La Bibliothèque d’Émile Verhaeren
Résumés
L’article d’Apolline Malevez, « La Bibliothèque d’Émile Verhaeren : de l’intimité de la création à l’élaboration d’une image publique », aborde, sous l’angle de l’histoire de l’art, la question de la mise en scène de l’auteur à travers l’étude comparée des portraits d’Émile Verhaeren dans son environnement de travail par Théo Van Rysselberghe, d’une part, par Marthe Massin, l’épouse du poète, d’autre part. L’article commence par contextualiser les représentations, à la fin du 19e siècle, d’hommes dans leur cabinet de travail comme lieu masculin, à la fois marqueur de classe, de statut et d’identité. L’article montre ensuite combien les portraits de Van Rysselberghe de Verhaeren, destinés à la circulation, fonctionnent à la fois comme témoignage d’amitié et comme stratégie de visibilisation pour le poète comme pour le peintre et ils participent à un imaginaire assez codifié de l’écrivain. Par contraste, les portraits intimes réalisés par Marthe Massin réintroduisent l’univers domestique dans la représentation du poète.
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Mots-clés :
Van Rysselberghe (Théo), bibliothèque, Verhaeren (Émile), Massin (Marthe), portraits, histoire de l’art, peintre femme, intimité, travail, BelgiqueKeywords:
Van Rysselberghe (Théo), library, Verhaeren (Émile), Massin (Marthe), portraits, art history, female painter, intimacy, literature, BelgiumTexte intégral
Fig. 1 Théo Van Rysselberghe, Portrait d’Émile Verhaeren dans son cabinet de travail, rue du Moulin à Saint-Josse-ten-Noode (Bruxelles)

1892, huile sur toile, 85 x 75 cm. Archives et Musée de la Littérature, Bruxelles, Belgique.
© aml.
- 1 Warner (Pamela J.), « The Competing Dialectics of the Cabinet de Travail : Masculinity at the T (...)
1Un bureau encombré de paperasses et des murs recouverts de livres : c’est l’agencement que Pamela J. Warner identifie comme typique des bureaux d’écrivains, suite à son analyse de la série de photographies « Nos Contemporains chez eux », réalisée par Jules Dornac dans les années 1880-19101. Le cachet particulier de l’intérieur d’écrivain est également dû à sa décoration et au choix des objets qui y trônent, ainsi qu’en témoigne une chronique dans le magazine belge d’arts, décoration, architecture et vie domestique Le Home (publié entre 1908-1915 et 1920-1926) :
- 2 Chiffon, « La Page de la femme », dans Didier (Charles), dir., Le Home, n° 1, 1911, p. 28.
J’ai vécu aussi dans des milieux d’artistes peintres ou écrivains et c’est là que j’ai le mieux senti la joie que pouvait donner à des êtres de goût, la découverte d’un vieux meuble, d’une potiche ancienne, d’un cuivre bien patiné2.
2Cet article explore les liens entre cette image présente dans la conscience collective et le recours qu’ont eu les écrivains à ce type d’image pour se (re)présenter. Nous nous intéressons aux portraits de l’écrivain et poète Émile Verhaeren (1855-1916) peints par Théo Van Rysselberghe (1862-1926), au travers de trois images clés qui le mettent en scène dans son bureau, en particulier devant sa bibliothèque : Portrait d’Émile Verhaeren dans son cabinet (1892), Émile Verhaeren à son bureau (1907) et Émile Verhaeren écrivant (1915). Nous questionnons ce qui est en jeu dans ces représentations, à l’intersection de l’élaboration d’une triple identité de genre, personnelle et professionnelle. Ces peintures sont mises en parallèle avec les œuvres de Marthe Massin (1860-1931), l’épouse de Verhaeren, qui a réalisé beaucoup d’images de son mari au travail ou de son bureau, bien qu’elles n’aient que peu circulé. Comparer des portraits qui ont été exposés publiquement à des images plus intimes permet de révéler ce qui, dans les premiers, relève de l’élaboration d’une image publique.
- 3 Voir notamment : Balducci (Temma) et Belnap Jensen (Heather), éd., Women, Femininity and Public (...)
- 4 Balducci (Temma), Belnap Jensen (Heather) et Warner (Pamela J.), éd., Interior Portraiture and M (...)
- 5 Ibid., p. 4.
- 6 Reed (Christopher), éd., Not at Home : The Suppression of Domesticity in Modern Art and Architec (...)
- 7 Voir ibid. et Rosner (Victoria), Modernism and the Architecture of Private Life, New York, Colum (...)
- 8 Voir notamment : Brogniez (Laurence) et Debroux (Tatiana), « L’Atelier et son Double au xixe s (...)
