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2021
Hors frontières (N° 26 | 2021)
Écrire en déplacés

« Marcher le plus longtemps possible ».Fantasmes et expériences du déplacement dans la poésie d’Iman Mersal (Égypte)

Ève de Dampierre-Noiray

Résumés

Prenant comme perspective de départ la place occupée par le poème « Le Seuil » dans l’œuvre de la poétesse égyptienne Iman Mersal (née en 1966), texte phare à la fois par sa situation dans le parcours d’écriture, par sa portée poétique et politique, et par ses rapports structurels avec les images et motifs de l’ensemble de l’œuvre, l’article s’intéresse à la pensée du déplacement et à ses images, au seuil de l’expérience de l’émigration. Il tente de montrer par quels moyens poétiques est mise en scène une crise du lieu et du langage qui projette le sujet lyrique et le lecteur dans l’obsession du déplacement (errance frénétique dans l’espace autochtone, fatalité du départ à l’étranger), dans une impossible sédentarité ici comme là-bas, et dans une amertume politique, fantôme qui hante celui ou celle qui peut se définir comme un individu postcolonial.

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Texte intégral

1En feuilletant les recueils de l’Égyptienne Iman Mersal, dans leur version originale arabe ou en traduction dans des anthologies en français, anglais, espagnol et d’autres langues, nous sommes saisis par l’omniprésence d’un mot : la maison – bayt (بيت), house, casa, etc. et par la mention récurrente des objets et lieux de la vie domestique. La maison jalonne cette trajectoire poétique marquée par des titres on ne peut plus explicites comme « On démolit ma maison de famille » (Géographie alternative, 2006) ou Afin que j’en finisse avec l’idée des maisons (2013), titres qui reflètent la présence croissante de ce motif à travers le parcours migratoire. Il y a « la maison qui a été la mienne pendant des années » devant laquelle l’on passe en « savourant cette douleur légère » (Une allée obscure où apprendre à danser, 1995), la maison dont l’espace est sans cesse arpenté (« Le Seuil », « Pour passer d’une pièce à l’autre », Marcher le plus longtemps possible, 1997) dont chaque recoin envahit passé et présent (« le blanc de la salle de bains », « un clou derrière la porte », « la chambre à côté », et même « la poubelle / que je pose sur le palier / pour prouver aux voisins que nous sommes une famille sans histoire », Une allée obscure où apprendre à danser) ; il y a les maisons modernes dans lesquelles « on entre et sort avec un bip » (Géographie alternative, 2006), les maisons vendues, achetées et reconstruites au fil des générations, et enfin, la maison devenue une idée fixe dont la poétesse voudrait se défaire :

  • 1 Iman Mersal, « L’Idée des maisons », dans Des choses m’ont échappé, anthologie, trad. Richard Jacqu (...)

Je cherche une clef qui se perd tout le temps au fond de mon sac […], où je m’exerce en réalité à renoncer à l’idée des maisons1.

أبحث عن مفتاحٍ يضيعُ دائماً في قعر الحقيبة ،

[…]

حيث اتدرب في الحقيقة حتى أتخلى عن فكرة البيوت.

2Cette conclusion du poème « L’Idée des maisons », l’un des derniers publiés par Iman Mersal dans un recueil lui aussi presque homonyme (Afin que j’en finisse avec l’idée des maisons, 2013) semble synthétiser de façon à la fois comique et dramatique l’enjeu de cette autobiographie poétique qui conduit de l’Égypte au Canada, profondément marquée par l’expérience du départ et avec elle les tentatives de renoncement aux lieux.

3Cette particularité de la poésie d’Iman Mersal – la manière dont s’y combinent la mention constante de la maison et l’exercice consistant à l’oublier – m’invite à retracer, à la manière d’un bref préambule, ma propre trajectoire dans la lecture de son œuvre poétique. Elle peut éclairer en effet l’idée d’une écriture du déplacement, écriture tendue entre la nécessité du départ (vers l’Occident) et l’obsession presque maladive, ou ironiquement présentée comme telle, de la maison.

Au seuil : « Le Seuil »

4En 2004, la revue La Pensée de midi consacrait un dossier important à une dizaine d’écrivains égyptiens, pour la plupart non traduits en français. Parmi eux figurait Iman Mersal, née en 1966 dans la région du Delta, au nord de l’Égypte, dont un long poème était donné à lire en traduction française : « Le Seuil ». Ce poème en prose composé d’une série de strophes courtes, à la manière d’alinéas, retrace le cheminement chaotique d’un groupe de jeunes dans la ville du Caire. Sautant d’une action et d’un lieu à l’autre, passant en revue la toponymie comme une série de vignettes, le poème entremêle cet itinéraire à une série d’affirmations et de résolutions formulées le plus souvent à la première personne du pluriel :

Oui, je les ai perdus au milieu d’un troupeau de chameaux qui sortaient de la Ligue arabe. Quand on s’est retrouvés, on a donné quelques cigarettes au soldat en faction devant un immeuble dont il ne connaît pas le nom. Enfin, on est arrivés au bar du centre-ville, pleins d’humanité et d’égratignures éparses.

[…]

On ne s’est pas affolés quand nos poches se sont vidées […]

On a couru alors une bonne heure, à la rue Moezz on s’était un peu calmés. […]

Oui, nous allions affermir notre relation la métaphysique. […]

  • 2 Iman Mersal, « Le Seuil », trad. Richard Jacquemond, La Pensée de midi, 2004, p. 63-65. [Marcher le (...)

Il ne nous restait plus que le cimetière de l’Imam […]2.

5L’ensemble surprenait par son mélange de familiarité et de discontinuité, son aspect à la fois classiquement linéaire et parfaitement déjanté. Pour une lectrice qui, bien que familière de la géographie du Caire, découvrait pour la première fois l’écriture d’Iman Mersal, le plus saisissant était toutefois la dernière phrase du poème :

  • 3 Ibid.

Quand j’ai décidé de les quitter, tous, de marcher seule, j’avais trente ans3.

  • 4 Les Poètes de la Méditerranée, Anthologie, Gallimard et Culturesfrance, 2010, trad. Richard Jacquem (...)

6Quelques années plus tard, alors qu’un petit nombre de ses poèmes avaient été traduits dans des revues, notamment en Égypte et au Canada où elle résidait depuis 1998, j’eus la surprise de retrouver ce poème dans l’anthologie Les Poètes de la Méditerranée4. Dans ce livre multilingue, qui propose, à la manière d’un voyage autour de la Méditerranée, des textes de plus de cent poètes, de vingt-quatre pays méditerranéens, on rencontre (à peu près au milieu du voyage) Iman Mersal – seule femme et benjamine parmi les cinq poètes retenus pour la section « Égypte ». Or, le poème choisi était encore « Le Seuil » : le même texte – ou presque. Car la traduction française de Richard Jacquemond avait été légèrement modifiée : il avait choisi de numéroter les alinéas, afin de déployer le poème français à travers onze étapes, comme onze stations d’un cheminement ardu à travers la géographie du Caire, aboutissant à la résolution du départ :

11 Il ne nous restait plus que le cimetière de l’Imam. On s’est assis là, une autre année, à humer l’odeur de la goyave. Quand j’ai décidé de les quitter, tous, de marcher seule, j’avais trente ans.

