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Animer les morts. Le portrait photographique funéraire chez les Éwé

Animating the dead. The funerary photographic portrait among the Ewe people
C. Angelo Micheli
p. 182-195

Résumés

Les Éwé, présents au Togo, au Ghana et au Bénin, marquent les funérailles d’un portrait photographique du défunt. Le portrait hiératique de la personne décédée est une photographie réalisée de son vivant, souvent retouchée, embellie et encadrée par le talent d’un photographe professionnel afin de satisfaire le défunt et d’assurer les vivants du respect des rites. Le portrait, grâce aux propriétés mêmes de la photographie, garantit la présence du défunt par une image vivante et facilite son passage vers le monde des ancêtres – considérés comme vivants pour les Éwé –, monde de l’au-delà en lien perpétuel avec celui de l’ici-bas. Il accompagne les cérémonies (vodou et/ou catholique), il est également présenté aux côtés du corps mort, permettant dès lors un portrait mortuaire singulier. On le retrouve dans les faire-part, les annonces télévisées et sur les réseaux sociaux, il sert aussi de modèle pour la réalisation du portrait peint ou sculpté du tombeau. Si l’effigie funéraire était autrefois l’apanage des familles aisées, notamment chez les Yoruba auxquels les Éwé ont emprunté plusieurs traits culturels et esthétiques, le portrait funéraire permet aujourd’hui au plus grand nombre de célébrer ses défunts.

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Texte intégral

1Dans la plupart des sociétés de la région côtière située entre le Ghana et le Nigeria, les funérailles représentent un des événements les plus importants de la vie sociale. Elles répondent à la nécessité de rendre hommage aux défunts sur le point de rejoindre les ancêtres, défunts qu’il faut accompagner, respecter et craindre, dans un dialogue constant. Il en va ainsi en particulier chez les Éwé, habitant parmi d’autres populations le Ghana, le Togo et le Bénin. Une partie non négligeable des rites funéraires est marquée, depuis les années 1960, par l’omniprésence de la photographie. Plus que de simples photos-souvenirs, les portraits photographiques de défunts semblent constituer, par leurs propriétés indicielles mais aussi iconiques, le médium grâce auquel le mort demeure vivant et par lequel la vie des morts et celle des vivants restent éternellement liées, sans discontinuité, de génération en génération. De toute évidence, l’usage de la photographie a démocratisé le recours au portrait funéraire. En effet, si les effigies accompagnant les défunts ou les statues installées sur les tombeaux et chapelles funéraires étaient, à l’origine, l’apanage de familles aisées inhumant des dignitaires, notables et chefs, les portraits photographiques, plus accessibles et non moins prestigieux, ont permis à un plus grand nombre de célébrer et d’accompagner dignement leurs morts. Leur popularité est telle que des quantités de portraits photographiques funéraires éwé sont diffusées aujourd’hui non seulement par les chroniques nécrologiques des télévisions togolaises et ghanéennes, mais aussi par les réseaux sociaux tels que Facebook.

  • 1 Sur les représentations funéraires avant l’utilisation de la photographie et sur la photographie po (...)

2À bien des égards, l’introduction de la photographie paraît résulter de la modernisation des coutumes éwé ouvertes à l’adoption d’images photographiques provenant d’Europe. Pensons aux images de défunts photographiés sur leur lit de mort, exposées en France jusqu’aux années 1950 dans les devantures de studios photographiques. Images réalistes, sans concession, conservant le souvenir du moment de la mort, et renouant avec la tradition des masques funéraires1. Mais ces sources ont été réinterprétées et réinventées, les photos éwé des morts étant moins macabres et plus « animées » ; elles se sont fondues dans les traditions locales dont les portraits funéraires paraissent bien plus nettement marqués. Quelles sont les spécificités fonctionnelles et figurales de la photographie de funérailles dans la culture éwé ? Comment la photographie, dotée de ses qualités propres, est-elle venue s’inscrire dans les traditions rituelles de l’Ouest africain ?

  • 2 Seuls de rares auteurs, sur lesquels nous reviendrons, évoquent partiellement le sujet. Rowland Abi (...)

3Si les rites de funérailles et de deuil de cette partie du continent sont abondamment renseignés par l’ethnologie, nul ne s’est vraiment penché sur le portrait de funérailles chez les Éwé2, un objet moins signifiant pour les ethnologues attachés aux rites funéraires les plus importants, et confondu, pour d’autres chercheurs, dans la masse de la « photo de famille ». Nous l’appellerons portrait funéraire – réalisé du temps du vivant du défunt – afin de le distinguer du portrait mortuaire – celui du cadavre du défunt. Pour en comprendre le sens, nous nous appuyons sur les résultats d’enquêtes de terrain réalisées en 2005, puis en 2011 et 2012 dans dix-neuf villes et villages du pays éwé, situés dans la région du lagon de Keta (Ghana), dans la bande côtière qui va de Lomé (Togo) à Cotonou (Bénin) et à l’intérieur des terres togolaises et ghanéennes. Des enquêtes pendant lesquelles un corpus d’images de défunts de catégories sociales diverses et d’âges avancés, datant des années 1980 à nos jours, a été rassemblé et des entretiens menés avec une vingtaine de photographes et tout autant de participants des funérailles tels que parents et amis.

Le culte funéraire du peuple Éwé : aspects historiques et culturels

  • 3 De plus amples informations sont consultables chez Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé (...)
  • 4 Jacques Bertho, « La Parenté des Yoruba aux Peuplades de Dahomey et Togo », Africa. Journal of the (...)
  • 5 Les termes issus du vocabulaire éwé sont proposés dans leur langue d’origine, la lettre ɔ se pronon (...)
  • 6 En ligne : <joshuaproject.net>. 2 978 000 au Ghana, 1 477 000 au Togo, 536 000 au Nigeria et 139 000 au Bénin.
  • 7 Islam et protestantisme, plutôt minoritaires et sans influence sur le portrait photographique funér (...)

4De l’histoire et de la culture des Éwé – parfois écrit Évhé – nous ne retiendrons que quelques aspects utiles à la compréhension3. L’étude de leurs traditions montre que les Éwé tirent leurs origines de migrations successives qui, à partir du pays yoruba, dès le XVe siècle, aboutirent à leur implantation actuelle sur un territoire limité à l’ouest par la Volta et à l’est par le Mono4. Aussi ont-ils été respectivement en contact avec les aires yoruba – actuel Nigeria – et akan – Ghana. Alors qu’à la fin du XIXe siècle, ils furent divisés et rattachés à différentes colonies – Gold Coast, Togoland –, cette séparation n’a jamais entamé un fort sentiment d’appartenance à une culture commune. Elle se définit aujourd’hui aussi bien par des liens familiaux de part et d’autre des frontières que par une histoire, des traditions et une langue communes, même si des différences de langages sont notées entre divers sous-groupes éwé. Bien qu’ils relèvent des gouvernements des pays où ils vivent, les Éwé se réfèrent aussi à un système de chefferies dirigées par les tɔgbui5, chefs traditionnels gardiens de la mémoire et de l’histoire. Ces derniers interviennent dans tous les aspects de la vie : familiale, sociale et politique ; ils jouent dès lors un rôle d’intermédiaire avec le pouvoir en place. Selon le recensement établi par le projet missionnaire chrétien Joshua Project, la population des Éwé s’élève en 2015 à 5 205 000 personnes6. Elle se répartit dans les villes côtières et dans quelques villes et villages de l’intérieur des principaux pays occupés, le Ghana, le Togo, le Bénin et le Nigeria. Qu’ils se situent en milieu citadin ou rural, et quelles que soient leurs activités, les Éwé montrent, dans divers aspects de la vie quotidienne, une persistance des pratiques coutumières, des rites et des cérémonies familiales, sociales et religieuses. La plupart des individus croyants adhèrent aux religions révélées7 – le christianisme, le plus souvent, dont plusieurs aspects recoupent les croyances endogènes en s’y associant parfois de manière syncrétique ou parallèle – tout en maintenant un fort attachement au culte vodu – ou vodun.