3L’association de la maison à la sphère privée a longtemps occulté l’importance des intérieurs comme lieux de travail et de création. Cette association se double d’une fracture genrée : aux hommes, la vie publique et la tâche de gagner leur vie à l’extérieur ; aux femmes, la vie privée et le travail domestique. Si les historien·ne·s de l’art féministes ont depuis longtemps montré les limites d’une telle distinction3, il est également utile de questionner ces stéréotypes à l’aune des études sur les masculinités4. Dans l’introduction de leur collection d’essais Interior Portraiture and Masculine Identity in France, 1789-1914, Telma Balducci, Heather Belnap Jensen et Pamela J. Warner insistent sur l’intérieur comme lieu central de construction d’une identité masculine5 ‒ ce qui ne relève pas a priori de l’évidence. Christopher Reed a montré de façon convaincante comment, pour l’avant-garde des xixe et xxe siècles (majoritairement composée d’hommes), l’art et la modernité ont été opposés à la maison et à la sphère domestique6. Cette dissociation entre le lieu de travail des artistes et leur milieu domestique se retrouve dans les portraits que nous analysons dans cet article. Les intérieurs domestiques ont pourtant été des lieux cruciaux d’élaboration de la modernité à la fin du xixe siècle7. En Belgique, les lieux de création tels que les ateliers de sculpteurs et de peintres font l’objet d’une attention renouvelée depuis quelques années8. Au-delà de leur fonction d’atelier ou de cabinet de travail, ils ont été des lieux de sociabilité importants, que ce soit pour des concerts, des expositions ou des salons. Ils ont également été beaucoup représentés : nombre de portraits d’hommes ont pour cadre leur intérieur, qui se révèle être un lieu idéal d’affirmation de soi. Étudier les portraits d’hommes dans leur cabinet de travail permet de questionner aussi bien nos conceptions de l’intérieur (comme lieu en dehors de la modernité) que de la masculinité (comme nécessairement liée à la vie publique).
- 9 Aussi bien dans la peinture d’avant-garde que la peinture académique et dans les magazines et la (...)
4Ce type de portrait devient un genre de représentation populaire au cours des années 1880 et 18909. Deux exemples notoires, emblématiques dans le champ de l’histoire de l’art du xixe siècle, sont le Portrait d’Émile Zola par Édouard Manet (1868) et le Portrait d’Edmond Duranty par Edgar Degas (1879). Au cours du xixe siècle, la distinction traditionnelle entre portraits et peintures de genre s’estompe. Les portraits ouvrent une fenêtre sur la vie privée et intègrent des éléments de la vie quotidienne. La croyance selon laquelle l’intérieur révèle l’homme se développe également à cette époque, comme l’attestent les écrits de l’écrivain et critique d’art Edmond Duranty (1833-1880). Au sujet des portraits, Duranty a écrit dans son essai La Nouvelle Peinture :
- 10 Duranty (Louis-Edmond), La Nouvelle Peinture, Paris, Éditions du Boucher, 2002, p. 21-22.
Nous ne séparerons plus le personnage du fond d’appartement ni du fond de rue. Il ne nous apparaît jamais, dans l’existence, sur des fonds neutres, vides et vagues. Mais autour de lui et derrière lui sont des meubles, des cheminées, des tentures de murailles, une paroi qui exprime sa fortune, sa classe, son métier10.
5Ainsi, la bibliothèque (en tant que pièce ou comme collection de livres) est un marqueur de classe, de statut mais aussi d’identité professionnelle. Bien plus, elle révèle l’intérieur comme un lieu investi par une signification personnelle et identitaire, notamment par la pratique de la collection (de livres ou d’objets d’art, entre autres) et par l’agencement soigné de la décoration. Pour autant, il ne s’agit pas la plupart du temps pour les peintres de mettre en valeur des influences ou des ouvrages précis mais plutôt de faire appel à un répertoire visuel qui renforce la légitimité de l’écrivain représenté.
La bibliothèque, un marqueur de statut
- 11 url : https://twitter.com/bcredibility, consulté le 23 juin 2020.
- 12 Rosner (Victoria), Modernism and the Architecture of Private Life, op. cit., p. 95.
- 13 Anonyme, « L’Habitation. Bureaux. Fumoirs. Bibliothèques », dans Didier (Charles), dir., Le Ho (...)
- 14 Outre les portraits d’Émile Verhaeren, il peint également le portrait d’Edmond Picard en 1883 et (...)
- 15 Il s’agit de la femme de l’éditeur Schuster. Son portrait est peint en 1911.
6Se faire prendre en portrait devant des rayonnages de livres n’a rien d’anodin. Le compte Twitter @bookcasecredibility, apparu durant la période de confinement suite à la pandémie de coronavirus, en offre un exemple contemporain11. Il analyse de façon humoristique la crédibilité des expert·e·s invité·e·s à la télévision en décryptant le contenu et l’agencement de leur bibliothèque. Il permet de constater que poser avec une bibliothèque en arrière-plan reste un gage de sérieux et un choix privilégié pour élaborer une image publique. Ce fut également longtemps une prérogative masculine. Traditionnellement, le bureau ou le cabinet de travail est considéré comme une pièce masculine12. Un article du Home mentionne en effet que les bureaux, fumoirs et bibliothèques sont des pièces attribuées au maître de maison13. En examinant l’ensemble de la production de Théo Van Rysselberghe, on constate qu’il a représenté plusieurs hommes devant leur bibliothèque14, alors que ce n’est le cas que pour une seule femme, Sophie Schuster15.
- 16 L’Album de la vie moderne est un périodique belge publiant des plans de maisons et des photograp (...)
7Disposer d’une pièce réservée à une bibliothèque n’est cependant pas courant : notre analyse des plans publiés dans le périodique L’Album de la maison moderne sur une période de trois ans (1908-1910) montre qu’elles n’y apparaissent pas16. D’autres pièces, dont on peut supposer qu’elles contiennent des livres, y sont plus fréquentes, comme le bureau et le fumoir. Avoir une pièce séparée pour la bibliothèque serait en effet réservé à la classe la plus aisée :
- 17 Anonyme, « L’Habitation. Bureaux. Fumoirs. Bibliothèques », op. cit.
