Des « archives » au « musée », analyse d’un glissement sémantique. Le cas des Archives de la planète
Résumés
Créées par Albert Kahn, les Archives de la planète s’inscrivent au cœur d’une époque complexe, charnière entre deux siècles, aux références multiples. Derrière une homogénéité des supports (plus d’une centaine d’heures de film et près de 72 000 autochromes), cette documentation visuelle présente une réelle hétérogénéité, croisant différentes disciplines, influences, relations à l’ailleurs ou types de récits. De même, le contexte de diffusion du temps d’Albert Kahn oscille entre formation des élites, action de propagande et programme archivistique. Cet article cherche à analyser les usages actuels du fonds à la lumière de son histoire, entre simple réservoir documentaire, appropriations mémorielles et projet historiographique.
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- 1 Marc Henri Piault, Anthropologie et Cinéma. Passage à l’image, passage par l’image, Paris, Nathan, (...)
1Grâce aux progrès techniques qui facilitent les voyages, le XIXe siècle poursuit et amplifie l’inventaire du monde entrepris par les savants naturalistes du temps des Lumières. La mise au point des modes d’enregistrement mécanique du réel accélère le mouvement. La photographie est alors considérée comme une surface sur laquelle s’inscrit un réel directement captable. L’illusion est si parfaite selon certains que la part de subjectivité ou le talent personnel, inhérents à chaque photographe, sont niés. Cette conviction donne alors à l’image photographique une valeur de preuve irréfutable, anonyme, distanciée et objective. Une archive authentique en quelque sorte qui, pour reprendre la définition de Marc Henri Piault, constitue une « réalité » aplatie, facile à ranger, aisément communicable et comparable1.
- 2 Nous pensons notamment aux fonds réunis par la Société française de géographie, qui en 1855 propose (...)
2Contrairement à la plupart des démarches encyclopédiques amorcées dans la seconde moitié du XIXe siècle2, construites sur un principe de collecte et de classement de données hétéroclites préexistantes, images rassemblées en fonction de critères esthétiques ou thématiques, les Archives de la planète apparaissent d’abord comme une entreprise de production, qui a fonctionné de 1909 à 1931. Comme l’affirme leur fondateur, Albert Kahn, banquier, philanthrope et pacifiste, la pratique directe du terrain par des opérateurs photographes et cinéastes en est un élément central :
- 3 Lettre d’Albert Kahn à Jean Brunhes, 26 septembre 1912. Les archives privées de Jean Brunhes sont c (...)
« Les études sur place me paraissent être le seul moyen de faire de la vraie géographie. Elles prendront toute leur valeur et produiront leur plein effet lorsque notre petite planète vous sera devenue familière3. »
3Derrière une homogénéité des supports (plus d’une centaine d’heures de films et près de 72 000 autochromes), les Archives de la planète présentent une réelle hétérogénéité, croisant différentes disciplines, influences, relations à l’ailleurs, types de récits… Ce projet s’inscrit en effet au cœur d’une époque complexe, charnière entre deux siècles, aux références multiples. Il témoigne d’un monde qui se modifie en profondeur, qui s’étend en même temps qu’il se contracte, rendant les lieux interdépendants. Banquier cosmopolite, qui spécule sur les mines de diamants d’Afrique du Sud et négocie avec les financiers de l’empire de Meiji, infatigable voyageur qui considère que l’expérience de la confrontation à l’ailleurs est nécessaire à la formation des jeunes diplômés, pacifiste militant qui assiste au redécoupage du monde par les grandes puissances européennes, Albert Kahn est, à de nombreux égards, acteur de cette mondialisation en marche. Dans ce contexte, les Archives de la planète naissent surtout de la rencontre de deux personnalités, Albert Kahn et Jean Brunhes, directeur scientifique recruté en 1912, tous deux hommes de conviction, engagés chacun à leur manière, l’un nourri de culture parlementaire, attiré par l’ethnologie naissante, l’autre issu du catholicisme social, un des fondateurs de la géographie humaine.
4Fortune faite, Albert Kahn s’intéresse aux questions politiques et sociales qui traversent son époque et cherche à mettre en place des lieux de réflexion et de débat, désireux de donner aux hommes les moyens de mieux se connaître. Il milite pour le rapprochement entre les peuples en insufflant un esprit international dans son réseau d’élites éclairées. À partir de la création de différentes fondations, il souhaite donner à comprendre l’humanité dans sa complexité, en convoquant tous ses aspects (biologique, sociologique, politique, économique, géographique…) et en favorisant le décloisonnement disciplinaire.
- 4 À ce sujet, voir Éléonore Challine, Les Géographes français dans les Balkans, 1912-1930, Master d’h (...)
5Jean Brunhes, géographe disciple de Paul Vidal de la Blache, spécialiste en hydrologie, incarne la figure de l’universitaire engagé. Enseignant à l’université de Fribourg, en Suisse, il publie en 1910 La Géographie humaine et participe à la constitution d’une discipline en plein devenir. Membre éminent du mouvement catholique social, animateur de la Ligue sociale d’acheteurs, il croise fréquemment les registres du scientifique et du politique4 (fig. 1). Il s’engage par exemple activement en faveur de l’indépendance de l’Albanie, soutient publiquement la politique menée par le Général Gouraud dans les protectorats français au Liban et en Syrie, milite en faveur de la politique coloniale notamment sur les questions de transports ferroviaires. Ces préoccupations auront des incidences importantes sur le choix des missions des Archives de la planète.
1. Stéphane Passet, « Campement de réfugiés de Strunika », Grèce, Salonique, 30 août 1913

Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 3 855).
6Les Archives de la planète sont donc modelées par ces deux visions, parfois complémentaires, parfois concurrentes, qui rendent ce programme complexe, difficilement appréhendable, peu lisible. Quel est au fond son objectif ? Cherche-t-il à sauvegarder ce qui va disparaître ou à témoigner de la réalité d’un monde qui change ? S’adresse-t-il aux contemporains ou aux générations futures ? Prétend-il produire des données pour la science ou offrir les moyens d’agir sur le réel ?
7Dès l’origine, la dimension universitaire du projet, destiné à la formation des élites, sa dimension archivale, visant à enregistrer des événements significatifs ou en voie de disparition pour les historiens du futur, sa dimension militante, au service d’une action de propagande, mais également sa dimension esthétique, autour de l’invention d’une écriture spécifique, interagissent. Comme nous allons le voir, le caractère très hétérogène des ambitions initiales marque de façon un peu similaire les interprétations récentes du fonds, entre simple réservoir documentaire, appropriations mémorielles et projet scientifique de contextualisation. En effet, si la fonction immédiate de ces images est de donner à voir un contenu iconographique témoignant des bouleversements du monde à cette époque, un travail d’historicisation permet également d’interroger, de manière plus réflexive, la place, l’utilité et l’usage de la collection dans le présent et de mesurer l’écart avec le projet de départ.
