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Temporalités cachées dans Campo urbano, Côme, 1969

Hidden Temporalities in Campo Urbano, Como, 1969
Romy Golan
Traduction de Sophie Yersin Legrand
p. 166-181

Résumés

Dans la journée du 21 septembre 1969, quarante artistes investirent la ville de Côme avec une série d’interventions annoncées par une distribution de tracts. Campo urbano. Interventi estetici nella dimensione collettiva urbana fut coordonnée par l’historien Luciano Caramel, le photographe Ugo Mulas et Bruno Munari. Alors que d’autres interventions artistiques des années 1960 utilisèrent l’imprimé comme outil de documentation de la performance, le livre des photographies de Campo urbano est unique. Suivant les indications de Munari, les images furent imprimées à fond perdu, faisant alterner planches contact, vues d’en haut et clichés panoramiques. Un effet dynamique était créé en retournant les images, et Munari, afin de simuler une action d’effacement, avait pris le parti de virer dans un bleu céruléen les négatifs noir et blanc de Mulas. Rien ne pouvait être plus présentiste que ce livre et, pourtant, l’auteure nous montre que Munari a voulu déclencher une série d’associations visuelles avec des périodes plus anciennes de l’art italien et avec des épisodes fugaces d’une histoire encore non écrite de la participation.

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Notes de la rédaction

Traduction de l’anglais par Sophie Yersin Legrand

Texte intégral

  • 1 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur, Venise, 23 juillet 2013.
  • 2 La mise en page de Munari intègre sur les premières pages de chaque série de photographies les comm (...)
  • 3 Les photographies de Mulas, aujourd’hui conservées aux Archivio Ugo Mulas, à Milan, furent d’abord (...)

1Le 21 septembre 1969, quarante artistes – et avec eux des musiciens, des architectes, des critiques d’art, des pompiers municipaux, des électriciens et autres membres du public – prirent possession du centre historique de la ville de Côme, dans le nord de l’Italie, ainsi que d’une partie de son lac, pour une série d’interventions qui se déroulèrent du début de l’après-midi jusqu’à la nuit : Campo urbano. Interventi estetici nella dimensione collettiva urbana (Champ urbain. Interventions esthétiques dans la dimension urbaine collective). Les actions furent coordonnées par l’historien de l’art et de l’architecture Luciano Caramel et annoncées par le biais d’une distribution de tracts, puis photographiées par Ugo Mulas, plus connu pour ses reportages photographiques lors des Biennales de Venise1. « Il n’y avait pas d’argent », rappelle Caramel, « l’idée d’un livre de photographies est donc venue un peu plus tard ». Pour concevoir ce livre, Caramel s’est tourné vers son vieil ami Bruno Munari, dont l’atelier se situait tout près, à Monte Olimpino, et qui, comme Caramel le disait, « era di casa a Como » (était chez lui à Côme). Pour terminer, le livre fut imprimé bénévolement par deux Comasques, Camillo Vittani, imprimeur, et Cesare Nani, éditeur. Munari disposa les photographies de Mulas en séquences de quatre ou cinq images par « action », créant ainsi un livre de 146 pages2. Toute une année s’écoula entre les happenings et la sélection puis l’arrangement que Munari fit des images les documentant, année qui s’avérerait importante pour qu’il prenne la mesure de l’événement que fut Campo urbano3.

Un livre de photographies

  • 4 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur, Venise, 23 juillet 2013.
  • 5 Tullio Catalano, « Munari alla Serendipity di Roma », Flash Art, no 2/8, 1968, n. p. [On pourrait t (...)
  • 6 Clément Chéroux, Fautographie. Petite histoire de l’erreur photographique, Crisnée, Yellow Now, 200 (...)
  • 7 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur, Venise, 23 juillet 2013.
  • 8 Pour une analyse plus approfondie de ce phénomène, voir mes articles « Flashbacks and Eclipses in I (...)

2Bien que bon nombre des interventions artistiques de la fin des années 1960 utilisait l’imprimé comme plate-forme documentaire, le livre de Campo urbano est unique (fig. 1). Imprimé pleine page, il fait s’alterner planches contact, vues aériennes et panoramiques ; une partie des images pivotent verticalement, créant ainsi un effet dynamisant, et certaines actions artistiques débordent sur plusieurs pages. Les décalages dans les registres spatial et temporel captent la manière dont le photographe, les artistes et le public se déplacent à travers la ville pour participer aux événements qui souvent prennent place simultanément en différents lieux. Certaines images tirées d’après les négatifs noir-blanc de Mulas furent imprimées comme si elles avaient baigné dans une solution de bleu céruléen métallique, leur donnant un reflet et les rendant difficiles à lire, comme une sorte d’effacement. Caramel a précisé lors de notre entretien que l’utilisation du virage était une idée de Munari, que celui-ci mit en œuvre en plaçant deux encres différentes dans l’imprimante offset. « C’était un acte contre la photographie artistique, tout à fait dans l’esprit de Campo urbano, quelque chose que Munari comprenait mieux que quiconque4. » De la même manière, l’année précédente, Munari avait trafiqué une machine Xerox pour produire une série de Xerografie destinée à une petite présentation à la bien nommée galerie Serendipity, à Rome5. Dans Fautographie, son ouvrage consacré au concept d’erreur dans l’histoire de la photographie, Clément Chéroux précise que le terme « errer » signifie à la fois « faire des erreurs » et « aller çà et là, déambuler au hasard »6. En recréant certaines étapes importantes de la photographie amateur du XIXe siècle, par exemple quand le fixateur échouait à stabiliser l’image ou lors d’autres accidents de ce type, Munari tirait parti du hasard mais aussi, comme nous le verrons, des effets d’intermédialité. Rien ne pouvait être plus « instantané » et basé sur l’événement que Campo urbano, dont les séries d’interventions urbaines furent photographiées avec un simple appareil Olympus de poche sans lequel aucune trace de ce jour n’aurait été conservée. Comme le souligne Caramel, « il était essentiel que tout soit éphémère, sans sculptures dans la ville7 ». Et pourtant, une autre temporalité façonne le livre. La mise en page que Munari fit un an plus tard des photographies prises par Mulas déclenchait de façon délibérée une série d’associations avec un art italien plus ancien et avec les courtes pages d’une histoire encore à écrire d’un art de la participation. Procéder ainsi impliquait de traiter d’une période – la période mussolinienne – lors de laquelle l’avant-garde italienne fut écartée et en même temps motivée par le fascisme. En fait, le livre est structuré autour de deux modèles de temporalités non linéaires : le flash-back et l’éclipse. Et en passant de l’un à l’autre, il fonctionne comme une machine à remonter le temps8.

1. Couverture dépliée de Luciano Caramel, Ugo Mulas et Bruno Munari, Campo urbano. Interventi estetici nella dimensione collettiva urbana. Como, 21 settembre 1969, Côme, C. Nani, 1970

1. Couverture dépliée de Luciano Caramel, Ugo Mulas et Bruno Munari, Campo urbano. Interventi estetici nella dimensione collettiva urbana. Como, 21 settembre 1969, Côme, C. Nani, 1970

© Archivio Ugo Mulas, Milan

Interventions

  • 9 Voir Silvana Bignami, Alessandra Pioselli (dir.), Fuori ! Arte e spazio urbano 1968-1976, Milan, Mo (...)

