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Perspectives

De Berlin à Paris en passant par Marseille

Tucholsky, médiateur méconnu et ambivalent
Anne Schwarz

Résumés

Lors de son séjour à Paris, 1924-1929, le journaliste Kurt Tucholsky entreprend dans ses articles de faire un portait de la France et des Français, afin de déconstruire les stéréotypes de ses compatriotes dans une visée pacifiste. L’emploi du concept de médiateur paraît pertinent à l’égard de ce projet aux dimensions à la fois journalistiques, littéraires et politiques. Nous étudierons à travers une série de trois articles sur Marseille les modalités et ambivalences de cette démarche qui associe sans cesse considérations sur la France et sur l’Allemagne.

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Texte intégral

1Souvent réduit à la figure du chroniqueur lucide, satirique ou bien polémiste de la République de Weimar, Kurt Tucholsky a tenu un rôle plus interculturel qu’il n’a été dit. Le journaliste berlinois a en effet vécu à Paris comme correspondant étranger de 1924 à 1929. Bien que peu étudiée, cette période a pourtant eu un impact significatif sur son œuvre. Il y a développé un nouveau type d’article que nous qualifierons de chroniques franco-allemandes. Chroniques en cela qu’elles relèvent d’un genre hybride, à la croisée du journalisme et de la littérature, où se mêlent souci de l’actualité et expérience subjective, saisie de l’instantané et réflexion critique sur l’époque. À ces dimensions déjà présentes sous sa plume s’ajoute un sujet nouveau : « l’ennemi héréditaire ». Pendant ses années parisiennes, Tucholsky va écrire sur la France et les Français, à destination d’un lectorat allemand, tout en confrontant sans cesse les réalités des deux sociétés, analysant l’une à l’aune de l’autre. Franco-allemandes ces chroniques le sont par leur thématique, ainsi que par la vision idéologique qui les sous-tend. De Paris, Tucholsky poursuit son combat pour la paix, mais en changeant de stratégie. Il ne s’agit plus uniquement de dénoncer les horreurs de la Première Guerre mondiale, la responsabilité des milieux politiques et économiques ou encore du nationalisme et du militarisme dans le déclenchement du conflit… Le journaliste place désormais cette lutte sous les auspices du rapprochement entre la France et l’Allemagne. Partant du constat que les deux peuples se connaissent mal et que cette méconnaissance est dangereuse, surtout lorsqu’elle se double de préjugés et du ressenti des vaincus, il entend déconstruire les images fausses de ses compatriotes et leur prouver in fine que leur voisin n’est pas une menace.

  • 1 Sur les relations développées par Tucholsky en France avec la franc-maçonnerie et d’autres cercles (...)
  • 2 Nicole Colin, Patrick Farges, Fritz Taubert soulignent que les acteurs de l’amitié franco-allemande (...)
  • 3 Les médiateurs peuvent, en raison de leur position conciliatrice, se voir reprocher leur manque de (...)

2Notre propos est de démontrer en quoi Tucholsky s’inscrit pleinement dans la longue lignée des médiateurs franco-allemands, bien qu’il ne soit pas présenté comme tel par la recherche. Par plusieurs aspects il s’inscrit pourtant dans ce cadre-là. Il répond par exemple aux trois critères de Katja Marmetschke (Marmetschke, 2011 : 183-197), à savoir agir dans un contexte politique de fortes tensions entre deux pays, être issu de la société civile et œuvrer au cours de sa vie par différents biais au rapprochement entre deux pays. Nous avons choisi de nous intéresser à la production écrite de Tucholsky, néanmoins nous rappelons que lors de son séjour en France, celui-ci s’adresse également aux Français par le biais de prises de paroles dans des loges maçonniques notamment. Il y explique son pays et plaide pour un rapprochement franco-allemand1. En cela, il sort d’un simple rôle de journaliste et sa médiation est donc à double sens. Parmi les autres caractéristiques qui l’inscrivent dans cette dynamique, nous pouvons également citer son discours pro-européen2 à la fin des années 1920 (King, 2001 : 164-172). Enfin, du fait de ses prises de positions sur la France et de son installation à Paris, Tucholsky est accusé d’être un traître à sa patrie3.

  • 4 Tucholsky publie « Windrose » le 18.11.1924 (Tucholsky, 1993a) pour Die Weltbühne, « Marseille » po (...)

