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La Nature mise en scène

Estuaires et rivages, parmi les derniers lieux du « sauvage » ?

Étude de techniques de mise en scène de la nature pour la perpétuation d’activités halieutiques et cynégétiques
Anatole Danto

Résumés

Cet article s’intéresse aux techniques de mise en scène de la nature effectuée dans le but de conserver une représentation « sauvage » des territoires estuariens et littoraux, de leurs habitats et des espèces associées. Partant de l’étude de trois groupes d’espèces emblématiques des milieux estuariens et côtiers – la sauvagine (gibier d’eau), les poissons migrateurs amphihalins et les coquillages d’élevages marins – il s’interroge sur le rôle des différentes techniques de soutien aux stocks comme instruments d’une mise en scènce de la nature, oscillant entre la disparition du « sauvage réel » et l’apparition d’un « sauvage construit », voire d’un « domestique ».

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Texte intégral

Remerciements

L’auteur tient à remercier toutes les personnes rencontrées pendant ses enquêtes de terrain, et en premier lieu, les pêcheurs, les chasseurs, et les conchyliculteurs, ainsi que les sientifiques et gestionnaires. Il remercie pour leur aide, bibliographique ou sur le terrain, Anne, Erhard, Eric, Louison, Jules, Marine, Michel et Sylvie, ainsi que Romain Grancher, et enfin les relecteurs et relectrices anonymes de Trajectoires pour leurs précieux conseils.

  • 1 Le mot « tourisme » provient de la contraction du « tour de l’isthme », tour qui correspondait au v (...)
  • 2 Convention de Ramsar sur la préservation des zones humides par exemple, traité international signé (...)

1Longtemps relégués aux rangs d’espaces particuliers, sources de nombreux dangers, les estuaires et les rivages ont progressivement glissé dans une autre catégorie de représentations au sein de l’imaginaire des sociétés européennes (Corbin, 1988 ; Desbordes-Moreigneaux, 2009). Au 19e siècle, les naturalistes, les savants, les premiers touristes1 et autres explorateurs des marges et périphéries européennes donnent à ces espaces une nouvelle image, celle de lieux préservés, encore « sauvages », abritant des flores et des faunes riches, voire, parfois, des communautés humaines qui tirent leurs ressources vivrières directement de l’environnement local (Cabantous et al., 2005). Ce n’est qu’au milieu du 20e siècle que cette vision des estuaires et rivages est popularisée, conduisant à une mise à l’agenda scientifique et politique2. Cette évolution fait face à des projets d’aménagements ou, inversement, à des mesures conservationnistes, susceptibles de susciter des controverses (Krauss, 2003). Elle permet alors clairement l’affichage de ces territoires côtiers comme espaces de conservation du « sauvage », à la fois continuum écologique et frontière réglementaire entre terre et mer (McCay, 1947).

2Ce texte propose de discuter la polysémique catégorie du « sauvage » au sein de ces espaces, selon trois groupes sociaux et groupes d’espèces concernés : la sauvagine (gibier d’eau), les poissons migrateurs amphihalins et les coquillages d’élevages marins. Dans ce but, l’article analyse des techniques de mise en scène particulières de la nature, basées sur un mélange d’aiguisement des savoirs « locaux » (Ingold, 2003) et « scientifiques » (Thornton et Scheer, 2012), permettant ainsi une étude de ce qui appartient au « sauvage » et au « non-sauvage » ou « domestique » (Digard, 1988) au sein de différentes ressources halieutiques et cynégétiques en contexte estuarien et côtier. Sans chercher à revisiter la définition de « sauvage » (pour un état des lieux sur la notion, voir Berque, 2010 ; Descola, 2004 ; Barraud & Périgord, 2013 ; Micoud, 1993 ou encore Bobbé, 2000), l’article souhaite porter à connaissance des techniques de mise en scène de la nature aujourd’hui controversées, destinées à artificiellement soutenir des populations d’espèces prédatées, et leurs différentes modalités de mise en œuvre.