  • 5 Il s’agit du vers de Bérénice (I, 4) : « je demeurai longtemps errant dans Césarée ».

7Lue et relue par la suite, à un âge proche de celui mentionné par la poétesse, cette phrase produisit sur moi (et sur d’autres lecteurs, probablement) une forte impression, comparable peut-être à celle qu’avait produite sur Aurélien, au début du roman homonyme d’Aragon, un vers de Racine qui lui restait en mémoire, sans qu’il sache pourquoi5. Pour ma part, cette empreinte profonde et troublante n’était pas fortuite : il y avait d’abord le fait de se trouver nez à nez, à plusieurs années d’intervalle, avec le même texte. Autant il était naturel que soit choisi en 2004, pour donner aux lecteurs un aperçu de la production poétique égyptienne contemporaine, l’un des poèmes les plus récents de cette écrivaine d’avant-garde (« Le Seuil » se situe à la fin de Marcher le plus longtemps possible paru en 1997, son dernier recueil en date au moment de la parution de la revue), qui plus est ancré dans la géographie cairote, autant ce poème pouvait sembler un peu daté en 2010, date à laquelle l’écriture d’Iman Mersal s’était déplacée de l’autre côté de l’Atlantique, après son installation au Canada à la fin des années 1990 suivie de la parution, en 2006, d’un nouveau recueil, Géographie Alternative. Bien sûr, des raisons éditoriales et juridiques expliquaient ce choix, mais tout cela semblait au premier abord une coïncidence troublante, un signe. En outre, dans la version bilingue de l’anthologie Les Poètes de la Méditerranée, les légères modifications apportées par le traducteur intensifiaient ce sentiment de déjà vu en rendant plus tâtonnant le processus de reconnaissance d’un poème qui se présentait à la fois comme le même (la langue claire et directe d’Iman Mersal était toujours là, la syntaxe et le lexique n’avaient subi quasi aucun changement) et comme un autre : le poème était devenu une suite de sections numérotées, ce qui soulignait sa progression narrative et la valeur heuristique du cheminement mis en scène.

  • 6 Iman Mersal, « Lire le passé », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 79 [Géographie alternat (...)
  • 7 Richard Jacquemond, « Présentation », dans Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 9.

8Lorsque huit ans plus tard parut l’anthologie poétique Des choses m’ont échappé (Actes Sud, 2018), qui permettait enfin aux lecteurs francophones de lire en un seul volume une quarantaine de poèmes tirés de quatre recueils d’Iman Mersal (parus entre 1995 et 2013), c’est-à-dire environ la moitié de sa production poétique, « Le Seuil » s’y trouvait encore : il avait semblé inenvisageable pour la poétesse et son traducteur (malgré les contraintes éditoriales imposant une sélection de poèmes) de construire ce livre sans lui. Le poème y figurait à sa place, c’est-à-dire au milieu de la trajectoire temporelle et spatiale dessinée par l’anthologie, où les extraits de chaque recueil figurent par ordre chronologique. En outre, « Le Seuil » y est doublement mis en lumière : à la fois par sa place au centre du livre (p. 63-65), en clôture du deuxième recueil, juste avant le déplacement du sujet lyrique (appelé aussi son « expérience occidentale6 »), mais aussi en raison de l’attention particulière que lui accorde la préface, où il est présenté comme un texte-clé de la production poétique d’Iman Mersal, une évocation majeure de « sa formation au sein de cette bohème cairote des années 1990 » et même « un concentré de Bildungsroman »7. Chose rare dans les paratextes d’anthologies poétiques, il y fait même l’objet d’une lecture éclairante qui souligne, au seuil même de l’anthologie, sa résonance particulière.

  • 8 Tayeb Salih, Saison de la migration vers le nord, 1969, trad. Abdelwahad Meddeb et Fady Noun, Arles (...)

9La fortune de ce poème en a donc fait, notamment pour les lecteurs francophones d’Iman Mersal, une porte d’entrée dans son œuvre. L’histoire de ce texte et son propre parcours ont contribué à enrichir le sens d’un titre dont la portée métaphorique était déjà forte. Car le « seuil » est à la fois un lieu réel, al-’ataba en arabe, seuil de la maison plusieurs fois mentionné dans les poèmes et objet d’une nostalgie particulière (les seuils canadiens n’étant que de piètres répliques de ceux des maisons égyptiennes) ; une métaphore topique : seuil du départ, seuil d’une « migration vers le Nord8 », selon l’expression du romancier soudanais Tayeb Saleh, seuil de la maturité, de l’âge adulte. Mais il est devenu bien davantage : une voie d’accès vers cet univers poétique, un passage menant vers lui (comme cette « allée obscure où apprendre à danser » qui donnait son titre au premier recueil d’Iman Mersal), un gué vers l’autre rive du fleuve, un vestibule chargé d’objets, un réservoir d’images et d’émotions à l’état condensé, que toute l’œuvre ne cesse de déployer, comme autour de ce poème.

Le Seuil

Oui, le nœud papillon du chef – comme une flèche pointant dans deux directions opposées – était bien fatigué, et on n’a pas vu les doigts des musiciens. Mais on les a regardés sortir, l’un après l’autre, et on a su que les poètes qui étaient arrivés tôt avaient pris le parti de la flûte – pourtant sa tristesse est belle et pleine – et qu’ils avaient beaucoup fumé entre deux morceaux. Tout cela ne nous importait pas, nous voulions voir le rideau noir derrière la scène. On était en retard, on a tout juste aperçu les universitaires qui récupéraient leurs manteaux.

Non, en fait l’ambiance était étouffante, comme si vous étiez dans une caserne, obligé de répéter l’hymne national. Sauf que, comme vous le savez, il pleut en général dans les films étrangers.

العتبة


نعم،
بابيونة القائد التي تشبه سهماً يشير إلى جهتين مختلفتين
كانت مرهقة،
ولم نر أصابع العازفين
غير أننا تابعنا خروجهم واحداً واحداً
وعرفنا أن الشعراء الذين جاءوا مبكراً
قد تحيزوا للناي
رغم أن حزنه سليم وكامل
وأنهم دخنوا كثيراً بين كل مقطوعتين
كل ذلك لم يهمنا ؛
فقد كنا نريد أن نرى الستارة السوداء في خلفية المسرح.
تأخرنا
وبالكاد، استطعنا أن نلمح الأكاديميين
وهم يستردون معاطفهم.