À cause de l’accroissement des exigences professionnelles et sociales, il est indispensable que le chef de famille se réserve des chambres où il puisse s’isoler soit pour travailler, soit pour se reposer intellectuellement. Sans doute, dans la bourgeoisie moyenne se réduiront-elles à un simple cabinet de travail où s’élaboreront et se termineront les occupations professionnelles, mais dans la classe aisée, dont le train de maison est plus important par suite des relations mondaines, il est indispensable qu’un bureau, un fumoir, une bibliothèque, voire même une salle de billard et de jeux soient prévus lors de la conception du plan de l’immeuble et qu’ils reçoivent une décoration et un ameublement en rapport avec la situation du propriétaire17.
- 18 Ibid., p. 172.
- 19 Anonyme, « L’Habitation. Le Cabinet de travail ‒ bureau ‒ studio », dans Didier (Charles), dir (...)
8Dans tous les cas de figure, l’agencement de l’intérieur et la séparation des pièces réservées au travail avec les pièces de vie sont cruciaux. La bibliothèque doit, quand cela est possible, respecter un certain éloignement spatial avec le reste de la maison : « La bibliothèque, qui sera toujours la pièce de prédilection des savants et des esprits cultivés, devra toujours s’il est possible, être séparée des autres parties de l’habitation18. » Dans les maisons de dimensions plus modestes, une antichambre menant au cabinet de travail est requise19.
- 20 Les articles publiés dans Le Home montrent que le cabinet n’a pas une fonction unilatérale : il (...)
- 21 Stijns (Livia), éd., Centenaire de Verhaeren, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 1955, (...)
9Cependant, ces prescriptions diffèrent de la réalité : au sein d’une même habitation, instaurer une séparation marquée entre vie professionnelle et vie privée n’est pas aisé. Les plans publiés par L’Album de la maison moderne montrent que, dans 50 % des cas, un bureau est relié directement par une porte à au moins une autre pièce20. Le cabinet de Verhaeren à Saint-Cloud était relié par une porte recouverte de rideaux à la salle à manger21. Pourtant, les portraits de Verhaeren réalisés par Van Rysselberghe présentent le lieu de travail de l’écrivain sans référence à son inscription dans un cadre domestique. Le point de vue frontal des portraits occulte d’ailleurs toute perspective sur le reste de la maison, contrairement aux dessins et peintures de Marthe qui offrent des points de vue plus variés.
10Le cabinet de travail est une pièce codifiée en matière d’aménagement et de décoration, ce qui tempère l’individualité que l’on pourrait attribuer à de tels espaces :
- 22 Anonyme, « L’Habitation. Bureaux. Fumoirs. Bibliothèques », op. cit., p. 171-172.
Dans le cabinet de travail, le grand bureau et son fauteuil se placeront entre deux fenêtres pour jouir du maximum de lumière et avoir vue sur toute la pièce. Les murs seront recouverts d’une tapisserie sévère et garnis de rayons de livres. De chaque côté de la cheminée, des fauteuils de cuir se prêteront au repos et à la conversation. Le cas échéant un coin de fenêtre, un bow-window, une annexe en saillie seront réservés à la lecture22.
- 23 Anonyme, « L’Habitation. Le Cabinet de travail ‒ bureau ‒ studio », op. cit., p. 9-10.
- 24 Jane Hamlett a étudié la culture matérielle des intérieurs domestiques anglais dans la seconde m (...)
11Un second article paru dans Le Home liste les éléments suivants : une table de travail bien orientée, une cheminée, un nombre de portes réduit au minimum et des plantes ; ainsi qu’en option, des collections précieuses, des vitrines à bibelots, des meubles d’art, des tableaux et des ouvrages dans un meuble bibliothèque23. Ce schéma décoratif correspond presque en tout point au bureau de Verhaeren à Saint-Cloud. La présence d’objets artistiques et de livres est un témoignage de l’érudition de leur propriétaire. Elle atteste également d’un horizon intellectuel qui repousse les frontières matérielles du « chez-soi24 » ainsi que de l’ambiguïté du cabinet de travail, pièce de la maison à la fois privée et publique, où sont convié·e·s des visiteur·se·s choisi·e·s. Les portraits de Théo Van Rysselberghe encouragent cette ambivalence, puisqu’ils rendent accessibles ces espaces à un public plus large.
Les portraits de Théo Van Rysselberghe
12Le projet de faire un portrait de Verhaeren est abordé dès 1884 par Van Rysselberghe dans leur correspondance. En évoquant son retour à Bruxelles après un séjour à Tanger, il écrit :
- 25 Van Rysselberghe (Théo), Lettre à Émile Verhaeren, 6/7/1884, fs16 00148 /1309, Archives & Musée (...)
Je voudrais faire quelques portraits ; entr’autres [sic] les deux petites sœurs de Willy sur une grande toile. Je voudrais aussi beaucoup faire le tien. J’y ai songé – tu as une bonne tête – ta couleur rougeaude, jordanesque, tes grosses moustaches dorées et tes yeux comiques25.
13Ce projet ne sera mis à exécution que quelques années plus tard. Le tableau de 1892, Portrait d’Émile Verhaeren dans son cabinet, présente un décor tel qu’évoqué au début de cet article : nous y voyons un bureau où est étalée de la paperasse, des rayonnages de livres s’étendant derrière Verhaeren. Des objets d’art (plusieurs tableaux et une statuette) complètent l’ameublement. Ceux-ci servent de rappel des activités de critique d’art de l’écrivain et de ses relations soutenues avec les artistes de son temps. La présence de livres dans un meuble bibliothèque fonctionne comme une surenchère visuelle qui renforce la crédibilité de l’auteur. La mise de l’écrivain est sobre et ses cheveux sont exceptionnellement domptés, mais Verhaeren porte déjà la moustache qui le rend aisément reconnaissable de portrait en portrait. Bien qu’un cahier et un crayon soient posés devant lui, Verhaeren n’est pas représenté en train d’écrire. Dans une attitude légèrement en retrait, il fait face aux spectateurs et spectatrices du tableau. De ce fait, le portrait dévoile une partie de l’intimité du lieu de la création en offrant un aperçu sur le cabinet de travail. Cependant, il ne donne pas accès aux « mystères » du processus de création, comme le fera le portrait de 1915.
