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Dossier

L’Internationale documentaire. Photographie, espéranto et documentation autour de 1900

“L’Internationale documentaire.” Photography, Esperanto, and documentation circa 1900
Luce Lebart
p. 62-73

Résumés

Organiser une coordination des images documentaires suppose de s’entendre sur une nomenclature et des méthodes communes, exigence d’autant plus importante que les documents à gérer sont en quantité innombrable et voués à un accroissement exponentiel – ce que sont les photographies. C’est pour répondre à ce défi qu’en octobre 1906, différents acteurs de la documentation par l’image réunissent à Marseille, sous l’égide de l’Union internationale de photographie, un premier Congrès international de la documentation photographique, dans le but de « faciliter […] la création, le fonctionnement et la coordination d’archives photographiques ». Tout ce qui concerne « l’obtention, la conservation et l’utilisation du document photographique » est alors passé au crible des spécialistes – photographes, normalisateurs, éditeurs et bibliothécaires. Le colloque est présidé par le général Hippolyte Sebert, président de la Société française de photographie, mais aussi cofondateur de l’Institut international de bibliographie avec Paul Otlet et promoteur de sa Classification décimale universelle en France. Comme Otlet, il se passionne alors pour la nouvelle langue universelle, l’espéranto, et en favorise l’enseignement et la reconnaissance. C’est par l’intermédiaire de Sebert, notamment, que les milieux photographiques et espérantistes se côtoient autour de 1900 et que le congrès de Marseille de 1906 se verra traversé par les valeurs et les idéaux internationalistes de la langue universelle. Ce sont ces liens singuliers entre photographie, documentation et espéranto qu’explore cet article.

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Texte intégral

  • 1 Annuaire-manuel de la documentation photographique, Paris, Charles-Mendel, 1908, p. 19.

« Il semble que les éléments pour constituer des archives photographiques existent épars, comme des pierres destinées à la construction d’un monument ; il s’agit de les réunir, de les coordonner, de les souder1. »

  • 2 Sur les premiers projets de constitutions d’archives documentaires et sur les hésitations entre les (...)

1La fin du XIXe siècle voit naître plusieurs projets visant à optimiser la conservation et la diffusion des photographies. Émergeant dans les milieux associatifs, ces initiatives prennent la forme et le nom de « dépôts d’archives photographiques », de « bibliothèques d’images » ou encore de « musées de photographies documentaires »2. Ils ont en commun d’être traversés par une dynamique internationaliste, qui culmine lors du premier Congrès international de la documentation photographique organisé à Marseille les 19 et 20 octobre 1906.

  • 3 Général Sebert, « Commission permanente des congrès internationaux de photographie, secrétariat 51 (...)
  • 4 Ibidem.

2C’est sous l’égide de l’Union internationale de photographie que différents acteurs de la documentation par l’image se réunissent pour la première fois dans le but de « faciliter […] la création, le fonctionnement et la coordination d’archives photographiques3 ». Tout ce qui concerne « l’obtention, la conservation et l’utilisation du document photographique4 » passe alors au crible de plusieurs spécialistes allant du photographe au normalisateur ou à l’éditeur. Ces conférenciers posent des jalons pour construire le futur de ce qu’ils nomment désormais « la documentation photographique ». Parmi les acteurs souvent oubliés de cette dynamique internationale, le général Hippolyte Sebert (1839-1930), président du congrès, joue un rôle déterminant. Féru de normalisation et habité par l’utopie pacifiste de la nouvelle « langue auxiliaire » espéranto, Sebert a nourri cette « Internationale documentaire » de ses idéaux. Il a ainsi contribué à inscrire la réflexion sur la photographie documentaire dans un mouvement plus vaste impliquant aussi bien le souci de normalisation et de classification que l’idéal d’une langue universelle.

Du neuf du côté de l’Union internationale de photographie

  • 5 Rodolphe Archibald Reiss, « L’Union internationale de photographie », Revue suisse de photographie, (...)

3L’idée d’un congrès sur la documentation photographique est proposée par Sebert en octobre 1905 en séance de l’Union internationale de photographie à Liège. Créée en 1891 à Bruxelles, cette Union avait pour mission d’être « le trait d’union entre les gens de différents pays s’occupant de photographie5 » (fig. 1). Cependant, en quatorze ans d’existence, l’organisation s’est plus qu’affaiblie. La réunion de Liège de 1905 offre l’opportunité d’un nouveau démarrage dont l’un des moteurs sera la préparation de ce premier Congrès de la documentation photographique (fig. 2).

1. Anonyme, « Deuxième congrès international de photographie, Bruxelles, août 1891 »

1. Anonyme, « Deuxième congrès international de photographie, Bruxelles, août 1891 »

Paris, Société française de photographie

2. Anonyme, « Congrès de Liège. Excursion à Spa. Les grands maîtres de la photographie », 1905

2. Anonyme, « Congrès de Liège. Excursion à Spa. Les grands maîtres de la photographie », 1905

Paris, Société française de photographie

  • 6 Ibidem.
  • 7 Ibid., p. 282.

4Dans un article sur l’Union rédigé à la suite de la séance de Liège, le rédacteur en chef de la Revue suisse de photographie, Rodolphe Archibald Reiss, constate sans détour que l’organisation « n’a rien fait du tout pour la photographie » : « L’idée était bien belle » mais, « à part quelques sessions très réussies, le résultat de l’Union internationale est zéro6 ». Son nombre de membres n’a cessé de baisser : de cent-trente-trois à sa fondation, il est tombé à quelques membres fondateurs libérés des cotisations annuelles. L’Union était en outre censée éditer une revue polyglotte, mais cette dernière ne vit jamais le jour. On attendait enfin d’elle qu’elle prépare des congrès internationaux de photographie, ceux-ci furent en réalité organisés par des sociétés nationales, « sans intervention de l’Internationale ». Ce « piteux résultat » serait, selon Reiss, lié aux règlements trop « autocratiques » de l’Union, qui « patronnait » les groupements nationaux et locaux en s’imposant comme « une sorte de pouvoir supérieur », ce qui ne pouvait encourager ceux-ci à s’affilier7.

