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Dossier Université Invitée : Roumanie

Les éditions bilingues roumaines au XIXe siècle : des comparaisons à visée (auto)didactique ou une arme à double tranchant ?

Romanian bilingual editions in the nineteenth century: comparisons with (auto)didactic purpose or a double-edged sword?
Ediciones bilingües rumanas en el siglo XIX : ¿comparaciones con un propósito (auto)didáctico o una espada de doble filo ?
Ioana-Simina Giurginca (Frîncu)

Résumés

Le statut spécial du texte bilingue roumain au XIXe siècle implique des stratégies de lecture particulières dictées par la mise en page, le segment du public visé et les finalités éditoriales. Dans ce cadre spatio-temporel, on a esquissé deux situations probables, chacune avec ses avantages et ses inconvénients. Dans les deux scénarios, le lecteur doit vérifier, à l’aide de ses connaissances en langue étrangère, la validité des solutions du traducteur et essayer une interprétation propre du texte source (TS) afin de maximiser le décryptage sémantique pour une compréhension plus élargie, plus correcte et/ou convenable à son bagage cognitif. Les éditions bilingues parues dans l’espace roumain marquent nettement l’intention d’instruire le lectorat, par le message transmis et par l’opportunité accordée à deux types de récepteurs. D’un côté, à un éventuel lecteur autodidacte souhaitant apprendre une langue étrangère ou se perfectionner ; cependant, comme nulle clé de lecture ne lui est fournie, son progrès reste impossible à quantifier. De l’autre côté, aux lecteurs-traducteurs, des érudits, est donnée l’occasion d’opérer par et pour eux-mêmes un texte cible (TC) autre que celui publié, toujours en guise d’exercice, bien qu’à un autre niveau. Depuis des siècles, les éditions bilingues prouvent ainsi leur utilité dans l’apprentissage autodidacte et également dans le travail des historiens de la traduction, intéressés à analyser l’effet que ces publications sont susceptibles d’avoir généré auprès du public roumain.

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Texte intégral

1En essence, une comparaison signifie définir un élément par rapport à l’autre ou à d’autres, faire ressortir une identité bien définie dont les contours sont les découpages occupés par les autres. Cette coexistence ne gomme pourtant pas l'identité individuelle. Les traits identitaires distinguent et séparent en même temps chaque élément des autres. La mise en rapport de deux ou plusieurs éléments, animés ou inanimés, entraîne un bilan des similitudes, des points de croisement et des contrastes, et peut se solder par des effets différents sinon contradictoires selon l’émetteur.

  • 1 Ioan Lupu et Cornelia Ștefănescu (éds.), Bibliografia relațiilor literaturii române cu literaturile (...)

2Lorsqu’il s’agit du traduire en général, tout transfert interlingual repose sur une comparaison inhérente, entre l’objet et son reflet dans une autre réalité (linguistique, culturelle, historique, etc.). Cette étude porte sur les éditions bilingues parues dans les Principautés Roumaines durant le XIXe siècle, avec l’accent sur leurs enjeux et leur potentiel didactique ainsi que sur le profit que leur récepteur peut en tirer en l’absence de tout guidage « spécialisé ». Afin d’analyser le rapport qui est susceptible de s’instaurer entre les textes en regard – le texte original et la copie (le texte traduit), on s’est arrêté uniquement sur des textes littéraires de diverses langues sources rendus en roumain et identifiés dans des ouvrages de références1. Ce corpus est composé de publications dont la première année de parution s’inscrit dans l’intervalle 1800-1900 et de publications – toujours appartenant au XIXe siècle – ayant compris à un moment donné, bien que de façon isolée, épisodique ou régulière, au moins un article rédigé en plusieurs langues, dont une était le roumain. Les périodiques dont uniquement le titre, ou dans certains cas également le sous-titre, était multilingue ainsi que les périodiques parus sous forme de versions parallèles issues séparément – une pour chaque langue, n’ont pas été pris en compte. Puisqu’elles n'intègrent pas un seul document unique mais fonctionnent plutôt comme des textes monolingues individuels, ces publications privent le lectorat de la possibilité d’opérer une comparaison entre deux ou plusieurs versions existantes.

  • 2 Dans l’intervalle suivant la période du métropolite Gavriil Banulesco-Bodoni établi à Chișinău qui (...)
  • 3 L’année 1871 a représenté le début d’une période noire pour les habitants de la province, l'oukaze (...)

Cette analyse a intentionnellement laissé de côté les situations où les événements historiques et les changements politiques qui ont fait des éditions bilingues tantôt des instruments d’oppression, tantôt les marques d’un mouvement de résistance contre les oppresseurs, selon les buts de l’entité qui s’en servait. Dans ce sens, on se borne à évoquer en guise d’exemple un épisode de l’histoire des Roumains. À l’issue de la guerre russo-turque de 1806-1812, par le traité de Bucarest signé le 12/28 mai 1812, le territoire moldave compris entre les rivières Prut et Nistre devenait la province russe de Bessarabie. Son assimilation au sein des structures politiques et administratives de l’empire tsariste se fit par la suppression de son autonomie et par un ample procès de russification dirigé contre deux institutions fondamentales pour l’ethnie roumaine qui y était majoritaire : l’église et l’école. Durant plus d’un siècle d’occupation russe (1812-1918), la censure synodale a laissé son empreinte sur le fonds livresque religieux de cette région. Par l’introduction des traductions intégrales du slavon en roumain, les autorités impériales voulaient assurer l’éducation orthodoxe de la population dominée et, par le biais de ces publications bilingues, faciliter l’apprentissage du russe2. Durant le service de l’archevêque de Chișinău et de Hotin Antonie Șocotov (1858-1871) le roumain (plus précisément, le dialecte moldave) a été gardé comme langue de l’office divin, des documents religieux et de l’impression des livres. Son initiative fit que l’année 1867 marque la parution du Bulletin officiel de l’évêché, la première revue de ce genre en Bessarabie. Jusqu’en 18713, cette publication resta bilingue avec des textes en russe sur la première colonne, accompagnés de leur traduction en (dialecte) moldave sur la colonne à côté. Cette mise en page trahissait l’hégémonie de la langue dominante imposée par les autorités auprès de la population dont la langue maternelle était la langue dominée.

