schweizerisches Sozialarchiv (000/37 Z 1). |
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Titre | 6. Eugène Würgler, vue de l’exposition sur la tuberculose organisée par Francis Cevey au Musée pédagogique, Fribourg, 1911 |
Légende | Tirage argentique. Lausanne, Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique (IUHMSP). |
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Titre | 7. Vue d’un défilé statistique lors de la parade municipale de la ville de New York en 1913, tirée de Willard Cope Brinton, Graphic Method for Presenting Facts, New York, The Engineering Magazine Company, 1919, p. 343 |
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Fichier | image/jpeg, 773k |
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Titre | 8. Vue de la section « Öffentliche Verwaltung, Städtebau (Administration publique, urbanisme) », Exposition nationale suisse à Berne, 1914 |
Légende | Tirage argentique. Zurich, Stadtarchiv Zürich (V.B.c.52). |
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Fichier | image/jpeg, 285k |
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Titre | 9. Paul Kammüller, « Débit de pâtes alimentaires, en 1913 », illustration réalisée pour le compte de l’Union suisse des coopératives de consommation, tirée de Heinrich Schlosser, « Künstlerische statistische Darstellung », Das Werk, vol. 2, no 1, 1915, p. 9 |
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Titre | 10. Alfred Willimann, Ausstellung populärer statistischer Darstellung (Exposition de représentations statistiques populaires), affiche pour le Kunstgewerbemuseum, Zurich, 1914 |
Légende | Lithographie, 70 x 50 cm. Zurich, Zürcher Hochschule der Künste/Museum für Gestaltung Zürich, Plakatsammlung (M-0732). |
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Titre | 11. Robert Spreng, vue de l’exposition Schweizer Wirtschaftsschau. Durchhalten – Neugestalten (Exposition économique suisse. Persévérer – Réaménager), section des industries chimiques, conception et graphisme par Numa Rick, Lucerne, septembre 1942 |
Légende | Tirage argentique. Berne, Archives fédérales suisses (E7311 1990/145, vol. 3). |
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Titre | 12. Anonyme, vues de la vitrine de l’Allgemeiner Consumverein (ACV), Bâle, [1941] |
Légende | Tirages argentiques. Bâle, Coop Schweiz Zentralarchiv (Album 54). |
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Fichier | image/jpeg, 371k |
Pour citer cet article
Référence papier
Claire-Lise Debluë, « De l’« image numérique » à la photographie. Exposer les savoirs statistiques au tournant du XXe siècle », Transbordeur, 2 | 2018, 54-65.
Référence électronique
Claire-Lise Debluë, « De l’« image numérique » à la photographie. Exposer les savoirs statistiques au tournant du XXe siècle », Transbordeur [En ligne], 2 | 2018, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/614 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12gwo
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