Documenter le monde : une démarche scientifique
- 5 Albert Kahn cité par Emmanuel de Margerie, lettre adressée à Jean Brunhes, 26 janvier 1912.
- 6 Marie-Claire Robic, « Interroger le paysage ? L’enquête de terrain, sa signification dans la géogra (...)
8D’une manière générale, la quasi-absence de formation universitaire des opérateurs, la courte durée de leurs séjours et la nature de leurs interlocuteurs, généralement limités à des représentants officiels, réduisent fortement leur capacité à comprendre les logiques internes de la culture étudiée. Spontanément, ils reprennent peu ou prou les contenus des guides touristiques. Kahn en a évidemment conscience et part, dès l’origine, à la recherche d’un directeur scientifique, « un homme actif, suffisamment jeune, habitué à la fois aux voyages et à l’enseignement, et d’une compétence reconnue comme géographe5 ». Le choix d’un géographe permet à Kahn de conforter la place de l’image au sein d’une discipline qui a fait de l’expérience du « plein air » un de ses fondements méthodologiques6. Par ailleurs, la direction des Archives de la planète est assortie de la création d’une chaire au Collège de France, intégralement financée par le banquier. Cette condition rejoint l’intérêt d’un Jean Brunhes fraîchement éconduit lors d’un précédent scrutin et va dans le sens de la reconnaissance institutionnelle des archives visuelles voulues par Kahn :
- 7 Brouillons de lettre d’Albert Kahn à Maurice Croiset, administrateur du Collège de France, 29 févri (...)
« Le titulaire de cette chaire […] serait mis par mes soins en possession de moyens scientifiques et pratiques qui lui permettraient d’enrichir son enseignement d’une manière exceptionnelle. Il serait à même de profiter des résultats de missions scientifiques que je me propose d’envoyer dans le monde entier en vue d’une documentation originale7. »
9Jean Brunhes met rapidement en œuvre la commande qui lui est faite et affirme, dès 1913, l’importance de ses cours pour faire connaître et légitimer les Archives de la planète :
- 8 Lettre de Jean Brunhes à Albert Kahn, 7 mars 1913.
« J’ai voulu concilier avec la plus grande volonté les exigences scientifiques d’un cours comme celui-là et le désir de faire connaître les Archives de la planète. C’est par cet effort de longue haleine, s’adressant à des gens sérieux, que nous créerons aux Archives une réputation de bon aloi, digne en toute vérité de votre généreuse munificence8. »
- 9 Manuscrit de Jean Brunhes préfigurant les orientations scientifiques, [1912 ?].
10Brunhes cherche dans un premier temps à intégrer au projet de Kahn des collaborateurs formés par ses soins, familiarisés avec les méthodes d’investigation propres à la géographie. Dans son esprit, les opérateurs doivent être dirigés par « des hommes d’une compétence reconnue chargés d’enquêter sur des exemples complexes et d’enregistrer des faits de différents ordres ». Il ajoute : « c’est de cette manière seulement que nous pourrons utiliser, confronter et critiquer des documents de différentes origines9 ».
- 10 Ibidem.
11Lors de sa prise de poste, il est favorable à l’établissement d’un partenariat avec la firme Gaumont. Cette solution permettrait en effet de partager les coûts de production (mise à disposition du matériel et des opérateurs), l’argent économisé pouvant être investi dans la « vraie recherche scientifique des fonds du donateur10 ». Cette proposition n’est finalement pas retenue, Kahn préférant recruter en interne les opérateurs. Brunhes n’abandonne pas pour autant le principe d’un fonctionnement en binôme opérateur/scientifique, proposition qui n’aboutit pas, le banquier estimant que la dimension scientifique devait être incarnée par Brunhes seul.
- 11 Jean Brunhes, La Géographie humaine. Essai de classification positive. Principes et exemples, Paris (...)
12Malgré cette résistance autour de la mise en œuvre de la recherche, Brunhes instaure dès son arrivée à Boulogne une logique d’ensemble plus cohérente, qui dépasse désormais l’accumulation de souvenirs de voyage produits par des techniciens. Afin de garantir un cadre scientifique minimum, il anime des réunions préparatoires avant le départ des opérateurs en mission. La présence de thématiques ayant trait à la vie agricole dans les reportages ramenés par Stéphane Passet lors de ses voyages en Chine en 1912 et 1913 (fig. 2) témoigne de l’influence immédiate des consignes de Brunhes, élaborées au travers du prisme de La Géographie humaine11. Pour autant, il ne semble pas qu’il y ait jamais eu de programme définissant le contenu, les destinations et les objectifs des missions, mais davantage une succession d’opportunités.
2. Stéphane Passet, « Mouture du blé », Chine, Pékin, 11 juillet 1912

Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 661).
- 12 Jean Brunhes, Étude de géographie humaine. L’irrigation, ses conditions géographiques, ses modes et (...)
13Malgré une convergence d’intérêts autour du rayonnement du projet dans la sphère universitaire, des ajustements épistémologiques ont été nécessaires de la part du géographe. Brunhes est d’abord un disciple de la géographie physique, s’intéressant à l’érosion fluviale et à la morphologie glaciaire (fig. 3). Lorsqu’il aborde les questionnements liés à l’occupation humaine, il le fait comme un professeur de géographie selon les principes de l’école vidalienne, partant du postulat que « les actes essentiels du travail humain s’impriment en caractères matériels et visibles sur la surface de la terre12 ». Kahn s’intéresse plutôt à l’Homme à travers sa dimension sociale et ethnologique. Emmanuel de Margerie, géographe qui organise la rencontre entre les deux hommes, souligne dans une lettre introductive qu’il envoie à son confrère, cette possible divergence de points de vue :
- 13 Lettre d’Emmanuel de Margerie à Jean Brunhes, alors professeur à Fribourg, 26 janvier 1912.
« j’ai pensé aussitôt à toi. […] Maintenant si tu as quelques scrupules, et si tu crains par exemple que le côté ethnographique ne prenne trop de place dans le programme qu’il s’agira de réaliser – crois-moi bannis ces craintes, et accepte, avant tout, de créer cette situation quitte à l’orienter ensuite dans le sens que tes goûts et compétences te portent à lui donner13. »
3. Frédéric Gadmer, « Vue prise de Brévent (2532 m) : Mt Voirassoy [sic], Col et Pic du Tricot, Mt Joly, au premier plan, l’aiguillette, dans le fond, les Grandes Rousses », France, Chamonix, 1er mars 1921
![3. Frédéric Gadmer, « Vue prise de Brévent (2532 m) : Mt Voirassoy [sic], Col et Pic du Tricot, Mt Joly, au premier plan, l’aiguillette, dans le fond, les Grandes Rousses », France, Chamonix, 1er mars 1921](docannexe/image/423/img-3-small480.jpg)
Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 24 974).