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  • 4 Kишиневския Епaрхиальныя Въдомости, 1867, No 2, consulté le 20 février 2020, http://www.moldavica.b (...)

Articles en russe (première colonne) et en roumain (seconde colonne, alphabet cyrillique4)

  • 5 Ion Gheție et Alexandru Mareș (éds.), De când se scrie româneşte ? [Depuis quand écrit-on en roumai (...)
  • 6 Ibid., p. 82-83.

3De l’étude de deux chercheurs roumains Gheție et Mareș5, on apprend que les premières éditions bilingues (roumaines-slavonnes) datent du XVIe siècle et que leur finalité la plus pertinente semble avoir toujours été didactique. Parmi ce genre d’ouvrages à structure linguistique double, deux textes y sont mentionnés : « Începătura de nuiele » [formule magique, sort pour trouver un trésor] rédigé partiellement en roumain, partiellement en slavon, les phrases en roumain intégrant des syntagmes en slavon, non traduits ; et « Octoihul » [L’Octoèque] avec les huit tons et les « Exapostilaires » en roumain, alors que les canons sont gardés en slavon. Dans les Principautés Roumaines, le besoin urgent de manuels avait poussé Gheorghe Șincai à élaborer au cours de seulement trois ans ABC sau alphavit (Blaj, 1783) avec des textes parallèles en allemand et en roumain6.

Le bilinguisme dans l’espace roumain au XIXe siècle – un terrain propice à l’apprentissage autodidacte par le biais de la traduction

4Du bilinguisme slavo-roumain (XVe-XVIe siècles) et du bilinguisme gréco-roumain du XVIIe et du XVIIIe siècles (suite au régime phanariote) et celui roumain-allemand au XVIIIe siècle (une fois l’allemand devenu langue officielle en Transylvanie), on assiste au XIXe siècle (par l’introduction du Règlement organique en Moldavie et en Valachie) à un bilinguisme franco-roumain. Dans la section intitulée « Chapitre II. La France » de son ouvrage, Jean A. Caravolas affirme qu’

  • 7 Histoire de la didactique des langues au siècle des Lumières : Précis et anthologie thématique, Mon (...)

Avec la francomanie qui se répand dans toute l’Europe, peu de Français au XVIIIe siècle éprouvent le besoin d’apprendre les langues vivantes. C’est dans les pays étrangers que les Français se distinguent comme professeurs et auteurs de manuels de français langue étrangère7.

  • 8 Învățătorul limbi sêu Metodu practicu spre a vorbi o limbă în șese luni. Partea francesă pentru rum (...)
  • 9 Chie’a essercițiuriloru învățătorulu limbiloru [La clé des exercices de la revue « Maître des langu (...)
  • 10 Série mentionnée dans l’ouvrage signé par Georgeta Răduică et Nicolin Răduică (éds.), op. cit., p. (...)
  • 11 « metodă pentru a învăța singur a scrie și a vorbi franțuzește » – notre traduction. Faute d’indica (...)
  • 12 Georgeta Răduică et Nicolin Răduică (éds.), op. cit., p. 259, fiche n° 3978.

5L’un de ces pays était le territoire roumain où le souffle des réformes déjà entreprises en France allait se propager le siècle suivant par le biais de ses représentants directs, tels que Raoul de Pontbriant qui ouvrit en 1875 un « lycée français » en collaboration avec Boniface Floresco (fils de Nicolas Balcesco) et George Kirilov. À part les cours de français, les grammaires et le dictionnaire roumain-français destinés à servir dans les écoles, les lycées et les pensions roumains, Pontbriant publie aussi une méthode pratique pour apprendre à parler dans une langue étrangère en six mois8, suivie par la clé des exercices présentés dans cette méthode9. À Bucarest, sous la direction de L. Lévêque, paraît jusqu’en juin 1887 une série de 50 numéros de Învățătorul popular [Le Maître populaire], une revue-méthode accessible à tous les élèves qui souhaitaient apprendre le français sans professeur10. Dans la même période, le professeur H. Lolliot dirige la rédaction de Limba franceză predată românilor fără profesor [La langue française enseignée aux Roumains sans professeur] qui est une « méthode pour apprendre seul à écrire et à parler en français »11. Cette publication à fréquence hebdomadaire est publiée à Bucarest et a un caractère didactique évident12.

  • 13 La définition donnée par celui-ci à la personne bilingue dans la section « BILINGUISME INDIVIDUEL » (...)

6Bien que le bilinguisme ne soit pas synonyme de « bon traducteur », il fait office de condition sine qua non lors de la traduction. Il s’agit pourtant d’un bilinguisme passif car le traducteur peut être muet. Il importe seulement qu’il connaisse à merveille et passivement la langue-source (LS). Idéalement, le bilinguisme absolu pourrait se définir comme un monolinguisme/unilinguisme multiplié par deux, autrement dit la maîtrise parfaite et égale de deux langues. Il n’en reste pas moins que du point de vue du transfert interlingual d’un message, le messager doit également être muni de compétences qui garantissent la juste correspondance entre les unités de sens qu’il connaît dans chaque langue. Selon François Grosjean, « On ne peut considérer comme bilingues uniquement les personnes qui passent pour être monolingues dans chacune de leurs langues. »13

  • 14 Ce terme emprunté à Antoine Berman (L’épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, 1995, p. 14) a été u (...)
  • 15 Georgiana Lungu-Badea, Idei și metaidei traductive românești (secolele al XVI-lea al XXI-lea), Ed (...)
  • 16 Georgiana Badea, « Traduction(s) et paradigmes de lectures : étude des formes de réception de la li (...)