  • 8 Ibidem.
  • 9 Ibid., p. 283.

5Reiss attribue l’état végétatif de l’Union à « l’inactivité de sa direction8 ». Sa présidence est assurée depuis l’origine par un homme désormais vieillissant, Jos Maes, d’Anvers. Des tentatives de réformes ont certes lieu sous sa direction, notamment lors des sessions de Lausanne en 1903 et de Nancy en 1904, sans succès cependant. Les choses changent à Liège en juillet 1905. Avec l’assentiment du Président et à l’initiative de quelques membres restés fidèles, l’Union est réorganisée de l’intérieur. Il s’agit désormais d’en faire « une institution internationale utile », qui par sa constitution rappellerait d’autres institutions internationales, à l’instar de « la ligue de la paix, de l’espéranto, du droit d’auteur »9.

6Pour ce faire, une nouvelle « Commission internationale » est nommée. Elle est présidée par Sebert, alors président du conseil d’administration de la Société française de photographie (SFP). On attend de lui qu’il gère l’association jusqu’à sa prochaine assemblée de 1906. Il est, de surcroît, chargé d’une révision des statuts de l’Union. Membre de l’Académie des sciences depuis 1897 et président de l’Association pour l’avancement des sciences, Sebert est aussi proche du belge Paul Otlet, avec lequel il a fondé le Bureau bibliographique de Paris en 1898, antenne française de l’Office international de bibliographie, créé en Belgique quelques années plus tôt. En plus d’un intérêt partagé pour les questions relatives à l’organisation des savoirs et des connaissances, les deux hommes ont en commun une même adhésion à la nouvelle langue espéranto. Elle est pour eux à la fois un instrument d’intercommunication et de paix. Or, comme l’espéranto, les photographies semblent à même d’être comprises par des personnes d’origines très diverses, de transcender les différences de nationalités et de langues. Aussi improbable soit-elle, la rencontre du médium photographique et de la « langue auxiliaire » va pouvoir se jouer dans ce contexte de l’Internationale documentaire.

  • 10 Jos Maes, président de l’Union internationale de photographie, note publiée dans la brochure de l’U (...)

7C’est au cours de la session de Liège, traversée par un vent de réforme, que la ville de Marseille est choisie pour accueillir la prochaine réunion annuelle de l’Union, réunion accompagnée du premier colloque sur la documentation photographique. La proposition émane du commissaire de la future exposition coloniale de Marseille. Soutenu par Sebert, le choix de cette ville ne fait pas l’unanimité. « À Marseille ? Personne n’ira ! », s’exclame le vieux président Maes10, qui affirme que seuls cinq ou six membres seraient présents puisque « personne ne voyage en avril ou en octobre » et qu’« aucun Belge ne s’y rendra ». En échange, il propose la mer et « les admirables plages de Belgique pour varier de la montagne » où l’Union a l’habitude de se réunir. Ce sera l’une des dernières interventions du premier président de l’Union, et elle n’aura pas l’impact attendu : le congrès a bien lieu à Marseille en juillet 1906, sous la présidence de Sebert.

8Trente et un adhérents sont répertoriés au congrès, parmi lesquels trois associations : l’Association belge de photographie, le Photo-club de Paris et la Société française de photographie. Si l’on note une forte présence belge, les membres présents ne sont effectivement pas très nombreux mais d’importance et d’horizons divers. On remarque Paul Bourgeois, secrétaire général du Photo-Club de Paris, le Comte Victor de Gaudemaris, vice-président de la Société photographique de Marseille, Rodolphe Archibald Reiss, directeur de la Revue suisse de photographie, Paul Otlet, secrétaire général de l’Institut international de bibliographie, Ernest de Potter, directeur de la Revue internationale de photographie et Léon Roland, membre du conseil d’administration de l’Association belge de photographie. Sont également présents Charles Mendel, directeur de la Photo-Revue et président de la chambre syndicale des fabricants et négociants de la photographie, et Charles Vérax, rédacteur en chef de Foto-Revuo, version espérantiste de la Photo-Revue. Autour de la question documentaire se croisent ainsi représentants de la photographie, de l’édition, de la bibliothéconomie et tenants de l’espéranto.

L’année de l’espéranto

9En même temps qu’il annonce, en 1905, l’idée d’un Congrès international de la documentation photographique, Sebert avance le projet de publier des actes prenant la forme d’un manuel de documentation photographique utile à tous les intéressés. Ce manuel serait distribué gratuitement aux membres du congrès afin de susciter des adhésions à l’Union. Alors que le congrès n’est encore qu’à l’état de projet, Sebert, soucieux d’encourager la diffusion de l’ouvrage, prévoit une traduction en trois langues et envisage une version en espéranto.

  • 11 Doktoro Esperanto, « Préface », dans Langue Internationale. Préface et manuel complet, Varsovie, Ge (...)

10Inventée par le jeune Polonais Ludwik Lejzer Zamenhof à la fin du XIXe siècle à Varsovie, la « langue auxiliaire » est conçue comme un instrument de paix. C’est en 1887, à l’âge de 28 ans, que Zamenhof publie, en langue russe, son premier manuel d’apprentissage de la « Langue internationale ». Il utilise le pseudonyme Doktoro Esperanto (« Le docteur qui espère »). Le but de la langue internationale est « Que chaque personne ayant appris la langue puisse l’utiliser pour communiquer avec des personnes d’autres nations, que cette langue soit ou non adoptée dans le monde entier, qu’elle ait ou non beaucoup d’usagers11. » D’abord diffusée en Russie et promue par Léon Tolstoï, elle circule en Suède puis en Allemagne, et commence à se faire connaître en France en 1898 avec la création de la revue L’Espérantiste et la fondation de la Société pour la propagation de l’espéranto. Dans les années qui suivent, la « langue auxiliaire » a le vent en poupe. 1905 passe justement pour une année historique dans le monde espérantophone : le premier Congrès mondial d’espéranto est organisé en juillet de cette année-là, à Boulogne-sur-Mer. Parmi ses participants figure Sebert (fig. 3). Son allocution en tant que délégué du comité du Touring Club de France rappelle l’engagement du club pour la propagation de l’espéranto comme langue des voyageurs du monde entier. La corrélation entre l’accélération des moyens de transports et la nécessité d’une langue commune sera souvent reformulée par Sebert par la suite. Fort de 688 participants originaires de vingt pays, ce premier congrès mondial de Boulogne valide les Fundamento de Esperanto, soit l’ensemble des principes de stabilité et d’évolution de la langue. L’idée de l’espéranto comme instrument de paix est affirmée :

  • 12 Déclaration sur l’espérantisme, adoptée le 7 août 1905 au Congrès mondial d’espéranto à Boulogne-su (...)