  • 8 Nazareno P. Contran, La Mort dans la littérature orale du Sud-Togo, Lomé, Société des africanistes, (...)

5De la naissance à la mort, les Éwé conçoivent la vie comme une continuité et une communication incessante entre le profane et le sacré, le visible et l’invisible, le quotidien et l’au-delà. Cette relation nécessite la médiation de spécialistes afin de se concilier les faveurs des vodun et des mânes des ancêtres lors des rites. Ainsi, les pratiques coutumières et religieuses entrent dans la définition d’un sentiment d’appartenance à une culture commune. À ces pratiques vient s’ajouter un ensemble de cérémonies. Les Éwé, comme de nombreuses populations d’Afrique de l’Ouest, célèbrent certains événements de la vie par des rites de passage, tel celui des funérailles, considérant la mort comme une partie intégrante du cycle vital. Agbe le kusi, « la vie appartient à la mort »8 dit un proverbe éwé.

  • 9 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 72.
  • 10 Selon G. K. Nukunya, « Some Underlying Beliefs in Ancestors Worship and Mortuary Rites Among the Ew (...)
  • 11 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 73.

6Chez les Éwé, la conception de la mort () correspond à la fois aux concepts de continuité et de rupture, ce qu’ils semblent d’ailleurs partager avec d’autres populations de la région comme les Mina, les Fon et les Yoruba. Pour mieux comprendre cette idée, il nous faut saisir leur notion de personnalité humaine. Les Ewé pensent qu’à la naissance, des éléments psychiques – mis en l’homme par Mawu, le Dieu Suprême – s’assemblent et forment une entité complexe qui anime le corps (ŋutilã) : « la surface de démarcation entre le visible et la réalité invisible. [Elle] porte de ce fait toute la tension qui se développe au point de jonction de ces deux univers »9. Les trois principales composantes de cette entité liée à la vie spirituelle sont10 : luvɔ, « l’âme de mort » ; gbɔgbɔ, « l’âme de vie » ; vɔvɔli, l’ombre. Les autres composantes suivantes sont inextricablement liées à luvɔ : « l’âme paternelle », une partie de la personne du père reçue à la naissance et « l’âme maternelle », équivalent féminin de la précédente. La présence de ces éléments spirituels explique la ressemblance entre un enfant et ses parents. Enfin, il faut mentionner la composante de la personne d’un ancêtre qui s’est réincarnée dans l’enfant. Au moment de la mort, l’entité complexe se désagrège. Luvɔ – » véritable principe vital de l’être humain11 », aspect invisible et spirituel qui demeure – rejoint le pays des esprits ancestraux et devient l’objet de rituels liés au culte des ancêtres ; gbɔgbɔ – le souffle qui maintient la relation entre ŋutilã et luvɔ – retourne à son lieu d’origine, auprès de l’Être Suprême ; vɔvɔli se dissout, elle disparaît quand le corps se retire du soleil.

  • 12 Albert de Surgy, « Le deuil du conjoint en pays évhé », dans Danuta Liberski (dir.), Système de pen (...)

7Dès lors, on comprend pourquoi la mort chez les Éwé ne marque que la fin de la vie terrestre et le début d’une autre vie dans l’au-delà, un départ et non un anéantissement total. Toutefois, si la mort est un passage, un changement d’état, un phénomène qui rompt le rythme de la vie sans y mettre fin, elle demeure la grande inconnue. Redoutée, révoltante, elle suscite, chez les Éwé comme ailleurs, un foisonnement de questions. Aussi les rites funéraires tendent-ils à accueillir la mort pour mieux la surmonter, la sublimer. Ils ont pour but d’aider le défunt « à accepter son nouveau mode d’existence, puisque sa disparition physique n’est pas un anéantissement ou un éloignement définitif mais une transformation des modalités de sa présence »12 ; de lui permettre d’intégrer la communauté des aïeux, en lui rendant avec crainte et respect les honneurs qui lui sont dus, et en manifestant le rituel dont tous les vivants d’ici et les ancêtres de l’au-delà observent le bon déroulement. Les rites du culte des ancêtres, succédant à ceux des défunts, s’adresseront à luvɔ, séjournant dans le pays des esprits ancestraux.

  • 13 À propos de la complexité des critères de bonne et mauvaise mort, lire : Louis-Vincent Thomas, « Re (...)
  • 14 Vaste sujet que celui de l’histoire de l’effigie funéraire dans les rites catholiques, autrefois ré (...)

8L’importance des funérailles est fonction de la nature du décès, de l’âge, du sexe et de la catégorie sociale du défunt13. Ce qui conduit les Éwé à dissocier la bonne mort (kúnyui) venant de Mawu, du destin ou des ancêtres et qui s’accomplit selon l’ordre naturel – mourir chez soi, âgé, sans souffrance, etc. – de la mauvaise mort (kúvɔe), accidentelle, insolite. La « bonne » mort jugée normale – s’accompagnant des rites les plus complets et donc de portraits – est celle des vieillards comblés d’années qui ont réussi leur vie. Celle des célibataires et des personnes stériles les expose à l’oubli. Les Ewé distinguent aussi les funérailles de chefs traditionnels, de prêtres et de notables, des funérailles des hommes et des femmes ordinaires. Si de sensibles variations sont notées à l’intérieur des sous-groupes éwé et avec les différentes populations voisines des pays côtiers, elles proviennent surtout de l’occidentalisation et de la christianisation des coutumes qui ont gagné les populations depuis leur évangélisation au XIXe siècle et qui tendent progressivement, depuis les années 1960, à marquer toutes les étapes du rite funéraire. Il s’agit notamment des normes sanitaires de la morgue s’ajoutant à l’embaumement rituel, de l’usage du cercueil se substituant souvent à celui du linge enveloppant le corps, de la pratique de la veillée, de la messe, de chants et de prières qui ponctuent les chants et danses traditionnels, de l’utilisation de l’eau bénite et de l’encens au lieu des alcools locaux, des cauris et des volailles sacrifiées, de la cérémonie de sortie de deuil, autrefois reportée à plusieurs mois après l’enterrement, désormais exécutée deux à trois jours seulement après la mise en terre du cadavre, plus récemment de la construction pour les plus fortunés de tombeaux en marbre identiques à ceux des cimetières européens, et enfin de la propagation du portrait funéraire auquel le catholicisme ne s’oppose pas, invitant même depuis des siècles à l’usage des images comme véhicule de l’âme14.

Le portrait photographique de funérailles

9Les funérailles ont lieu le plus souvent dans les jours ou les semaines qui suivent le décès, un jour ou deux avant l’inhumation. Une phase de préparation est indispensable pour avertir les participants, familles, amis, alliés, musiciens, réunir les éléments matériels nécessaires à la célébration, organiser les veillées de chants et de prières et, surtout, préparer le mort en vue de son exposition, de son transport et de sa mise en terre – lavage, onctions, pagnes, parures, objets déposés dans la tombe, etc. Les funérailles célébrées avec plus de faste exigent une telle accumulation de richesses et une si importante réunion de familles et de proches qu’elles peuvent se trouver ajournées jusqu’à deux ou trois mois, voire parfois deux ans après le décès, grâce aux morgues modernes. Autant de luxe, de dépenses et d’absentéisme au travail de la part des participants ne vont pas sans poser de problèmes aux sociétés contemporaines sécularisées.