7Au XIXe siècle, la diglossie14 roumaine-française qui traçait les frontières entre l’élite lettrée et la classe sociale inférieure, encore dans la nuit de l’inculture, ne venait point au secours du traducteur. Fréquents sont les cas où le bilinguisme de l’individu chevauchait avec le bilinguisme collectif lorsqu’on se rapporte à la génération de 1848 qui formaient une communauté linguistique, mentalitaire, politique, progressive et bien plus. La majorité des traducteurs roumains de la période comprise entre 1800 et 1900 étaient (au moins) bilingues15, alors que le public roumain était formé d’un côté, de représentants des classes aisées dont le bilinguisme était coordonné et de l’autre côté, de lecteurs au bilinguisme composé, subordonné16.

Le texte bilingue dans les Principautés Roumaines : clés de lecture, finalités, hypothèses

  • 17 Antoine Berman, op. cit., p. 16.
  • 18 Les italiques ne nous appartiennent pas.
  • 19 Paul Ricœur, Sur la traduction, Paris, Éditions Bayard, 2004, p. 11 (les italiques ne nous appartie (...)
  • 20 Dans le chapitre intitulé « La música de las palabras y la traducción » [La musique des paroles et (...)
  • 21 Avec ses pertes assumées…

8Selon Berman, l’objectif premier de la traduction est d’« ouvrir au niveau de l’écrit un certain rapport à l’Autre, [de] féconder le Propre par la médiation de l’Étranger »17. Malgré sa fonction – à proportions variables et aux effets plus ou moins prédictibles – « appropriatrice et réductrice » de la culture source, la traduction est, de par sa visée éthique, « mise en rapport, ou elle n’est rien »18. Le défaut de la copie, du texte cible (TC) n’est pas uniquement de ne pas arriver à atteindre la perfection de l’original mais – sinon, surtout – de ne pas être l’original19. Dans une certaine mesure, le statut d’infériorité de toute traduction découle de sa comparaison avec l’original et non de sa défaillance esthétique ou d’expression décelée lors d’une analyse du TC. Elle est a priori perçue20 comme inférieure bien que la soi-dite réplique égale en valeur son modèle. Or, sous cette optique, ce genre de confrontation textuelle (TS versus TC) reste stérile et devrait laisser la place à un examen régi par des règles, critères et arguments objectifs issus de l’abandon de l’idée de traduction absolue (à lire parfaite) et de l’adoption du principe de la traduisibilité absolue (au sens où tout texte peut être transposé d’une langue dans une autre sans altération21 du message véhiculé).

  • 22 Hilla Karas, « Le statut de la traduction dans les éditions bilingues : de l’interprétation au comm (...)

9Le statut spécial du texte bilingue implique des stratégies de lecture particulières dictées par la mise en page (d’habitude, TS à la gauche, TC à la droite), le segment du public visé (celui légèrement familiarisé avec la culture d’origine, à mi-chemin sur l’échelle des compétences linguistiques) et les finalités éditoriales (s’attirer un lectorat au comportement autodidacte, le plus incliné à parcourir ce type de publications). La lecture du TC qui – excepté les éditions bilingues – se fait généralement in absentia de la version originale, ne pousse que rarement à un retour aux sources et cela arrive lorsque le lecteur saisit un hiatus flagrant entre les deux textes, généré par des incohérences, des barbarismes, etc. « Le dispositif visuel propre à la coprésence de l’original et de la traduction » où l’original occupe la page de gauche indique l’antériorité chronologique du TS et aussi l’ordre à suivre dans la lecture22.

  • 23 Supposons que la mise en page appartient au traducteur et non à l’éditeur, entité en dehors du proc (...)

10Ces comparaisons trahissent une compétition intrinsèque entre les deux textes mis en regard. On serait tenté de s’imaginer que les équivalences fournies par le traducteur aident le lecteur cible à repérer par lui-même les découpages linguistiques, démarche possible grâce aux similitudes entre les langues romanes. On pourrait aller plus loin avec cette hypothèse et affirmer que ce genre d’approche/option peut fonctionner en tant qu’invitation à réaliser une traduction ultérieure meilleure que la présente et peut représenter une stratégie consciente (ou non) d’observer les structures syntaxiques (par exemple, l’ordre des mots dans la phrase, repérage des parties discursives) des deux langues apparentées ou non, car la comparaison directe permet de constater si le traducteur a opté pour une traduction mot-à-mot ou pour des aménagements radicaux par rapport au TS : explicitation, paraphrase ou omission, ajout, naturalisation, contraction de certaines scènes ou séquences, de certains épisodes ou chapitres, etc. Et pourtant, il paraît plus vraisemblable qu’aux yeux du lecteur-apprenant, le manque d’équivalence formelle (dans l’acte traductif, le principe de la proportionnalité est inévitablement violé) ait l’air d’une non-identité sémantique et d’un dilettantisme de la part du traducteur. La (non)parité des textes confrontés tout d’abord visuellement, générerait ainsi une confusion relative à l’apparente correspondance du « un à un ». Les découpages sémantiques et syntaxiques effectués par le traducteur23 ne seraient de toute évidence pas toujours superposables. Ainsi, à la longueur des fragments sur la première colonne pourrait correspondre sur la colonne à côté un condensé textuel, alors qu’au nom de l’héritage culturel du public cible/ciblé des noms de personnages ou des géonymes apparaissent dramatiquement transformés (défigurés) jusqu’à devenir méconnaissables.