L’espérantisme est l’effort pour répandre dans le monde entier l’usage d’une langue humaine neutre qui, sans s’immiscer dans les affaires intérieures des peuples et sans viser le moins du monde à éliminer les langues nationales existantes, donnerait aux hommes des diverses nations la possibilité de se comprendre ; qui pourrait servir de langue de conciliation au sein des institutions des pays où diverses nationalités sont en conflit linguistique ; et dans laquelle pourraient être publiées les œuvres qui ont un égal intérêt pour tous les peuples12.

3. Pierre Petit, portrait du général Sebert, 1905

3. Pierre Petit, portrait du général Sebert, 1905

Paris, Société française de photographie

  • 13 Voir Hippolyte Sebert, Notice sur les bois de la Nouvelle-Calédonie, suivie de considérations génér (...)
  • 14 Voir Luce Lebart, « La classification des nuages », Pour la Science, nº 78, janvier-mars 2013, p. 4 (...)

11Science et langage commun vont de pair. Sebert le sait bien, lui qui contribua, en Nouvelle-Calédonie, à l’inventaire et au nommage de nouvelles espèces botaniques intégrant son nom dans la taxinomie scientifique : Ilex sebertii pancheria, Seberti becariella, Seberti sebertia acuminata13. Familier des travaux classificatoires du naturaliste suédois Carl von Linné, Sebert mesure combien le choix du latin a été déterminant pour s’entendre sur les termes, et donc établir un classement. Le système de Linné reposait sur une nomenclature latine essentiellement binominale (ou trinominale) : une espèce reçoit un nom en latin constitué de deux termes. Le premier est le genre, un substantif dont la première lettre s’écrit en majuscule, et le deuxième, écrit entièrement en minuscule, est le terme ou épithète spécifique, qui détermine, au sein d’un genre, de quelle espèce il est question en particulier. Fondamental en médecine, le recours au latin s’était aussi avéré déterminant au tout début du XIXe siècle, quand après avoir classé et nommé les végétaux, on entreprit de mettre de l’ordre dans les nuages. Leur première classification, proposée par le naturaliste Jean-Baptiste de Monet Lamarck, est en français : elle ne connaît pas d’usage ni de postérité, alors que celle, latine, que propose simultanément l’anglais Luke Howard, est encore employée aujourd’hui14.

12Le latin est une langue morte, idéale pour les terminologies scientifiques statiques. L’espéranto, quant à lui, donne l’espoir, à la fin du XIXe siècle, de devenir une langue de communication et d’échange d’idées et de savoirs entre tous les peuples – un « latin de la démocratie », selon l’expression d’Émile Boirac, recteur de l’Académie de Dijon. Pour Sebert, polytechnicien et membre de plusieurs sociétés scientifiques, l’espéranto devrait être la langue de tous les congrès. La généralisation de son usage éviterait l’effet tour de Babel des traductions sans fins, tout en autorisant des économies.

13Sebert apprend très tôt l’espéranto, dès 1898. C’est lui qui présente à l’Académie des sciences en 1901 l’essai de Zamenhof « Esenco kaj estonteco de la ideo de linguo internacia », diffusé sous le pseudonyme « Unuel », qui signifie « un parmi d’autres », essai dans lequel Zamenhof explique sa démarche et l’utilité de sa langue. Le texte paraît deux ans plus tard, en 1900, à l’occasion du congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences, association présidée par Sebert dès cette année-là. Ainsi, Sebert contribue-t-il à propager la « langue auxiliaire » en France et à la positionner dans le giron des partisans du savoir, des sciences et du progrès.

14Malgré ses espoirs cependant, la publication de l’Annuaire-manuel de la documentation photographique en espéranto connaîtra des difficultés. Il ne paraîtra finalement qu’en français et deux ans seulement après le congrès, en 1908, chez l’éditeur Charles Mendel.

Localiser les collections de photographies en 1906

15Habitué des rencontres scientifiques, Sebert déploie un arsenal de préparatifs pour le congrès de 1906. Il entreprend en particulier le recensement des collections documentaires existantes en France et à l’étranger. Il prépare aussi une liste des collections à créer tout en œuvrant à la réalisation d’un répertoire des personnes intéressées et susceptibles de s’impliquer dans les questions relatives à la documentation par l’image. Ce repérage forme à la fois un état des lieux et un programme.

  • 15 Il sera le président le plus durable mais l’un des moins connus aujourd’hui dans le domaine des étu (...)

16Comment Sebert mène-t-il l’enquête ? Il réalise des questionnaires sur fiches imprimées (chez Charles Mendel) qu’il diffuse ensuite par voie postale et de la main à la main lors de réunions et congrès (fig. 4 à 7). Ces questionnaires sont à renvoyer à l’hôtel de la Société française de photographie, dont Sebert est membre depuis 1882 et dont il préside le conseil d’administration depuis 1901 (il le fera jusqu’en 1929)15 après en avoir été vice-président depuis 1890.

4 à 6. Questionnaires à retourner au Congrès de la documentation photographique, 51 rue de Clichy, Paris

4 à 6. Questionnaires à retourner au Congrès de la documentation photographique, 51 rue de Clichy, Paris

Tirés de Ernest Cousin, Annuaire-manuel de la documentation photographique, Paris, Charles Mendel, 1908, p. 15 à 17. Paris, Société française de photographie.