10Les funérailles représentent un temps fort pour les photographes. Ils y réalisent des reportages et sont sollicités pour des portraits, comme lors d’autres rites de passage. Ils témoignent de l’existence, de la naissance à la mort. Le commerce de la photographie est en effet très développé et jouit d’un engouement sans borne dans la population. Il faut rappeler qu’entre la deuxième moitié du XIXe siècle et l’époque des Indépendances, la production photographique, notamment celle des portraits, était contrôlée – sauf pour quelques photographes locaux dans des colonies anglophones – par les photographes européens, les colons, les missionnaires et éditeurs de cartes postales. Or à partir des années 1960, chacun dans les sociétés africaines a pu se réapproprier son image. La plupart des gens ne possédant pas d’appareil ou préférant les talents d’un professionnel font appel à des studios (équipés d’une salle de prise de vue et d’un labo de développement) où le photographe travaille encore le plus souvent de nos jours avec un ancien appareil photo argentique.

  • 15 Entretien avec Caderi Koda dit Labara dans son studio « Image Plus » à Lomé, Togo, mars et avril 20 (...)
  • 16 Idem, mars 2010.
  • 17 Hans Belting, Pour une anthropologie des images, Jean Torrent (trad.), Paris, Gallimard, 2004, p. 1 (...)

11« Dans nos régions », confie Caderi Koda dit Labara (né en 1977), photographe éwé installé à Lomé, « les gens aiment être photographiés, ils aiment les photographies, c’est l’utilisation qu’on en fait et leur exploitation qui leur déplaît15 ». Il pointe, d’une part, les négligences ou les abus qui pourraient être commis lorsque les portraits, achetés à bas prix ou volés, passent en Occident dans les collections et sur le marché de l’art, et relève, d’autre part, la possibilité, selon les croyances locales, d’intervenir avec des intentions maléfiques sur le négatif photo. La photographie fait bon ménage avec le catholicisme comme évocation de l’invisible et support de propagation de la foi. Ainsi, Labara propose des portraits à une clientèle catholique, où l’âme rendue visible s’élève en médaillon au-dessus du défunt (fig. 1). « Il faut enluminer le personnage, dit-il, en le plaçant sur un fond d’étoiles, car c’est un fond de lumière propice à l’élévation de la personne décédée et au voyage de l’âme16 ». Cette pratique, datant de la fin du XIXe siècle en Europe, renvoie à l’une des intentions les plus anciennes des photographes et plus largement des artistes : faire advenir l’invisible dans le visible17.

1. Caderi Koda dit Labara, portrait funéraire, Togo, Lomé, 2007

1. Caderi Koda dit Labara, portrait funéraire, Togo, Lomé, 2007

Tirage couleur, 140 x 95 mm. Collection particulière.

12Le portrait d’origine, réalisé du vivant du défunt et constituant le modèle du portrait funéraire, est soigneusement choisi par la famille, nettoyé, souvent retiré d’après le négatif s’il existe encore, ou reproduit par copie photographique, agrandi selon les moyens et les besoins futurs. Lorsqu’il ne convient pas, qu’il est jugé abîmé, ancien ou trop flou, des modifications plus importantes sont engagées. Ferdinand Atayi Brown (né en 1974), vivant à Grand Popo au Bénin, mais dont l’activité se déroule essentiellement avec des clients éwé dans la ville de Lomé très proche, explique le déroulement du processus en commentant ses photographies (fig. 2 et 3) :

  • 18 Entretien avec Ferdinand Atayi Brown dans son studio « Studio Brown » à Grand Popo, Bénin, avril 20 (...)

La famille m’apporte la photo de l’Ancien : un portrait isolé ou en groupe, ou bien c’est juste une photo d’identité. J’isole la silhouette, je découpe le visage avec des ciseaux, ou mieux sur un ordinateur à Lomé. Son visage est monté sur le corps d’un autre et avec les vêtements d’un autre ; je peux changer le décor du fond ; je passe le noir et blanc en couleur quand la photo est trop vieille. Tout doit être fait pour embellir le portrait du défunt qui partira majestueusement en procession, ou qu’on verra plus simplement sur des petites cartes de visite souvenirs distribuées par la famille pendant les funérailles.18

2. Ferdinand Atayi Brown, portrait funéraire, Togo, Lomé, 2002

2. Ferdinand Atayi Brown, portrait funéraire, Togo, Lomé, 2002

Tirage couleur, 125 x 90 mm. Collection particulière.

3. Ferdinand Atayi Brown, carte de visite des funérailles de Savi Tossa, Bénin, Grand Popo, septembre 2004

3. Ferdinand Atayi Brown, carte de visite des funérailles de Savi Tossa, Bénin, Grand Popo, septembre 2004

Tirage couleur, 60 x 40 mm. Collection particulière.

13Michel Hounkanrin (né en 1954), plus proche quant à lui des Yoruba, l’un des rares photographes de la région côtière possédant depuis une dizaine d’années des appareils numériques et des ordinateurs dans son vaste studio de Cotonou, propose le même type de portrait funéraire où seul le visage appartient au défunt, alors que le corps, le vêtement et le décor sont entièrement reconstitués avec Photoshop (fig. 4). Ce portrait destiné originellement aux funérailles semble connaître un assez grand succès depuis les années 2000 auprès d’une clientèle aisée, tiré en format affiche, comme portrait d’apparat, plaqué dans un caisson lumineux sur roulettes afin d’être présenté et déplacé dans un appartement privé. Dans son propre laboratoire argentique ou dans les nouveaux laboratoires couleur coréens installés depuis une décennie dans les pays côtiers, Labara, quant à lui, transforme le portrait originel pour créer le portrait officiel encadré qui trônera sur l’autel domestique familial, mais aussi le faire-part (fig. 5) et l’image destinée aux rubriques nécrologiques quotidiennes et très populaires de la presse et de la télévision.

4. Michel Hounkanrin, l’employé de studio Franck Padé prête son visage pour le modèle d’un portrait de funérailles, Bénin, Cotonou, 2004

4. Michel Hounkanrin, l’employé de studio Franck Padé prête son visage pour le modèle d’un portrait de funérailles, Bénin, Cotonou, 2004

Photomontage numérique sur ordinateur, dimensions variables. Collection particulière.

5. Caderi Koda dit Labara, faire-part d’invitation aux funérailles de Agbémaflé Mawugbe-Dawo, Togo, Lomé, 2010

5. Caderi Koda dit Labara, faire-part d’invitation aux funérailles de Agbémaflé Mawugbe-Dawo, Togo, Lomé, 2010

Carton en couleur, 210 x 150 mm. Collection particulière.

14La présentation du ou des portraits funéraires (fig. 6) agrandis et encadrés, aux parents, amis, familles alliées, musiciens et à un plus large public lors de la procession dans un quartier de la ville, ou dans le village est un moment intense des funérailles. Il est ensuite exposé dans la cour d’une concession sous un apatam, un dais constitué de pagnes (fig. 7). Lors de l’exposition du corps ou de la veillée funèbre, une autre photographie du mort est mise en scène : le corps du défunt entouré de ses proches offre un portrait de la famille posant pour la dernière fois aux côtés de son mort. De plus, un usage veut que le portrait funéraire et le corps du défunt soient photographiés ensemble. L’image produite, familière pour les proches mais surprenante pour des observateurs étrangers à leur culture, est celle du mort – un cadavre – accompagné de son portrait funéraire – un vivant (fig. 8 et 9). Enfin, le portrait funéraire initial (celui présenté aux parents puis lors de la veillée) tiré au format affiche sera exposé ultérieurement sur le bord des routes, plus spécifiquement chez les Anlo-Éwé de la région de la Volta au Ghana, annonçant des anniversaires de décès et des commémorations, mais surtout exhibé comme une « célébration de la vie », ainsi que nous l’indiquent de nombreux posters anglophones (fig. 10).

