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« Fasciner l’attention ». Le chromatrope et le pouvoir suggestif de la couleur en France au XIXe siècle

“Fasciner l’attention.” The chromatrope and the suggestive power of colour in nineteenth-century France
Alessandra Ronetti
p. 134-149

Résumés

Le chromatrope est une plaque animée, constituée de deux verres peints avec des bandes de couleurs brillantes formant des motifs ornementaux abstraits. Les verres sont mis en rotation en sens inverse l’un de l’autre grâce à un châssis à manivelle qui, une fois inséré dans la lanterne magique, permet de projeter sur un écran des compositions de couleurs en mouvement. Grâce au succès public des spectacles présentés au théâtre optique de la Royal Polytechnic Institution de Londres par le peintre et lanterniste Henry Langdon Childe, le chromatrope devient à partir des années 1840 une forme d’attraction très populaire dans les théâtres français. Il possède à la fois une fonction de divertissement et une fonction pédagogique visant à instruire les spectateurs sur les théories de la couleur. Si les origines culturelles de l’instrument sont liées à une sorte d’hybridation entre la tradition prémoderne des spectacles pyrotechniques et les développements plus récents de l’ornement industriel, sa longévité au cours du XIXe siècle s’explique plutôt par l’évolution de son statut et des discours savants qui ont accompagné son passage de la physiologie optique à la psychophysiologie de la couleur. Grâce au mouvement captivant et répétitif de ses rosaces multicolores, le chromatrope, avec son potentiel de projection suggestive, paraît susceptible de produire un conditionnement psychologique sur les spectateurs. En vertu de ce pouvoir de suggestion, l’instrument est alors décrit à la fois comme un mécanisme spectaculaire et comme un dispositif hypnotique à visée thérapeutique.

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Texte intégral

  • 1 Laurent Mannoni, Donata Pesenti Campagnoni (dir.), Lanterne magique et film peint. 400 ans de ciném (...)
  • 2 Tom Gunning a déjà évoqué la force d’attraction des couleurs dans le cas du cinéma des premiers tem (...)
  • 3 Voir Jonathan Crary, L’Art de l’observateur. Vision et modernité au XIXe siècle, Frédéric Maurin (t (...)

1À partir des années 1840, le chromatrope, dispositif optique inventé en Grande-Bretagne par le peintre et lanterniste Henry Langdon Childe, trouve sa place dans les séances théâtrales les plus populaires de Paris. Cet instrument est une plaque animée de lanterne magique, peinte avec des couleurs brillantes et des formes abstraites, qui projette sur un écran des rosaces multicolores en rotation afin de capturer le regard du spectateur au cœur de l’image. Bien que plusieurs exemplaires soient conservés à la Cinémathèque française, le chromatrope n’a jamais fait l’objet d’une analyse culturelle, sinon partiellement à l’occasion des inventaires de collections ou d’études historiques sur la lanterne magique1. Comme beaucoup de dispositifs visuels du XIXe siècle impliquant la perception du mouvement, le chromatrope réunit autour de lui deux aspects de la culture : une culture populaire du spectacle des attractions2 et une culture savante, fondée sur des savoirs physiologiques. Or, si de nombreux dispositifs optiques ont déjà été étudiés, en particulier dans la perspective d’une culture visuelle du mouvement et de la vision stéréoscopique, ils n’ont guère été mis en rapport avec l’émergence, au XIXe siècle, d’une théorie des couleurs3.

2Il sera ici question du passage de la psychophysique à la psychophysiologie de la couleur au cours du siècle. Le chromatrope, en tant qu’appareil inséré dans une série d’expériences sensorielles liées à la couleur et grâce à son pouvoir de fascination visuelle, est décrit à la fois comme un mécanisme spectaculaire et comme un dispositif hypnotique à visée thérapeutique. Cet article sera divisé en deux parties illustrant la place du chromatrope dans l’histoire technologique, culturelle et visuelle. Il nous faudra d’abord prendre en considération le contexte de production des savoirs liés aux origines de l’instrument, puis ses usages culturels et son repositionnement au passage du XXe siècle en lien avec le développement des psychologies de la couleur, de la théorie de la suggestion à la thérapie des émotions.

Instruire en amusant

3La particularité du chromatrope est d’être une plaque mécanisée constituée de deux verres peints avec des bandes de couleurs éclatantes formant des ornements abstraits ; les verres sont mis en rotation en sens inverse l’un de l’autre grâce à un châssis à manivelle qui, une fois inséré dans la lanterne magique, permet de projeter sur un écran des compositions de couleurs en mouvement (fig. 1). C’est la superposition en transparence des motifs dessinés sur les deux verres qui donne l’illusion du mouvement en spirale :

  • 4 Anonyme, « Des images transparentes sur verre. Conseils », Magasin pittoresque, nº 46, 1878, p. 79.

On a donné le nom chromatropes à des rosaces tournantes, multicolores, qui, projetées par les lanternes magiques, produisent l’effet de ballons et lancent dans toutes les directions des losanges, des sphères, des étoiles brillantes, etc., etc. C’est un des plus jolis effets de la persistance des rayons lumineux sur la rétine4.

1. Anonyme, Chromatrope, France, seconde moitié du XIXe siècle

1. Anonyme, Chromatrope, France, seconde moitié du XIXe siècle

Plaque animée peinte à la main, 120 x 250 mm. Collection particulière.

© Christian Mayaud

  • 5 Pour cette raison, l’origine du chromatrope a été rapprochée d’une typologie spécifique d’illusion (...)

4Comme beaucoup d’autres instruments inventés en ce temps-là, à l’instar du zootrope ou du phénakistiscope, pour les commentateurs de l’époque le chromatrope semble mettre en jeu la persistance rétinienne : l’illusion optique qui induit la perception d’un mouvement de fourmillement des rosaces serait le résultat d’une fusion rendue possible grâce à la succession rapide des sensations5.

  • 6 Anonyme, « Obituary. Henry Langdon Childe », The Art Journal, 1874, p. 372. Childe réalisait les ch (...)
  • 7 Sur l’histoire de la RPI, voir Brenda Weeden, History of the Royal Polytechnic Institution 1838-188 (...)
  • 8 Voir The Royal Polytechnic Institution, Programme for 1845 (archives de la RPI/3, université de Wes (...)
  • 9 Voir par exemple les premières publicités des spectacles, « Théâtre Palais-Royal », L’Écho, 20 octo (...)

5Si l’on considère le lieu où le chromatrope a été inventé à la fin des années 1830 par le lanterniste Langdon Childe, c’est bien au carrefour des pratiques spectaculaires et des expérimentations liées à la physiologie de la vision que l’on peut situer cette invention6. En effet, la Royal Polytechnic Institution, ouverte à Londres en 1838, attire un grand public par un programme de conférences mélangeant l’amusement spectaculaire à la promotion des sciences pratiques et des nouvelles technologies7. Les savoirs scientifiques sont vulgarisés dans les expériences mises en scène par les conférenciers, parmi lesquelles les projections de lanterne magique. Au début, il s’agit surtout de conférences sur l’électricité ou la chimie, qui se terminent par des spectacles amusants de chromatropes ou de vues fondantes (dissolving views), toujours accompagnés de musique8. La lanterne magique est projetée dans un théâtre (optical theatre) qui, à l’époque, est doté du plus grand écran existant. Grâce au succès public des spectacles qui y sont présentés, le chromatrope devient très vite une forme d’attraction autonome utilisée en même temps pour amuser les spectateurs et pour leur apprendre les théories de la couleur. Son succès à Londres est immédiat et la nouveauté ne tardera pas à faire son apparition dans les théâtres français à partir des années 1840, en commençant par le célèbre théâtre du Palais-Royal à Paris, dirigé par l’illusionniste Jean-Eugène Robert‑Houdin9.

  • 10 Kevin Salatino, Art incendiaire. La représentation des feux d’artifice en Europe, au début des Temp (...)

