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Université Invitée : Cheikh-Anta-Diop

Présentation de l'UCAD de Dakar (Sénégal)

Moussa Sagna

Texte intégral

1Les articles qui composent ce numéro du dossier « Université invitée » sont le fruit des travaux de recherche de doctorants, de jeunes docteurs et d’enseignants-chercheurs de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Représentatifs de la diversité des thématiques et axes de recherche développés à l’UCAD, ces articles mettent en évidence deux orientations clés. La première concerne l’altérité et ses représentations littéraires. Elle permet de dépasser les antagonismes en mettant l’accent sur les similitudes entre les pratiques dans l’espace francophone, surtout entre l’ancien colonisateur et les anciennes subalternes. En cela, elle prolonge l’étude de textes canoniques et affine l’examen d’œuvres plus récentes – notamment par le prisme de l’hybridation ou du renversement. La seconde orientation analyse la valorisation des langues africaines et leur introduction dans le cursus scolaire à partir de l’année académique 2016-2017. Elle consiste en un développement des connaissances de langues rares afin d’expliciter – ou de préciser – les mécanismes des langues dans la région.

2La première partie de ce dossier est consacrée à l’analyse de textes francophones et s’intéresse à des auteurs issus d’espaces géographiques différents. Cette diversité, géographique et culturelle, est l’une des particularités de ce champ littéraire que l’on sait en plein essor depuis quelques décennies. Elle donne lieu à une pratique romanesque protéiforme : ces textes diffèrent d’un continent à un autre, d’un pays à un autre, d’un écrivain à un autre. Dans ce cadre, la critique sénégalaise a pour ambition d’examiner les similitudes qui subsistent au sein de cette hétérogénéité, d’en instruire les logiques et les effets à travers des rapprochements de différents types. Ces perspectives sont illustrées par les contributions d’Augustin Coly, de Moussa Sagna, de Bouna Faye et de Fatou Konaté.

3L’article d’Augustin Coly, enseignant-chercheur au département de Lettres modernes, s’attèle à la problématique de la modernité suivant le prisme de l’hybridité. Moussa Sagna, docteur en littérature comparée, s’intéresse pour sa part au « véritable destinataire » du conte dans un contexte mondial marqué par des crises. L’un et l’autre ont en commun de s’attacher à l’examen de la modernité et de la subversion esthétique qui caractérisent les récits francophones. Sont ainsi convoquées des figures majeures de cette littérature : Alain Robbe-Grillet (Nouveau Roman) et Boris Diop (Néo-romanciers africains) dans l’article d’Augustin Coly ; la Comtesse de Ségur et Alain Mabanckou dans celui de Moussa Sagna. Dans un cas, c’est l’évolution stylistique du conte qui est considérée – ce depuis les analyses de Vladimir Propp, Denis Paulme, Claude Bremond. Dans l’autre, c’est l’hybridité générique du roman qui est analysée afin de montrer comment, aussi bien en France que dans les anciennes colonies, ce genre est repensé.

4Les articles de Bouna Faye et de Fatou Konaté sont davantage axés sur l’altérité. Le premier, doctorant inscrit en première année de thèse, s’intéresse à l’orientation et aux visées du roman d’apprentissage tel que Maupassant (dans Bel-Ami) et Abdoulaye Sadji (dans Maïmouna) l’exploitent en vue de cerner la psyché de leurs contemporains. En retraçant l’itinéraire de Georges Duroy et celui de Maïmouna, Bouna Faye esquisse les visions de la ville et de la mondanité chez ces deux écrivains qui ont marqué l’histoire romanesque francophone. En dernière analyse, l’objectif est de montrer l’ascension de l’un et la désillusion de l’autre – de la figure féminine en l’occurrence – au sein d’un espace où la cupidité, l’intérêt et les petits arrangements sévissent.

5Fatou Konaté, doctorante en troisième année, recourt également à ce type de parallélisme. Il permet, en ce cas, d’examiner le regard des autochtones sur les colonisateurs, et inversement. C’est au moyen d’un matériau rhétorique qui prend ses sources dans la tradition orale – celle des populations évoluant dans un espace sous domination occidentale – que « l’autre », autrement dit l’étranger, est représenté. Ce renversement permet à Fatou Konaté de dire combien les premiers contacts entre colons et autochtones constituent un tissu de malentendus et de quiproquos. Ces malentendus et ces quiproquos tiennent, entre autres choses, au fait que chacun part de sa position et de son regard sur le monde pour cerner le comportement de « l’autre ». En dernière instance, la notion d’exotisme est récusée et il est proposé une autre nomenclature qui sied à ces regards.

  • 1 Abdoulaye Kéita, « Renaître dans sa langue : écrire la littérature orale, écrire en langues nationa (...)
  • 2 Mamadou Cissé, « Langues, État et société au Sénégal », Revue électronique internationale de scienc (...)
  • 3 Louis Ndong, « Entre le wolof et le français : le cas de la nouvelle Le Mandat et du film Manda bi (...)
  • 4 Boubacar Boris Diop, « Écrire entre deux langues. De Doomi Golo aux Petits de la Guenon », Repères (...)