لا، في الواقع كان الجو مكتوماً
كأنك في ثكنة عسكرية، مضطر لترديد النشيد الوطني
غير أنها – كما تعلم – تُمطر عادةً في الأفلام الأجنبية.

  • 9 Iman Mersal, « Le Seuil », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 63-65 [Marcher le plus longt (...)

On n’a pas regretté que le concert soit terminé. Plutôt que de filer le drame vers l’autre rive, on a traversé le pont et on a fait le salut au vendeur de colifichets qui rentrait du mouled d’el-Hussein.

Oui, je les ai perdus au milieu d’un troupeau de chameaux qui sortaient de la Ligue arabe. Quand on s’est retrouvés, on a donné quelques cigarettes au soldat en faction devant un immeuble dont il ne connaît pas le nom. Enfin on est arrivé au bar du centre-ville, pleins d’humanité et d’égratignures éparses.

Il nous a fallu nous asseoir là quatre ans. On a lu Samir Amin, tenté d’égyptianiser Henry Miller. Kundera, lui, a changé nos façons de justifier la trahison.

Là aussi on a reçu une lettre d’un ami qui vit à Paris, il disait qu’il a découvert en lui quelqu’un d’autre et qu’il n’arrive pas à s’y habituer, qu’il traîne chaque jour sa misère sur des trottoirs plus lisses que ceux du tiers-monde et qu’il se démolit bien mieux. On a passé des mois à l’envier et à souhaiter qu’ils nous expulsent vers une autre capitale.

On ne s’est pas affolés quand nos poches se sont vidées : un des nôtres était devenu soufi et après une courte invocation – parole d’honneur – un puits de bière a jailli sous nos pieds. On a joué à tomber dans les pommes, on s’est fait un dictionnaire avec des mots à nous : bocan, nulos, bétoc, chagaille, etc.

On criait, on gueulait, mais personne ne nous comprenait. Quand le plus âgé d’entre nous a proposé qu’on devienne positifs, j’étais en train de réfléchir au moyen de transformer les toilettes publiques en pleuroirs et les grandes places en urinoirs. À ce moment-là, un intellectuel entre deux âges a apostrophé son ami : « Quand je parle de démocratie, tu la fermes et tu t’écrases. »

On a couru alors une bonne heure, à la rue Moezz on s’était un peu calmés. Là, on a rencontré un martyr contrarié ; on l’a rassuré : il était bien vivant, il pouvait gagner sa croûte s’il voulait. D’ailleurs, il n’y avait jamais eu de bataille.

Oui, nous allions affermir notre relation avec la métaphysique, si l’un des nôtres n’avait caché son crâne sous un chapeau de luxe. On nous prenait pour des touristes, au point qu’un vendeur d’épices se mit à nous suivre en répétant : « Stop siouplaît, wait siouplaît »

Il ne nous restait plus que le cimetière de l’Imam. On s’est assis là, une autre année, à humer l’odeur de la goyave. Quand j’ai décidé de les quitter, tous, de marcher seule, j’avais trente ans9.


لم نحزن لانتهاء الحف
وبدلاً من أن نمد حبل الدراما إلى البر المقابل
عبرنا الكوبري
وألقينا التحية على بائع الطراطير
العائد لتوه من مولد الحسين.

نعم،
تهت عنهم وسط موكب من الجِمال
يخرج من الجامعة العربية
وعندما تجمعنا ثانية
أعطينا الجندي الواقف أمام بناية
لا يعرف اسمها، بعض سجائرنا
ووصلنا أخيراً إلى بار وسط المدينة
برحابةٍ انسانيةٍ وخدوشٍ متفرقة.

كان علينا أن نجلس هناك أربع سنوات
فقرأنا سمير أمين
وحاولنا تمصير هنري ميلر
أما كونديرا، فقد غيّر تبريراتنا للخيانة.


واستلمنا هناك،
رسالة من صديقٍ يعيش في باريس
يخبرنا أنه اكتشف داخله
شخصاً آخر لم يتعود عليه
وأنه- يومياً – يجر تعاسته خلفه
على أرصفةٍ أكثر نعومةً من أرصفة العالم الثالث،
ويتحطم بشكلٍ أفضل
فحقدنا عليه عدة شهور
وتمنينا أن يطردونا إلى مدينة أخرى.

لم نرتبك عندما نفدت نقودنا
وبعد دعاءٍ قصيرٍ
انفجر تحت أقدامنا – والله – بئرٌ من البيرة
فمثلنا دور من فقدوا الوعي
وصنفنا قاموساً يخصنا . . من قبيل:
رِوِشْ:
هنيني:
عَوَق:
دناشين: … إلخ

كنا نصرخ بصوت عال

دون أن يفهمنا أحد
وعندما اقترح أكبرنا سناً أن نصبح إيجابيين
كنتُ أفكر في طريقةٍ
لتحويل الحمّامات العمومية للبكاء
والميادين الكبيرة للتبوّل
لحظتها،
صرخ مثقفٌ مخضرمٌ في صديقه:
(عندما أتحدث عن الديمقراطية، تخرس خالص)

فجرينا ساعةً
وأصبحنا أكثر هدوءاً في شارع المُعزّ
حيث قابلنا شهيداً منزعجاً
وطمأنّاه أنه حيّ . .
ويُمكن أن يسترزق إذا أراد
ثم إنه لم تكن هناك معركةٌ أصلاً.


نعم،
كنا على وشك توطيد علاقتنا بالميتافيزيقا
لولا أن أحدنا كان يداري جمجمته
تحت قبعةٍ فاخرةٍ
فبدونا لهم على هيئة سائحين
حتى أن بائع التوابل سار خلفنا
وهو يردد: والنبي
stop
والنبي
wait

لم يبقَ أمامنا غير مقابر"الإمام"
جلسنا فيها سنةً أخرى
نشم رائحة الجوافة
وعندما قررتُ أن أتركهم جميعاً
أن أمشي وحدي
كنت قد بلغت الثلاثين.

L’apprentissage de la ville jusqu’à l’épuisement

10Si ce poème mérite notre attention, c’est parce qu’il met en scène un ensemble de déplacements, dont il explore les enjeux symboliques, dans le périmètre du Caire comme dans les horizons lointains où se projette le sujet lyrique.

  • 10 Il s’agit probablement du cimetière de l’Imam el-Chafe’i, situé rue El-Kordy, dans le vieux Caire.