6Si l’invention matérielle de l’instrument se situe clairement dans un contexte de vulgarisation scientifique propre à l’Angleterre victorienne, sa diffusion et ses usages culturels sont liés à une sorte d’hybridation entre la tradition prémoderne des spectacles pyrotechniques et les développements plus récents de l’ornement industriel. En effet, d’un côté le spectacle des chromatropes évoque la tradition des feux d’artifices d’Ancien Régime10, de l’autre il s’inscrit dans une réflexion sur l’art industriel. Dans ces mêmes années, l’industrie tente de produire de beaux motifs géométriques par des combinaisons de formes, tandis que, parallèlement, la physiologie optique et la science de la couleur sont mises au service de l’industrie par le biais du développement d’une colorimétrie moderne.

Rosaces tournantes

  • 11 Frédéric Dillaye, « Les verres de lanternes magiques », Le Journal de la jeunesse. Nouveau recueil (...)
  • 12 Sur la question de la pyrotechnie, voir le numéro spécial « Pyrotechnies, une histoire du cinéma in (...)
  • 13 Voir Claude-Fortuné Ruggieri, Élémens de pyrotechnie divisés en cinq parties…, 3e édition, Paris, B (...)
  • 14 Sur ces spectacles, voir John Henry Pepper et al., The Boy’s Own Treasury of Sports and Pastimes, L (...)
  • 15 Alain St. Hill Brock, Pyrotechnics. The History and Art of Firework Making, Londres, D. O’Connor, 1 (...)
  • 16 Par exemple le recueil de dessins conservé à la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l (...)

7Avec leurs couleurs abstraites, ces plaques peuvent suggérer des effets atmosphériques ou le passage des quatre saisons pendant une séance de lanterne magique, mais le chromatrope sert plus systématiquement de bouquet final aux fantasmagories, spectacles de magie, ou conférences scientifiques11, ce qui explique que l’instrument ait aussi été nommé artificial firework. Il s’inscrit ainsi dans l’héritage d’une catégorie très similaire d’appareils optiques appelés chinese fireworks qui renvoie de façon évidente les rosaces tournantes à la tradition de la pyrotechnie du XVIIIe siècle12. Vers la fin du XVIIIe siècle, l’artificier Claude-Fortuné Ruggieri invente en France un spectacle de feux d’artifice offrant une variation de rosaces multicolores. Il réalise pour la première fois des feux d’artifice avec des couleurs très brillantes en utilisant les nouveautés de la chimie de l’époque13. Les chinese fireworks, qui reprennent ces jeux formels, sont des spectacles théâtraux très populaires au début du XIXe siècle. Ils utilisent le mouvement de disques rotatifs en papier avec des bandes de couleurs14. Le chromatrope essaye de reproduire ces mêmes effets étonnants de couleurs en mouvement à travers une illusion d’optique15. Ainsi, l’effet crépitant du mouvement d’apparition et de disparition des losanges et du fourmillement des rosaces (fig. 2) rappelle les dessins réalisés pour les fêtes pyrotechniques16 (fig. 3), et fait apparaître la projection du chromatrope comme une sorte de feu d’artifice toujours recommencé :

  • 17 G. Teymon, « Travaux d’amateurs. Les chromatropes », La Science illustrée, 28 novembre 1902, nº 785 (...)

Tout le monde a vu ces rosaces de couleurs, animées d’un mouvement de fourmillement, qui semble les grandir ou les diminuer quoique la surface de projection demeure la même. […] Le mouvement produit une curieuse illusion d’optique : il semble que le centre se creuse, tandis que l’espace qui l’entoure se renfle pour s’abaisser à la circonférence17.

L’effet d’enchantement est donc produit par le mouvement illusionniste d’expansion et de contraction des rosaces colorées.

2. Anonyme, Chromatrope (détail), Angleterre, seconde moitié du XIXe siècle

2. Anonyme, Chromatrope (détail), Angleterre, seconde moitié du XIXe siècle

Plaque animée peinte à la main, Ø 70 mm. Collection particulière.

© Christian Mayaud

3. Dessin de feu d’artifice

3. Dessin de feu d’artifice

Tiré de La Pyrotechnie. Dessins aquarellés représentant des feux d’artifice sous le règne de Louis XVI, XVIIIe siècle, 135 f, nº 50. Paris, Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, collections J. Doucet.

  • 18 Owen Jones, La Grammaire de l’ornement. Illustrée d’exemples pris de divers styles d’ornement, Lond (...)
  • 19 Henri Fourtier, Les Tableaux de projections mouvementés. Études des tableaux mouvementés, leur conf (...)
  • 20 Giambattista Suardi, Nuovi istromenti per la descrizione di diverse curve antiche e moderne, Bresci (...)
  • 21 Georges-Michel Coissac, « Appareil à dessiner les chromatropes. Le Wondergraph », Le Fascinateur, 1(...)
  • 22 Une série intacte de chromatropes pour un spectacle avec une double lanterne magique a été récemmen (...)

8Au-delà de la tradition pyrotechnique, la rosace, qui apparaît dans le chromatrope français sous forme de dahlia, trouve aussi ses origines dans l’imagerie ornementale : dans les rosaces des églises gothiques, dans les formes décoratives d’inspiration orientale recueillies dans les grammaires de l’ornement comme celle de Owen Jones18. Les formes du chromatrope varient d’un exemplaire à l’autre : en mélangeant la rosace à l’étoile ou à la spirale, le dessin, obtenu par la superposition des bandes colorées des deux verres, est toujours le résultat de croisements géométriques de lignes droites et courbes (fig. 4)19. On peut voir un lien entre les formes du chromatrope et les beaux motifs géométriques qui, à partir du début du XIXe siècle, sont réalisés par le biais des appareils à dessiner inventés, dans le contexte de la production industrielle, pour simplifier la représentation mathématique des courbes et multiplier les combinaisons des formes cycloïdales20. Le chromatrope traduit en attraction spectaculaire cette esthétique industrielle. C’est en effet à partir de ces instruments qu’est inventé le wondergraphe, un appareil servant à dessiner avec la plus grande facilité les géométries complexes du chromatrope de formes variées (fig. 5)21. Cette diversité des motifs garantissait de fait le succès des spectacles, dans lesquels le lanterniste multipliait les combinaisons des formes colorées en mouvement, projetant une série de plaques l’une après l’autre et utilisant les effets de fondu créés par l’action de plusieurs lanternes magiques ou d’une lanterne multiple comme le polyorama (un dispositif de projection qui permet de basculer progressivement d’une vue à l’autre)22.

4. « Dessins de chromatropes »

4. « Dessins de chromatropes »

Tiré de H. Fourtier, Les Tableaux de projections mouvementés. Études des tableaux mouvementés, leur confection par les méthodes photographiques, montage des mécanismes, Paris, Gauthier-Villars, 1893.

5. « Wondergraphe »

5. « Wondergraphe »

Tiré de J. Escard, « L’outillage technique et pratique du dessinateur », Revue de mécanique, juillet 1911.

  • 23 Anonyme, « Des images transparentes sur verre. Conseils », op. cit., p. 80. Léopold Cernesson, Gram (...)
  • 24 À ce sujet, voir Renaud d’Enfert, Daniel Lagoutte, Un art pour tous. Le dessin à l’école de 1800 à (...)
  • 25 Edward Groom, The Art of Transparent Painting on Glass for the Magic Lantern, Londres, Winsor and N (...)
  • 26 À l’instar de John Gorham, The Rotation of Coloured Discs Applied to Facilitate the Study of the La (...)

