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Dossier Université Invitée : University of Leeds

Une république mélancolique des lettres ? La dominance de la mélancolie dans l’espace littéraire en Europe

A melancholic republic of letters ? The dominance of melancholy in European literary space
Una repubblica melanconica delle lettere ? La predominanza della melancolia nello spazio letterario europeo.
Ian Ellison

Résumés

Cet essai examine la prédominance des modes d’écriture mélancoliques dans la littérature européenne et met ces observations en dialogue avec la notion de Pascale Casanova d’une « république mondiale des lettres ». Publiée à la fin du millénaire en 1999, l’étude de Casanova possède une influence jusqu’ici méconnue sous la forme d’une mélancolie millénaire, qui est liée à la construction d’une république mondiale des lettres, tout en qualifiant le caractère européen perçu de cette république. En rassemblant des traits distinctifs particuliers des discours sur la république mondiale des lettres et sur la mélancolie esthétique comme affect de « tardiveté » culturelle fin-de-siècle, cet article vise à proposer que – dans au moins une partie de la culture européenne (occidentale) vers la fin du XXe siècle – on pourrait parler d’une république mélancolique des lettres investissant l’espace littéraire européen. La mélancolie agit ainsi comme un « méridien de Greenwich » littéraire (pour reprendre les termes de Casanova) dans la littérature européenne moderne ainsi qu’un idiome littéraire européen. Si la mélancolie peut servir de modèle herméneutique pour la relation entre la littérature et l’histoire, ce qui est le propos de cet article, n’est-ce pas, en fin de compte, parce qu’elle n’est pas seulement une condition historique, mais une partie intégrante de l’idée de la littérature européenne en tant que telle ?

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Texte intégral

La république mondiale des lettres et la mélancolie

1Le prix Nobel de littérature, décerné pour la première fois en 1901, est la récompense littéraire la plus connue au monde. Cela indique non seulement l’existence d’un champ littéraire mondial, mais aussi le rôle majeur joué dans la constitution, la stabilisation et la structuration de ce champ en premier lieu. De plus, le prix Nobel de littérature peut être compris comme l’interface entre l’histoire littéraire et l’historiographie de la « littérature mondiale », l’étude sociologiquement orientée des prix culturels et les récentes recherches sur les pratiques de comparaison. C’est une institution qui regroupe un certain nombre de pratiques culturelles différentes, généralement normatives, dans des formations concrètes et qui les organise en communautés de pratique, facilitant ainsi l’idée de comparabilité globale dans le domaine de la littérature. Le prix Nobel doit être considéré comme une force majeure dans la mondialisation de la littérature, reliant des domaines d’activité et d’intérêt littéraires à travers les langues, les cultures et les nations. En tant que pratique complexe, sérielle et réflexive de comparaison, il rend comparables des œuvres littéraires divergentes. Le prix Nobel de littérature suggère que les auteurs et les œuvres situés dans des contextes politiques, sociaux et culturels très différents peuvent encore être comparés et évalués à la même échelle. Ce prix est ainsi devenu une institution de comparaison globale et d’évaluation comparative qui promeut des normes de comparaison « universelles ».

  • 1 Pascale Casanova, « Literature as a World », New Left Review, numéro 31, 2005, p. 71–90, p. 74. Not (...)
  • 2 Jennifer Quist « Laurelled Lives: The Swedish Academy’s Praise for Its Prizewinners », New Left Rev (...)
  • 3 Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999, p. 207.

2Pour Pascale Casanova, le prix Nobel de littérature est un lieu où convergent des intérêts mondiaux : « l’une des rares consécrations littéraires véritablement internationales »1. Le prix annuel de l’Académie de Suède peut également servir à indiquer, comme le suggère Jennifer Quist, l’existence d’un espace littéraire mondial déchiré par des inégalités structurelles – le contraire de la « mondialisation littéraire » comprise comme un processus d’homogénéisation pacifique et progressif2. Néanmoins, dans son étude intitulée La République mondiale des lettres, Casanova affirme que les prix littéraires sont la forme la moins littéraire de la consécration des œuvres : » ils sont chargés le plus souvent de faire connaître les verdicts des instances spécifiques en dehors des limites de la République des lettres »3. Les nations – et les littératures nationales – sont aussi un concept dont les origines peuvent être retracées en Europe et dans l’Ouest plus généralement :

  • 4 Pascale Casanova, Op. cit., p. 58.

Affirmer que le capital littéraire est national, ou qu’il existe dans une relation de dépendance à l’égard de l’État puis de la nation, permet donc de lier l’idée d’une économie propre à l’univers littéraire et celle d’une géopolitique littéraire. En effet, aucune entité « nationale » n’existe par et en elle-même4.

3Casanova montre par conséquent que cette structure hiérarchique ordonne l’univers littéraire en étant le produit direct de l’histoire de la littérature, mais aussi en faisant cette histoire :

  • 5 Pascale Casanova, Op. cit., p. 119.

