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Université invitée

Porte : un dialogue par le livre. François Cheng et Claude Garanjoud

Sidona Bauer

Résumés

Cet article sur le dialogue par le livre a pour sujet l’échange entre le poète contemporain François Cheng (1929 Nanchang, Chine) et le peintre lyrique abstrait Claude Garanjoud (1926 Isère – 2005 Lyon). Nous analysons le rapport entre les encres et les poèmes à travers un livre que les artistes ont réalisé en commun, Porte (1994), notamment à partir de leurs conceptions respectives des deux modes d’expression, la peinture et l’écriture étant considérés comme à égalité dans ce qu’on nomme un livre de dialogue (Yves Peyré).

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Notes de l’auteur

Je veux exprimer mes profonds remerciements à Françoise Garanjoud, la veuve du peintre, qui m’a donné accès à l’œuvre de Claude Garanjoud ainsi qu’à la documentation nécessaire pour la recherche. Elle nous a fourni les photographies à l’exception des encres de Porte, livre d’artiste préservé à la BnF. Nous remercions aussi Eugenio Prieto pour le traitement des images.

Texte intégral

Entrons

  • 1  Yves Peyré, Peinture et poésie. Le dialogue par le livre, Paris, Gallimard, 2001. Abrégé ensuite p (...)
  • 2  P, p. 6.
  • 3  Françoise Garanjoud, Pierre Provoyeur, Alain Boucharlat et al. (éds), Garanjoud, Arles, Actes Sud, (...)
  • 4  Ibid., p. 9.
  • 5  Emmanuel Lévinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, Paris, Martinus Nijhoff, coll. « bibl (...)
  • 6  Catherine Cœuré, « Royaume des échos », dans P, p. 65-70.
  • 7  Ainsi le titre d’un des livres de dialogue, reproduit dans P, p. 146. Nous nous référons à l’exemp (...)
  • 8  Ainsi le titre du deuxième des livres auquel nous nous rapporterons dans l’analyse. Reproduit dans (...)
  • 9  P, p. 65.
  • 10  Le livre de dialogue serait donc une forme inédite, témoignant de la créativité qui sous-tendrait (...)
  • 11  Terme employé d’ailleurs par Michel Butor pour désigner son rapport aux peintres. Conférence tenue (...)
  • 12  HAP Grieshaber, Malbriefe, Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1967.
  • 13  François Cheng, Le Livre du vide médian, Paris, Éditions Albin Michel, p. 29. Abrégé Médian.
  • 14  François Cheng, Le Dialogue, Paris, Presses artistiques et littéraires de Shangaï/Desclée de Brouw (...)
  • 15  Ibid., p. 72. Cheng cite Char en interprétant la formule à sa façon.
  • 16  Ibid.
  • 17  Ibid., 10.
  • 18  G, p. 8.
  • 19  Dialogue, p. 71.
  • 20  Dialogue, p. 72 ; G, p. 54 : « Garanjoud est depuis toujours un (silencieux) poète de l’ouvert. »

1Depuis Yves Peyré1, le livre de dialogue – que nous préférons appeler à sa suite le livre d’artiste – est accepté comme un art en soi2, ayant haussé et enrichi « les deux modes d’expression contraires que sont la peinture et la poésie ». La présente étude a pour objet de « disséquer3 », selon l’expression de Claude Garanjoud, les « “correspondances”4 » entre l’œuvre du poète et celle de l’artiste afin de mieux comprendre l’approche de la poésie et de la peinture à travers l’espace commun de leur rencontre : le livre. Deux artistes, dans un livre de dialogue, expriment leur accord. La « “Relation”5 » et l’estime existent avant le livre réalisé en commun, mais celui-ci demeure le témoignage vivant d’une complicité profonde. Le livre de dialogue se veut pour nous, « lecteurs-contemplateurs6 », une Porte7, nous lançant l’invitation Entre8! – deux titres de livres réalisés en co-création entre Claude Garanjoud et François Cheng. Ces livres nous plongent dans le dialogue intime de deux lecteurs – le peintre et l’écrivain – qui ont pratiqué la « lecture absolue, la création9 ». Malgré l’impossibilité de rentrer dans cette intimité, nous sommes invités à y participer. Les deux modes d’expression s’apparentent alors à des lettres, d’abord écrites pour un destinataire précis, mais qui s’adresseraient, à travers lui, à toute troisième personne pour qui la place – un blanc – resterait toujours ouverte10. Nous parlerons d’ailleurs de « lettre11 » par rapport au poète et au peintre, à l’instar de HAP Grieshaber dans ses Malbriefe12 peinture-lettres en français – car selon l’optique du livre de dialogue, une peinture peut être qualifiée de lettre si elle accomplit ce que son adresse a de spécifique : le caractère de proximité, de présence de l’autre qui est impliqué dans l’adresse même, et, selon le cas, le caractère d’estime, d’amitié ou d’amour. Or le livre engendré en co-création peut témoigner d’un échange encore plus direct, qui serait le dialogue face à face de deux individus. La présence de deux visages en tant que « présences entrecroisées13 » correspond à la juste présence de deux êtres, faisant abstraction même de la parole. On comprend alors que le dialogue peut se passer des mots, existe antérieurement à eux à un niveau qui ne le comprend pas sous la forme conventionnelle de « “questions-réponses”14 », mais en tant que « “commune présence”15 » qui est « fruit d’échange sans fin16 », donc productif, selon Cheng. Pour le poète, en ce sens, « toutes nos créations, au sens large, sont un langage17 », ce qui montre sa sensibilité envers l’énoncé de Garanjoud : « “Je peins pour ne pas avoir à parler”18. » Supposons donc pour leurs livres de dialogue un « dialogue généralisé19 » qui, pour chacun des interlocuteurs, tendrait, de plus, vers l’Ouvert20.