- 26 Feltkamp (Ronald), Théo Van Rysselberghe 1862-1926, Bruxelles, Racine, 2003, p. 293.
- 27 Jago-Antoine (Véronique), « Théo Van Rysselberghe et Émile Verhaeren : cadrage sur une “frater (...)
- 28 Voir : ibid., p. 76-97. Sur l’amitié entre hommes en Belgique au xixe siècle, voir : Dekeukele (...)
- 29 Anonyme, « L’Évolution de la critique », dans Maus (Octave), dir., L’Art moderne, n° 41, 1892 (...)
- 30 Demolder (Eugène), « Une Exposition du livre belge. À Jacques Des Cressonnières et Max Hallet (...)
- 31 Anonyme, « L’Évolution de la critique », op. cit., p. 324-325.
14Ce tableau, représentant le bureau de Verhaeren à la rue du Moulin à Bruxelles, est exposé à six reprises dans les années 1892-1899, bien qu’il reste toujours en possession de l’auteur, avant que Marthe Verhaeren n’en fasse don à la Bibliothèque royale de Belgique26. Véronique Jago-Antoine a suggéré que ce portrait a été réalisé comme un témoignage d’amitié du peintre à l’écrivain27. Les deux hommes entretenaient en effet une amitié intense et ont régulièrement collaboré28. Le nombre d’expositions auxquelles le tableau est présent, en ce compris à l’international (outre Bruxelles et Anvers, le tableau est aussi exposé à Paris, Vienne et La Haye), permet d’avancer une autre hypothèse : cette stratégie d’exposition régulière correspond vraisemblablement à un désir de visibilité, de la part du peintre aussi bien que du poète. La presse s’en fait l’écho : entre 1892 et 1909, L’Art moderne, revue critique des arts et de la littérature (dont Verhaeren est un contributeur régulier), revient à huit reprises sur divers portraits d’Émile Verhaeren peints par Théo Van Rysselberghe, ce qui les classe parmi les œuvres les plus commentées du peintre29. Eugène Demolder évoque par exemple un portrait en ces termes élogieux : « Théo Van Rysselberghe a fait d’Émile Verhaeren un portrait qui est un chef-d’œuvre, d’une vie nette et caractérisée, d’une maîtrise prodigieuse : il fut exposé à Bruxelles, on serait heureux de le revoir30. » L’Art moderne relaie également les comptes rendus d’autres journaux, comme celui d’Alfred Ernst dans le Journal des artistes, selon qui le portrait de Verhaeren exemplifie la pratique du peintre : « Ses portraits sont d’une beauté réelle, sérieuse, d’une autorité vraiment exceptionnelle. […] Je citerai, dans cet ordre d’idées, le beau portrait d’Émile Verhaeren, que j’ai grandement loué ici-même, à la dernière Exposition des Indépendants31. »
- 32 Conservé dans la collection du Palais des Académies à Bruxelles.
- 33 La Lecture est exposé à Bruxelles, Gand et Venise avant d’être acheté par le Musée des Beaux-Art (...)
- 34 Ce portrait reste également en possession de l’auteur. Voir catalogue raisonné : ibid., p. 365.
15L’image de l’écrivain évolue au fil des portraits : le portrait de 1907, Émile Verhaeren à son bureau32, le met en scène de façon plus solennelle. Verhaeren est attablé à un bureau très ordonné, devant quelques rayonnages de livres. La composition beaucoup plus sobre focalise l’attention sur un auteur sûr de lui et en pleine possession de ses moyens. Il s’agit du Verhaeren d’après La Lecture, tableau qui atteste des relations de Verhaeren avec les milieux d’avant-garde33. En 1907, le poète est consacré : il fait des tournées dans plusieurs pays et ses œuvres sont traduites en de nombreuses langues. Il a également reçu d’Albert Ier le titre de poète national en 1899. Ce portrait est exposé régulièrement : quatre fois entre 1908 et 1910, dont trois fois à l’étranger (à Paris, à Rotterdam, à Groningen et à Bruxelles34).
- 35 Conservé au Musée d’Orsay, à Paris.
- 36 Comme sur le portrait de 1892, le monogramme de Théo Van Rysselberghe s’insère dans le décor. Da (...)
- 37 Warner (Pamela J.), « The Competing Dialectics of the Cabinet de Travail : Masculinity at the T (...)
- 38 Feltkamp (Ronald), Théo Van Rysselberghe 1862-1926, op. cit., p. 409.
- 39 Suivront en 1916, un portrait de femme nue, et en 1917, le portrait d’Élisée Reclus.