9Une illustration publiée en 1878 dans le Magasin pittoresque (fig. 6), adressée aux amateurs, montre comment modifier les formes et les couleurs du chromatrope afin d’obtenir une multiplicité de résultats. Ces motifs rappellent ceux des manuels d’enseignement du dessin linéaire, comme la Grammaire élémentaire du dessin de Léopold Cernesson, qui présente des leçons pour tracer les formes de roses, de rosaces ou d’étoiles23. Les habitudes visuelles des amateurs de chromatropes ont été formées par le dessin linéaire qui a depuis longtemps acquis une hégémonie culturelle du fait de son introduction à tous les niveaux du système scolaire français24. Ainsi, outre qu’il renvoie à la tradition pyrotechnique déjà évoquée, le chromatrope s’inscrit également, comme méthode ornementale, dans une généalogie industrielle qui vise à produire des motifs par le biais des systèmes de projection. Il est du fait dépendant d’une transformation des arts décoratifs. Les motifs du chromatrope ne sont d’ailleurs pas seulement influencés par la tradition de l’ornement, mais sont eux-mêmes indiqués aux décorateurs comme modèles de référence pour apprendre l’harmonisation des formes et des couleurs dans le dessin industriel25. Grâce à son effet rotatif, le chromatrope permet de rendre visibles les combinaisons de couleurs en mouvement étudiées dans les grammaires de la couleur26.

6. « Chromatropes »

6. « Chromatropes »

Tiré de « Des images transparentes sur verre. Conseils », Magasin pittoresque, no 46, 1878.

Couleurs éclatantes

10Le chromatrope est un instrument polyvalent qui présente une double capacité à absorber et à vulgariser les savoirs sur la physiologie et la science de la couleur.

  • 27 Il faut remarquer que le chromatrope ne se réduit pas à l’application du kaléidoscope à la lanterne (...)
  • 28 John Henry Pepper, Cyclopaedic Science Simplified, Londres, Frederick Warne and Co., 1869, p. 30‑12 (...)
  • 29 Pour la question du mélange additif et soustractif, voir Georges Roque, Art et science de la couleu (...)
  • 30 Il existe aussi une typologie spécifique de chromatropes pour montrer le système additif et la théo (...)

11Les chromatropes ne sont pas seulement des divertissements projetés à la fin de conférences scientifiques, ils sont aussi des outils pour apprendre en quoi consistent les théories sur l’optique de la couleur. Ainsi, à l’instar du disque de Newton, du kaléidoscope27 et d’autres expériences de projections comme celle de la lanterne électrique de Jules Duboscq, le chromatrope est utilisé pendant les conférences pour expliquer, en mêlant l’éducation à l’amusement, les principes du spectre lumineux selon les théories optiques, de Newton à Young, ou encore le phénomène des images consécutives28. Durant ces années, en effet, les recherches s’intensifient en optique des couleurs et tentent de définir les couleurs primaires à partir de la distinction entre mélange additif (lumières colorées) et soustractif (pigments). Cette distinction est élaborée scientifiquement au milieu du siècle par Hermann von Helmholtz29. Le primat des couleurs primaires dans le processus de perception a en effet été établi par la théorie de la vision trichromatique de Young-Helmholtz, qui lie la perception de la couleur à trois récepteurs de la rétine, chacun étant sensible à une radiation lumineuse (respectivement, rouge, verte, bleue). La combinaison de ces trois différentes sensations primaires génère toutes les autres sensations de couleur. La projection du chromatrope sur grand écran se fonde sur ces savoirs empiriques et scientifiques pour obtenir des formes colorées étonnantes. Le mécanisme de superposition et de mélange de ses couleurs en mouvement rend spécialement visible le fonctionnement du système soustractif30. On s’en rend compte en analysant le coloriage qui montre comment les plaques ont été peintes avec des couleurs primaires et vives afin d’attirer l’attention des spectateurs :

  • 31 G. Teymon, « Travaux d’amateurs. Les chromatropes », op. cit., p. 31‑32. Sur le coloriage, voir Cha (...)

Il est bon d’insister sur un point important : dans la peinture des chromatropes, on a bien soin de ne mettre que des couleurs primaires, bleu, rouge, jaune ; sans y ajouter les complémentaires, violet, vert et orange, dont la superposition avec les premières donnerait des gris sans éclat31.

12En regardant de près un exemplaire, on voit qu’il est peint avec des bandes de couleurs primaires, et du noir pour remplir l’arrière-plan (fig. 7). Cependant, lorsque les deux disques sont mis en mouvement, les couleurs complémentaires respectives sont générées par la superposition des couleurs primaires (rouge, jaune, bleu) selon le principe de la synthèse soustractive. Pour ce faire, les deux verres sont peints différemment. Le centre est vert pour les deux, mais les bandes qui se propagent radialement sont jaunes et rouges sur le premier et bleues sur le second. De cette manière, la couleur complémentaire est générée par transparence avec le mouvement : le bleu en superposition au jaune génère la perception du vert et en superposition au rouge celle du violet. L’enchantement du spectateur est produit par l’effet général de l’ensemble des couleurs bariolées.

7. Anonyme, Chromatrope (détail, six positions différentes), France, seconde moitié du XIXe siècle

7. Anonyme, Chromatrope (détail, six positions différentes), France, seconde moitié du XIXe siècle

Plaque animée peinte à la main, Ø 94 mm. Collection particulière.

© Christian Mayaud

  • 32 Anonyme, « Des images transparentes sur verre. Conseils », op. cit., p. 79.
  • 33 John Clerk Maxwell, « Experiments on Colour », Transactions of the Royal Society Edinburgh, nº 21, (...)
  • 34 Camille Flammarion, Dictionnaire encyclopédique universel, contenant tous les mots de la langue fra (...)
  • 35 Sur la question de la couleur face à l’industrie, voir Regina Lee Blaszczyk, The Color Revolution, (...)

13Il existe une convergence évidente entre ces pratiques du coloriage et les connaissances empiriques et scientifiques sur la physiologie et l’optique de la couleur. Comme cela apparaît dans la théorie de Young-Helmholtz, perfectionnée par James Clerk Maxwell, ce sont surtout les couleurs pures et très saturées qui exercent un pouvoir de forte excitation sur les centres nerveux. Grâce à leur intensité, les couleurs pures ont par conséquent le plus haut degré de réceptivité. Les verres du chromatrope sont peints de fait avec des couleurs qui stimulent puissamment l’œil du spectateur. Les couleurs translucides utilisées sont pures et les teintes très claires afin d’obtenir sur l’écran de projection des couleurs éclatantes, dont l’effet est jugé plus agréable pour les spectateurs sans pour autant fatiguer la vue32. L’effet d’éclat, obtenu par les couleurs saturées et l’obscurcissement de la salle, est renforcé par la présence du noir sur les verres : le noir peint bloque la lumière de la lampe de la lanterne magique et fait donc ressortir la pureté des couleurs sur l’écran. Cette question de l’éclat ou de la saturation de la couleur, c’est-à-dire de la façon dont une couleur apparaît pure à son extension maximale sans le mélange du blanc, était du plus grand intérêt au milieu du siècle. Elle remonte aux études de Helmholtz et Maxwell, qui distinguent de façon mathématique la couleur en teinte, saturation et clarté33. La perception et la mesure de la couleur sont centrales dans le débat physiologique et de véritables outils sont inventés, à l’instar du chromatoscope, pour mesurer l’intensité des teintes, le degré de pureté des couleurs ou encore les effets de superposition34. C’est donc à partir de l’émergence d’une science de la couleur, formant les bases de la colorimétrie moderne, que les couleurs pures prennent un statut épistémologique de premier plan. Ce statut est clairement lié à la naissance d’un modèle de classification scientifique de la couleur à des fins industrielles35, qui s’accompagne, comme pour l’ornement, d’une même logique de réglementation scientifique. Dès lors, nous pouvons comprendre la fascination qu’exerce un instrument comme le chromatrope, qui interprète de façon à la fois spectaculaire et amusante cette esthétique industrielle de la couleur.

Projections suggestives

  • 36 Sur ce sujet, voir Jonathan Crary, Suspensions of Perception. Attention, Spectacle and Modern Cultu (...)

14Au cours de la seconde moitié du siècle, la modernité technologique, industrielle et urbaine influence le système nerveux à travers de nouvelles habitudes cognitives. La naissance et le développement des sciences psychiques accompagnent ce processus en décrivant le spectateur de la fin du XIXe siècle en termes pathologiques36.