  • 21  François Cheng, Souffle-Esprit. Textes théoriques chinois sur l’art pictural, Paris, Éditions du S (...)
  • 22  P, p. 9. Nous soulignons.
  • 23  Ibid.
  • 24  Souffle-Esprit, p. 167.
  • 25  François Cheng, Qui dira notre nuit, Arfuyen, 2003, p. 94.
  • 26  Souffle-Esprit, p. 161.

2Les deux modes de dialogue que nous venons de mentionner sous-tendent l’échange. Nous, lecteurs-regardeurs, assistons à une rencontre qui donne lieu à la dynamique d’« un devenir tendu vers son propre dépassement qui est sa transfiguration21 ». C’est ainsi que nous entendons Peyré, qui, fervent participant, voit «  tout reprendre à l’essentiel22 », à l’endroit précisément qui est le livre, où peinture et poésie se tiennent « au faîte de la création23 ». Entre-deux, au cœur du livre, nous souhaitons dégager de cette situation entre deux artistes ce qui restera de leur temps vécu, à savoir « la communion dans l’essentiel, dans cette part où l’homme et sa [son] partenaire sont mus par le même élan vital, portés par le même souffle rythmique24 ». Le livre de dialogue nous ouvre alors vers un espace insoupçonné des deux arts. Malgré une telle hauteur ou profondeur – car : « Abîme est cime/ et cime abîme25 », dit Cheng – qui en fait une expression artistique souveraine, nous devons prendre en considération le fait que pour chacun des deux artistes, le livre de dialogue n’est qu’une niche dans l’ensemble de leurs créations, qui dépasse la seule création artistique pour se référer à l’estime mutuelle de deux hommes. Pour les deux vaudrait de fait l’enjeu qu’assigne Cheng à la peinture chinoise qui serait à la fois « un art de vie » et un « art de vivre26 »

3Avant de mettre en relation le peintre et le poète en examinant leur espace commun qui est le livre unique – ils en ont produit trois ensemble, notamment Entre (1989), Où se lève le vent (1993) et Porte (1994) –donnons pour commencer une esquisse du rapport qu’entretient Cheng avec la peinture et interrogeons ensuite brièvement le lien qui lie Garanjoud à la poésie.

Poésie et peinture chez François Cheng

  • 27  Médian, p. 7-13.

4L’œuvre poétique de Cheng repose sur une conception organique de l’univers, héritée de la pensée traditionnelle chinoise. Selon Cheng, tout être est animé par le Souffle primordial qui se déploie, à l’intérieur de l’Univers en marche, par les deux souffles yin et yang qui sont en perpétuelle interaction créative. À noter que les deux ne reçoivent leur dynamique que du Trois qui naît entre les deux, et qui est appelé le souffle du vide médian. Le vide médian tire son pouvoir du vide originel. Le mouvement ternaire, qui englobe tous les éléments dans un réseau gigantesque, vivant, dans lequel tout se relie et se tient, est appelé le Tao, la Voie27.

  • 28  François Cheng, L’Écriture poétique chinoise suivi d’une anthologie des poèmes des Tang, Paris, Éd (...)
  • 29  Dialogue, p. 16.
  • 30  Henri Maldiney, Art et existence, Paris, Klincksieck, 2003, p. 11.
  • 31  Médian, p. 19.
  • 32  Ibid., p. 23.
  • 33  Madeleine Bertaud, François Cheng. Un cheminement vers la vie ouverte, Paris, Hermann Éditeurs, 20 (...)
  • 34  François Cheng, À l’orient de tout. Œuvres poétiques,préface d’André Velter, Paris, Gallimard, 200 (...)
  • 35  Souffle-Esprit, p. 164.
  • 36  Ibid.
  • 37  Ibid., p. 11.
  • 38  Ibid., p. 21.

5Dans ses ouvrages sur L’Écriture poétique chinoise28 et sur les Textes théoriques chinois sur l’art pictural, le poète souligne que dans la pratique artistique chinoise, trois arts – poésie, calligraphie et peinture –, qui en Occident sont souvent conçus comme séparés, ont une commune origine qui est précisément la cosmologie chinoise (principalement le Tao). Ainsi, ces arts sont naturellement liés et inséparables de la Nature. Artiste et poète – car le poète calligraphie ses poèmes en idéogrammes – sont liés par le pinceau-encre qui devient expression du mouvement gestuel et spirituel du peintre ou du poète, Création en marche. Le trait de pinceau, constitutif aussi bien pour la peinture que pour l’écriture, est mû par le Souffle du corps qui à la fois émerge du Souffle originaire et résonne avec lui. Cette résonance, qui est associée également à un dialogue selon la double acception de « Tao », lequel serait, d’après Cheng, à la fois « Voie » et « Voix29 », engendre un rythme spécifique et définit la forme – en formation30 – de l’œuvre. Les résonances ou les rythmiques sont donc les vides médians. Ils tendent, dans leur progression, vers l’Ouvert qui est « échange-change » dans un présent conçu comme perpétuel devenir au sein de telle rencontre spécifique : « […] le Trois/ Souffle de vie/ à part entière// Qui, né du Deux/ mû par l’Ouvert/ N’aura de cesse/ de voir le jour// […] Nulle autre loi/ qu’échange-change31. » D’ailleurs, par le souffle, l’interlocuteur du poète garde « pour longtemps/ ce qui jaillit d’entre nous » et relie « notre fini/ à l’infinie résonance32 ». On comprend bien que la préoccupation de Cheng est l’évocation d’un principe qui parle d’une rencontre qui dépasse, dans leurs résonances, les deux êtres polaires pour les saisir en tant que partie intégrante d’un Tout en mouvement. Leur interaction s’apparenterait alors à un cheminement vers la vie ouverte33. Ce principe ternaire du yin, du yang et du vide médian – qui présenterait un espace infiniment ouvert, vide, plein de « promesse34 » – vaudrait tant pour la poésie que pour la peinture chinoise. De fait, par le Trait de Pinceau35, des possibilités sans limites sont données au peintre pour engendrer l’œuvre sur la page blanche, vide. Car par « l’unique Trait de Pinceau, l’artiste possède en quelque sorte le principe de vie36 ». Peinture et écriture poétique tendent vers une même transformation. L’écriture, visualisée rythmiquement, serait plus qu’un simple support de la langue parlée, mais accentuerait le seul aspect matériel des signes, comportant ainsi une présence ontologique qui saurait être éprouvée aussi indépendamment de la signifiance37. La peinture, à son tour, serait une « poésie silencieuse38 ».