11« Le Seuil » se développe d’emblée de façon paradoxale : en même temps que s’y dessine nettement une géographie du Caire que le lecteur est invité à arpenter, le passage d’une strophe à l’autre mime une aporie du lieu qui fait ressentir la nécessité d’un départ, fût-il une fausse promesse. Les strophes s’enchaînent à la manière d’un parcours dans une ville que plusieurs indices permettent d’identifier. Aux toponymes réels, noms de quartiers (« El-Hussein », le « centre-ville »), noms de rues ou d’avenues (la « Ligue arabe », la « rue Moezz »), s’ajoutent des éléments plus neutres mais caractéristiques de la capitale égyptienne (le pont, l’autre rive), des désignations cryptées, à la limite du surnom (« le cimetière de l’Imam10 »), enfin des indications géographiques plus vagues évoquant une grande ville du « tiers-monde » où se mêlent misère économique, présence militaire et attractions touristiques (« hymne national », « vendeur de colifichets », « soldat en faction », « troupeau de chameaux », « vendeur d’épices », « grandes places », etc.).

12Le passage à chaque strophe d’un lieu à l’autre, comme une ligne brisée du déplacement dans la ville, souligne le caractère erratique de cette trajectoire : elle devient un inventaire des lieux, marqué par l’essoufflement d’une quête collective, la lassitude du petit groupe, évoqué à la première personne du pluriel (que le traducteur rend parfois par l’indéfini « on »). L’effet de rupture provient d’abord des mots-phrases antithétiques placés en début de strophes, qui disent à la fois l’atermoiement constant et sa traduction dans l’espace urbain : la trajectoire du groupe évoque celle d’un insecte pris au piège d’une vitre. Mais ces impasses et détours sont soulignés par l’abondance des tournures syntaxiquement ou sémantiquement négatives, et des formules modalisatrices connotant l’insatisfaction ou le détachement. L’appréhension des lieux et des épisodes est ainsi saturée de négativité, sans pourtant que celle-ci soit jamais exprimée de façon extrême : le poème passe en revue des occasions manquées (musiciens invisibles, public en retard, concert terminé), des moments d’amnésie ou de malentendu ; le mouvement ininterrompu se mêle paradoxalement à l’attente et à l’indifférence. Par ailleurs, l’autodérision et les tournures familières feignent d’atténuer un lexique qui donne à lire la ville à travers une cartographie du mal-être, physique ou moral : la flûte est triste, l’ambiance est « étouffante », le martyr est « contrarié », le petit groupe « cri[e] » et « gueul[e] », l’intellectuel aussi.

13Notre plongée momentanée dans l’univers cairote où déambule le groupe est donc contaminée par la sensation de frustration qui émane de chaque lieu traversé. La ville ne semble pouvoir exister qu’à travers sa propre parodie, son autodestruction, ou encore l’oubli que permet la pensée d’un ailleurs vers lequel on se tourne sans enthousiasme : « les films étrangers » dans lesquels « il pleut toujours », des « trottoirs plus lisses » pour « se démoli[r] bien mieux », « une autre capitale » où il s’agit d’être « expuls[é] ». Parallèlement à la coloration négative qui teinte ces constantes déviations de la trajectoire, le texte semble rejouer ses propres tensions. D’une part, dans la manière dont la mention obsessionnelle du lieu aboutit, on l’a vu, à sa propre négation – la projection dans d’autres lieux étant perçue comme le seul moyen de survivre à celui-ci. D’autre part, parce que le poème fait alterner opacité et transparence dans une perspective heuristique. Ainsi, alors qu’il est parsemé d’images incongrues, de références cryptées, de propositions déjantées, l’obscurité sémantique grandissante est sans cesse compensée par la présence de marqueurs extrêmement stables qui signalent au lecteur une progression spatiale et temporelle classique. Ainsi, l’analogie centrale, qui assimile les étapes de cette trajectoire à des stades de l’existence, donne au texte toute sa force mais rétablit la linéarité malmenée par les détours dans l’espace. La narration, relayée par le jeu des adverbes temporels et logiques (« enfin », « là aussi », « alors », « d’ailleurs », etc.) et les tournures conclusives finales, favorise nos réflexes de lecture linéaire, et même téléologique : le texte semble bien conduire l’instance lyrique d’un point vers un autre, d’un début, moment de l’invisibilité et du non-événement, vers une fin, un dénouement rendu possible par la décision du départ.

  • 11 Lettre écrite d’Alexandrie le 23 mai 1944, dans Lawrence Durrell and Henry Miller, A private Corres (...)

14Le poème trouve donc sa logique à travers la discontinuité même de ses images, qui créent un lien entre la porte d’entrée désignée par le titre et la porte de sortie qu’ouvre, comme une libération, la dernière phrase. Celle-ci, par la rupture dramatique qu’elle introduit à la fin du texte, appelle à la relecture de l’ensemble des strophes, c’est-à-dire des étapes qui précèdent et préparent cette décision « de les quitter, tous, de marcher seule », mais peut-être aussi de l’ensemble des poèmes qui précèdent dont certaines images anticipent, on le verra, celles qui jalonnent « Le Seuil ». De même, cette projection vers la porte de sortie, semblable à la fin d’un calvaire ou à la bouffée d’air après l’asphyxie (comme un clin d’œil sans doute ignoré à ce que Lawrence Durrell, étouffant dans le cauchemar du Caire, appelait « a way of escape11 » : Alexandrie, la mer, et donc une ouverture au reste du monde) fait entrer dans le poème l’expérience d’une Géographie alternative [2006] qui, dans l’anthologie, prête son titre à la section suivante.

  • 12 Richard Jacquemond, « Présentation », dans Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 10.

15Si « Le Seuil » est comparable à un Bildungsroman, l’apprentissage qui s’y joue repose sur un processus d’effritement, d’épuisement de toutes les possibilités de la ville. Au sens propre d’abord, l’épuisement traverse le poème, depuis le « nœud papillon […] bien fatigué » du chef d’orchestre, qui donne un avant-goût de la monotonie du concert, jusqu’au martyr qui, lassé d’être martyr, aspire désormais à « gagner sa croûte ». Cette fatigue généralisée contribue aux effets de décalage burlesque dont le texte est parsemé. Mais l’épuisement est aussi celui d’une course sans trêve et vaine, à la manière d’un pari idiot : marcher le plus longtemps possible. La traversée de la capitale égyptienne en rend visible le permanent effritement, non pas celui des immeubles mal construits et croulants, dont Albert Cossery avait fait le décor de ses romans du Caire, mais celui de tous les emblèmes officiels de l’Égypte. L’un après l’autre, ils sont frappés d’inanité, d’obsolescence. Les lieux de pouvoir et de prestige – l’opéra, la Ligue arabe, un immeuble gardé par un « soldat en faction » – sont tournés en dérision et vidés de leur sens : les musiciens officiels fument avec ferveur, le siège de la Ligue arabe déverse, comme un cliché, un troupeau de chameaux, les casernes servent à « répéter l’hymne national ». Cette mention ironique souligne d’ailleurs l’importance de la parole dans l’ensemble du processus de dévalorisation dont Richard Jacquemond relève, dans ce poème, les étapes successives : d’abord « la culture officielle », puis « les symboles de l’identité nationale », enfin « la religion »12.