3Nous nous proposons de mettre en valeur cette médiation franco-allemande oubliée à travers trois articles sur Marseille restés quelque peu confidentiels à la différence des textes parisiens dont certains ont été traduits récemment4. Ils reflètent une conception de la découverte du pays étranger, fondée sur la flânerie et les lectures et restituée sous forme de « feuilleton ». Ils sont également emblématiques de la stratégie d’écriture de Tucholsky en France, reposant sur les trois outils principaux que sont l’intertextualité, l’emploi de la langue de Molière et la comparaison France-Allemagne. Nous nous attacherons par ailleurs à mettre en évidence les ambivalences de cette médiation, dimension tout aussi caractéristique des articles écrits durant la période 1924-1929.

Des feuilletons plus politiques qu’il n’y paraît

4Marseille est l’une des rares villes, hormis Paris, à qui Tucholsky consacre plusieurs articles. La cité phocéenne semble en effet le fasciner par ses identités et sa symbolique multiples.

  • 5 « Paris, mine d’or, car tant de matière à feuilleton » (Traduction des textes de Tucholsky : A. Sch (...)

5Ville portuaire donc ville-frontière, marquant la séparation, mais aussi ville du voyage associée à l’évasion et au plaisir, ville française et étrangère par son lien avec les colonies, Marseille incarne une dichotomie centrale dans les chroniques franco-allemandes : le rapport entre identité et altérité. Cette ville étonne aussi le journaliste par sa physionomie singulière, dont il souligne les contradictions : belle du fait de son emplacement géographique entre mer et collines, mais également inquiétante par son urbanisation anarchique, mélange de pierres anciennes et de constructions modernistes. Tous ces attributs concourent à en faire un sujet idéal. « [S]o viel Feuilletonstoff ! » (Tucholsky, 2005 : 466)5. On serait tenté de reprendre cette formule enthousiaste que Tucholsky emploie dans une lettre à sa femme lors de son arrivée à Paris.

6Ces récits sur Marseille peuvent tous trois être qualifiés de feuilleton, même s’ils présentent des différences. Ce genre journalistique hybride que l’on trouve dans les pages culturelles des journaux s’est institutionnalisé en Allemagne vers le milieu du 19e siècle environ. Il emprunte certains codes (narratifs, stylistiques…) à la littérature, tout en se rapprochant par d’autres aspects (brièveté du texte, sujet souvent ancré dans le quotidien, pouvant prendre la forme d’une enquête…) du journalisme. Il se doit d’instruire tout en distrayant par un propos léger et élégant (Knopper, 2017).

  • 6 Il revendique l’efficacité du feuilleton notamment dans l’article de 1927 « Was weiβ der Franzose v (...)

7Tucholsky emploie fréquemment ce format, afin de composer son portrait de la France. Il le considère comme plus à même de susciter l’intérêt de ses lecteurs et de les renseigner qu’un article purement factuel ou relatif à la politique, propre au contraire à les rebuter6.

8Dans la cité phocéenne, comme dans les rues de Paris, Tucholsky associe le feuilleton à la flânerie et il se met en scène dans ses promenades urbaines. Cette notion, héritée de Baudelaire, codifiée ultérieurement par Walter Benjamin dans Paris, capitale du XIXe siècle, est entendue ici comme la pratique de celui qui à travers ses promenades souhaite interpréter le spectacle de la ville dans toutes ses dimensions. Ainsi, le journaliste propose dans l’article « Marseille », une pérégrination pédestre de la gare St Charles, son point d’arrivée, au centre-ville. Il décrit à la fois la vie dans la rue et les principales attractions touristiques qu’il découvre : la Cannebière, le Vieux-Port, Notre-Dame de la Garde, le château d’If, l’Estaque, l’Alcazar… Dans le deuxième article de 1924, « Windrose », la flânerie n’est plus physique, mais visuelle et imaginaire. Le journaliste se trouve en hauteur, sur le pont transbordeur qui relie les deux rives du Vieux-Port. Il observe la table d’orientation et scrute l’horizon, se représentant ce qu’il se passe dans les différentes villes indiquées par la rose des vents. Dans le dernier texte, il varie encore la perspective. La flânerie est maritime, le journaliste raconte sa sortie en mer à la découverte de l’île du château d’If et de sa prison. À première vue, ces articles ne semblent pas bien subversifs. Et pourtant…

  • 7 Barbara Thériault (Thériault, 2017) voit dans le feuilleton weimarien une forme hybride entre socio (...)
  • 8 Selon Anton Austermann une dimension pédagogique caractérise l’ensemble des publications de Tuchols (...)