  • 39  Voir par exemple le frontispice de François Cheng, Qui dira notre nuit, Orbey, Arfuyen, 2003.
  • 40  G, image p. 47.
  • 41  Notamment dans les livres de dialogue. Ainsi pour René Char : « l’amour/ être/ le premier venu » e (...)
  • 42  G, p. 46.
  • 43  G, p. 15.
  • 44  Ibid.

6Ce qui lie les deux arts est, au premier abord, la calligraphie. Or, nous voyons que Cheng pratique lui-même la calligraphie chinoise39 et que l’œuvre de Garanjoud se caractérise non seulement par une écriture de la main singulière, parfois faisant partie du tableau, tantôt comme signature40, tantôt comme calligraphie d’un poème en langue française41, mais aussi par son attention portée au signe en général42. Garanjoud cite l’Art poétique d’Horace (v. 361) : « Ut pictura poesis43 » (« “Une poésie est comme une peinture” ») pour exprimer « la proximité du poème44 ».

G, p. 47 signature

G, p. 47 signature

Présence de la poésie dans l’œuvre de Claude Garanjoud

  • 45  G, p. 146.
  • 46  Bien que la note suivante se lise comme un poème en prose (mars 2004) : « Le vide est là/ Je le vo (...)

7Pour commencer, citons un énoncé énigmatique de Garanjoud, pour lequel il nous manque la clef. Il se réfère, par ce que la phrase présuppose, justement à l’œuvre poétique de François Cheng : « Sa poésie est probablement plus déchirée que la “mienne” qui est à la fois plus proche de Char et de Perse, mais son authenticité m’impressionne45. » Sous forme de sous-entendu, Garanjoud renvoie à un fond poétique inhérent à sa création artistique. Dans cette phrase, il parle de sa poésie. Puisque, d’après les livres édités jusqu’à cette date, son œuvre comprend certes des expressions diverses, mais non des poèmes46, nous concluons que cet énoncé se réfère à sa peinture, qui serait sous-tendue par une forme de poésie. La conception qu’il se ferait ainsi de la poésie déborderait donc l’écrit et la parole. Toutefois, les références à la lettre et au livre ne manquent pas dans l’œuvre artistique de Garanjoud. Pour ce qui   est de la lettre, elle surgit par exemple en tant que signe – indéchiffrable ou bien ouvert à la libre lecture.

Claude Garanjoud, Lagnes 1994.

Claude Garanjoud, Lagnes 1994.

8Comme les signes sont composés essentiellement de traits verticaux, ils font penser à des traits calligraphiques. Pierre Cabanne47 les perçoit comme tels, tandis qu’Alain Boucharlat devine des « accents circonflexes48 » et des lettres – « M…V…X…49 ». Ils sont également proches, nous semble-t-il, d’un alphabet de runes50 :

  • 51  Maurice Benhamou dans Provoyeur, Pierre (éd.), Garanjoud, peintures, Avignon, Ville d’Avignon Édit (...)
  • 52  André Velter, La Vie en dansant, Paris, Gallimard, 2000, p. 163.
  • 53  Pierre Provoyeur dans G, p. 127.

9Mais leur provenance reste énigmatique. Ils évoquent, selon Benhamou, dans leurs variations et répétitions, une « danse51 » de lettres qui non seulement joueraient avec l’espace, mais engendreraient un « alphabet de l’espace52 », exposant son potentiel infini en terme de création de sens et ainsi l’infini de possibilités que nous offre l’espace : « alphabet […] lisible comme peinture et visible comme écriture53 ». Signes qui non seulement, dans leur contraste entre encre et vide, entre noir et blanc, rendraient plastique l’espace, mais le transgresseraient.

Livres en duo

  • 54  G, p. 88.
  • 55  G, p. 88, 89.
  • 56  Se reporter à G, p. 164-166.

10Le rapport de Garanjoud à la lettre se précise et s’élargit assez tôt. Son premier projet de co-création avec un écrivain fut un livre de dialogue avec Jean Giono54. S’instaure ensuite, en 1964, une collaboration, qui sera fructueuse et durable, avec Claude Ollier, à propos de Lubéron55. Dans les années 1980, se noue un contact avec la poésie de René Char56. Le parcours à travers le livre ne fait que commencer : le peintre aura, jusqu’à sa mort en 2005, collaboré avec Kenneth White, Jean-Marie Gleize, Claude Esteban, Takasuke Shibusawa, Adonis, Françoise Hàn, Makoto Ôoka, Lorand Gaspar, Maurice Benhamou et, bien sûr, François Cheng. Son tout dernier livre, unique, sera une reproduction du texte manuscrit de Porte (publié en quatre exemplaires en 1994) en 2004.

L45 Approches d’un désert vivant de Lorand Gaspar, 1999.

L45 Approches d’un désert vivant de Lorand Gaspar, 1999.

Portiques

  • 57  G, p. 126, 127.
  • 58  Pierre Provoyeur dans G, p. 126-132.

11Une série d’encres [E40-E184]57 qui portent la même structure que les encres de Porte est classée dans la période du peintre déterminée notamment par le sujet du « Portique58 » – les encres étant aussi importantes que les peintures acryliques.

  • 59  Ibid., p. 126.
  • 60  G, p. 146.
  • 61  Ibid., p. 143.
  • 62  Ibid., p. 144.