7. Ernest Cousin, Annuaire-manuel de la documentation photographique, Paris, Charles Mendel, 1908

7. Ernest Cousin, Annuaire-manuel de la documentation photographique, Paris, Charles Mendel, 1908

Paris, Société française de photographie

17Les résultats de cette collecte d’informations sont publiés deux ans plus tard, en 1908, dans l’Annuaire-manuel de la documentation photographique, sous forme de deux listes documentées (personnes de contact, adresses, thématiques). La première est la « liste des sociétés et des personnalités qui ont été signalées au Congrès comme susceptibles de s’intéresser aux questions de la documentation photographique ». Elle regroupe des associations nationales et locales, des institutions, des particuliers photographes ou en rapport avec la photographie venant d’horizons divers, industriels, éditeurs, amateurs, militaires, scientifiques, etc. La deuxième liste rapporte 113 collections de photographies documentaires présentées par ordre alphabétique de noms de villes de différents pays, d’Agen à Zaragoza, sans que ne soient mentionnés leurs pays respectifs.

  • 16 Annuaire-manuel…, op. cit., p. 18.

18L’existence de cette enquête, comme sa publication, révèlent la volonté d’identifier les collections de photographies documentaires au-delà de préoccupations nationales ou locales, puisque plusieurs pays sont concernés. Les questionnaires ne se contentent pas de recenser les collections existantes, mais cherchent aussi à repérer les personnes susceptibles de s’impliquer dans les questions débattues au congrès. Il s’agit de faire de cette liste de noms un réseau, dont les acteurs puissent se rencontrer et échanger en harmonisant leurs pratiques : ces informations permettront « d’établir des relations entre les différents dépôts d’archives photographiques et de proposer des mesures tendant à unifier autant que possible leur règlement16 ». On est bien dans une dynamique internationaliste et, qui plus est, expansive puisque l’on cherche aussi, dans le second questionnaire, à localiser les collections susceptibles d’être créées.

Une classification universelle

19« 77 9 (063) (44.90) » désigne le « Premier Congrès international de la documentation photographique » dans le langage de la classification décimale : c’est le sous-titre de l’Annuaire-manuel de documentation photographique (fig. 7). Amorcée en 1895, l’adoption en France de la classification décimale dans les cercles photographiques, et en particulier dans le monde de la documentation photographique naissante, est le fait de Sebert.

  • 17 Sur les classifications utilisées dans les différents musées de photographies documentaires, voir L (...)
  • 18 Joseph Vallot, Classification iconographique générale établie pour le service de classement du Musé (...)

20C’est lui qui, en 1895, entraîne l’abandon puis la révision de la première classification du Musée des photographies documentaires de Paris créé par Léon Vidal17. Convaincu par la classification décimale de l’américain Melvin Dewey, Sebert en présente les avantages à Joseph Vallot, météorologiste à l’observatoire du Mont-Blanc et auteur d’un premier classement des photographies pour le musée de Paris, publié en 1895 au Cercle de la Librairie. Sa « Classification générale des connaissances humaines dans ses rapports avec l’image » comptait dix-neuf entrées correspondant aux vingt-six lettres de l’alphabet « moins celles qui se ressemblent trop et prêteraient à confusion » : A – Religion, B – Droit, C – Philosophie, D – Sciences occultes, etc. À l’intérieur de ces divisions étaient réorganisées les taxinomies en usage dans les différentes disciplines, et ce en fonction de possibles occurrences futures comme des demandes de documents à venir, que Vallot s’efforçait de prévoir. Ces subdivisions étaient classées alphabétiquement, chronologiquement, morphologiquement, et phylogénétiquement, ou encore par matières18.

21Malgré les efforts investis dans ce premier classement, Vallot adhère immédiatement à la nouvelle méthode décimale et prend l’initiative de le recommencer sur le modèle de la classification de Dewey. Ce revirement à l’avantage du système décimal s’opère en 1895, l’année même de la première Conférence internationale de bibliographie à Bruxelles, les 2 et 4 septembre, à l’issue de laquelle est créé l’Office international de bibliographie par Paul Otlet et Henri La Fontaine. Leur but est de réunir l’ensemble de la connaissance humaine sous la forme du Répertoire bibliographique universel. Fondé à sa suite, l’Institut international de bibliographie vise à édifier un réseau d’institutions désireuses de collaborer au projet bibliographique. Le Bureau bibliographique de Paris en sera la section française.

22Lorsque la question du classement des collections de photographies documentaires est abordée au congrès de Marseille, c’est la Classification décimale universelle de Paul Otlet et Henri La Fontaine (CDU) qui est préconisée pour l’ensemble des collections existantes, tout comme pour celles à créer. Inspirée de la classification décimale de Dewey (CDD), la CDU apparaît comme la solution de classement la plus simple et la plus internationale, sinon la plus universelle : ce sont des chiffres en combinaisons. Elle est inépuisable et peut se compléter à loisir. Sebert la connaît parfaitement. Il a lui-même rédigé les tables consacrées à la photographie en 1900, et en particulier la table « 77.9 » pour « Documents photographiques. Collections de photographies ».

23Dès 1901, Sebert intègre la Classification décimale universelle au Bulletin de la Société française de photographie : les sommaires sont retranscrits dans ce langage tout comme les titres d’articles. Des index détaillés sont compilés. Ils forment alors et pour des années l’outil le plus efficace pour extraire des informations pertinentes du périodique de l’association. Cette pertinence n’a été remise en question que récemment avec la numérisation en mode texte des périodiques et leur mise en ligne. À l’époque de Sebert, les informations retranscrites dans le langage de la CDU sont reportées sur des fiches mobiles du répertoire bibliographique de la SFP.

  • 19 Hippolyte Sebert, L’Espéranto et les langues nationales, Paris, Office central espérantiste, 1909.
  • 20 Hippolyte Sebert, Modela klasifiko de Esperantaj bibliotekoj. La sistemo de la decimala klassifiko (...)