6. Caderi Koda dit Labara, funérailles de Madame Veuve Houkafio Koffi Agbati Alaglo née Sodjédo, décédée le 24 octobre 2008 à Lomé et inhumée à Alaglo, Togo, le 22 novembre 2008

6. Caderi Koda dit Labara, funérailles de Madame Veuve Houkafio Koffi Agbati Alaglo née Sodjédo, décédée le 24 octobre 2008 à Lomé et inhumée à Alaglo, Togo, le 22 novembre 2008

Tirage couleur, 110 x 160 mm. Collection particulière.

7. Angelo Micheli, funérailles de Jean Akato, village de Zopomahe, canton de Zanguera, Togo, avril 2011

7. Angelo Micheli, funérailles de Jean Akato, village de Zopomahe, canton de Zanguera, Togo, avril 2011

Photographie numérique. Collection particulière.

8. Mensan Aklassou, portrait mortuaire de Madame Gnaléosi Aklassou, Ghana, Keta, 6 février 2016

8. Mensan Aklassou, portrait mortuaire de Madame Gnaléosi Aklassou, Ghana, Keta, 6 février 2016

Tirage couleur, 160 x 110 mm. Collection particulière.

9. Ida Mehomey, portrait mortuaire de F. Édouard Mehomey dans son cercueil entouré de ses filles, Bénin, Porto Novo, 2003

9. Ida Mehomey, portrait mortuaire de F. Édouard Mehomey dans son cercueil entouré de ses filles, Bénin, Porto Novo, 2003

Tirage couleur, 110 x 150 mm. Collection particulière.

10. Angelo Micheli, panneau d’affichage funéraire : « Célébration de la vie. Chef traditionnel Agbodoxo Gamadi III. Ancêtre et chef suprême de l’aire traditionnelle d’Aflao, âgé de 86 ans », Ghana, Aflao-Keta, 2011

10. Angelo Micheli, panneau d’affichage funéraire : « Célébration de la vie. Chef traditionnel Agbodoxo Gamadi III. Ancêtre et chef suprême de l’aire traditionnelle d’Aflao, âgé de 86 ans », Ghana, Aflao-Keta, 2011

Photographie numérique. Collection particulière.

  • 19 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 53.

15Famille et photographe savent quel portrait d’origine conviendra au portrait funéraire officiel. Ils connaissent les codes de ce portrait destiné à la postérité par lesquels la composition doit se plier à une image stéréotypée : la disposition de la figure assise, de face, les mains ramenées sur les genoux constitue le modèle dominant du portrait funéraire. Seul le recadrage pour les différents supports – carte de visite, faire-part, affiche – peut modifier une silhouette. À cela s’ajoute parfois la présence d’un siège, signe de notabilité, permettant des variations stylistiques (voir fig. 4 et 8). La pose hiératique du modèle, adoptant l’attitude d’un chef ou d’un notable, tout imprégnée d’impassibilité et de prestance, convient à l’honneur qui est dû au défunt ou à la défunte. La spécificité de cette pose rappelle sa notoriété, son rang social et son accès au statut d’ancêtre, voire sa position au regard de l’histoire. En effet, le portrait vu dans l’espace public offre aux participants, comme aux observateurs étrangers, des informations sur les croyances religieuses et les rôles sociaux – grâce aux kente (des pagnes portés comme vêtements), aux accessoires et aux textes imprimés. Ce faisant, il valorise la lignée familiale qui s’enorgueillit d’un tel ancêtre. Et l’âge du défunt indiqué sur les faire-part, parfois très avancé par rapport à son âge réel pour des raisons symboliques (voir fig. 3 et 5), signale plutôt le respect et le sentiment de distance. Cette distance temporelle assigne déjà le défunt à la lignée des ancêtres, au point qu’« on lui attribue aisément [en l’absence d’état civil] plus de cent ans dans les avis quotidiens de décès de radio Lomé19 ».

16On évite de reproduire une image à l’aspect imparfait, laissant supposer une anomalie physique ou psychologique, afin de ne pas suggérer une mauvaise mort (kúvɔe) qui interdirait l’accès à l’ancestralité. Le teint est souvent éclairci, les traits du visage adoucis et la silhouette embellie par les kente : signes de richesse, souvent modifiés par photomontage ou Photoshop, dont l’éclat des couleurs apportera une beauté supplémentaire. Tout concourt à glorifier et à idéaliser les défunts dont l’âge et l’apparence semblent intemporels. L’image photographique ainsi produite n’est pas tant appelée dans sa capacité indicielle que dans sa dimension iconique. Bien que mimétiques, ces représentations répondent le plus souvent à un naturalisme idéalisé, où la ressemblance adhère non pas au réel mais à la réalité de l’image désirée par les Éwé. L’image n’est pas ici une reproduction du réel tangible, elle tend bien davantage vers une dimension poétique, une transfiguration du réel. Elle est une effigie intemporelle dépositaire de la mémoire et gage d’immortalité.

Le portrait funéraire, une image « animée »

  • 20 Louis-Vincent Thomas, La Mort africaine, op. cit., p. 147.
  • 21 S’il s’agit bien – en Occident comme chez les Éwé – de conserver la mémoire des morts. Pourtant, qu (...)
  • 22 À propos de la présence d’une absence, voir Roland Barthes, La Chambre claire, note sur la photogra (...)

17La mémoire en éwé (nukudodzinu) est ce dont on se souvient avec « l’œil de l’esprit » (nuku, l’œil). Par cette pose solennelle du portrait funéraire, où le corps fait face aux spectateurs et où le regard est éternellement fixé vers l’extérieur de son cadre, le défunt interpelle tout autant le monde des vivants, afin de se rappeler à eux, que celui des ancêtres dans lequel il va pénétrer. Gardons à l’esprit qu’il n’y a pas de césure entre les deux mondes, « il y a les vivants d’ici et ceux de là-bas20 ». Par cette composition frontale, le portrait évoque le défunt aux yeux des vivants dans un double mouvement propre à la mémoire. Il renvoie vers la vie matérielle passée du mort remémorant au vivant un temps d’autrefois, comme il le fait revenir du passé vers le temps présent, il le rappelle, le rendant vivant auprès des vivants. En conséquence, si le portrait, ici comme en Occident, implique les vivants et les incite à ne pas oublier le défunt en lui attribuant une place dans le présent, parmi eux21, et s’il est bien l’image d’une absence à laquelle il donne une présence22, cette notion de présence relève toutefois d’une signification particulière pour les Éwé. Ne pas laisser les morts sombrer dans l’oubli est fondamental dans cette culture, davantage encore que dans les sociétés occidentales. On célèbre le mort pendant et après les funérailles : anniversaires de décès, faire-part de commémoration imprimés aussi bien au Togo qu’au Ghana, affiches rappelant le souvenir des défunts chez les Anlo-Éwé. C’est d’ailleurs chez les Éwé de ces deux pays qu’on remarque l’usage du portrait photographique funéraire comme modèle de la réalisation de portraits peints et sculptés figurant sur les stèles et les monuments funéraires propres à perpétuer la vie des défunts – le monument renvoyant par définition à la mémoire. Il est intéressant d’observer la reprise de la composition frontale, hiératique et chromatique, dans laquelle des modifications de pagnes et des ajouts d’accessoires peuvent être apportés (fig. 11 et 12).

11. Angelo Micheli, portraits photographiques et peints de Dumega Yao Abraham Morladzah, au domicile de la famille, Ghana, Morladzah Kope, 2011

11. Angelo Micheli, portraits photographiques et peints de Dumega Yao Abraham Morladzah, au domicile de la famille, Ghana, Morladzah Kope, 2011

Photographie numérique. Collection particulière.