  • 13 Alaa El Aswany, J’aurais voulu être égyptien [Nirân sadîqa, 2004], trad. Gilles Gauthier, Arles, Ac (...)

16On assiste en effet à une double défaillance, celle du lieu et celle du langage, les deux convergeant dans le mouvement de déflation qui, de l’« hymne national » (strophe 2), aboutit à un langage dégradé et hybride : des mots solitaires fabriqués par un groupe d’amis, dont la traduction en français par « nulos, bétoc, bocan, chagaille » (strophe 7) constitue un morceau de bravoure et d’inventivité. Ce « dictionnaire avec des mots à nous » trouve enfin un écho inversé dans la langue minimaliste, faite de monosyllabes ou de phonèmes simplifiés, qui surgit à la fin du poème (strophe 10) et rappelle encore aux protagonistes leur étrangeté, leur inaptitude à être reconnus comme des autochtones. De l’hymne national devenu litanie à cette langue sans identité et mutilée, le langage semble dire l’impasse du lieu et de l’appartenance, comme si ce poème de 1997 lançait déjà le cri de regret que fera entendre dix ans plus tard le titre d’un recueil d’Alaa El-Aswany : J’aurais voulu être égyptien13.

Placer sa vie dans une langue étrangère

  • 14 Iman Mersal, « Lire le passé », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 79 [Géographie alternat (...)
  • 15 Albert Memmi, Portrait du colonisé [1957], Paris, Gallimard, « Folio essais », 2002, p. 121.
  • 16 Voir le texte liminaire « Langue de Dieu et langue du Je », dans Mohamed Kacimi, L’Orient après l’a (...)
  • 17 Abdelfattah Kilito, Tu ne parleras pas ma langue, Arles, Actes Sud, 2008.
  • 18 France Culture, entretien avec Kamel Daoud, Les Masterclasses, 23/07/2018, 58 mn, URL : https://www (...)
  • 19 Cette revendication de la possibilité pour l’écrivain de s’approprier la langue arabe, comme un « p (...)
  • 20 Edgar Hilsenrath, Nouvelles [Sie trommelten mit den Fäusten im Takt, 2006], trad. Chantal Philippe, (...)

17Cette prégnance de la langue, à la fois dans le sentiment d’errance engendrant l’urgence d’un départ, et tout au long de l’« expérience occidentale14 », fait d’Iman Mersal l’héritière d’une interrogation sur le bilinguisme colonial devenue un lieu commun de la littérature postcoloniale. Ces jeunes Égyptiens à la fois polyglottes et privés d’une langue capable de porter leurs aspirations, éprouvant collectivement la frustration du plurilinguisme, semblent être de tardifs avatars fictionnels du colonisé aux prises avec le « drame linguistique » décrit par Albert Memmi15, et des réflexions qui traversent depuis la littérature et les témoignages d’écrivains du monde arabe. Qu’il s’agisse de l’impossible choix entre arabe et français dont Abdelkebir Khatibi fait l’enjeu de ses essais Amour bilingue (Fata Morgana, 1983) et Du bilinguisme (Denoël, 1985), du récit enthousiaste que livre Mohamed Kacimi de son émancipation dans la langue française, « langue du je » – à rebours d’une conception conflictuelle entre langue coloniale écrasante et langue natale opprimée (L’Orient après l’amour, 200816), de l’aveu ambivalent fait par Abdelfattah Kilito de sa possessivité à l’égard de l’arabe17, de la volonté exprimée par Kamel Daoud de se défaire d’une conception politique de la langue18 ou encore de la revendication d’une langue arabe non sacrée chez Hoda Barakat19, ces écrivains aux prises avec le bilinguisme colonial n’ont cessé de revendiquer ou de mettre en scène leur rapport à la langue, en particulier à la langue arabe. Ces interrogations font elles-mêmes écho à une abondante littérature sur le plurilinguisme, indépendamment d’une situation coloniale et plus loin du monde arabe : on songe, parmi les plus récents, aux nouvelles d’Edgar Hilsenrath évoquant son attachement irréductible à la langue allemande : La langue allemande est mon seul pays et Maux d’estomac et langues étrangères20.

  • 21 Voir la fréquence de cette image dans les recueils Plus rares sont les roses [Wardun aqall, 1986], (...)
  • 22 Virginia Woolf, The Waves, ed. Deborah Parsons, Herts, Wordsworth Classics, p. 137 [Londres, Hogart (...)

18Mais la manière dont Iman Mersal met en scène cette réflexion franchit une autre étape, car ce sont ses protagonistes, et notamment ces jeunes cairotes des années 1990 mis en scène dans ses poèmes, qui semblent être les héritiers, voire les produits, du « déchirement » dont parlait Memmi en 1957. Alors même que le choix de l’arabe comme langue d’écriture littéraire ne semble jamais avoir été pour elle l’enjeu d’un douloureux questionnement, ses personnages, eux, font l’expérience des limites de la langue et en incarnent la dimension puissamment trompeuse. Leur expérience évoque moins l’idée d’une langue comme refuge, espace ou patrie à habiter, motif omniprésent dans l’œuvre de Mahmoud Darwich21 que, si l’on cherche pour eux des modèles dans la littérature, le balbutiement d’images que font entendre les six enfants tout au début du roman de Virginia Woolf, Les Vagues, enfants dont l’un d’eux dira, devenu adulte et rêvant peut-être à ce langage immédiat de l’enfance : « We suffered terribly as we became separate bodies. » (« Nous avons terriblement souffert en devenant des corps séparés22. »)

  • 23 Erich Auerbach, « Philologie de la littérature mondiale » (1952), trad. Diane Meur dans Où est la l (...)
  • 24 Nurith Aviv, D’une langue à l’autre [Misafa lesafa], prod. et sous-titrage Arte, ZDF, Arte et al., (...)