11Au XIXe siècle, la publication en regard de l’original et de la traduction suggère l’intention d’instruire le lectorat, non seulement à travers le message transmis mais également par l’opportunité accordée d’apprendre une langue étrangère ou de se perfectionner. Cependant, à l’éventuel lecteur autodidacte, nulle clé de lecture n’est fournie de sorte que son progrès reste impossible à quantifier une fois le pseudo processus traductif accompli. De plus, le degré de didacticité de ces éditions est sapé par l’absence de notes explicatives et de variantes.

12Pour ce qui est des effets que les éditions qui combinent deux langues ont auprès du lectorat-autodidacte, on peut imaginer deux situations :

  • 24 Lance Hewson, « The Bilingual Edition in translation studies » [L’édition bilingue en traductologie (...)
  • 25 Code-switching en anglais.

13Situation n° 1 : Le texte bilingue (TS+TC) incite le lectorat à un va-et-vient24 répétitif entre les deux versions et donc à une alternance codique dynamique25. La cible du TC est présumément le débutant, désireux de découvrir un original de façon guidée, en s’appuyant sur la version livrée (imprimée) afin de pouvoir entamer lui-même une interprétation mentale du message.

14+ Avantages : L’effort exigé de la part du lecteur consiste à vérifier la validité des solutions proposées dans le TC, en se servant de ses connaissances du français qui, au XIXe siècle, étaient précaires, approximatives ou bien supérieures à celles du traducteur. Il a néanmoins la possibilité de s’adonner à une interprétation propre du TS afin de maximiser le décryptage sémantique pour une compréhension plus élargie, plus correcte et/ou plus convenable à son bagage cognitif.

  • 26 Katharina Reiss, La critique des traductions. Ses possibilités et ses limites (trad. Catherine Bocq (...)

15- Désavantages : La validité/justesse des contre-propositions que le lecteur-traducteur (se) fournit mentalement ne peut pas être confirmée ou infirmée en l’absence d’une instance à même d’autoriser telle ou telle équivalence (celle du traducteur versus celle du lecteur-traducteur). Par la suite, l’objectif didactique n’est pas accompli. Au-delà d’une bonne connaissance de la LS, le lecteur doit avoir la capacité de revenir sur le raisonnement initial de l’auteur premier, sans se laisser perturber, influencer ou accabler par le pouvoir de la première reconstruction du message (première traduction) qui se trouve sous ses yeux. Pour reprendre le postulat de Katharina Reiss, toute critique des traductions devient pertinente, objective et légitime uniquement si faite par de fins connaisseurs des deux langues en relation de traduction, capables de porter un jugement de comparaison entre le TS et le TC, à la place d’une évaluation fondée sur le seul résultat du processus traductif26.

  • 27 Paul Ricœur, op. cit., p. 14, 19.

16Situation n° 2 : Cette retraduction privée, ce travail second est « une sorte d’exercice de doublage par bilinguisme minimum »27 susceptible de servir de correctif à la version officielle (publiée) par un décodage complémentaire apporté par le lecteur aux solutions fautives adoptées par le traducteur et dues à une maîtrise imparfaite du lexique, de la grammaire ou des éléments extralinguistiques.

17+ Avantages : La vocation didactique de ces versions annule la valeur absolue de la traduction affichée en la réduisant au rang de version possible, certainement améliorable et interprétable. Dans ce cas, il faut noter que le public visé n’est pas le débutant.

18- Désavantages : Ce genre d’exercices est réservé aux érudits, aux hommes de lettres qui maîtrisent la LS et ont les compétences non seulement de perfectionner la version publiée mais également de fournir les justifications de leurs ajustements lexicaux, syntaxiques, traductifs, etc. Ainsi, ces « retraducteurs » opèrent, bien qu’involontairement, une critique des traductions, en prenant appui sur la transposition donnée au public. Leur démarche analytique préfigure une triade souvent invoquée dans les siècles suivants : original, traduction, retraduction.

La place de la LC dans les éditions bilingues roumaines du XIXe siècle

  • 28 Rainier Grutman, « L’autotraduction : Dilemme social et entre-deux textuel », in Atelier de traduct (...)

19Si l’édition bilingue est censée avancer une hiérarchie entre les deux versions28, alors la mise en page des deux textes influe sur la réception du TS et du TC et, de façon implicite, sur les correspondances que le lecteur est supposé établir en poursuivant son objectif autodidactique. L’antéposition de la version en langue nationale est préférée pour que le sens puisse être saisi plus rapidement par le récepteur cible. En revanche, dans cette approche, l’exercice de la traduction est partiellement compromis vu que l’apprenti doit effacer de son esprit le sens qui lui a été donné et essayer de décrypter à partir de zéro le message initial.

20Parmi les éditions bilingues des traductions en roumain parues durant le XIXe siècle, on peut distinguer plusieurs dispositions des textes sources et des textes cibles :

  • En parallèle :

  1. TS à gauche, TC à droite (situations moins fréquentes)

    • 29 Gavriil Munteanu, pédagogue et homme de lettres transylvain figurera parmi les premiers traducteurs (...)

    TC à gauche, TS à droite (le plus souvent) ; textes juxtalinéaires/juxtaposés29 ;

    • 30 Au XVIIIe siècle, en France, on plaidait massivement pour la traduction interlinéaire comme méthode (...)

    Intercalés. Le format interlinéaire30 est adopté pour une traduction en regard lorsque les deux versions (originale et traduite) correspondent ligne par ligne ;

Crédits photos : Bibliothèque Centrale Universitaire « Mihai Eminescu » de Iași

Fragment tiré de la traduction de L’Iliade de Homère par Ch.[ristodul] I. S.[uliotis], 1876 (texte grec/texte roumain)

    • 31 Independența Albaniei [L’Indépendance de l’Albanie], publication de facture politique issue par les (...)