12. Angelo Micheli, Kpetata (tombeau) de Dumega Yao Abraham Morladzah, Ghana, Morladzah Kope, 2011

12. Angelo Micheli, Kpetata (tombeau) de Dumega Yao Abraham Morladzah, Ghana, Morladzah Kope, 2011

Photographie numérique. Collection particulière.

  • 23 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 13.

18Comme le soulignent les témoignages, les défunts continuent d’exister – ils sont présents parmi les vivants. Si présents qu’ils pourraient aussi bien revenir pour perturber les vivants et compromettre la paix familiale et l’ordre social s’ils ne sont pas satisfaits de leurs funérailles. C’est pourquoi il convient d’organiser des funérailles conformes à la tradition, de présenter des portraits funéraires qui les honorent et de perpétuer leur mémoire afin de protéger la communauté de leur mécontentement23. De même, soulignons le soin apporté par les familles éwé aux jumeaux décédés, mais spirituellement vivants, dont on redoute les humeurs et dont on prend soin grâce à leurs représentations sculptées, les venavi (sur lesquelles nous reviendrons).

  • 24 Jean-Christophe Bailly, L’Apostrophe muette. Essai sur les portraits du Fayoum, Paris, Hazan, 1997, (...)
  • 25 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 73.

19Images non pas tant de la vie que du vivant, ces portraits mémoriels immobiles et impassibles aux yeux ouverts, au-delà de la matérialité de leur support, semblent alors se situer « au bord du temps, dans un retrait qui n’est plus leur vie et qui n’est pas encore leur mort24 », pour reprendre les mots de Jean-Christophe Bailly à propos des portraits du Fayoum. Pourtant, la personne représentée par le portrait est bien décédée, du moins son corps est mort, ainsi que nous le rappellent les Éwé : « le corps est pour les termites, dit un proverbe mais le luvɔ demeure en vie : yutila ya baba tse, luw ya noa agbe25 ». La photographie mortuaire l’atteste – cadavre sur un lit, un catafalque ou dans son cercueil (voir fig. 8 et 9). Toutefois, le portrait du défunt de son vivant aux côtés de son cadavre constitue une image spécifiquement éwé, produite parfois par des populations sous influence yoruba et éwé entre le Nigeria et le Ghana, image juxtaposant et opposant l’apparence d’un vivant à l’absence irrévocable d’un mort, la présence spirituelle de son élément vivant luvɔ (âme de mort) soulignant l’absence de gbɔgbɔ (âme de vie) et l’imminente disparition de ŋutilã (son corps). Cette image occupe ainsi un espace intermédiaire entre les vivants et les morts, comme le souligne le commissaire et critique d’art contemporain, d’origine nigériane, Okui Enwezor lorsqu’il commente de semblables images réalisées au Bénin :

  • 26 Okwui Enwezor, « Life & Afterlife in Benin », op. cit., p. 6‑15, p. 12.

Le portrait occupe un espace transitoire. Il relie le corporel et le spirituel, les vivants et les morts, le monde des esprits des ancêtres et le monde vivant de leurs parents. La signification de la mort ne concerne pas seulement la perte et le deuil ; elle ouvre sur la continuité, la communauté et la mémoire26.

Alors que le corps mortel du défunt se dissout dans le néant, son âme traduite par le portrait funéraire s’inscrit symboliquement dans la continuité des vivants. Ambroise Wukanya (né en 1949), installé à Lomé, confie ces éléments riches d’enseignements :

  • 27 Entretien réalisé avec Ambroise Wukanya dans son studio « Extra Photo Studio » à Lomé, en février 2 (...)

Je ne livre ni ne donne jamais les « clichés » (les négatifs) au mécontentement des clients qui les exigent. Dans notre langue éwé, on appelle le cliché luwɔ (parfois vɔvɔli ou vɔvɔ), ce qui signifie l’âme et représente aussi la personne dans le miroir ou dans l’eau. Les clients ont peur que je multiplie les tirages à partir d’un négatif, c’est-à-dire que je réanime de manière incontrôlée leur luwɔ : leur âme27.

  • 28 Lire à ce propos, Zoë S. Strother, « ‘A Photograph Steals the Soul.’ The History of an Idea », dans (...)
  • 29 Bien que les termes « mort » et « défunt » aient été utilisés en alternance, nous pourrions aussi p (...)
  • 30 Témoignage de Kolawole Ositola adressé le 1er décembre 1986 personnellement à Margaret Drewal Thoms (...)

20Si les rapprochements sémantiques autour de la photographie sont, dans la langue éwé, presque semblables aux nôtres, le rôle du photographe n’est en revanche pas le même. Le cliché (luwɔ) renvoie à l’âme comme au reflet ou à l’ombre (vɔvɔli). Mais le photographe a pour mission d’animer, ce qui signifie aussi bien en français qu’en langue éwé « donner la vie », l’anima est un « souffle de vie ». On accorde donc à l’image photographique le pouvoir de véhiculer ou de porter une âme – luvɔ, « l’âme de mort » qui ne disparaît jamais –, et au photographe d’insuffler la vie – gbɔgbɔ, « l’âme de vie », « le souffle de vie », voire de réanimer intempestivement un négatif photographique28. On comprend dès lors pourquoi le portrait funéraire est une image « animée », habitée de l’âme du défunt, qui, de son vivant, y a déposé une part de lui-même, semblant se préparer à la postérité. Et le portrait se voit comme conférer les propriétés d’une relique. Le portrait permet au disparu29 – il pourrait réapparaître – d’entrer dans la vie des morts et de rejoindre plus tard, après les libations des funérailles, celle des ancêtres, si le processus des funérailles s’est déroulé conformément à ce que ces derniers attendent. Ancêtres susceptibles de lui demander, comme l’exprime le devin ifa Kolawole Ositola, interlocuteur de l’ethnologue Margaret Thomson Drewal, spécialiste des rituels yoruba : « Pourquoi n’es-tu pas correctement initié, ou envoyé à nous ? Peut-être ta cérémonie s’est-elle mal déroulée, ou mal accomplie ?30 »

Influences croisées : Yoruba et Éwé

  • 31 Jacques Bertho, « La Parenté des Yoruba aux Peuplades de Dahomey et Togo », op. cit., p. 121‑132, i (...)

21Il existe une proximité entre les portraits funéraires au Bénin et ceux de la culture éwé. C’est particulièrement visible dans ceux observés par Okwui Enwezor et ceux conçus par Michel Hounkanrin. Ce dernier a d’ailleurs été formé par une photographe yoruba et vit dans la sphère culturelle des Yoruba. Aussi peut-on s’interroger sur leur influence et leur rayonnement au-delà de leur foyer d’origine situé entre le Nigeria et le Bénin. En premier lieu, rappelons que les Éwé tirent leurs racines historiques chez les Yoruba, avec lesquels ils partagent un assez grand nombre de coutumes, de croyances et de traditions familiales, comme d’autres populations de la région (les Fon, les Gen, les Aja et les Popo). Les anthropologues Jacques Bertho puis Honorat Aguessy ont noté, entre autres similitudes, le vodu, un ensemble de divinités, le système de divination ifa (fa ou afa), et particulièrement une conception de la mort et des rites qui lui sont attachés31.

  • 32 Marilyn Houlberg, « Feed Your Eyes. Nigerian and Haitian Studio Photography », Photographic Insight(...)
  • 33 Voir C. Angelo Micheli, « Doubles and Twins. A New Approach to Contemporary Studio Photography in W (...)