3Le corpus mobilisé pour répondre à cette interrogation est issu d’enquêtes de terrain multisite (Marcus, 1995), conduites auprès de communautés de chasseurs, de pêcheurs et d’aquaculteurs en France et en Allemagne entre 2013 et 2018. Trois groupes d’espèces font ici l’objet d’une analyse particulière : premièrement, la « sauvagine », ensemble d’espèces ornithologiques de gibier d’eau, deuxièmement, les amphihalins, poissons migrateurs entre eaux douce et salée (anguille, esturgeon, saumon, truite, corégone), et troisièmement, les coquillages concernés par des activités de conchyliculture (huîtres, pétoncles, ormeaux, coquilles Saint-Jacques). Les terrains étudiés sont situés au nord de l’Allemagne (Länder côtiers de la mer du Nord et de la mer Baltique) et dans l’ouest de la France (rade de Brest, marais de Brière, estuaire de la Loire). Les enquêtes menées sont de nature ethnographiques, c’est-à-dire basées sur la méthode de l’entretien semi-directif, parfois aidée de celle du récit de vie. Vingt-neuf entretiens ont ainsi été menés (21 en France, 8 en Allemagne). De même, des phases d’observation participante ont eu lieu avec différents pratiquants et scientifiques, avec embarquement auprès des communautés côtières et estuariennes (Krause, 2013 ; Krause et Strang, 2016). Cette méthode s’inspire de celle de l’anthropologie maritime (Geistdoerfer, 2007 ; Mazé et al., 2017 ; Reyes, Garineaud et Chlous, 2018) et de l’anthropologie de l’environnement, et plus particulièrement de l’ethnobiologie (Hunn, 2007 ; Bahuchet, 2012). La méthode de la carte mentale en géographie a été proposée à plusieurs pratiquants, pour mieux appréhender leur territoire de pratique et son évolution spatiale.

La technique de l’« appelant » : le cas de la sauvagine

4La « sauvagine » correspond à un ensemble d’oiseaux « sauvages », de mer ou des zones humides, qui ont le goût et l’odeur du sauvagin. Le terme de sauvagine est attesté dès le 13e siècle (Littré, 1869) et l’acception contemporaine usitée n’a guère changé. Il regroupe communément certaines espèces aquatiques, issues des familles d’anatidés, d’échassiers et de galliformes (Bommier, 1920). Si certaines pratiques de chasse terrestres sont longtemps restées l’apanage des communautés nobiliaires et bourgeoises (Pinçon et Pinçon-Charlot, 2003), la chasse au gibier d’eau se popularise rapidement dans les territoires aux vastes zones humides, notamment dans les estuaires. Aux 19e et 20e siècles, les périphéries ouvrières des grandes villes industrielles et portuaires jouxtant des zones humides rétro-littorales sont grandes pourvoyeuses d’une chasse populaire au gibier d’eau, comme en Seine-Maritime, ou en Loire-Atlantique (Mischi, 2008). En Allemagne, il en est de même pour les estuaires de l’Ems, de l’Elbe ou de la Weser, ou dans les vastes baies sablo-vaseuses, comme les baies du Jade ou du Dollard, proches des ports de Emden, Hambourg, Cuxhaven et Wilhelmshaven, Brème, Bremerhaven (Eule, 1961). Les espèces chassées sont multiples et les chasseurs développent différentes techniques de chasse pour maximiser leurs chances de capture (Leroi-Gourhan, 1943 et Leroi-Gourhan, 1945), comme la chasse maritime embarquée (tir pratiqué depuis un petit bateau en bois traditionnel, de type « plate »), la chasse à la botte et au chien d’arrêt, ou encore la chasse à la hutte ou au gabion.

5Parallèlement, les chasseurs mettent en place une technique de leurre efficace, constituée des « appelants ». Les appelants sont des oiseaux domestiques, élevés par les chasseurs, dont les espèces sont similaires ou apparentées aux espèces « sauvages ». Le chasseur se transforme alors en éleveur. En France, les oies (essentiellement des bernaches cravant ou oies des neiges, encore appelées oies « sauvages » par les chasseurs) sont peu concernées par ce dispositif d’innovation technique : « l’oie se chasse en prairie et le passage des oies est très restreint dans le temps », selon un chasseur. Selon un autre, « une bernache c’est une bernache, une oie c’est une oie. Point. Le mieux c’est l’oie des neiges. On n’en voit qu’une fois tous les 30 ans en Brière ». À l’inverse, dans les Wadden et les Bodden allemands, les « appelants » concernent surtout les oies. Les limicoles et autres échassiers sont laissés dans la catégorie du « sauvage », leur élevage ne pénétrant pas les cours de fermes. Peu de chasseurs possèdent une vasière qui pourrait être dédiée à l’élevage en fond de jardin. Cette absence d’élevage a d’ailleurs conduit à la disparition locale de certaines espèces.

6La frontière si longtemps clairement établie entre « sauvage » et « domestique » s’estompe ainsi à partir du 19e siècle sur le gibier d’eau, et surtout les canards, selon un processus similaire à celui du « chien errant » sur le plan sémantique (Bobbé, 1999). La laisse qui a fait défaut au chien est cependant jalousement surveillée par le chasseur, qui veille sur ses appelants pour ne pas qu’ils s’écartent du territoire de chasse. Très tôt, les chasseurs des zones humides édifient ainsi tout un système frontière (Fabre, 2005), mais aussi un espace frontière (Botéa, 2016), imbriquant « sauvage » et « domestique ». Si la technique des appelants est originellement une technique basée sur le vivant, certains chasseurs vont passer aux appelants non-vivants en bois, puis, au 20e siècle, en plastique (photographie n°1). À travers le temps, une distinction s’est ainsi instaurée, tout d’abord duale, autour du couple vivant/non-vivant, puis, selon un second niveau de différenciation, autour des couples sauvage/domestique et bois/plastique.