15Si les origines du chromatrope comme instrument optique le situent dans l’horizon de la physiologie, son usage plus tardif comme dispositif hypnotique s’explique en revanche à partir de l’émergence des théories psychophysiologiques de la couleur. Grâce au mouvement absorbant et répétitif de ses rosaces multicolores, le chromatrope, avec son potentiel de projection suggestive, paraît alors susceptible de produire un choc nerveux sur les spectateurs. En vertu de ce pouvoir de suggestion, l’instrument est mis au service d’une thérapeutique des émotions qui vise à soigner les névroses urbaines, de la neurasthénie à la dépression. Naît dès lors une dialectique évidente entre les recherches psychologiques expérimentales et les pratiques spectaculaires.

  • 37 Ibid., p. 236 sq.

16Vers la fin du XIXe siècle, l’expérience de la lanterne magique est désormais interprétée en lien avec l’intériorité psychique des sujets qui en font l’expérience, si bien que le spectateur se trouve assimilé à la figure d’un rêveur halluciné37. Cette assimilation est très visible dans l’ouvrage du philosophe Paul Souriau, qui développe une véritable esthétique de la suggestibilité du spectateur à partir des théories psychiques de l’École de Nancy. Dans La Suggestion dans l’art, Souriau décrit l’effet de suggestion induit par l’expérience de la lanterne magique, qui hypnotise le spectateur grâce à l’action combinée des couleurs, du mouvement et de la musique :

  • 38 Paul Souriau, La Suggestion dans l’art, Paris, F. Alcan, 1893, p. 70‑71.

Étonnante fantasmagorie ! C’est bien le spectacle dans un fauteuil. L’obscurité s’est faite dans la salle et l’attente du mystère, excitant mon imagination […]. Le spectacle commence. […] Et les tableaux se succèdent, entrevus comme dans une vague lueur, se fondant l’un dans l’autre, pendant qu’un orchestre invisible accompagne ces visions. La musique est lente, monotone, étrange […]. Mais chaque phrase finit par un accord plus fortement appuyé, qui tantôt se prolonge en vibrations décroissantes, tantôt s’étouffe brusquement ; et toujours, sur cet accord, l’image se colore davantage, devient plus nette, comme si la flamme qui la produit montait à chaque secousse sonore en jetant un éclat plus vif. Que ces visions sont douces ! Comme cette musique lente nous berce ! Dormez, nous dit-elle, rêvez ! D’instant en instant, nous nous enfonçons davantage dans l’hypnose. […] La pièce est finie. Ces images de lanterne magique s’évanouissent38.

17La suggestion est le résultat d’une fascination visuelle qui mène à l’hypnose et à la rêverie. Le but des projections de lanterne magique était justement de « fasciner les spectateurs », comme cela sera expliqué dans le premier numéro de la revue Le Fascinateur (1903). Bien que le chromatrope ne soit jamais mentionné explicitement par Souriau, l’instrument symbolise la projection suggestive par excellence grâce à la capacité de subjuguer par ses couleurs éclatantes, ses formes ornementales et son mouvement répétitif (fig. 8). L’expérience du chromatrope réunit les deux formes de fascination visuelle par l’éclat et par distraction indiquées chez Souriau.

8. Anonyme, Chromatrope (détail), France, seconde moitié du XIXe siècle

8. Anonyme, Chromatrope (détail), France, seconde moitié du XIXe siècle

Plaque animée peinte à la main, Ø 72 mm. Collection particulière.

© Christian Mayaud

  • 39 Ibid., p. 33.
  • 40 Ibid., p. 27.
  • 41 Ibid., p. 24‑25.

18La fascination par l’éclat est produite sur la base de l’intensité des couleurs et de leur combinaison avec des formes décoratives, comme l’effet des rosaces des églises gothiques, auquel le même chromatrope fait référence : « au fond d’une nef obscure, une rosace multicolore, sera comme une échappée vers la lumière, et notre pensée s’en ira avec notre regard dans cette direction39 ». C’est en effet la partie la plus brillante du champ visuel qui attire davantage l’attention : « la fascination atteindra son maximum d’énergie quand la lumière atteindra son maximum d’intensité tolérable40 ». Par conséquent, l’éclat des couleurs, défini par Souriau comme « ce qui arrive pour chacun de nous, dès que la couleur dépasse un certain degré de saturation », capture les yeux dans ce processus d’absorption mentale à la base de l’hypnose41. Cela montre bien pourquoi les couleurs du chromatrope sont très saturées et intenses, sans néanmoins devenir aveuglantes et fatiguer le spectateur.

  • 42 Ibid., p. 38‑39.
  • 43 Hippolyte Bernheim, De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique, Paris, O. Doin, 188 (...)

19Bien que, selon Souriau, les couleurs éclatantes et la combinaison de formes géométriques possèdent le pouvoir de fasciner en attirant l’attention, il existe aussi pour lui une forme de fascination par distraction qui suppose plutôt une suspension de la perception. Dans ce cas, la fascination visuelle est provoquée par exemple par un mouvement continu et monotone, qui absorbe le regard dans une contemplation où l’attention est suspendue : « le regard est fixe, les figures se brouillent, se décolorent […] nous regardons sans voir : nous sommes en extase42 ». La projection du chromatrope repose justement sur un mouvement répétitif dû à la rotation des verres et aux effets de fondu, tandis que la musique marque le rythme de cette monotonie. Le résultat de la suggestion est finalement une sorte de vertige mental qui s’accompagne d’un état de léthargie, comme décrit dans l’expérience de la lanterne magique. Ce lien entre la suggestion et le sommeil hypnotique est au centre des recherches psychophysiologiques, dont Souriau vulgarise les idées. Celles conduites par le psychiatre Hippolyte Bernheim, professeur de médecine à Nancy, soulignent en particulier comment la suspension de l’attention, qui se produit automatiquement lors du sommeil, est la condition première de la suggestion43.

20En résumé, les couleurs éclatantes et le mouvement répétitif peuvent être considérés comme étant à l’origine de la fascination visuelle et par conséquent de la suggestion créée par la projection lumineuse du chromatrope. Les deux formes de fascination par l’éclat et par distraction indiquées chez Souriau sont supposées être générées alternativement par le chromatrope. Cet instrument semble donc avoir un double pouvoir de fascination sur le spectateur, soit en attirant son attention, soit en la suspendant, au centre de la spirale en mouvement, comme si le chromatrope était une sorte de dispositif hypnotique et hallucinatoire, capable de provoquer un état de suggestibilité.

Vers une thérapeutique des émotions

  • 44 Sur ce sujet, voir Mireille Berton, Le Corps nerveux du spectateur, op. cit., p. 345 sq.
  • 45 Auguste Pleasanton, The Influence of Blue Ray of the Sunlight and of the Blue Colour of the Sky, Cl (...)

21Dès lors que l’expérience du spectateur est assimilée à la captation hypnotique44, il n’est pas étonnant que le chromatrope fasse aussi son apparition dans le champ expérimental de la chromothérapie. En effet, du moment où la psychophysiologie de la vision considère la perception de la couleur comme un processus mental relié à l’expérience plurisensorielle du corps, l’idée selon laquelle les lumières colorées sont des vibrations ayant un impact émotionnel, suggestif et donc thérapeutique sur le corps se répand aussi dans la culture populaire, à l’instar des théories plus volontiers métaphysiques développées par les théoriciens américains Auguste Pleasanton, Seth Pancoast et Edwin Babbit45. Au cours de la seconde moitié du siècle, la chromothérapie devient une vraie mode bourgeoise, à pratiquer également à la maison pour se reposer de la fatigue urbaine, comme le montre une illustration de Pancoast sur l’influence de la lumière rouge (fig. 9).

9. « Application de la lumière rouge – bains de couleur »

9. « Application de la lumière rouge – bains de couleur »

Tiré de Seth Pancoast, Blue and Red Light: or, Light and its Rays as Medicine, Philadelphie, J. M. Stoddard & Co., 1877.

