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Penser la bibliothèque

La Bibliothèque entre représentation et reconstitution du «  biotope  » de l’écrivain1

Anne Reverseau
p. 91-107

Résumés

L’article d’Anne Reverseau, « La Bibliothèque entre représentation et reconstitution du “biotope” de l’écrivain  », étudie la bibliothèque comme un espace à la fois matériel et imaginaire. À partir de l’étude des cabinets d’écrivain de la Réserve précieuse de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et d’une analogie par les sciences naturelles qui lui permet de rapprocher cabinet d’écrivain et diorama, l’article montre que ces cabinets sont des outils didactiques qui subliment et contextualisent les écrivains. Pour ce faire, l’article présente d’abord la bibliothèque comme représentation du biotope de l’écrivain, puis comme une reconstitution (impossible) qui revêt les fonctions de classification, émerveillement et conservation.

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Texte intégral

  • 1 Ce texte est issu de la communication «  La Bibliothèque comme biotope. Cabinets et représentatio (...)

1Appréhender la bibliothèque d’un écrivain confine à l’entomologie  : il s’agit de saisir des habitudes de lecture et de travail et de tenter de reconstituer, à travers un décor figé, le mouvement d’une pensée et d’une œuvre. Comme l’observation des insectes, l’étude du mouvement créateur exige patience et goût du détail. Mais comment étudier la littérature dans ses dynamiques  ? Comment approcher le vivant  ? Comme le papillon épinglé dans une vitrine ne dit rien de la façon dont il volait, les représentations de l’écrivain «  à la bibliothèque  » et les bureaux reconstitués figent les écrivains et risquent de les «  empailler  » symboliquement.

2Ce texte souhaite filer cette métaphore qui s’aventure du côté des sciences naturelles et comparer les reconstitutions de cabinets d’écrivains, dans lesquels la bibliothèque a une place centrale, avec les dioramas où trônent les animaux empaillés qui font la gloire des musées d’histoire naturelle depuis la fin du xixe siècle. Dans les deux cas, il s’agit d’un simulacre, d’un espace mis en scène, où un sujet est appréhendé en contexte, comme dans son «  biotope  ».

3Épousant la logique de l’analogie, le texte procédera en deux temps, pour explorer les différentes dimensions de cette comparaison dans un continuum. Nous considérerons d’abord la bibliothèque comme le «  biotope  » de l’écrivain, en étayant cette position avec la représentation traditionnelle de l’écrivain «  à sa bibliothèque  », un type de portrait particulièrement codifié. Ces portraits à la bibliothèque, qui figent l’auteur dans son environnement «  naturel  », nous entraîneront dans un second temps sur le terrain des reconstitutions de cabinets d’écrivains, que nous envisagerons comme des dioramas, ce qui permettra d’en mettre au jour les fonctions et les illusions puisque, en littérature comme en sciences naturelles, la «  reconstitution  » demeure un horizon impossible.

  • 2 Les cabinets de la Réserve précieuse de l’ulb, développés depuis les années 1980 sous la houlett (...)

4Cette comparaison surprenante s’appuie sur les exemples des cabinets et bureaux de Michel de Ghelderode, Marcel Mariën et Denis Marion, notamment, qui étaient présentés au sein de la Réserve précieuse de l’Université libre de Bruxelles (ulb) jusqu’à récemment2.

La bibliothèque, du «  décor  » au biotope

5Les médias, tant la presse écrite que la télévision, aiment à représenter l’écrivain dans son «  décor  », c’est-à-dire dans un environnement signifiant son rôle. Dans l’entre-deux-guerres, la visite à l’écrivain est à la mode dans la presse et les journalistes font la part belle aux décors des écrivains qu’ils rencontrent. Nino Frank, par exemple, alors journaliste star de la presse culturelle française, est responsable de la rubrique «  Chez eux  » pour Les Nouvelles littéraires. Dans les trois articles qu’il consacre à Léon-Paul Fargue en 1928, il s’attarde sur la description de l’appartement parisien de l’écrivain rue du Château-Landon et met en avant son désordre et ses bizarreries, comme un reflet de l’originalité de Fargue lui-même  :

  • 3 Frank (Nino), «  Chez eux… Léon-Paul Fargue  », dans Les Nouvelles littéraires, 27 octobre 1928, (...)

une chambre d’étudiant, avec un petit lit sans prétention […]. Sur un guéridon, un téléphone, le browning, un portefeuille bourré de notes et de vieux papiers. […] Et une commode, qui lui sert d’écritoire […]. Le Littré, des adresses de bars, des épreuves3

6Au sujet du même auteur, un autre journaliste culturel, Chamine, décrit le même espace dans L’Intransigeant en 1933, sur un ton plus poétique  :

  • 4 Chamine, «  En visite chez Léon-Paul Fargue  », dans L’Intransigeant, 27 août 1933, p. 5.