- 14 Marie-Claire Robic, « Rencontres et voisinages de deux disciplines », Ethnologie française, vol. 34 (...)
14Séparées dans le partage disciplinaire opéré au moment de l’institutionnalisation des sciences humaines à partir des années 1890, géographie et sociologie entretiennent des relations sporadiques au cours du XXe siècle. Tout en soulignant leurs proximités, leur « parenté », les tenants des deux disciplines opposent les modèles explicatifs et les points de vue privilégiés par l’une et par l’autre. Les tenants de la nouvelle école vidalienne affirment l’empreinte souveraine du milieu et des conditions ambiantes sur les œuvres humaines. A contrario, la sociologie s’affranchit de toute sujétion aux sciences de la nature, répondant à l’injonction durkheimienne d’expliquer « le social avec du social ». En résumé, la géographie étudierait l’habitat, tandis que la sociologie privilégierait l’habitant14.
- 15 Jacques Coenen-Huther, « La Sociologie et la géographie. Concepts, analogies, métaphores », Revue e (...)
15En partie en réponse à l’attente de son commanditaire, mais aussi par intérêt scientifique, Brunhes est à l’origine d’une posture « de synthèse » qui s’écarte sensiblement de l’école vidalienne, étudiant de manière moins dogmatique les influences réciproques entre faits sociaux et cadre naturel. Il invite à ne jamais méconnaître « même en géographie, tout ce qui dérive sur la terre des décisions libres ou des actes irréfléchis des hommes15 ». L’approche méthodologique qu’il défend au sein des Archives de la planète est attentive aux hommes, à ce qu’ils vivent et produisent, à leur vie quotidienne. Le film va alors jouer un rôle déterminant dans l’effort de captation de la dimension « immatérielle » des pratiques, restituant gestes, interrelations, rituels, processions, etc. :
- 16 Jean Brunhes, « Ethnographie et géographie humaine », L’Ethnographie, nº 1, octobre 1913, p. 38.
« Tandis que, dans les musées ethnographiques, les types humains sont représentés par des moulages en cire ou par des photographies posées, nous voulons saisir les hommes dans la vérité même de leurs attitudes courantes ; au lieu de nous intéresser à des individus seuls, nous nous sommes préoccupés, avant tout, de la vie en groupe ; car toute vie, géographiquement et ethnographiquement parlant, a un caractère collectif16 » (fig. 4).
4. Camille Sauvageot, « Les Saintes Maries de la Mer », 24‑25 mai 1920

Film noir et blanc muet. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (AI 44717).
16Parallèlement, le programme scientifique de départ, visant à produire une documentation mise au service des sciences humaines, s’élargit progressivement. Les missions, d’abord centrées sur l’enregistrement des pratiques religieuses, de l’architecture, des costumes ou de l’artisanat, glissent vers la consignation d’événements qui font l’actualité, notamment lors de la Première Guerre mondiale (fig. 5). Dès 1914, Brunhes se démène pour envoyer les opérateurs sur le front de la Marne :
- 17 Lettre de Jean Brunhes au recteur d’académie, 29 novembre 1914 : demande autorisation pour mission (...)
« M. Albert Kahn m’a fortement recommandé de travailler à l’accomplissement de cette mission géographique, topographique et photographique. Ce que nous voulons faire n’est pas du tout un travail de reportage mais une étude méthodique et consciencieuse17. »
5. Georges Chevalier, « L’église de Sermaize qui a été, non pas bombardée, mais brûlée : Jeanne d’Arc y est venue, un de ses oncles y était curé », Sermaize-les-Bains, 29 janvier 1915

Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 4 852).
- 18 Teresa Castro, « Les Archives de la planète et les rythmes de l’Histoire », 1895. Revue d’histoire (...)
17Les documents ramenés par les opérateurs s’écartent délibérément du reportage journalistique. Cette prise de distance se manifeste notamment à travers la mise au point d’une écriture visuelle spécifique, analysée par Teresa Castro : dans les films, l’austérité très marquée des formes, les plans longs et fixes, l’économie des moyens fondent un régime descriptif particulier, en adéquation avec une certaine recherche de rationalité18. En rupture avec le style des firmes Pathé ou Gaumont, les opérateurs apparaissent comme des observateurs privilégiés, apportant des éléments de compréhension des phénomènes filmés ou photographiés, en dehors des contraintes générées par les circuits de diffusion commerciale. Selon le vœu de leur commanditaire, ils travaillent méthodiquement pour réunir la matière utile aux historiens de demain :
- 19 Jean Brunhes, « Ethnographie et géographie humaine », op. cit., p. 39.
« Elles [les Archives de la planète] voudraient constituer une sorte de tableau réel de la vie à notre époque, qui demeure le monument par excellence de consultation et de comparaison pour ceux qui viendront après nous19. »
18Cette quête d’objectivité, au service de la recherche présente et future, doit néanmoins être nuancée. Le choix de l’autochrome n’est pas neutre et les potentialités nouvellement offertes par la couleur sont à mettre en perspective. Par l’effet de réel produit, la couleur constitue une source d’information inédite pour les sciences humaines, comme on le voit notamment à travers l’étude des costumes (fig. 6 et 7) :
- 20 Ibidem.
« nous croyons pouvoir apporter une aide précieuse aux recherches ethnographiques par une documentation vraiment moderne. Il est évident et certain que la photographie en couleurs peut fournir des pièces documentaires qui sont de premier ordre pour toutes les recherches sur les costumes20. »
6. Georges Chevalier, « La grande avec costume tout à fait galicien et la petite de la montagne », Espagne, de Santiago à Padrón, Fijo, 20 mai 1917

Autochrome, 120 x 90 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 10 787).
7. Georges Chevalier, « Encore les mêmes vues de dos »

Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 10 789).
19La faible sensibilité de la plaque impose malgré tout des temps de pose très longs (plusieurs secondes) et le manque d’instantanéité du procédé le rend parfois peu apte à enregistrer la réalité recherchée par les opérateurs. De même, l’autochrome est non reproductible et incompatible avec tout projet éditorial. Il est pourtant conservé sur toute la durée du projet, pendant plus de vingt ans.
20À y regarder de plus près, il apparaît que la recherche de neutralité de principe laisse volontiers place à une démonstration en image, visant à toucher celui qui la regarde. Cette position ambivalente traverse l’ensemble de la production, surtout lorsque l’on considère son contexte de diffusion.
Entre effet de réel et séduction : se donner les moyens de convaincre
- 21 Sophie Couetoux, « Les beaux-arts dans l’univers d’Albert Kahn », dans Stephan Kutniak (dir.), Albe (...)
