Texte intégral
« Goût de Dieu et du divin, l’aisthesis est encore un goût des choses que l’on peut discerner ‘proche de l’expérience’ (peira) : aisthesis et peira sont souvent associées. C’est Dieu sensible au cœur, le ‘surnaturel senti’, la conscience de la présence de la grâce. »
- 1 É. Des Places, « Diadoque de Photicé », Dictionnaire de spiritualité, Ascétique et mystique, Doctr (...)
- 2 Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, Paris, Cerf, SC n° 5, 1943, réimpr. avec add., 1997 (n°5 (...)
- 3 Interprétation de É. Des Places, op. cit., p. 100, note 2, transposée de Grégoire de Nysse à Diado (...)
- 4 G. Horn, « Le sens de l’esprit d’après Diadoque de Photicé », Revue d'ascétique et de mystique, 8 (...)
- 5 A propos de ce terme central de peira chez Diadoque et plus largement chez les pères, voir Dom P. (...)
- 6 Grégoire de Nysse, Traité de la virginité, Paris, Cerf, 1976, et son commentaire magistral par J. (...)
- 7 K. Rahner, « Le début d’une doctrine des cinq sens spirituels chez Origène » dans Revue Ascétique (...)
- 8 Le mot πληροφορία se trouve pour la première fois dans le Nouveau Testament, et seulement à quatre (...)
- 9 Aἴσθεσις devient presque le synonyme du mot πληροφορία, auquel il est si souvent « accolé » affime (...)
- 10 Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, op. cit., Introduction p. 38 par É. Des Places, chapitre (...)
- 11 G. Horn, art. cit., p. 417, note 1.
1Ces phrases délicates du père Édouard Des Places (1900-2000)1, ce professeur de l’Institut biblique et de l’Université grégorienne à Rome qui édita et introduisit les Œuvres spirituelles de Diadoque de Photicé aux SC dès 19432, condensent en une admirable synthèse ce qui forme à l’évidence le cœur de l’expérience spirituelle de ce grand hésychaste que fut Diadoque. Dans le sillage direct de Macaire, on y trouve rassemblées l’aistheisis, cette sensation insigne de Dieu ou, plus exactement, ce sens intime unique, « monoïdéique »3, antérieur à la division des cinq sens, qui caractérise si bien la conception de Diadoque4. Cette sensation cristallise une pratique spirituelle dont le moteur insigne est l’expérience (peira), terme qui revient abondamment dans ses écrits5, et dont l’assomption, en grande proximité avec Grégoire de Nysse6, est recueillie par notre auteur dans l’image subtile du goût,7 et ce, dans la plénitude (pleroforia) de sa donation. Ce terme est également central chez Diadoque8, si intense dans l’expression bien connue de ce dernier, « έν πάσῃ αἰσθήσει καὶ πληροφορίᾳ »9, et que l’on peut traduire par exemple ainsi que le fait É. Des Places par : « en un sentiment total de plénitude »10, marquant comme le dit Gabriel Horn « l’invasion de la grâce, l’état d’une âme que la vérité a pacifiée »11.
« Comme, dans leur joie, ils ne croyaient point encore, et qu’ils étaient dans l’étonnement, il leur dit : “Avez-vous ici quelque chose à manger ? Ils lui présentèrent du poisson rôti et un rayon de miel. Il en prit, et il mangea devant eux”. »
2Cette demande vitale et archaïque du Christ rapportée dans Luc, 24, 41-43, témoigne combien le sens du goût est le plus à même de me faire sentir Dieu au plus profond de moi-même, et d’emporter la foi par-delà toutes les démonstrations. On peut noter par ailleurs que ce « surnaturel senti », comme le nomme É. des Places, ce sens de Dieu (peira aistheseos), témoigne, ce n’est pas anodin, de la présence de la grâce (charis), souvent présente à notre insu. Je reviendrai plus loin sur cette signification délicate de la grâce divine chez Diadoque.
- 12 J. Meyendorff, Saint Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe (1959), Paris, Seuil, 2002, p. 28.
- 13 A propos des différentes étapes de la prière, voir M.-H. Congourdeau, « Diadoque de Photicée », da (...)
3Dans cette présentation phénoménologique de la théologie anthropologique de Diadoque de Photicé, je voudrais souligner combien Saint Diadoque de Photicé, fêté le 29 mars, fut, selon la belle formulation de Jean Meyendorff dans son petit livre de 1959 devenu un classique, Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe, « l'un des grands popularisateurs de la spiritualité du désert dans le monde byzantin »12. Ainsi, l’expérience spirituelle du goût de Dieu n’est en rien pour lui l’apanage d’un cercle d’initiés ni réservée aux moines, lesquels sont parfois idéalisés comme des athlètes de Dieu : c’est la vie tout entière selon l’esprit qui est en jeu, tout l’itinéraire de la foi au quotidien, et pas simplement non plus un état de prière illuminé à un moment donné.13 C’est pourquoi Diadoque, aujourd’hui encore, peut intéresser. Si c’est l’ensemble de la vie, ici chrétienne, qui est tout uniment l’expérience (peira), on comprend aussi combien pour Diadoque ce chemin expérimental et expérientiel de la vie humaine ne distingue plus, à terme, grâce divine et effort humain. Non qu’il faille confondre les parts respectives de Dieu et de l’humain, mais parce que, comme on le verra, la grâce étant donnée à l’homme dès le baptême, elle se met à opérer de plus en plus, à mesure que l’être humain pratique, fait exercice (askesis), effort (epimeleia), à savoir entre toujours plus, et toujours mieux surtout, dans l’invocation du nom de Jésus. Ainsi, grâce divine et effort humain, œuvrant ensemble, entrent spontanément dans une sorte de danse où ils deviennent à mesure un en deux. Je reviendrai plus loin sur la particularité de cette relation dynamique entre la grâce et l’effort chez Diadoque.
- 14 É. Des Places, op. cit., p. 9 : « les données certaines sur la vie de Diadoque se réduisent à peu (...)