Photographie n°1 : appelants en plastique vendus dans un magasin de sport, Loire-Atlantique.

L. Suard, 2018.

7Cette utilisation du « domestique », voire du « non-vivant » dans la capture du « vivant-sauvage » est-elle un paradoxe ? Pas aux yeux des chasseurs, pour qui un même volatile peut avoir différentes représentations au cours de sa vie. Un canard capturé et utilisé comme appelant passe ainsi de « sauvage » à « domestiqué » (en gardant tout de même un lointain degré de « sauvagerie » par rapport à ses congénères de la mare du chasseur, nés in situ, et donc purement « domestiques »). De même, un faisan, élevé en batterie, puis relâché au printemps, quelques jours avant de se faire tirer sera un animal « sauvage » une fois chassé, plumé et dégusté (entretien personnel avec un agent de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, 2018). Certains chasseurs sont passionnés par l’élevage des appelants : quelle cane reproduire avec quel mâle pour avoir des jeunes avec tel ou tel type de cris ? L’hybridation est permise entre espèces dans l’objectif de créer des individus qui permettront telle ou telle stratégie lors de la chasse. Les chasseurs ne mobilisent pas le champ lexical du « domestique » ou du « domestiqué », mais parlent plutôt d’« appelants », de « canes », de « formes », de « blette » en France, de « Lockvogel », ou « Lockbild » en Allemagne (Gosselin, 2007). A l’inverse, la rhétorique du « sauvage », du « Wild » est quant à elle fortement ancrée et mobilisée. Le mot « appelant » peut aussi désigner les appeaux, aussi bien utilisés par les chasseurs que par les naturalistes (photographie n°2).

Photographie n°2 : filet du camp de bagage de Pompas, utilisant un appelant sonore, en bordure du marais de Brière, Herbignac, Loire-Atlantique.

A. Danto, 2018.

8Par ailleurs, les chasseurs-éleveurs se servent du « domestique » aujourd’hui, du « domestiqué » auparavant, pour assouvir leur passion du « sauvage », qu’ils associent alors à la nature, utilisant uniquement les appelants comme alliés (Hell, 1988). Tous les chasseurs rencontrés dans le cadre des entretiens et observations participantes ont fait part de cette recherche d’une proximité avec la nature, de la quête de « l’oiseau rare » (au sens propre comme au sens figuré) et surtout, de l’observation, voire de la consommation, d’une avifaune « naturelle », « sauvage », « non domestiquée », vivant en plein air, migrant entre les contrées boréales et l’Afrique. De plus, la chasse au gibier d’eau leur permet d’« être seul », « dans le silence », « au bord de l’eau », « au cœur du marais », « dans la nature ». Un chasseur : « C’est super, unique. On est là, seul, avec son chien, on arrive avant la passée du matin. J’pars tôt d’chez moi, vers quatre heures. Quand j’arrive à la bosse [hutte de chasse traditionnelle du marais de Brière, photographie n°3], j’me recouche, avec le chien collé à moi. On s’tient chaud, il est bien. J’emmène des couvertures. P’i l’soleil comme à apparaître sur le marais. C’est magnifique. J’ai d’la chance. Quelqu’un qu’a pas vu ça, il peut pas comprendre. C’est ça la nature ».

Photographie n°3 : bosses de chasse dans le marais de Brière, île de Fédrun, Saint-Joachim, Loire-Atlantique.

A. Danto, 2018.

9Cette « mise en scène du sauvage » (Dalla Bernardina, 2011) par les chasseurs de sauvagine correspond à un processus d’exhibition d’éléments matériels (les appelants) ou immatériels (discursifs), ou encore d’actions, qualifiés par leurs propriétaires ou leurs pratiquants de « sauvage » ou d’assimilé, en lien avec les courants contemporains prônant un retour à la nature (Krieger, Deldrève et Lewis, 2017). Elle est également à mettre en parallèle avec la « figure du chasseur écologiste » (Dalla Bernardina, 1989 ; Farau, 2016). Conséquence d’une écologisation de la pratique, le chasseur, en quête de nature, serait également un naturaliste (Krieger, Deldrève et Lewis, op. cit.). D’ailleurs, la distinction entre « chasseur » et « naturaliste » était longtemps inopérante : les savants du 19e siècle qui s’intéressaient aux oiseaux étaient aussi d’importants chasseurs et l’étude de l’environnement ou de l’ornithologie n’était pas incompatible avec la pratique de la chasse. La seule différence avec le naturaliste d’antan serait alors le devenir de l’animal une fois tué : empaillé ou mangé, naturalisé ou avalé. Mais là encore, la frontière est floue : la parure et le plumage de l’oiseau pouvaient être confiés au taxidermiste parallèlement à une dégustation du corps interne du gibier d’eau. Ce n’est qu’au 20e siècle que s’établit progressivement une différence sociale entre les détenteurs de savoirs « scientifiques » et ceux de savoirs « locaux » (Geertz, 2008 ; Huntington, 2000, Ingold, op. cit.).

