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La littérature comparée à Santiago du Chili

Fernando Pérez Villalón et Felipe Cussen
Traduction de Laure Gauzé

Texte intégral

1Il existe actuellement à Santiago du Chili un grand intérêt pour les débats et les recherches liés au domaine toujours changeant des études de littérature comparée, grâce auquel plusieurs chercheurs ont établi un dialogue fructueux, soit pour dépasser les frontières de la littérature nationale et explorer des domaines linguistiques différents du castillan, soit pour tenter des approches interdisciplinaires ou pour questionner de vastes problèmes théoriques. Dans ce dossier, nous avons réuni un ensemble de textes qui nous semblent représentatifs de ces orientations actuelles du travail intellectuel. Pourtant, dans les programmes des universités chiliennes, la littérature comparée possède une présence institutionnelle réduite. Il n’existe aucun département de littérature comparée en tant que tel et c’est à peine si l’on trouve quelques centres et quelques programmes de recherche dans ce domaine. C’est pourquoi, il nous a semblé que, pour ce numéro, il était plus approprié de ne pas centrer le dossier sur une seule institution, mais plutôt d’inviter des chercheurs de différentes universités pour qu’ils travaillent dans une optique comparatiste.

2Nous avons par ailleurs décidé de donner une orientation thématique au dossier en nous centrant sur un type de travail qui a pris de la force et de l’ampleur: l’étude des relations entre la littérature et d’autres disciplines et pratiques artistiques –de manière plus manifeste, les arts visuels et le cinéma, mais également, et avec un intérêt croissant, les domaines de la musique et du son. Tel est l’axe que nous avons privilégié pour le présent dossier, dans lequel nous avons convié aussi bien des chercheurs titulaires du doctorat, que des universitaires en fin de doctorat qui enseignent et font leurs recherches dans différentes institutions de Santiago du Chili. Leurs regards, comme on pourra le constater, s’attachent non seulement à la combinaison de différents medias, mais aussi au dialogue entre différents contextes culturels contemporains. Il s’agit d’un ensemble de textes divers de par leurs thématiques, approches, objets et tonalités (qui vont de la publication académique spécialisée à un registre proche de l’essai critique ou littéraire) : il nous semble en effet important de mettre en avant cette variété de modes de travail et d’écriture, afin de présenter le caractère pluriel des débats universitaires et intellectuels actuels à Santiago, incluant les nombreuses discussions récentes autour des frontières entre l’écriture académique, l’écriture critique et l’écriture créative.

  • 1 Dans la tradition populaire chilienne, l’imbunche est un être maléfique et difforme qui a le visage (...)

3Valeria de los Ríos explore la présence de la photographie dans l’écriture hybride de Mario Bellatin, interprétant son inclusion ou la référence à celle-ci comme étant motivée moins par son caractère de document que par sa capacité potentielle à produire des relations inattendues entre sujets et circonstances. Rodrigo Cordero Cortés s’intéresse, dans la perspective des relations entre texte et image, au livre La inquietante extrañez de Cecilia Echeverría et Armando Uribe, où coexistent des collages et poèmes des deux auteurs, et pose la notion de sinistre et l’image de l’imbunche1 comme des clés de compréhension de la représentation de la violence politique dans le contexte de la dictature et de la post-dictature chiliennes. Jorge Polanco Salinas, lui, part des difficultés que pose au lecteur l’œuvre du poète Juan Luis Martínez pour proposer, contre les habituelles approches de nature herméneutique, une lecture “manquée” de La nueva novela.

4Pablo Chiuminatto et Rodrigo del Río proposent un parallèle entre les écrivains Benjamín Subercaseaux et Ignacio Balcells à partir de leurs conceptions du paysage chilien centrées sur la contemplation de la mer. Marcela Labraña Cortés examine le sens des pages noires inclues dans Tristram Shandy de l’auteur anglais Laurence Sterne à partir de deux de leurs possibles sources: les pages de deuil du siècle antérieur – certaines ayant des textes blancs sur fond noir, d’autres étant entièrement noires –, et le livre Utris Cosmi, Maioris scilicet et Minoris Metaphysica, Physica atque Technica Historia, un traité sur le macro et le microcosmos de Robert Fludd. Macarena García Moggia, quant à elle, met en relation trois films de la cinéaste chilienne Valeria Sarmiento et étudie leurs opérations narratives et formelles autour du genre du mélodrame.

5Fernando Pérez Villalón explore la résistance à la musicalité dans l’œuvre de João Cabral de Melo Neto, en l’abordant à partir des versions orales enregistrées par l’auteur lui-même et par d’autres interprètes de sa poésie. Felipe Cussen, pour sa part, établit un parallèle entre les conceptions de la répétition chez le poète chilien Gonzalo Millán et le poète sonore allemand Dirk Huelstrunk, formulant des liens possibles entre leurs œuvres et la tradition poétique ainsi qu’avec les arts visuels, la musique minimaliste, et plus spécialement avec la musique électronique. Enfin, Betina Keizman commente la manière selon laquelle la performance “Campo de mayo” de l’écrivain argentin Félix Bruzzone nous oblige à relativiser les catégories habituelles d’autofiguration et de référentialité.

6Cet aperçu d’articles qui mettent en relation la littérature dans ses divers genres, supports et facettes avec le visuel et le son, est seulement un exemple des divers travaux qui se réalisent actuellement dans le domaine de la littérature comparée à Santiago du Chili. Comme on pourra l’observer, il y a un intérêt prédominant pour les œuvres qui combinent différentes dimensions ainsi que pour celles au caractère hybride, qui ne répondent pas forcément à une seule tradition. Nous croyons, cependant, que l’apport de ce regard ne se limite pas aux possibilités d’analyses de ces auteurs en particulier, mais qu’il oblige à remettre en question les habitudes interprétatives et les catégories théoriques que nous utilisons pour d’autres formes littéraires.

7Nous tenons enfin à remercier les éditeurs de Trans– pour cette invitation, ainsi que les auteurs qui ont participé à ce dossier, qui – nous l’espérons – pourra contribuer au débat sur ces problématiques et ces contextes.

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Notes

1 Dans la tradition populaire chilienne, l’imbunche est un être maléfique et difforme qui a le visage tourné vers le dos et se tient sur une jambe, l’autre jambe étant fixée à sa nuque. (Note de la traductrice)

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fernando Pérez Villalón et Felipe Cussen, « La littérature comparée à Santiago du Chili »TRANS- [En ligne], 19 | 2015, mis en ligne le 01 décembre 2015, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trans/1204 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trans.1204

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