9Lorsque Tucholsky flâne, il n’a ni un projet littéraire en tête à la Baudelaire, Mercier, ou Hessel, ni un projet de réflexion sur la modernité comme Benjamin ou Kracauer, autres représentants célèbres de la tradition du flâneur. Tucholsky souhaite, par l’observation directe, « dire la vérité » sur son pays hôte pour reprendre une formule qui constitue un leitmotiv dans ses écrits. Ses articles se veulent des miroirs de la société française et relèvent en cela d’une vision sociologique du feuilleton7. Or cette sociologie est très politique en réalité. Au-delà de la dédiabolisation de la France, Tucholsky aspire à un changement global des mentalités en Allemagne qui permette l’avènement d’une société plus apaisée politiquement et socialement. C’est à cette fin qu’il entend éduquer son lecteur, en faisant de lui un être critique de l’information qui lui est délivrée, cette dimension n’étant pas propre à la période française, mais constituant un véritable fil rouge de l’œuvre8. Le journaliste attend du lecteur qu’il joue un rôle actif. Dans la série d’articles sur Marseille, cette volonté est manifeste. L’emploi d’un intertexte et de mots français, ainsi que la comparaison entre les deux pays rivaux constituent la clé de voute de cette stratégie.

Des références françaises au service d’une réception active

10L’intertextualité est particulièrement présente dans l’article intitulé « Marseille » qui débute par une citation :

  • 9 « (…) quand tout cela sera fini, si nous sommes sur le quai de Marseille le jour où le capitaine Ét (...)

« Wenn das hier mal alles vorbei sein wird« , sagt einer der in Nordafrika gequälten französischen Strafgefangenen, die Albert Londres jetzt geschildert hat, »wenn das hier mal alles vorbei ist, und wenn wir erst wieder in Marseille auf dem Kai stehen, und wenn dann der Hauptmann Etienne und der Sergeant Flandrin mit dem Schiff ankommen, um ihre Mutter zu besuchen – dann tragen wir ihnen das Gepäck gratis und franko bis an den Bahnhof Saint-Charles ! Was, Jungens ? » – (Tucholsky, 1993b : 192)9.

  • 10 « Et l’on rêve. »
  • 11 Marmetschke a souligné la nécessaire indépendance dont doit faire preuve le médiateur à l’égard du (...)

11Le journaliste mentionne l’auteur de cette phrase, Albert Londres, mais sans le présenter, ni préciser l’ouvrage dont elle est extraite. Tucholsky procède souvent ainsi. Il entend susciter la curiosité de ses lecteurs et les inciter à rechercher la référence. Au-delà de la question de la source, le contenu de cette citation surprend également. Cet extrait provient de Dante n’avait rien vu, un récit de 1924 sur un pénitencier en Afrique du nord dont Londres dénonce l’horreur. Le prisonnier qui s’y exprime évoque deux gardiens qui traitent les détenus de manière humaine et font exception dans cet univers carcéral. A priori, cette citation n’a aucun rapport avec le portrait de Marseille, hormis le fait que le récit débute à la gare St Charles. Cet intertexte offre cependant plus qu’une amorce pour la narration. Tucholsky est en effet sensible à la question de l’enfermement et du traitement réservé aux prisonniers, que ce soit en France ou en Allemagne, comme en témoignent nombre de ses articles. Ce préambule laisse entrevoir ce que la situation dans les geôles de la République peut avoir de révoltant. Cette noirceur cachée sur l’autre rive de la Méditerranée, vient contre-balancer l’éblouissement que produit sur le journaliste la découverte de Marseille et qu’il exprime par la répétition de la phrase : « so träumt man » (Tucholsky, 1993b : 192)10. Il prouve ainsi qu’il n’idéalise pas son pays hôte. La mise en exergue des contradictions françaises relève de la tactique du médiateur, soucieux d’afficher son indépendance d’esprit à l’égard de la France et ainsi sa crédibilité vis-à-vis de son lectorat11. Nous pouvons objecter que cette technique d’une intertextualité non explicite peut paraître pertinente lorsque Tucholsky renvoie à des auteurs germanophones et donc à une culture supposément commune. Il est en revanche moins évident que son lecteur fasse l’effort de se familiariser avec une œuvre étrangère même célèbre. Par conséquent, il ne percevra pas nécessairement la critique dirigée contre la France derrière l’hypotexte.

  • 12 « En 1901 un écrivain voyageur comme André Hallays pouvait encore parler de l’« oisiveté turbulente (...)

12À peine démarrée, la balade dans Marseille est de nouveau interrompue par la voix d’un autre écrivain français : « Noch im Jahre 1901 konnte ein französischer Reiseschriftsteller, André Hallays, von dem “turbulenten Nichtstun” in Marseille sprechen – das ist anders geworden » (Tucholsky, 1993b : 192)12. André Hallays est l’auteur d’une chronique hebdomadaire au Journal des débats, intitulée « En flânant » et qui se présente comme des notes de promenade à travers les hauts lieux de France et d’Europe. On peut faire le parallèle entre sa méthode de travail et celle de Tucholsky. Celui-ci va toutefois corriger le propos d’Hallays. Il s’attendait à une certaine image de la ville, très animée et colorée du fait de son ouverture sur la Méditerranée. Certes il y voit des soldats des colonies, mais dans un tramway électrique. La cité phocéenne s’est modernisée depuis le passage d’Hallays et de ce fait elle ressemble à d’autres métropoles.