    Consécutifs (TC sur page 1, TS sur page 231) ;

    • 32 2e Série, Vol. II, 1862, p. 81 (apud Ioan Lupu et Cornelia Ștefănescu (éds.), op. cit., p. 45, fich (...)

    Le TC figure en position vedette en tant que corps du texte publié, alors que le TS est affiché en bas de page sous forme de notes (du traducteur, de l’éditeur ?) comme par exemple la traduction d’une poésie de Sappho de Lesbos « Ferice e acela, ce-aproape stând de tine… » [Heureux celui qui près de vous s’assied…] réalisée par G.G. Meytany. Parue à Bucarest en 1862 dans la publication intitulée Revista română pentru sciințe, litere și arte [Revue Roumaine pour la Science, les Lettres et les Arts32], elle était accompagnée par l’original grec placé en glose, en dessous de la page.

21En s’appuyant sur les textes consultés les plus représentatifs, on a tenté de dresser une typologie des couples linguistiques intégrant les éditions bilingues de cette période :

  • Du roumain (LS) vers une autre langue (LC) ;

Crédits photos : Bibliothèque Centrale Universitaire « Mihai Eminescu » de Iași

  • 33 Liga literară [La Ligue littéraire], 1, n° 6, 1893, p. 179.

La poésie « Ce-o fi ? » de Carol Scrob et sa traduction en français, antéposée et portant le titre « Qui est-ce ? », par Boniface Floresco33

Crédits photos : Bibliothèque Centrale Universitaire « Eugen Todoran » de Timişoara

  • 34 Convorbiri Literare [Conversations Littéraires], VI, n° 12, 1873, p. 467-468.

Poésie de Victor Umlauff traduite de l’allemand par T. V. Ștefaniu34

  • D’une LS vers le roumain (cas des plus courants), l’auteur du TS est différent du traducteur A ≠ T ;

Crédits photos : Bibliothèque Centrale Universitaire « Eugen Todoran » de Timişoara

  • 35 Dans Revista Nouă [La Nouvelle Revue], IV, n° 11-12, 1892, p. 511-512.

La poésie « Nani-nani » (Berceuse roumaine) de Iulia Hasdeu et sa traduction en roumain35

Crédits photos : Bibliothèque Centrale Universitaire « Mihai Eminescu » de Iași

  • 36 Dans Albine și viespi [Abeilles et guêpes], 1, n° 3, 1893, p. 104.

La poésie « Rondel » de Carol d’Orléans et sa traduction en roumain36

  • 37 Ce numéro de Revista Nouă est mentionné dans BRLRLSP II, fiche n° 9207, p. 90. B. P. Hasdeu fut dir (...)
  • 38 La fin tragique de la talentueuse écrivaine Iulia Hasdeu survint en 1888, alors que B. P. Hasdeu lu (...)

22Le format de cette édition bilingue37 de la poésie Cântec de leagăn (« Berceuse roumaine ») publiée en 1892 a l’air de porter l’empreinte de l’érudit Bogdan Petriceicu Hasdeu, l’un des traducteurs de cette poésie et père de Iulia (Julie), jeune intellectuelle surdouée, décédée prématurément à l’âge de 19 ans38. (La détérioration du manuscrit occulte presque complètement le titre de la version roumaine.)

    • 39 Rainier Grutman, « Autotranslation », in Mona Baker (éd.), Encyclopedia of Translation Studies, 199 (...)

    Du français en roumain (moins souvent) où l’auteur du TS est le traducteur lui-même A = T (autotraduction). Ci-dessous, on présente deux exemples de ce que Grutman39 appelle autotraduction « simultanée » afin de la distinguer de l’autotraduction « différée », consécutive. Dans le second cas, la traduction se fait à partir d’un TS déjà publié, réceptionné, voire critiqué, tandis que la première étiquette s’applique aux traductions entamées avant que les originaux ne soient encore finalisés, de sorte que les deux textes (TS et TC) sont ajustés au fur et à mesure que leur rédaction progresse.

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  • 40 Dacia viitoare, 1, n° 1, le 3 juillet 1894, p. 1-2.

L’article intitulé « La Dacie future ! » et sa traduction en roumain (« Dacia viitoare ! ») faite par le même auteur, les deux publiés dans la publication homonyme40.

  • 41 La traduction en français de son prénom (« Bonifaciu » du roumain devient parfois « Boniface », emp (...)
  • 42 Rainier Grutman, « L’autotraduction : Dilemme social et entre-deux textuel », in Atelier de traduct (...)

23Le cas du traducteur Boniface Floresco41 est emblématique pour une certaine catégorie de traducteurs roumains du XIXe siècle. Son éducation et son esprit ont été le résultat d’un contact prolongé entre deux sociétés42 et donc, entre deux cultures – une dominante, tenue pour modèle à suivre, fascinante, illuminée et l’autre – en quête de sa propre identité, lasse des empreintes des dominations successives, aspirante aux renouvellements spirituels et à une émancipation salvatrice. Le bilinguisme de Floresco transparaît dans ses auto-traductions (du roumain au français et moins souvent inversement !) et dans le nombre considérable de traductions en roumain dont la qualité reste inadéquate aux yeux des critiques. Est-ce qu’en tant que traducteur, se sentir plus à l’aise pour s’exprimer dans la LS plutôt que dans la LC est indubitablement un signe d’échec ? Et de là, il va de soi, que la fonction didactique d’une traduction de ce type est ratée.

