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Recension bibliographique
Comptes rendus

Mussolini socialiste : littérature et religion. I. Anthologie de textes, 1900-1918, Stéphanie Lanfranchi et Élise Varcin (éd.)

Mariella Colin
p. 202-204
Référence(s) :

Mussolini socialiste : littérature et religion. I. Anthologie de textes, 1900-1918, Stéphanie Lanfranchi et Élise Varcin (éd.), Lyon, ENS Éditions, 2019, 455 p.

Texte intégral

1Cette anthologie de textes traduits du jeune Mussolini est le fruit d’un travail d’équipe d’Italianistes à l’ENS de Lyon sous la direction de Stéphanie Lanfranchi et Élise Larcin. Après avoir rappelé dans leur très brève préface la légitimité scientifique d’une telle entreprise, Lanfranchi et Larcin énoncent les critères traductifs, à la fois philologiques et historiques, qui ont été suivis, allant de la reconstitution des contextes d’écriture (par des chapeaux introductifs et un apparat de notes) à la restitution de la version originale des textes, y compris dans leur typographie ; des textes dont il aurait été bon de donner également la liste des titres en italien. On regrette également qu’une relecture attentive de ces traductions n’ait pas permis d’éliminer les italianismes qui déparent cette édition française…

2Il s’agissait, pour les deux maîtresses d’œuvre, de faire connaître au public français le jeune Mussolini, socialiste et syndicaliste, journaliste révolutionnaire et pamphlétaire anticlérical, écrivain et critique, dont les ambitions étaient alors autant politiques que littéraires ; une initiative novatrice qui a le mérite de porter à la connaissance du public un nombre significatif d’articles et de fictions tout au long d’un itinéraire qui va du début du XXe siècle à la fin de la Grande Guerre, en privilégiant les textes dans lesquels sont abordés la littérature et la religion.

3Une biographie succincte retrace les années de formation de Mussolini, qui le conduisent tout d’abord à l’École Normale de Forlimpopoli (où il compose quelques poèmes) et au métier d’instituteur, qu’il va abandonner rapidement pour tenter sa chance (et échapper au service militaire) en Suisse. C’est là qu’en 1902 il deviendra rédacteur dans des journaux socialistes (L’Avvenire del lavoratore, Il Proletario, Avanguardia socialista) et qu’il publiera ses premiers articles, parmi lesquels figure une série de textes d’inspiration anticléricale, dont le plus probant est L’homme et la divinité (1904) : un essai (vraisemblablement réécrit par Angelica Balabanoff) fortement référencé et nourri de critique philosophique qui le fera considérer par les siens comme un spécialiste de la question religieuse. La même année, il cherchera en vain à s’inscrire à l’université de Genève ; il sera seulement autorisé à suivre des cours à Lausanne pendant quelques mois, avant de rentrer en Italie et d’y poursuivre ses études en autodidacte avide de lectures, nombreuses mais désordonnées, tout en militant au parti socialiste et en écrivant dans des revues et dans la presse. En 1907, il obtient l’habilitation à enseigner le français, et l’année suivante il est professeur à Oneglia ; il tente aussi (mais en vain) d’obtenir l’habilitation à l’enseignement de l’allemand, et en 1908 il publie des articles de critique littéraire, sur la poésie de Klopstck et sur la philosophie de Nietzsche, où il montre des qualités d’analyse et d’argumentation. Mais c’est pendant l’année 1909 que sa production va atteindre son point culminant ; il se trouve alors dans la région de Trente (encore sous domination autrichienne), où il dirige le secrétariat du travail et le journal L’Avvenire del lavoratore, tout en collaborant activement au Popolo de Cesare Battisti. Il se rapproche de Prezzolini et des avant-gardes de La Voce, et rédige de nombreuses notes critiques sur des auteurs de langue allemande, française et italienne, tout en multipliant les projets littéraires. Ses textes de fiction paraissent dans les journaux socialistes de la région : des Novellette perverse sur des sujets fantastiques ou érotiques ; des Médaillons bourgeois, portraits sarcastiques de la bourgeoisie de Trente, et des Petits tableaux trentins ; un essai sur l’histoire de la maison d’Autriche (qu’il ne publiera pas), des textes autobiographiques et enfin un roman : Claudia Particella, l’amante del cardinale (Carlo Emanuele Madruzzo). Ce roman historique et anticlérical narrant les amours d’une courtisane et du dernier prince-cardinal de la lignée des Madruzzo, seigneurs de Trente, paraîtra en feuilleton dans Il Popolo en 1910, alors que Mussolini, expulsé pour ses activités anti-autrichiennes et anticléricales, est de retour en Italie. Il Trentino veduto da un socialista paraîtra en 1911 dans « I quaderni della Voce ». Mussolini dirige la fédération socialiste de Forlì et l’hebdomadaire La lotta di classe, lorsqu’il est condamné pour agitation contre la campagne de Libye à une peine de cinq mois de prison, où il rédigera son autobiographie (La mia vita dal 27 luglio 1883 al 23 novembre 1911, dont est ici traduit un extrait) ; à sa sortie, il intégrera la direction nationale du parti et deviendra le directeur de l’Avanti !. Dès lors, l’activité politique qui deviendra sa principale occupation ne lui laissera que rarement le temps de s’adonner à la littérature et à la critique littéraire, et le nombre de ses articles diminuera considérablement.

4L’engagement socialiste de Mussolini connaît un tournant décisif en 1914, lorsque le leader de l’aile révolutionnaire du PSI abandonne la position officielle de neutralité absolue du parti et se déclare favorable à l’entrée en guerre de l’Italie ; en octobre 1914, il démissionne de la direction de l’Avanti pour fonder Il Popolo d’Italia. C’est dans les pages de son nouveau journal qu’il mènera une action très active, en faisant campagne en faveur de l’intervention de l’armée italienne dans le conflit. Pendant toute la durée de la guerre, il multipliera les articles de propagande dans son journal, exaltant le devoir patriotique ou rendant hommage aux combattants tombés pour les terre irredente (Bruno Garibaldi, Filippo Corridoni, Cesare Battisti, Roberto Sarfatti) ; il y publiera aussi, au fil des semaines, son Diario di guerra. Mais le choix de ces derniers articles, parus dans Il Popolo d’Italia entre 1914 et 1918, suscite la perplexité : ils peuvent difficilement être classés dans les deux catégories selon lesquelles cette anthologie entendait répertorier les textes du jeune Mussolini (« Littérature et Religion »), car ils ne renvoient ni à la littérature, ni à la religion, encore moins à la « religion mystique fasciste » (p. 7) dont parle Emilio Gentile, puisque celle-ci ne prendra forme qu’après la prise du pouvoir (en 1922) ; on y retrouve en revanche la rhétorique du « discours national de guerre » alors en vogue. Il aurait été sans doute plus pertinent d’arrêter les textes recueillis dans cette anthologie à l’automne 1914, au moment où Mussolini est exclu du parti socialiste.

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Pour citer cet article

Référence papier

Mariella Colin, « Mussolini socialiste : littérature et religion. I. Anthologie de textes, 1900-1918, Stéphanie Lanfranchi et Élise Varcin (éd.) »Transalpina, 23 | 2020, 202-204.

Référence électronique

Mariella Colin, « Mussolini socialiste : littérature et religion. I. Anthologie de textes, 1900-1918, Stéphanie Lanfranchi et Élise Varcin (éd.) »Transalpina [En ligne], 23 | 2020, mis en ligne le 01 novembre 2020, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/transalpina/812 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/transalpina.812

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