  • 13 Dans son récit de voyage Ein Pyrenäenbuch paru en 1927, comme dans ses articles ayant pour thème le (...)
  • 14 « Lasst alle Völker unter gleichem Himmel / Sich gleicher Gabe wohlgemut erfreun ! » (Hallays, 1899 (...)

13Cette nouvelle référence ne sert pas seulement à s’approprier le récit de la ville en réactualisant ce qui en a été dit, l’une des fonctions de l’intertextualité dans les récits de voyage13. Elle permet en outre au lecteur qui ferait quelques recherches de découvrir un auteur français contemporain et germanophile. Hallays a en effet écrit sur plusieurs villes allemandes. Il s’est ainsi rendu à Weimar sur les traces de Goethe, auquel il se réfère à plusieurs reprises au cours de ce périple et qu’il cite dans sa langue en préambule de son article « De l’influence des littératures étrangères »14. Il y dénonce la montée du nationalisme et plaide pour qu’advienne une « âme européenne » et une « solidarité internationale » (Hallays, 1899 : 29) dont l’art étranger serait le meilleur vecteur. Les idées d’Hallays sont donc tout à fait en accord avec celles du médiateur franco-allemand et européen convaincu qu’est Tucholsky. Mais, encore faut-il vouloir réaliser des recherches sur cet auteur pour s’en rendre compte, en avoir le temps et les ressources nécessaires. Aujourd’hui, à l’heure d’internet et de la numérisation de nombreuses œuvres artistiques, rien n’est plus simple, mais à l’époque de Tucholsky la tâche est autrement plus ardue. On peut donc se poser la question des limites d’une telle méthode.

14Nous ne nous attarderons pas sur l’emploi du français dans cette trilogie marseillaise. Il n’est d’une part, pas aussi marqué que dans d’autres articles des chroniques, et surtout, il relève de la même logique que l’intertextualité. Ainsi lorsque Tucholsky insère ce commentaire sarcastique du guide touristique sur les cellules du château d’If, « bien aërés et avec vue sur la mer » (Tucholsky, 1993c : 24), il peut irriter un lecteur qui ne comprend pas le français et qui, ne percevant pas ce qui fait le sel de cette remarque, pourra considérer le choix de ne pas la traduire comme un signe d’élitisme et de francophilie. Or, un médiateur encourt le risque de déplaire à trop afficher sa préférence pour la nation étrangère.

15Ailleurs, le journaliste recourt au français de façon plus explicite :

  • 15 « Dans la grande salle des glaces de l’Alcazar, la plus grande scène de variétés de la ville, les g (...)

« In dem großen Spiegelsaal des Alcazar, dem größten Varieté der Stadt, drängen sich die Leute. […] Was Paris abgibt für die Provinztournee, feiert hier Triumphe […] Nachahmer der göttlichen Fratellinis und Marie Valente, eine Italienerin, die alles kann und alle hinreißt : sie tanzt, spielt sämtliche Instrumente, meckert und wirbelt über die Bühne, und ein Sturm erhebt sich, als sie abhüpft – “Bis ! Bis !” – » (Tucholsky, 1993b : 194)15.

16Dans le cas présent, ce multilinguisme fonctionne plus facilement et contribue à familiariser le lecteur avec la culture du pays étranger, tout en conférant au texte une couleur locale, un gage d’authenticité nécessaire à tout récit de voyage. On peut observer de façon générale que la médiation est plus opérante lorsque la référence étrangère est transparente.

La comparaison, moteur d’un portrait…. de l’Allemagne

  • 16 « “ Monsieur Panter ! C’est pour constater une ressemblance avec Görlitz que vous vous rendez à Mar (...)

17Comparer les deux sociétés est le procédé le plus fréquent dans cette série, comme dans l’ensemble des chroniques franco-allemandes. La promenade à travers le centre-ville de Marseille en donne la meilleure illustration. Tout d’abord, l’arc de triomphe croisé en quittant la gare est mis sur le même plan que les monuments à Schiller en Allemagne. L’animation qui règne dans la rue serait comparable à celle que l’on trouve à Görlitz. Le Vieux-Port semble plus petit que lac Alster à Hambourg. Ces trois occurrences servent à donner des points de repère visuels aux lecteurs et à prouver, par ailleurs, que la France n’est pas si différente de l’Allemagne, que ce soit ici dans l’activité d’une ville ou dans son urbanisme. L’altérité est ainsi rendue familière par ce procédé. Telle est aussi la justification du dialogue fictif entre le journaliste et un de ses lecteurs : « “ Herr Panter ! Dazu fahren Sie nach Marseille, um eine Ähnlichkeit mit Görlitz festzustellen ? ” – “ Lieber Freund, Sie ahnen gar nicht, wie sich die Welt überall gleicht ! ” » (Tucholsky, 1993b : 192)16. L’opposition entre « nous et les autres » (Todorov, 1989) traduisant la dualité identité-altérité, est ainsi niée.