21Chez Kahn, l’expérience du voyage est centrale. En 1909, il entreprend un tour du monde. Il est accompagné par son mécanicien-chauffeur, Albert Dutertre, équipé d’une chambre stéréoscopique, d’une caméra et d’un phonographe enregistreur. Le projet est modelé par la volonté d’accumuler autant de facettes possibles de la réalité, une sorte d’archivage total. Même si Dutertre réalise quelques autochromes, Kahn découvre véritablement le potentiel de ce procédé lors des projections organisées par Jules Gervais-Courtellemont. Explorateur photographe, il propose depuis 1908 ses « visions d’Orient », conférences étayées par les images en couleur rapportées de ses voyages. L’impact de ces projections sur le banquier marque le véritable point de départ du projet, dictant sa mise en œuvre et son mode de valorisation. Les photographies réalisées par Gervais-Courtellemont n’ont rien du relevé topographique, mais résultent de mises en scène qui tendent parfois à la scène de genre orientaliste21 (fig. 8). Certaines d’entre elles viennent alimenter le fonds documentaire en germe (les premiers numéros d’inventaire sont attribués à des images acquises auprès de Gervais-Courtellemont), confirmant l’ambiguïté du positionnement « scientifique » postulé au départ. Les réalisations de l’explorateur-conférencier ont d’ailleurs longtemps servi de référentiel pour les opérateurs des Archives de la planète, comme en témoigne cette lettre de Stéphane Passet lors de son voyage en Inde :
- 22 Lettre de Stéphane Passet à Albert Kahn, 11 janvier 1914.
« Hier, vendredi, je suis allé à la Jurma Hajid, la plus grande mosquée de l’Asie et j’ai pris en cinéma huit mille musulmans en prières. […] De cette façon, j’espère que vous serez convaincu définitivement que nous ne sommes pas au-dessous de Courtellemont, mais que nous faisons mieux. Je ne crains pas de vous l’écrire et permettez-moi de vous le dire, c’est sans vanité22. »
8. Jules Gervais-Courtellemont, Biskra, Ouled Nail, entre 1909 et 1911

Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 79).
- 23 En 1918, Kahn publie un ouvrage fortement influencé par les idées d’Henri Bergson, Des Droits et de (...)
- 24 Cette société réunissait les boursiers, jeunes intellectuels ayant entrepris un voyage grâce à Albe (...)
22L’ensemble des images prises par les opérateurs, qu’il s’agisse des autochromes ou des films, a vocation à être projeté. Les projections constituent un élément essentiel d’un dispositif raffiné mis au point dans la résidence du banquier à Boulogne. Albert Kahn y entretient un dense réseau de sociabilité, composé de représentants de la sphère politique, religieuse, artistique, intellectuelle ou scientifique, venus du monde entier. Ces invitations en bord de Seine, le temps d’une journée, relèvent avant tout d’une entreprise de séduction : déjeuner, promenades au cœur du jardin, échanges intellectuels sans formalisme. Le jardin, composé des différentes scènes paysagères (française, anglaise, japonaise, mais également un marais et une forêt vosgienne), apparaît alors comme un lieu initiatique au sein duquel des essences, des fleurs, des règles de compositions, des ambiances aux origines diverses cohabitent pour produire un paysage harmonieux. La déambulation est entrecoupée de projections de films et d’autochromes qui, dans la filiation de celles organisées par Gervais-Courtellemont, fonctionnent la plupart du temps comme une invitation au voyage (effets de couleurs et de lumière, éléments d’architecture remarquables, œuvres d’art et d’archéologie, scènes pittoresques…). La dimension spectaculaire inhérente à ce mode de diffusion n’est évidemment pas à négliger. Pierre Deffontaines, géographe élève de Brunhes, décrit les cours de son maître, insistant sur l’effet produit par les projections d’autochromes sur l’auditoire : « Elles [les idées] ne restent pas isolées ou théoriques, elles sont étayées d’exemples, ou plutôt de visions, car ce sont des visions que ces photographies en couleurs, si belles qu’on les applaudit parfois » (fig. 9). Le mot « vision » renvoie de manière explicite au registre sémantique utilisé par Gervais-Courtellemont. Séduire, toucher, émouvoir… pour éduquer. Par la démonstration de la possible coexistence des diversités culturelles, le spectacle des richesses patrimoniales et des phénomènes naturels, Kahn touche le cœur et l’âme des invités. Cette dimension sensible, aiguisée par un processus immersif de plusieurs heures dans le site boulonnais, confère au message pacifiste23 défendu par Kahn une redoutable efficacité. Les collections de jardins et d’images se répondent et s’éclairent mutuellement, manifestant une volonté de restituer le réel selon différentes modalités. À l’objectivité supposée du travail d’enregistrement par l’image répond la tentative de synthèse poétique dans le jardin. Au-delà de la tentation d’embrasser le réel dans sa globalité, c’est finalement le principe de l’abolition de la distance qui est posé. Kahn rend le monde désormais accessible, à portée d’yeux lors des projections, à portée de main lors de promenades dans le somptueux jardin. C’est ce que confirme Bergson dans un texte écrit en 1931 à l’occasion de la célébration du vingt-cinquième anniversaire de la Société autour du monde24. Selon le philosophe, ami de longue date et source féconde d’inspiration pour le banquier, le lieu possède une qualité propre, constituant une propédeutique sensible au service de la paix :
- 25 Discours d’Henri Bergson pour le 25e anniversaire de la Société autour du monde, le 14 juin 1931. F (...)
« ce quelque chose d’unique : une atmosphère morale que tiennent à venir respirer, ne fût-ce que quelques heures ceux qui caressent le rêve d’une humanité organisée et meilleure. […] Si jamais, grâce au travail qui se poursuit à Genève, la ‹ société humaine › arrive à prendre corps, on dira peut-être que le Cercle de Boulogne avait quelque chose pour lui préparer une âme25. »
9. Frédéric Gadmer, « Ensemble du Temple du Soleil au jour naissant », Syrie, Palmyre, 18 octobre 1921

Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 29 705 S).
Une logique d’iconothèque : illustrer les modes de vie de nos ancêtres
23Suite aux conséquences du krach de Wall Street qui entraînent la ruine d’Albert Kahn, son domaine est vendu aux enchères. Sous l’influence des admirateurs de son œuvre, le Département de la Seine acquiert en 1936 l’ensemble de la propriété et les collections d’images. Malgré cette mobilisation, certains éléments furent revendus, d’autres détruits, ce qui explique la quasi-absence d’archives. Le domaine et les collections sont ensuite dévolus au Département des Hauts-de-Seine lors de sa création en 1968. Dans les années 1980, une équipe est recrutée par le Département pour étudier et conserver les collections. Les documentalistes multiplient alors les moyens de diffusion de ce qui était désormais devenu une « collection » : transformées en diapositives, en tirages papiers (affiches, cartes postales), en fac-similés rétro-éclairés, les images sont montrées à la fois à des chercheurs et à de nombreux visiteurs. Un musée est finalement créé en 1992. Les expositions, conduites à un rythme annuel, présentent des monographies portant sur un pays ou sur une région. Parmi les premières, nous pouvons citer Albert Kahn et le Japon en 1990, Italie, points de vue en 1991, Lumières de Basse-Normandie en 1992, etc. Seules les images considérées comme les plus belles (très peu de films) sont présentées. Le propos s’articule autour d’une lecture ethnographique, présentant les modes de vie, les religions, l’architecture, l’histoire du pays. Le contexte de production et de diffusion des images est peu évoqué, hormis deux importantes expositions consacrées à Jean Brunhes et Albert Kahn, et le fonds très rarement confronté à d’autres collections.