19Chez Mersal, c’est donc à travers le prisme d’une micro-fiction dans un poème en prose que la langue surgit et cristallise l’expérience du déracinement chez soi. « Le Seuil » donne une forme poétique à l’impossibilité d’habiter une langue, en ancrant ces images d’un langage défaillant (au sens propre, puisqu’il s’agit de « jouer à tomber dans les pommes ») dans la géographie urbaine et ses impasses. Les personnages du poème accomplissent en quelque sorte, par leur imaginaire de la langue, l’instabilité de leur « patrie philologique23 », pour reprendre la célèbre formule d’Auerbach. Cet imaginaire poétique du rapport à la langue pourrait rappeler le langage de la langue que déploie, dans un tout autre contexte, chacun des témoignages rassemblés par la documentariste Nurith Aviv dans D’une langue à l’autre. Les individus qu’elle filme et écoute, tous arrachés à leur langue maternelle pour entrer dans l’hébreu, nous saisissent précisément par la puissance des images qui traduisent leur corps à corps avec la langue : « assassiner la langue russe », « s’effondrer dans le hongrois », « apprendre l’hébreu comme on se remplit de graviers »24. Dans l’œuvre d’Iman Mersal, l’imaginaire poétique du déracinement dans la langue est indissociable de la perspective du déplacement. Le lieu commun poétique de l’exil dans la langue est lui-même déplacé : il précède l’épisode migratoire, l’expulsion tant souhaitée « vers une autre capitale » et en fait déjà pressentir les désillusions. Si, dans les rues du Caire, « inventer des mots à nous » ressemble à un jeu, « jouer à tomber dans les pommes », il faudra, une fois arrivé de l’autre côté de l’Atlantique, s’atteler à une autre tâche :

  • 25 Iman Mersal, « Lire le passé », op. cit., p. 77 [Géographie alternative, 2006].

il découvrirait peut-être que la vie est difficile

quand il essaierait de la placer dans une langue étrangère25

وانه قد يكتشف صعوبة الحياة

عندما يحاول وضعها في لغة اجنبية

  • 26 Genèse XI, 1-9, trad. Bible de Jérusalem.

20Comme un récit de Babel inversé, la défaillance de la langue commune s’accompagne d’une dispersion « sur toute la surface de la terre26 », dans un monde post-babélien qu’on peine à imaginer heureux.

L’impossible sédentarité de l’individu postcolonial

21L’exténuation des lieux et du langage, dont « Le Seuil » retrace de façon presque stylisée les épisodes symboliques, semble frapper d’inanité toute tentative de sédentarité. La projection dans un départ est donc à la fois l’aboutissement du poème, en tant que décision libératrice, et son motif central, en tant que constat d’échec de précédentes tentatives, non de partir, mais de résider ailleurs.

22Les arrêts intempestifs dans la trajectoire du groupe se nourrissent en effet d’expériences extérieures qui toutes invalident la réussite de l’émigration. Le poème est parsemé de ces ouvertures vers l’étranger – mots étrangers, références littéraires à Miller ou Kundera, désignation du groupe comme « touristes » – qui font signe vers une autre vie dont le texte porte simultanément les signes avant-coureurs et, par anticipation, l’amertume. Celle-ci est particulièrement lisible dans les échos qui se tissent entre ces images-épisodes et leur reprise presque mot pour mot dans les recueils antérieurs ou postérieurs. Ainsi l’allusion à « une lettre d’un ami qui vit à Paris », lettre dont la profonde mélancolie pénètre la strophe, reprend en réalité un motif récurrent de l’œuvre. Elle est une variation rétrospective sur la vision prospective qui traversait déjà le poème « On dirait que j’hérite des morts », dans le recueil Une allée obscure où apprendre à danser (1995) :

  • 27 Iman Mersal, « On dirait que j’hérite des morts », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 25 [(...)

Le jour où mon amie a obtenu un visa

pour aller mettre son corps à l’épreuve sur un autre continent,

[…]

j’ai acquis la certitude que fumer est nécessaire27

و يوم حصلت صديقتي على تأشيرة

لاختبار جسدها في قارةٍ أُخرى

[...]

تأكّدت أن التدخين ضَرورةٌ

  • 28 Chimamanda Ngozi Adichie, « The American Embassy » dans The Thing Around Your Neck, Londres, Fourth (...)

23Plus loin, en ouverture du recueil Géographie alternative, la mention de « ceux qui ont fait la queue devant des consulats et construit des maisons dans d’autres pays » reprend implicitement l’évocation du visa et avec elle la projection dans un autre continent où le droit de résider a été ardûment gagné. La figuration de la file d’attente des demandeurs de visa, dont la romancière Chimamanda Ngozi Adichie a fait le décor de sa nouvelle dramatique « The American Embassy28 », mais qui est aussi un motif récurrent d’une certaine veine loufoque du cinéma égyptien, prend ici une allure triviale, quasi humoristique. Cette légèreté est toutefois balayée par la fin de la phrase, qui dit encore, à travers la cadence mineure, une impossible sédentarité :

  • 29 Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 69 [Géographie alternative, 2006].

[…] ceux qui ont fait la queue devant des consulats et construit des maisons dans d’autres pays rêvent de rentrer quand ils seront à l’état de cadavres29.

هؤلاء الذين انتظروا

طويلاً في طوابير السفرات، و بنوا بيوت في بلادٍ

أخرى،

يحلمون بالعودة عندما يصبحون جثثا

  • 30 Nasser Djemai, Invisibles. La tragédie des chibanis, MC2 : Grenoble, création, 22 novembre 2011,
  • 31 Mohamed El Khatib, Finir en beauté. Pièce en un acte de décès, Besançon, Les Solitaires intempestif (...)
  • 32 Iman Mersal « Pour passer d’une pièce à l’autre », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 49 [(...)
  • 33 Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 70 [Géographie alternative, 2006].

24L’allusion caustique au désir de reposer chez soi traverse l’ensemble du troisième recueil, comme si la question du lieu où résider ne parvenait pas à trouver de résolution, ici ou ailleurs, dans la vie comme dans la mort. Elle participe du traitement parodique que subissent, chez Mersal, les grands épisodes de l’existence des immigrés, épisodes dont le caractère dramatique semble gommé par leur aspect obsessionnel et répétitif. Une semblable obsession traverse, par exemple, la pièce Invisibles que Nasser Djemai consacrait en 2011 à « la tragédie des chibanis30 », ces vieux immigrés économisant sur leur retraite le coût du rapatriement de leurs corps en Algérie, tandis que le même motif est abordé avec une tendresse parfois comique dans le texte de Mohamed El Khatib Finir en beauté, sous-titré Pièce en un acte de décès31 et sa mise en scène. Dans Géographie alternative, cette allusion fait figure d’avertissement au seuil de l’émigration, mais elle est constamment reprise par d’autres motifs : l’obsession d’un « caveau familial » qu’il faut « creuser […] à temps /pour que je puisse partir à l’Opéra avant dix-neuf heures32», la liste des « noms des parents morts » qu’on « affich[e] sur la porte du frigo […] pour ne pas les appeler par erreur33 ». La fantaisie qui marque ces évocations se double d’une mélancolie profonde qui repose sur la perception conjointe de la fatalité de la migration et d’une nostalgie encore dépourvue d’objet. La projection dans un désir de retour, pour rejoindre ce « caveau familial » dont la mention est aussi fréquente que loufoque, semble précéder le désir de partir. Le souhait d’une vie éternelle sur la terre des origines est réduit à une affaire de déplacement, et tout déplacement apparaît comme une mésaventure qui se répète à l’infini.