6Le deuxième axe de ce dossier relève des études linguistiques. Il est centré sur l’analyse des langues locales et privilégie le parallélisme avec les langues étrangères comme l’espagnol ou l’anglais par exemple. Liées à la promotion des langues africaines qu’a entreprise l’État du Sénégal, ces recherches ont notamment pour objectif d’accompagner les enseignants et les apprenants ; d’où la représentativité des recherches et contributions d’ordre linguistique – dans ce numéro en particulier, et dans les travaux des étudiants en Master et doctorants en général. Parallèlement, des recherches consacrées aux littératures produites dans ces langues sont menées, bien qu’elles n’apparaissent pas dans ce dossier. On pense par exemple à l’article d’Abdoulaye Kéita intitulé « Renaître dans sa langue : écrire la littérature orale, écrire en langues nationales »1, à l’article de Mamadou Cissé, « Langues, État et société au Sénégal »2, à celui de Louis Ndong, « Entre le wolof et le français : le cas de la nouvelle Le Mandat et du film Manda bi »3, et enfin à la contribution de Boubacar Boris Diop, écrivain et figure majeure dans la production d’œuvres dans les langues africaines du Sénégal, intitulée « Écrire entre deux langues. De Doomi Golo aux Petits de la Guenon »4, et qui apportent un solide éclairage en la matière. C’est dans ce sillage que s’inscrivent les contributions de ce dossier. L’examen de ces langues qui peinent à être connues à l’extérieur du pays occupe une place de premier ordre dans les contributions de Dame Ndao et Abdou Khadre Bop d’une part, et celle de Jean Christophe Faye d’autre part.

7Dame Ndao, assistant au département de linguistique, et Abdou Khadre Bop, doctorant à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Éducation et de la Formation, ont par exemple comparé les formes de courtoisie verbales et comportementales en wolof et en espagnol. Cette perspective est intéressante dans la mesure où réside, en Espagne, une forte communauté sénégalaise mais qu’aucun lien historique antérieur n’existe entre ces deux pays – ce qui rend le rapprochement opéré dans cette étude d’autant plus intéressant, notamment en ce qui concerne les similitudes observées dans l’expression de la courtoisie. Formellement, l’examen fondé sur la compétence communicative s’appuie sur la dimension relationnelle pour dégager des régularités ou similitudes dans les comportements des locuteurs hispanophones et wolophones. En dernière instance, les stratégies discursives et les contextes dont elles relèvent sont mises en relief.

8L’article du doctorant Jean Christophe Faye s’inscrit dans une dynamique semblable. Dans son étude titrée « A Comparative Study between English and Seereer Siin : the case of the quantifier MANY in English and MAYU in Seereer », deux langues qui, à première vue, tout oppose, sont mises en regard : l’anglais et le seereer. En cherchant à analyser les modalités des termes « Mayu » et « Many », ce doctorant dont le travail de thèse est centré sur les échos entre le seereer et l’anglais, fait état des ressemblances et parallèles entre ces langues et/ou ces parlers quand l’un(e) est donc occidental(e) et l’autre africain(e). L’analyse consacrée aux similitudes entre deux locutions inhérentes à des langues éloignées (sur le plan géographique et linguistique) constitue l’originalité de cette recherche visant à affiner la connaissance – ou à prolonger l’examen – de codes linguistiques non apparentés.

9Les différentes contributions qui composent ce numéro mettent en évidence quelques-unes des recherches qui sont actuellement menées dans les laboratoires de ‘Littérature française, francophone comparée et art du spectacle’ et de ‘Sociolinguistique Linguistique et Didactique des Langues en Afrique’ (SOLDILAF) rattachés à l’École doctorale ‘Arts, Cultures et Civilisations’ (ARCIV) de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Il faut par ailleurs souligner que l’enseignement de la littérature comparée à l’Université Cheikh Anta Diop, et à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines en particulier, a débuté avec les coopérants français au tournant des années 1970. C’est ainsi qu’un certificat de spécialisation en littérature comparée a été créé, permettant ainsi la soutenance de travaux de maîtrise et de DEA au département de Lettres Modernes, mais également des thèses de doctorat comme par exemple les travaux de Bakary Sarr, « Imaginaire de l’insolite et problématique identitaire dans les lettres belges francophones » et de Abdoulaye Ndiaye, « Le roman célibataire ».

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Notes

1 Abdoulaye Kéita, « Renaître dans sa langue : écrire la littérature orale, écrire en langues nationales »Éthiopiques, n°92, 1er semestre 2014, article disponible également sur www.ethiopiques.refer.sn

2 Mamadou Cissé, « Langues, État et société au Sénégal », Revue électronique internationale de sciences du langage sudlangues, n°5, http://www.sudlangues.sn

3 Louis Ndong, « Entre le wolof et le français : le cas de la nouvelle Le Mandat et du film Manda bi », Études littéraires africaines, n°30, 2010, pp. 33-45.

4 Boubacar Boris Diop, « Écrire entre deux langues. De Doomi Golo aux Petits de la Guenon », Repères Dorif, n°2, Voix/voies excentriques : la langue française face à l’altérité, volet n° 1, novembre 2012, Les francophonies et francographies africaines face à la référence culturelle française, article disponible sur http://www.dorif.it/ezine/ezine_articles.php?id=40

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Pour citer cet article

Référence électronique

Moussa Sagna, « Présentation de l'UCAD de Dakar (Sénégal) »TRANS- [En ligne], 20 | 2016, mis en ligne le 27 octobre 2016, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trans/1393 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trans.1393

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