3Campo urbano est né à la suite d’une série d’événements artistiques illustrant la réorientation de la pratique contemporaine vers une dématérialisation de l’objet d’art et la sortie de l’artefact hors de l’espace qui lui était assigné9. Le précédent le plus proche – même si les Italiens s’étaient arrangés pour éviter que leurs interventions ne soient que de banals divertissements et gadgets rétiniens – fut Une journée dans la ville, orchestré par les membres du collectif français Groupe de Recherche d’Art Visuel (GRAV), qui venait tout juste de se dissoudre. Plus près d’eux, il y avait ce que l’artiste et critique Piero Gilardi appelait mostre aperte (expositions ouvertes). La première fut Con/temp/l’azione le 4 décembre 1967, pour laquelle l’artiste turinois Michelangelo Pistoletto envoya l’un de ses Objets en moins (Oggetti in meno), une grande balle faite de papier journal, rouler hors de la galerie, sous les célèbres arcades de sa ville natale.

  • 10 Al di là della pittura / Beyond Painting, VIIIe Biennale d’art contemporain de San Benedetto del Tr (...)

4Quelques mois plus tard, Pistoletto lui-même se rendit dans les rues de petites villes de province pour jouer des pièces de théâtre improvisées à l’aide d’accessoires de fantaisie et de costumes néo-médiévaux, avec une troupe d’artistes qu’il appela Lo Zoo. L’été 1968, à Amalfi, Germano Celant réunit une équipe d’artistes internationaux pour Arte Povera + Azioni Povere, trois jours d’actions, performances et débats qui, en partant de l’ancien arsenal, se déversèrent dans les rues. L’été suivant, les historiens d’art et critiques Gillo Dorfles et Filiberto Menna organisèrent sur une journée un événement du même type, Al di là della Pittura (Au-delà de la peinture) à San Benedetto del Tronto, une petite ville au bord de la mer Adriatique. Comme à Amalfi, l’art se répandit hors les murs : en partant des locaux désertés d’une école secondaire, il se déversa dans les rues, dans le chantier naval, tout le long de la jetée et sur la plage10. Mais Campo urbano se différencie des manifestations qui l’avaient précédé par la façon dont on utilisa le centre historique de Côme à la fois comme réceptacle et comme cadre, ainsi que par la manière dont Mulas se concentra sur les actions artistiques mais aussi sur la mutabilité de la réaction du public – une mutabilité rendue ensuite encore plus nuancée par la mise en page de Munari.

  • 11 Attilio Marcolli, Teoria del campo. Corso di educazione della visione, Florence, Sansoni, 1971.
  • 12 Voir « Studenti in piazza a Como », Quadrante Lariano, no 2/7 (supplément), Côme, février 1969, et (...)

5Le choix opéré par Caramel de l’expression campo urbano plutôt que spazio urbano vient du titre d’un cours donné par l’architecte milanais Attilio Marcolli dans une école technique de la ville voisine de Cantù, « Teoria del campo. Corso di educazione della visione » (Théorie du champ visuel. Cours d’éducation de la vision). De ce cours, Marcolli avait tiré un ouvrage, un manuel scolaire du même titre, illustré par une myriade de schémas qui décrivaient le développement de quatre types de vision – géométrique, gestaltiste, topologique et phénoménologique – et leur application en urbanisation11. L’un des schémas, par exemple, incitait l’œil à suivre des points transversaux se dispersant et se regroupant tout en restant reconnaissables en tant que groupe distinct. Le livre de Marcolli était de bien des manières un retour aux expériences gestaltiques des années 1950, une époque où l’organisation de l’expérience visuelle devenait l’enjeu principal dans la redéfinition d’un art socialement engagé. Ce livre retint l’attention de Caramel parce que ses schémas semblaient aisément transposables aux movimenti di piazza, du nom de manifestations d’étudiants et de travailleurs qui avaient alors lieu dans presque toutes les villes d’Italie. Au début de l’année 1969, l’agitation attint finalement la ville de Côme, politiquement conservatrice et protégée jusque-là du fait qu’il ne s’agissait pas d’une ville universitaire12.

6Alors que les organisateurs de Campo urbano avaient cherché à être sponsorisés par la municipalité, l’Office de tourisme, la Chambre de commerce et toute autre institution prête à les financer, les actions mettaient en lumière la réalité de la dérégulation constante d’un pays comme l’Italie, connu pour ne pas observer toutes les règles à la lettre. Les interventions commencèrent en plein après-midi. À 15h, sur la Via Tommaso Grossi, près du centre-ville, le collectif Art Terminal tenta sans succès de retirer le portail en fer délabré de l’orphelinat de la ville, aidé en cela par ses jeunes occupants. Une demi-heure plus tard, un certain nombre d’actions commencèrent en plusieurs points de la Piazza del Duomo. Gianni Pettena, avec son intervention intrusive intitulée Come mai quasi tutti hanno scelto la piazza ? (Pourquoi ont-ils presque tous choisi la place centrale ?), « outragea » la place la plus majestueuse de Côme en enfilant de la lessive sur des cordes à linge placées entre deux lampadaires juste devant le Dôme (fig. 2). Ce rappel de la classe ouvrière – inesthétique mais en même temps d’un pittoresque éternel – amena une image de la périphérie italienne en plein centre-ville et lava métaphoriquement le linge sale des politiciens locaux et nationaux en public. Dans Segnaletica orizzontale (Signalétique horizontale), l’ex-peintre nucléaire Enrico Baj et ses collaborateurs, portant de faux uniformes couverts de médailles, mirent en scène la simulation d’un coup d’État. Utilisant un rouleau destiné au marquage des passages piétons, Baj peignit un immense drapeau italien sur la chaussée devant le Broletto, un bâtiment médiéval adjacent à la cathédrale et qui, à l’origine, abritait l’hôtel de ville. Des tracts furent lancés depuis les balcons et des affiches tricolores distribuées aux foules massées en bas, pendant qu’un groupe imitait des airs militaires (fig. 3). Dans le même temps, avec Visualizzare l’aria (Visualiser l’air), Munari invitait petits et grands à monter dans la tour et plier de petits bouts de papier avant de les jeter en direction du sol (fig. 4). Ils décrivaient des cercles comme le feraient des avions miniatures planant à des vitesses différentes et adoptant des trajectoires différentes, faisant ressentir la résistance de l’air. Ensuite vint Riflessione (Réflexion) de l’architecte Mario Di Salvo et de l’artiste conceptuel Carlo Ferrario, un duo de Côme qui aligna une série de miroirs au pied du Dôme, déséquilibrant véritablement l’édifice par une myriade de reflets et forçant les habitants à repenser leur relation au monument historique le plus emblématique de la ville (fig. 5). Face au Dôme, un magnétophone, caché derrière un miroir, dans un puits en ciment qui formait comme des fonts baptismaux, émettait des extraits de musique et des slogans politiques presque inaudibles, enregistrés pendant l’une des dernières manifestations. À 16h20, l’action se déplaça aux étroites rues médiévales attenantes avec Dilatazione spazio-temporale di un percorso (dilatation spatio-temporelle d’un parcours) de Grazia Varisco. Ancienne membre du collectif milanais Gruppo T, Grazia Varisco aligna des boîtes de carton sur la Via delle Cinque Giornate, créant une fausse barricade qui forçait les passants à suivre un chemin en zigzags jusqu’au bout de la rue. À 16h45, Valentina Berardinone dévoila sa Vittoria (antimonumento) (Victoire [anti-monument]) sur la Piazza San Fedele aux sons d’un groupe de musique en uniforme et de crachotements de moteurs. Elle peignit de grosses gouttes de sang rouges coulant sur le côté du mémorial, dans ce qui fut l’une des nombreuses touches burlesques du jour. Adoptant une approche silencieuse, Giulio Paolini déroula, entre deux balcons d’une rue voisine, une banderole proclamant Et quid amabo nisi quod aenigma est ? (Et qu’aimerais-je si ce n’est l’énigme ?), une phrase inscrite par Giorgio de Chirico sur le cadre d’un autoportrait daté de 1911. À 17h15, l’architecte et designer milanais Ugo la Pietra « libéra », ainsi qu’il le formula, l’artère commerciale principale de la ville, le Corso Vittorio Emanuele, de sa compulsion économique en construisant un tunnel en bois recouvert de plastique noir opaque qui ôtait les vitrines des magasins de la vue des piétons (fig. 6). 18h30 sonna l’heure d’un intermezzo sous forme d’une intervention musicale intitulée Suonando la città (Jouant la ville). Le compositeur florentin Giuseppe Chiari, lié à Fluxus, et la mezzo-soprano Franca Sacchi firent tirer des fils électriques qui partaient des fenêtres et de la tour du Broletto et traversaient la place afin de former une harpe géante. Connectée à des microphones et à des haut-parleurs, l’installation sonore comprenait des sirènes de voiture, deux lave-vaisselle et un mixeur. Après la distribution auprès du public de sifflets, de tambourins et d’harmonicas (ce fut l’intervention la plus appréciée et la plus bruyante de la journée), les habitants de Côme furent invités à « jouer » (suonare), littéralement, leur ville.