  • 17 Voir notamment l’article « Auslandsberichte » (Tucholsky, 1993e : 119)

18Toutefois, la comparaison introduit très souvent des propos bien plus politiques et incisifs. Ainsi dans l’article « Windrose » lorsque Tucholsky observe l’horizon depuis la table d’orientation du pont transbordeur, il pense au journaliste La Fouchardière en train d’écrire à Paris son article quotidien sur le scandale du moment. L’esclandre sera selon lui bien vite oublié en France, alors qu’un correspondant allemand le montera en épingle pour en faire un gros titre. Cette remarque rejoint sa critique des correspondants étrangers, en particulier ceux d’Allemagne, qui déforment dangereusement la réalité à force de ne s’intéresser qu’aux faits-divers17. La mauvaise disposition de Tucholsky envers son propre pays se lit également dans le fait qu’il se refuse à imaginer ce qu’il se passe à Berlin, comme il l’a fait pour les autres capitales indiquées par la rose des vents. Alors que le journaliste a consacré quelques lignes à Constantinople, Berne, Londres et Paris pour mettre en valeur leur spécificité culturelle, mais aussi leur modernité commune symbolisée par le motif récurrent du tramway électrique, lorsqu’il aperçoit finalement le nom de sa ville natale, il s’en détourne :

« So suche ich den ganzen Horizont ab, da oben auf meiner Brücke. Und während vom Mittelländischen Ozean her der Wind in meinen Locken spielt, entdecke ich an einer Stelle der Windrose etwas, einen Namen, zwei kleine Silben, nicht ausgekratzt, wahrhaftig unversehrt, klar und deutlich.

  • 18 « C’est ainsi que je scrute tout l’horizon, là-haut, sur mon pont. Et pendant que le vent de la Méd (...)

19Berlin. Sehnsüchtig wende ich mich ab und zeige ihr eine ganze volle Kehrseite » (Tucholsky, 1993a : 512)18.

20Par ce geste symbolique, il signifie son désaccord avec sa société d’origine, même si dans le même temps il avoue sa nostalgie. Tucholsky ne cache pas ses sentiments dans ses articles et cela participe également de son ambivalence en tant que médiateur. Il défend un projet politique mais s’appuie parfois, non pas sur des analyses, mais sur du pur ressenti, ce qui peut nuire à sa crédibilité.

  • 19 « Ici se trouve la cour. En Allemagne Hölz est détenu. »

21Le ton peut aussi se faire plus ouvertement accusatoire. Dans « Vierzehn Käfige und einer », la justice allemande et le chef de l’État sont pris pour cible. Au départ, le récit se veut informatif, le journaliste décrit sa visite de l’ancienne prison du Château d’if. Avant le retour à terre, le journaliste regarde une dernière fois la cour de la prison et il dit penser à un détenu allemand, dont le nom est d’abord tu. Il dépeint longuement les conditions strictes de son enfermement, leurs effets sur sa santé mentale, de même que le comportement méprisant des juges à son égard lors de sa condamnation. Avant de révéler son nom pour les lecteurs qui n’auraient pas encore deviné – car tel est bien le but de cet effet de retardement : susciter la curiosité et la réflexion – Tucholsky poursuit le parallèle entre cette cour au sinistre passé et les prisons allemandes contemporaines. « Hier liegt der Hof. Zu Hause sitzt Hölz » (Tucholsky, 1993c : 26)19. Cette comparaison sert à mettre en évidence une opposition temporelle : l’inhumaine et arbitraire détention d’opposants politiques est révolue en France, alors qu’en Allemagne elle perdure. L’adieu du journaliste à l’île accentue encore cette différence :

  • 20 « Le navire s’ébranle du rivage gris. L’île reste en arrière, en mer, tel un animal au repos, pétri (...)

« Das Schiff stößt ab von dem grauen Gestade. Die Insel bleibt im Meer zurück wie ein versteinertes ruhendes Tier. Auf ihr haben Menschen gelitten. Sie leiden bei uns – gequält, verfolgt, verdammt. Unter François dem Ersten fing es hier an. Unter Friedrich dem Ersten sitzen in der deutschen Republik über siebentausend Kommunisten : Hölz an ihrer Spitze. Leb wohl, Château d'If. Was du konntest, können wir schon lange » (Tucholsky, 1993c : 26)20.