Tout se passe en effet comme si l’histoire s’incarnait et prenait forme dans la structure de l’univers littéraire, qui devenait elle-même le véritable moteur de l’histoire : les événements de l’univers littéraire prennent sens dans cette structure qui les produit et leur donne forme5.

4Pour Casanova cette histoire invente la littérature en tant que ressource mais aussi en tant que croyance.

5Comme l’explique Christophe Charle,

  • 6 Christophe Charle, « République mondiale des lettres, discordance des temps et dérégulation culture (...)

Pascale Casanova se défend à plusieurs reprises d’être victime de l’ethnocentrisme français et de la vision centralisatrice qui prévaut dans un champ unifié de longue date, sous l’égide de l’État mais aussi en conflit constant avec lui. La discordance fondamentale est sans doute redoublée par d’autres quand nous avons affaire à des champs littéraires non unifiés ou polycentriques comme le champ des pays germanophones, anglophones, italophones ou hispanophones et, a fortiori, quand on essaie de rendre compte des littératures d’autres continents que l’Europe ou relevant d’autres traditions que l’Occident6.

6Pour Charle, le travail de Casanova tente, par sa modélisation et par ses recherches sur certaines figures hors norme,

  • 7 Ibidem.

d’échapper aux dangers inverses qui menacent les études littéraires : d’un côté, s’en tenir à des vues globales en termes de « périodes », de mouvements, de thématiques et, d’autre part, se réfugier dans les facilités du culte aux « grands écrivains » qui échapperaient, par une grâce d’état et une élection divine, aux contraintes et conditionnements des dites périodes ou mouvements7.

  • 8 Pascale Casanova, Op. cit., p. 120.
  • 9 Pascale Casanova, Op. cit., p. 121.

7En parlant de la distribution inégale des ressources littéraires entre les espaces littéraires nationaux, Casanova observe : « En se mesurant les uns aux autres, ils ont peu à peu établi des hiérarchies et des rapports de dépendance qui ont pu évoluer dans le temps mais ont dessiné une configuration durable »8. De toute façon il ne s’agit pas pour Casanova d’une simple opposition entre les espaces littéraires dominants et les espaces dominés : « Il vaut mieux parler d’un continuum : les oppositions, concurrences, formes de dominations multiples empêchent le dessin d’une hiérarchie linéaire »9.

  • 10 Pascale Casanova, Op. cit., p. 127.

8Publiée en 1999, l’étude de Casanova possède également, comme cet article entend le suggérer, une influence jusqu’ici méconnue sous forme de mélancolie associée à la fin du millénaire, qui est liée aux constructions d’une république mondiale des lettres, tout en nuançant la nature européenne perçue de cette république. En rassemblant des traits distinctifs particuliers du discours sur la République mondiale des lettres et sur la mélancolie esthétique comme affect de « tardiveté » millénaire, cet article propose qu’au moins dans une partie de la culture européenne (occidentale), vers la fin du XXe siècle, l’on pourrait parler d’une république mélancolique des lettres. Ainsi la mélancolie devient « le méridien de Greenwich ou le temps littéraire »10. Si la mélancolie peut servir de modèle herméneutique au rapport entre littérature et Histoire, n’est-ce pas finalement parce qu’elle n’est pas seuelement une condition historique, mais une partie intégrante de la condition littéaire en tant que telle ?

  • 11 Michel de Montaigne, Les Essais de Michel de Montaigne, Pierre Villey & V.-L. Saulnier (éds), Paris (...)
  • 12 Voir Jean Starobinski, Histoire du traitement de la mélancolie des origines à 1900, Basel, Actapsyc (...)
  • 13 Voir Stanley W. Jackson, Melancholia and Depression: From Hippocratic Times to Modern Times, New Ha (...)
  • 14 Voir Jennifer Radden, Moody Minds Distempered: Essays on Melancholy and Depression, Oxford, Oxford (...)
  • 15 Voir Eric G. Wilson, Against Happiness: In Priase of Melancholy, New York, Farrar, Strauss & Giroux (...)

9Il est possible alors de concevoir la mélancolie dans la culture européenne comme une constellation (Walter Benjamin). Plutôt que de tenter de la comprendre comme un phénomène singulier, la mélancolie peut ainsi être évoquée comme un ensemble de phénomènes expérientiels et artistiques, aux caractéristiques partagées qui résonnent à l’opposé d’un autre, même s’ils émergent de domaines multiples. Pendant la Renaissance française, Michel de Montaigne, dans son essai « De la force de l’imagination », a mis en garde contre les dangers d’une forme géniale de la mélancolie. Il a préconisé que tout individu mélancolique doué devrait viser une circonspection claire et mesurée dans la pensée et le comportement, évitant ainsi tout effet déstabilisateur d’une imagination créatrice incontrôlée11. Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du XIXe siècle, la « mélancolie » était le terme courant pour désigner une version pathologique de la tristesse12. Dans les discours médicaux et culturels elle était généralement décrite comme une tristesse sans cause apparente ou insuffisante13. Compte tenu des développements psychiatriques au cours des XIXe et XXe siècles, le terme apparaît à peine dans l’analyse contemporaine de la « dépression » et de « l’anxiété »14. La mélancolie est aujourd’hui beaucoup moins centrale dans le domaine de la médecine et évoque à la place – peut-être plus unilatéralement que dans les époques antérieures – une humeur contemplative, voire poétique, d’introspection maussade15.