24Parallèlement, en réponse à la demande de professionnels de l’image, la collection est organisée selon un principe d’iconothèque à travers la création d’une base de données informatisée. Le musée s’efforce de répondre aux nombreuses sollicitations extérieures et a longtemps fonctionné comme un centre de ressources visuelles, mettant à disposition du public un lieu de référence pour faire l’histoire des pays et des régions traités dans les Archives de la planète. Dans ce contexte, le travail documentaire a privilégié le mode d’interrogation utilisé par les usagers à partir du contenu iconographique. Ces recherches ont donc été largement consacrées à l’explicitation d’éléments visibles sur l’image, à travers l’architecture, les rituels, les costumes, les techniques agricoles, les événements historiques, etc. Il s’agissait de faire apparaître des informations qui semblaient répondre aux centres d’intérêts des chercheurs contemporains.
- 26 Un travail sur le fonds consacré à la Première Guerre mondiale et ses conséquences est actuellement (...)
25Afin de faciliter l’utilisation de la base de données, le parti pris adopté était de récrire les légendes, abandonnant complètement celles rédigées par les opérateurs eux-mêmes. L’objectif de cette « révision » était de rendre la légende plus immédiatement explicite, en réactualisant les noms des zones géographiques et en supprimant les « erreurs », ainsi que ce qui aurait pu être mal interprété ou politiquement incorrect. Ainsi des mots comme « race », « boche » ou « art nègre », ayant aujourd’hui une connotation potentiellement dépréciative, ont été systématiquement supprimés. Dans le même ordre d’idée, la réécriture de la légende a pu générer une perte importante d’informations sur l’intention de l’opérateur. Par exemple, la légende donnée par Fernand Cuville en 1918 pour l’autochrome A 16 633 « Turquie, Mont Athos, Stravonikita, Vieux moine mendiant » devient « Le monastère de Stavronikita, Grèce » (fig. 10). L’identité du personnage n’apparaît plus dans la nouvelle légende. Parallèlement, la « correction » du nom du lieu gomme du même coup la référence probable aux tensions cristallisées autour de la partition de l’Empire ottoman au sortir de la guerre26. S’il donne du sens à certaines images lorsqu’elles sont isolées du fonds, ce travail de réécriture entraîne également une perte d’information (intentionnalité, vocabulaire utilisé, déroulement de la mission, succession des sujets, erreurs ou approximations significatives…). Il favorise une nouvelle lecture de l’image et renforce sa dimension strictement illustrative au détriment de la prise en compte du contexte intellectuel et politique et de ses techniques de fabrication.
10. Fernand Cuville, « Vieux moine mendiant », Turquie, Mont Athos, Stravonikita, septembre 1918

Autochrome, 120 x 90 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 16 633).
26Lors de la création du musée Albert Kahn, en l’absence de documentation liée au fonds, l’équipe scientifique fait appel à des spécialistes de chaque pays « afin de le faire parler ». Si une telle démarche s’avère très souvent féconde en matière d’apport de contenus historiques, elle suscite parfois des anachronismes, voire des jugements de valeur. Lors d’un partenariat récent, des commissaires d’une exposition consacrée à un pays asiatique ont été surpris par le contenu des photographies. Ils en ont jugé certaines dégradantes, non respectueuses des populations locales et révélatrices d’une posture colonialiste. Ces images n’étaient pas conformes aux représentations qu’ils se faisaient du projet humaniste d’Albert Kahn et selon eux indignes d’y figurer. Elles ont été systématiquement écartées de leur exposition, donnant ainsi à voir l’idéal qu’aurait dû relayer Albert Kahn à son époque.
- 27 Stéphanie Mahieu, Circulations des autochromes du fonds Balkans (ex-Yougoslavie) des Archives de la (...)
27Dégagée de son contexte de production, l’image fonctionne souvent comme une illustration supposée fiable des réalités et modes de vie de telle ou telle région du monde, venant véritablement incarner ce qu’elle représente. Parallèlement, cette fenêtre ouverte sur un passé pourtant clairement situé dans le temps fonctionne parfois comme le témoignage d’une réalité intemporelle. Les images permettent alors de revitaliser un discours sur « les origines », participant à la fabrication d’une identité collective. Stéphanie Mahieu, dans un travail de recherche qu’elle a réalisé sur le fonds « Macédoine », a analysé les modifications de légendes des autochromes en fonction des projets de valorisation. Elle a notamment mis l’accent sur une exposition montée en 2002 à Skopje, commémorant l’indépendance du pays en 1991. Présentée dans un contexte politiquement tendu, elle véhiculait ce qui est de l’ordre d’une quête de l’essence de l’identité nationale macédonienne27.
28Joan M. Schwartz rappelle que l’image photographique est ontologiquement ambiguë, et qu’elle peut se transformer en documents divers :
- 28 Joan M. Schwartz, « Record of Simple Truth and Precision. Photography, Archives and the Illusion of (...)
« Des tirages identiques peuvent être faits à différentes périodes dans des buts différents, et circuler dans différents discours – commercial, scientifique, politique, économique, journalistique, esthétique – et peut même servir des fonctions diamétralement opposées28. »
- 29 Quentin Bajac, « Stratégies de légitimation », Études photographiques, nº 16, mai 2005, p. 222‑233.
- 30 Marc Henri Piault, Anthropologie et Cinéma, op. cit., cité par François de la Bretèque, « Les films (...)
29Parallèlement, notre système de référence détermine la façon dont nous voyons une image ancienne. Quentin Bajac a montré comment, dans le courant des années 1970, la photographie a conquis progressivement de nouveaux territoires muséaux, quittant le domaine des bibliothèques, les archives et les musées d’histoire, devenant une œuvre à part entière. Désormais, les professionnels de musée accordent à la photographie une valeur esthétique, une « puissance d’imaginaire », dépassant l’aspect informatif du contenu29. Un regard d’aujourd’hui peut d’ailleurs faire apparaître des signifiés que les opérateurs n’avaient pas forcément mis en exergue. Marc Henri Piault prend pour exemple les façades d’immeubles enregistrées par la caméra des opérateurs Lumière qui pensaient filmer un défilé. Aujourd’hui, les façades sont plus riches en information que le défilé lui‑même30.