4Dans un premier temps, je convoquerai les rares informations dont l’on dispose sur la vie de Diadoque14, ainsi que les quelques écrits qu’il a laissés et qui furent tardivement redécouverts et attestés comme siens. Dans un deuxième temps, je situerai notre auteur dans le contexte historique de son époque, parmi ses prédécesseurs et maîtres, Grégoire de Nysse, Évagre et Macaire-Syméon d’une part, et ses adversaires, les messaliens d’autre part. C’est ce qui me permettra, et ce sera le temps central de cette contribution, de spécifier son approche – que je nomme phénoménologique - de la prière du cœur comme invocation du nom de Jésus et, corrélativement, de tenter de saisir la singularité de son anthropologie théologique de la grâce. Je terminerai en indiquant l’importance de Diadoque encore aujourd’hui, et quels ont été les artisans de sa transmission jusqu’à l’époque contemporaine.
- 15 Pour ce temps introductif, j’ai pris appui sur l’Introduction détaillée de É. Des Places à son édi (...)
- 16 F. Dörr, Diadochus von Photike und die Messalianer: ein Kampf zwischen wahrer und falscher Mystik (...)
- 17 D. de Photicé, Sermon pour l’Ascension, in : É. Des Places éd., Œuvres spirituelles, op. cit., p. (...)
- 18 J.-D. Mansi, Sacrorum conciliorum... collectio, t. 7, Florence, 1762, col. 619b, cité par É. Des P (...)
5« Le plus occidental des évêques d’Orient », ayant à ce titre sans doute eu des contacts avec Rome, mais ne parlant sans doute pas latin… C’est ainsi que Friedrich Dörr nomme Diadoque dans son ouvrage pionnier de 193716. Diadoque qui naquit vers 400 et fut évêque de Photicé en Épire, cette province située dans le nord-ouest de la Grèce.
C’est en tant qu’évêque qu’il participe au Concile de Chalcédoine en 451, sur la rive asiatique du Bosphore, dont l’un des buts, rappelons-le fut de combattre l’hérésie monophysite, et Diadoque se fait alors le champion de la christologie chalcédonienne. Dans son Sermon sur l’Ascension, il affirmera justement : « (…) le même Seigneur est homme et Dieu en une seule personne »17.
Grec de naissance, comme en témoigne la pureté de son style et son importante culture, Diadoque eut à cœur, en tant que responsable d’une communauté monastique à laquelle s’adresse d’ailleurs son œuvre principale, sa Centurie, les Cent chapitres spirituels, de guider la vie spirituelle et théologique de ses moines. Il s’inscrit à plein dans les luttes de son temps, vivement conscient de leurs enjeux. En témoigne la lettre des évêques de la Vieille Épire à l'empereur Léon Ier au sujet de l'assassinat de Protérios d'Alexandrie, en 457, qu’il a signée, peut-même rédigée18. En témoigne enfin sa critique discernante d’une autre hérésie centrale au ve siècle, le messalianisme, sur laquelle, étant donnée son importance cruciale pour la compréhension de la théologie de la grâce de Diadoque, je reviendrai plus loin en détail. Cette lucidité pastorale s’allie à une intense exigence contemplative, comme en témoigne indirectement certains passages des Chapitres XIII et XCI :
« ceci m’a été raconté par un de ceux qui aiment le Seigneur d’une résolution insatiable : ‘comme je désirais, dit-il, connaître de science l’amour de Dieu, la Souveraine Bonté m’a accordé dans un grand sentiment de plénitude (aisthesai… pleroforia) ; et j’en ai si fortement éprouvé l’action que mon âme brûlait alors (…) de sortir du corps et de s’en aller vers le Seigneur… »
- 19 D. de Photicé, Œuvres spirituelles, Cent Chapitres, chapitre XCI, p. 152.
Diadoque fait ici mine, avec un grand sens de l’humilité, de rapporter le témoignage de quelqu’un qui n’est en réalité personne d’autre que lui-même…19
- 20 Concernant l’influence de Diadoque sur l’Occident latin et sur Pomère en particulier au ve siècle, (...)
6La fin de sa vie et la date de sa mort se perdent dans la légende : il aurait été enlevé par les Vandales, emmené prisonnier en Afrique à Carthage où il serait mort en 486, après avoir influencé Julien Pomère dans son traité. La vie contemplative, qui, fuyant en Gaule, deviendra en 499-500 rien moins que le professeur de Césaire d’Arles20.
- 21 Philocalie des pères neptiques, Paris, D. de Brouwer, J.-Cl. Lattès, 1995, t. 1, p. 274-309.
- 22 M.-H. Congourdeau, « Diadoque de Photicée », dans : S. Morlet (dir.), Histoire de la littérature g (...)
7On aura compris que Diadoque est l’homme d’un ouvrage principal, Les chapitres spirituels, redécouvert au xixe siècle, texte sur lequel je reviendrai en détail plus loin, et dont on dispose de plusieurs traductions et éditions, ce qui indique son importance et son intérêt : celle du père des Places de 1943 aux SC, régulièrement rééditée, celle des éditions Bellefontaine de 1979-1981, du groupe de traduction de Boris Bobrinskoy puis repris dans l’édition de la Philocalie chez J.-Cl. Lattès dans l’Introduction de O. Clément et la traduction de J. Touraille21, celle enfin de M.-H. Congourdeau en 1990, puis son article de 202022. Trois brefs autres textes, découverts plus tard encore, le Sermon pour l’Ascension, la Vision et la Catéchèse, d’abord attribuée à Syméon le nouveau théologien, accompagnent les Chapitres aux SC.
8J’ai hésité d’abord à situer Diadoque dans sa filiation avec ses maîtres, et de m’intéresser ensuite à son combat contre l’hérésie du messalianisme, donnant ainsi légitimement la primauté à l’orthodoxie sur l’hétérodoxie. Mais, en pénétrant plus avant l’esprit de la foi de Diadoque et sa relation à la grâce, j’ai eu le sentiment que sa lutte contre les messaliens était une clé pour saisir de l’intérieur son sens du « discernement », terme crucial, et la portée de la grâce chez lui, au point qu’il me fallait commencer par l’évaluation de sa relation complexe avec cette hérésie pour pouvoir même cerner la singularité de son expérience spirituelle directe.