  • 34 Iman Mersal, « Visite », dans ibid., p. 54 [Marcher le plus longtemps possible, 1995].
  • 35 Iman Mersal, « Un verre avec un nationaliste arabe », dans ibid., p. 103 [Pour que j’en finisse ave (...)
  • 36 Voir Paul Gilroy, Mélancolie postcoloniale [Postcolonial Melancholia, 2004], Paris, Éditions B42, 2 (...)

25Autre effet de variation sur un motif devenant obsédant, l’allusion ironique, particulièrement savoureuse, à l’apport bénéfique de la littérature dans la rhétorique de la trahison. Ici, c’est vers Kundera que l’on se tourne pour y trouver de nouvelles justifications, ce qui place peut-être à nouveau la langue, ou le changement de langue, au centre du déplacement qu’est l’émigration et de ses conséquences. Mais ce qui pourrait être un simple clin d’œil reformule en réalité la même préoccupation, énoncée de manière moins laconique dans un autre poème où il est encore question d’un groupe d’amis : ceux-ci, vont « vers la catastrophe » « les yeux grands ouverts » ; ils « cueill[ent] l’épine qui empêche [leur] amitié de dormir et s’en « remett[ent] aux romans étrangers / confiants dans l’existence de justifications esthétiques à la trahison »34. La honte et la hantise de la trahison, teintées dans ces évocations de cynisme et d’amertume, se répercutent aussi de part et d’autre de l’émigration : la trahison des aînés, tel l’« intellectuel » despotique et vulgaire du « Seuil », le « nationaliste arabe » sirotant un verre dans un bar tandis que « la nation brûle35 », et tous ceux qui ont failli à leur lutte, devient sentiment de culpabilité du sujet lyrique, et peut-être de tout individu postcolonial. Le déplacement, dans la ville ou vers l’Occident, s’apparente à une désertion, à un double abandon : celui de la maison de famille, dont un des poèmes de Géographie alternative évoque la démolition, et celui d’une lutte politique qui aurait permis de faire exister la communauté. C’est là un enjeu majeur de ce que l’on pourrait appeler, en empruntant la formule de Gilroy36 pour lui prêter un tout autre sens, la « mélancolie postcoloniale ».

  • 37 Iman Mersal, « Lire le passé », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 80 [Géographie alternat (...)
  • 38 Iman Mersal, « Entre ciel et terre », dans ibid., p. 105 [Pour que j’en finisse avec l’idée des mai (...)
  • 39 Voir Ève de Dampierre-Noiray, « Du “poème des perdants” (Darwich) à la déconstruction des canons ép (...)
  • 40 Voir Albert Memmi, Portrait du colonisé [1957], Paris, Gallimard, « Folio essais », 2002, p. 120.
  • 41 Ibid., p. 117.

26Cette culpabilité de l’émigrant – dont l’exploit consiste bien, dans le cas de la poétesse, à « aller à la fac pour l’amour de la littérature comparée37 » et à corriger quantité de « devoirs sur la littérature postcoloniale38 », nous invite à rattacher le récit de l’événement migratoire à une interrogation sur l’héroïsme. Car la mise en scène d’une langue défaillante, dont on a tenté de souligner les enjeux, semble inséparable d’une réflexion sur la survie ou la disparition des modèles épiques39. De même, l’obsession de la trahison engendre un questionnement de nature politique qui fait encore de l’« amnésie culturelle40 » une affaire de lieu : où sont passés les héros de la nation ? Qui pourra de retrouver « le fil de l’histoire […] tombé par terre41 » ?

27Au moment où l’œuvre poétique d’Iman Mersal semble ouvrir de nouvelles interrogations, le « seuil » surgit encore, comme un lieu symbolique auquel il faut revenir pour mesurer l’entreprise de mémoire et de reconstruction qui débute, une fois de l’autre côté – une fois amorcée une nouvelle série de déplacements :

Il faut que j’aille à l’épicerie bio, mais voilà une heure que je contemple la photo de ma mère assise sur le seuil de la maison de son père, qui n’est plus là-bas – le seuil ; et ma mère non plus, d’ailleurs, n’y est plus.

  • 42 Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 70 [Géographie alternative, 2006].

Personne ne passe dans la rue, parce que les voitures entrent et sortent avec un bip. J’ai acheté cette maison (sur le seuil de laquelle on ne peut pas s’asseoir) à la veuve d’un sculpteur espagnol qui l’a construite sur un terrain qui appartenait à un émigré ukrainien qui l’avait reçu du gouvernement canadien, lequel en avait dépossédé les Indiens, pour fonder une ville où il y a plusieurs universités, des dizaines de centres commerciaux et des milliers de personnes qui comme moi connaissent les bienfaits de la nourriture bio et possèdent des voitures qui entrent et sortent avec un bip42.

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Bibliographie

Œuvres d’Iman Mersal

Mersal, Iman, Une allée obscure où apprendre à danser [ممر معتم يصلح لتعلم الرقص 1995] et Marcher le plus longtemps possible, [لمشي أطول وقت ممكن 1997], Le Caire, Al-hi’a al-misriyya al-’âma lil-kitâb, 2013.

Mersal, Iman, Géographie alternative [جغرافيا بديلة], Le Caire, Dar Sharqiyyat, 2006.

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Mersal, Iman, Des choses m’ont échappé, anthologie, trad. Richard Jacquemond, Arles, Actes Sud, 2018.

Autres références

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Notes

1 Iman Mersal, « L’Idée des maisons », dans Des choses m’ont échappé, anthologie, trad. Richard Jacquemond, Arles, Actes Sud, 2018, p. 121 [Pour que j’en finisse avec l’idée des maisons, 2013]. J’ai légèrement modifié la traduction française en rétablissant le « où » qui renvoie au fond du sac, lieu où la clef se perd, lieu de ce renoncement.

2 Iman Mersal, « Le Seuil », trad. Richard Jacquemond, La Pensée de midi, 2004, p. 63-65. [Marcher le plus longtemps possible, 1997].

3 Ibid.

4 Les Poètes de la Méditerranée, Anthologie, Gallimard et Culturesfrance, 2010, trad. Richard Jacquemond (pour ce poème, où il est indiqué par erreur « trad. Vénus Khoury-Ghata »), p. 375-379.