  • 3 La figure du chasseur a pu disparaître de certains territoires, comme sur l’estran de la mer des Wa (...)

10Au début du 21e siècle cette différenciation reste valide, mais on assiste en même temps à un nouveau brouillement des frontières : l’aide des chasseurs dans la gestion naturaliste d’espaces dits « naturels » est régulièrement sollicitée, notamment dans la lutte contre les nuisibles ou pour la régulation de populations de gibier (cf. Farau, op. cit.). Les fédérations de chasseurs utilisent d’ailleurs ce glissement dans la représentation sociale de leur groupe social pour promouvoir une vision de la chasse positive, en accord avec les questions écologiques (Micoud et Bobbé, 2003). Malgré cette évolution récente dans les représentations, le chasseur reste persona non grata dans certains espaces qualifiés de « sensibles » au titre de l’environnement naturel3.

11Les chasseurs au gibier d’eau et, plus particulièrement, à la sauvagine, ont ainsi été parmi les premiers groupes sociaux à gommer l’opposition sauvage/non-sauvage après les agriculteurs (Haudricourt, 1962). Sur les littoraux et les estuaires de France comme d’Allemagne, des techniques particulières utilisent les appelants domestiqués et conduisent à une mise en scène de la nature pour une pratique tour à tour vivrière, scientifique et de loisir, dont les définitions fluctuent selon les périodes.

La technique du soutien au stock : les amphihalins

12En dehors de la chasse, les ressources halieutiques sont aussi concernées par des techniques de mise en scène de la nature. Le sujet étant vaste, l’analyse conduite ici ne va s’intéresser qu’à deux catégories précises d’espèces halieutiques, celle des amphihalins et celle des coquillages d’élevage.

  • 4 Enim : Établissement national des invalides de la marine.
  • 5 MSA : Mutualité sociale agricole.

13S’il existe techniquement une séparation entre pêche et aquaculture (Ragueneau et al., 2018), il existe également, en France, une distinction socio-économique entre ces deux activités. Les marins-pecheurs cotisent à l’Enim4, les aquaculteurs à la MSA5. Cette dualité très ancienne, héritière de grandes réformes sociales sous Colbert et visant essentiellement à fidéliser des équipages est aussi issue des débats sur la propriété des ressources halieutiques qui agitèrent (Grancher, 2017), et agitent encore, fréquemment les communautés côtières (Anderson, 2002). La distinction est donc à l’origine fondée sur la propriété : ce qui est cultivé, « domestique », appartient à une chaîne d’acteurs de la reproduction à la consommation, tandis que ce qui est « sauvage », est un bien commun, accessible à tous. La dichotomie « sauvage » / « domestique » a donc laissé des « artéfacts » réglementaires jusqu’à nos jours (les cadastres conchylicoles par exemple), pour éviter des disputes sur l’appropriation de ressources par essence difficiles à contrôler par enclosure.

14Les amphihalins sont des espèces de poissons qui vivent alternativement en eau douce et en eau salée au cours de leur vie. Ils se reproduisent en mer et vivent en rivière, ou inversement. Ce mode de vie les rend vulnérables à la prédation, car ils sont visibles dans une grande majorité des milieux aquatiques. En France et en Allemagne, plusieurs de ces espèces font partie intégrante du bestiaire halieutique traditionnel : le saumon, la truite de mer, l’anguille, les aloses, la lamproie, l’esturgeon, les mulets, les flets, ou encore le corégone en Allemagne.

15Dès la préhistoire, ces espèces sont capturées de façon rudimentaire par les sociétés côtières et estuariennes (Miejac et al., 2009). Au Moyen-Âge, des dispositifs techniques se mettent en place : nasses en osier de grande taille, filets barrages, pêche « au cul du moulin » ou au pied des piles de ponts. Les espèces amphihalines font ainsi l’objet d’intenses pêcheries. Rapidement, les stocks d’amphihalins connaissent des fluctuations (Smith, 1994 ; Taylor, 1999). Les ruptures aux continuités écologiques ou les pollutions ont un impact fort, tout comme la surpêche. Dès l’époque médiévale, des décisions politiques conduisent à la suppression de pêcheries. Plus tardivement, les récurrentes problématiques de déclins des prises conduisent la toute puissante administration française des Eaux et forêts à se faire la porte-parole de ces baisses et à trouver des solutions pour y remédier (Luglia, 2014).