- 23 A ce propos, F. Dörr, Diadochus von Photike und die Messalianer: ein Kampf zwischen wahrer und fal (...)
9Le nom est d’origine syriaque « mṣalliāné ». Il désigne les « priants », venant du verbe ṣalli, « prier », ce qui fut rendu en grec soit par Μασσαλιανοί, soit par Εύχίται (du verbe evchomai, « prier »). La secte apparaît dans la région d'Édesse, puis se répand en Syrie et en Asie Mineure. On les a aussi appelés les « enthousiastes », au sens propre du grec έν- θουσιάζω, « je suis en Dieu ». Il est éloquent qu’ils soient surtout connus à travers la condamnation de leur doctrine, lors du Concile d’Ephèse notamment en 431. « Priant », « Dieu en soi », ces appellations concentrent en réalité le radicalisme de leur expérience spirituelle, seule la prière, continue et intense, permettant selon eux, – en l’âme cohabitant la grâce et le péché –, de chasser les démons et d’atteindre l’apatheia, à savoir l’ataraxie complète, c’est-à-dire aussi la pureté parfaite de l’union à Dieu, ce qu’ils présentent comme une communication directe avec lui par sa vision. C’est la focalisation exclusive et absolue sur la prière, unique moyen de salut, qui les conduit de ce fait à délaisser toute autre activité, jugée inessentielle, qu’il s’agisse d’une profession, de la possession d’un bien, voire d’une discipline sociale ou morale. Dès lors, les règles de la vie de l’Église et les sacrements eux-mêmes sont estimés inutiles, à commencer par le baptême et l’Eucharistie23.
10Un tel tableau est suffisamment extrême, élitiste, pour entrer en contraste évident avec la modération d’un Diadoque et son souci « démocratique » d’ouvrir l’expérience spirituelle à toutes et à tous (si l’analogie politique a ici quelque sens…). À l’encontre du sectarisme messalien, Diadoque souligne d’une part le caractère essentiel du sacrement du baptême, qui accorde d’emblée la grâce, d’autre part, la nécessité continue du combat intérieur contre les passions. Le chapitre XCVIII, souvent cité, en témoigne. La justesse et beauté de son écriture, qui rend si fermement l’expérience spirituelle, vaut la peine que je le cite un peu longuement :
- 24 Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, op. cit., chapitre 98, p. 160.
« L’impassibilité ne consiste pas à ne pas être attaqués par les démons, (…) mais à rester inexpugnables quand ils nous attaquent. (Les guerriers) doivent leur sécurité au fer qui les cuirassent dans la bataille ; quant à nous, armés de l’armure de la sainte lumière et du casque du salut, grâce à toutes les bonnes œuvres, brisons les nombreuses phalanges des démons. Car ce n’est pas seulement de ne plus faire le mal qui donne la pureté ; c’est de ruiner le mal, de toutes nos forces, par le souci du bien. »24
- 25 H. Dörries, « Diadochos und Symeon. Das Verhältnis der kephaleia gnostica zum Messalianismus », 19 (...)
11Bref, il y a un combat de tous les instants à mener, les images de l’armure de la sainte lumière et du casque du salut en sont la manifestation concrète. La prière seule et l’expérience directe de l’Esprit ne suffisent pas. À moins bien entendu que la prière elle-même soit vécue comme le support conscientisé de ce combat, et que la conscience de la grâce reçue dès le baptême soit elle-même présente en chacun en conscience.
C’est en ce sens que la lutte de Diadoque contre le messalianisme est moins une lutte extérieure contre une doctrine qu’une lutte intérieure, un corps à corps, tout contre l’expérience messalienne elle-même. En effet, Diadoque ne lutte pas seulement contre des hypothétiques ennemis, que j’ai à dessein un peu caricaturés comme des priants extrémistes, parfois aussi présentés ainsi pour les besoins de la prise de distance critique comme des illuminés, mais il entre en débat intérieur, spirituel, avec celui qui a été longtemps, dans l’exégèse, considéré comme son adversaire, à savoir Macaire-Syméon dit aussi le Pseudo-Macaire, et qui est à présent reconnu, depuis le travail pionnier de H. Dörries en 1961, « Diadoque et Syméon. La relation des Chapitres spirituels au messalianisme », comme son maître intime25.
- 26 À propos de Macaire, cf. A. Guillaumont, « Messaliens », Dictionnaire de spiritualité, t. 10, 1980 (...)
12Avec l’intimité de la relation entre Diadoque et Macaire, on a un superbe exemple du rôle intérieur que joue l’hérésie comme levier et exercice de notre discernement. Grâce à Macaire en effet, que Diadoque lit directement bien plus que les messaliens eux-mêmes, notre auteur aiguise sa pratique du discernement, concernant la portée de la grâce par rapport au péché dans l’âme du chrétien. Tout se résume dans l’affirmation messalienne de la cohabitation de la grâce et du péché en l’âme de la ou du baptisé·e. Voici comment Macaire formule cette cohabitation dans ses Homélies :
« Le mal a pénétré dans nos âmes, il a atteint jusqu’aux os de nos membres. Donc, de même que Satan est dans l’air sans que Dieu (…) en reçoive aucun dommage, de même le péché est dans l’âme et semblablement aussi la grâce de Dieu (…) »
Et encore :
- 27 Macaire, Homélies, XVI, 6, et XVII, 4, citées par É. Des Places, op. cit., p. 16.
« Il y a des gens chez qui la grâce qui agit et se repose en eux, et aussi le péché, cohabitent intérieurement, et les deux règnes de la lumière et des ténèbres agissent en un seul cœur. »27
13C’est l’interprétation de la phrase du Prologue de Jean, « La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas reconnue », qui permet à Diadoque de rétorquer que le péché ne vient pas de l’intérieur de l’âme, mais que l’on fait siennes les mauvaises pensées par complaisance et que les ténèbres sont d’abord dues à la difficulté de l’être humain à saisir, à recevoir la lumière.
