L’ennemi, ce n’est pas le microbe, c’est la poussière.
L’Élevage de poussière de Man Ray et Marcel Duchamp prend pour objet le spectacle offert par un dépôt de poussière (fig. 1). C’est bien connu, cette photographie a été créée un après-midi de 1920, dans l’atelier new-yorkais de Duchamp, où l’artiste avait, pendant plusieurs mois, laissé patiemment s’accumuler de la poussière sur la surface du Grand Verre (1926). Recadrée à partir du négatif originel, l’image se présente tout d’abord au spectateur comme une vue aérienne d’une vaste étendue topographique. « Vue prise en aéroplane par Man Ray », est-il écrit en légende lors de sa première publication en octobre 1922 dans la revue surréaliste Littérature. Mais dans le même temps, l’image demeure ancrée dans le terrestre, invitant l’œil à s’attarder sur les éléments les plus infimes du monde matériel. La poussière – dont les textures fines et différenciées ont été minutieusement capturées au terme d’un temps de pose long de deux heures...