  • 46 Charles Féré, Sensation et mouvement. Études expérimentales de psycho-mécanique, Paris, F. Alcan, 1 (...)
  • 47 Ibid., p. 86‑88.
  • 48 Hippolyte Berheim, De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique, op. cit., p. 140‑152 (...)

22En France, la psychiatrie s’intéresse à la thérapie de la couleur surtout à travers les recherches sur l’hystérie de l’École de la Salpetrière et de l’École de Nancy. C’est notamment Charles Féré qui étudie l’impact émotionnel des vibrations énergétiques produites par la lumière colorée46. À ce sujet, Féré souligne que « le mouvement exagère l’intensité de la sensation colorée », ce qui rend encore plus évidente la réponse émotionnelle à la couleur, non seulement à travers la variation de la physionomie, mais aussi à travers « une érection générale de l’organisme tout entier47 ». Cette capacité de la couleur à susciter des émotions est au fondement des recherches sur l’effet hypnotique du mélange des couleurs à travers les disques tournants. Bernheim réalise des tests cliniques sur le pouvoir suggestif des couleurs dans l’induction d’hallucinations à finalité thérapeutique48.

  • 49 Jules Bernard Luys, Hypnotisme expérimental. Les émotions dans l’état d’hypnotisme et l’action à di (...)

23Les spectacles de chromatrope, en tant que projections de lumières colorées en mouvement où le corps des spectateurs se trouve dans un état immersif, ne sont pas si différents de ces expériences de thérapies par la couleur. Au laboratoire de l’hôpital de la Charité, le docteur Jules Bernard Luys, un des pionniers de la recherche médicale sur l’hypnose, utilise précisément une lanterne magique pour réaliser des tests sur « la sollicitation des régions émotives par l’action de verres diversement colorés ». Pour étudier l’impact suggestif de lumières colorées, Luys s’installe dans « une chambre noire éclairée par une lampe en forme de lanterne magique » avec laquelle il projette les verres colorés directement sur le patient, sans l’intermédiation d’un écran, ce qui entraîne des réactions émotionnelles variables par rapport à la réceptivité des sujets49. C’est également cette valeur hypnotique de l’expérience de la lanterne magique qui est soulignée par Souriau. Ces expériences sont toujours réalisées avec des couleurs primaires pures, susceptibles, comme nous l’avons vu, de provoquer des réactions émotionnelles plus intenses, autant pour les tests de laboratoire que pour les spectacles.

  • 50 Henri de Varigny, « Le Laboratoire de psychologie expérimentale de l’université de Madison », Revue (...)
  • 51 Henry Nichlos, « The Psychological Laboratory at Harvard », Mc Clure’s Magazine, octobre 1893, p. 4 (...)
  • 52 Ce test de Corning avec le chromatrope est analysé par Joshua Yumibe, Moving Color. Early Film, Mas (...)
  • 53 James Leonard Corning, « The Uses of Musical Vibrations Before and During Sleep. Supplementary Empl (...)
  • 54 Théodule Ribot, La Psychologie des sentiments, Paris, F. Alcan, 1896, p. 103 sq.

24Mieux équipés pour ces recherches expérimentales que les laboratoires français, leurs homologues américains pratiquent plusieurs tests avec la lanterne magique50. Le plus connu est celui de Hugo Münsterberg à Harvard, où sont notamment menés des tests pour observer la modification de la perception de la couleur dans un état de distraction : tandis qu’un élève regarde une série de lumières colorées dans une lanterne magique, un autre produit des sons avec un diapason pour distraire l’attention du premier51. Dans cette même veine hypnoïde, le chromatrope lui-même est utilisé au cours de recherches neurophysiologiques américaines pour hypnotiser les patients en vue de développer une thérapie des émotions. C’est le cas d’un test réalisé par le neurologue Leonard Corning pour étudier les effets psychologiques des vibrations de la musique et des lumières colorées avant et pendant le sommeil chez les patients souffrant de névroses, de la mélancolie à la dépression52. Les résultats sont publiés en 1899 dans une revue américaine, mais l’essai est très vite traduit intégralement en France et l’expérience divulguée au grand public par des journaux populaires53. La recherche expérimentale de Corning fait référence au débat français, de la chromothérapie de Féré à l’application thérapeutique de la suggestion de Bernheim, jusqu’aux études sur les émotions comme La Psychologie des sentiments de Théodule Ribot54.

25Corning construit un vrai dispositif audiovisuel, qui produit des hallucinations chez les patients à travers l’action simultanée d’images et de sons. Les patients sont de fait assimilés au rôle de spectateurs hallucinés. Une illustration montre un homme couché qui observe une image composée de couleurs et de formes abstraites projetées par un chromatrope tout en écoutant une musique produite par un phonographe d’Edison (fig. 10). Le test est résumé dans une étude sur les rêves :

  • 55 Georges Dumas, « Comment on gouverne les rêves », Revue de Paris, vol. 11, nº 6, 1909, p. 346‑347.

un chromatoscope, formé de deux disques de verre diversement colorés et tournant en sens contraire, projette sur l’écran des images mobiles dont les formes changeantes et la beauté capricieuse tiennent l’attention, dit M. Corning, dans un véritable enchantement. […] L’opérateur dispose d’un tube de conversation adapté au tube musical et, tandis que le patient est absorbé par les couleurs et les sons, il peut lui adresser des suggestions qui ont un effet hypnotique. Sous la double influence de la musique et de l’image, les souvenirs agréables de la vue et de l’ouïe s’éveillent vite pour se transformer aussitôt en hallucinations véritables, qui apportent la joie ou la paix : les malades les plus abattus ou les plus inquiets s’endorment en des rêves heureux55.

10. Illustration du test avec le chromatrope

10. Illustration du test avec le chromatrope

Tiré de J. L. Corning, « Emploi des vibrations musicales avant et pendant le sommeil. Emploi supplémentaire d’images chromatoscopiques. Contribution aux thérapeutiques des émotions, traduit de l’anglais par M. Gautier », Revue d’électrothérapie et de radiothérapie, mars 1899.

26Le chromatrope, considéré par Corning comme plus efficace que le kaléidoscope pour ce type de test, devient l’instrument parfait, en raison de la combinaison de couleurs éclatantes en mouvement et de la musique, pour fatiguer l’attention des patients et les emmener vers le sommeil. C’est principalement cette suspension de l’attention induite par le mouvement des plaques animées qui favorise la réception des sensations visuelles et auditives. Dès lors, les hallucinations produites par les vibrations sur le corps induisent des émotions positives chez les patients avant de les plonger dans le sommeil. Selon Corning, l’utilisation d’un médicament hypnotique (ou somnifère) pouvait d’ailleurs prédisposer davantage le patient à être fasciné de façon positive et l’endormir plus facilement.

27Une expérience similaire de suggestion induite par la drogue est racontée par l’écrivain Jules Claretie, inspiré par les recherches psychologiques sur l’hypnotisme. Il s’agit de la description d’une hallucination visuelle causée par le haschich, qui mène le protagoniste de l’histoire à tomber dans un état comateux :

  • 56 Jules Claretie, « Quatre heures de haschich », Histoires cousues de fil blanc, Paris, Librairie du (...)

Je fermai les yeux ; une série de rosaces rouges, vertes, bleues, qui tourbillonnaient, se confondaient, avançaient ou reculaient, comme les éblouissements des chromatropes anglais, se succédèrent dans l’ombre. Puis, je perdis terre et je m’endormis. Sommeil profond, immobile, comateux. […] Pour moi, rien ne restait de l’hallucination passée56.

  • 57 Sur la question des « hallucination visuelles », voir Donata Pesenti Campagnoni, Paolo Tortonese (d (...)
  • 58 Le Musée national de l’éducation de Rouen conserve des chromatropes provenant d’un magasin de jouet (...)
  • 59 Par exemple, dans le film d’Émile Malespine, Jeux d’ombre (1924), la projection d’un chromatrope es (...)