16Au 19e siècle, on assiste à l’instauration des premières mesures de repeuplements des cours d’eau, parallèlement à l’application d’une réglementation de la pêche aux amphihalins plus stricte qu’auparavant (Malange, 2009). La conséquence est un véritable changement de paradigme, porté par la puissance publique : la restauration des populations de poissons est proposée in vivo et in situ dans les rivières et fleuves, s’inspirant des savoirs acquis par les congrégations religieuses à partir du Moyen-Âge (grandes piscicultures monastiques de l’Europe centrale) puis, plus tardivement, par les savants des Lumières et leurs successeurs. Ces opérations, conduites par les administrations de l’État en France et par des structures locales ou régionales en Allemagne, aboutissent à une réglementation stricte. En 1865, la loi pêche impose en France la construction d’échelles à poissons permettant le franchissement des seuils et un programme complet de restauration de la population d’aloses est mené sur la Vilaine (Legault et Cadiou, 2005).

17Par la suite, les premiers travaux d’élevage intégral sont conduits. Ils font suite à des systèmes plus classiques de capture/élevage-grossissement/relache. La pisciculture de certaines espèces est contrôlée sur l’intégralité du cycle pour plusieurs espèces (voir l’exemple des carpes en Lusace, Danto, 2016), mais pas encore pour les espèces amphihalines. Les premiers résultats probants le sont pour la truite de mer et le saumon qui resteront longtemps les seuls amphihalins concernés par de la pisciculture d’élevage à destination du repeuplement. En France est créé le Conservatoire national du saumon sauvage, basé dans l’Allier.

18La pêche au saumon de Loire est alors interdite. Certains pêcheurs se souviennent : « Avant, on pêchait le saumon au filet-barrage. On les assomait à la matraque, dès la capture. Mais on avait du respect pour les poissons ». Des naturalistes locaux contribuent, au 20e siècle, à l’amélioration des connaissances sur les populations d’amphihalins, notamment sur l’estuaire de la Loire (photographie n°4).

Photographie n°4 : extrait d’un carnet de notes de l’Abbé Joseph Douaud, natif de la Basse-Loire nord. Carnet vermillon de 8.5*12.3 cm, annoté comme le « carnet V », débutant en juillet 1946, terminant en septembre 1947. Ce carnet correspond à un ensemble d’observations naturalistes long de 121 pages.

Collection privée.

19Notons le paradoxe de faire de la pisciculture pour assurer la pérénité d’une espèce labelisée, étiquetée comme « sauvage ». Cette pratique peut également être soumise à l’analyse de Sergio Dalla Bernardina (2011, op. cit.) sur la « mise en scène » du sauvage, ici par le biais d’un élément rhétorique important, celui de « sauvage », dont l’institution va même doter son nom puisqu’on lui associe la notion de conservatoire, lourde de sens en politique publique environnementale (Latour, 2004). Un pêcheur n’est d’ailleurs pas dupe : « ‘Y a beaucoup plus d’anguilles et d’saumons qu’y a 30 ans. Y a des lâchés de saumons depuis Chanteuge. C’est dans l’Allier. I’ s’mélangent avec les sauvages. Avant l’saumon d’hiver faisait 10 kilos, çui de printemps 5 kilos. Aujourd’hui ça dépend. »

20Dans la seconde moitié du 20e siècle, ces deux espèces de salmonidés sont rejointes par l’esturgeon, en grave difficulté. Pour péréniser les populations d’anguille européenne, la stratégie mise en place est communautaire, décidée dans le Plan de gestion anguille (PGA), qui s’applique aussi bien à la France qu’à l’Allemagne. Elle cherche à contourner les problématiques de rupture à la continuité des cours d’eau par un système de capture/relache : les pêcheurs professionnels pêchent de l’anguille au stade juvénile, la vendent aux mareyeurs, où elle est ensuite rachetée par une structure subventionnée par des fonds publics (associations de pêcheurs, amateurs comme professionnels, institutions publiques), puis relâchée en amont de certains cours d’eau (avec un suivi scientifique de plus ou moins long terme). Chaque année, plusieurs millions d’euros sont ainsi alloués au « repeuplement anguille » dans les cours d’eau européens, correspondant à plusieurs tonnes d’alevins (photographie n°5). Or, force est de constater que malgré les efforts menés, les stocks sont toujours en érosion (Dekker et Beaulaton, 2016).

Photographie n°5 : repeuplement en civelles de la basse vallée de l’Erdre, dans le marais de Mazerolles, Loire-Atlantique.