22Pour ce qui est des rites funéraires, deux aspects semblent frappants. Le premier aspect concerne les rites liés aux jumeaux : ibeji chez les Yoruba, hohovi chez les Fon, venavi chez les Éwé. Lors du décès d’un des jumeaux la coutume veut que la famille fasse sculpter une statuette, ou effigie, qui va le remplacer et dont elle prendra soin, le maintenant ainsi vivant aux côtés de son jumeau vivant. En 1973, l’historienne des arts africains et haïtiens Marilyn Houlberg32 remarque chez les Yoruba la substitution du portrait photographique à la sculpture des ere ibeji (ere : image, ibi : né, eji : deux), aussi efficace et plus économique. Le portrait du jumeau survivant, dédoublé, restituant l’image et la présence du jumeau mort, le culte peut être rendu sur l’autel familial où trône le portrait des deux enfants réunis en une image. Bien que les Éwé partagent des rites de gémellité très semblables, ils n’ont pas adopté cette nouvelle solution photographique. En revanche, ils en ont conservé les techniques en adoptant ce type de portrait dédoublé qui connaît depuis plusieurs décennies un vif succès populaire, succès vérifié dans la plupart des sociétés d’Afrique subsaharienne pareillement imprégnées, avec beaucoup de bonheur aujourd’hui, des cultures de la gémellité33.

  • 34 Rowland Abiodun, « A Reconsideration of the Function of ‘Àkó,’ Second Burial Effigy in Òwò », op. c (...)
  • 35 Justine M. Cordwell, « Naturalism and Stylization in Yoruba Art », Magazine of Art, vol. 46, no 5, (...)
  • 36 Babatunde Lawal, « The Living Dead. Art and Immortality Among the Yoruba of Nigeria », Africa. Jour (...)

23Le second aspect est celui de la cérémonie ako. L’historien des arts africains Rowland Abiodun34 a décrit avec précision la conception – en terre puis en bois – d’effigies habillées à taille humaine pour les rites funéraires ako dont l’institution remonterait à au moins cinq cents ans. Cette cérémonie – constituant des secondes funérailles, avec exposition de l’effigie, sa procession puis son inhumation – était réservée aux chefs et aux personnes d’un rang social élevé. Elle s’est étiolée sous le poids de la colonisation et de son coût très élevé, au point de cesser vers 1940-1945 à Owo, en pays yoruba, où sa tradition avait été la mieux conservée, semblant toutefois s’être diffusée dans l’espace yoruba, selon l’historienne Justine M. Cordwell35. Pour réaliser une effigie ressemblante, située entre naturalisme et réalisme, le sculpteur prenait comme modèle l’un des enfants du défunt, remplacé par la suite par une photographie de ce dernier, incitant de ce fait les sculpteurs ako à rivaliser avec le réalisme photographique. Babatunde Lawal36, historien des arts du Nigeria, signale toutefois un développement ultérieur, où, à l’effigie, se substitue un portrait photographique agrandi du défunt. L’historien de l’art Olu Oguibe souligne enfin l’influence fondamentale des principes de représentation ako en Afrique occidentale :

  • 37 Olu Oguibe, « Photography and the Substance of the Image », dans Clare Bell et al., In-Sight, Afric (...)

La cérémonie ako nous introduit à une philosophie de l’image qui rend caduc le débat sur la transparence, elle doit être placée au cœur de notre compréhension de la photographie en Afrique. La tradition des effigies funéraires n’est pas restreinte aux Owo, on peut en effet la retrouver dans toute l’Afrique, et c’est au sein de cette tradition du geste de ressemblance que nous trouvons les plus anciens usages de la photographie par des Africains37.

  • 38 Dans l’Atlas Colonial Illustré, Paris, Éditions Larousse, 1905, page 123, une représentation photog (...)
  • 39 Lire à ce propos Erika Nimis, Photographes d’Afrique de l’Ouest. L’Expérience yoruba, Paris, Kartha (...)
  • 40 Michelle V. Gilbert, « Ewe Funerary Sculpture », African Arts, vol. 14, nº 4, 1981, p. 44‑46 et 88  (...)

24En l’état actuel des recherches, il semblerait que les Éwé aient sculpté des effigies funéraires à l’instar des Yoruba avant l’usage de la photographie38. Les défunts auraient été le plus souvent accompagnés d’effets personnels qui les définissaient. Tout laisse penser qu’ils ont adopté la photographie comme médium adéquat pour un portrait, privilégiant ses propriétés iconiques et médiumniques plutôt que sa dimension mimétique. Cette adoption du portrait photographique funéraire, sans doute autour des années des Indépendances selon les photographes les plus âgés, est non seulement due à leur proximité culturelle avec les Yoruba, mais aussi au fait que ces derniers, connus pour avoir migré dans toute l’Afrique occidentale, comptent de nombreux photographes qui s’y sont installés et ont formé d’autres photographes, apportant, entre autres motifs photographiques, les portraits hiératiques de dignitaires et l’usage qui en est fait pour les rites funéraires39. De même, comme l’ont remarqué plusieurs auteurs40, il existe une proximité entre les figures altières sculptées d’après photographies pour des monuments funéraires des Yoruba et celles des tombeaux éwé auxquels il a été fait allusion précédemment. L’influence Yoruba se conjugue d’ailleurs avec celle qu’exerce le monde akan, en particulier ashanti (Ghana), dont les monuments funéraires sont proches de leurs voisins Éwé. Aussi cette tradition récente du portrait photographique funéraire chez les Éwé se situe-t-elle au croisement d’influences multiples exercées sur une culture favorable au portrait, une culture dans laquelle la photographie est venue remplir une fonction essentielle du rite funéraire, celle d’animer les morts.

  • 41 Il serait intéressant de comparer les portraits funéraires des Éwé à ceux de la société camerounais (...)

25Dans la société éwé, le portrait funéraire confère au défunt une présence qui le soustrait au temps et à sa condition mortelle, et qui substitue à son existence finie un espace temporel infini, celui du cycle continu des vivants et des morts, entre le visible et l’invisible. Comme tous les êtres humains, les Éwé ont cherché une représentation idéale du disparu. Ils l’ont trouvée, à l’instar d’autres sociétés d’Afrique41, grâce à la photographie dont les propriétés indicielles témoignent incontestablement d’une existence, et dont l’usage à des fins iconiques, symboliques et médiumniques permet d’endosser le rôle rempli auparavant par les effigies. Effigies des sociétés traditionnelles yoruba auxquelles ils sont culturellement liés et dont ils ont adopté depuis plusieurs décennies quelques pratiques sociales et artistiques. La photographie, ce médium largement accessible et populaire, en prise avec le monde moderne, lien entre le passé et l’avenir, a finalement réactualisé des traditions ancestrales, et transmis aux sociétés contemporaines un patrimoine culturel dont elle nourrit l’imaginaire.

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Notes

1 Sur les représentations funéraires avant l’utilisation de la photographie et sur la photographie post-mortem, lire Emmanuelle Héran (dir.), Le Dernier Portrait, Paris, RMN, 2002 et Katharina Sykora, Die Tode der Fotografie. Totenfotografie und ihr sozialer Gebrauch, Munich, Wilhelm Fink, 2009.