16Le portrait de 1915, Émile Verhaeren, écrivant35, est celui qui se rapproche le plus du « type » des portraits d’écrivains. Le cadrage resserré se concentre sur la figure du poète, qui est absorbé dans sa tâche d’écriture. Les papiers épars sur le bureau renforcent l’impression d’assister à un moment privilégié de la création, où les contingences matérielles importent peu. Ce tableau génère un mécanisme de dévoilement de l’intime : l’écrivain n’est pas conscient d’être regardé, ce qui accentue l’impression du spectateur ou de la spectatrice de pénétrer dans l’intimité de la création. La quasi-entièreté de l’arrière-plan du tableau est occupée par des rayonnages de livres. Il est impossible d’en discerner les titres36. Comme sur le portrait de Duranty, il ne s’agit pas de montrer un horizon de références spécifiques mais de rendre visible, par une métaphore visuelle, la vie intellectuelle et intérieure de l’écrivain37. Ce portrait est réalisé un an avant la mort du poète38. Dès 1915, il est offert au Musée du Luxembourg grâce à une souscription sur l’initiative de Pierre Delbet, chirurgien qui pratiquait également la sculpture et la céramique, Félix Le Dantec, biologiste et philosophe des sciences, et Léonce Bénédite, historien de l’art et directeur du Musée du Luxembourg. L’entrée au musée des artistes vivants est une consécration aussi bien pour l’artiste que pour le poète. Il s’agit de la première œuvre de Théo Van Rysselberghe à entrer au Musée du Luxembourg39.
17Théo Van Rysselberghe a réalisé bien d’autres portraits de l’écrivain, dont nombre n’ont pas été exposés ou diffusés. Toutefois, en ce qui concerne les portraits examinés dans cet article, nous formulons l’hypothèse que leur exposition fréquente, tant en Belgique que dans d’autres pays européens, ainsi que la répétition d’une même formule picturale (l’écrivain entouré de livres dans son cabinet de travail) font partie d’une stratégie. Cette dynamique renforce la notoriété du poète, en lui offrant une visibilité, ainsi que celle du peintre, en l’associant à l’écrivain célèbre. Cette stratégie s’est révélée payante, comme le montre notamment l’entrée au Musée du Luxembourg du portrait de 1915. Cette hypothèse est étayée par le glissement qui s’opère, dans la réception des portraits, de la figure de l’écrivain à la caractérisation de l’iconographie d’un « poète moderne » :
- 40 Mauclair (Camille), « Théo Van Rysselberghe », op. cit., p. 34-35.
Dessinateur soucieux de la ligne et ne se contentant pas de dessiner avec la couleur, M. Van Rysselberghe révéla tout de suite une faculté décorative qui reparaît même dans ses plus simples portraits. Ceux-ci compteront certainement dans ses meilleures productions. Ils forment une considérable série de peintures, de pastels, d’eaux-fortes et de crayons. Ils sont remarquables par la sûreté du trait, par la pénétrante analyse du caractère, par le sentiment de l’intimité, et surtout par la sincérité et la simplicité large qui sont les dominantes de toute l’œuvre du peintre. Ses portraits peints ou dessinés d’après son grand ami Verhaeren constitueront la plus sérieuse iconographie d’un poète moderne. La tête maigre, tourmentée, aux traits creusés, aux yeux proéminents et clairs selon les caractères des mystiques, aux longues moustaches blondes et tombantes, est analysée avec une patience et une force extrêmes, de profil, de face seule ou surmontant le corps qui surgit à la table de travail parmi les papiers, les volumes et les bibelots. L’exactitude absolue de la moindre ride n’empêche jamais l’effigie de rester délibérément large, enlevée de verve et profondément révélatrice de l’âme fière, ardente et grave du modèle. Émile Verhaeren est là tout entier, passionné et modeste, méditant et nerveux, las et violent, inquiet et serein, synthétisé dans toute sa psychologie de Septentrional mystique, fruste, rébellionné, hanté de visions et accalmi par la foi dans quelques vérités qui sont le soubassement de son âme40.
- 41 Brogniez (Laurence) et Debroux (Tatiana), « L’Atelier et son double au xixe siècle », op. cit. (...)
- 42 Van Lerberghe (Charles), [Journal], t. iii, 1891-1894, Archives & Musée de la Littérature, f38, (...)
- 43 Brogniez (Laurence), « De l’intérieur d’artiste à l’intérieur artiste : l’atelier d’artiste, e (...)
18Selon Camille Mauclair, les portraits agissent comme révélateurs de l’âme et de la psychologie du poète. Le corps de Verhaeren « surgit » de sa table de travail : l’intérieur passe au second plan, mais les quelques éléments matériels mentionnés suffisent à le rendre reconnaissable. Paperasse, livres et bibelots constituent le cadre de travail de l’écrivain moderne, qui, comme les ateliers d’artistes, est caractérisé par un modeste confort et un encombrement d’objets hétéroclites41. Lorsqu’il évoque l’intérieur de Verhaeren à la rue du Moulin dans son journal, Charles Van Lerberghe insiste sur son aspect « presque sévère, sans coquetterie, sans mauvais goût », qui traduit un milieu « non familial, non bourgeois42 » ‒ une description qui contraste avec le portrait de 1892. De nombreux objets d’art et bibelots y figurent, artefacts qui caractérisent également les intérieurs bourgeois. Le rejet de la bourgeoisie est une posture qui dissimule les liens qu’entretiennent de nombreux artistes avec cette classe sociale, soit parce qu’ils en sont issus, soit parce que c’est le cas de leurs clients et collègues. Ce décalage entre représentations littéraire et visuelle illustre les contradictions qui définissent l’espace du cabinet d’écrivain : lieu de création inspirée qui transcende les contingences matérielles et passe sous silence son inscription dans un cadre familial, mais aussi intérieur meublé avec un « goût » artiste et source d’inspiration pour les intérieurs bourgeois43.
Fig. 2 Marthe Verhaeren, Émile Verhaeren à sa table de travail

s. d., huile sur toile, 40 x 54 cm. Archives et Musée de la Littérature, Bruxelles, Belgique.
© aml.
- 44 Il est remarquable de constater que malgré son abondante production, les œuvres de Marthe Massin (...)