24Mais comment rendre le langage des chiffres de la Classification décimale universelle compréhensible et utilisable par tous ? La solution consiste à produire des tables de correspondance dans plusieurs langues. Le travail est de taille et avance lentement. On envisage alors le recours à l’espéranto. Comme Paul Otlet, Sebert ne se contente pas de parler la « langue auxiliaire », il l’écrit et signe notamment un essai intitulé L’Espéranto et les langues nationales19. Il réalise aussi une proposition d’adaptation en espéranto du Répertoire bibliographique universel et de la Classification décimale universelle20. Tout comme son idée de faire de l’espéranto la langue officielle des congrès, celle d’utiliser la « langue auxiliaire » pour les tables de la CDU ou pour le répertoire bibliographique permettrait de faire l’économie de travaux de traductions dans toutes les langues. L’espéranto, une langue normalisée, serait compréhensible par tous. À classement universel, langue universelle…

L’esprit normalisateur : de la vis à la fiche en passant par la « langue auxiliaire »

25Sebert est très au fait en matière de normalisation, puisqu’il a notamment contribué à standardiser la taille des vis pour appareils photographiques (fig. 8). Mais c’est aux fiches descriptives des photographies qu’il s’attaque désormais.

8. « Manufacture spéciale de pieds métalliques Auguste Dupeyron »

8. « Manufacture spéciale de pieds métalliques Auguste Dupeyron »

Tiré de O. Pernel, Agenda-annuaire des directeurs, protes et chefs de service des imprimeries de France et des colonies, Paris, Amicale des protes et correcteurs d’imprimerie de France, 1935. Paris, Société française de photographie.

  • 21 Hippolyte Sebert, « Répertoire sur fiche à classification décimale pour épreuves photographiques », (...)

26Le support idéal de la CDU s’avère alors la fiche mobile (7,5 x 12,5 cm). Elle est employée par l’Institut international de bibliographie dès sa création en 1895 et sert notamment pour le Répertoire bibliographique universel. Utilisée pour les textes, la fiche est potentiellement adaptable à la description et à l’indexation de tous types de documents iconographiques, à condition d’être déclinée en différents formats. En 1905, les fiches modèles (fig. 9) que publie Sebert forment ainsi les premiers prototypes de « fiches de signalement pour documents iconographiques21 ». Ces fiches sont retenues par l’Institut international de photographie à Bruxelles pour le Répertoire iconographique universel, lui-même institué en modèle par le congrès de Marseille. Les fiches de Sebert ont la particularité de comporter un espace pour les spécimens, en général un tirage ou un retirage. La plupart des collections documentaires adopteront ce type de système qui associe l’image à ses données descriptives.

9. « Planche de renseignement sur le cliché négatif »

9. « Planche de renseignement sur le cliché négatif »

Tiré de Charles Puttemans, Étienne Wallon, Congrès international de photographie. Procès-verbaux, rapports, notes et documents divers. Exposition universelle de Liège 1905, Bruxelles, Émile Bruylant, 1906, p. 143. Paris, Société française de photographie.

  • 22 Hippolyte Sebert, Manuel pour l’usage des répertoires bibliographiques. Organisation internationale (...)

27Les fiches types de Sebert pour le classement des photographies constituent une proposition précoce de normalisation des descriptions d’images. Les zones réservées aux métadonnées y sont détaillées. Le même souci de normalisation avait amené Sebert à élaborer, en 1898, un ensemble de « Règles pour la rédaction des notices destinées au répertoire bibliographique22 ». Faciliter les échanges et la communication en utilisant des langages communs et uniformisés est l’un des leitmotivs de Sebert. Paul Helbronner, président de la Société française de photographie lors du décès du général et polytechnicien tout comme lui, rend un bel hommage à cette ambition :

  • 23 Paul Helbronner, « Discours », dans Funérailles de Hippolyte Sebert, membre de la section mécanique (...)

Sebert s’attacha à préciser le langage photographique, à fonder de puissants laboratoires d’essais, à diriger les travaux du premier Congrès international de photographie qui se tint à Paris en 1889, à provoquer l’interchangeabilité des pièces primordiales des appareils, en unifiant les moindres détails c’est-à-dire par exemple les vis, les filetages des montures, les planchettes d’objectifs, en classant les essais sensitométriques, en créant des étalons de lumière, de densité des clichés, de gammes de tons des épreuves, enfin en perfectionnant bien d’autres moyens de mise en ordre des richesses formant le potentiel des progrès scientifiques23.

28Les fiches du répertoire bibliographique et du répertoire iconographique, faites pour être rangées dans un meuble à tiroirs spécialement conçu pour cela, participent de ce projet (fig. 10). Lors du congrès de Marseille, Otlet distribue la brochure sur la documentation et l’iconographie de l’Institut international de bibliographie, et présente les modèles de tiroirs employés par l’Institut international de photographie de Bruxelles pour le classement de ses fiches. Il y fait la promotion de la CDU devant des congressistes déjà convaincus.

10. Exemple de fiche de notice bibliographique de La Documentation et l’Iconographie

10. Exemple de fiche de notice bibliographique de La Documentation et l’Iconographie

Tiré du Bulletin de l’Institut international de bibliographie, Bruxelles, 1906, p. 2. Paris, Société française de photographie.

  • 24 La Documentation et l’iconographie, extrait du Bulletin de l’Institut international de bibliographi (...)
  • 25 Annuaire-manuel…, op. cit., p. 33‑34. Il s’agit de « monter individuellement les épreuves selon leu (...)

29Spécialiste de normalisation, Sebert sait que l’uniformisation des règles de description et de classement des livres facilite leur communication et permet de l’accélérer. Dans la même veine qu’Otlet, il déplace les méthodes développées dans le domaine des textes pour les adapter aux documents photographiques. Il s’agit de rattacher la documentation par la photographie à la documentation par le livre et de faire du répertoire iconographique universel l’équivalent pour l’image du répertoire bibliographique universel pour le texte. C’est ce qu’encourage l’Institut international de photographie dans la brochure La Documentation et l’Iconographie publiée en 190624. La préface rappelle la connexion étroite entre le texte et l’image, et la nécessité d’appliquer dans les deux domaines les mêmes méthodes d’organisation et de documentation. En 1906 à Marseille, il est préconisé de faire usage du Répertoire iconographique universel comme « plan uniforme et de référence » afin « d’organiser les collections suivant le principe d’universalité, c’est-à-dire de telle sorte que, intégrales ou partielles, encyclopédiques ou spéciales, régionales, nationales ou internationales, elles soient cependant ordonnées selon un plan uniforme25 ».