  • 16 Pour Paul Valéry (1937), la condition essentielle de la modernité était la gêne : « Nous sommes obl (...)

10Quel est donc le rôle de la tristesse et de la mélancolie dans la littérature et la culture européennes du XVIIe siècle à nos jours où elles ont quitté les hauteurs du génie mélancolique et de la créativité artistique des époques antérieures pour devenir l’autre « gêné »16 d’une civilisation occidentale qui considère le bonheur comme la marque d’une vie moderne réussie ?

  • 17 Voir aussi Ian Ellison, « Melancholy cosmopolitanism: reflections on a genre of European literary f (...)
  • 18 Voir aussi François Hartog, Regimes of History: Presentism and Experiences of Time, trad. Saskia Br (...)
  • 19 Peter Fritzsche, Stranded in the Present: Modern Time and the Melancholy of History, Cambridge MA, (...)

11Interroger la distinction entre la tristesse en tant que constante anthropologique et la mélancolie en tant que discours culturel peut aider à explorer comment différents auteurs utilisent des topoï littéraires et culturels établis issus de discours mélancoliques pour commenter des sujets aussi divers que la guerre, la religion, l’inégalité des sexes et la modernité. Plusieurs romans européens publiés au tournant du XXIe siècle manifestent une même esthétique de la mélancolie dans une variété de contextes linguistiques. La mélancolie de ces romans – écrits par des auteurs comme, entre autres, Karl Ove Knausgård, Patrick Modiano, Javier Marías, Antonio Muñoz Molina, Imre Kertész, Lázló Krasznahorkai, Péter Nádas, Orhan Pamuk, Dušan Šarotar, W. G. Sebald, ou Robert Seethaler, pour ne prendre que quelques exemples renommés17 – a un lien avec les questions de circulations, d’influence et de succès international. Ces romans présentent une attitude mélancolique liée au passé, à tel point que l’histoire est elle-même comprise comme mélancolique. Cela résume et répond à un moment culturel ressenti à travers l’Europe occidentale : la césure du millénaire a inculqué un sens de finalité, d’obsolescence, de « tardiveté » et de sénescence, mais aussi de transition, pour plusieurs artistes et auteurs. Cela les a contraint à examiner les évènements de la modernité européenne des siècles précédents d’un point de vue où l’Europe – et l’Ouest plus généralement – ne serait plus pour longtemps le centre d’un ordre global18. D’après Peter Fritzsche, les pertes du passé sont irréversibles et cela constitue la mélancolie de l’histoire19.

12Cela suggère d’une part, qu’un sentiment d’obsolescence mélancolique articulé par les auteurs européens ne se limite pas à des contextes littéraires nationaux distincts. D’autre part, cela implique une forme de communauté entre ces écrivains et entre leurs œuvres, de sorte qu’ils suggèrent ensemble un moyen de surmonter la mélancolie de l’histoire, précisément à travers les points de similitude esthétique entre leurs explorations littéraires de celle-ci. Du point de vue des littératures comparées, cette intervention offre une réflexion sur la production des romans mélancoliques, leur réception, leur influence et succès dans l’espace littéraire, tout en se demandant si – et comment – leur mélancolie y augmente leur prestige.

La « tardiveté » et la mélancolie

13Écrivant aussi en 1999, Walter Moser suggère que la perception de la « tardiveté » forme une caractéristique centrale du paysage culturel de la fin du XX siècle :

  • 20 Walter Moser, « Mélancolie et nostalgie : affects de la Spätzeit », Études littéraires, « Écriture (...)

affectés par l’approche de la fin du siècle et la fin du millénaire, [nous] sommes de plus en plus exposés à un imaginaire de la fin qui s’impose aussi comme un objet de pensée : fin de l’Homme, fin de l’utopie, fin de la modernité, fin de l’histoire20.

  • 21 Walter Moser, Op. cit., p. 87.