12Or le portique évoque fortement la lettre M59. Pourtant, le V inclus dans la forme du M saurait être transformé jusqu’à sa dissolution. Ne resteraient enfin que deux montants ; vide entre eux. Ce vide ne serait pas, chez Garanjoud, un rien, mais le lieu du souffle vital, associé justement à Cheng : « Il nous découvre un monde inconnu et l’idée que je me fais du vide mais aussi du souffle (et là c’est la Chine) lui doit presque tout60. » Ainsi s’exprime Garanjoud à propos du cercle – lui aussi correspond (mais toutefois indépendamment de l’idéogramme) à une image chinoise. Inscrit dans un carré, il serait « la représentation du monde pour un Chinois61 » – comme Garanjoud l’apprit ultérieurement par Cheng : « Je considère maintenant le cercle comme une ouverture, sur le vide. C’est une façon de revenir à mes “Portiques”. Comme eux, il disparaîtra un jour, le seuil franchi62. »

Livres du vide

  • 63  Ibid., p. 130, B3, 1981.

13Le vide en rapport avec l’écriture figure encore sous la forme des livres du vide63.

B3 Quatre livres du vide, boîte, 1981.

B3 Quatre livres du vide, boîte, 1981.
  • 64  G, p. 71.

14C’est justement l’absence de l’écriture qui appelle sa densité. Les livres à pages jaunies semblent avoir donné leur contenu aux lecteurs-contemplateurs jusqu’à ce qu’ils ne contiennent plus que du vide – en étant le négatif du vide, fond de l’écriture qui serait à la fois son surplus, sa condition d’être et ce qui reste après sa perte. Ajoutons à ce propos un autre livre d’artiste, le Livre VI64, qui donne à lire la sagesse de Lao-Tseu : « La grande plénitude est comme vide ; alors elle est intarissable. » Le vers est inscrit, par Garanjoud, dans l’espace ouvert par une forme qui évoque à la fois un cercle non clos et une variation du M du Portique.

L53 Livre VI, 2002.

L53 Livre VI, 2002.

15Étant donné l’égale importance que confèrent Garanjoud et Cheng à l’entre et à l’ouverture, leur dialogue autour du sujet de Porte, précédé par l’Entre, n’a rien d’étonnant.

Lelivre de dialogue

  • 65  P, p. 33.

16Nous pouvons supposer que, partant d’une même préoccupation, indiquée par les titres fusionnels, chacun des artistes s’aventure dans le chemin de sa propre création « afin de s’atteindre65 ». Or, s’atteindre, en créant, pour Garanjoud signifierait « s’oublier » :

  • 66  A, p. 13. Nous soulignons.

17Je suis “dans” la peinture. […] À ce moment il n’y a plus d’échelle et les grands vides que j’instaure, je les ressens parfois comme une plénitude. J’aspire alors à m’effacer, à m’oublier en me laissant porter par le souffle   du vide66.

  • 67  P, p. 33.

18Dans cette perte, l’artiste s’abandonne pour trouver le « seul espace vrai de la création67 » – l’anonyme qui serait en même temps l’espace de l’autre. Garanjoud insiste sur la passivité avec laquelle il franchirait – où resterait sur – le seuil de la Porte. Elle serait donc à la fois hors de lui, présentée par son geste, et en lui, s’ouvrant.

  • 68  Catherine Cœuré, « De la limite du visible », dans Garanjoud. Livres avec les poètes. 1990-2000, G (...)

19Si pour Où se lève le vent et probablement pour Entre, il faut supposer que le poème a précédé l’illustration, dans le cas de Porte, le poème à trois séquences a été composé en s’inspirant des quatre encres préexistantes [E1, E2, E3, E4]68.

[E1, horizontal]

[E1, horizontal]

[E2 : 9v /10r ; horizontal]

[E2 : 9v /10r ; horizontal]

[E3 :13v/ 14r ; vertical]

[E3 :13v/ 14r ; vertical]

[E4 :17v/ 18r ; vertical]

[E4 :17v/ 18r ; vertical]

Deux parallèles se joignent

20Pour interpréter Porte, nous voulons partir de deux suppositions de base, spécifiques du dialogue créateur.

  • 69  P, p. 30.
  • 70 Ibid., p. 30.
  • 71 Ibid., p. 33.

21Premièrement, soulignons le fait que dans la pratique du livre de dialogue il s’agit d’une matérialisation durable, volontaire, de la force d’un attrait entre deux hommes-créateurs. Le livre serait leur « signe double et un69 » – entrelacs, communion. L’attrait proviendrait d’un rapport sans hiérarchie70, ni entre les hommes ni entre les modes d’expression – égalité dans laquelle les deux garderaient leur indépendance71.

  • 72  Ibid.
  • 73  Ibid., p. 34.

22Affirmons donc deuxièmement la nécessaire autonomie des créateurs. La mise en relation de « deux solitudes absolues72 », qui fait de la Relation à la fois une distance et une proximité, procèderait de l’échange immédiat entre deux libertés. « En ce sens le livre de dialogue est ce miracle : deux parallèles (car il y a bien parallélisme dans l’expression)    se sont rejointes73. » Quel paradoxe de vouloir constater l’impossibilité de deux parallèles rejointes ! Et pourtant, l’image nous convient. Gardant à l’esprit l’énoncé de Peyré, prenons position dans l’espace intime du livre, à savoir à l’intérieur du champ magnétique de     leur dialogue.

Entre, poème de François Cheng, encres de Claude Garanjoud, 1989.

Entre, poème de François Cheng, encres de Claude Garanjoud, 1989.

Entre/ Le nuage/ et l’éclair/ Rien/ Sinon/ Le trait/ de l’oie sauvage/ Sinon/ Le passage/ Du corps foudroyé/ au royaume des échos/ Entre

  • 74  Médian, p. 17.
  • 75  Françoise Garanjoud emploie le terme de « correspondance » par rapport à l’œuvre de son mari. Il e (...)