24L’avantage dont se prévaut ce type de traduction qui est l’auto-traduction, est l’impossibilité que l’auteur, assumant le rôle de traducteur, se confonde sur les intentions du TS, d’où la probabilité en principe inexistante de transmettre un message équivoque. Néanmoins, de façon paradoxale, sa fidélité autotraductive est plus que jamais remise en question, vu que la créativité de l’auteur-traducteur risque de saper l’univocité du TC ainsi que la fidélité hypothétiquement absolue envers les éléments qui composent sa propre instance, la première étant celle de l’auteur. En principe, il serait le/son traducteur parfait, le plus fidèle, le moins visible, le traître absent. Sauf qu’il se peut qu’il entrevoie dans cette activité un prétexte de création duquel il ne peut s’abstenir. Son approche plus libre marquée par le désir de dire mieux ou de dire davantage par rapport à son premier essai (le TS) résulte en une infidélité d’une autre facture, néanmoins plus accentuée que celle du traducteur ordinaire. L’auteur-traducteur doit donc résister à la tentation de voir dans le TC une seconde version de son acte original, une occasion de remanier sensiblement son texte premier en vue de l’embellir, de le clarifier, de le perfectionner à travers le processus de traduction. L’auto-traduction devient alors une auto-trahison inconsciente. L’auteur se donne le privilège de se traduire, de se métamorphoser pour un autre public et le traducteur saisit l’opportunité de rendre dans la langue cible (LC) l’auteur qu’il connaît le mieux – lui-même.

  • 43 La LC est une autre (seconde) langue d’écriture qui oblige le traducteur à limiter ses impulsions c (...)
  • 44 Georgiana Lungu-Badea, « Cine, ce şi cum traduce în limba română? Intenţii. Subiecte. Metode » [Qui (...)
  • 45 Georgiana Lungu-Badea, Op. cit., p. 35.

25Cas particulier de traduction littéraire, l’auto-traduction est devenue objet d’étude pour les traductologues et les traducteurs. Et vu que la tentation de la (ré)création qui touche tous les paliers du transfert autotraductif risque de mener à une déformation de tous les éléments (message, intentions, stratégies43), ce genre de traductions peut devenir un piège pour le débutant qui s’en sert en vue d’apprendre une langue étrangère. Consacrée par la tradition, l’auto-traduction date du Moyen-Âge et a été reprise au cours de l’histoire et modifiée selon diverses circonstances44. La présentation d’un texte sous forme bilingue ou trilingue a eu le grand mérite d’assurer le lien entre la littérature, la science et le public qui ne parlait pas le latin. De même, dans l’espace roumain elle a réussi, bien que plus tard et à un niveau plus étendu que le latin, à rapprocher le latin culte et les langues vernaculaires45.

Conclusion

26Dans cette étude des éditions bilingues (d’une langue étrangère en roumain), nous avons essayé de présenter quelques aspects liés à l’impact du rapprochement du texte original et de sa traduction (la copie) auprès d’un public aux goûts en train de se former (y inclus par le biais des traductions) et qui avait, depuis des siècles déjà, l’habitude de lire dans d’autres langues plutôt que dans la langue maternelle.

27La disposition des deux versions – parallèle, interlinéaire, consécutive ou glosée – offre aux lecteurs autodidactes des indices sur la segmentation linguistique afin qu’ils déduisent, seuls, les unités de la LS et leurs équivalents en LC. Un exercice aux effets incertains, pourtant utile pour les débutants souhaitant améliorer leurs connaissances en langue étrangère et les lecteurs-traducteurs désireux de s’essayer à se fournir une version meilleure que celle opérée par le traducteur officiel. Pour la première catégorie de bénéficiaires, le progrès de l’apprenti potentiel reste difficile voire impossible à mesurer en l’absence de correcteurs qualifiés, de repères et de confirmations. Cet apprenti n’est pas muni de connaissances solides de syntaxe et de lexique de la LS, ni n’est familiarisé avec les normes linguistiques ou traductives à caractère général. Par la suite, il choisit sa/une manière de traduire dont le résultat aura un seul professeur et un public unique : lui-même. Dans le second cas, le dilettantisme des traducteurs roumains au XIXe siècle rend difficile de distinguer les bonnes traductions des produits issus de la bonne volonté. Néanmoins, pour l’historien de la traduction, de la langue roumaine ou de la littérature, ces éditions bilingues sont une mine d’or.

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Bibliographie

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Notes

1 Ioan Lupu et Cornelia Ștefănescu (éds.), Bibliografia relațiilor literaturii române cu literaturile străine în periodice (1859-1918) [La bibliographie des relations de la littérature roumaine avec les littératures étrangères dans la presse périodique (1859-1918) – BRLRLSP], Vol. I-III, București, Editura Academiei R.S.R, 1980-1985 ; Ovidiu Papadima, Ioan Lupu et Nestor Camariano (éds.), Bibliografia analitică a periodicelor românești (1790-1858) [La bibliographie analytique de la presse périodique roumaine (1790-1858)], Vol. I-II, București, Editura Academiei R.S.R, 1966-1972 ; Georgeta Răduică et Nicolin Răduică (éds.), Dicționarul presei românești (1731-1918) [Le dictionnaire de la presse roumaine (1731-1918)], București, Editura Științifică, 1995.

2 Dans l’intervalle suivant la période du métropolite Gavriil Banulesco-Bodoni établi à Chișinău qui avait milité pour les droits du clergé roumain et essayé de limiter l’intervention de l’église russe dans les affaires ecclésiastiques de la province.

3 L’année 1871 a représenté le début d’une période noire pour les habitants de la province, l'oukaze à travers lequel l’enseignement du roumain était suspendu venait instaurer le monoglotisme russe au niveau officiel. À partir de cette date, l’usage du roumain allait être restreint au milieu familial, des actions coercitives russificatrices à l’instar de celles de l’archevêque Pavel Lebedev – qui avait ordonné l’autodafé des livres religieux en roumain – étaient nombreuses et ne faisaient que montrer le haut degré d’assimilation exercée par l’empire tsariste.