28Le chromatrope devint ici une métaphore littéraire pour décrire un phénomène d’hallucination chromatique57. Il offre en effet cette qualité symbolique de capturer l’attention en suspendant la perception (regarder sans voir), et par conséquent de suggestionner le spectateur. C’est cette qualité qui fonde sa popularité au-delà des spectacles de lanterne magique et qui explique que le chromatrope ait survécu à l’invention du cinéma notamment comme une attraction pour enfants58, tandis que la forme de la rosace multicolore en mouvement connaît plusieurs résurgences, des avant-gardes au cinéma expérimental59.

29L’histoire du chromatrope met en scène tout au long du XIXe siècle une transformation de statut qui s’articule entre culture savante et culture des spectacles populaires. Son origine convoque la physiologie optique des couleurs, vulgarisée dans ces mêmes spectacles populaires, rappelant par la même occasion toute une gamme d’expériences visuelles. Les unes sont issues des manuels de production ornementale et s’insèrent dans un corpus de techniques destinées à industrialiser les arts décoratifs par la conception de modèles géométriques utilisés à des fins esthétiques. Les autres sont liées aux spectacles pyrotechniques du XVIIIe siècle dont le chromatrope est l’héritier. Mais sa longévité s’explique par l’évolution de son statut et des discours savants qui l’ont accompagné. La recherche sur la pureté des couleurs dont le chromatrope fait l’objet et sur l’effet de fascination visuelle qu’il produit sur le spectateur est le trait d’union entre deux univers apparemment différents. En passant progressivement des grammaires mâtinées de physiologie optique à la psychologie des couleurs fin de siècle, aux recherches sur l’attention, la suggestion et l’hypnose, le chromatrope se requalifie. Il rejoint alors le corpus des outils d’expérimentations psychophysiologiques, par sa faculté à distraire et à fasciner tout à la fois. Il apparaît ainsi comme le révélateur d’une transformation culturelle plus profonde, commune à la culture populaire et à la culture savante, le passage d’une logique optique à une conception psychologique des effets de la couleur sur le spectateur.

Je tiens à remercier infiniment pour leurs conseils et leurs encouragements mon directeur de recherche Pascal Rousseau, ainsi que Christian Joschke, Ségolène Le Men et Arnaud Maillet.
Je remercie vivement les institutions qui m’ont fourni leur matériel : Laurent Mannoni et la Cinémathèque française ; Stella Dagna et Isabella Isoardi du Musée du cinéma de Turin ; Marie-Sophie Corcy et Isabelle Taillebourg du Musée des arts et métiers de Paris ; le Pôle documentation du Musée national de l’éducation de Rouen ; Elaine Penn et les archives de la RPI à l’université de Westminster (Londres). Un remerciement spécial à François Benutruy, qui m’a montré une partie de sa collection de chromatropes et à Christian Mayaud qui a réalisé les photographies qui accompagnent cet article.

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Notes

1 Laurent Mannoni, Donata Pesenti Campagnoni (dir.), Lanterne magique et film peint. 400 ans de cinéma, cat. exp. (14 oct. 2009-28 mars 2010, Paris, Cinémathèque française), Paris, La Martinière, 2009 ; Bodo von Dewitz, Werner Nekes (dir.), Ich sehe was, was du nicht siehst ! Sehmaschinen und Bilderwelten, Die Sammlung Werner Nekes, cat. exp. (27 sept.-24 nov. 2002, Cologne, musée Ludwig), Göttingen, Steidl, 2002 ; David Robinson (dir.), Encyclopaedia of the Magic Lantern, Londres, Magic Lantern Society, 2001 ; Annie Renonciat, Images lumineuses. Tableaux sur verre pour lanternes magiques et vues sur papier pour appareils de projection, Mont-Saint-Aignan, Musée national de l’éducation, 1995 ; Élise Picard, Françoise Levie (dir.), Inventaire des collections. Lanterne magique et fantasmagorie, Conservatoire national des arts et métiers, Paris, Musée national des techniques, 1990 ; Jac Remise (dir.), Magie lumineuse. Du théâtre d’ombres à la lanterne magique, Paris, Éditions Balland, 1979.

2 Tom Gunning a déjà évoqué la force d’attraction des couleurs dans le cas du cinéma des premiers temps : voir « Colorful Metaphors. The Attraction of Color in Early Silent Cinema », Fotogenia, nº 1, 1994, p. 249‑255.

3 Voir Jonathan Crary, L’Art de l’observateur. Vision et modernité au XIXe siècle, Frédéric Maurin (trad.), Nîmes, Éditions Chambon, 1994 [1990].

4 Anonyme, « Des images transparentes sur verre. Conseils », Magasin pittoresque, nº 46, 1878, p. 79.

5 Pour cette raison, l’origine du chromatrope a été rapprochée d’une typologie spécifique d’illusion optique étudiée par le physicien Michael Faraday grâce à un appareil composé de deux disques tournants avec des rayons sur leur pourtour. John Tyndall, Faraday as Discoverer, New York, Appleton and Co., 1868, p. 18; Michael Faraday, « On a Peculiar Class of Optical Deceptions », The Journal of the Royal Institution of Great Britain, vol. 1, février 1831, p. 205‑223 ; Jonathan Crary, L’Art de l’observateur, op. cit., p. 159 sq.

6 Anonyme, « Obituary. Henry Langdon Childe », The Art Journal, 1874, p. 372. Childe réalisait les chromatropes avec le peintre William Robert Hill, voir « Mr. W. R. Hill », The Optical Magic Lantern Journal, vol. 8, nº 103, décembre 1897, p. 199‑200. Le chromatrope est rendu public comme « one of the brilliant novelties » dans le programme de projections de Noël en 1844, voir The Athenaeum, nº 895, 21 décembre 1844, p. 1175.

7 Sur l’histoire de la RPI, voir Brenda Weeden, History of the Royal Polytechnic Institution 1838-1881. The Education of the Eye, Londres, Granta Editions, 2008 ; Jeremy Brooker, The Temple of Minerva. Magic and the Magic Lantern at the Royal Polytechnic Institution, London, 1837-1901, Londres, Magic Lantern Society, 2015.

8 Voir The Royal Polytechnic Institution, Programme for 1845 (archives de la RPI/3, université de Westminster, Londres).

9 Voir par exemple les premières publicités des spectacles, « Théâtre Palais-Royal », L’Écho, 20 octobre 1846 ; « Théâtre Montasier », Le Moniteur des théâtres, 29 juillet 1848 ; « Théâtre des Folies-dramatiques », Le Moniteur des théâtres, 12 août 1848.

10 Kevin Salatino, Art incendiaire. La représentation des feux d’artifice en Europe, au début des Temps modernes, Alexandre Nguyen Duc Nhuân et Sophie Yersin Legrand (trad.), Paris, Macula, 2015 [1997].

11 Frédéric Dillaye, « Les verres de lanternes magiques », Le Journal de la jeunesse. Nouveau recueil hebdomadaire illustré, 1884, p. 267‑268.

12 Sur la question de la pyrotechnie, voir le numéro spécial « Pyrotechnies, une histoire du cinéma incendiaire », dirigé par Thierry Lefebvre, Laurent Le Forestier et Philippe-Alain Michaud, 1895. Revue d’histoire du cinéma, nº 39, 2003. Sur l’histoire pré-moderne de la pyrotechnie, voir Kevin Salatino, Art incendiaire, op. cit., et Simon Werrett, Fireworks. Pyrotechnic Arts and Sciences in European History, Chicago, University of Chicago Press, 2010. Un exemple de rosace multicolore est reproduite par William Hooper, Rational Recreations, in Which the Principles of Numbers and Natural Philosophy Are Clearly and Copiously Elucidated, Londres, Printed for B. Law and Son, and G. G. and J. Robinson, 1794, vol. 4, p. 164.