23« Entre » appartient, comme second poème d’une série de poèmes, au Livre du Vide médian74, à titre programmatique. Le livre et le vide sont aussi deux thèmes majeurs de l’œuvre de Garanjoud. Ces préoccupations similaires renverraient-elles à une source commune ? Ce serait le cas si Garanjoud s’était initialement inspiré de l’esthétique et de la pratique picturale chinoises. Or, ce n’est pas le cas. Les correspondances sont de nature plutôt hasardeuse. Nous préférons donc parler de convergences, d’analogies et de correspondances75 par rapport à certaines structures analogues. Interrogeons-nous en ce sens sur le paradoxe des parallèles qui se rejoignent.

  • 76  Poème précédent et en même temps premier poème dans la série, ibid., p. 15.
  • 77  Poème subséquent, ibid., p. 19.
  • 78  Ibid.
  • 79 Ibid., p. 21.
  • 80 Ibid., p. 23.
  • 81 Ibid., p. 25.
  • 82  Ibid.
  • 83  Ibid., 29.

24Explorons le champ sémantique du poème Entre de Cheng. Il se compose, entre autres, du « trait » et « des échos ». Dans les poèmes qui entourent Entre dans le Livre du Vide médian, nous repérons, en plus, le « pur échange76 », « l’échange-change77 » et « l’Ouvert78 », ainsi que le « tendu de l’interaction79 » et précisément « l’infinie résonance80 ». Où circule le Souffle du Vide médian « Là est81 », c’est-à-dire « Là est le lieu de vie/ La est le lieu82 ». Il s’ensuit que l’entre est lié à l’espace d’un échange – « l’ardent face-à-face/ Des présences entrecroisées83 ». Cheng, pour exprimer l’expérience du Vide médian, a de plus recours à un registre proche de celui de Peyré. Citons de nouveau Cheng :

  • 84  Ibid., p. 217.

Miracle// Lorsque par-dessus l’abîme qui sépare/ Resplendit l’étoile/ de la prime étincelle […]// Miracle cette vie qui s’offre/ Tout de consentement et d’entendement […]// Laisse-toi traverser par le souffle inouï/ par le souffle du oui !84

  • 85  P, p. 32.

25Impossible de ne pas remarquer les parallélismes avec les formulations de Peyré. Car si Cheng perçoit « l’abîme qui sépare », il implique, séparés par l’abîme, deux entités, voire deux espaces distincts. De plus, une « prime étincelle » transcenderait les deux pour instaurer un lien de « consentement et d’entendement » qui serait la raison d’un « oui ! » à la vie, éprouvée par l’échange. Ne retrouvons-nous pas la description passionnée de Peyré du dialogue par le livre ? « Deux hommes se sont mutuellement étonnés d’être ensemble dans le plaisir du vis-à-vis, du dépassement des limites personnelles et expressives85. » L’image des deux parallèles qui se rejoignent présenterait donc un positif de l’abîme au-dessus duquel luirait une étincelle, signe d’un entendement originaire, « prime », « miracle ». Reste à voir si le peintre à son tour exprimerait une Relation du même ordre.

  • 86  Livres, Cœuré, titre de son essai, p. 1.

26À partir du titre fusionnel Porte, deux créations se déploient l’une en résonance avec l’autre. Cheng montre son penchant pour la peinture, qui ne saurait atténuer l’opposition entre peinture et écriture, en calligraphiant ses poèmes en caractères chinois. L’idéogramme de porte rend visible – ou mène à « la limite du visible86 », selon Catherine Cœuré – l’allusion aux traces du peintre, préexistantes au poème. Dans trois des quatre encres [E1, E2, E3], nous reconnaissons la même structure de deux montants, liés – voire séparés, comme par un trait d’union – soit par un rideau d’encre [E2, E3] soit par des étroites fissures lumineuses [E2, E3], soit par un minuscule trait [E4] qui prend allure d’une « étincelle » entre deux entités. Avec une telle répartition de l’espace qui donne à voir trois entités principales, en même temps séparées et liées par un entre qui (E2, E3), transcenderait les Deux, nous reconnaissons la structure ternaire qui occupe Cheng. Les œuvres de Garanjoud ne nous donneraient-elles pas une matérialisation visible de son expérience fondamentalement dialogique ? Le poème est plus concret que la peinture lyrique abstraite de Garanjoud.

Rencontre du poème et de la peinture

27Le poème à trois volets, dans ce dialogue, a indubitablement pour sujet une rencontre ; une relation forte, extatique, une passion amoureuse probablement : dans le premier poème du triptyque poétique, suivi par sa version calligraphiée [8r], le sujet lyrique aspire au « lieu de tous désirs », vers où il souhaiterait être porté, avec l’Autre (« nous ») :

Porte-nous loin// Plus loin/ que nous aurions voulu/ Vers le lieu de tous désirs/ Vers le non-lieu de tous rêves/ Où le souffle ailé/ se rappelle nos exils// Porte-nous loin// Porte-nous// Porte (7r)

  • 87  A, p. 13.

28Dans ce « lieu de tous rêves », l’effort physique serait sans effort, un « souffle ailé ». Le sujet lyrique aspire, pour le « nous », à un franchissement, plutôt passif, comme nous   le montre l’invocation « porte-nous ». Le lieu du passage correspondrait à la désignation   du « seuil87 », employé par Garanjoud pour l’entrée dans la matière qui serait aussi son dépassement.

  • 88  Nous nous sentons rappelés à la période des Mandalas (1977-1988), G, p. 110.

29À ce premier poème succède E2, encre sur laquelle nous repérons deux montants noirs devant un rideau en filigrane d’encre qui laisse entrevoir le blanc du fond. Les traits d’encre ne sont pas uniquement composés verticalement, mais un geste diagonal barre le regard – un chemin éventuellement88.