30Lorsqu’elle représente des éléments disparus, l’image revêt parfois une fonction mémorielle nouvelle, mobilisant un registre émotionnel dont il faut tenir compte, surtout dans les zones où les populations ont subi la violence de l’histoire. En 2006, le centre de ressources audiovisuelles Bophana, créé à Phnom Penh à l’initiative du cinéaste Rithy Panh afin d’œuvrer à la reconstruction de la mémoire cambodgienne, a sollicité le dépôt permanent de copies du fonds « Indochine ». Ce projet n’a pas encore abouti, le musée poursuivant la réflexion sur sa politique de dépôt et les modalités concrètes de sa mise en œuvre.
31Un autre exemple confirme l’existence d’un vif débat autour de la question de « l’origine » des collections en lien avec des pays étrangers, questionnant leur propriété et, de façon connexe, envisageant la possibilité de leur « restitution ». En 2013, l’équipe du musée a décidé de suspendre temporairement la mise à disposition payante des images pendant le temps des travaux de rénovation. Suite à cette décision, diversement appréciée par les différents opérateurs culturels, le musée a reçu de nombreux messages de réclamation. L’auteur de l’un d’entre eux a produit, dans un mail adressé au musée, un argumentaire autour de sa légitimité, en tant que représentant du pays photographié, à pouvoir disposer des images sans entrave : « Je trouve vraiment injuste et incompréhensible que des images qui concernent notre passé ne puissent pas circuler et être vues en Algérie, alors qu’elles ont été cédées à d’autres télévisions européennes. » Se pose évidemment ici la question des « archives des autres ». Les Archives de la planète sont-elles aussi celles des populations étudiées ? Faut-il restituer ces archives photographiques aux descendants des personnes ou des peuples représentés ?
32Albert Kahn souhaitait témoigner d’un monde qui change en constituant une mémoire visuelle mise à la disposition des générations futures. Répondre aux demandes formulées par les populations concernées par les thématiques traitées dans les collections semble s’inscrire dans la continuité du projet initial, visant à favoriser une meilleure connaissance entre les peuples et à sauvegarder des éléments culturels condamnés à la disparition. Il faut néanmoins avoir conscience que ces utilisations, pour louables qu’elles soient, ne sont pas neutres. Les matériaux collectés par les opérateurs sont le fruit d’un regard et d’une époque, d’une expérience singulière de l’ailleurs. Ils correspondent moins à un enregistrement de la réalité de la société qu’à des points de vue engagés et datés sur cette société. Cela ne signifie pas que ce fonds soit dépourvu de valeur documentaire, mais il n’est en aucun cas le dépositaire des traditions telles qu’elles existaient il y a plus d’un siècle. Les discours tenus par les différents utilisateurs peuvent être divergents par rapport au positionnement du musée. Or, ce dernier les naturalise implicitement par le seul fait de sa participation aux projets acceptés. Cette problématique, en tension entre mise en valeur de collections photographiques et démarche historiographique est, comme nous allons le voir, au cœur du nouveau projet du musée.
De la valorisation du contenu iconographique à la prise en compte de l’image
33Avec une fréquentation en progression régulière depuis une vingtaine d’années, le musée s’est installé dans le paysage culturel français et international. Face à l’intérêt croissant porté à ce site et à ses collections, le Département des Hauts-de-Seine a décidé d’offrir de meilleures conditions d’accueil du public, de conservation des collections et de diffusion des connaissances. Cette ambition se traduit par la mise en œuvre d’un important programme architectural, comprenant la construction d’un nouveau bâtiment et la rénovation de huit bâtiments patrimioniaux. Ce moment unique dans la vie d’un musée, où le champ des possibles est pour un temps ouvert, a permis aux équipes de repenser la mise en valeur de ce patrimoine composite, de le réinterroger à l’aune de nos préoccupations contemporaines et de chercher à l’inscrire dans une continuité.
- 31 Igor Kopytoff, « The Cultural Biography of Things. Commoditization as Process », dans Arjun Appadur (...)
34En 2013, un bilan sur l’histoire des collections a été réalisé lors de la rédaction du Projet scientifique et culturel, document qui définit les grandes orientations programmatiques pour un horizon à cinq ans, adopté conjointement par la tutelle scientifique et administrative. À cette occasion, le musée a interrogé la matérialité du fonds, son contexte de production, sa raison d’être, en entreprenant également un travail autour de l’histoire de ses différents usages et de sa réception dans différents contextes d’utilisation. Cette réflexion a été nourrie par l’apport des cultural studies qui articulent l’histoire culturelle de l’image, l’histoire de sa réception ainsi que sa matérialité en tant qu’objet. Dans cette perspective, l’objet des recherches n’a plus été uniquement d’étudier la source et ce qu’elle donne à voir, mais bien de se pencher sur son devenir31. Cette grille de lecture attentive à l’historicité des photographies a été mobilisée pour les fonds du musée, qui n’ont eu de cesse d’être utilisés dans le cadre de diverses propositions : conférences, films documentaires, expositions, livres d’histoire, d’art et de photographie…
- 32 Elizabeth Edwards, Raw Histories. Photographs, Anthropology and Museums, Oxford, Berg, 2002, citée (...)
35En 2005, Elizabeth Edwards s’est intéressée à la place et au statut des photographies anthropologiques dans les musées qui les conservent. Elle a analysé comment les nouveaux usages pouvaient conduire à la perte du contexte de fabrication de l’image au profit de ce qu’elle représente : « la focalisation sur le contenu de l’image aux dépens des interrogations historiques de l’archive a induit un aveuglement à certaines des autres histoires que de telles photographies ont à nous raconter32 ». Cette tendance à la déshistoricisation est amplifiée dans le cas des Archives de la planète. Comme nous l’avons évoqué précédemment, le travail documentaire lors des missions est relativement faible (des opérateurs, à peine formés par le directeur scientifique, partent seuls sur le terrain). Les circonstances historiques, la ruine du banquier et la perte d’un grand nombre d’archives contextuelles, suite aux ventes successives et aux saisies nazies, n’ont fait que renforcer cette situation. Contrairement à des archives générées par une activité scientifique revendiquée, où l’image n’a de sens qu’accompagnée de son appareil critique, les Archives de la planète apparaissent donc comme un réservoir de contenu documentaire non référencé qu’il suffit de rendre accessible, immédiatement mobilisable par tous et pour différents usages. Il s’agit pourtant d’un fonds complexe, inscrit dans un paysage culturel et scientifique déterminé, au service d’orientations idéologiques contrastées, que le musée cherche à redéfinir de manière rétrospective.
- 33 Sylvie Grange, « Légitimités croisées », dans Interculturel en jeux. Usages et représentations, Sém (...)