- 28 Article « Macaire II. Doctrine » de M. Canévet dans le Dictionnaire de spiritualité, t. 10, col. 2 (...)
14Ainsi, la lutte interne de Diadoque avec Macaire est ce qui leur permet en fin de compte de faire droit ensemble et pleinement à la fragilité sensible de l’homme qui, toute sa vie, mène un combat spirituel, l’expérience de l’Esprit jamais n’y mettant fin, et pour qui la grâce du baptême est la source première de cette expérience accessible à toutes et à tous, et non à une élite de « purs ». Tous deux revendiquent en fin de compte cette expérience sensible de l’Esprit qui fait déborder l’âme de joie, selon l’expression de Diadoque, « en un sentiment (aisthesei) total de plénitude (pleroforia) », expression qu’on a un temps attribué à Diadoque mais qui, on le sait à présent, vient tout droit de Macaire28. Ainsi, Macaire a pu jouer un rôle analogue à Basile en Cappadoce, en sauvant l’authenticité de l’expérience spirituelle, tout en la recentrant sur l’Église et ses sacrements.
- 29 J. Meyendorff, op. cit., p. 28.
- 30 J. Cassien, Conférences, Paris, Cerf, Sources Chrétiennes 54, 1958 (éditions corrigée 1967/2009), (...)
- 31 K. Rahner, « Le début d’une doctrine des cinq sens spirituels chez Origène », p. 136-142.
- 32 K. Rahner, art. cit., p. 142-144.
15J. Meyendorff présente Diadoque – et Jean Climaque d’ailleurs – comme « la réalisation d’une synthèse entre Évagre et Macaire (…) la prière intellectuelle d’Évagre (devenant) en Orient une prière personnelle de Jésus, la ‘prière du cœur’ »29, dont Jean Cassien donnait déjà l’un des premiers témoignages30. K. Rahner de son côté, qui situe Origène en amont à titre médian, rapproche au contraire Évagre et Diadoque au vu de leur tendance mystique, unifiant chez ce dernier la sensibilité autour d’un sens unique31, et les distingue de Macaire puis de Syméon le nouveau théologien, représentant en revanche une tendance attentive à la physiologie des sens et soucieuse de respecter leur pluralité32.
16Mais quelle que soit l’interprétation retenue, le moine anachorète Évagre et Diadoque son héritier, soulignent l’importance cruciale des sens spirituels comme le lieu de l’expérimentation pratique en l’homme du combat spirituel, à savoir du chemin d’affranchissement par rapport aux passions ou « pensées mauvaises », assimilées aux démons, et ce, bien entendu, sous l’effet de la grâce de l’Esprit en l’homme. Toutefois, Diadoque propose par rapport à la tendance intellectualiste voire angélique d’Origène et d’Évagre une position équilibrée qui revalorise le corps, la joie, la charité, comme en témoigne par exemple le chapitre LXXXI, ainsi qu’un sens aigu du discernement (diakrisis akribis), auquel sont consacrés les chapitres centraux XXVI à XXXV :
- 33 Diadoque de Photicé, op. cit., chapitre XXVI, p. 97.
« Il faut que ceux qui luttent gardent sans cesse leurs pensées (dianoeian) à l’abri des houles, pour que l’intellect discerne (diakrinon) les suggestions (logismous) qui accourent la traverser et déposent dans les trésors de la mémoire celles qui sont bonnes et viennent de Dieu, tandis qu’il rejettera celles qui sont perverses et diaboliques. »33
- 34 Diadoque de Photicé, op. cit. chapitre VI, p. 87.
- 35 Je remercie le père Nicolas Cernokrak pour cette précision inspirante.
17Cet « art spirituel » aigu du discernement occupe une place particulière chez Diadoque : s’y exerce tout effort de l’homme, mais toujours sous l’action du don du Saint-Esprit, ce que résume parfaitement le terme de « charisme », ce don divin que l’homme fait fructifier : « une des lumières de la vraie science [la théologie] consiste à discerner infailliblement le bien du mal. »34 La position équilibrée de Diadoque se manifeste en réalité à plein dans les très célèbres dix définitions (oros) qui ouvrent la Centurie, et qui sont d’ailleurs plus des « horizons » de la pratique que des concepts délimités35. Ce qui frappe à leur examen, c’est le caractère ciselé de leurs formulations, qui prennent la forme, stylistiquement, d’oxymores, et, théologiquement, d’antinomies :
« quatrième définition : l’absence d’avarice (aphilargirias). Mettre à vouloir (thelein) ne pas posséder autant d’ardeur qu’on en met d’ordinaire à vouloir posséder. »
Et encore :
« Septième définition. L’absence d’irascibilité (aorgirias). Un grand désir (epithumia) de ne pas se mettre en colère. »
- 36 N. Depraz, Le corps glorieux. Phénoménologie pratique de la Philocalie des Pères du désert et des (...)
- 37 Myrrha Lot-Borodine, « Mystère du ‘don des larmes’ dans l’Orient chrétien », dans : La douloureuse (...)
18Alors qu’Évagre place en miroir duel les passions et leurs antidotes, comme des réponses réactives, externes, postérieures au mal premier, Diadoque place en équivalence interne passion et vertu, voire situe le désir lui-même au cœur de la vertu. On a donc une vision anthropologique dynamique et intégrée, qui fait des passions elles-mêmes le levier du discernement des vertus, de même l’hérésie messalienne était en la figure de Macaire le levier dynamique de l’orthodoxie de Diadoque. Plus avant encore, les neuvième et dixième définitions placent l’antinomie au cœur de l’expérience de la charité (agapè) et de la jouissance (trufi) de Dieu, la première faisant de l’expérience négative de l’outrage le ressort interne d’un amour accru (sic. l’amour des ennemis), tandis que la jouissance de Dieu émerge de la douleur et de l’horreur de la mort. Bref, il s’agit de « métamorphoser les sensations pour les rendre à leur nudité authentique et, ce faisant, de faire émerger la pureté de leur grâce au cœur de l’incomplétude qui caractérise essentiellement l’être humain comme un être sensible. »36 En forte résonnance ici avec l’oxymore de la sobre ivresse, cher à la théologie mystique de Grégoire de Nysse, la douloureuse joie de Dieu ou l’amertume suave du goût de Dieu libèrent la « fruition » spirituelle des sens, selon le beau mot de Myrrha Lot-Borodine dans son article « Mystère du ‘don des larmes’ dans l’Orient chrétien »37.