30La deuxième partie du triptyque poétique introduit le caractère passionnel de la rencontre :

Hors de la porte/ Saisons sauvages// Entre fauves et fleurs/ Frayer l’étroit passage// Tant de flammes/ noyées d’infini/ Pour nous égarer/ Au milieu/ de lianes calcinées// Tant d’éclats/ d’éclaboussures/ Pour que nous y bâtissions/ notre unique/ Demeure (11r)

31Le seuil franchi, « Hors de la porte », se font ressentir à la fois la beauté, mais aussi la force, caractérisée par son caractère ambigu d’énergie indomptée : « Saisons sauvages// Entre fauves et fleurs ». Dans le temps propre à l’« Entre » surgit le Vide médian, impliqué dans l’« infini » des « flammes » et dans le « milieu/ de lianes calcinées ». La brûlure renvoie à l’aspect intense, voire violent, de l’expérience, tout autant que les « éclats » et les « éclaboussures ». Ceux-ci semblent être des expressions de la dépense masculine, de l’érotisme, ou une référence à l’encre du peintre.

32Si nous considérons ensuite E3 (13v, 14r), nous constatons que par rapport à E2, la « barrière » s’est amincie pour devenir un trait diagonal, présentant le mouvement du geste. Les deux montants se trouvent, optiquement, sur un même plan avec le rideau d’encre, désormais plus aéré et lumineux, car réduit. Quoique toujours en parallèle, ils se penchent légèrement l’un vers l’autre.

33Le dernier volet du triptyque poétique présente une ouverture finale.

Porte nous-mêmes/ Nous-mêmes porte// Par nos yeux entre/ souffle obscurci// De nos mains part/ L’éclair de chair// Flèche de sang/ À travers tout// Ultime ouvert (15r)

34L’appel « Porte-nous » du début est repris, tel un cadre, pour ouvrir finalement à l’« Ultime ouvert », conférant ainsi un caractère quasiment sacré au livre. Le chiasme syntaxique

Porte nous-mêmes
Nous-mêmes porte

  • 89  Médian, p. 29.

35donne visuellement et phonétiquement à concevoir la qualité d’un rapport que Cheng a qualifié89 de « présences entrecroisées ». Dans leur rapport vivant, les présences deviennent elles-mêmes des portes – « Nous-mêmes porte » – l’une montrant à l’autre son ouverture. La transcendance ultime serait l’« ouvert », acquis par une expérience éminemment physique, car à la fois visuelle – « par nos yeux » –, sensible – « souffle obscurci », « De nos mains » – et charnelle – « L’éclair de chair ». La « Flèche de sang » intensifie soit le côté sauvage, voire violent, soit la virginité de l’expérience.

  • 90  Médian, p. 17.
  • 91  Médian, p. 217.
  • 92  Nous soulignons.
  • 93  G, p. 11.

36Au « trait […] sauvage90 » d’Entre, au « Miracle91 » de la « prime étincelle92 » correspondrait ainsi l’« Ultime ouvert », qui serait la « demeure », le « lieu » de la vraie vie. Car : « Par où adviendra/ advient déjà/ Véhémence et fulgurance mêlées/ La vie en sa/ plus haute incandescence93 », écrira Cheng pour Garanjoud en 2006.

37Les deux montants de la dernière Encre de la série des quatre encres de Porte    (E4, 17v, 18r), ne cachent pas les traits de pinceau, dépouillés complètement : simples et   nus [E4].

  • 94  G, p. 70.
  • 95  P, p. 30.

38Leur penchant est concave et les ouvre vers les côtés vides. Le rideau d’encre a disparu. Seul demeure, entre les montants verticaux, un trait de pinceau minuscule. Il ressemble à une étincelle, dans un intervalle, qui ne touche ni l’un ni l’autre des montants. Elle suggérerait l’unité duelle de leur forme. Répétition ici d’un état où il s’agirait de « Frayer l’étroit passage » ou bien un « Ultime ouvert », même s’il est étroit, à peine, même si les deux traits de pinceau principaux montrent clairement leur autonomie ? Trouverait-on dans cette dernière encre, plus stable, plus simple, plus paisible que les précédentes, l’« unique demeure » ? De quelle demeure, en fait, s’agirait-il ? Dans le registre du dialogue, tout reste ouvert. En ce qui concerne le duo peintre-poète, la demeure de l’instant qu’ils se sont bâtis est l’espace du livre. La rencontre peinte illustrerait alors, dans un dédoublement performatif, l’accord unique entre deux expressions artistiques qui se sont reconnues égales, ce miracle de « deux parallèles [qui] se sont rejointes ». La transcendance, dans cette optique, serait visualisée respectivement par la jointure de deux traits de pinceaux [E1], par la diagonale aérée de fissures qui lierait les montants, tout en les dépassant [E2], par un trait de pinceau médian [E3] et par une étincelle minuscule, « à la limite du visible » et pourtant au milieu, qui signalerait un lien entre deux entités, tournées non l’une vers l’autre, mais détournées et cependant formant, optiquement, une seule forme [E4]. En ce sens, Catherine Cœuré souligne à l’égard du dialogue par le livre entre Cheng et Garanjoud le jeu des contraires qui engendre la tension qui réside au centre de la co-création : « ils ont enclos ces tensions et accompli […] l’œuvre comme lieu des contraires, du clos et de l’ouvert, contradictions non pas résolues mais maintenues tendues dans l’espace du poème et de la gravure [peinture]94. » L’espace du livre de dialogue en tant que « tangible entrelacs des extrêmes95 » – Cheng et Garanjoud l’ont thématisé, présenté, en acte, en tant que tel.

39Par-delà la référence à une source commune, passion partagée des deux artistes – homologie de nouveau –, nous pouvons lire respectivement la suite des poèmes et la suite d’encres de façon autonome, de sorte que les suites n’aient comme point charnière que     le titre qui indiquerait une expérience que tous deux ont vécue, indépendamment l’un     de l’autre.