2. Gianni Pettena, « Pourquoi ont-ils presque tous choisi la place centrale ? »

2. Gianni Pettena, « Pourquoi ont-ils presque tous choisi la place centrale ? »

Tiré de “Campo urbano”, n. p.

© Archivio Ugo Mulas, Milan

3. Enrico Baj, « Signalétique horizontale »

3. Enrico Baj, « Signalétique horizontale »

Tiré de “Campo urbano”, n. p.

© Archivio Ugo Mulas, Milan

4. Bruno Munari, « Visualiser l’air »

4. Bruno Munari, « Visualiser l’air »

Tiré de “Campo urbano”, n. p.

© Archivio Ugo Mulas, Milan

5. Mario Di Salvo et Carlo Ferrario, « Réflexion »

5. Mario Di Salvo et Carlo Ferrario, « Réflexion »

Tiré de “Campo urbano”, n. p.

© Archivio Ugo Mulas, Milan

6. Ugo la Pietra, « Je couvre une rue, j’en fais une autre »

6. Ugo la Pietra, « Je couvre une rue, j’en fais une autre »

Tiré de “Campo urbano”, n. p.

© Archivio Ugo Mulas, Milan

7La nuit fut consacrée à des interventions plus poétiques d’anciens membres des collectifs milanais et padouans de l’Arte Programmata, Gruppo N et Gruppo T, des artistes qui avaient marqué les esprits avec leurs objets cinétiques, mais qui depuis s’étaient tournés vers la création d’environnements immersifs formés par manipulation de la lumière. À 21h, Dadamaino emmena les habitants de Côme près du lac – un site en grande partie ignoré, selon elle, dans la vie quotidienne de la cité. Elle dispersa des plaques phosphorescentes de mousse de polystyrène sur la surface du lac, animant ainsi l’étendue d’eau habituellement placide (fig. 7). À 21h15, après avoir longtemps débattu de ce qu’ils allaient faire, Edilio Alpini, Davide Boriani, Gianni Colombo et Gabriele De Vecchi décidèrent finalement de délimiter un périmètre spécial de la Piazza del Duomo pour Tempo libero : struttura temporale in uno spazio urbano (Temps libre : structure temporelle dans un espace urbain). Ce titre joue avec le mot temporale, qui en italien signifie à la fois « temporel » et « orage ». Les trois artistes firent appel aux pompiers municipaux et à des électriciens qui réquisitionnèrent les bornes d’incendie de la ville et déclenchèrent une tempête artificielle pendant que les haut-parleurs émettaient des sons de pluie préenregistrés et que des projecteurs lançaient des lumières bleu-vert interrompues par des flashes imitant la foudre frappant la chaussée mouillée (fig. 8). L’action synchronisée dura exactement quinze minutes. Dès que ce fut terminé, Munari commença à projeter ses lumières polarisées dans des parapluies blancs qui avaient auparavant été distribués dans le public et qui agissaient comme des écrans (fig. 9). Puis ce fut Marcia funebre o della geometria (Marche funèbre ou de la géométrie) de Paolo Scheggi dont les acteurs, portant de longues robes et des chapeaux pointus tels que ceux des pénitents des processions de la Semaine sainte, défilèrent depuis la place jusqu’aux rues environnantes, accompagnés par la musique de Franca Sacchi. Vêtus de couleurs différentes, ils portaient sur leurs épaules des effigies en carton des quatre formes géométriques de base. La journée se termina par un débat bruyant entre les artistes et le public dans une salle pleine à craquer de l’hôtel de ville de Côme, débat qui se poursuivit jusqu’après minuit.

7. Dadamaino, « Illuminations fluorescentes automotrices sur l’eau »

7. Dadamaino, « Illuminations fluorescentes automotrices sur l’eau »

Tiré de “Campo urbano”, n. p.

© Archivio Ugo Mulas, Milan

8. Edilio Alpini, Davide Boriani, Gianni Colombo et Gabriele De Vecchi, « Temps libre : structure temporelle dans un espace urbain »

8. Edilio Alpini, Davide Boriani, Gianni Colombo et Gabriele De Vecchi, « Temps libre : structure temporelle dans un espace urbain »

Tiré de “Campo urbano”, n. p.

© Archivio Ugo Mulas, Milan

9. Bruno Munari, « Projection de lumière polarisée », Campo urbano, n. p.

9. Bruno Munari, « Projection de lumière polarisée », Campo urbano, n. p.
  • 13 « Il costoso gioco di alcuni artisti. Campo urbano – aria di sagra e trovate Dada (un pò in ritardo (...)
  • 14 « Fra striscioni, scatoloni, panni, tunnel e bandiere. La festicciola domenicale degli artisti di C (...)
  • 15 « Sottocoperta », Il Timone, 26 septembre 1969.
  • 16 Germano Celant, « Arte turistica », Casabella, no 342, novembre 1969, p. 6‑7.
  • 17 Tommaso Trini, « L’estensione teatrale / Towards theatre », Domus, no 480, novembre 1969, p. 48‑51. (...)