14Plutôt que de célébrer la condition historique de la fin du millénaire en tant que « Endzeit » (la fin apocalyptique de tous les temps), Moser propose dans son article de la considérer comme une Spätzeit (une période tardive). Il explore la nostalgie et la mélancolie, qu’il nomme « les deux des affects de la Spätzeit »21. Leur dénominateur commun est un sujet affecté par la perte d’un objet. Alors que le sujet nostalgique nie la condition de Spätzeit et s’efforce de restaurer l’objet perdu, le sujet mélancolique sait que la perte est irréversible et consacre donc son énergie tant artistique qu’intellectuelle à accepter sa propre condition historique. Moser soutient que vers la fin du XXe siècle, les manifestations des deux « affects » sont multiples. La particularité de la nostalgie est le fait qu’elle n’est pas ouvertement acceptée. Son essai analyse certaines des ruses de la nostalgie – tant esthétiques qu’intellectuelles – et décrit les expressions de la mélancolie propres à la Spätzeit millénaire du XXe siècle :

  • 22 Walter Moser, Op. cit., p. 87–8.

Si on pense la nostalgie et la mélancolie comme des affects de la Spätzeit, il ressort de la détermination de celle-ci que ces deux affects ont une base commune. Elle réside dans la négativité qui sous-tend la Spätzeit. Le sujet affecté — de nostalgie ou de mélancolie — a fait l’expérience de la perte d’objets désirés : l’énergie des premiers temps, l’intégrité du monde et de ses objets d’avant la déchéance, l’élan d’une création première dans un espace culturel encore vierge, finalement le sentiment d’appartenir à un temps premier, d’être arrivé tôt dans l’histoire22.

15Cela suggère que la mélancolie peut jouer un rôle signifiant dans l’espace littéraire en Europe.

16En effet, pour Moser, la mélancolie a un pouvoir paradoxalement générateur :

  • 23 Walter Moser, Op. cit., p. 89.

Pour commencer, le sujet mélancolique, tout en restant attaché à l’objet perdu, n’investira pas ses énergies à récupérer cet objet que, par ailleurs, il sait définitivement perdu. Dans ce sens il ne se constituera pas sujet d’une action motivée nostalgiquement. Il investira par contre son énergie dans des activités qu’on pourrait dire davantage de nature intellectuelle. Son « action » consistera à réfléchir, à vouloir atteindre une prise de conscience de la complexité de sa situation, et possiblement à élaborer une représentation esthétique de cette situation23.

  • 24 Walter Moser, Op. cit., p. 98.
  • 25 Walter Moser, Op. cit., p. 101–2.

17La mélancolie prend sa racine dans un sentiment de dégradation et de perte, comme l’explique Moser. Elle est constituée d’un double comportement du sujet qui reconnaît le caractère définitif de la perte, mais elle est en même temps incapable de désinvestir l’objet perdu. L’histoire » est, dans un sens, plus réaliste, et donc moins naïve dans ses aspirations, mais ne réussit pas à « tourner la page » »24. Cet affect mélancolique décrit par Moser fournit une tâche intellectuelle : « reconnaître que la modernité utopique a chaviré comme seul modèle d’action et reconnaître que nous ne pouvons nous passer des fragments de la modernité utopique pour organiser notre vie sociopolitique et culturelle »25. Comment la mélancolie peut-elle alors influencer la forme et la structuration de l’espace littéraire européen ?

  • 26 Voir Klibansky et al., Saturn und Melancholie: Studien zur Geschichte der Naturphilosophie und Medi (...)

18Couvrant un éventail, nécessairement large, d’expériences subjectives qui dans un sens général sont liées par un sentiment omniprésent de tristesse, la « mélancolie » définit une humeur qui varie selon les époques, les cultures et les individus. Néanmoins, bien qu’elle puisse signifier une pléthore de conditions anthropologiques, culturelles, littéraires, philosophiques, sociologiques ou théologiques, les représentations de la tristesse comme humeur poétique de la mélancolie persistent dans la littérature européenne moderne. Selon l’argumentation avancée par Raymond Klibansky, Erwin Panofsky et Fritz Saxl, dans leur analyse fondamentale de la gravure de l’époque moderne d’Albrecht Dürer Melencolia I (1514), la figure du génie solitaire, à laquelle la mélancolie était associée depuis l’Antiquité, souffre d’une forme de dépression intellectuelle, étant incapable de savoir tout ce qui peut être appris du monde26. Le fait de rencontrer des limites épistémologiques au lieu de nouvelles connaissances conduit inévitablement à une disposition mélancolique, qui laisse le génie solitaire osciller entre l’inspiration de la créativité artistique, intellectuellement stimulante et le découragement apathique qui résulte de l’inconnu connu.

  • 27 Voir, par exemple, The Nature of Melancholy: From Aristotle to Kristeva, Jennifer Radden (éd.), Oxf (...)

19Dans les études littéraires, le phénomène de la mélancolie jouit depuis des siècles d’une histoire longue et diversifiée, en particulier – mais pas exclusivement – dans les lettres européennes27. La mélancolie a été diversement associée aux périodes moderne et baroque, ainsi qu’au romantisme et à la crise de la modernité. Ces associations, parallèlement aux vues psychanalytiques dominantes de la mélancolie (comme par exemple dans les discours de mémoire allemands depuis les années 1960), l’ont conduit à être en partie négligé en tant que mode littéraire important dans la littérature européenne du XXe siècle. C’est en effet sur le terrain de la psychanalyse que Sigmund Freud, dans son ouvrage de 1917 sur « Deuil et mélancolie », identifie la qualité curieusement impressionniste de la mélancolie :

  • 28 Sigmund Freud, « Deuil et mélancolie », Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1940, p. 147.