22Friedrich Ebert, président de la République de Weimar est caricaturé comme monarque par sa dénomination en Friedrich 1er et par le parallélisme avec François 1er. La critique atteint ici son paroxysme, faisant de la république allemande un régime anachronique et dictatorial en raison de sa justice politique. Cette dernière comparaison antithétique est assez symptomatique d’une médiation qui peut être par moment très clairement défavorable à l’Allemagne. Alexis Tautou parle de « recherche consciente du scandale [qui] ressemble au mode opératoire de la satire elle-même » (Tautou, 2010 : 20).

23De fait, la satire ridiculise son objet, qu’il s’agisse d’une société ou d’une personne, elle souligne ses travers pour y opposer une norme autre. Elle possède une dimension moralisatrice et militante qui peut se traduire par une forme de rigidité dans l’expression d’un point de vue. La satire oppose sans réconciliation possible. Or cette radicalité peut être contreproductive pour l’objet de la critique comme pour le satiriste (Schoentjes, 2001 : 219) qui s’attire ainsi des inimitiés durables. Toutes les chroniques ne relèvent pas de la satire, mais l’esprit des comparaisons est assez analogue.

24Dans cette série marseillaise se dessine une tendance que l’on retrouve de manière encore plus exacerbée dans d’autres articles de la période parisienne, celle de noircir le trait lorsqu’il s’agit de l’Allemagne et d’enjoliver le portrait du voisin présenté souvent comme un modèle à suivre, voire comme un « paradis des petites gens » (Götze, 1996). En dépit du fait que Tucholsky s’est fait un devoir de déconstruire les idées préconçues de ses compatriotes, il relaiera lui-même des stéréotypes que nous ne développerons pas ici car tel n’est pas l’objet de l’article. Il n’est d’ailleurs pas le seul médiateur à être tombé dans cet écueil qui tient, d’une part, à la difficulté de définir le caractère d’un peuple sans l’essentialiser et, d’autre part, à la volonté même de réconciliation. Il suffit pour s’en convaincre de penser aux textes clés de la médiation franco-allemande qui forment un réseau, se répondent, mais se contredisent aussi : De l’Allemagne de la femme de lettres Madame de Staël, De l’Allemagne de l’écrivain Heinrich Heine, Gott in Frankreich ? du journaliste Friedrich Sieburg, Die Französische Kultur du romaniste Ernst Robert Curtius, Incertitudes Allemandes du germaniste Pierre Viénot.

25Le médiateur peut en effet choisir de composer une image de l’autre qui serve son projet, quitte à sciemment déformer la réalité. En cela, Tucholsky se rapproche de Heine. Outre les similitudes biographiques, il existe de nombreux parallèles dans leur œuvre, tant sur le fond que sur la forme. Tous deux peignent un portrait de la France qui sert de miroir aux lecteurs allemands. Ils ne se contentent pas de décrire de façon impersonnelle et objective, ils prennent au contraire position et se mettent en avant dans leur récit. Ils pratiquent l’humour et la critique, ne cachent pas leur sentiment d’amour-haine à l’égard de leur patrie, ils confrontent sans cesse la teutomanie et le retard politique de leur propre pays, à l’image d’une France progressiste, digne héritière des idéaux de la Révolution française.

  • 21 Tucholsky travaille à Paris pour deux journaux importants de l’époque, mais le paysage médiatique d (...)

26Pour ce qui est de Tucholsky, cette dimension fortement personnelle, la critique virulente de l’Allemagne, la publication dans des journaux à la diffusion limitée21, ainsi que son absence de notoriété en France expliquent sans doute l’échec de sa médiation.

27L’enjeu de cette étude était de lever le voile sur un pan de l’œuvre de Tucholsky jusqu’ici trop peu connu et plus particulièrement sur son action en faveur d’un rapprochement franco-allemand. Telle est l’une des missions que s’est assignée la recherche sur la médiation : éclairer le parcours de celles et ceux dont l’Histoire n’a pas retenu l’engagement.

  • 1

28Nous avons analysé quelques-unes des ambivalences, pour ne pas dire des failles de cette médiation. Par cet aspect également Tucholsky s’inscrit dans la tradition des médiateurs franco-allemands dont le beau récit mis en avant cache en réalité des tensions, des incompréhensions et des échecs. De fait, il n’est pas pertinent de parler de « vrai » ou « faux »22 médiateur, tant la diversité des pratiques résiste à toute définition d’une norme.

