Le traitement fiscal du financement des sociétés dans les relations intragroupes en droit comparé français, allemand et camerounais.
Texte intégral
1Un des problèmes les plus fréquents auxquels les entreprises se confrontent est sans doute celui relatif à la dotation des moyens financiers. Le problème de financement des entreprises est plus qu’actuel au regard du scandale des subprimes aux USA en 2007 ayant conduit au crash boursier de septembre 2008 mieux encore, l’affaire Maldoff. Ce phénomène financier qui touche sans exception toute la vie économique n’a pas pour autant épargné les groupes de sociétés. En fait, les groupes constituent le moteur des activités économiques d’une nation car, ils constituent une masse financière énorme dans la recette fiscale de l’Etat, un véritable baromètre de la croissance, synonyme du développement et de l’épanouissement social. C’est dans cette perspective qu’on assiste à travers le monde, de la création des zones de libre échange. Les cas les plus symboliques dans le cadre de cette étude comparée est l’exemple de la communauté économique européenne (CEE), mais également de la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEMAC). N’est-il pas précurseur d’envisager une union entre ces deux communautés qui entretiennent depuis de longues dates des relations économiques étroites ? Cette question est révélatrice en ce sens que l’union méditerranéenne regroupe en son sein certains pays d’Afrique du nord, à la lisière de la CEMAC.
2Pour faire face au problème de sous capitalisation dont sont victimes les sociétés, le législateur a mis sur pied des mécanismes à la fois juridiques et fiscaux tous, permettant aux sociétés du groupe d’optimiser leur trésorerie. Ainsi donc, les techniques de financement qui ont été développées en France et en Allemagne depuis l’avènement de l’industrialisation, ont permis à ces Etats de consolider leur structure économique en dépit des crises, à l’instar de celle que nous vivons aujourd’hui. En outre, l’histoire impérialiste et coloniale de ces puissances vers le continent africain, sont autant d’aspects qui ont influencé le droit des activités économiques camerounais. En effet, l’organisation et l’harmonisation du droit en Afrique (OHADA) est le reflet du droit en vigueur en France, dont certaines ramifications sont puisées du droit allemand des groupes des sociétés.
3Le droit des groupes de sociétés bien qu’existant dans les systèmes en présence, est différemment légiféré. En effet, le droit français du groupe est éparse en ce sens qu’il se retrouve dans plusieurs disciplines de droit des affaires. En fait, il n’existe aucune définition légale de la notion. Par contre en Allemagne, non seulement il existe une définition légale, mais aussi un droit spécifique est réservé aux groupes de sociétés (Konzernrecht). Le législateur OHADA quant à lui a essayé de définir la notion de groupe de sociétés sans toutefois légiférer le droit des groupes. Au demeurant, l’acte uniforme des sociétés commerciales et GIE régit le droit des groupes.
4Contrairement aux sociétés indépendantes, les sociétés d’un groupe entretiennent entre elles des relations « privilégiées » comparables à celle d’une famille. Ainsi, la politique d’entre aide qui existent entre les sociétés membres d’un groupe a ainsi permis la création d’un pool financier interne facilitant le financement intragroupe. Les aides intragroupes peuvent intervenir aussi bien dans le renflouement des filiales en difficultés, que dans le sens de la consolidation des crédits de la filiale exsangue. Par ailleurs, le choix des instruments financiers et la dotation des garanties s’avère être des moyens fiscalement intéressants pour venir à bout du problème de sous capitalisation. Selon le principe de la liberté de gestion, le chef d’entreprise a le choix de disposer des moyens de financement le moins onéreux. Cependant, entre le choix de payer le moins d’impôt possible et la dissimulation de l’impôt, l’administration fiscale sous le coup de la théorie de l’acte anormal de gestion et de l’abus de droit, sanctionne toute tentative de gestion frauduleuse. Bien plus, dans son intention de réduire la charge fiscale qui pèse sur les entreprises et les individus, le législateur a crée au sein du pool intragroupe une technique de modernisation des structures de financement des sociétés du groupe. C’est ainsi que pour gérer le flux financier intragroupe, il a été mis sur pied la gestion centralisée de la trésorerie. C’est une technique qui permet au groupe d’optimiser sa trésorerie, selon un système de prêt intragroupe. En fait à travers le netting, les comptes des différentes filiales sont centralisés autour d’une société, la société pivot. Ainsi, les comptes débiteurs de certaines filiales sont compensés par les excédents d’autres, de telle manière qu’aucune filiale n’ait recours à un financement externe.