La mélancolie dont le concept est défini, même dans la psychiatrie descriptive, de façon variable, se présente sous des formes cliniques diverses dont il n’est pas certain qu’on puisse les rassembler en une unité, et parmi lesquelles certaines font penser plutôt à des affections somatiques qu’à des affections psychogènes28.

20Néanmoins, de nombreux écrivains européens se sont inspirés de multiples traditions de la mélancolie pour thématiser et aborder, non seulement des commentaires sur l’histoire européenne au lendemain des nombreuses crises du début du XXe siècle – la grippe espagnole, les grands conflits, la Shoah, l’effondrement de l’empire après la Seconde Guerre mondiale et le processus de décolonisation qui est toujours en cours –, mais aussi pour dramatiser et ainsi accentuer le pathétique d’un sentiment d’obsolescence culturelle et de fatigue à la suite de ces événements et à la lumière de l’approche de la fin du millénaire.

21Compte tenu de ses conceptualisations changeantes tout au long de sa propre histoire, la mélancolie devient un terme de plus en plus glissant. Alors même que les spécificités des circonstances semblent lui fournir une base plus solide, sa fluidité ambiguë est soutenue par le flux incessant de son instanciation dans la vie et la culture modernes. À travers les siècles de la modernité européenne, la mélancolie comprend des phénomènes culturels à la fois individuels et collectifs. Si l’on prend en compte les nombreux déclencheurs externes d’une perspective triste ou mélancolique, la nature pathologique de la mélancolie est certainement remise en question. C’est sans doute une réponse réfléchie – voire rationnelle – à des événements sismiques plus larges de l’histoire européenne et mondiale, y compris, par exemple, les tensions entre les groupes religieux et la société laïque, les préjugés sexuels et liés au genre, les inégalités raciales oppressives, sans parler de la crise des migrants en Méditerranée, les camps de concentration de réfugiés aux frontières de l’Union européenne, la menace toujours présente de rupture climatique, et – peut-être l’événement externe le plus récent et le plus durement ressenti de ces derniers temps – la pandémie de la Covid-19 qui, au moment de la rédaction de cet article, a déjà commencé sa deuxième année. Ces diverses causes potentielles de la tristesse et de la mélancolie se situent donc en dehors des pathologies de l’individu. Si une vision mélancolique du monde et de la société implique quelque chose d’individuel, c’est la reconnaissance d’une réalité extérieure plus grande, dans laquelle on est affecté et dans laquelle on est simultanément impliqué. Et pourtant, une telle vision met en péril les multiples possibilités qu’un mode mélancolique de représentation littéraire peut offrir aux écrivains réfléchis et critiques – et, en fait, à leurs lecteurs.

  • 29 Voir Dominic E. Delarue et John Raimo, « Melancholy and its sisters: transformations of a concept f (...)

22Tout aperçu de la mélancolie qui tente de prendre en compte ses fluctuations historiques, même brèves, doit nécessairement reconnaître la signification diachronique et synchronique multiforme du terme, comme l’ont récemment préconisé Dominic E. Delarue et John Raimo29. Reprenant les travaux pionniers (mais tardifs) de Saturn und Melancholie (1964) de Klibansky et al. comme point de départ, Delarue et Raimo considèrent la mélancolie comme un discours souvent local et non spécialisé et comme une toile conceptuelle reliant innovations médicales, artistiques et sociales, faites de compétitions et de bouleversements. Ils affirment qu’en tant que sujet, la mélancolie exige une étude interdisciplinaire, comme l’indique l’héritage de longue date de l’estampe Melencolia I. de Dürer, entre autres exemples. Qu’ils reviennent à Homère ou Dürer ou qu’ils évoluent vers la culture actuelle, Delarue et Raimo stipulent que la mélancolie, en tant que lieu d’innovation méthodologique, continue de produire des généalogies alternatives, des histoires conceptuelles et des vocabulaires artistiques formels. La mélancolie, en tant que terme unique, permet donc aux phénomènes intellectuels et physiques qu’elle incarne de fusionner à partir de recherches et d’expériences multiples. Alors même qu’elle éclate et se réfracte dans de nouveaux contextes et expériences, les symptômes de la mélancolie fonctionnent comme un coagulant qui permet à des éléments si divers d’adhérer ensemble. Ce sont la tendance de la mélancolie à être transformée et re-transformée, ainsi que son influence comme mode d’expérience subjective partagée, qui en font l’un des concepts les plus persistants – et, en fait, les plus débattus – de la culture occidentale en particulier.