29Quel que soit le succès qu’il rencontre, le médiateur opère un transfert culturel, en sélectionnant certains éléments, qu’il médiatise, transforme et intègre dans une autre sphère culturelle (Espagne, 1999). Sans doute peut-on y voir l’un de ses mérites premiers. En se faisant ainsi le médium d’un peuple à l’autre, il permet de penser la diversité humaine au-delà des nationalismes et de toute forme d’ethnocentrisme.

30Nous rappellerons que Tucholsky appelait de ses vœux le développement de l’apprentissage de la langue du voisin et des échanges de jeunes, deux mesures sur lesquelles se sont bâties l’Europe et l’amitié franco-allemande après 1945. Il a cru avant l’heure, à une époque où le rapprochement entre la France et l’Allemagne n’allait pas de soi, en une responsabilité transnationale qui assure la paix et la démocratie. Sur ces points son discours de médiateur aura été assurément novateur et perspicace.

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Tucholsky, Kurt (1993c, 1993e) : Gesammelte Werke 1925-1926, Band 4, Reinbeck.

Tucholsky, Kurt (1993d) : Gesammelte Werke 1927, Band 5, Reinbeck.

Tucholsky, Kurt (1993b) : Gesammelte Werke 1932, Band 10, Reinbeck.

Tucholsky, Kurt (2000) : Deutschland, Deutschland über alles, Reinbeck.

Tucholsky, Kurt (2005) : Ausgewählte Briefe 1913-1935, Frankfurt am Main.

Tucholsky, Kurt (2010) : Chroniques parisiennes, traduit et préfacé par Alexis Tautou, Paris.

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Notes

1 Sur les relations développées par Tucholsky en France avec la franc-maçonnerie et d’autres cercles d’influences, voir la thèse de Stephanie Burrow.

2 Nicole Colin, Patrick Farges, Fritz Taubert soulignent que les acteurs de l’amitié franco-allemande ont contribué à l’intégration européenne. Ces auteurs évoquent avant tout des acteurs de la société civile dans les décennies qui ont suivi 1945 (Colin, Farges, Taubert, 2017 : 9). Tucholsky fait donc figure de précurseur.

3 Les médiateurs peuvent, en raison de leur position conciliatrice, se voir reprocher leur manque de loyauté envers leur pays, voire passer pour des traîtres. On ne s’attaque alors pas seulement à leur action, mais également à leur personne, afin de les discréditer davantage. Heine en est un des exemples les plus illustres (Colin, 2017 : 17-32). Tucholsky fut l’objet d’attaques aussi bien de la part de nationalistes et d’antisémites, que de personnalités plus modérées. Le journaliste Herbert Ihering dans sa recension du livre, Deutschland, Deutschland über alles, dénie à Tucholsky toute légitimité à critiquer du fait même qu’il n’habite pas en Allemagne : « Polemik ohne Risiko […] ein Satiriker von diesem Range müβte in Deutschland selbst sein, an den Kämpfen teilnehmen […] und es sich nicht als Zuschauer in Paris oder Schweden gut sein lassen und die Dinge aus einer fernen Loge betrachten. » (Tucholsky, 2000 : annexes).

4 Tucholsky publie « Windrose » le 18.11.1924 (Tucholsky, 1993a) pour Die Weltbühne, « Marseille » pour Vossische Zeitung, le 22.11.1924 (Tucholsky, 1993b) et « Vierzehn Käfige und einer » (Tucholsky, 1993c) pour Die Weltbühne le 27.01.1925. Ces journaux sont ses principaux employeurs lors de son séjour en France. Nous nous fondons sur l’édition des œuvres choisies. Ces articles sont également consultables en ligne : https://www.textlog.de/tucholsky-essays.html

Pour les articles parisiens, nous renvoyons au recueil Chroniques parisiennes (Tucholsky, 2010).

5 « Paris, mine d’or, car tant de matière à feuilleton » (Traduction des textes de Tucholsky : A. Schwarz).

6 Il revendique l’efficacité du feuilleton notamment dans l’article de 1927 « Was weiβ der Franzose vom Deutschen ? » : « weil bekanntlich die sogenannten ›unpolitischen‹ Aufsätze viel mehr wirken als Telegramme über Kammerdebatten, weil sich die Masse der Zeitungsleser fast immer dem Amüsanten, dem Bunten zuerst zuwendet » (Tucholsky, 1993d : 280).

7 Barbara Thériault (Thériault, 2017) voit dans le feuilleton weimarien une forme hybride entre sociologie, littérature et reportage. Elle le définit au regard de son effet sur le lecteur. À première vue, le feuilleton paraît peu sérieux par les sujets anodins traités et pourtant il occupe l’esprit du lecteur l’amenant à faire preuve de réflexivité et à porter, tel un apprenti sociologue, un regard étranger sur le monde qui l’entoure.