A. Danto, 2014.

21Pour maintenir une population sauvage exploitable de poissons amphihalins, les pouvoirs publics ont mis en place des systèmes techniques issus de connaissances scientifiques et économiques en aquaculture, qu’ils appliquent au repeuplement in natura (Doyon, 2018). Le but est double : à la fois conserver un stock d’amphihalins pertinent au regard des questions de biodiversité (atteinte des objectifs internationaux), mais aussi assurer un stock exploitable dit « sauvage », au sein duquel les pêcheurs peuvent puiser (photographie n°6). Littoraux et estuaires, espaces concentrationnaires des populations amphihalines, conservent donc leurs populations de poissons migrateurs « sauvages », grâce à un socio-écosystème totalement anthropisé, utilisant pleinement la pisciculture d’élevage.

Photographie n°6 : installation des bourgnes pour la pêche à l’anguille dans les années 1990 sur l’estran, à Corsept, Loire-Atlantique. Cette pêche est encore pratiquée.

Collection privée.

L’élevage en contextes marin et côtier : la conchyliculture

22Si les oiseaux et les poissons, espèces phares prédatées lors de relations traditionnelles entre l’Homme et son environnement (Descola, 2005), ont donc très tôt été concernés par une hybridation physique, mais aussi immatérielle (Larrère, 1994), entre individus « sauvages » et « non sauvages » (Stépanoff et Vigne, 2018), les coquillages ne sont pas en reste, même si cela intervient plus tardivement. Les coquillages sont depuis longtemps ramassés sur l’estran, mais leur élevage n’apparaît qu’à l’époque moderne. Comme les poissons, les coquillages subissaient dès l’Ancien Régime des baisses de stocks importantes, déstabilisant certaines communautés côtières en période de tension agricole parallèle (Pavé, 2006). L’administration colbertienne de l’Inscription maritime (devenue par la suite Affaires maritimes) était fréquemment alertée. Les premières mesures prises étaient d’ordre purement réglementaire, en limitant l’effort de pêche. Plus tardivement, des accompagnements scientifiques furent demandés, s’aidant des savoirs écologiques locaux détenus par les communautés côtières (Huntington, op. cit.). Au sein des stations marines (qui revêtent alors une acception très large), les chercheurs vont se lancer dans l’élevage de coquillages, d’abord expérimentalement, puis à grande échelle (Kohler, 2002). Dans les grandes zones proprices aux « élevages marins », les stations dédiées à la culture des coquillages (ou conchyliculture) éclosent : traict du Croisic, baie de Quiberon, baie de Bourgneuf, etc. Et les efforts paient, puisque rapidement, plusieurs espèces de coquillages sont élevées, et que les recherches continuent encore aujourd’hui.

23À la différence de la sauvagine (l’essentiel de l’innovation induite par le système de l’appelant est le fait de savoirs écologiques des chasseurs) et des poissons (les savoirs sur l’élevage mixte sont pour partie issus des ordres religieux), les coquillages bénéficient fortement de savoirs scientifiques. Ceci est certainement aussi dû au fait qu’ils constituent vite une manne commerciale intéressante pour les zones côtières, aux fluctuations moins fortes que les poissons, car plus contrôlés, notamment grâce à l’enclosure.

24Dans la seconde moitié du 20e siècle, le captage de naissins, ainsi que l’élevage des moules et des huîtres est bien maîtrisé. Les scientifiques se penchent alors sur d’autres espèces de coquillages. Les palourdes sont notamment analysées, tout comme l’ormeau (Riera, 2017), mais aussi et surtout, la coquille saint-jacques. En rade de Brest, portée par les pêcheurs et leur comité des pêches, une écloserie de coquilles naît au Tinduff, sur la commune de Plougastel-Daoulas. Elle est encore aujourd’hui la seule écloserie de coquilles européenne à maîtriser l’intégralité du processus de captage/élevage/reproduction et vend sa production à une grande partie des comités des pêches de France (Boudry et Danto, 2017). Le système, complexe et technique, permet la production d’importants stocks de coquillages, qui sont alors semés sur les gisements en mer pour compléter leur masse. Là encore, un système anthropique intervient sur les gisements « naturels », en les complétant, conduisant à une mixité coquillages d’élevage/coquillages sauvages en présence. Malgré tout, les marins-pêcheurs qui pêchent sur ces gisements vendent leurs coquillages comme des coquillages issus de la pêche maritime, et non de la conchyliculture, bénéficiant ainsi d’une image de produit « sauvage », alors qu’une phase hors-mer a permis le grossissement d’une partie des individus (Ragueneau et al., op. cit.). Un ancien de l’écloserie considère d’ailleurs les coquilles comme cela : « j’aurais tendance à dire domestiques ».