  • 30 Voir Jacques Derrida, Limited Inc, Samuel Weber (trad.), Evanston, IL, Northwestern University Pres (...)

23Malgré cela, le caractère performatif est l’une des caractéristiques persistantes des dispositions mélancoliques des œuvres littéraires. Dans la littérature, la performativité de la mélancolie n’est pas seulement l’un de ses traits intégraux, elle est également primordiale pour expliquer sa longévité au sein de la culture européenne. Pour penser avec Jacques Derrida dans Limited Inc, les énoncés performatifs – et ici il s’inspire explicitement des travaux du philosophe anglais J. L. Austin – sont fondés sur la conventionnalité linguistique30. De manière rituelle ou même cérémonielle, ces énoncés performatifs peuvent être répétés et transmis, mais en même temps ils restent des actes créatifs. En termes déconstructionnistes, il s’agit de « l’itérabilité » du langage, de sa conventionnalité et de sa capacité à être cité et transmis en permanence. Si la mélancolie est ainsi considérée sous l’angle déconstructionniste, il apparaît que toute langue littéraire qui s’inspire et (ré)utilise des éléments d’une tradition culturelle établie de la mélancolie indique ses propres insuffisances et en même temps sa transmissibilité et donc son potentiel de longévité. Lorsque la mélancolie est comprise dans le sens d’un mode performatif dans la littérature – ou dans la culture plus largement –, ce sens déconstruit révèle une expression stylisée des problèmes de l’insuffisance, du report et de l’excès qui sont pour le déconstructionnisme des enjeux centraux de langage et de signification.

De la (re)création du sens

  • 31 Pascale Casanova, Op. cit., p. 69.

24Si les instanciations culturelles des dispositions mélancoliques constituent une forme de répétition, leur créativité se manifeste dans la (re)combinaison continue de l’ancien et du nouveau, plus spécifiquement au XXe siècle après 1945 et le cataclysme des deux guerres mondiales. En tant qu’humeur ou esthétique performative, la mélancolie – loin d’être malhonnête ou inauthentique – devient un idiome pour exprimer l’écart entre le signifié et le signifiant. Si la théorie de l’itérabilité de Derrida est fondée sur la possibilité que tous les signes linguistiques sont répétés et communiqués davantage, la récurrence de signes mélancoliques similaires dans divers contextes culturels souligne leur continuum commun, tout en établissant leur diversité. À travers les siècles de la culture européenne moderne, la répétition et la créativité de la mélancolie perpétuent celle-ci en tant que tradition. Elles encouragent l’émergence d’une compréhension de la mélancolie comme langue littéraire commune en contrepoids des frontières nationales. Pour reprendre les mots de Casanova : « la question de la littérature est évidemment et directement liée, quoique par des liens très complexes, à celle de la langue »31.

25Si dans un texte littéraire, les individus mélancoliques ont tendance à se scruter pour se confronter et tenter de comprendre la perspective sombre qui leur pèse, leur recherche de la clarté est souvent dirigée vers le monde extérieur. Ainsi une perspective mélancolique – et une écriture mélancolique – oscille souvent entre l’intériorité et le soi d’une part, et l’extériorité et la société d’autre part. La recherche d’une explication et d’une justification de la mélancolie peut donc offrir une consolation au désespoir. Les œuvres littéraires mélancoliques dépeignent donc souvent des individus dans une position perplexe et déconcertante qui tentent de déchiffrer les raisons de leur malheur. Une telle perplexité est particulièrement renforcée lorsqu’on est confronté à un monde apparemment indifférent ou ignorant du désespoir de l’individu.

  • 32 Voir Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, Paris, Flammarion, 2000.

26La discussion de Benjamin sur le drame tragique baroque résume cette ambiguïté32. Pour Benjamin, un individu mélancolique est celui qui médite de manière obsessionnelle sur la signification des signes, dans une tentative de comprendre un monde qui a été vidé de toute puissance ou direction divine. Face à cette absence d’autorité gouvernante pour donner sens à sa réalité, le monde dépeint dans le drame tragique baroque est essentiellement, pour Benjamin, un monde dans lequel le signifiant s’est éloigné de son signifié. En conséquence, l’expérience déterminante de l’individu perplexe est le rôle de l’allégoriste mélancolique. En comprenant les connexions entre les objets qu’ils décrivent comme arbitraires, ces individus mélancoliques reconnaissent l’absence de toute autorité extérieure à l’ordre signifiant et donc de toute garantie concomitante de ces connexions qui pourrait déterminer leur sens. L’analyse de Benjamin dans sa Habilitationsschrift peut être considérée comme un pendant à la théorie de la modernité et pas seulement des tragédies baroques allemandes. Il décrit et met en scène la recherche tendue du sens, au-delà du monde matériel, qui anime l’individu mélancolique. Du fait que les réflexions sur la tristesse et la mélancolie dans les textes littéraires permettent aux frontières entre soi et le monde de devenir plus poreuses et plus fluides, elles offrent la possibilité créative de sonder les limites épistémologiques, à travers un mode mélancolique. De cette manière, la littérature mélancolique ne consiste pas à simplement s’attarder sur une sensibilité persistante et lugubre. La mélancolie est le résultat du travail de la culture elle-même, à savoir la quête – et la création – du sens.