8 Selon Anton Austermann une dimension pédagogique caractérise l’ensemble des publications de Tucholsky : « Der gläubige Zeitungsleser soll sich im kritischen Teilnehmer demokratischer Kommunikation entwickeln (…..) Ihnen [ den Lesern] wird mit Tucholskys Texten Material für das eigenständige Weiterdenken zu Verfügung gestellt » (Austermann, 1985 : 12).

9 « (…) quand tout cela sera fini, si nous sommes sur le quai de Marseille le jour où le capitaine Étienne et le sergent Flandrin débarqueront pour aller voir leur mère, nous porterons bien volontiers leurs bagages à l'œil jusqu'à la gare Saint-Charles ! Pas vrai, les copains ? »

10 « Et l’on rêve. »

11 Marmetschke a souligné la nécessaire indépendance dont doit faire preuve le médiateur à l’égard du politique pour asseoir sa crédibilité (Marmetschke, 2011 : 189). Pour Thomas Keller, un médiateur doit en outre être reconnu par les deux parties (Keller, 2011 : 14). Force est de constater que Tucholsky ne l’est pas en France de son vivant.

12 « En 1901 un écrivain voyageur comme André Hallays pouvait encore parler de l’« oisiveté turbulente » à Marseille – mais les choses ont changé. »

13 Dans son récit de voyage Ein Pyrenäenbuch paru en 1927, comme dans ses articles ayant pour thème le voyage, Tucholsky se sert fréquemment des codes de la littérature viatique, à commencer par l’intertextualité. L’intertextualité est, paradoxalement, constitutive de cette littérature censée rendre compte d’une expérience personnelle. Elle sert notamment à mettre en scène la difficulté à dire le réel (insuffisance du langage à exprimer le vu et vécu, caractère prosaïque de la réalité, risque de répéter ce qui a déjà été écrit), tout en offrant des solutions à ces difficultés (Montalbetti, 1997).

14 « Lasst alle Völker unter gleichem Himmel / Sich gleicher Gabe wohlgemut erfreun ! » (Hallays, 1899 : 3).

15 « Dans la grande salle des glaces de l’Alcazar, la plus grande scène de variétés de la ville, les gens se pressent. […] Ce que Paris laisse partir en tournée pour la province triomphe ici. […] Des imitateurs des divins Fratellinis et Marie Valente, une Italienne, qui sait tout faire et séduit tout le monde : elle danse, elle joue de divers instruments, elle râle et tourbillonne sur scène, et une tempête se lève lorsqu’elle part en sautillant – “ Bis ! Bis ! ” – »

16 « “ Monsieur Panter ! C’est pour constater une ressemblance avec Görlitz que vous vous rendez à Marseille ? ” “ Cher ami, vous n’imaginez pas, à quel point tout se ressemble partout dans le monde ! ” » Peter Panter est l’un des pseudonymes employés par Tucholsky.

17 Voir notamment l’article « Auslandsberichte » (Tucholsky, 1993e : 119)

18 « C’est ainsi que je scrute tout l’horizon, là-haut, sur mon pont. Et pendant que le vent de la Méditerranée, cet océan, se joue de mes boucles, je découvre quelque chose en un endroit de la rose des vents, un nom, deux petites syllabes, qui n’ont pas été dégradées, véritablement intactes, claires et distinctes. 

Berlin. Nostalgique, je me détourne pour lui montrer franchement le dos. »

19 « Ici se trouve la cour. En Allemagne Hölz est détenu. »

20 « Le navire s’ébranle du rivage gris. L’île reste en arrière, en mer, tel un animal au repos, pétrifié. Des hommes y ont souffert. Ils souffrent chez nous – torturés, poursuivis, maudits. Cela commença sous François 1er. Sous Friedrich 1er plus de 7000 communistes sont emprisonnés dans la république allemande. Hölz à leur tête. Adieu, Château d'If. Ce dont tu étais capable, nous en sommes capables depuis longtemps. »

21 Tucholsky travaille à Paris pour deux journaux importants de l’époque, mais le paysage médiatique de la République de Weimar est très fragmenté et clivé politiquement à l’image de la société. Par conséquent, leur lectorat est assez restreint et en partie acquis à la cause du journaliste.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne Schwarz, « De Berlin à Paris en passant par Marseille »Trajectoires [En ligne], 15 | 2022, mis en ligne le 20 juin 2022, consulté le 11 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/7753 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trajectoires.7753

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Auteur

Anne Schwarz

Docteur en études germaniques, professeur agrégée en poste dans le secondaire 

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