40Si nous avons relevé que la recherche de Cheng autour de l’Entre et de l’Ouvert se poursuit au moins jusqu’à l’année 2004, avec Le Livre du Vide médian, il en est de même pour Garanjoud. Les Portiques ont notamment déterminé la période entre 1984 et 2005. On peut constater la parenté entre les Portiques et les toiles libres :

  • 96  A, p. 11.

Que les montants noirs du “portique” deviennent gris foncé ou blancs ou mouchetés de blanc ou autre chose, ils sont toujours là. […] [La] structure de départ est fondatrice. Elle règle la construction générale du tableau même si elle est masquée, contrariée, complétée ou réduite […]96.

41La structure ternaire que nous venons de dégager va en conséquence beaucoup plus loin que la rencontre.

  • 97  Peinture-lettres de HAP Grieshaber, lettres d’amour. Op. cit.
  • 98  A, p. 13.
  • 99  « Car l’amour […] va […] dans le sens de la création et de la naissance dans la beauté. […] Nécess (...)
  • 100  A, p. 13.
  • 101  Ibid.
  • 102  G, p. 89. Pour Cheng voir Dialogue, p. 89.

42Revenons à notre interrogation du début. Fruit de la Rencontre – incarnation matérielle de la force d’un attrait, selon Peyré –, les livres Porte et Entre – à l’instar des Malbriefe97– ne seraient-ils pas des lettres d’amour peintes ? Amour de la vie, par exemple. Car ainsi s’explique le peintre par rapport à la peinture : « On y perd son âme. Mais pour difficile que ce soit ne doit-on pas tenter de concilier l’amour de la vie et le désir d’éternité ? En réalité, rien n’est jamais ajouté au centre98. » Le Vide extrême qu’il cherche au cœur même de la création ne pourrait donc pas ne pas s’enraciner dans l’amour de la vie99, d’après Maurice Benhamou100. La « quête d’absolu101 » ne saurait être coupée de la vie. Le désir d’infini, dans la vie, impliquerait l’acte éthique, responsable, en faveur de la vie – acte qui ne détruirait pas, mais, au contraire, construirait, « pour que nous y bâtissions/ notre unique/ Demeure ». Et pour y rester : « Demeure » serait aussi une prière adressée à l’autre. L’amour de la vie, qui œuvrerait dans la vie en vue de sa « plus haute incandescence », réunirait deux mots. En allemand, langue de prédilection du peintre102 – ils sont des quasi-homonymes : « Öffnung » et « Hoffnung ». Ouverture et espérance. La double signification du dialogue entre Cheng et Garanjoud par le livre, création unique, nous transmettrait, à travers la rencontre, le devenir d’une ouverture qui exprimerait une espérance de portée quasiment éternelle : Hoffnung-Öffnung précisément, qui concilierait « l’amour de la vie et le désir d’éternité », selon les mots du peintre.

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Bibliographie

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Notes

1  Yves Peyré, Peinture et poésie. Le dialogue par le livre, Paris, Gallimard, 2001. Abrégé ensuite par P.

2  P, p. 6.

3  Françoise Garanjoud, Pierre Provoyeur, Alain Boucharlat et al. (éds), Garanjoud, Arles, Actes Sud, 2007, p. 9. Abrégé par la suite par G.

4  Ibid., p. 9.

5  Emmanuel Lévinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, Paris, Martinus Nijhoff, coll. « biblio essais », 1978, p. 32. Lévinas propose, pour désigner « la proximité de l’un à l’autre », de concevoir l’altérité « en tant que proche dans une proximité qui […] “excite” par son altérité [la] pure et simple Relation ». Proximité serait un « dire, contact, sincérité de l’exposition ; dire avant le langage, mais sans lequel aucun langage, comme transmission de messages, ne serait possible. » (Ibid., p. 32.)

6  Catherine Cœuré, « Royaume des échos », dans P, p. 65-70.

7  Ainsi le titre d’un des livres de dialogue, reproduit dans P, p. 146. Nous nous référons à l’exemplaire n° 4, fonds réservé à la Bibliothèque nationale de France. Page 20 recto (20r ) : « Avec/ un texte/ et des dessins/ originaux/ cet ouvrage/ a été réalisé/ sur Japon Kawasaki/ et/ Bhoutan Tsasho/ en quatre/ exemplaires/ dont un réservé/ à la/ Bibliothèque Nationale/ Paris, le 15 avril 1994/ Ex. 4/ F. Cheng Garanjoud [signatures]. » La reproduction de l’exemplaire est nécessairement insuffisante car se basant sur la photographie d’une photocopie d’un microfilm du chef-d’œuvre. Pour toute reproduction, ainsi que pour son ouverture, nous remercions profondément Madame Françoise Garanjoud.

8  Ainsi le titre du deuxième des livres auquel nous nous rapporterons dans l’analyse. Reproduit dans P, p. 146.

9  P, p. 65.

10  Le livre de dialogue serait donc une forme inédite, témoignant de la créativité qui sous-tendrait la Relation dans laquelle, pour ce temps vécu, chaque énoncé et chaque réplique seraient uniques, singuliers et en même temps universels. Un degré de « Nähesprache » (langage de proximité) d’une intensité inédite.

11  Terme employé d’ailleurs par Michel Butor pour désigner son rapport aux peintres. Conférence tenue à l’université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle, Maison de la recherche, le 15 mars 2011, « Poésiepeinture. Les compagnonnages de Michel Butor ». Mireille Calle-Gruber reçoit Michel Butor dans le cadre du séminaire « Hospitalités de la littérature et des arts », Écritures de la modernité.

12  HAP Grieshaber, Malbriefe, Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1967.

13  François Cheng, Le Livre du vide médian, Paris, Éditions Albin Michel, p. 29. Abrégé Médian.

14  François Cheng, Le Dialogue, Paris, Presses artistiques et littéraires de Shangaï/Desclée de Brouwer, 2002, p. 72. Abrégé Dialogue.