2 Seuls de rares auteurs, sur lesquels nous reviendrons, évoquent partiellement le sujet. Rowland Abiodun, « A reconsideration of the Function of ‘Àkó,’ Second Burial Effigy in Òwò », Africa. Journal of the International African Institute, vol. 46, no 1, 1976, p. 4‑20, ici p. 10‑14, aborde le remplacement de l’effigie des funérailles par un portrait photographique dans le rite funéraire ako des Yoruba du Nigeria ; de nombreux auteurs le citeront par la suite. Jean M. Borgatti, « African Portraits », dans Jean M. Borgatti, Richard Brilliant (dir.), Likeness and Beyond. Portraits from Africa and the World, New York, The Center for African Arts, 1990, p. 29‑83, ici p. 59, reproduit une photographie datée de 1977, prise en pays yoruba, dans laquelle une jeune femme porte en public le portrait photographique du défunt lors de ses funérailles. Il publie plus loin (p. 77), sans analyse, une photographie d’effigie Bwa de défunt, surmontée d’un portrait photographique, en 1985, au village de Boni, Burkina Faso. Okwui Enwezor, « Life & Afterlife in Benin. Photography in the Service of Ethnographic Realism », dans Alex Van Gelder (dir.), Life & Afterlife in Benin, New York, Phaidon Press, 2005, p. 6‑15, en particulier p. 12‑13, commente des portraits mortuaires du Bénin dans lesquels figurent un portrait photographique funéraire.

3 De plus amples informations sont consultables chez Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, Paris, Les Nouvelles éditions africaines, 1980 ; Nicoué Lodjou Gayibor, « Agɔkɔli et la dispersion de Notsé », dans François de Medeiros (dir.), Peuples du Golfe du Bénin (Aja-Ewé), Paris, Karthala, 1984, p. 21‑34 ; Albert de Surgy, Le Système religieux des evhe, Paris, L’Harmattan, 1988 et Robert Cornevin, Le Togo. Des origines à nos jours, Paris, Académie des sciences d’outre-mer, 1988.

4 Jacques Bertho, « La Parenté des Yoruba aux Peuplades de Dahomey et Togo », Africa. Journal of the International African Institute, vol. 19, no 2, avril 1949, p. 121‑132, ici p. 121. L’auteur précise qu’à l’origine « éwé » est un terme qui signifie la plaine, un espace géographique dont les Éwé ont adopté le nom.

5 Les termes issus du vocabulaire éwé sont proposés dans leur langue d’origine, la lettre ɔ se prononce [o].

6 En ligne : <joshuaproject.net>. 2 978 000 au Ghana, 1 477 000 au Togo, 536 000 au Nigeria et 139 000 au Bénin.

7 Islam et protestantisme, plutôt minoritaires et sans influence sur le portrait photographique funéraire des Éwé, ne sont pas abordés dans cet article.

8 Nazareno P. Contran, La Mort dans la littérature orale du Sud-Togo, Lomé, Société des africanistes, 1984 (tapuscrit), p. 91.

9 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 72.

10 Selon G. K. Nukunya, « Some Underlying Beliefs in Ancestors Worship and Mortuary Rites Among the Ewe », dans La Notion de personne en Afrique noire, Actes du colloque du CNRS, 11‑17 octobre 1971, Paris, CNRS/L’Harmattan, 1973, p. 119‑130, ici p. 120.

11 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 73.

12 Albert de Surgy, « Le deuil du conjoint en pays évhé », dans Danuta Liberski (dir.), Système de pensée en Afrique noire, no 19 (« Le deuil et ses rites I »), 1989, p. 105‑134, ici p. 132‑133.

13 À propos de la complexité des critères de bonne et mauvaise mort, lire : Louis-Vincent Thomas, « Remarques sur quelques attitudes négro-africaines devant la mort », Revue française de sociologie, vol. 4, no 4, 1963, p. 395‑410, ici p. 400 ; Louis-Vincent Thomas, La Mort africaine, idéologie funéraire en Afrique Noire, Paris, Payot 1982, p. 52‑53 ; Albert de Surgy, « Le deuil du conjoint en pays évhé », op. cit.

14 Vaste sujet que celui de l’histoire de l’effigie funéraire dans les rites catholiques, autrefois réservée aux élites, qui prend autant ses sources dans les Imagines romaines que dans les portraits du Fayoum (portraits romains d’Égypte), et qui accompagne encore aujourd’hui de nombreuses processions des communautés catholiques à travers le monde (des images glanées sur Internet en témoignent aussi bien en Ukraine qu’en Chine).

15 Entretien avec Caderi Koda dit Labara dans son studio « Image Plus » à Lomé, Togo, mars et avril 2010.

16 Idem, mars 2010.

17 Hans Belting, Pour une anthropologie des images, Jean Torrent (trad.), Paris, Gallimard, 2004, p. 185. Dans son chapitre sur « L’image et la mort », l’auteur rappelle sous un angle anthropologique le rapport fondamental entre l’une et l’autre : « la mort est une absence intolérable que les vivants cherchent à combler par une image qui puisse leur permettre de la supporter. »

18 Entretien avec Ferdinand Atayi Brown dans son studio « Studio Brown » à Grand Popo, Bénin, avril 2011.

19 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 53.

20 Louis-Vincent Thomas, La Mort africaine, op. cit., p. 147.

21 S’il s’agit bien – en Occident comme chez les Éwé – de conserver la mémoire des morts. Pourtant, qui souhaiterait aujourd’hui – dans nos sociétés européennes sécularisées, contrairement à ce qui a lieu dans la société éwé – les voir demeurer ou revenir sans les considérer comme des intrus dans l’existence des vivants ?

22 À propos de la présence d’une absence, voir Roland Barthes, La Chambre claire, note sur la photographie, Paris, L’Étoile/Gallimard/Seuil, 1980 et André Rouillé, La Photographie, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2005, ce dernier évoquant le double mouvement de la mémoire traité par Henri Bergson.

23 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 13.

24 Jean-Christophe Bailly, L’Apostrophe muette. Essai sur les portraits du Fayoum, Paris, Hazan, 1997, p. 20.

25 Claude Rivière, Anthropologie religieuse des Évé du Togo, op. cit., p. 73.

26 Okwui Enwezor, « Life & Afterlife in Benin », op. cit., p. 6‑15, p. 12.

27 Entretien réalisé avec Ambroise Wukanya dans son studio « Extra Photo Studio » à Lomé, en février 2005.

28 Lire à ce propos, Zoë S. Strother, « ‘A Photograph Steals the Soul.’ The History of an Idea », dans John Peffer, Elisabeth L. Cameron (dir.), Portraiture and Photography in Africa, Bloomington, Indiana University Press, 2013, p. 177‑212.

29 Bien que les termes « mort » et « défunt » aient été utilisés en alternance, nous pourrions aussi parler d’un « disparu », disparu comme s’il pouvait spirituellement réapparaître, selon les croyances des Éwé. D’ailleurs, ces derniers préfèrent : na nukudodo ameyinugbewo dzi « en mémoire des disparus, de ceux qui sont partis », à na nukudodo amekukuwo dzi « en mémoire des morts ».

30 Témoignage de Kolawole Ositola adressé le 1er décembre 1986 personnellement à Margaret Drewal Thomson et cité dans Margaret Drewal Thomson, « Portraiture and the Construction of Reality in Yorubaland and Beyond », African Arts, vol. 23, no 3, 1990, p. 40‑49, ici p. 48.

31 Jacques Bertho, « La Parenté des Yoruba aux Peuplades de Dahomey et Togo », op. cit., p. 121‑132, ici p. 126‑132 ; Honorat Aguessy, « Convergences religieuses dans les sociétés Aja, Éwé, Yoruba sur la côte du Bénin », dans François de Medeiros (dir.), Peuples du Golfe du Bénin (Aja-Éwé), op. cit., p. 234‑239.

32 Marilyn Houlberg, « Feed Your Eyes. Nigerian and Haitian Studio Photography », Photographic Insight, vol. 1, no 2‑3, School of the Art Institute of Chicago, 1988, p. 3‑8 et p. 27.

33 Voir C. Angelo Micheli, « Doubles and Twins. A New Approach to Contemporary Studio Photography in West Africa », African Arts, vol. 41, no 1, printemps 2008, p. 66‑85.