5 Il s’agit du vers de Bérénice (I, 4) : « je demeurai longtemps errant dans Césarée ».

6 Iman Mersal, « Lire le passé », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 79 [Géographie alternative, 2006].

7 Richard Jacquemond, « Présentation », dans Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 9.

8 Tayeb Salih, Saison de la migration vers le nord, 1969, trad. Abdelwahad Meddeb et Fady Noun, Arles, Actes Sud - Sindbad, 1983.

9 Iman Mersal, « Le Seuil », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 63-65 [Marcher le plus longtemps possible, 1997].

10 Il s’agit probablement du cimetière de l’Imam el-Chafe’i, situé rue El-Kordy, dans le vieux Caire.

11 Lettre écrite d’Alexandrie le 23 mai 1944, dans Lawrence Durrell and Henry Miller, A private Correspondence, ed. George Wickes, Faber & Faber, 1962, p. 191.

12 Richard Jacquemond, « Présentation », dans Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 10.

13 Alaa El Aswany, J’aurais voulu être égyptien [Nirân sadîqa, 2004], trad. Gilles Gauthier, Arles, Actes Sud, 2009. Ce titre est la traduction française, choisie avec l’accord de l’auteur, du titre arabe qui signifie littéralement « Feux amis », autrement dit : « Tirs fratricides ».

14 Iman Mersal, « Lire le passé », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 79 [Géographie alternative, 2006].

15 Albert Memmi, Portrait du colonisé [1957], Paris, Gallimard, « Folio essais », 2002, p. 121.

16 Voir le texte liminaire « Langue de Dieu et langue du Je », dans Mohamed Kacimi, L’Orient après l’amour, Arles, Actes Sud, 2008, p. 15-21.

17 Abdelfattah Kilito, Tu ne parleras pas ma langue, Arles, Actes Sud, 2008.

18 France Culture, entretien avec Kamel Daoud, Les Masterclasses, 23/07/2018, 58 mn, URL : https://www.franceculture.fr/emissions/les-masterclasses/kamel-daoud-le-roman-par-rapport-a-la-chronique-cest-le-match-par-rapport-au-penalty [consulté le 01/02/2021].

19 Cette revendication de la possibilité pour l’écrivain de s’approprier la langue arabe, comme un « pays », sans pour autant accepter son caractère sacré, revient fréquemment dans les propos de la romancière libanaise depuis son installation en France. Voir par exemple les entretiens entre Hoda Barakat et Christophe Ayad (Le Monde, 25/07/2019), Rita Bassil el Ramy (L’Orient littéraire, avril 2020), et Ève de Dampierre (« La semaine arabe », ENS, avril 2001, archives ENS-Ulm).

20 Edgar Hilsenrath, Nouvelles [Sie trommelten mit den Fäusten im Takt, 2006], trad. Chantal Philippe, Paris, Le Tripode, 2020, p. 7-15 et p. 122-125.

21 Voir la fréquence de cette image dans les recueils Plus rares sont les roses [Wardun aqall, 1986], et Onze astres [Ahada ‘achara kawkaban, 1992], ou la défense de cette conception (« je suis ma langue ») dans un entretien avec Abbas Beydoun, Mahmoud Darwich, La Palestine comme métaphore, trad. Elias Sanbar, Arles, Actes Sud - Sindbad, 1997, p. 36.

22 Virginia Woolf, The Waves, ed. Deborah Parsons, Herts, Wordsworth Classics, p. 137 [Londres, Hogarth Press, 1931], ma traduction.

23 Erich Auerbach, « Philologie de la littérature mondiale » (1952), trad. Diane Meur dans Où est la littérature mondiale ?, dir. Christophe Pradeau et Tiphaine Samoyault, Paris, Presses universitaires de Vincennes, collection « Essais et savoirs », 2005, p. 37.

24 Nurith Aviv, D’une langue à l’autre [Misafa lesafa], prod. et sous-titrage Arte, ZDF, Arte et al., 2004 ; ces formules proviennent des témoignages de Meir Wieseltier, Agi Mishol et Aaron Appelfeld.

25 Iman Mersal, « Lire le passé », op. cit., p. 77 [Géographie alternative, 2006].

26 Genèse XI, 1-9, trad. Bible de Jérusalem.

27 Iman Mersal, « On dirait que j’hérite des morts », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 25 [Une allée obscure où apprendre à danser, 1993]. 

28 Chimamanda Ngozi Adichie, « The American Embassy » dans The Thing Around Your Neck, Londres, Fourth Estate, 2009.

29 Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 69 [Géographie alternative, 2006].

30 Nasser Djemai, Invisibles. La tragédie des chibanis, MC2 : Grenoble, création, 22 novembre 2011,

31 Mohamed El Khatib, Finir en beauté. Pièce en un acte de décès, Besançon, Les Solitaires intempestifs, 2015 [Production Zirlib].

32 Iman Mersal « Pour passer d’une pièce à l’autre », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 49 [Marcher le plus longtemps possible, 1997].

33 Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 70 [Géographie alternative, 2006].

34 Iman Mersal, « Visite », dans ibid., p. 54 [Marcher le plus longtemps possible, 1995].

35 Iman Mersal, « Un verre avec un nationaliste arabe », dans ibid., p. 103 [Pour que j’en finisse avec l’idée des maisons, 2013].

36 Voir Paul Gilroy, Mélancolie postcoloniale [Postcolonial Melancholia, 2004], Paris, Éditions B42, 2020.

37 Iman Mersal, « Lire le passé », dans Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 80 [Géographie alternative, 2006].

38 Iman Mersal, « Entre ciel et terre », dans ibid., p. 105 [Pour que j’en finisse avec l’idée des maisons, 2013].

39 Voir Ève de Dampierre-Noiray, « Du “poème des perdants” (Darwich) à la déconstruction des canons épiques : quelle tâche pour la poésie arabe aujourd’hui ? », SFLGC, bibliothèque comparatiste, 2019 [en ligne], URL : https://sflgc.org/acte/de-dampierre-noiray-eve-du-poeme-des-perdants-darwich-a-la-deconstruction-des-canons-epiques-quelle-tache-pour-la-poesie-arabe-aujourdhui/ [consulté le 01/02/2021]

40 Voir Albert Memmi, Portrait du colonisé [1957], Paris, Gallimard, « Folio essais », 2002, p. 120.

41 Ibid., p. 117.

42 Iman Mersal, Des choses m’ont échappé, op. cit., p. 70 [Géographie alternative, 2006].

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ève de Dampierre-Noiray, « « Marcher le plus longtemps possible ».Fantasmes et expériences du déplacement dans la poésie d’Iman Mersal (Égypte) »TRANS- [En ligne], Séminaires, mis en ligne le 29 mars 2021, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trans/5576 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trans.5576

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