8Le lendemain matin, le verdict de la presse locale, principalement conservatrice, fut sévère. La manchette du Corriere della Provincia indiquait : « Des jeux coûteux de quelques artistes : Campo urbano hier en ville – un air de fête et des idées dada (avec un peu de retard) » ; son critique résuma l’événement comme étant une tentative futile et condescendante de quelques artistes d’avant-garde pour produire des étincelles dans l’air d’une ville de province par un paisible dimanche après-midi. « Mais les futuristes et les dadaïstes ont fait un bien meilleur travail pour aller à la rencontre du public il y a quarante et cinquante ans. […] Les artistes dada étaient plus imaginatifs et ne demandaient pas de fonds publics13. » L’Ordine ricana : « Entre banderoles, cartons, tissus, tunnel et drapeaux : la petite fête dominicale des artistes de Campo urbano14. » Aux critiques qui s’étaient plaints d’assister à une nostalgie dada, l’auteur anonyme de la colonne satirique d’un autre journal local, Il Timone, répliqua : « Nous ne sommes pas d’accord. Les jeunes de Campo urbano manquaient de l’irrévérence qu’ils tentaient, pourtant avec beaucoup d’application, de rappeler15 ». La couverture que fit Germano Celant pour Casabella fut encore plus décevante pour Caramel : il qualifiait Campo urbano d’« art pour touristes » programmé pour coïncider avec les pèlerinages estivaux dans le bel paese16. Les doutes exprimés dans Domus par Tommaso Trini, un critique moins partisan et qui avait en fait participé à Campo urbano, étaient encore plus importants : « Pourquoi l’art descend-il toujours dans les rues le dimanche, et pour ceux qui s’y trouvent ? Le temps libre est mis aux enchères. Que cherchent-ils, ces artistes qui prennent part à de telles manifestations ? Proclamer leur exhibitionnisme ? Leur spontanéité ? Ou, peut-être, leur impuissance face à un exercice constructif ? Une échappatoire urbaine [un scampo urbano] à leur fin ? » Les photographies pleine-page de Riflessione, de Mario Di Salvo et Carlo Ferrario, exprimaient sans détour le thème de Trini avant même qu’on lise le titre de l’article, « L’estensione teatrale / Towards Theatre ». Le message qu’il voulait faire passer était clair : le centre historique de Côme avait été utilisé comme scène de théâtre, et les actions donnaient l’impression d’être expressément destinées à l’appareil photo17.

Flash-backs

  • 18 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur. Somaini publia finalement un livre intitulé Urgenza nella (...)
  • 19 Lea Vergine, « Le ceneri calde », dans Almanacco letterario Bompiani, Milan, Bompiani, 1969, p. 163 (...)
  • 20 Tommaso Trini, Ugo Mulas. Vent’anni di Biennale, Milan, Mondadori, 1988, p. 156‑159.
  • 21 « Sur l’emploi du temps libre » et « Die Welt als Labyrinth », Internationale Situationniste, no 4, (...)
  • 22 Voir Claire Bishop, Artificial Hells, op. cit., p. 87‑88.

9Entre les pages de ce livre, on voit en filigranes les manifestations parisiennes quasi-mythiques de mai 1968. Les images de ces événements – la police dispersant les manifestants avec du gaz lacrymogène, les canons à eau devant le Panthéon, la tentative d’incendie de la Bourse – sont immédiatement devenues emblématiques. C’est quelques semaines après les manifestations parisiennes que, de retour de la Biennale de Venise de 1968, Caramel et ses amis, le peintre Giuliano Collina et le sculpteur Francesco Somaini, amorcèrent leur réflexion en vue de réunir des artistes pour une série d’interventions dans leur ville natale. Ils partirent à la recherche de plusieurs sites envisageables dans le cadre urbain et les examinèrent de près18. La Biennale, tout comme la Triennale de Milan quelques semaines auparavant, avait tourné en champ de bataille. La police vénitienne, échaudée par les dégâts causés par les étudiants pendant l’occupation de la Triennale de Milan, réagit de façon excessive et chargea les manifestants. Choqués par cette situation, de nombreux propriétaires de galeries de Venise montrèrent leur solidarité avec les manifestants en baissant le rideau le jour de l’ouverture officielle de la Biennale (était-ce peut-être aussi pour éviter de voir les vitrines de leurs galeries voler en éclats ?). Dans les Giardini, les participants boycottèrent la manifestation en fermant certains pavillons nationaux. La critique Lea Vergine pouvait ainsi écrire : « À Venise, il y avait plus de policiers que d’œuvres d’art », alors que Germano Celant, de son côté, intitulait son compte rendu « Une Biennale vert de gris »19. Comme à son habitude, Mulas prit quelques-unes des photographies les plus marquantes de la Biennale. Dans une série d’images avec pour cadre la Piazza San Marco, on voit les manifestants se confronter à la police et portant des pancartes sur lesquelles on peut lire « Biennale fascista ». Sur l’une des photographies, le critique Tommaso Trini se fait traîner par la police sous les portiques de la Piazza San Marco, devant le célèbre Caffè Florian20. Le livre de Campo urbano, en permettant au lecteur de passer au crible des archives photographiques imaginaires, renvoie à des projets artistiques du passé non réalisés, comme la « situation construite » intitulée Die Welt als Labyrinth décrite par les situationnistes français et néerlandais dans le quatrième numéro de leur revue, en 196021. Ce projet aurait impliqué une dérive urbaine de trois jours dans le centre d’Amsterdam, accompagnée d’une « micro-dérive » dans deux salles du Stedelijk Museum, micro-dérive qui aurait comporté – comme c’était le cas pour le Tempo libero du Gruppo T – un système coordonné de pluie, de brouillard artificiel et de vent ; le passage des participants et du public par différentes zones thermiques et lumineuses, y compris un obstacle sous la forme d’un tunnel de « Peinture industrielle » de l’Italien Giuseppe Pinot-Gallizio ; une pièce sonore mêlant des bruits et des mots jetés au hasard distillés par une batterie de mégaphones. Finalement abandonné par les situationnistes – sans nul doute parce que trop spectaculaire et impliquant un public trop nombreux –, Die Welt als Labyrinth fut aussi l’une des rares situations construites décrites et donc « documentées » par les S. I. (situationnistes internationaux). Ceux-ci avaient en aversion toute documentation détaillée, ce qui provenait en partie de leur peur d’être imités et par conséquent de voir leurs projets « réifiés »22.

  • 23 Voir Maria Carla Cassarini, Miracolo a Milano di Vittorio De Sica. Storia e preistoria di un film, (...)
  • 24 Voir Tom Gunning, « The Cinema of Attractions. Early Film, Its Spectator and the Avant-Garde », Wid (...)
  • 25 Voir Philippe-Alain Michaud, Sur le film, Paris, Macula, 2016, p. 180‑181.

10Quelques photographies de Campo urbano évoquent aussi certaines séquences les plus marquantes, quoique un peu sirupeuses, du Miracolo a Milano (Miracle à Milan) de Vittorio De Sica, sorti en 1951. Le film se déroule dans les bidonvilles qui ont poussé lorsque les immigrants venus du Sud furent expulsés en périphérie de Milan. La série de photographies montrant des enfants, leurs parents et leurs grands-parents qui regardent avec curiosité les tunnels de plastique de La Pietra, qui ressemblent à des tentes, rappelle les scènes d’ouverture du film qui se déroulent dans les baraccopoli de la plus grande ville industrielle d’Italie. La série sur Tempo libero, puis celle qui suit sur l’intervention de Munari avec les parapluies, évoquent l’une des scènes finales de Miracolo a Milano qui regorge d’astuces techniques ; on y voit les migrants se protégeant de puissants jets d’eau – pompés à l’aide de lances à incendie par une police sous les ordres des capitalistes – sous une canopée de parapluies ouverts et pivotant à l’unisson. Comme par magie, en un mouvement inverse, l’eau semble refluer dans les lances à incendie. Dans les dernières images du film, sentimentales mais emblématiques, les migrants se retrouvent sur la Piazza del Duomo et s’envolent dans le ciel de Milan, agrippés à des manches à balai empruntés aux balayeurs municipaux23. Rare exemple de « néo-réalisme fantastique », le film de De Sica était lui-même un flash-back renvoyant à des temps plus anciens de l’histoire du cinéma, l’époque des tours de magie de Georges Méliès. On se souvient de ce que l’historien du cinéma Tom Gunning décrivait comme le « cinéma des attractions » au tournant du XXe siècle – une époque où le public se rendait dans des expositions pour assister aux démonstrations des toutes dernières merveilles technologiques, comme le film, ou pour voir des machines qui étaient de toutes les foires, comme les rayons X ou, encore avant, le phonographe24. Selon l’historien de l’art et du cinéma Philippe-Alain Michaud, les fantaisies burlesques de Méliès étaient un « dispositif de résistance au réalisme des images en mouvement » inventées par les frères Lumière. Et les œuvres de Méliès étaient elles-mêmes un autre flash-back : ses films « perpétuent, au moyen du cinéma, l’esprit des attractions foraines et du théâtre populaire que le cinéma, précisément, menaçait de remplacer. Ces fantaisies filmées sont tournées nostalgiquement vers leur propre passé dont elles entreprennent de conserver l’archive et d’inventer la fable »25. Ce sont les débuts de cette histoire du médium cinématographique que Munari voulait retrouver, pour les années 1960, dans son livre.