Le livre photo-micrographique

  • 26 Ibid., p. 24.

30Livre, photographie et document se rencontrent lors du congrès de Marseille pour finalement fusionner dans la proposition de « livre microscopique » présentée par Paul Otlet d’après les recherches de Robert Goldschmidt. L’objectif est d’obtenir « à une échelle très réduite, la photographie des pages de tout un livre ; chaque page pourrait occuper par exemple un centimètre carré. Cette reproduction serait faite au moyen d’appareils spéciaux, sur des pellicules de la grandeur des fiches bibliographiques, c’est-à-dire ayant 75 x 125 mm. Pour la lecture, il suffirait d’agrandir et de projeter successivement chaque centimètre carré au moyen d’un appareil de projection spécial26 ».

  • 27 Ibidem.

31Otlet et Goldschmidt inventent ici la microfiche, dont le microfilm en rouleau sera une variante. Les actes du congrès de Marseille rapportent les mots visionnaires de Paul Otlet, qui devine les avantages de cette invention. Elle faciliterait le stockage de la documentation et, en se substituant aux originaux, permettrait de les conserver le mieux possible sans les sortir de leur réserve tout en communiquant leur substitut argentique et en autorisant ainsi le partage de leurs contenus. Otlet met en avant « le peu d’espace qu’occuperait ainsi une bibliothèque importante ; les volumes seraient aussi plus à l’abri des détériorations provenant de leurs consultations fréquentes27 ».

  • 28 Robert Goldschmidt, Paul Otlet, « Sur une forme nouvelle du livre : le livre microphotographique », (...)

32Envisagée comme support de conservation et de sauvegarde des documents, la microfiche a aussi bel et bien un potentiel de diffusion, même si l’appareil de lecture reste à inventer. Publiée dans le Bulletin de l’Institut international de bibliographie de 190728, l’invention de Otlet et Goldschmidt passe alors inaperçue, mais le congrès de Marseille avait invité les spécialistes à coopérer avec Otlet et l’Institut international de photographie pour aider au perfectionnement de cette invention prometteuse. Par là, encore une fois, Otlet entendait rapprocher la documentation par la photographie de la documentation par les textes imprimés, soit utiliser le potentiel de reproduction et de diffusion de la photographie pour aider à la communication de contenus documentaires autant qu’à la sauvegarde des originaux. Dans cette perspective, la carte sur film n’est autre qu’une photographie standardisée, support possible de diffusion de toutes sortes de documents et lisible par tous, internationalement.

Espéranto et photographie : 40 892 : 77

  • 29 Hippolyte Sebert, « Espéranto et photographie. Communication faite à la séance du 19 avril 1907 », (...)

33Dans le Bulletin de la Société française de photographie de 1907, le Général Sebert corrèle explicitement le développement de la « langue auxiliaire » et celui de la photographie. Il raconte comment, lors d’une conférence en espéranto organisée à Genève, des vues photographiques pour la projection ont permis à un public non espérantiste de se familiariser avec cette langue simple tout en la comprenant sans la connaître, grâce aux images : « Grâce aux projections lumineuses qui l’illustraient, elle [la conférence] a pu être comprise sans trop de peine, même de ceux de ces auditeurs qui ne connaissaient pas la langue espéranto29. »

34À Paris, autour de 1906, les milieux de la photographie et ceux de l’espéranto se connaissent bien et se fréquentent. Ils peuvent notamment se rencontrer lors des cours et conférences organisés au 51 rue de Clichy, dans un hôtel qui n’est autre que celui de la Société française de photographie (fig. 11). Dès 1901 en effet, Sebert y met des locaux à disposition des pratiquants parisiens de la « langue auxiliaire ». L’École d’espéranto de Paris s’y installe progressivement : on s’y retrouve lors de thés espérantistes ou de séances propagandistes accompagnées ou non de projections lumineuses.

11. Anonyme, la Société française de photographie au 51 rue de Clichy, s. d.

11. Anonyme, la Société française de photographie au 51 rue de Clichy, s. d.

Paris, Société française de photographie

  • 30 Charles Vérax, Vocabulaire français-espéranto technologique des termes les plus employés en photogr (...)

35Parmi les personnalités espérantistes amenées à fréquenter la Société française de photographie, Charles Vérax se fait remarquer dès 1906 par ses publications : il dirige notamment, à partir d’octobre 1906, la Foto-Revuo, revue photographique espérantiste soutenue par Sebert, dont il est difficile de trouver un exemplaire aujourd’hui mais pour laquelle de nombreuses publicités paraissent à l’époque. Vérax est également l’auteur d’un Traité élémentaire d’optique photographique dans la « langue auxiliaire », ainsi que du Vocabulaire français-espéranto technologique des termes les plus employés en photographie30 (fig. 12). La plupart de ces publications paraissent chez Charles Mendel, dont on a déjà noté la participation au colloque de 1906.

12. Charles Vérax, Vocabulaire français-espéranto technologique des termes les plus employés en photographie et dans ses rapports avec la chimie, la physique et la mécanique, Paris, Charles Mendel, 1907

12. Charles Vérax, Vocabulaire français-espéranto technologique des termes les plus employés en photographie et dans ses rapports avec la chimie, la physique et la mécanique, Paris, Charles Mendel, 1907

Paris, Société française de photographie

36Tout comme Charles Mendel, Charles Vérax assiste au congrès de Marseille. Il est difficile de savoir si sa présence était prévue, mais une chose est sûre : il a une mission toute particulière, celle de remplacer au pied levé Victor Cousin de la SFP, qui était initialement chargé de prendre les notes nécessaires à la rédaction des actes, c’est-à-dire du fameux Annuaire-manuel de la documentation photographique. Ainsi, c’est un espérantiste qui consigne les discours des membres du congrès et en prépare l’édition, comme le confirme un courrier conservé à la Société française de photographie. Bien que signé par Victor Cousin, l’Annuaire-manuel a été rédigé ou du moins pré-rédigé à travers le filtre d’un regard espérantiste, un regard qui aura, on peut en être sûr, communiqué cette énergie internationaliste émanant des discours des membres de l’Union internationale réunis à Marseille.

