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L’initiative populaire dans les États fédérés allemands. Contribution à la connaissance d’une institution démocratique

Thèse de doctorat en droit public préparée sous la direction de Philippe Blachèr, université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, soutenue le 13 novembre 2009
Stéphane Schott

Texte intégral

1À partir d’une étude systématique du droit positif des seize Länder de la République Fédérale d’Allemagne, la thèse entend montrer que l’initiative populaire ne relève pas de la démocratie dite « directe » ou « immédiate ». Contrairement à la conception communément admise, cette institution démocratique qui permet à un nombre limité de citoyens – non élus – de participer à l’élaboration de la loi et au contrôle des organes de l’État, s’inscrit bien dans la démocratie médiate. La nécessité d’une analyse approfondie de l’initiative populaire en Allemagne répond à un double constat de départ. Tout d’abord, la doctrine française ne semble guère utiliser le cas des États fédérés allemands dans la présentation des mécanismes de la démocratie dite « directe » ou « semi directe ». Les manuels de droit constitutionnel français privilégient en règle générale les exemples de la Suisse, de l’Italie ou des États fédérés américains. Par ailleurs, en France comme en Allemagne, l’initiative populaire est très souvent perçue dans un rapport irréductible au référendum. Cette tendance réductrice se manifeste dans le champ français par un usage récurrent de l’expression « référendum d’initiative populaire ». Elle se traduit en Allemagne par l’utilisation du terme Volksgesetzgebungsverfahren, la « procédure législative populaire », introduit par Carl Schmitt en 1927 dans son ouvrage intitulé Volksentscheid und Volksbegehren. Ein Beitrag zur Auslegung der Weimarer Verfassung und zur Lehre von der unmittelbaren Demokratie.

2Pour mieux comprendre les spécificités de l’initiative populaire, il faut renoncer à ne considérer cette institution qu’à travers le seul prisme du référendum. Raisonner en termes référendaires appauvrit en effet la notion d’initiative populaire. De fait, cette approche écarte les demandes qui ne s’adressent qu’au parlement du Land et qui ne peuvent pas déboucher sur un référendum. L’une des propositions de la thèse est d’appeler ce type de procédure à vocation non référendaire l’« initiative populaire propositive », afin de le distinguer de l’« initiative populaire décisionnelle », qui peut conduire à un référendum, si le parlement n’adopte pas la demande des citoyens.

3La conception de l’initiative populaire développée dans la thèse n’exclut ni l’initiative populaire propositive, ni le rôle que joue le parlement au sein de l’institution, ce qui suppose de rompre avec la conception de l’initiative populaire comme institution de la démocratie directe ou immédiate, et de la considérer au contraire comme une institution de la démocratie médiate. La justification de cette thèse et la définition de la « démocratie médiate » mobilisent les analyses d’auteurs français comme Pierre Rosanvallon ou Olivier Jouanjan et les travaux d’auteurs allemands comme Carl Friedrich, Ernst-Wolfgang Böckenförde, Reinhold Zippelius ou encore Josef Isensee. L’initiative populaire relève bien de la « démocratie médiate » conçue à la fois comme démocratie « représentée » et comme démocratie « représentative », ces deux facettes d’une même réalité constituant l’architecture d’ensemble de la thèse.

4Dans la première partie de la démonstration, l’initiative populaire est considérée comme une institution relevant nécessairement de la démocratie représentée, au sens où elle est mise en forme par le droit. Car la participation des citoyens suppose que soient fixées au préalable les règles du jeu démocratique. Ainsi, le droit peut être considéré comme le medium de la démocratie : l’organisation démocratique n’est pas donnée immédiatement ; elle présuppose une représentation a priori des règles de la participation. La seconde partie de la thèse démontre que l’initiative populaire est bien une institution de la démocratie représentative. Car elle permet à une minorité populaire de représenter potentiellement une majorité. Cette institution pourrait dès lors être considérée comme le medium d’une volonté générale potentielle. En ce sens, l’initiative populaire constituerait l’expression de ce que nous proposons d’appeler le potentiel populaire. Le recours à ce concept permet tout d’abord de rendre compte de la spécificité de l’initiative populaire par rapport au référendum qui renvoie classiquement à la notion de « puissance populaire », développée notamment par Raymond Carré de Malberg en 1931 dans ses « Considérations théoriques sur la question de la combinaison du referendum avec le parlementarisme », parues dans la Revue du Droit Public et de la Science Politique en France et à l’étranger. L’idée de potentiel populaire permet en outre de redonner à l’initiative populaire une unité conceptuelle, au-delà de la variété des procédures et des types d’initiative populaire, mise au jour par l’analyse des droits positifs des seize États fédérés allemands.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Stéphane Schott, « L’initiative populaire dans les États fédérés allemands. Contribution à la connaissance d’une institution démocratique »Trajectoires [En ligne], 4 | 2010, mis en ligne le 15 décembre 2010, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/587 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trajectoires.587

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