  • 26 Filippo Tommaso Marinetti, Contre Venise passéiste, Pierre Musitelli (trad.), Paris, Rivages Poche, (...)
  • 27 Jennifer Scappettone, Killing the Moonlight. Modernism in Venice, New York, Columbia University Pre (...)

11Organisées comme une série de « flash-backs dans les flash-backs », les images des bouts de papier jetés par Munari au bas de la tour du Broletto ainsi que la série des parapluies ouverts font revivre dans l’esprit du lecteur des événements passés qui eurent lieu lors d’autres anciens campi, connus par une documentation photographique toujours existante ou par d’autres biais. L’un de ces événements que le livre rappelle se déroula à Paris l’après-midi du 14 avril 1921, lorsque le poète André Breton lança la saison dada de cette année-là en emmenant ses amis en excursion sur un terrain vague entre la cathédrale Notre Dame et l’église de Saint-Julien-le-Pauvre dans le Quartier latin, où sa déclamation anticléricale attira une centaine de personnes venues l’écouter en dépit d’une pluie persistante. Seules deux photographies de cet événement semblent avoir été conservées, toutes deux montrant une petite foule rassemblée autour de Breton sous des parapluies. Un autre campo plus ancien eut lieu le 8 juillet 1910, lorsque Filippo Tommaso Marinetti et ses camarades futuristes jetèrent, semble-t-il, 800 000 tracts de Contro Venezia Passatista du haut de la tour de l’Horloge de la Piazza San Marco de Venise. Les tracts – qui furent lancés sur la foule dominicale de retour du Lido – dépeignaient la Sérénissime comme la reine décrépite de l’Adriatique, « ce grand lac italien », « affaiblie et défaite par des siècles de plaisirs matériels »26. Comme l’écrit Jennifer Scapettone, l’action des futuristes détourna symboliquement de sa fonction de gestion du temps le campanile médiéval, qui avait été lamentablement reconstruit (c’était du moins ce que pensaient les futuristes) après son effondrement, en 190227. Dans la soirée du 1er août 1910, Marinetti prononça son « Discorso futurista ai veneziani ». Deux doubles pages de Campo urbano – les photographies prises par Mulas des plaques de mousse polystyrène de Dadamaino flottant comme des déchets à la dérive sur la surface placide du lac de Côme la nuit et « virées » par Munari dans un bleu céruléen et, quelques pages plus loin, la séquence mise en page par Munari des photographies de la chaussée détrempée de la Piazza del Duomo pendant Tempo libero – évoquent quelques-unes des phrases les plus connues de la harangue de Marinetti de ce soir‑là :

  • 28 Tract édité par Poesia Moteur du Futurisme, Milan, 1910, reproduit dans Giovanni Lista, Futurisme. (...)

Quand nous avons crié : Tuons le clair de lune ! nous pensions à vous, Vénitiens, nous pensions à toi, Venise pourrie de romantisme ! […]
J’ai aimé moi aussi, comme tant d’autres, ô Venise, la somptueuse pénombre de ton Canal Grande, imprégnée de luxures rares… J’ai aimé moi aussi la pâleur fiévreuse de tes belles amantes qui glissent bas des balcons par des échelles tressées d’éclairs, de fils de pluie et de rayons de lune, parmi un cliquetis d’épées croisées. Suffit ! Suffit ! Toute cette défroque absurde, ce bric-à-brac abominable et irritant nous donne la nausée !
Nous voulons désormais que les lampes électriques aux mille pointes de lumière déchirent brutalement tes ténèbres mystérieuses, fascinantes et persuasives28.

12Et ainsi débuta la campagne de trois ans des futuristes contre la « Venise passéiste ». En distribuant leurs tracts dans toute l’Europe afin de chercher du soutien pour leurs interventions (dont l’une sur la scène de La Fenice), les futuristes assurèrent à l’Italie, pour quelque temps, une position à la pointe de l’avant-garde internationale. Ce sont ces moments précieux que Munari tentait de retrouver.

  • 29 Caramel fut parmi les premiers historiens de l’art à écrire à propos de ces expositions. Voir Lucia (...)

13La dissémination des bouts de papier éparpillés par Munari au pied du Broletto peut être prise comme une évocation des petits spectacles néo-dada qu’il avait lui-même montés en l’espace de quelques mois, de 1951 à 1952, dans un lieu alternatif de Milan, et dont il ne reste aucune trace visuelle. Dans Oggetti trovati (Objets trouvés), Munari éparpilla des cailloux, des racines d’arbres, des outils mis au rebut et divers débris sur le sol de la galerie. Dans L’arte e il caso (L’art et le hasard) il traîna ce qu’il nomma des sfogliazzi – des feuilles de métal exfolié utilisées par les typographes pour produire différents registres de couleurs – et qu’il exposa avec des chiffons. À côté de cela, il publia une série de manifestes – Arte Totale, Arte Organica et Disintegrismo (Désintégrisme) – dans lesquels il en appelle à des œuvres qui pourraient être alternativement stables ou mobiles, transparentes ou opaques29.

  • 30 Ingrid D. Rowland, Giordano Bruno. Philosopher/Heretic, Chicago, University of Chicago Press, 2008.
  • 31 Editorial, « Roma democratica a fianco del popolo francese », L’Unità, 1er juin 1968.
  • 32 Per Giordano Bruno dal 1876 al 1889. Resoconto morale e finanziario del primo Comitato Universitari (...)

14La série de photographies qui suit un spectateur vu de dos sous la pluie lumineuse artificielle créée par le Gruppo T est des plus fantomatiques. Ce personnage traverse l’étendue scintillante de la Piazza del Duomo comme s’il traversait un cercle de feu, vêtu d’une cape à capuche faite, selon Caramel, à partir d’un morceau de plastique noir brillant arraché au tunnel de La Pietra. L’image brille et les pavés de la place semblent badigeonnés d’huile. Avec cette cape, la silhouette ressemble à un fantôme et provoque ainsi de multiples flash-backs. Elle ressemble étrangement au monument de bronze du frère encapuchonné hérétique Giordano Bruno qui se trouve sur le Campo de’ Fiori à Rome. Le 17 février 1600, Giordano Bruno fut forcé à traverser la ville et à s’arrêter sur la place du marché, où il fut brûlé vif devant une foule qui avait pour habitude de se rassembler là pour assister aux exécutions. Bruno était passé d’une discipline à une autre en forçant les portes avec un esprit éminemment spéculatif : ses croyances et ses entreprises non conventionnelles l’avaient contraint à mener une vie d’errance, passant d’une ville universitaire à l’autre. Son biographe le plus récent l’a décrit comme étant rebelle, curieux, écorché, précoce, indomptable et extrême, un professeur qui détestait le programme d’étude établi et qui excellait dans la prestation orale30. Figure durablement controversée de l’histoire italienne, Giordano Bruno avait, en bref, tous les prérequis pour devenir le saint patron des soixante-huitards italiens. Et ce fut le cas : le 31 mai 1968, afin de manifester leur solidarité avec leurs alter ego parisiens, les étudiants de l’université de Rome élevèrent des barricades sur le Campo de’ Fiori et à quelques pas de là, devant le palais Farnèse qui abrite l’ambassade de France à Rome. Après une violente confrontation avec la police, vingt d’entre eux furent blessés, quatre arrêtés et cinquante placés en détention31. En 1889, le rapport officiel qui exposait en détail la réalisation de la statue de Giordano Bruno révélait que l’initiative étudiante à la source de son édification dans le sillage de l’unification de l’Italie (Risorgimento) – l’occupation des places, les négociations avec les autorités locales et la distribution de manifestes et de pamphlets – était à peu de choses près similaire à celle qui mena à Campo urbano32. Et tout comme les artistes qui répondirent à l’invitation de Caramel, le sculpteur de cette statue, Ettore Ferrari, accepta de la créer gratuitement.

