Les ailes de la gloire : les "As" de l'aviation dans les sociétés allemande et française (1914-1939)
Texte intégral
1Le « chevalier du ciel » est un mythe qui survit à la Grande Guerre. Il est pourtant en profond décalage avec l’expérience commune des soldats. La guerre était-elle si différente dans les airs ?
2Cette thèse, préparée en cotutelle internationale entre l’Université Paris Nanterre et la Technische Universität Braunschweig et soutenue le 9 décembre 2023, revient sur cette idée. Elle étudie les figures emblématiques de la Première Guerre aérienne, les « As » en France et les « Kanonen » en Allemagne, mis en valeur par les armées, les gouvernements et les journalistes pour avoir abattu plusieurs avions ennemis. Par une prosopographie de 193 aviateurs français et 155 aviateurs allemands, cette thèse confronte les trajectoires individuelles des acteurs aux représentations dont ils sont les vecteurs. Elle met en évidence que la sélection sociale et institutionnelle des pilotes pendant la guerre est un facteur de leur influence.
3Une fois le conflit achevé, ces aviateurs célèbres – dont seuls deux tiers survivent – disposent d’un capital combattant dont ils font usage pour tenter d’obtenir de meilleures positions sociales. Il est particulièrement efficace dans l’aéronautique qui se développe en sortie de guerre et dans laquelle ils font souvent carrière. Ils se retrouvent également dans les aéro-clubs où ils occupent des positions de pouvoir et portent l’image des « chevaliers de l’air ». In fine, rares sont ceux qui n’entretiennent plus aucun lien avec l’aéronautique après leur démobilisation.
4Cela explique la permanence du mythe et son développement en une mémoire autonome de celle du reste des combattants. Les aviateurs continuent de se distinguer des autres combattants et essaient de tirer profit du récit mythique qui conforte leur capital symbolique. Ils servent un propos révisionniste en Allemagne, mettant en avant des soldats qui n’ont fait qu’enchaîner les succès, et portent plus généralement la création des armées de l’Air. Ils en sont des figures majeures, qui transmettent leurs valeurs à leurs successeurs malgré les développements contraires de la doctrine militaire.
5L’expérience commune de la Première Guerre aérienne est un élément d’identité partagée et donc de cohésion, mais qui n’empêche jamais les divergences, notamment politiques. C’est particulier le cas dans les années 1930, quand l’élite nazie s’empare de la mémoire de l’aéronautique militaire et l’instrumentalise pour en faire un ressort de son action.
Pour citer cet article
Référence électronique
Damien Accoulon, « Les ailes de la gloire : les "As" de l'aviation dans les sociétés allemande et française (1914-1939) », Trajectoires [En ligne], 17 | 2024, mis en ligne le 25 mars 2024, consulté le 09 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/trajectoires/10762 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/trajectoires.10762
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