4 Kишиневския Епaрхиальныя Въдомости, 1867, No 2, consulté le 20 février 2020, http://www.moldavica.bnrm.md/biblielmo?e=d-01000-00---off-0periodice--00-1----0-10-0---0---0direct-10---4-------0-1l--11-ro-50---20-about---00-3-1-00-0-0-11-1-0utfZz-8-00&a=d&cl=CL1.4.22&d=JD623.3

5 Ion Gheție et Alexandru Mareș (éds.), De când se scrie româneşte ? [Depuis quand écrit-on en roumain ?], Bucureşti, Editura Univers Enciclopedic, 2001, p. 66.

6 Ibid., p. 82-83.

7 Histoire de la didactique des langues au siècle des Lumières : Précis et anthologie thématique, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2000, §269, consulté le 10 janvier 2019, http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pum/17583.

8 Învățătorul limbi sêu Metodu practicu spre a vorbi o limbă în șese luni. Partea francesă pentru rumâni. Partea I-II [Maître des langues ou Méthode pratique pour apprendre à parler une langue en six mois. La partie française pour les Roumains. Premières deux parties], București, Socecu, 1870.

9 Chie’a essercițiuriloru învățătorulu limbiloru [La clé des exercices de la revue « Maître des langues »], București, Socecu, 1870.

10 Série mentionnée dans l’ouvrage signé par Georgeta Răduică et Nicolin Răduică (éds.), op. cit., p. 243, fiche n° 3695.

11 « metodă pentru a învăța singur a scrie și a vorbi franțuzește » – notre traduction. Faute d’indication contraire, les traductions en français nous appartiennent.

12 Georgeta Răduică et Nicolin Răduică (éds.), op. cit., p. 259, fiche n° 3978.

13 La définition donnée par celui-ci à la personne bilingue dans la section « BILINGUISME INDIVIDUEL », Encyclopædia Universalis 2016, consulté le 20 mars 2020, https://www.universalis.fr/encyclopedie/bilinguisme-individuel/.

14 Ce terme emprunté à Antoine Berman (L’épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, 1995, p. 14) a été utilisé ici dans une acception sociolinguistique pour désigner la cohabitation sur un territoire donné de deux langues différentes et non d’un couple de variétés linguistiques (généralement, dialectales) d’une même langue au sein d’une communauté placée dans un contexte sociolinguistique et culturel précis.

15 Georgiana Lungu-Badea, Idei și metaidei traductive românești (secolele al XVI-lea al XXI-lea), Ediția a II-a, revăzută și adăugită [Idées et métaidées traductives roumaines (XVIe – XXIe siècles). 2e édition révisée et mise à jour], Timişoara, Editura Universității de Vest, 2015 [2013], p. 141.

16 Georgiana Badea, « Traduction(s) et paradigmes de lectures : étude des formes de réception de la littérature française traduite en langue roumaine (XVIIIe et XIXe siècles) », in Lieven D'hulst, Mickaël Mariaule et Corinne Wecksteen-Quinio (éds.), Au cœur de la traductologie. Hommage à Michel Ballard, Arras, Artois Presses Université, 2019, p. 77-97, p. 79.

17 Antoine Berman, op. cit., p. 16.

18 Les italiques ne nous appartiennent pas.

19 Paul Ricœur, Sur la traduction, Paris, Éditions Bayard, 2004, p. 11 (les italiques ne nous appartiennent pas).

20 Dans le chapitre intitulé « La música de las palabras y la traducción » [La musique des paroles et la traduction], Jorge Luis Borges parle du préjugé presque sensoriel lié à la perception de toute traduction « [...] el trabajo del traductor siempre lo suponemos inferior – o, lo que es peor, lo sentimos inferior – aunque, verbalmente, la traducción pueda ser tan buena como el texto. » (Les italiques appartiennent à Borges). Le travail du traducteur est toujours supposé être inférieur – ou, pire, ressenti comme inférieur – bien que, verbalement, la traduction puisse être aussi bonne que le texte d’origine. » (Arte poética. Seis conferencias dictadas en la Universidad de Harvard 1967/1968 (traducción Justo Navarro) [L’art poétique. Six conférences dictées à l’Université de Harvard pendant 1967 et 1968 (trad. NAVARRO, Justo)], 1992, p. 38).

21 Avec ses pertes assumées…

22 Hilla Karas, « Le statut de la traduction dans les éditions bilingues : de l’interprétation au commentaire », in Palimpsestes, n° 20, 2007 [mis en ligne le 01 septembre 2009], p. 2-3, consulté le 28 avril 2020, http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/palimpsestes/100/

23 Supposons que la mise en page appartient au traducteur et non à l’éditeur, entité en dehors du processus traductif effectif.

24 Lance Hewson, « The Bilingual Edition in translation studies » [L’édition bilingue en traductologie], in Visible Language, January 1993, Volume 27, Issue 1-2, p. 141, consulté le 6 janvier 2019, https://s3-us-west-2.amazonaws.com/visiblelanguage/pdf/27.1-2/the-bilingual-edition-in-translation-studies.pdf.

25 Code-switching en anglais.

26 Katharina Reiss, La critique des traductions. Ses possibilités et ses limites (trad. Catherine Bocquet), Arras, Artois Presses Université, « Cahiers de l’Université d’Artois 23/2002 », p. 15.

27 Paul Ricœur, op. cit., p. 14, 19.

28 Rainier Grutman, « L’autotraduction : Dilemme social et entre-deux textuel », in Atelier de traduction, N° 7, Suceava, Editura Universității din Suceava, 2007, p. 219-229, p. 224.