Éclipses

  • 33 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur, Venise, 23 juillet 2013.
  • 34 La conférence eut lieu les 14 et 15 septembre 1968. Voir « Atti del convegno di studi. L’eredità di (...)
  • 35 Mario Di Salvo, « Convegno Terragni : un passato che scotta », Quadrante Lariano, no 1/3, mai-juin  (...)

15Les participants de Campo urbano s’étaient en revanche tenus à l’écart d’une place qui se trouvait à quelques pas de la Piazza del Duomo, la Piazza del Popolo – auparavant Piazza Impero. Cette place abritait le bâtiment architectural majeur de Côme, la Casa del Fascio de Giuseppe Terragni, datant de 1936, l’un des monuments clé de l’architecture fasciste rationaliste et sans aucun doute le plus photographié de Côme. Après la guerre, ce qui avait été le quartier général du gouvernement fasciste devint le centre des opérations de la Guardia di Finanza, l’agence de l’État en charge des délits financiers et de la contrebande. Lorsque j’ai demandé à Caramel pourquoi ils avaient évité cet endroit, il balaya ma question en affirmant que le bâtiment de Terragni n’était pas pertinent à ce moment-là33. Et pourtant il s’avère que, exactement un an plus tôt, en septembre 1968, une grande conférence sur Terragni et son héritage architectural avait eu lieu à Côme en commémoration du vingt-cinquième anniversaire de sa mort. Caramel ainsi que Di Salvo y participèrent34. À cette époque, Caramel et Di Salvo écrivaient aussi des articles pour le périodique local, Quadrante Lariano, qui avait publié, avant la conférence sur Terragni, deux numéros centrés sur l’architecte et son cercle de Côme35. La couverture du numéro de mai-juin 1968, présentant la Casa del Fascio, était une paraphrase directe d’une couverture plus ancienne et plus célèbre, celle du double numéro d’octobre 1936 de la revue d’architecture supra-moderniste et supra-fasciste Quadrante, consacré à la Casa (fig. 10). Dans ce numéro, Terragni avait déclaré avec optimisme :

  • 36 Giuseppe Terragni, « La costruzione della Casa del Fascio di Como », Quadrante, no 35‑36, octobre 1 (...)

Avec l’achèvement de la Casa del Fascio ainsi que cela était prévu dans le plan d’urbanisme de la ville, il est aujourd’hui possible d’imaginer que sera prochainement réalisée à Côme une « ville fasciste » ; une concentration organique et intelligente des bâtiments les plus typiques du régime sur une immense place qui est la continuation logique et naturelle de l’historique Piazza del Duomo36.

10. Couverture de Quadrante Lariano, mai-juin 1968, reprenant la couverture de Quadrante, no 35‑36, 1936

10. Couverture de Quadrante Lariano, mai-juin 1968, reprenant la couverture de Quadrante, no 35‑36, 1936

Rome, Biblioteca di archeologica e storia dell’arte

  • 37 Voir David Rifkind, The Battle for Modernism. Quadrante and the Politicization of Architectural Dis (...)

16Deux pages conçues par Terragni pour illustrer le numéro de 1936 de Quadrante compteraient parmi les images les plus célèbres de l’Italie du ventennio, les vingt ans que Mussolini passa au pouvoir. La première image était un alignement typologique des façades de la tour médiévale de Côme adjacente au Broletto, du Dôme, et de la Casa del Fascio, moderniste et rationaliste. La technique du photomontage fut utilisée pour indiquer que ce projet (en partie non réalisé) d’une refonte totale de la Piazza Impero devait à la fois prolonger et remplacer la Piazza del Duomo. La seconde image montrait des centaines d’habitants de Côme devant la toute nouvelle Casa, le 5 mai 1936, dans l’attente d’une retransmission d’un discours du Duce depuis la Piazza Venezia à Rome. Cette image – qui allait devenir l’une des photographies les plus reproduites du ventennio fasciste – fut trafiquée pour que la foule ait l’air plus importante, plus dense, plus uniforme37.

  • 38 Voir Kenneth Frampton, « A note on Photography and its Influence on Architecture », Perspecta, no 2 (...)
  • 39 Voir supra, note 35. Parisi contribua au même numéro : « Interni della ‘casa’ di Terragni », Quadra (...)

17La notoriété ultérieure de ce numéro de Quadrante auprès des historiens de l’architecture repose cependant sur une autre série de photographies prises par Ico Parisi, un jeune architecte employé dans les bureaux de Terragni. Les plus marquantes sont celles où Parisi met en avant le large recours au verre, aussi bien sur la façade de la Casa que sur les immenses tables dessinées par Terragni pour les bureaux. Dans ces photographies, l’alignement urbain du Dôme et de la Casa apparaît comme un palimpseste. Le Dôme jaillit en surimpression d’une manière presque sinistre aussi bien dans la Casa qu’à l’extérieur (fig. 11 et 12)38. Trente ans plus tard, nous retrouvons Parisi parmi les participants de Campo urbano (avec Contenitori umani) ; c’est lui aussi qui présenta Mulas à Caramel comme photographe pour cette journée d’interventions. Mario Di Salvo, en concevant Riflessioni, devait avoir en tête les photographies de Parisi, mais dans « Convegno Terragni : un passato che scotta » (Congrès Terragni : un passé brûlant) du numéro de Quadrante Lariano que nous venons de mentionner, Di Salvo chercha – à l’opposé de Parisi – à éclipser la Casa39. Il s’assura donc de placer ses miroirs face au Dôme et non pas le long de ses absides ni de côté sur la Via dei Maestri Comacini, une rue qui aurait mené les participants à Campo urbano directement sur la place de Terragni. Une éclipse est un alignement de deux sphères lors duquel – sauf pour un bref instant de superposition parfaite – un vestige du soleil illuminant le pourtour du disque noir de la lune reste visible. Elle attire l’attention sur ce qui est momentanément caché. Il est dangereux, pour des yeux non protégés, de regarder une éclipse : les rayons qui s’échappent des bords éraflent la cornée. C’est pourquoi les éclipses ont été perçues comme de mauvais présages. Et cependant, alors qu’elle est difficile à photographier, une éclipse imite, en termes cosmiques, le mouvement de l’obturateur d’un appareil photo s’ouvrant et se refermant au moment où il fixe son sujet : le monde se transforme en un appareil créateur d’image. Ce paradoxe est mis en évidence lorsqu’on apparie des photographies de Parisi et de Mulas, celles de la Casa et de Riflessioni.