36Un important dispositif de recherche, soutenu par un comité scientifique pluridisciplinaire, est actuellement en place. L’objectif est de situer les Archives de la planète au sein de l’histoire de la photographie et du cinéma documentaire, en privilégiant une approche comparatiste. Les thématiques se cristallisent autour d’une étude fine des conditions de travail des opérateurs sur le terrain, assortie d’une analyse formelle souvent inédite. À terme, la participation à la documentation et à l’enrichissement des collections des chercheurs ou des populations vivant sur les territoires photographiés sera évidemment indispensable, à l’instar d’autres regards extérieurs à l’équipe du musée. Elle permettra en effet d’introduire un dialogue critique sur ce matériau et d’en faire un objet de recherche partagé, lieu de coexistence de différents régimes de compréhension. Comme le souligne Sylvie Grange, il faut rendre la matière patrimoniale perméable à une perception différente, venue d’ailleurs, y compris pour en récuser la légitimité33. La mise en ligne en juin 2016 de la totalité des collections permet d’accélérer et de démultiplier ce processus. Une réflexion est en cours sur les modalités d’organisation et de valorisation de cette pluralité de points de vue.
- 34 Sylvain Maresca, La Photographie. Un miroir des sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 1996.
37Parallèlement, le musée investit un travail sur la photographie et le cinéma d’aujourd’hui, interrogeant spécifiquement la question du point de vue et des relations de l’image avec les sciences humaines34. Les images du temps de Kahn montraient des cultures « vivantes », sur le point de se transformer concomitamment au phénomène de mondialisation émergeant. Autrefois documents d’actualité, les Archives de la planète constituent désormais des documents d’histoire. Afin de renouer avec la continuité voulue par Albert Kahn, le musée souhaite donner une résonance au projet d’origine – observatoire du monde en train de se faire – en le réactualisant. Un festival de photographie, Allers-retours, a été lancé en 2012. La relation que le photographe entretient avec son sujet est au cœur de sa programmation.
- 35 Olivier Lugon, « L’esthétique du document. Le réel sous toutes ses formes (1890-2000) », dans André (...)
- 36 Nathalie Depraz, « L’ethnologue, un phénoménologue qui s’ignore ? L’apport de la phénoménologie aux (...)
38À l’époque de Kahn, l’apparition des modes d’enregistrement du réel par l’image venait conforter un idéal positiviste. Progressivement, ce caractère indiciaire prêté à la photographie documentaire a été en partie remis en cause. Comme le souligne Olivier Lugon, la mise en œuvre d’une démarche documentaire suppose de réfléchir aux moyens d’une description appropriée de la réalité. Si elle est censée montrer les choses telles qu’elles sont, la photographie témoigne nécessairement de la manière qu’a le photographe de percevoir et de construire le monde35. Ce constat est partagé par les sciences sociales. Certains courants, en ethnologie notamment, vont encore plus loin et placent les interactions entre observateurs et observés au cœur de la validité scientifique de la recherche empirique36. À l’instar de la prise en compte de la situation d’enquête par l’ethnologue, l’engagement personnel du photographe face à son sujet, la tension permanente entre les processus d’objectivation qu’il met en œuvre et sa subjectivité, sont plus que jamais constitutifs du travail de création.
39La politique d’enrichissement des collections autour de la production visuelle contemporaine, quoiqu’encore très embryonnaire, se concentre également sur les conditions de sa création. Après avoir mesuré les difficultés engendrées par l’absence de documentation autour des fonds patrimoniaux, le musée propose de conserver le matériau inhérent au contexte de production des images, de consigner l’expérience singulière de leur auteur, de mettre en évidence le paysage intellectuel et le système de référence qui ont guidé sa démarche. Grâce à la valorisation de ses collections historiques et contemporaines, le musée rénové a donc pour ambition de devenir un lieu vivant, où le visiteur, l’artiste ou le chercheur viendront interroger le rôle joué par l’image dans la connaissance du monde.
Notes
1 Marc Henri Piault, Anthropologie et Cinéma. Passage à l’image, passage par l’image, Paris, Nathan, 2000, p. 94.
2 Nous pensons notamment aux fonds réunis par la Société française de géographie, qui en 1855 propose d’organiser les travaux de photographie au sein d’albums identifiés selon l’auteur-photographe et les lieux représentés.
3 Lettre d’Albert Kahn à Jean Brunhes, 26 septembre 1912. Les archives privées de Jean Brunhes sont conservées aux Archives nationales, sous la côte 615 AP. Sans mention contraire, les correspondances citées proviennent de ce fonds.
4 À ce sujet, voir Éléonore Challine, Les Géographes français dans les Balkans, 1912-1930, Master d’histoire contemporaine des relations internationales et des mondes étrangers, Université Paris 1, 2006.
5 Albert Kahn cité par Emmanuel de Margerie, lettre adressée à Jean Brunhes, 26 janvier 1912.
6 Marie-Claire Robic, « Interroger le paysage ? L’enquête de terrain, sa signification dans la géographie humaine moderne (1900-1950) », dans Claude Blankaert (dir.), Le Terrain des sciences humaines, instructions et enquêtes, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 357‑404.
7 Brouillons de lettre d’Albert Kahn à Maurice Croiset, administrateur du Collège de France, 29 février 1912.
8 Lettre de Jean Brunhes à Albert Kahn, 7 mars 1913.
9 Manuscrit de Jean Brunhes préfigurant les orientations scientifiques, [1912 ?].
10 Ibidem.
11 Jean Brunhes, La Géographie humaine. Essai de classification positive. Principes et exemples, Paris, Alcan, 1910.
12 Jean Brunhes, Étude de géographie humaine. L’irrigation, ses conditions géographiques, ses modes et son organisation dans la Péninsule ibérique et dans l’Afrique du Nord, Thèse, Paris, C. Naud, 1902.
13 Lettre d’Emmanuel de Margerie à Jean Brunhes, alors professeur à Fribourg, 26 janvier 1912.
14 Marie-Claire Robic, « Rencontres et voisinages de deux disciplines », Ethnologie française, vol. 34, nº 4, 2004, p. 581‑590.
15 Jacques Coenen-Huther, « La Sociologie et la géographie. Concepts, analogies, métaphores », Revue européenne des sciences sociales, vol. 38, nº 117, 2000, cite Jean Brunhes, La Géographie humaine, op. cit., p. 278.
16 Jean Brunhes, « Ethnographie et géographie humaine », L’Ethnographie, nº 1, octobre 1913, p. 38.
17 Lettre de Jean Brunhes au recteur d’académie, 29 novembre 1914 : demande autorisation pour mission dans la Marne.
18 Teresa Castro, « Les Archives de la planète et les rythmes de l’Histoire », 1895. Revue d’histoire du cinéma, nº 54, 2008, p. 56‑81.