19Prier continuellement, même si l’on vit hors des monastères, y accueillir, y faire fructifier la grâce reçue dès le baptême. Cette phrase pourrait résumer à elle seule tout l’enseignement de Diadoque.
On a déjà beaucoup mentionné l’importance de la grâce, affirmée par Diadoque avec les pères contre les messaliens et, tout autant, l’importance de l’action continue de l’homme à travers son arme privilégiée qu’est la prière de Jésus, tant soulignée par l’évêque de Photicé avec son maître Évagre. Je voudrais à présent tenter de caractériser plus finement encore la délicate dynamique de leur co-opération (en grec, de leur syn-ergie).
20Voilà pour commencer comme Diadoque, au chapitre LIX, décrit la puissance insigne de l’acte d’invocation du nom de Jésus :
- 38 Diadoque de Photicé, op. cit., p. 119. Cf. aussi chapitre LXI.
« L’intellect exige absolument de nous, quand nous fermons toutes ses issues par le souvenir de Dieu, une œuvre qui doive satisfaire son besoin d’activité. Il faut donc lui donner le ‘Seigneur Jésus’ comme la seule occupation qui réponde entièrement à son but. Personne en effet, est-il écrit, ne dit ‘Jésus est Seigneur’, si ce n’est dans l’Esprit-Saint (1 Co 12, 3). Mais qu’en tout temps il contemple si exclusivement cette parole dans ses propres trésors qu’il ne se détourne vers aucune imagination. Tous ceux, en effet, qui méditent sans cesse dans la profondeur de leur cœur ce saint et glorieux Nom, ceux-là peuvent aussi voir enfin la lumière de leur propre intellect. Car, maintenu avec un soin étroit par la pensée, il consume, dans un sentiment intense, toute la souillure qui couvre la surface de l’âme ; et en effet, Notre Dieu, est-il dit, est un feu dévorant (Dt 4, 24). Par suite, désormais, le Seigneur sollicite l’âme à un grand amour de sa propre gloire. Car lorsqu’il persiste, par la mémoire intellectuelle, dans la ferveur du cœur, ce Nom glorieux et si désirable implante en nous l’habitude d’en aimer la bonté sans que rien désormais ne s’y oppose. C’est là en effet la perle précieuse qu’on peut acheter en vendant tous ses biens, pour jouir, à sa découverte, d’une joie ineffable. »38
21Cette invocation et mémoire du Nom, incessamment répétée avec attention, est une vraie arme performative : elle sature à mesure toute l’âme de la présence de Dieu en y consumant à terme toute souillure, et se fait aussi à mesure même pendant le sommeil, dans une présence à soi où la réflexion n’a plus part.
22Mais alors, peut-on se demander, comment la grâce divine se manifeste-t-elle, comment agit-elle ? Si elle est donnée à l’insu du sujet d’un seul coup lors du baptême, pourquoi aurait-elle encore besoin de se manifester ? En fait, la grâce continue à opérer par l’action (energeia) du Saint-Esprit, souvent encore à l’insu de chacun. A cet égard, les chapitres LXXVI à LXXXIX offrent une véritable théo-anthropologie de la grâce d’une rare qualité expérimentale et descriptive.
- 39 Théophane le reclus, Entretiens, p. 383, cité dans La douloureuse joie, op. cit., p. 93.
23De même que l’on ne sait pas quand le Christ se manifestera mais que l’on sait qu’il invite à veiller toujours, à cultiver la vigilance, de même est-on encouragé à lutter contre les passions, quitte à en sortir exténué voire vaincu. Non pas que la grâce se soit absentée. Elle se manifeste justement au cœur de la conscience de l’humilité et du dénuement intérieur. C’est Théophane le Reclus qui parle ainsi dans ses Entretiens : « s’ouvrir à la grâce, c’est se savoir vide, le Seigneur seul, veut et sait combler ce vide. »39
24C’est au chapitre LXXXV que l’on trouve sans doute la description la plus aiguë de cet effet d’entraînement mutuel de la grâce et de la pratique, qui relève moins d’ailleurs d’une dialectique que d’un mouvement de circulation vertueuse, spiraloïdal et ascensionnel. Permettez-moi d’en citer les passages les plus frappants :
« (…) la grâce cache sa présence aux baptisés, dans l’attente du propos de l’âme ; quand l’homme tout entier s’est tourné vers le Seigneur, alors, avec un sentiment indicible, elle manifeste sa présence au cœur (…). »
On pourrait demander : comment l’homme se tourne-t-il vers le Seigneur et, surtout, comment le sait-il ? Diadoque répondra : l’homme se tourne vers Lui lorsqu’il agit, lorsqu’il combat contre ses pensées. Ainsi, le critère unique mais précieux de la venue de la grâce en l’homme, c’est son agir même. Ainsi, au fond, tout est à notre main, c’est cela qui est merveilleux. La grâce divine à chaque instant
« se remet à attendre le mouvement de l’âme, tout en laissant le démon arriver jusqu’au sens intime de celle-ci, pour que d’un propos plus fervent et d’une humble disposition l’âme cherche Dieu. »
25Ainsi, le sentiment même d’abandonner Dieu et d’être abandonné de Dieu, cette double « désolation » dont parle Diadoque, vécue exemplairement par Job, le sentiment d’être en enfer, vécu par saint Silouane, c’est l’expérimentation même de ma liberté, à savoir de mon non-enchaînement à la grâce, et c’est le révélateur de ma fragilité absolue, là, précisément, où la grâce pourra se révéler :
- 40 Diadoque de Photicé, op. cit., chapitre LXXXV, pp. 144-145. Voir aussi les chapitres 21, 78, 59, 6 (...)