19La comparaison avec les peintures, dessins et pastels réalisés par Marthe Massin est éclairante. Le mariage de Marthe Massin a orienté sa production iconographique : elle peint les lieux qui ont été témoins de son histoire d’amour et fait de nombreux portraits de son mari44. Le cabinet de travail du poète, ainsi que les objets qu’il contient, sont également un sujet régulier de ses créations, pour lesquelles elle a recours à des techniques variées. Les livres et / ou les rayonnages de la bibliothèque sont présents sur une majorité d’images. Au travers de cette cartographie intime du lieu de travail de l’écrivain, Marthe Massin met subtilement en scène un univers différent par rapport aux portraits de Van Rysselberghe. Émile Verhaeren est représenté dans une variété d’attitudes : lisant, écrivant et /ou assis dans une posture décontractée. Une tasse de thé chaud refroidit à ses côtés. Une lampe crée un halo de lumière confortable. Un bouquet de fleurs égaie l’ensemble. Une chaise posée face au poêle invite à se réchauffer. La bibliothèque est un meuble parmi d’autres, plutôt que d’être systématiquement représentée en arrière-plan du poète. La technique du dessin au pastel ou au crayon renforce ce caractère intime.
- 45 Le genre des « visites d’ateliers », publiées dans la presse artistique, en témoigne. Voir : (...)
20Ces mille « petits riens » que Marthe Verhaeren enregistre dénotent face à la production d’une image publique, quand bien même aurait-elle pour cadre le lieu de travail au cœur de la maison. Le cabinet de travail du poète, lieu ambivalent à la frontière du public et du privé, se prête à des représentations différentes, selon le public auquel elles sont destinées. Conçus comme un témoignage d’amitié, les tableaux de Van Rysselberghe participent également à une stratégie de visibilisation pour le poète et le peintre, comme l’attestent les nombreux commentaires de la critique et leur exposition fréquente en Belgique et ailleurs en Europe. Ces portraits répondent à un goût de l’époque pour les images « intimes » montrant les écrivains et les artistes dans leur cadre quotidien45. Néanmoins, l’aperçu que ces portraits offrent sur l’intimité de l’écrivain est limité, ainsi qu’en témoigne la comparaison avec les œuvres de Marthe Massin, qui n’ont pratiquement pas été exposées. Le vocabulaire pictural de ces dernières réintroduit l’univers domestique dans la représentation du poète. À l’inverse, les portraits de Van Rysselberghe tendent à évacuer les références au cadre domestique et correspondent de ce fait à un schéma attendu de la représentation d’un écrivain. Cette conformité à un « type » montre les limites de ces représentations en tant que mises en exergue de l’individu. Elles identifient par contre très clairement Verhaeren comme un écrivain. La bibliothèque en est un élément incontournable. La répétition ainsi que les variantes d’un portrait à l’autre mettent en évidence la contrainte du schéma compositionnel ainsi que les possibilités qu’il offre de mettre en scène différents moments de la création et de saisir l’évolution de la carrière de Verhaeren. Le corpus des portraits de Verhaeren réalisés par Van Rysselberghe garde également la trace de l’évolution stylistique du peintre – du néo-impressionnisme à son dépassement. Réaliser des portraits en série permet peut-être à Van Rysselberghe de conserver une identité visuelle au-delà de la variation des styles. À cet égard, il est révélateur qu’à plusieurs reprises, les commentateurs choisissent comme exemple les portraits de Verhaeren pour évoquer l’œuvre du peintre dans son ensemble. Il s’agit en cela d’un cas unique dans l’œuvre de Van Rysselberghe.
Notes
1 Warner (Pamela J.), « The Competing Dialectics of the Cabinet de Travail : Masculinity at the Threshold », dans Balducci (Temma), Belnap Jensen (Heather) et Warner (Pamela J.), dir., Interior Portraiture and Masculine Identity in France, 1789-1914, Aldershot, Ashgate, p. 161.
2 Chiffon, « La Page de la femme », dans Didier (Charles), dir., Le Home, n° 1, 1911, p. 28.
3 Voir notamment : Balducci (Temma) et Belnap Jensen (Heather), éd., Women, Femininity and Public Space in European Visual Culture, Londres, Routledge, 2017 et D’Souza (Aruna) et McDonough (Tom), éd., The Invisible Flaneuse? Gender, Public Space and Visual Culture in Nineteenth Century Paris, Manchester, Manchester University Press, 2008.
4 Balducci (Temma), Belnap Jensen (Heather) et Warner (Pamela J.), éd., Interior Portraiture and Masculine Identity in France, 1789-1914, op. cit.
5 Ibid., p. 4.
6 Reed (Christopher), éd., Not at Home : The Suppression of Domesticity in Modern Art and Architecture, New York, Thames and Hudson, 1996.
7 Voir ibid. et Rosner (Victoria), Modernism and the Architecture of Private Life, New York, Columbia University Press, 2005.
8 Voir notamment : Brogniez (Laurence) et Debroux (Tatiana), « L’Atelier et son Double au xixe siècle », dans Waknine (Bety), dir., Bruxelles Patrimoines, n° 26-27, Les Ateliers d’artistes, 2018, p. 92-99 ; Brogniez (Laurence), « De l’intérieur d’artiste à l’intérieur artiste : l’atelier d’artiste, entre pierre et papier dans le Bruxelles fin de siècle », dans Bauer (Dominique) et Moran (Claire), dir., Dix-Neuf, n° 3-4, Domestic and Interior Space in Nineteenth-Century Belgium, 2019, p. 245-261 et Van Santvoort (Linda) et Sterckx (Marjan), « Inside Sculptors’ Studios in Belle Époque Brussels : an Interior Architectural View », dans Foster (Elisa) et al., dir., Sculpture Journal, n° 2, 2020, p. 193-216.