11. « Détail de l’entrée et de l’escalier (parapet en verre très résistant)

11. « Détail de l’entrée et de l’escalier (parapet en verre très résistant)

L’ensemble des plaques de verre et de cristal ont été fournies par l’entreprise Martelli et Baratta de Côme », tiré de Quadrante, nº 35‑36, 1936, p. 23. Rome, Biblioteca di archeologica e storia dell’arte.

12. Studio Federale, « L’harmonie de l’architecture, de l’ameublement et de l’objet »

12. Studio Federale, « L’harmonie de l’architecture, de l’ameublement et de l’objet »

Tiré de Quadrante, no 35‑36, 1936, p. 29. Rome, Biblioteca di archeologica e storia dell’arte.

  • 40 Guido Panvini, Ordine nero, guerriglia rossa. La violenza politica nell’Italia degli anni Sessanta (...)

18Campo urbano fut un festival de fin d’été, un événement dispersé et à plusieurs voix. Il renvoyait à des moments historiques de libération, dont fait partie le coup d’État fictif de Baj, véritable antithèse du rassemblement de 1936 illustré dans Quadrante. Si les participants s’étaient aventurés à l’arrière du Dôme, ils auraient été happés par le passé fasciste de la ville. Rétrospectivement, Campo urbano peut être vu comme un ultime sursis avant l’« Autunno caldo », l’automne « chaud » de 1969, lorsque le mouvement étudiant se radicalisera aussi bien à gauche qu’à droite et se confrontera aux forces de police. Le 12 décembre 1969, une bombe posée par des néo-fascistes éclata sur la Piazza Fontana de Milan, faisant quatre-vingt-huit blessés et dix-sept morts. En 1970, Munari s’était lancé dans son livre de photographies et l’Italie avait plongé dans une décennie tourmentée. Les fantômes du ventennio étaient de retour40. Mais ce que le livre de Campo urbano révèle, c’est une préoccupation pour le passé de l’Italie en plein cœur du mouvement de 1968.

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Notes

1 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur, Venise, 23 juillet 2013.

2 La mise en page de Munari intègre sur les premières pages de chaque série de photographies les communiqués écrits par les artistes à propos de leurs actions.

3 Les photographies de Mulas, aujourd’hui conservées aux Archivio Ugo Mulas, à Milan, furent d’abord exposées dans une galerie de Côme, l’idée étant, selon Caramel, de montrer autant de photographies que possible dans l’ordre où elles avaient été prises. Voir Luciano Caramel, « Mostre : Como. Ugo Mulas alla Galleria Colonna », NAC, no 25, 15 novembre 1969, p. 15‑16.

4 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur, Venise, 23 juillet 2013.

5 Tullio Catalano, « Munari alla Serendipity di Roma », Flash Art, no 2/8, 1968, n. p. [On pourrait traduire ce terme de serendipity par « hasard heureux » (N.d.T.).]

6 Clément Chéroux, Fautographie. Petite histoire de l’erreur photographique, Crisnée, Yellow Now, 2003, p. 125.

7 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur, Venise, 23 juillet 2013.

8 Pour une analyse plus approfondie de ce phénomène, voir mes articles « Flashbacks and Eclipses in Italian Art in the 1960s », Grey Room, no 49, automne 2012, p. 102‑127 et « Vitalità del Negativo / Negativo della Vitalità », October, nº 150, 2014, p. 113‑132.

9 Voir Silvana Bignami, Alessandra Pioselli (dir.), Fuori ! Arte e spazio urbano 1968-1976, Milan, Mondadori Electa, 2011 ; ainsi que Alessandra Pioselli, L’Arte nello spazio urbano. L’esperienza Italiana dal 1968 a oggi, Milan, Johan e Levi, 2015.

10 Al di là della pittura / Beyond Painting, VIIIe Biennale d’art contemporain de San Benedetto del Tronto, Palazzo Scolastico Gabrielli (5 juillet-28 août 1969), Florence, Centro Di, 1969.

11 Attilio Marcolli, Teoria del campo. Corso di educazione della visione, Florence, Sansoni, 1971.

12 Voir « Studenti in piazza a Como », Quadrante Lariano, no 2/7 (supplément), Côme, février 1969, et Guido Crainz, Il paese mancato. Dal miracolo economico agli anni ottanta, Rome, Donzelli, 2003.

13 « Il costoso gioco di alcuni artisti. Campo urbano – aria di sagra e trovate Dada (un pò in ritardo) », Corriere della Provincia, Côme, 22 septembre 1969. Le Corriere invita les citoyens à envoyer des courriers de réclamations. Il s’avéra que les actions les plus controversées furent la désacralisation du drapeau italien par Baj et celle du mémorial de la guerre par Valentina Berardinone.

14 « Fra striscioni, scatoloni, panni, tunnel e bandiere. La festicciola domenicale degli artisti di Campo urbano », L’Ordine, 23 septembre 1969.

15 « Sottocoperta », Il Timone, 26 septembre 1969.

16 Germano Celant, « Arte turistica », Casabella, no 342, novembre 1969, p. 6‑7.

17 Tommaso Trini, « L’estensione teatrale / Towards theatre », Domus, no 480, novembre 1969, p. 48‑51. L’examen de conscience suscité par les participants de Campo urbano et d’autres événements du même type évoque quelques-uns des arguments principaux de Claire Bishop dans Artificial Hells. Participatory Art and the Politics of Spectatorship, Londres, Verso, 2012.

18 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur. Somaini publia finalement un livre intitulé Urgenza nella città, Milan, Mazzotta, 1972.

19 Lea Vergine, « Le ceneri calde », dans Almanacco letterario Bompiani, Milan, Bompiani, 1969, p. 163‑188 ; Germano Celant, « Una Biennale in grigioverde », Casabella, no 327, 1968, p. 52‑53. Voir aussi Toni del Renzio, « Biennale Under Siege », Art & Artists, no 3, 1968, p. 29‑33.

20 Tommaso Trini, Ugo Mulas. Vent’anni di Biennale, Milan, Mondadori, 1988, p. 156‑159.

21 « Sur l’emploi du temps libre » et « Die Welt als Labyrinth », Internationale Situationniste, no 4, 1960, p. 3‑7.

22 Voir Claire Bishop, Artificial Hells, op. cit., p. 87‑88.

23 Voir Maria Carla Cassarini, Miracolo a Milano di Vittorio De Sica. Storia e preistoria di un film, Gênes, Mani, 2000. Sur la nature étonnamment apolitique de ce film – un signe du début de la fin du néo-réalisme – et son pessimisme profond, voir Luigi Chiarini, « Impossibilità di sintesi tra realtà e favola », Cinema, no 62, 15 mai 1951, p. 254‑255.

24 Voir Tom Gunning, « The Cinema of Attractions. Early Film, Its Spectator and the Avant-Garde », Wide Angle, no 8/3‑4, 1986, p. 63‑70.

25 Voir Philippe-Alain Michaud, Sur le film, Paris, Macula, 2016, p. 180‑181.

26 Filippo Tommaso Marinetti, Contre Venise passéiste, Pierre Musitelli (trad.), Paris, Rivages Poche, 2015.

27 Jennifer Scappettone, Killing the Moonlight. Modernism in Venice, New York, Columbia University Press, 2014, p. 160‑161. Voir aussi Williard Bohn, The Other Futurism. Futurist Activity in Venice, Padua, and Verona, Toronto, University of Toronto Press, 2004.