« (…) même celui qui est arrivé à ce degré [où le feu de la grâce divine consume l’ivraie de la terre humaine, où elle illumine toute sa nature, où s’éteignent les flèches démoniaques], Dieu l’abandonne parfois à la malice des démons, (…) pour que notre liberté ne soit pas enchaînée par les liens de la grâce, parce que ce sont les luttes qui triomphent du péché, et parce que l’homme doit encore progresser (…) »40
26Ainsi, notre itinéraire de la foi est fait de plusieurs stades d’expérience, où la foi est mise à l’épreuve, où l’attention vigilance (nepsis) redouble d’effort, où l’hésychia à terme émerge, lorsque l’humilité a enfin triomphé du désir de perfection, lorsque la plénitude de la joie déborde en même temps que les larmes. Et Diadoque de mettre ses pas dans la tradition apostolique et théologique des pères cappadociens, et de Basile le Grand en premier lieu, en reprenant la distinction de l’homme, image de Dieu et ressemblance avec Dieu, la première resplendissant dans notre baptême, la seconde s’actualisant à mesure de notre co-opération avec la grâce divine. À ce propos, je citerai ce passage du chapitre LXXXIX, parmi de nombreux autres dans la Centurie (IV, LXXXV), dont la métaphore manifeste la qualité descriptive insigne de Diadoque :
- 41 Diadoque de Photicé, op. cit., p. 149
« De même que les peintres tracent d’abord avec une seule couleur l’esquisse du portrait, et que faisant fleurir peu à peu une couleur sur l’autre ils conservent jusqu’aux cheveux mêmes l’aspect du modèle, de même aussi la grâce de Dieu commence, dans le baptême, par refaire l’image ce qu’elle était quand l’homme vint à l’existence. Puis, quand elle voit aspirer l’être humain de tout son vouloir à la beauté de la ressemblance et se tenir nu et sans exaltation dans son atelier, alors, faisant fleurir vertu sur vertu et élevant la beauté de l’âme de splendeur en splendeur, elle lui acquiert la marque de la ressemblance. »41
27On a vu que, comme pour beaucoup de pères, deux dimensions de son enseignement spirituel coexistent en Diadoque : d’une part, une dimension critique, philosophique, où, à l’occasion du combat contre les monophysites puis surtout contre les messaliens, s’exerce son discernement intérieur et s’affine sa théologie de la grâce, cette épouse fidèle mais exigeante de l’effort combattant de l’homme ; d’autre part, une dimension micro-descriptive, phénoménologique pourrait-on dire, où Diadoque est un guide dans l’expérimentation concrète de ce combat qu’est la vie chrétienne. Ainsi, plutôt que deux dimensions distinctes, la critique et la description se réverbèrent l’une en l’autre ou, plus précisément, la première sert d’adjuvant et de levier à la seconde, l’expérimentation spirituelle guidant seule en fin de compte la critique.
- 42 Selon l’expression de J. Touraille, op. cit., p. 273, qui note que Photius a jugé le 100ème chapit (...)
28Irréprochable théologiquement, magnifiquement écrit, « serti des paroles de l’Ecriture »42, le traité de Diadoque ne pouvait qu’inspirer les théologiens et les moines hésychastes après lui, qu’il s’agisse, pour n’en citer que quelques-uns, de Maxime, qui se réfère dans ses Centuries aux chapitres de Diadoque, de Photius, de Syméon de Thessalonique, ou encore de Grégoire le Sinaïte, et jusqu’aux Récits du pèlerin russe et à la Compagnie de Jésus au xixe siècle. Grégoire Palamas lui-même, dans sa Défense des saints hésychastes, à propos de la grâce divine, dans ses termes, la « lumière divine », se réfère à Diadoque, comme à un maître :
- 43 Grégoire Palamas, Défense des saints hésychastes, Introduction, texte critique, traduction et note (...)
« Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, c'est-à-dire sa lumière intellectuelle, nous sommes transfigurés en la même image de gloire en gloire, c'est-à-dire par le surcroît de lumière qui est en nous et qui, sous l'effet de la lumière divine, devient toujours de plus en plus distinct. Que dit, de son côté, saint Diadoque ? Il n'y a aucun doute que lorsque l'esprit commence à éprouver fréquemment l'action de la lumière divine, il devient tout entier transparent et voit l’abondance de sa propre lumière ; car il devient tout entier cette lumière [...] »43
29Au fond, je ne saurais mieux dire que Jacques Touraille dans sa présentation de Diadoque dans La Philocalie des pères neptiques de 1995 :
« Diadoque définit les conditions, les modalités, les limites, l’orientation et la finalité du combat spirituel. (…) Tout est dit avant la lettre. Pendant près d’un millénaire, de l’Égypte au Sinaï, puis du Sinaï à Constantinople, à l’Athos et à Thessalonique, aux portes de l’Épire, les défenseurs et les messagers des moines (…) ne feront jamais que vérifier les indications de Diadoque. »
30On sera donc étonné que Diadoque ait suscité si peu d’intérêt aux xxe et xxie siècles, mises à part les études catholiques érudites des historiens de la spiritualité que furent Horn en 1927, puis Dörr, Marrou, Dörries, Rahner, Des Places lui-même bien sûr, Miquel, que j’ai cités, ou bien, côté orthodoxe, Myrrha Lot-Borodine et Meyendorff, et la thèse récente de Georgiana Albu Huian.