9 Aussi bien dans la peinture d’avant-garde que la peinture académique et dans les magazines et la presse, voir : Warner (Pamela J.), « The Competing Dialectics of the Cabinet de Travail : Masculinity at the Threshold », op. cit., p. 159.
10 Duranty (Louis-Edmond), La Nouvelle Peinture, Paris, Éditions du Boucher, 2002, p. 21-22.
11 url : https://twitter.com/bcredibility, consulté le 23 juin 2020.
12 Rosner (Victoria), Modernism and the Architecture of Private Life, op. cit., p. 95.
13 Anonyme, « L’Habitation. Bureaux. Fumoirs. Bibliothèques », dans Didier (Charles), dir., Le Home, n° 7, 1913, p. 171.
14 Outre les portraits d’Émile Verhaeren, il peint également le portrait d’Edmond Picard en 1883 et celui d’Arthur Hirsch en 1924 devant leur bibliothèque.
15 Il s’agit de la femme de l’éditeur Schuster. Son portrait est peint en 1911.
16 L’Album de la vie moderne est un périodique belge publiant des plans de maisons et des photographies d’intérieurs. Il est paru de 1908 à 1913.
17 Anonyme, « L’Habitation. Bureaux. Fumoirs. Bibliothèques », op. cit.
18 Ibid., p. 172.
19 Anonyme, « L’Habitation. Le Cabinet de travail ‒ bureau ‒ studio », dans Didier (Charles), dir., Le Home, n° 7, 1911, p. 9.
20 Les articles publiés dans Le Home montrent que le cabinet n’a pas une fonction unilatérale : il peut être réservé à la collection, à la sociabilité et à la relaxation aussi bien qu’à la solitude et au travail. Voir : Anonyme, « L’Habitation. Le Cabinet de travail ‒ bureau ‒ studio », op. cit., p. 8-10.
21 Stijns (Livia), éd., Centenaire de Verhaeren, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 1955, p. 82. Marthe Massin a également représenté son mari dans la salle à manger. Pour une reproduction, voir : Salon Émile Verhaeren. Donation du Président René Vandevoir, Anvers, Musée Plantin-Moretus, 1966, p. 23.
22 Anonyme, « L’Habitation. Bureaux. Fumoirs. Bibliothèques », op. cit., p. 171-172.
23 Anonyme, « L’Habitation. Le Cabinet de travail ‒ bureau ‒ studio », op. cit., p. 9-10.
24 Jane Hamlett a étudié la culture matérielle des intérieurs domestiques anglais dans la seconde moitié du xixe siècle et a notamment mis en évidence les livres, les œuvres d’art et les artefacts liés à l’empire britannique comme objets qui évoquent la sphère publique à l’intérieur de la maison. Voir : Hamlett (Jane), Material Relations. Domestic Interiors and Middle-Class Families in England, 1850-1910, Manchester, Manchester University Press, 2010, p. 33 et 213.
25 Van Rysselberghe (Théo), Lettre à Émile Verhaeren, 6/7/1884, fs16 00148 /1309, Archives & Musée de la Littérature, Bruxelles. Pour l’analyse de la référence à la peinture flamande contenue dans cet extrait (« jordanesque »), se référer à : Jago-Antoine (Véronique), « Théo Van Rysselberghe et Émile Verhaeren : cadrage sur une “fraternité d’art” », dans Bussers (Helena) et Fagne (Claude), éd., Théo Van Rysselberghe, Bruxelles, Fonds Mercator, 2006, p. 80-81.
26 Feltkamp (Ronald), Théo Van Rysselberghe 1862-1926, Bruxelles, Racine, 2003, p. 293.
27 Jago-Antoine (Véronique), « Théo Van Rysselberghe et Émile Verhaeren : cadrage sur une “fraternité d’art” », op. cit., p. 83.
28 Voir : ibid., p. 76-97. Sur l’amitié entre hommes en Belgique au xixe siècle, voir : Dekeukeleire (Thijs), « The Perception of Men’s Intimacy in the Fin de Siècle : A Consideration via Delville’s The School of Plato », dans Nuechterlein (Jeanne) et Price (Dorothy), dir., Art History, n° 1, 2020, en particulier p. 165-167.
29 Anonyme, « L’Évolution de la critique », dans Maus (Octave), dir., L’Art moderne, n° 41, 1892, p. 324-325 ; Saunier (Charles), « Exposition des peintres néo-impressionnistes à Paris. Correspondance particulière de L’Art moderne », dans Maus (Octave), dir., L’Art moderne, n° 52, 1892, p. 412-413 ; Anonyme, « Le Salon des xx. Les vingtistes », dans Maus (Octave), dir., L’Art moderne, n° 11, 1893, p. 81-82 ; Demolder (Eugène), « Une Exposition du livre belge. À Jacques Des Cressonnières et Max Hallet », dans Maus (Octave), dir., L’Art moderne, n° 33, 1900, p. 261-263 ; Mauclair (Camille), « Théo Van Rysselberghe », dans Maus (Octave), dir., L’Art moderne, n° 5, 1904, p. 33-35 ; Fontainas (André), « Les Artistes belges à Paris. Exposition Marc-Henry Meunier et Théo Van Rysselberghe », dans Maus (Octave) dir., L’Art moderne, n° 19, 1908, p. 147-148 ; Hellens (Franz), « Les Peintres belges à la Libre Esthétique », dans Maus (Octave), dir., L’Art moderne, n° 11, 1909, p. 81-82 et Hostie (Jean), « Transpositions », dans Maus (Octave), dir., L’Art moderne, n° 23, 1909, p. 180-181.