  • 31 Hippolyte Sebert, « Projets de statuts présentés par la commission des révisions nommée à Liège le (...)
  • 32 Union internationale de photographie. Statuts, Paris, Gauthier-Villars, 1892, p. 1.

37L’imaginaire de l’espéranto, cette utopie vertigineuse née de l’idéal pacifiste, nourrit le discours de Sebert, lequel reflète lui-même la pensée universaliste d’Otlet et de La Fontaine. Sebert étant devenu, à partir de 1905, la voix de l’Union internationale de photographie, on ne s’étonnera pas de la voir revitalisée par l’idée même d’une entente internationale. Dans les nouveaux statuts de l’Union que rédige Sebert, cette dernière est désormais pensée comme un centre d’information mettant à disposition les ressources et les moyens « pour réaliser une entente internationale […] sur des questions d’intérêt commun se rattachant d’une façon quelconque à la photographie31 », là où auparavant elle s’était donnée pour but de devenir « une organisation unique et homogène de tout ce qui touche à la photographie » et « de faciliter les rapports entre les membres et les sociétés des différents pays »32. Ainsi, plus que de réunir, la nouvelle union a comme objectif de s’entendre, à une échelle internationale, sur la photographie. S’entendre, c’est échanger et partager. Qu’il s’agisse de la taille des vis des appareils photographiques, du format des plaques, des planchettes d’objectifs, des étalons de lumière ou de la description et du classement des images, s’entendre, c’est parler un langage harmonisé, unifié, normalisé.

38À Marseille en 1906, le terme de « norme » n’a pas encore le sens qu’il prendra plus tard, avec la création dans les années vingt d’associations dédiées à la question de la normalisation. C’est bien dans cet état d’esprit cependant que travaille Sebert autour du document photographique. Là, on l’a vu, l’imaginaire de normalisation vient croiser celui de la langue universelle de l’espéranto et tous deux accompagnent et nourrissent les réflexions sur la photographie documentaire. À cet égard, la forme même du premier (et dernier) congrès international tenu à Marseille en 1906 aura précisément constitué l’une des actualisations de ce rêve universaliste.

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Notes

1 Annuaire-manuel de la documentation photographique, Paris, Charles-Mendel, 1908, p. 19.

2 Sur les premiers projets de constitutions d’archives documentaires et sur les hésitations entre les appellations de musées, bibliothèques, dépôts ou archives pour de telles structures, voir Luce Lebart, « Archiver les photographies fixes et animées. Matuszewski et l’‹ Internationale documentaire › », dans Boleslas Matuszewski, Écrits cinématographiques, Magdalena Mazaraki (dir.), Paris, AFRHC / La Cinémathèque française, 2006, p. 47‑66.

3 Général Sebert, « Commission permanente des congrès internationaux de photographie, secrétariat 51 rue de Clichy (Hôtel de la SFP) », dans Annuaire-manuel de la documentation photographique, op. cit., p. 13.

4 Ibidem.

5 Rodolphe Archibald Reiss, « L’Union internationale de photographie », Revue suisse de photographie, vol. 17, 1905, p. 281.

6 Ibidem.

7 Ibid., p. 282.

8 Ibidem.

9 Ibid., p. 283.

10 Jos Maes, président de l’Union internationale de photographie, note publiée dans la brochure de l’Union Internationale de photographie, Projets de réorganisation, Paris, Gauthier-Villars, 1906, p. 43.

11 Doktoro Esperanto, « Préface », dans Langue Internationale. Préface et manuel complet, Varsovie, Gebethner & Wolff, 1887.

12 Déclaration sur l’espérantisme, adoptée le 7 août 1905 au Congrès mondial d’espéranto à Boulogne-sur-Mer, article 1, disponible en ligne : <sat-amikaro.org>.

13 Voir Hippolyte Sebert, Notice sur les bois de la Nouvelle-Calédonie, suivie de considérations générales sur les propriétés mécaniques des bois et sur les procédés employés pour les mesurer, Paris, A. Bertrand, s. d. [1874].

14 Voir Luce Lebart, « La classification des nuages », Pour la Science, nº 78, janvier-mars 2013, p. 44‑49.

15 Il sera le président le plus durable mais l’un des moins connus aujourd’hui dans le domaine des études photographiques, en comparaison avec Victor Régnault, Alphonse Davanne, Jules Janssen ou encore Gabriel Lippmann, par exemple.

16 Annuaire-manuel…, op. cit., p. 18.

17 Sur les classifications utilisées dans les différents musées de photographies documentaires, voir Luce Lebart, « Histoires de tiroirs : les premières ‹ bases de données › photographiques », dans Traces. 100 ans de patrimoine photographique en Suisse, Neuchâtel/Berne, Institut suisse pour la conservation de la photographie, Memoriav, 2004, p. 103‑107. Sur le Musée des photographies documentaires, voir Éléonore Challine, supra, p. 30 sq.

18 Joseph Vallot, Classification iconographique générale établie pour le service de classement du Musée des photographies documentaires et adopté par le conseil de direction, Paris, Le Cercle de la librairie, 1895.

19 Hippolyte Sebert, L’Espéranto et les langues nationales, Paris, Office central espérantiste, 1909.

20 Hippolyte Sebert, Modela klasifiko de Esperantaj bibliotekoj. La sistemo de la decimala klassifiko usita por la Universala bibliografia repertorio, Paris, Office central espérantiste, 1910.

21 Hippolyte Sebert, « Répertoire sur fiche à classification décimale pour épreuves photographiques », Bulletin de la Société française de photographie, Paris, Gauthier-Villars, vol. 22, 1906, p. 374‑381.