5C’est dans le même ordre d’idée que le législateur a mis sur pied une pluralité de régimes d’impositions, relatifs aux groupes de sociétés. En ce qui concerne le régime des sociétés mère-fille ou le Schachtelprivileg, l’idée a été de permettre aux sociétés qui détiennent au moins 5 % de participation dans une filiale, d’éviter plusieurs impositions. C’est le régime de l’exonération des dividendes. Plus intéressant encore, le régime de l’intégration fiscale est applicable lorsque la participation est d’au moins 95%, existe en France depuis 1988, l’Organschaft en Allemagne, bien avant et dans le contexte camerounais par le projet de loi sur la réforme de l’IS dans la zone CEMAC en 1998. Certains praticiens ont développé en France d’autres techniques d’optimisation fiscale, dont l’une est le recours à l’article 8 du CGI ou « intégration sauvage », et l’autre la location gérance. Il est à noter que ce montage n’est pas possible dans un groupe de droit en Allemagne. En effet, les filiales doivent avoir la forme d’une société de capitaux et également, leur siège doit être en Allemagne.
6De tout ce qui précède, il est à relever que l’esprit reste le même, en dépit des différentes techniques utilisées. Il est en revanche intéressant de souligner le caractère propre de chaque milieu social, ce que Jehring avait appelé « la sociologie politique » qui veut qu’aucune disposition législative ne soit prise en contradiction avec le milieu social. Cette pensée se traduit aussi à travers le contrôle des flux financiers et la sanction des comportements frauduleux. La responsabilité qu’elle soit civile, pénale ou fiscale comme moyen de contrôle de la gestion financière, est une avancée considérable.
7Depuis que le monde fait face à la crise financière, il est récurrent dans tous les discours politiques, d’entendre le terme « régulation ». La diversité des moyens de contrôle propre à chaque Etat justifie des mesures apportées pour relancer l’économie moribonde. En effet, le contrôle des transactions financières est-il nouveau ? Le législateur n’a-t-il pas suffisamment posé des règles de régulation des activités économiques ? Le capitalisme est-il plus puissant que les politiques nationales étatiques ? Telles sont les questions que nous pouvons nous poser dans la nouvelle quête d’un nouveau système financier international. En ce qui nous concerne, l’actuelle crise financière est une occasion de refonder et de reformuler du système financier international cette fois-ci en tenant compte de la nouvelle donne mondiale, les Etats émergents. Il ne faudrait pas également oublier comme c’est très souvent le cas, les pays dont l’économie reste encore au niveau de l’extraction. Peut-être qu’en s’y ressourçant, on arriverait à quelque chose de nouveau. En conclusion, nous avons voulu montrer que l’exemple allemand et français dans la conception même du droit des activités économiques est susceptible d’être développé dans un contexte différent. Certes, il ne s’agit pas de faire une copie conforme, mais plutôt d’adapter un système dans un contexte différent, où le contexte social est moins industriel.
Pour citer cet article
Référence électronique
Jules Alain Petengoue Tassi, « Le traitement fiscal du financement des sociétés dans les relations intragroupes en droit comparé français, allemand et camerounais. », Trajectoires [En ligne], 3 | 2009, mis en ligne le 16 décembre 2009, consulté le 06 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/369 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trajectoires.369
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