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Comptes rendus
De Henri Moke à Barbara

Beyen (Marnix), Held voor alle werk. De vele gedaanten van Tijl Uilenspiegel

Anvers - Baarn, Houtekiet, 1998, 160 p.
Paul Dirkx
p. 140-141
Référence(s) :

Beyen (Marnix), Held voor alle werk. De vele gedaanten van Tijl Uilenspiegel. Anvers - Baarn, Houtekiet, 1998, 160 p.

Texte intégral

1Ce livre, d’une densité et d’une richesse insoupçonnées, explique un paradoxe : pourquoi la figure de Tijl Uilenspiegel revisitée par le bourgeois francophone, probelge, progressiste et anticlérical que fut Charles De Coster est-elle devenue l’une des mascottes d’un « Vlaamse beweging » toujours plus francophobe, antibelge, réactionnaire et catholique ? En moins de 160 pages, l’auteur, historien à la K.U. Leuven et fils de l’académicien Roland Beyen, parvient à donner à cette question complexe une réponse très nuancée qui tient compte de la tradition « uilenspiegelesque » d’avant De Coster, ainsi que des motifs qui ont conduit celui-ci à la modifier et des raisons pour lesquelles les nationalistes flamands en ont fait une référence obligée de leur discours. Il en résulte une étude stimulante et enlevée qui démontre une fois de plus la pertinence d’une approche microtextuelle et génétique de La Légende à partir de questionnements apparemment « extralittéraires ».

2Beyen commence par faire un retour utile sur les spécificités idéologiques et formelles du texte, en insistant sur la place qu’occupa son auteur dans l’espace intellectuel belge de l’époque. Les liens entre littérature et politique gagneraient toutefois à être traités en termes de médiation, c’est-à-dire en tenant davantage compte de la littérature comme univers relativement autonome. Toujours est-il que l’on voit bien comment le « Bas-Saxon » Ulenspeghel devint le Belge Ulenspiegel, sujet du comté de Flandre et défenseur de la Belgique et des Dix-Sept Provinces. Mais l’auteur montre aussi et surtout comment le développement d’un nationalisme propre à la nouvelle Flandre peu à peu engendrée par l’État belge incitait les intellectuels francophones, néerlandophones et, à partir du début du xxe siècle, flamingants à réinterpréter De Coster, parfois en prolongeant son chef d’œuvre. Mieux, on finit par comprendre à quel point ce dernier contenait les conditions de sa propre « récupération » par les nationalistes antibelges : et tout d’abord, la figure de Thyl, dominé dominant ses dominateurs dans la bonne humeur de ceux dont l’heure viendra et qui subordonnent la contingence historique à l’éternité de la jeunesse et de la fidélité aux origines. Autant de traits que le discours et l’imagerie romantico-nationalistes avaient vite fait d’isoler pour s’y mirer, surtout dans une perspective antimoderniste qui les caractérisera toujours davantage en Flandre (cf. « Les cendres de Claes battent sur mon cœur », véritable devise de combat dans les milieux concernés). C’est ce qui explique pourquoi Thyl, celui, politisé et héroïsé, d’un De Coster pourtant mis à l’index, inspira davantage les catholiques réactionnaires, y compris national-socialistes, que les intellectuels libéraux et communistes, plutôt séduits quant à eux par le bouffon inaltéré et libertaire de la tradition populaire. Pareille diversité était à son comble pendant et après la guerre, où Thyl servait à cautionner les thèses les plus diamétralement opposées (en Belgique, mais aussi en Afrique).

3Ainsi, plus qu’une étude de réception ou de généalogie discursive, le livre de Marnix Beyen est une analyse de l’impact social, en premier lieu politique, de La Légende au sein d’un réseau cohérent de lieux de production discursive néerlandophone. Il a le mérite, d’une part, de ne pas faire abstraction du royaume dans son ensemble, en l’appréhendant comme un espace social fondé sur des structures dont l’étude ne saurait faire l’économie en prétextant de leur disparité croissante. D’autre part, et dans le même ordre d’idées socio-historiographiques, l’auteur tente de concilier l’approche (dé)constructiviste de l’Histoire (Ernest Gellner, Eric Hobsbawm, etc.) avec son pendant essentialiste (Anthony Smith, etc.). C’est ce qui l’autorise à affirmer que la portée intertextuelle de La Légende réside en ce qu’elle fut le produit d’un faisceau de discours et tout à la fois le producteur de quelques-uns des traits principaux de l’« identité » flamande en général et du discours nationaliste flamand en particulier. Ces quelques preuves de maturité scientifique, qui expliquent en grande partie la justesse des résultats et leur importance pour la recherche en matière de littérature (francophone) en Belgique, justifient amplement une traduction en français d’un livre qui, mine de rien, fera date.

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Pour citer cet article

Référence papier

Paul Dirkx, « Beyen (Marnix), Held voor alle werk. De vele gedaanten van Tijl Uilenspiegel »Textyles, 20 | 2001, 140-141.

Référence électronique

Paul Dirkx, « Beyen (Marnix), Held voor alle werk. De vele gedaanten van Tijl Uilenspiegel »Textyles [En ligne], 20 | 2001, mis en ligne le 20 juillet 2012, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/964 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.964

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Auteur

Paul Dirkx

IUT de Lannion

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