31Bien entendu, la pratique de la prière de Jésus et la description inégalée du combat spirituel qui y est transcrite met immanquablement dans les pas de Diadoque, en tant que lecteurs, lectrices qui expérimentent la prière de Jésus, et la lecture des Chapitres en ce sens est proprement expérientielle, source d’orthopraxie : à la lecture de Diadoque, mais aussi d’Hésychius de Batos par exemple, je discerne mieux quels sont les obstacles qui sont les miens, et comment mieux, en toute humilité, m’exercer à accueillir la grâce. Par ailleurs, l’enseignement de Diadoque est on le sait pratiqué encore aujourd’hui dans de nombreux monastères. Est-ce à dire que la vertu de ses enseignements a été essentiellement valorisée dans sa portée pratique expérientielle, ce qu’il aurait d’ailleurs sans doute jugé le plus juste ?
- 44 Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, Paris, Cerf, SC n°5, 1943, réimpr. avec add., 1997 (n°5b (...)
32C’est en me mettant dans les pas des pratiquants de la foi que j’ai choisi, pour cette raison, dans cette présentation, de ne pas détailler la structure de la Centurie, dont on trouve un excellent descriptif dans l’édition de É. Des Places44. Aussi, pour identifier des enseignements novateurs chez Diadoque, je me suis centrée sur son enseignement concernant le « discernement des esprits » (ch. 26-35), mais en le situant en acte dans l’expérience même de la lutte contre les messaliens, ou sur sa « théologie de la grâce » (ch. 76-89), mais là aussi en en restituant la vertu en acte sous l’action concrète de l’invocation réitérée du nom de Jésus dans la prière.
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Notes
É. Des Places, « Diadoque de Photicé », Dictionnaire de spiritualité, Ascétique et mystique, Doctrine et histoire, Paris, Beauchesne, III, 1957, col. 817-834. Ici p. 825.
Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, Paris, Cerf, SC n° 5, 1943, réimpr. avec add., 1997 (n°5bis), dernière édition 2011, édition et Introduction très fournie pp. 9-83 par É. Des Places.
Interprétation de É. Des Places, op. cit., p. 100, note 2, transposée de Grégoire de Nysse à Diadoque : « Si en effet sa divinité n’éclaire suffisamment les trésors de notre coeur, nous ne pourrons, dans l’unité de notre sens, goûter ce qui est bon. » (chap. XXIX, p. 100)
G. Horn, « Le sens de l’esprit d’après Diadoque de Photicé », Revue d'ascétique et de mystique, 8 (1927), pp. 402-419.
A propos de ce terme central de peira chez Diadoque et plus largement chez les pères, voir Dom P. Miquel, Le vocabulaire de l’expérience spirituelle dans la tradition patristique grecque du ive au xive siècle, Paris, Beauchesne, 1989. Voir aussi, sur Diadoque de Photicé et la notion de peira en particulier, la thèse de doctorat en théologie orthodoxe de G. Albu Huian, intitulée « Diadoque de Photicé : le cœur et l’intellect en contexte patristique et philosophique », présentée en 2017 à l’Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge, chapitre III, pp. 128-174.
Grégoire de Nysse, Traité de la virginité, Paris, Cerf, 1976, et son commentaire magistral par J. Daniélou dans Platonisme et théologie mystique. Essai sur la doctrine spirituelle de Saint Grégoire de Nysse, Paris, Aubier, 1944, pp. 231-234.
K. Rahner, « Le début d’une doctrine des cinq sens spirituels chez Origène » dans Revue Ascétique et Mystique, 13, 1932, p. 142. A propos du goût de Dieu, cf. aussi M.-H. Congourdeau, « Diadoque de Photicée », dans : S. Morlet (dir.), Histoire de la littérature grecque chrétienne des origines à 451, Paris, Les Belles Lettres, t. IV : « Du ive siècle au concile de Chalcédoine (451). Constantinople, la Grèce et l’Asie Mineure » (sous la dir. de M. Cassin), Les Belles Lettres, coll. L’âne d’or, 2020, p. 217-234, ici p. 227.
Le mot πληροφορία se trouve pour la première fois dans le Nouveau Testament, et seulement à quatre reprises : dans les Epîtres de Paul (Hébreux, VI, 11 ; X, 2 ; Colossiens, II, 2 ; Thessaloniciens, I, 5). cf. l’index de des Places dans son édition des Chapitres spirituels, op. cit., p. 199.
Aἴσθεσις devient presque le synonyme du mot πληροφορία, auquel il est si souvent « accolé » affime K. Rahner in « Le début d’une doctrine des cinq sens spirituels chez Origène », Id. Sur la pleroforia, V. Desprez, « Plèrophoria chez Macaire, Diadoque et Syméon le Nouveau Théologien », DSp 12, 1985, col. 89-111. »
Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, op. cit., Introduction p. 38 par É. Des Places, chapitre 90.
G. Horn, art. cit., p. 417, note 1.
J. Meyendorff, Saint Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe (1959), Paris, Seuil, 2002, p. 28.
A propos des différentes étapes de la prière, voir M.-H. Congourdeau, « Diadoque de Photicée », dans : S. Morlet (dir.), Histoire de la littérature grecque chrétienne des origines à 451, Paris, Les Belles Lettres, t. IV : « Du IVe siècle au concile de Chalcédoine (451). Constantinople, la Grèce et l’Asie Mineure » (sous la dir. de M. Cassin), Les Belles Lettres, coll. L’âne d’or, 2020, p. 217-234, ici p. 226.
É. Des Places, op. cit., p. 9 : « les données certaines sur la vie de Diadoque se réduisent à peu de choses. »
Pour ce temps introductif, j’ai pris appui sur l’Introduction détaillée de É. Des Places à son édition des œuvres de Diadoque, Œuvres spirituelles, op. cit., p. 9-83, notamment p. 9-12 pour sa biographie, et p. 68-81 pour ses écrits. On peut aussi se référer à son article « Diadoque de Photicé » dans le Dictionnaire de spiritualité déjà cité, qui comprend plus de 30 colonnes, ainsi que l’édition de M.-H. Congourdeau, Diadoque de Photicé, La perfection spirituelle, Paris, Migne, 1990, Introduction, p. 9-10.