30 Demolder (Eugène), « Une Exposition du livre belge. À Jacques Des Cressonnières et Max Hallet », op. cit., p. 262. Il s’agit probablement du portrait de 1892.
31 Anonyme, « L’Évolution de la critique », op. cit., p. 324-325.
32 Conservé dans la collection du Palais des Académies à Bruxelles.
33 La Lecture est exposé à Bruxelles, Gand et Venise avant d’être acheté par le Musée des Beaux-Arts de Gand en 1906. Voir : Feltkamp (Ronald), Théo Van Rysselberghe 1862-1926, op. cit., p. 341-342.
34 Ce portrait reste également en possession de l’auteur. Voir catalogue raisonné : ibid., p. 365.
35 Conservé au Musée d’Orsay, à Paris.
36 Comme sur le portrait de 1892, le monogramme de Théo Van Rysselberghe s’insère dans le décor. Dans ce cas-ci, il est apposé sur la tranche d’un des livres de la bibliothèque.
37 Warner (Pamela J.), « The Competing Dialectics of the Cabinet de Travail : Masculinity at the Threshold », op. cit.
38 Feltkamp (Ronald), Théo Van Rysselberghe 1862-1926, op. cit., p. 409.
39 Suivront en 1916, un portrait de femme nue, et en 1917, le portrait d’Élisée Reclus.
40 Mauclair (Camille), « Théo Van Rysselberghe », op. cit., p. 34-35.
41 Brogniez (Laurence) et Debroux (Tatiana), « L’Atelier et son double au xixe siècle », op. cit., p. 95.
42 Van Lerberghe (Charles), [Journal], t. iii, 1891-1894, Archives & Musée de la Littérature, f38, ml 6949/3.
43 Brogniez (Laurence), « De l’intérieur d’artiste à l’intérieur artiste : l’atelier d’artiste, entre pierre et papier dans le Bruxelles fin de siècle », op. cit.
44 Il est remarquable de constater que malgré son abondante production, les œuvres de Marthe Massin ne figurent pas de façon privilégiée dans le cabinet de travail de Verhaeren. En effet, seule une peinture de paysage est incluse dans la description du cabinet, mais elle n’y était pas à l’origine. On est en droit de s’interroger sur cet effacement. Barbara Caspers a contredit de façon éloquente l’interprétation selon laquelle Marthe Massin aurait renoncé à sa carrière pour mieux se consacrer au poète, en mettant en évidence le fait qu’elle n’expose que peu avant son mariage et le fera encore après. Elle n’a donc pas renoncé à une carrière bien établie, chose difficile à obtenir pour une femme au xixe siècle, ni abandonné ses crayons et pinceaux. Toutefois, le soutien et la visibilité qu’elle a apportés au poète, notamment par son travail d’assistante et de gardienne de son œuvre, ne sont pas récompensés par une mise en avant de son travail d’artiste peintre et de dessinatrice dans ce lieu symbolique qu’est le cabinet de travail. Sur Marthe Massin, voir : Caspers (Barbara), « Marthe Massin, femme (d’)artiste », dans Aron (Paul) et Bertrand (Jean-Pierre), dir., Textyles, n° 50-51, Verhaeren en son temps, 2017, p. 65-74.
45 Le genre des « visites d’ateliers », publiées dans la presse artistique, en témoigne. Voir : Brogniez (Laurence) et Debroux (Tatiana), « L’Atelier et son Double au xixe siècle », op. cit., p. 95-96 ; Brogniez (Laurence), « De l’intérieur d’artiste à l’intérieur artiste : l’atelier d’artiste, entre pierre et papier dans le Bruxelles fin de siècle », op. cit., p. 250-251. La série de photographies « Nos Contemporains chez eux », réalisée par Jules Dornac dans les années 1880-1910, offre un autre exemple intéressant. Il photographie d’ailleurs Verhaeren en compagnie de son épouse dans leur jardin, ce qui dénote avec les autres portraits d’écrivains dans leur cabinet de travail qu’il réalise. Voir : Warner (Pamela J.), « The Competing Dialectics of the Cabinet de Travail : Masculinity at the Threshold », op. cit., p. 159-176. Pour la Belgique, on peut citer les articles « Nos Écrivains chez eux » ou « Nos Écrivains intimes », qui paraissent dans la Revue nationale au début du xxe siècle.
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Titre | Fig. 1 Théo Van Rysselberghe, Portrait d’Émile Verhaeren dans son cabinet de travail, rue du Moulin à Saint-Josse-ten-Noode (Bruxelles) |
Légende | 1892, huile sur toile, 85 x 75 cm. Archives et Musée de la Littérature, Bruxelles, Belgique. |
Crédits | © aml. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/4220/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,6M |
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Titre | Fig. 2 Marthe Verhaeren, Émile Verhaeren à sa table de travail |
Légende | s. d., huile sur toile, 40 x 54 cm. Archives et Musée de la Littérature, Bruxelles, Belgique. |
Crédits | © aml. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/4220/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 631k |
Pour citer cet article
Référence papier
Apolline Malevez, « La Bibliothèque d’Émile Verhaeren », Textyles, 61 | 2021, 108-122.
Référence électronique
Apolline Malevez, « La Bibliothèque d’Émile Verhaeren », Textyles [En ligne], 61 | 2021, mis en ligne le 15 septembre 2021, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/4220 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.4220
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