13 Voir Claude-Fortuné Ruggieri, Élémens de pyrotechnie divisés en cinq parties…, 3e édition, Paris, Bachelier Libraire, 1821 ; S. Werrett, Fireworks, op. cit., p. 229.

14 Sur ces spectacles, voir John Henry Pepper et al., The Boy’s Own Treasury of Sports and Pastimes, Londres, Fr. Warne and Co., 1868, p. 496‑500; Jordi Pons i Busquet, Image Makers. From Shadow Theatre to Cinema, Gérone, Museu del Cinema, 2006, p. 103. Les mêmes motifs décoratifs se trouvent dans plusieurs cabinets d’optique de la moitié du XVIIIe siècle.

15 Alain St. Hill Brock, Pyrotechnics. The History and Art of Firework Making, Londres, D. O’Connor, 1922, p. 131.

16 Par exemple le recueil de dessins conservé à la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, collections Jacques-Doucet, La Pyrotechnie. Dessins aquarellés représentant des feux d’artifice sous le règne de Louis XVI (XVIIIe siècle, 135f).

17 G. Teymon, « Travaux d’amateurs. Les chromatropes », La Science illustrée, 28 novembre 1902, nº 785, p. 31‑32.

18 Owen Jones, La Grammaire de l’ornement. Illustrée d’exemples pris de divers styles d’ornement, Londres/Paris, Day and Son / Chez Cagnon, [1856]. Sur l’archéologie de cette vision ornementale, voir Georges Roque, Qu’est-ce que l’art abstrait ? Une histoire de l’abstraction en peinture (1860-1960), Paris, Gallimard, 2011.

19 Henri Fourtier, Les Tableaux de projections mouvementés. Études des tableaux mouvementés, leur confection par les méthodes photographiques, montage des mécanismes, Paris, Gauthier-Villars et fils, 1893, p. 52‑60.

20 Giambattista Suardi, Nuovi istromenti per la descrizione di diverse curve antiche e moderne, Brescia, Gian-Maria Rizzardi, 1752 ; George Adam, William Jones, Geometrical and Graphical Essays, Containing a General Description of the Mathematical Instruments, Londres, W. Glendinning, 1803 ; John Holt Ibbetson, Bern Dibner, A Brief Account of Ibbetson’s Geometric Chuck, Manufactured by Holtzapffel & Co. With a Selection of Specimens Illustrative of Some of its Powers, Londres, A. Hancock, 1833. Une collection de ces instruments est visible au Science Museum de Londres.

21 Georges-Michel Coissac, « Appareil à dessiner les chromatropes. Le Wondergraph », Le Fascinateur, 1er octobre 1908, nº 70, p. 310 ; Jean Escard, « L’outillage technique et pratique du dessinateur », Revue mécanique, juillet 1911, p. 80‑81.

22 Une série intacte de chromatropes pour un spectacle avec une double lanterne magique a été récemment retrouvée dans une école à Orsay, Essonne, Île-de-France (coll. François Benetruy).

23 Anonyme, « Des images transparentes sur verre. Conseils », op. cit., p. 80. Léopold Cernesson, Grammaire élémentaire du dessin, ouvrage destiné à l’enseignement… du dessin appliqué aux arts, 1re partie. Dessin linéaire, Paris, Ducher et Cie, 1876.

24 À ce sujet, voir Renaud d’Enfert, Daniel Lagoutte, Un art pour tous. Le dessin à l’école de 1800 à nos jours, Saint-Fons/Rouen, INRP/Musée national de l’éducation, 2004.

25 Edward Groom, The Art of Transparent Painting on Glass for the Magic Lantern, Londres, Winsor and Newton, 1863, p. 54.

26 À l’instar de John Gorham, The Rotation of Coloured Discs Applied to Facilitate the Study of the Laws of Harmonious Colouring, and to the Multiplication of Images of Objects Into Kaleidoscopic Combinations, Londres, J. E. Adlard, 1859 et d’Auguste Rosenstiehl, Les Premiers Éléments de la science de la couleur, Mulhouse, Veuve Bader et Cie, 1884.

27 Il faut remarquer que le chromatrope ne se réduit pas à l’application du kaléidoscope à la lanterne magique. En fait, le même kaléidoscope, inventé par David Brewster en 1816, est commercialisé en forme de plaque animée pour être projeté sur les écrans. Bien que les deux instruments se fondent sur des combinaisons géométriques multicolores, le kaléidoscope est surtout lié aux effets optiques du prisme et à l’idée de multiplication du visible. À ce sujet, voir Arnaud Maillet, « Kaleidoscopic Imagination », Grey Room, nº 48, 2012, p. 36‑55.

28 John Henry Pepper, Cyclopaedic Science Simplified, Londres, Frederick Warne and Co., 1869, p. 30‑122; Amos Emerson Dolbear, The Art of Projecting. A Manual of Experimentation in Physics, Chemistry, and Natural History With Porte Lumiere and Magic Lantern, Boston, Lee & Shepard, 1877, p. 142‑144 ; Théodose du Moncel, « Projetions des principaux phénomènes de l’optique », dans Mémoires de l’Académie royale des sciences, arts et belles-lettres de Caen, 1856, p. 158‑159, 171‑173 ; Anonyme, « Les projections scientifiques à la portée de tous », Le Fascinateur, 1911, nº 97, p. 48‑52.

29 Pour la question du mélange additif et soustractif, voir Georges Roque, Art et science de la couleur. Chevreul et les peintres de Delacroix à l’abstraction, Paris, Gallimard, 2009, p. 74 sq.

30 Il existe aussi une typologie spécifique de chromatropes pour montrer le système additif et la théorie trichromatique de Young-Helmholtz. Par exemple, voir Anonyme, « A New Chromatrope. Illustrating Young’s Theory of Color… », The Philadelphia Photographer, vol. 1, nº 14, octobre 1875, p. 114‑116.

31 G. Teymon, « Travaux d’amateurs. Les chromatropes », op. cit., p. 31‑32. Sur le coloriage, voir Charles Middleton, Magic Lantern. Dissolving View Painting, With Coloured Illustrations by the Author, Londres, Brodie and Middleton, 1876, p. 28‑29.

32 Anonyme, « Des images transparentes sur verre. Conseils », op. cit., p. 79.

33 John Clerk Maxwell, « Experiments on Colour », Transactions of the Royal Society Edinburgh, nº 21, 1855, p. 275‑298; John Clerk Maxwell, « On the Theory of Compound Colours », Philosophical Transactions, nº 150, 1860, p. 57‑84; Hermann von Helmholtz, Optique physiologique, Émile Javal, N. Th. Klein (trad.), Paris, Victor Masson et fils, 1867 [1856-1866], tome 1, p. 359‑410.

34 Camille Flammarion, Dictionnaire encyclopédique universel, contenant tous les mots de la langue française et résumant l’ensemble des connaissances humaines à la fin du XIXe siècle, Paris, Ernest Flammarion, 1894-1898, p. 468‑469.

35 Sur la question de la couleur face à l’industrie, voir Regina Lee Blaszczyk, The Color Revolution, Cambridge, The MIT Press, 2012.

36 Sur ce sujet, voir Jonathan Crary, Suspensions of Perception. Attention, Spectacle and Modern Culture, Cambridge, The MIT press, 1999 et Mireille Berton, Le Corps nerveux du spectateur. Cinéma et sciences du psychisme autour de 1900, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2015.

37 Ibid., p. 236 sq.

38 Paul Souriau, La Suggestion dans l’art, Paris, F. Alcan, 1893, p. 70‑71.

39 Ibid., p. 33.

40 Ibid., p. 27.

41 Ibid., p. 24‑25.

42 Ibid., p. 38‑39.

43 Hippolyte Bernheim, De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique, Paris, O. Doin, 1886.

44 Sur ce sujet, voir Mireille Berton, Le Corps nerveux du spectateur, op. cit., p. 345 sq.

45 Auguste Pleasanton, The Influence of Blue Ray of the Sunlight and of the Blue Colour of the Sky, Claxton, Philadelphie, Remsen and Haffelfinger, 1876; Seth Pancoast, Blue and Red Light: or, Light and its Rays as Medicine, Philadelphie, J. M. Stottard and Co., 1877; Edwin Babbitt, The Principles of Light and Color, New York, Babbitt and Co., 1878.