25L’exemple des coquillages, dans la lignée des oiseaux et des poissons, montre que certains groupes sociaux, ici les conchyliculteurs et leur filière, souhaitent, pour des raisons commerciales avant tout, conserver l’attribut « sauvage », quitte à tolérer quelques distorsions éthiques. Parallèlement, les invasions biologiques remettent en question cette représentation (Chlous, 2013). L’invasion de la mer des Wadden par l’huître creuse du Pacifique (Crassostrea gigas) interroge quant à l’exploitation de gisements encore qualifiés de « naturels » par les conchyliculteurs de l’île de Sylt. Certes, les gisements sont naturels, mais les populations d’huîtres en présence sont arrivées là par la main de l’homme, aidée par les courants marins côtiers. Le couple « sauvage/non-sauvage » apparaît ici comme relativement proche et complexe à décortiquer : comment savoir si un coquillage a connu une phase d’élevage hors mer ou non ?

26Au travers de cet article, qui s’est appuyé sur trois groupes d’espèces – oiseaux composant le gibier d’eau et la sauvagine, poissons migrateurs amphihalins, et enfin coquillages d’élevages marins –, nous avons voulu interroger les espaces estuariens et littoraux comme lieux d’imbrications du « sauvage » et du « domestique ». Notre point de départ était une image façonnée au fil des siècles de rivages et d’embouchures « naturels », encore peu anthropisés, avec des populations faunistiques « sauvages ». Cette image est notamment relatée par la communication touristique, administrative ou environnementale, qui présente ces espaces et ces espèces comme en tous points naturels et « sauvages », aussi bien en France qu’en Allemagne. Or, nous avons tenté de le montrer, ces espaces et les populations faunistiques qui y vivent sont fortement touchés par les activités humaines, voire contrôlés, dans l’intégralité de leurs cycles de vie, par des systèmes techniques et socio-économiques totalement anthropisés. Ce tableau synthétise les modalités et résultats de la mise en scène de la nature par ces dispositifs socio-techniques :

Type de mise en scène

Appelant

Agrainée

Pisciculture / Repeuplement

Capture / Repeuplement

Conchyliculture

Groupe d’espèces

Oiseau / gibier d’eau

Oiseau / gibier d’eau

Poissons migrateurs amphihalins

Poissons migrateurs amphihalins

Coquillages

Acteurs

Chasseurs

Chasseurs

Pêcheurs

Pêcheurs

Conchyliculteurs

Origine de l’action socio-technique : acteurs

Pratiquant

Pratiquant

Administration

Administration

Scientifique

Modalités de mise en œuvre : objets et processus

Utilisation d’appelant, de forme, de blette, de cane, de Lockvogel, de Lockbild, pour attirer les oiseaux

Utilisation de grains au même endroit, jour après jour, pour fidéliser les oiseaux

Elevage de poissons contrôlé de la reproduction au relâché

Capture de poissons sauvages, puis relâché

Captage de naissins sauvages, ou reproduction contrôlée, puis élevage

Modalités de mise en œuvre : lieux

Bosse de chasse près d’un plan d’eau, volière

Plan d’eau

Pisciculture, puis cours d’eau

Bassins temporaires (mareyage), puis cours d’eau

Ferme conchylicole, estran littoral

Résultats

Capture d’oiseaux sauvages grâce à des oiseaux domestiques

Capture d’oiseaux sauvages

Production d’animaux domestiques relâchés pour soutenir une population sauvage

Capture d’animaux sauvages, relâchés pour soutenir leur même population, sauvage

Capture de naissins sauvages ou reproduction domestique pour la production d’animaux domestiques

Qualification du résultat par les acteurs

Oiseaux sauvages

Oiseaux sauvages

Poissons sauvages

Poissons sauvages

Coquillages sauvages à domestiques

Tableau : synthèse des modes de mises en scène de la nature (© A. Danto)

27Dans les trois cas de soutien aux stocks halieutiques, conchylicoles et cynégétiques, la finalité est similaire, mais les méthodes et les temporalités proposées pour y arriver divergent selon les porteurs des actions socio-techniques (administration, scientifique, ou pratiquant). La frontière entre « sauvage » et « non-sauvage » est parfois volontairement décalée par les acteurs dans un sens ou dans l’autre de la limite (Granjou, 2013) et fait l’objet d’importantes fluctuations. Les trois exemples concrets – oiseaux, poissons et coquillages – montrent ainsi que la vision communément admise de vastes espaces sauvages où l’on peut pratiquer de la chasse, de la pêche et de la cueillette en toute liberté (Brugidou et Clouette, 2017) sur des gisements et des stocks « sauvages », est en réalité largement tronquée par un processus anthropique de « désensauvagement » (Dupuy, 2016) à l’œuvre depuis de nombreux siècles, insidieux, invisible, mais pourtant présent dans les moindres recoins des vases estuariennes et du sable des rivages.