22 Hippolyte Sebert, Manuel pour l’usage des répertoires bibliographiques. Organisation internationale de la bibliothèque scientifique, règles pour la rédaction des notices bibliographiques, règles pour la publication des recueils bibliographiques et la formation des répertoires sur fiches, tables abrégées de la classification biographique, Bruxelles, Institut international de bibliographie, 1900.

23 Paul Helbronner, « Discours », dans Funérailles de Hippolyte Sebert, membre de la section mécanique de l’Académie des sciences à Verberie, Oise, le lundi 27 janvier 1930. Discours prononcés à la levée du corps à Paris, tiré à part de l’Académie des sciences, Hendaye, Imprimerie de l’Observatoire d’Abbadia, 1930, p. 295‑299.

24 La Documentation et l’iconographie, extrait du Bulletin de l’Institut international de bibliographie, 1906, Bruxelles, Institut international de bibliographie, publication nº 78, 1906.

25 Annuaire-manuel…, op. cit., p. 33‑34. Il s’agit de « monter individuellement les épreuves selon leurs formats, d’appliquer la CDU et d’établir, sur fiches, le catalogue de chaque collection en adoptant le classement par matière, lieu, personne, époque, conformément à la classification décimale ».

26 Ibid., p. 24.

27 Ibidem.

28 Robert Goldschmidt, Paul Otlet, « Sur une forme nouvelle du livre : le livre microphotographique », Bulletin de l’Institut international de bibliographie, vol. 12, 1907, p. 61‑69.

29 Hippolyte Sebert, « Espéranto et photographie. Communication faite à la séance du 19 avril 1907 », Bulletin de la Société française de photographie, vol. 23, 1907, p. 223‑227.

30 Charles Vérax, Vocabulaire français-espéranto technologique des termes les plus employés en photographie et dans ses rapports avec la chimie, la physique et la mécanique, Paris, Charles Mendel, 1907.

31 Hippolyte Sebert, « Projets de statuts présentés par la commission des révisions nommée à Liège le 19 juillet », dans Union Internationale de photographie. Projets de réorganisation, op. cit., 1906, p. 16.

32 Union internationale de photographie. Statuts, Paris, Gauthier-Villars, 1892, p. 1.

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Table des illustrations

Titre 1. Anonyme, « Deuxième congrès international de photographie, Bruxelles, août 1891 »
Légende Paris, Société française de photographie
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Titre 2. Anonyme, « Congrès de Liège. Excursion à Spa. Les grands maîtres de la photographie », 1905
Légende Paris, Société française de photographie
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Titre 3. Pierre Petit, portrait du général Sebert, 1905
Légende Paris, Société française de photographie
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Titre 4 à 6. Questionnaires à retourner au Congrès de la documentation photographique, 51 rue de Clichy, Paris
Légende Tirés de Ernest Cousin, Annuaire-manuel de la documentation photographique, Paris, Charles Mendel, 1908, p. 15 à 17. Paris, Société française de photographie.
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Titre 7. Ernest Cousin, Annuaire-manuel de la documentation photographique, Paris, Charles Mendel, 1908
Légende Paris, Société française de photographie
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Titre 8. « Manufacture spéciale de pieds métalliques Auguste Dupeyron »
Légende Tiré de O. Pernel, Agenda-annuaire des directeurs, protes et chefs de service des imprimeries de France et des colonies, Paris, Amicale des protes et correcteurs d’imprimerie de France, 1935. Paris, Société française de photographie.
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Titre 9. « Planche de renseignement sur le cliché négatif »
Légende Tiré de Charles Puttemans, Étienne Wallon, Congrès international de photographie. Procès-verbaux, rapports, notes et documents divers. Exposition universelle de Liège 1905, Bruxelles, Émile Bruylant, 1906, p. 143. Paris, Société française de photographie.
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Titre 10. Exemple de fiche de notice bibliographique de La Documentation et l’Iconographie
Légende Tiré du Bulletin de l’Institut international de bibliographie, Bruxelles, 1906, p. 2. Paris, Société française de photographie.
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Titre 11. Anonyme, la Société française de photographie au 51 rue de Clichy, s. d.
Légende Paris, Société française de photographie
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Fichier image/jpeg, 581k
Titre 12. Charles Vérax, Vocabulaire français-espéranto technologique des termes les plus employés en photographie et dans ses rapports avec la chimie, la physique et la mécanique, Paris, Charles Mendel, 1907
Légende Paris, Société française de photographie
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Pour citer cet article

Référence papier

Luce Lebart, « L’Internationale documentaire. Photographie, espéranto et documentation autour de 1900 »Transbordeur, 1 | 2017, 62-73.

Référence électronique

Luce Lebart, « L’Internationale documentaire. Photographie, espéranto et documentation autour de 1900 »Transbordeur [En ligne], 1 | 2017, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transbordeur/374 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12gwb

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Auteur

Luce Lebart

Luce Lebart, historienne de la photographie et commissaire d’exposition, dirige l’Institut canadien de la photographie du Musée des beaux-arts du Canada après avoir assuré la direction des collections de la Société française de photographie de 2011 à 2016. Elle a publié Mold is Beautiful (Poursuite, 2015), Tâches et traces, premiers essais photosensibles d’Hippolyte Bayard (SFP/Diaphane, 2015), l’anthologie de textes Les Silences d’Atget (Textuel, 2016) et, avec Sam Stourdzé, Lady Liberty (Seuil, 2016).
Luce Lebart is a photography historian and exhibition curator, and the director of the Institut Canadien de la Photographie of the Musée des Beaux-Arts du Canada. From 2011 to 2016 she was in charge of the collections of the Société française de photographie in Paris. She has published Mold is Beautiful (Poursuite, 2015), Tâches et traces, premiers essais photosensibles d’Hippolyte Bayard (SFP/Diaphane, 2015), the anthology of texts Les Silences d’Atget (Textuel, 2016) and, with Sam Stourdzé, Lady Liberty (Seuil, 2016).

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Droits d’auteur

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