Signes et traces dans l’œuvre poétique de Günter Eich
Texte intégral
1Cette thèse porte sur les catégories « signe » (Zeichen) et « trace » (Spur) dans l’œuvre poétique et les déclarations poétologiques de Günter Eich (1907-1972). Signes naturels, linguistiques, traces biographiques et intertextuelles, relevé de stigmates historiques (Spurensicherung) imprègnent l’œuvre de Eich tant sous la forme d’images poétiques que de concepts poétologiques. Complémentaires ou opposés, ils éclairent le parcours complexe du poète, du déchiffrement des signes naturels au souhait formulé en 1971 de « ne pas laisser de traces », de la collecte de traces au tracé de l’écriture – et à son effacement – dans des textes qui se donnent parfois à lire comme des palimpsestes d’écrits antérieurs. A partir de documents d’archives inédits et encore totalement inexploités (manuscrits, correspondances, notes de travail), de bibliothèques d’auteurs et d’entretiens avec des proches du poète, le rôle des signes et des traces dans les relations entre écriture poétique et réalité exogène a été analysé en croisant processus d’écriture (méthodes de critique génétique) et réception des textes. La réception peut d’ailleurs parfois orienter à son tour les tracés poétiques ultérieurs. L’étude montre les interactions entre lecture et écriture du monde, le traitement des signes et des traces étant à la fois un acte de déchiffrement et l’esquisse d’un nouveau balisage poétique (Zeichen-Setzung) du langage et du réel. Cette approche nouvelle de l’évolution de la poétique et de la poésie de Günter Eich éclaire le rapport problématique du poète au réel, à la tradition lyrique et à l’histoire de son temps en situant son œuvre au confluent de problématiques romantiques anciennes et d’une nouvelle fonction de la poésie née de la situation historique allemande.
2Les méthodes de la critique génétique appliquées à des poèmes des années 1940 à 1960 ouvrent à une compréhension nouvelle des liens entre poésie et poétologie, mettant notamment en évidence le motif de l’effacement des traces – biographiques, historiques ou littéraires. Ces analyses de détail sont articulées avec des considérations théoriques, sociohistoriques et des questions plus larges d’histoire littéraire et d’histoire des idées. Trois exemples peuvent être cités :
3- La pertinence de termes tels que Kahlschlag et Spurensicherung (compris comme témoignage historique et procédé d’enquête) est remise en question par des documents d’archives ; de nouvelles découvertes sur la destinée du célèbre poème « Inventur » et de plusieurs poèmes de captivité conduisent à redéfinir la question controversée de la Stunde Null en révélant des écarts entre poétique et poésie, intentions et réalisations.
4- Au cryptage poétique de problématiques sociales répond l’empreinte que laissent les textes dans la réalité sociohistorique, invitant à voir comment la réception contemporaine oriente à son tour les textes poétiques ultérieurs. Des documents d’archives permettent ainsi d’éclaircir les débats provoqués par le poème « Nachhut » (1957) et le discours prononcé par Günter Eich lors de la réception du Prix Büchner (1959). Cette controverse qui a enflammé la Frankfurter Allgemeine Zeitung à la fin des années 1950 est resituée dans le contexte des théories contemporaines de Michel Foucault et d’Adorno, avec l’appui de l’étude de leur correspondance inédite.
5- Un autre point fort de la thèse est d’analyser le rapport complexe de Günter Eich à la poésie de Wilhelm Lehmann à partir de la correspondance, des journaux intimes des deux poètes et de manuscrits de poèmes. Ce chapitre clarifie l’influence lehmanienne, la prise de distance ambivalente de Eich par rapport à l’évocation magique de la nature (naturmagische Lyrik) et montre notamment comment les échanges tendus entre les poètes ont conduit à des innovations dans la poésie de Eich – avec notamment un intérêt pour la déconstruction subversive du signe.
Pour citer cet article
Référence électronique
Sandie Attia, « Signes et traces dans l’œuvre poétique de Günter Eich », Trajectoires [En ligne], 4 | 2010, mis en ligne le 10 décembre 2010, consulté le 15 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/561 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trajectoires.561
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