46 Charles Féré, Sensation et mouvement. Études expérimentales de psycho-mécanique, Paris, F. Alcan, 1887, p. 42 sq.

47 Ibid., p. 86‑88.

48 Hippolyte Berheim, De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique, op. cit., p. 140‑152. Voir aussi Alfred Binet, Charles Féré, Le Magnétisme animal, Paris, F. Alcan, 1890, p. 126‑205.

49 Jules Bernard Luys, Hypnotisme expérimental. Les émotions dans l’état d’hypnotisme et l’action à distance des substances médicamenteuses ou toxiques, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1890, p. 121‑125 ; Jules Bernard Luys, Hôpital de la Charité. Leçons cliniques sur les principaux phénomènes de l’hypnotisme, dans leurs rapports avec la pathologie mentale, Paris, G. Carré, 1890, p. 63‑65.

50 Henri de Varigny, « Le Laboratoire de psychologie expérimentale de l’université de Madison », Revue Scientifique, nº 1, 1894, p. 629.

51 Henry Nichlos, « The Psychological Laboratory at Harvard », Mc Clure’s Magazine, octobre 1893, p. 400.

52 Ce test de Corning avec le chromatrope est analysé par Joshua Yumibe, Moving Color. Early Film, Mass Culture, Modernism, New York, Rutgers University Press, 2012, p. 36‑41.

53 James Leonard Corning, « The Uses of Musical Vibrations Before and During Sleep. Supplementary Employment of Chromatoscopic Figures. A Contribution to the Therapeutics of the Emotions », Medical Record, nº 55, 1899, p. 79‑86 ; Id., « Emploi des vibrations musicales avant et pendant le sommeil. Emploi supplémentaire d’images chromatoscopiques. Contribution aux thérapeutiques des émotions », Revue d’électrothérapie et de radiothérapie, mars 1899, p. 209‑224 ; Le Petit Parisien. Supplément littéraire illustré, nº 529, 26 mars 1899.

54 Théodule Ribot, La Psychologie des sentiments, Paris, F. Alcan, 1896, p. 103 sq.

55 Georges Dumas, « Comment on gouverne les rêves », Revue de Paris, vol. 11, nº 6, 1909, p. 346‑347.

56 Jules Claretie, « Quatre heures de haschich », Histoires cousues de fil blanc, Paris, Librairie du « Petit Journal », 1866, p. 366‑367. On retrouve des métaphores similaires dans d’autres contes, à l’instar de Jules Claretie, Journées de vacances, Paris, E. Dentu, 1886, p. 194 ; Jules Claretie, Jean Mornas, Paris, E. Dentu, 1885, p. 160 ; Théodore de Banville, « Le Diable », L’Âme de Paris. Nouveaux souvenirs, Paris, G. Charpentier, 1890, p. 268.

57 Sur la question des « hallucination visuelles », voir Donata Pesenti Campagnoni, Paolo Tortonese (dir.), Les Arts de l’hallucination, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2002 ; Jean-François Chevrier, L’Hallucination artistique. De William Blake à Sigmar Polke, Paris, L’Arachnéen, 2012.

58 Le Musée national de l’éducation de Rouen conserve des chromatropes provenant d’un magasin de jouets du passage de l’Opéra. C’est le cas du pionnier de l’animation Émile Cohl qui utilise le chromatrope dans deux courts-métrages, Les Lunettes féériques (1909) et Cadres fleuris (1910). Voir Alain Carou, « Les inventions animées, Émile Cohl au prisme d’une histoire culturelle des techniques », 1895. Revue d’histoire du cinéma, no 53, 2007, p. 143‑145.

59 Par exemple, dans le film d’Émile Malespine, Jeux d’ombre (1924), la projection d’un chromatrope est reproduite pour obtenir une symphonie de formes. De même, les films Lapis (1963-66) ou Permutations (1967) de James Whitney mélangent les formes du chromatrope avec des références ésotériques au mandala tibétain.

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Table des illustrations

Titre 1. Anonyme, Chromatrope, France, seconde moitié du XIXe siècle
Légende Plaque animée peinte à la main, 120 x 250 mm. Collection particulière.
Crédits © Christian Mayaud
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 411k
Titre 2. Anonyme, Chromatrope (détail), Angleterre, seconde moitié du XIXe siècle
Légende Plaque animée peinte à la main, Ø 70 mm. Collection particulière.
Crédits © Christian Mayaud
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 255k
Titre 3. Dessin de feu d’artifice
Légende Tiré de La Pyrotechnie. Dessins aquarellés représentant des feux d’artifice sous le règne de Louis XVI, XVIIIe siècle, 135 f, nº 50. Paris, Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, collections J. Doucet.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 634k
Titre 4. « Dessins de chromatropes »
Légende Tiré de H. Fourtier, Les Tableaux de projections mouvementés. Études des tableaux mouvementés, leur confection par les méthodes photographiques, montage des mécanismes, Paris, Gauthier-Villars, 1893.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 411k
Titre 5. « Wondergraphe »
Légende Tiré de J. Escard, « L’outillage technique et pratique du dessinateur », Revue de mécanique, juillet 1911.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 385k
Titre 6. « Chromatropes »
Légende Tiré de « Des images transparentes sur verre. Conseils », Magasin pittoresque, no 46, 1878.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 674k
Titre 7. Anonyme, Chromatrope (détail, six positions différentes), France, seconde moitié du XIXe siècle
Légende Plaque animée peinte à la main, Ø 94 mm. Collection particulière.
Crédits © Christian Mayaud
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre 8. Anonyme, Chromatrope (détail), France, seconde moitié du XIXe siècle
Légende Plaque animée peinte à la main, Ø 72 mm. Collection particulière.
Crédits © Christian Mayaud
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 264k
Titre 9. « Application de la lumière rouge – bains de couleur »
Légende Tiré de Seth Pancoast, Blue and Red Light: or, Light and its Rays as Medicine, Philadelphie, J. M. Stoddard & Co., 1877.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre 10. Illustration du test avec le chromatrope
Légende Tiré de J. L. Corning, « Emploi des vibrations musicales avant et pendant le sommeil. Emploi supplémentaire d’images chromatoscopiques. Contribution aux thérapeutiques des émotions, traduit de l’anglais par M. Gautier », Revue d’électrothérapie et de radiothérapie, mars 1899.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/447/img-10.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Alessandra Ronetti, « « Fasciner l’attention ». Le chromatrope et le pouvoir suggestif de la couleur en France au XIXe siècle »Transbordeur, 1 | 2017, 134-149.

Référence électronique

Alessandra Ronetti, « « Fasciner l’attention ». Le chromatrope et le pouvoir suggestif de la couleur en France au XIXe siècle »Transbordeur [En ligne], 1 | 2017, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/447 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12gwh

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Auteur

Alessandra Ronetti

Alessandra Ronetti est doctorante en histoire de l’art contemporain à l’École normale supérieure de Pise et à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle a été chercheuse invitée et chargée de cours à la New York University en 2016. Sa thèse, Chromomentalisme. Psychologies de la couleur et pratiques visuelles en France au passage du siècle (1880-1914), dirigée par Pascal Rousseau, porte sur l’impact élargi des multiples théories psychologiques de la couleur sur la culture visuelle de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle.
Alessandra Ronetti is a doctoral student in modern art history at the Scuola Normale Superiore di Pisa and the Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. She was a visiting researcher and adjunct professor at New York University in 2016. Her thesis, Chromomentalisme. Psychologies de la couleur et pratiques visuelles en France au passage du siècle (1880-1914), supervised by Pascal Rousseau, relates to the broader impact of the various theories of colour psychology on the visual culture of the late 19th century until the early 20th century.

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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