28 Tract édité par Poesia Moteur du Futurisme, Milan, 1910, reproduit dans Giovanni Lista, Futurisme. Manifestes, Documents, Proclamations, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1973, p. 112‑113.

29 Caramel fut parmi les premiers historiens de l’art à écrire à propos de ces expositions. Voir Luciano Caramel (dir.), MAC. Movimento Arte Concreta, vol. 2, Milan, Electa, 1984. Voir aussi mon article « Italy and the Concept of the ‘Synthesis of the Arts’ », dans E.-L. Pelkonen, E. Laaksonen (dir.), Architecture + Art. New Visions, New Strategies, Helsinki, Alvar Aalto Academy, 2007, p. 62‑81.

30 Ingrid D. Rowland, Giordano Bruno. Philosopher/Heretic, Chicago, University of Chicago Press, 2008.

31 Editorial, « Roma democratica a fianco del popolo francese », L’Unità, 1er juin 1968.

32 Per Giordano Bruno dal 1876 al 1889. Resoconto morale e finanziario del primo Comitato Universitario, costituitosi fra gli studenti dell’Università di Roma il 19 marzo 1876, allo scopo di erigere un monumento a Giordano Bruno in Roma, in Campo de’ Fiori, nel luogo dove fu arso vivo il 17 febbraio 1600, Milan, Giuseppe Civelli, 1889. Voir aussi Massimo Bucciantini, Campo dei Fiori. Storia di un monumento maledetto, Milan, Einaudi, 2015.

33 Luciano Caramel, entretien avec l’auteur, Venise, 23 juillet 2013.

34 La conférence eut lieu les 14 et 15 septembre 1968. Voir « Atti del convegno di studi. L’eredità di Terragni e l’architettura italiana 1943-1968 », L’architettura. Cronache e storia, no 15/163, mai 1969, p. 1‑52. Caramel donna une conférence sur Terragni et les peintres abstraits de Côme, un sujet qui continuerait à l’absorber jusqu’à la fin de sa carrière. Di Salvo parla de l’architecte Cesare Cattaneo, l’un des collègues de Terragni. Zevi avait déjà publié « Omaggio a Terragni », L’Architettura. Cronache e storia, no 14/153 (numéro spécial), juillet 1968.

35 Mario Di Salvo, « Convegno Terragni : un passato che scotta », Quadrante Lariano, no 1/3, mai-juin 1968, p. 35‑42 et Luciano Caramel, « Terragni e gli astrattisti comaschi », Quadrante Lariano, no 1/5, septembre-octobre 1968, p. 43‑53.

36 Giuseppe Terragni, « La costruzione della Casa del Fascio di Como », Quadrante, no 35‑36, octobre 1936, p. 5‑27, ici p. 16. Traduit en anglais dans Thomas L. Schumacher, Surface and Symbol. Giuseppe Terragni and the Architecture of Italian Rationalism, New York, Princeton Architectural Press, 1991, p. 154.

37 Voir David Rifkind, The Battle for Modernism. Quadrante and the Politicization of Architectural Discourse in Fascist Italy, Vicence, Marsilio, 2012.

38 Voir Kenneth Frampton, « A note on Photography and its Influence on Architecture », Perspecta, no 22, 1986, p. 38‑41.

39 Voir supra, note 35. Parisi contribua au même numéro : « Interni della ‘casa’ di Terragni », Quadrante Lariano, no 1/5, op. cit., p. 81‑84.

40 Guido Panvini, Ordine nero, guerriglia rossa. La violenza politica nell’Italia degli anni Sessanta e Settanta (1966-1975), Turin, Einaudi, 2009.

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Table des illustrations

Titre 1. Couverture dépliée de Luciano Caramel, Ugo Mulas et Bruno Munari, Campo urbano. Interventi estetici nella dimensione collettiva urbana. Como, 21 settembre 1969, Côme, C. Nani, 1970
Crédits © Archivio Ugo Mulas, Milan
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Titre 2. Gianni Pettena, « Pourquoi ont-ils presque tous choisi la place centrale ? »
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Titre 3. Enrico Baj, « Signalétique horizontale »
Légende Tiré de “Campo urbano”, n. p.
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Titre 4. Bruno Munari, « Visualiser l’air »
Légende Tiré de “Campo urbano”, n. p.
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Titre 5. Mario Di Salvo et Carlo Ferrario, « Réflexion »
Légende Tiré de “Campo urbano”, n. p.
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Titre 6. Ugo la Pietra, « Je couvre une rue, j’en fais une autre »
Légende Tiré de “Campo urbano”, n. p.
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Titre 7. Dadamaino, « Illuminations fluorescentes automotrices sur l’eau »
Légende Tiré de “Campo urbano”, n. p.
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Titre 8. Edilio Alpini, Davide Boriani, Gianni Colombo et Gabriele De Vecchi, « Temps libre : structure temporelle dans un espace urbain »
Légende Tiré de “Campo urbano”, n. p.
Crédits © Archivio Ugo Mulas, Milan
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Titre 9. Bruno Munari, « Projection de lumière polarisée », Campo urbano, n. p.
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Titre 10. Couverture de Quadrante Lariano, mai-juin 1968, reprenant la couverture de Quadrante, no 35‑36, 1936
Légende Rome, Biblioteca di archeologica e storia dell’arte
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Titre 11. « Détail de l’entrée et de l’escalier (parapet en verre très résistant)
Légende L’ensemble des plaques de verre et de cristal ont été fournies par l’entreprise Martelli et Baratta de Côme », tiré de Quadrante, nº 35‑36, 1936, p. 23. Rome, Biblioteca di archeologica e storia dell’arte.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/478/img-11.jpg
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Titre 12. Studio Federale, « L’harmonie de l’architecture, de l’ameublement et de l’objet »
Légende Tiré de Quadrante, no 35‑36, 1936, p. 29. Rome, Biblioteca di archeologica e storia dell’arte.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/478/img-12.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Romy Golan, « Temporalités cachées dans Campo urbano, Côme, 1969 »Transbordeur, 1 | 2017, 166-181.

Référence électronique

Romy Golan, « Temporalités cachées dans Campo urbano, Côme, 1969 »Transbordeur [En ligne], 1 | 2017, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/478 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12gwj

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Auteur

Romy Golan

Romy Golan est professeure d’histoire de l’art du XXe siècle au Graduate Center, City University of New York. Parmi ses publications : Modernity and Nostalgia. Art and Politics in France Between the Wars et Muralnomad. The Paradox of Wall Painting, Europe 1927-1957 (Yale University Press, 1995 et 2009), ce dernier à paraître en français chez Macula (2017), ainsi que « Realism as International Style » (avec Nikolas Drosos), Postwar. Art Between the Pacific and the Atlantic, 1945-1965 (Haus der Kunst, 2016), « Vitalità del Negativo / Negativo della Vitalità » (October, no 150, 2014), « Flashbacks and Eclipses in Italian Art in the 1960s » (Grey Room, no 49, 2012).
Romy Golan is professor of 20th century art at the Graduate Center, City University of New York. She is the author of Modernity and Nostalgia: Art and Politics in France Between the Wars and Muralnomad: The Paradox of Wall Painting, Europe 1927-1957 (Yale University Press, 1995 and 2009). Among her recent publications are: “Realism as International Style” in Postwar: Art Between the Pacific and the Atlantic, 1945-1965 at the Haus der Kunst, Munich (2016); “Vitalità del Negativo / Negativo della Vitalità,” October 150 (Winter, 2014); “Flashbacks and Eclipses in Italian Art in the 1960s,” Grey Room 49 (Fall, 2012).

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