29 Gavriil Munteanu, pédagogue et homme de lettres transylvain figurera parmi les premiers traducteurs roumains à offrir en parallèle le TS et le TC dans le but de (dé)montrer la fidélité de sa version à l’original et aussi d’imprimer aux livres publiés une double utilité/finalité (Petre Gheorghe Bârlea, Traduceri și traducători. Pagini din istoria culturii române (ed. îngr. de Sorin Guia) [Traductions et traducteurs. Pages de l'histoire de la culture roumaine (éd. soignée par Sorin Guia)], Iași, Editura Universității « Alexandru Ioan Cuza », 2016, p. 279).

30 Au XVIIIe siècle, en France, on plaidait massivement pour la traduction interlinéaire comme méthode efficace car plus facile d'apprendre le latin par rapport à l'apprentissage classique. Introduite par Du Marsais, elle a été adoptée par les précepteurs dans les éducations domestiques, y inclus par Claude François Lizarde de Radonvilliers (1709-1789), sous-précepteur des enfants de Louis XV. Ce dernier la simplifia en y apportant des améliorations parce qu’à son avis « Le meilleur moyen d’apprendre la valeur des mots & des façons de parler d’une Langue inconnue, est de les joindre avec leurs équivalents dans une Langue connue. » Radonvilliers (De la manière d’apprendre les langues, 1768), Nicolas Adam (Grammaire latine, 1780 ; La vraie manière d’apprendre une langue quelconque, vivante ou morte, par le moyen de la langue française, 1783) ou Luneau de Boisjermain (Cours de langue angloise, 1783 ; Cours de langue italienne, à l’aide duquel on peut apprendre cette langue chez soi, sans maître, et en deux ou trois mois de lecture, 1783) ont été parmi ceux qui ont rejeté les pratiques pédagogiques traditionnelles en faveur d’une méthode universelle d’enseignement des langues fondée sur la traduction-exercice (interlinéaire, parallèle ou en bas du TS). La place de la grammaire dans l’enseignement du latin était ainsi diminuée, la maîtrise des particularités du latin étant considérée suffisante pour les jeunes.

31 Independența Albaniei [L’Indépendance de l’Albanie], publication de facture politique issue par les jeunes albanais et parue à Bucarest en deux numéros, le 5 et le 29 juin 1900. Le texte en roumain occupait les pages 1-2 et celui en turc les pages 3-4 (Georgeta Răduică et Nicolin Răduică (éds.), op. cit., p. 233, fiche n° 3534).

32 2e Série, Vol. II, 1862, p. 81 (apud Ioan Lupu et Cornelia Ștefănescu (éds.), op. cit., p. 45, fiche n° 18986.

33 Liga literară [La Ligue littéraire], 1, n° 6, 1893, p. 179.

34 Convorbiri Literare [Conversations Littéraires], VI, n° 12, 1873, p. 467-468.

35 Dans Revista Nouă [La Nouvelle Revue], IV, n° 11-12, 1892, p. 511-512.

36 Dans Albine și viespi [Abeilles et guêpes], 1, n° 3, 1893, p. 104.

37 Ce numéro de Revista Nouă est mentionné dans BRLRLSP II, fiche n° 9207, p. 90. B. P. Hasdeu fut directeur de cette publication parue entre 1892 et 1893 ainsi que président et collaborateur de la revue Amicul copiilor [L’Ami des enfants].

38 La fin tragique de la talentueuse écrivaine Iulia Hasdeu survint en 1888, alors que B. P. Hasdeu lui survit jusqu’en 1907. Le savant roumain dédia le reste de sa vie à lui rendre hommage et à chercher des moyens plus ou moins controversés (des séances de spiritisme) pour communiquer avec l’esprit de son aimée fille.

39 Rainier Grutman, « Autotranslation », in Mona Baker (éd.), Encyclopedia of Translation Studies, 1998, London, Routledge, p. 17-20, p. 20.

40 Dacia viitoare, 1, n° 1, le 3 juillet 1894, p. 1-2.

41 La traduction en français de son prénom (« Bonifaciu » du roumain devient parfois « Boniface », employé même pour signer des productions originales) est suggestive pour son bilinguisme, la transposition graphique ne faisant que miroiter sa double appartenance linguistique, culturelle et, à un certain degré, identitaire aussi explicable de par sa formation à l’étranger (en France).

42 Rainier Grutman, « L’autotraduction : Dilemme social et entre-deux textuel », in Atelier de traduction, N° 7, 2007, Suceava, Editura Universității din Suceava, p. 219-229, p. 221.

43 La LC est une autre (seconde) langue d’écriture qui oblige le traducteur à limiter ses impulsions créatrices, un processus autocontraignant (Rainier Grutman, « L’autotraduction : Dilemme social et entre-deux textuel », op. cit., p. 221).

44 Georgiana Lungu-Badea, « Cine, ce şi cum traduce în limba română? Intenţii. Subiecte. Metode » [Qui traduit ? Quoi et comment traduit-on ? Intentions. Sujets. Méthodes], in Călin Timoc (éd.), România între interculturalitate şi identitate:​ Spaţii romanice europene şi extraeuropene​ (3e édition CICCRE, le 3-4 octobre 2014), Szeged, 2015, p. 33-54, p. 35.

45 Georgiana Lungu-Badea, Op. cit., p. 35.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ioana-Simina Giurginca (Frîncu), « Les éditions bilingues roumaines au XIXe siècle : des comparaisons à visée (auto)didactique ou une arme à double tranchant ? »TRANS- [En ligne], 28 | 2022, mis en ligne le 02 novembre 2022, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trans/7933 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trans.7933

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Auteur

Ioana-Simina Giurginca (Frîncu)

 

 

Doctorante, École doctorale des Sciences Humaines, Université de l’Ouest de Timişoara, Roumanie

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