15  Ibid., p. 72. Cheng cite Char en interprétant la formule à sa façon.

16  Ibid.

17  Ibid., 10.

18  G, p. 8.

19  Dialogue, p. 71.

20  Dialogue, p. 72 ; G, p. 54 : « Garanjoud est depuis toujours un (silencieux) poète de l’ouvert. »

21  François Cheng, Souffle-Esprit. Textes théoriques chinois sur l’art pictural, Paris, Éditions du Seuil, [1989] 2006, p. 169. Abrégé Souffle-Esprit.

22  P, p. 9. Nous soulignons.

23  Ibid.

24  Souffle-Esprit, p. 167.

25  François Cheng, Qui dira notre nuit, Arfuyen, 2003, p. 94.

26  Souffle-Esprit, p. 161.

27  Médian, p. 7-13.

28  François Cheng, L’Écriture poétique chinoise suivi d’une anthologie des poèmes des Tang, Paris, Éditions du Seuil, [1977] 1996.

29  Dialogue, p. 16.

30  Henri Maldiney, Art et existence, Paris, Klincksieck, 2003, p. 11.

31  Médian, p. 19.

32  Ibid., p. 23.

33  Madeleine Bertaud, François Cheng. Un cheminement vers la vie ouverte, Paris, Hermann Éditeurs, 2009.

34  François Cheng, À l’orient de tout. Œuvres poétiques,préface d’André Velter, Paris, Gallimard, 2005, p. 150.

35  Souffle-Esprit, p. 164.

36  Ibid.

37  Ibid., p. 11.

38  Ibid., p. 21.

39  Voir par exemple le frontispice de François Cheng, Qui dira notre nuit, Orbey, Arfuyen, 2003.

40  G, image p. 47.

41  Notamment dans les livres de dialogue. Ainsi pour René Char : « l’amour/ être/ le premier venu » et « Comment/ m’entendez-vous ?/ Je/ parle de si loin. », images dans G, p. 108.

42  G, p. 46.

43  G, p. 15.

44  Ibid.

45  G, p. 146.

46  Bien que la note suivante se lise comme un poème en prose (mars 2004) : « Le vide est là/ Je le vois trop/ Le mot me manque/ Le blanc revient toujours/ Ainsi de la montagne/ C’était mon lieu (dieu) », G, p. 128.

47  G, p. 46.

48  Ibid.

49  Ibid.

50  <ULR http://de.wikipedia.org/wiki/Runen> [16.05.2011].

51  Maurice Benhamou dans Provoyeur, Pierre (éd.), Garanjoud, peintures, Avignon, Ville d’Avignon Éditeur, 2003, p. 15. Abrégé A.

52  André Velter, La Vie en dansant, Paris, Gallimard, 2000, p. 163.

53  Pierre Provoyeur dans G, p. 127.

54  G, p. 88.

55  G, p. 88, 89.

56  Se reporter à G, p. 164-166.

57  G, p. 126, 127.

58  Pierre Provoyeur dans G, p. 126-132.

59  Ibid., p. 126.

60  G, p. 146.

61  Ibid., p. 143.

62  Ibid., p. 144.

63  Ibid., p. 130, B3, 1981.

64  G, p. 71.

65  P, p. 33.

66  A, p. 13. Nous soulignons.

67  P, p. 33.

68  Catherine Cœuré, « De la limite du visible », dans Garanjoud. Livres avec les poètes. 1990-2000, Grenoble, Bibliothèque municipale d’étude et d’information de Grenoble, coll. « Lire dans les bruits du monde », livre n° 13, 2001, p. 2. Abrégé Livres.

Le poème « Entre »n’est toutefois repris par Cheng que dans Médian en 2004, p. 17, pour sa publication.

69  P, p. 30.

70 Ibid., p. 30.

71 Ibid., p. 33.

72  Ibid.

73  Ibid., p. 34.

74  Médian, p. 17.

75  Françoise Garanjoud emploie le terme de « correspondance » par rapport à l’œuvre de son mari. Il est donc emprunté à elle.

76  Poème précédent et en même temps premier poème dans la série, ibid., p. 15.

77  Poème subséquent, ibid., p. 19.

78  Ibid.

79 Ibid., p. 21.

80 Ibid., p. 23.

81 Ibid., p. 25.

82  Ibid.

83  Ibid., 29.

84  Ibid., p. 217.

85  P, p. 32.

86  Livres, Cœuré, titre de son essai, p. 1.

87  A, p. 13.

88  Nous nous sentons rappelés à la période des Mandalas (1977-1988), G, p. 110.

89  Médian, p. 29.

90  Médian, p. 17.

91  Médian, p. 217.

92  Nous soulignons.

93  G, p. 11.

94  G, p. 70.

95  P, p. 30.

96  A, p. 11.

97  Peinture-lettres de HAP Grieshaber, lettres d’amour. Op. cit.

98  A, p. 13.

99  « Car l’amour […] va […] dans le sens de la création et de la naissance dans la beauté. […] Nécessairement, alors, l’amour va aussi dans le sens de l’immortalité », [ma traduction], Platon, Symposion, dans Platon, Sämtliche Werke, t. II, Hambourg, Rowohlt, 2002, p. 81.

100  A, p. 13.

101  Ibid.

102  G, p. 89. Pour Cheng voir Dialogue, p. 89.

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Titre L45 Approches d’un désert vivant de Lorand Gaspar, 1999.
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Titre L53 Livre VI, 2002.
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Titre Entre, poème de François Cheng, encres de Claude Garanjoud, 1989.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sidona Bauer, « Porte : un dialogue par le livre. François Cheng et Claude Garanjoud »TRANS- [En ligne], 12 | 2011, mis en ligne le 08 juillet 2011, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trans/490 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trans.490

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