  • 33 Ben Hutchinson, Op. cit.

27Si l’on considère la modernité, non pas comme ce qui est nouveau, mais plutôt comme ce qui est tardif – comme le suggère, entre autres, Ben Hutchinson33 – peut-on ainsi interpréter la littérature européenne comme réponse mélancolique à la « tardiveté » historique ? En effet, pour reprendre encore une fois les mots de Pascale Casanova, la mélancolie agit comme « méridien de Greenwich » dans la littérature européenne moderne ainsi qu’un idiome littéraire européen. La littérature moderne est de moins en moins souvent considérée comme une affaire européenne ou occidentale qui a ensuite été adoptée par les cultures dites marginales. Au contraire, des formes et des pratiques modernistes ont émergé à différents endroits et à des moments divers – mais souvent simultanés – d’où une vague croissante de travaux sur les modernismes transnationaux, globaux et planétaires. La dérivation occidentale du modernisme et, de fait, la tradition occidentale ou européenne de la mélancolie n’ont pas seulement été remises en question, leurs limites temporelles ont été estompées et ré-attribuées.

  • 34 Laura Doyle, ‘Modernist Studies and Inter-Imperiality in the Longue Durée’, in The Oxford Handbook (...)
  • 35 Pascale Casanova, Op. cit., p. 56.

28Comme mentionné plus haut, Casanova a été critiquée pour avoir produit dans son étude comparative La Rébublique mondiale des lettres (2004) une histoire eurocentrique des formations littéraires. Néanmoins, sa compréhension traditionnelle du lieu est contrecarrée par une conception progressive du temps, alors qu’elle passe d’une époque à l’autre, comme l’a indiqué Laura Doyle34. Pour Casanova les questions de dominance – de la mélancolie par example – dans l’espace littéraire sont inéluctablement liées aux questions de la nation, de la politique, et de la capitale : « les fondements nationaux de la littérature »35. Si, comme le suggère cet article, la mélancolie dans les textes littéraires est une performance plutôt qu’une forme d’expression, alors toute discordance entre l’individu et le monde extérieur, entre le langage et l’humeur, ou même entre le signifiant et le signifié, permet un écart ambivalent entre les limites des conventions de la langue et du travail de la culture, dans la recherche du sens. Pour revenir à Benjamin, il est sous-entendu que la mélancolie est une condition générale du sujet moderne. C’est une expérience qui affronte un manque de signification ainsi que l’arbitraire de l’existence dans la modernité. Laissant l’individu à la fois maudit et inspiré, la perspective mélancolique permet une recréation du sens en plus d’une redétermination de soi et de l’espace littéraire en Europe.

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Bibliographie

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Notes

1 Pascale Casanova, « Literature as a World », New Left Review, numéro 31, 2005, p. 71–90, p. 74. Notre traduction.

2 Jennifer Quist « Laurelled Lives: The Swedish Academy’s Praise for Its Prizewinners », New Left Review, numéro 104, 2017, p. 93–106.

3 Pascale Casanova, La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999, p. 207.

4 Pascale Casanova, Op. cit., p. 58.

5 Pascale Casanova, Op. cit., p. 119.

6 Christophe Charle, « République mondiale des lettres, discordance des temps et dérégulation culturelle », COnTEXTES [En ligne], 28, 2020, mise en ligne le 29 septembre 2020, consultée le 14 avril 2021. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/contextes/9346 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/contextes.9346

7 Ibidem.

8 Pascale Casanova, Op. cit., p. 120.

9 Pascale Casanova, Op. cit., p. 121.

10 Pascale Casanova, Op. cit., p. 127.

11 Michel de Montaigne, Les Essais de Michel de Montaigne, Pierre Villey & V.-L. Saulnier (éds), Paris, 1965, p. 537.

12 Voir Jean Starobinski, Histoire du traitement de la mélancolie des origines à 1900, Basel, Actapsychosomatica, 1960 et Helmut Flashar, Melancholie und Melancholiker in den medizinischen Theorien der Antike, Berlin, de Gruyter, 1966.

13 Voir Stanley W. Jackson, Melancholia and Depression: From Hippocratic Times to Modern Times, New Haven, Yale University Press, 1986.

14 Voir Jennifer Radden, Moody Minds Distempered: Essays on Melancholy and Depression, Oxford, Oxford University Press, 2009.