F. Dörr, Diadochus von Photike und die Messalianer: ein Kampf zwischen wahrer und falscher Mystik im fünften Jahrhundert, Freiburg, Herder, 1937, p. 64, n. 1.
D. de Photicé, Sermon pour l’Ascension, in : É. Des Places éd., Œuvres spirituelles, op. cit., p. 167 sq.
J.-D. Mansi, Sacrorum conciliorum... collectio, t. 7, Florence, 1762, col. 619b, cité par É. Des Places dans son article consacré à Diadoque, op. cit., p. 818.
D. de Photicé, Œuvres spirituelles, Cent Chapitres, chapitre XCI, p. 152.
Concernant l’influence de Diadoque sur l’Occident latin et sur Pomère en particulier au ve siècle, voir l'hypothèse brillante de H.-I. Marrou dans son article de 1943, « Diadoque de Photiké et Victor de Vita », Revue des études anciennes, t. 45, 1943, n°3-4, p. 225-232.
Philocalie des pères neptiques, Paris, D. de Brouwer, J.-Cl. Lattès, 1995, t. 1, p. 274-309.
M.-H. Congourdeau, « Diadoque de Photicée », dans : S. Morlet (dir.), Histoire de la littérature grecque chrétienne des origines à 451, Paris, Les Belles Lettres, t. IV : « Du IVe siècle au concile de Chalcédoine (451). Constantinople, la Grèce et l’Asie Mineure » (sous la dir. de M. Cassin), Les Belles Lettres, coll. L’âne d’or, 2020, p. 217-234
A ce propos, F. Dörr, Diadochus von Photike und die Messalianer: ein Kampf zwischen wahrer und falscher Mystik im fünften Jahrhundert, Freiburg, Herder, 1937. Excellent compte rendu de Gouillard en 1938, auquel je me suis référée, n’ayant pas eu le temps de lire le livre de F. Dörr. J. Gouillard, « Dorr (Friedrich), Diadochus von Photike und die Messalianer : ein Kampf zwischen wahrer und falscher Mystik im fünften Jahrhundert », dans Échos d'Orient, t. 37, n° 191-192, 1938. p. 488-489; https://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-9447_1938_num_37_191_3006_t1_0488_0000_4
Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, op. cit., chapitre 98, p. 160.
H. Dörries, « Diadochos und Symeon. Das Verhältnis der kephaleia gnostica zum Messalianismus », 1966 dans Wort und Stunde. Erster Band. Gesammelte Studien zur Kirchengeschichte des vierten Jahrhunderts, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1966, p. 352-422. É. Des Places lui-même a modifié son interprétation entre les deux premières éditions et la troisième de 1966.
À propos de Macaire, cf. A. Guillaumont, « Messaliens », Dictionnaire de spiritualité, t. 10, 1980, 1074-1083, et V. Desprez, Introduction aux Œuvres spirituelles du Pseudo-Macaire, SC.
Macaire, Homélies, XVI, 6, et XVII, 4, citées par É. Des Places, op. cit., p. 16.
Article « Macaire II. Doctrine » de M. Canévet dans le Dictionnaire de spiritualité, t. 10, col. 27-38, mention de la pleroforia à la col. 37.
J. Meyendorff, op. cit., p. 28.
J. Cassien, Conférences, Paris, Cerf, Sources Chrétiennes 54, 1958 (éditions corrigée 1967/2009), Tome 2 (VIII-XVII), X, 10, où il parle de « prière répétitive ».
K. Rahner, « Le début d’une doctrine des cinq sens spirituels chez Origène », p. 136-142.
K. Rahner, art. cit., p. 142-144.
Diadoque de Photicé, op. cit., chapitre XXVI, p. 97.
Diadoque de Photicé, op. cit. chapitre VI, p. 87.
Je remercie le père Nicolas Cernokrak pour cette précision inspirante.
N. Depraz, Le corps glorieux. Phénoménologie pratique de la Philocalie des Pères du désert et des Pères de l’Eglise, Bruxelles, Peeters, Bibliothèque de philosophie, 2008, p. 39.
Myrrha Lot-Borodine, « Mystère du ‘don des larmes’ dans l’Orient chrétien », dans : La douloureuse joie. Aperçus sur la prière personnelle de l’Orient chrétien, Abbaye de Bellefontaine, 1993, p. 162 sq. A propos de la suavité amère du goût de Dieu, cf. aussi G. Albu Huian, « Diadoque de Photicé : le coeur et l’intellect en contexte patristique et philosophique », pp. 95-105.
Diadoque de Photicé, op. cit., p. 119. Cf. aussi chapitre LXI.
Théophane le reclus, Entretiens, p. 383, cité dans La douloureuse joie, op. cit., p. 93.
Diadoque de Photicé, op. cit., chapitre LXXXV, pp. 144-145. Voir aussi les chapitres 21, 78, 59, 61, 96. Cf. aussi J. Meyendorff, op. cit., pp. 28-29.
Diadoque de Photicé, op. cit., p. 149
Selon l’expression de J. Touraille, op. cit., p. 273, qui note que Photius a jugé le 100ème chapitre « répréhensible » (est-ce en raison de l’insistance sur la confession, ou bien de la distinction finale entre les sauvés et les damnés… ? J’avoue ne pas avoir trouvé ici le texte de Photius auquel il est fait référence...), Maxime le réhabilite, comme étant « dans le droit fil de la piété ».
Grégoire Palamas, Défense des saints hésychastes, Introduction, texte critique, traduction et notes par Jean Meyendorff, Louvain, Spicilegium Sacrum Lovaniense, Etudes et documents Fascicule n° 30, 1959, tomes 1 et 2, t. 1, p. 121-122.
Diadoque de Photicé, Œuvres spirituelles, Paris, Cerf, SC n°5, 1943, réimpr. avec add., 1997 (n°5bis), dernière édition 2011, édition et Introduction É. Des Places, p. 24-26. Pour un historique du genre littéraire de la Centurie, voir également l’Introduction d’É. Des Places.
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