19 Jean Brunhes, « Ethnographie et géographie humaine », op. cit., p. 39.
20 Ibidem.
21 Sophie Couetoux, « Les beaux-arts dans l’univers d’Albert Kahn », dans Stephan Kutniak (dir.), Albert Kahn, singulier et pluriel, Paris, LienArt, 2015, p. 100 : le 27 mai 1909, le banquier convie Rodin et les membres du conseil de l’université de Paris à une séance salle Charras, proposant d’adjoindre « aux projections artistiques de Monsieur Gervais-Courtellemont […] quelques vues animées que j’ai rapportées de mon dernier voyage en Extrême-Orient ». Lettre d’Albert Kahn à Rodin, 12 mai 1909, archives du musée Rodin.
22 Lettre de Stéphane Passet à Albert Kahn, 11 janvier 1914.
23 En 1918, Kahn publie un ouvrage fortement influencé par les idées d’Henri Bergson, Des Droits et des devoirs des gouvernements, Paris, Imprimerie de Vaugirard. Au sujet de l’engagement de Kahn en faveur de la paix, voir Pascal Ory, Jeanne Beausoleil (dir.), Albert Kahn, 1860-1940. Réalités d’une utopie, Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, 1995.
24 Cette société réunissait les boursiers, jeunes intellectuels ayant entrepris un voyage grâce à Albert Kahn et chargés de « répandre, en France, la connaissance exacte des pays étrangers, à l’étranger, celle de la France » (statuts de la Société autour du monde, 1er janvier 1913).
25 Discours d’Henri Bergson pour le 25e anniversaire de la Société autour du monde, le 14 juin 1931. Fonds SAM, musée Albert Kahn (en cours de cotation).
26 Un travail sur le fonds consacré à la Première Guerre mondiale et ses conséquences est actuellement mené au musée par Anne Sigaud. La question de la place de la France sur l’échiquier politique international est au cœur des missions de cette époque.
27 Stéphanie Mahieu, Circulations des autochromes du fonds Balkans (ex-Yougoslavie) des Archives de la planète, note de recherche pour le comité scientifique du musée Albert Kahn, mars 2015.
28 Joan M. Schwartz, « Record of Simple Truth and Precision. Photography, Archives and the Illusion of Control », Archivaria, nº 50, 2000, p. 1‑40, citée par Stéphanie Mahieu, Circulations des autochromes du fonds Balkans (ex-Yougoslavie) des Archives de la planète, op. cit., p. 5.
29 Quentin Bajac, « Stratégies de légitimation », Études photographiques, nº 16, mai 2005, p. 222‑233.
30 Marc Henri Piault, Anthropologie et Cinéma, op. cit., cité par François de la Bretèque, « Les films des Archives de la planète d’Albert Kahn », Les Cahiers de la cinémathèque, nº 74, 2002.
31 Igor Kopytoff, « The Cultural Biography of Things. Commoditization as Process », dans Arjun Appadurai (dir.), The Social Life of Things. Commodities in Cultural Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 64‑94.
32 Elizabeth Edwards, Raw Histories. Photographs, Anthropology and Museums, Oxford, Berg, 2002, citée par Benoît de l’Estoile, « Au-delà des clichés. La vie sociale des photographies anthropologiques », Revue d’histoire des sciences humaines, vol. 1, nº 12, 2005, p. 193‑204.
33 Sylvie Grange, « Légitimités croisées », dans Interculturel en jeux. Usages et représentations, Séminaire Dialogue interculturel dans les institutions patrimoniales : musées, archives, bibliothèques, Arles et Marseille, 27‑29 janvier 2010, p. 13‑16.
34 Sylvain Maresca, La Photographie. Un miroir des sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 1996.
35 Olivier Lugon, « L’esthétique du document. Le réel sous toutes ses formes (1890-2000) », dans André Gunthert, Michel Poivert (dir.), L’Art de la photographie des origines à nos jours, Paris, Citadelles et Mazenod, 2007, p. 361‑362.
36 Nathalie Depraz, « L’ethnologue, un phénoménologue qui s’ignore ? L’apport de la phénoménologie aux sciences sociales », Genèses, vol. 10, nº 1, 1993, p. 108‑123.
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | 1. Stéphane Passet, « Campement de réfugiés de Strunika », Grèce, Salonique, 30 août 1913 |
Légende | Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 3 855). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/423/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 925k |
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Titre | 2. Stéphane Passet, « Mouture du blé », Chine, Pékin, 11 juillet 1912 |
Légende | Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 661). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/423/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 803k |
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Titre | 3. Frédéric Gadmer, « Vue prise de Brévent (2532 m) : Mt Voirassoy [sic], Col et Pic du Tricot, Mt Joly, au premier plan, l’aiguillette, dans le fond, les Grandes Rousses », France, Chamonix, 1er mars 1921 |
Légende | Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 24 974). |
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Titre | 4. Camille Sauvageot, « Les Saintes Maries de la Mer », 24‑25 mai 1920 |
Légende | Film noir et blanc muet. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (AI 44717). |
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Fichier | image/jpeg, 571k |
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Titre | 5. Georges Chevalier, « L’église de Sermaize qui a été, non pas bombardée, mais brûlée : Jeanne d’Arc y est venue, un de ses oncles y était curé », Sermaize-les-Bains, 29 janvier 1915 |
Légende | Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 4 852). |
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Fichier | image/jpeg, 904k |
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Titre | 6. Georges Chevalier, « La grande avec costume tout à fait galicien et la petite de la montagne », Espagne, de Santiago à Padrón, Fijo, 20 mai 1917 |
Légende | Autochrome, 120 x 90 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 10 787). |
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Titre | 7. Georges Chevalier, « Encore les mêmes vues de dos » |
Légende | Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 10 789). |
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Fichier | image/jpeg, 1,5M |
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Titre | 8. Jules Gervais-Courtellemont, Biskra, Ouled Nail, entre 1909 et 1911 |
Légende | Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 79). |
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Titre | 9. Frédéric Gadmer, « Ensemble du Temple du Soleil au jour naissant », Syrie, Palmyre, 18 octobre 1921 |
Légende | Autochrome, 90 x 120 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 29 705 S). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/docannexe/image/423/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 843k |
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Titre | 10. Fernand Cuville, « Vieux moine mendiant », Turquie, Mont Athos, Stravonikita, septembre 1918 |
Légende | Autochrome, 120 x 90 mm. Boulogne-Billancourt, musée départemental Albert-Kahn, collection Archives de la planète (A 16 633). |
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Fichier | image/jpeg, 1,3M |
Pour citer cet article
Référence papier
Valérie Perlès, « Des « archives » au « musée », analyse d’un glissement sémantique. Le cas des Archives de la planète », Transbordeur, 1 | 2017, 106-119.
Référence électronique
Valérie Perlès, « Des « archives » au « musée », analyse d’un glissement sémantique. Le cas des Archives de la planète », Transbordeur [En ligne], 1 | 2017, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/423 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12gwf
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