15 Voir Eric G. Wilson, Against Happiness: In Priase of Melancholy, New York, Farrar, Strauss & Giroux, 2008.

16 Pour Paul Valéry (1937), la condition essentielle de la modernité était la gêne : « Nous sommes obligés avant d’aborder notre tâche propre, nous modernes, – (c’est-à-dire successeurs, héritiers, et gênés par nos biens, ou plutôt, par la diversité de nos biens hérités) – de nous défaire des notions, problèmes etc. que nous ne ressentons plus, des dettes contractées par d’autres – Table rase de la croyance à ces questions de nous refaire des yeux qui voient ce qui est à voir, et non ce qui a été vu ». Voir Paul Valéry, Cahiers,vol. 1, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1973, p. 700. Cité dans Ben Hutchinson, « Entre littérature et Histoire: la « tardiveté » (Spätzeit, lateness) comme modèle herméneutique », Fabula / Les colloques, Littérature et histoire en débats, URL : http://www.fabula.org/colloques/document2090.php., page consultée le 14 avril 2021.

17 Voir aussi Ian Ellison, « Melancholy cosmopolitanism: reflections on a genre of European literary fiction », History of European Ideas, Volume 47, numéro 6, 2021, p. 1022–1037.

18 Voir aussi François Hartog, Regimes of History: Presentism and Experiences of Time, trad. Saskia Brown, New York, Columbia University Press, 2016; Ben Hutchinson, Lateness and Modern European Literature, Oxford, Oxford University Press, 2016; Frank Kermode, The Sense of an Ending: Studies in the Theory of Fiction, Oxford, Oxford University Press, 2000; Reinhart Koselleck, Futures Past: On the Semantics of Historical Time, New York, Columbia University Press, 2012.

19 Peter Fritzsche, Stranded in the Present: Modern Time and the Melancholy of History, Cambridge MA, Harvard University Press, 2004, p. 1–10, p8.

20 Walter Moser, « Mélancolie et nostalgie : affects de la Spätzeit », Études littéraires, « Écriture contemporaine » 31, 2, 1999, p. 83–103, p. 84.

21 Walter Moser, Op. cit., p. 87.

22 Walter Moser, Op. cit., p. 87–8.

23 Walter Moser, Op. cit., p. 89.

24 Walter Moser, Op. cit., p. 98.

25 Walter Moser, Op. cit., p. 101–2.

26 Voir Klibansky et al., Saturn und Melancholie: Studien zur Geschichte der Naturphilosophie und Medizin, der Religion und der Kunst, trad. Christa Buschendorf, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1992.

27 Voir, par exemple, The Nature of Melancholy: From Aristotle to Kristeva, Jennifer Radden (éd.), Oxford, Oxford University Press, 2000; Sanja Bahun, Modernism and Melancholia: Writing as Countermourning, Oxford, Oxford University Press, 2014; Ross Chambers, The Writing of Melancholy: Modes of Opposition in Early French Modernism, Chicago, University of Chicago Press, 1993; Roger Bartra, Melancholy and Culture: Essays on the Diseases of the Soul in Golden Age Spain, Christopher Follett (trad.), Cardiff, University of Wales Press, 2008 et Angels in Mourning: Sublime Madness, Ennui and Melancholy in Modern Thought, Nick Caistor (trad.), Chicago, University of Chicago Press, 2018; Mary Cosgrove, Born under Auschwitz: Melancholy Traditions in Postwar German Literature, Rochester, Camden House, 2014.

28 Sigmund Freud, « Deuil et mélancolie », Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1940, p. 147.

29 Voir Dominic E. Delarue et John Raimo, « Melancholy and its sisters: transformations of a concept from Homer to Lars von Trier », History of European IdeasHistory of European Ideas, Volume 47, numéro 6, 2021, p. 817–838.

30 Voir Jacques Derrida, Limited Inc, Samuel Weber (trad.), Evanston, IL, Northwestern University Press, 1988, et Without Alibi, Peggy Kamuf (trad.), Stanford, CA, Stanford University Press, 2002.

31 Pascale Casanova, Op. cit., p. 69.

32 Voir Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, Paris, Flammarion, 2000.

33 Ben Hutchinson, Op. cit.

34 Laura Doyle, ‘Modernist Studies and Inter-Imperiality in the Longue Durée’, in The Oxford Handbook of Global Modernisms, Mark Wollaeger et Matt Eatough (éds.), Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 673.

35 Pascale Casanova, Op. cit., p. 56.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ian Ellison, « Une république mélancolique des lettres ? La dominance de la mélancolie dans l’espace littéraire en Europe »TRANS- [En ligne], 27 | 2021, mis en ligne le 17 février 2022, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trans/6566 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trans.6566

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Auteur

Ian Ellison

Ian Ellison divides his time as a DAAD PRIME postdoctoral research fellow between the University of Kent in Canterbury, their Paris School of Arts & Culture, and the Goethe-Universität Frankfurt. His first book, a comparative study of novels by Patrick Modiano, W. G. Sebald, and Antonio Muñoz Molina entitled Late Europeans and Melancholy Fiction at the Turn of the Millennium, will be published by Palgrave Macmillan in 2022.

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