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Entretiens

Un agent de l’ONCFS (SD 44 / RNCFS), Frossay

Un agent de l’AFB (USM Loire-Bretagne), Nantes

Trois agents des Affaires maritimes (DDTM 44 / DML / ULAM ; DIRM NAMO / CSN Pays-de-la-Loire), Saint-Nazaire, Nantes

Trois pêcheurs amateurs aux bourgnes, Corsept, Saint-Brevin

Trois pêcheurs amateurs aux engins et au filet (ADAPAEF 44), Le Cellier, La Varennes Rezé

Un ancien agent de l’écloserie du Tinduff, Plougastel-Daoulas

Trois chasseurs de Brière, Pénestin, La Chapelle des marais, Saint-Joachim

Un chasseur de Basse-Loire nord, Lavau-sur-Loire

Un pêcheur de Brière, Saint-Joachim

Un chasseur de la Basse-Loire sud, Corsept

Un pêcheur amateur sur pêcherie fixe, Corsept

Un scientifique du Muséum d’histoire naturelle de Nantes

Un naturaliste (ornithologue), Herbignac

Un pêcheur amateur aux crevettes des Wadden, Wremen

Un responsable de musée local, Wremen

Une habitante de Wremen

Deux pêcheurs professionnels des Wadden, Spieka-Neufeld et Norden

Deux pêcheurs professionnels de la Baltique, Kiel et Heringsdorf

Un scientifique des pêches (IFU), Rostock

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Notes

1 Le mot « tourisme » provient de la contraction du « tour de l’isthme », tour qui correspondait au voyage réalisé par de jeunes aventuriers, originaires de familles aisées, notamment anglaises, autour de la péninsule italienne.

2 Convention de Ramsar sur la préservation des zones humides par exemple, traité international signé en 1971.

3 La figure du chasseur a pu disparaître de certains territoires, comme sur l’estran de la mer des Wadden. Classée par l’UNESCO au titre du patrimoine mondial et protégée par la convention Ramsar, cette mer bordière a aussi été élevée au rang de parc naturel tri-national (avec les Pays-Bas et le Danemark), pour préserver la plus grande vasière d’Europe (Danto, 2017). Cela a conduit, dès 1989, à l’arrêt de la chasse au gibier d’eau, interdite sur la vasière aux 500 chasseurs du Watt.

4 Enim : Établissement national des invalides de la marine.

5 MSA : Mutualité sociale agricole.

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Table des illustrations

Légende Photographie n°1 : appelants en plastique vendus dans un magasin de sport, Loire-Atlantique.
Crédits L. Suard, 2018.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/docannexe/image/3406/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
Légende Photographie n°2 : filet du camp de bagage de Pompas, utilisant un appelant sonore, en bordure du marais de Brière, Herbignac, Loire-Atlantique.
Crédits A. Danto, 2018.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/docannexe/image/3406/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 224k
Légende Photographie n°3 : bosses de chasse dans le marais de Brière, île de Fédrun, Saint-Joachim, Loire-Atlantique.
Crédits A. Danto, 2018.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/docannexe/image/3406/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 536k
Légende Photographie n°4 : extrait d’un carnet de notes de l’Abbé Joseph Douaud, natif de la Basse-Loire nord. Carnet vermillon de 8.5*12.3 cm, annoté comme le « carnet V », débutant en juillet 1946, terminant en septembre 1947. Ce carnet correspond à un ensemble d’observations naturalistes long de 121 pages.
Crédits Collection privée.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/docannexe/image/3406/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 488k
Légende Photographie n°5 : repeuplement en civelles de la basse vallée de l’Erdre, dans le marais de Mazerolles, Loire-Atlantique.
Crédits A. Danto, 2014.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/docannexe/image/3406/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 752k
Légende Photographie n°6 : installation des bourgnes pour la pêche à l’anguille dans les années 1990 sur l’estran, à Corsept, Loire-Atlantique. Cette pêche est encore pratiquée.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/docannexe/image/3406/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 475k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Anatole Danto, « Estuaires et rivages, parmi les derniers lieux du « sauvage » ? »Trajectoires [En ligne], 12 | 2019, mis en ligne le 06 février 2019, consulté le 11 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/3406 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trajectoires.3406

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Auteur

Anatole Danto

Doctorant CNRS, Univ Rennes, IEP Rennes, CNRS, ARENES – UMR 6051, F-35000 Rennes, France et RTPi ApoliMer, CNRS, CEBC – UMR 7372, F-79360 Villiers-en-Bois, France, anatole.danto@orange.fr

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