34 Rowland Abiodun, « A Reconsideration of the Function of ‘Àkó,’ Second Burial Effigy in Òwò », op. cit., p. 4‑20.

35 Justine M. Cordwell, « Naturalism and Stylization in Yoruba Art », Magazine of Art, vol. 46, no 5, 1953, p. 220‑225.

36 Babatunde Lawal, « The Living Dead. Art and Immortality Among the Yoruba of Nigeria », Africa. Journal of the International African Institute, vol. 47, no 1, 1977, p. 50‑61, ici p. 52.

37 Olu Oguibe, « Photography and the Substance of the Image », dans Clare Bell et al., In-Sight, African Photographers, 1940 to the Present, cat. exp. (24 mai – 29 sept. 1996, New York, Solomon R. Guggenheim Museum), New York, Guggenheim Foundation, 1996, p. 231‑250, ici p. 241.

38 Dans l’Atlas Colonial Illustré, Paris, Éditions Larousse, 1905, page 123, une représentation photographique intitulée « Cérémonie funéraire chez les Évés » nous montre un groupe de jeunes hommes assis devant six effigies debout : des silhouettes drapées de pagnes, visages et épaules voilés d’un tissu clair et couvertes de chapeaux d’hommes.

39 Lire à ce propos Erika Nimis, Photographes d’Afrique de l’Ouest. L’Expérience yoruba, Paris, Karthala, 2005 et Idem, « Yoruba Studio Photographers in Francophone West Africa », dans John Peffer, Elisabeth L. Cameron (dir.), Portraiture and Photography in Africa, Bloomington, Indiana University Press, 2013, p. 103‑140. Le travail d’Erika Nimis définit parfaitement le rôle essentiel des photographes yoruba en Afrique de l’Ouest.

40 Michelle V. Gilbert, « Ewe Funerary Sculpture », African Arts, vol. 14, nº 4, 1981, p. 44‑46 et 88 ; Jacques Soulillou, Côme Mosta-Heirt, Sculptures en ciment du Nigeria, de S. J. Akpan et A. O. Akpan, cat. exp. (4 janv.-2 mars 1986, Calais, Musée des beaux-arts), Paris, Association française d’action artistique, 1985 ; Doran H. Ross, « ‘Come and Try.’ Towards a History of Fante Military Shrine », African Arts, vol. 40, no 3, 2007, p. 12‑35.

41 Il serait intéressant de comparer les portraits funéraires des Éwé à ceux de la société camerounaise observés sur Internet, et à ceux d’Éthiopie à propos desquels on peut consulter Richard Pankhurst, « The Political Image. The Impact of the Camera in an Ancient Independent African State », dans Elizabeth Edwards (dir.), Anthropology and Photography, 1860-1920, New Haven/Londres, Yale University Press/Royal Anthropological Institute, 1994, p. 234‑241.

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Table des illustrations

Titre 1. Caderi Koda dit Labara, portrait funéraire, Togo, Lomé, 2007
Légende Tirage couleur, 140 x 95 mm. Collection particulière.
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Fichier image/jpeg, 1,6M
Titre 2. Ferdinand Atayi Brown, portrait funéraire, Togo, Lomé, 2002
Légende Tirage couleur, 125 x 90 mm. Collection particulière.
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Fichier image/jpeg, 1,8M
Titre 3. Ferdinand Atayi Brown, carte de visite des funérailles de Savi Tossa, Bénin, Grand Popo, septembre 2004
Légende Tirage couleur, 60 x 40 mm. Collection particulière.
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Fichier image/jpeg, 1,6M
Titre 4. Michel Hounkanrin, l’employé de studio Franck Padé prête son visage pour le modèle d’un portrait de funérailles, Bénin, Cotonou, 2004
Légende Photomontage numérique sur ordinateur, dimensions variables. Collection particulière.
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Titre 5. Caderi Koda dit Labara, faire-part d’invitation aux funérailles de Agbémaflé Mawugbe-Dawo, Togo, Lomé, 2010
Légende Carton en couleur, 210 x 150 mm. Collection particulière.
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Fichier image/jpeg, 785k
Titre 6. Caderi Koda dit Labara, funérailles de Madame Veuve Houkafio Koffi Agbati Alaglo née Sodjédo, décédée le 24 octobre 2008 à Lomé et inhumée à Alaglo, Togo, le 22 novembre 2008
Légende Tirage couleur, 110 x 160 mm. Collection particulière.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/497/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 533k
Titre 7. Angelo Micheli, funérailles de Jean Akato, village de Zopomahe, canton de Zanguera, Togo, avril 2011
Légende Photographie numérique. Collection particulière.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/497/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 729k
Titre 8. Mensan Aklassou, portrait mortuaire de Madame Gnaléosi Aklassou, Ghana, Keta, 6 février 2016
Légende Tirage couleur, 160 x 110 mm. Collection particulière.
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Fichier image/jpeg, 1,8M
Titre 9. Ida Mehomey, portrait mortuaire de F. Édouard Mehomey dans son cercueil entouré de ses filles, Bénin, Porto Novo, 2003
Légende Tirage couleur, 110 x 150 mm. Collection particulière.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/497/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 419k
Titre 10. Angelo Micheli, panneau d’affichage funéraire : « Célébration de la vie. Chef traditionnel Agbodoxo Gamadi III. Ancêtre et chef suprême de l’aire traditionnelle d’Aflao, âgé de 86 ans », Ghana, Aflao-Keta, 2011
Légende Photographie numérique. Collection particulière.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/497/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 648k
Titre 11. Angelo Micheli, portraits photographiques et peints de Dumega Yao Abraham Morladzah, au domicile de la famille, Ghana, Morladzah Kope, 2011
Légende Photographie numérique. Collection particulière.
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Fichier image/jpeg, 428k
Titre 12. Angelo Micheli, Kpetata (tombeau) de Dumega Yao Abraham Morladzah, Ghana, Morladzah Kope, 2011
Légende Photographie numérique. Collection particulière.
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Pour citer cet article

Référence papier

C. Angelo Micheli, « Animer les morts. Le portrait photographique funéraire chez les Éwé »Transbordeur, 1 | 2017, 182-195.

Référence électronique

C. Angelo Micheli, « Animer les morts. Le portrait photographique funéraire chez les Éwé »Transbordeur [En ligne], 1 | 2017, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/497 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12gwk

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Auteur

C. Angelo Micheli

C. Angelo Micheli est historien des arts africains. Ses recherches portent plus particulièrement sur les représentations de la gémellité dans les cultures africaines contemporaines. Il a notamment organisé une exposition de photographes contemporains africains à la Galerie Dettinger-Mayer, ainsi que Gémellités en 2012 et Femmes d’Afrique. Regards croisés en 2017 au Musée africain de Lyon. Il a entre autres publié « Double Portraits. Images of Twinness in West African Studio Photography » dans Twins in African and Diaspora Cultures, 2011, et « Les photographies de studio d’Afrique de l’Ouest. Un patrimoine en danger » dans Africultures, no 88, 2012.
C. Angelo Micheli is a historian of African art. His research focuses on the representation of twins in contemporary African culture. He has notably curated several exhibitions on this subject, including a show on contemporary African photography at the Galerie Dettinger-Mayer (Lyon) as well as “Gémellités” in 2012 and “Femmes d’Afrique : Regards croisés” in 2017 at the Musée Africain de Lyon. Among other writings, he has published “Double Portraits. Images of Twinness in West African Studio Photography” in Philip M. Peek (ed.), Twins in African and Diaspora Cultures (Indiana University Press, 2011), and “Les photographies de studio d’Afrique de l’Ouest. Un patrimoine en danger,” Africultures 88 (2012).

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