Une antichambre délabrée […] une chambre remplie à deux mètres de hauteur de journaux, de livres et de vieilles lettres, sur lesquels surnage seul le téléphone, des fauteuils éventrés […] des murs bleus et gras […] un canapé où il dort et le tout, canapé compris, saupoudré de mégots, de cravates, de tubes d’aspirine, de cartes postales sentimentales, de pinceaux dorés, de palettes fleuries, voilà le décor de Fargue4.

7Le terme de «  décor  », comme arrière-plan signifiant d’un personnage, revient souvent dans ce type de description d’intérieurs. Le «  décor  » de l’écrivain, ce sont ses meubles, ses papiers, les images accrochées à ses murs, mais surtout sa bibliothèque.

  • 5 Voir Durand (Pascal), «  De Nadar à Dornac  », dans Bertrand (Jean-Pierre), Durand (Pascal) et L (...)
  • 6 Ce tableau, connu, est conservé aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (url  : https://www (...)

8L’écrivain «  à sa bibliothèque  » constitue ainsi, cette fois en photographie, le motif roi de l’âge classique du portrait d’écrivain, de la fin du xixe siècle aux agences de presse de l’entre-deux-guerres. Ce n’était pas encore le cas chez Nadar, comme l’a montré Pascal Durand5, mais on assiste à une mutation avec Edmond Bacot, qui met en scène Victor Hugo, et surtout avec Dornac, auteur de la fameuse série «  Les Contemporains chez eux  », réalisée entre 1887 et 1917. On comprend à quel point le motif est suivi lorsque la photographie sert de modèle à d’autres supports de représentations d’auteurs, comme c’est le cas de la photographie d’Émile Verhaeren à la bibliothèque, qui a servi à Théo Van Rysselberghe pour son portrait peint de Verhaeren en 19156.

  • 7 Belin (Olivier), «  Introduction  », dans Belin (Olivier), Mayaux (Catherine) et Verdure-Mary (A (...)

9Un bureau figure en général aussi dans ces portraits d’écrivains à la bibliothèque. La bibliothèque, comme arrière-plan, et le bureau, comme support, sont deux éléments essentiels du portrait photographique dès les débuts du medium  : un socle pour rester immobile et fixer le métier  ; un décor pour meubler et donner de la symbolique à la représentation… La bibliothèque, écrit en effet Olivier Belin dans l’introduction de Bibliothèques d’écrivains. Lecture et création, histoire et transmission, est «  l’antichambre, l’entour, le prolongement de la table de l’auteur. […] à la fois un espace de création et un lieu de préservation7  ».

10Plus pragmatiquement, pour les auteurs des prises de vues, photographier un écrivain avec ses livres ou au bureau permet de détendre l’atmosphère et de faire en sorte que le modèle se sente en sécurité, puisqu’au milieu d’objets familiers. Cet argument est développé par Gisèle Freund, connue pour ses portraits de célébrités, notamment d’écrivains, des années 1930 à 1980, dans ses mémoires Le Monde et ma Caméra  :

  • 8 Freund (Gisèle), Le Monde et ma Caméra, Paris, Denoël, 2006, p. 102.

Généralement les hommes de lettres ne se font photographier qu’avec répugnance. Impressionnables et angoissés pour la plupart, il leur semble qu’ils survivront mieux par leurs livres que par leur image charnelle8.

  • 9 Ibid., p. 102-103.
  • 10 Ibid., p. 109.
  • 11 Ibid.

11Pour contrer cette répugnance, Freund met en place un protocole qui consiste à recourir à la lumière artificielle de façon à photographier les écrivains chez eux dans leur «  cadre habituel  ». Avec Romain Rolland, avec Claudel et de nombreux autres, elle doit «  ruser pour disposer de [s]es écrivains “au naturel”9  » et «  photographier une personne dans son intimité, au milieu de ses objets personnels10  ». Elle explique  : «  Le modèle se sent dans un univers familier qui le détend et facilite ma tâche. […] Saisir quelqu’un à côté du bibelot qu’il chérit rend la photo plus expressive11.  »

12Gisèle Freund explique aussi aller à la rencontre des écrivains dans la Maison des Amis des Livres d’Adrienne Monnier, rue de l’Odéon, où elle organisera d’ailleurs une séance de projection de ses portraits d’écrivains le 5 mars 1939, en leur présence. Les portraits sont donc comme remis dans leur milieu naturel, en librairie, lieu dont les murs sont déjà couverts de portraits d’écrivains.

13Les livres sont à la fois ce dont l’écrivain se nourrit et ce qu’il produit, ce qui fait que la bibliothèque forme pour le photographe une sorte de biotope de l’écrivain. À ce titre, la librairie d’Adrienne Monnier est le lieu de rencontre naturel des écrivains, là où l’on a le plus de chance de les trouver, comme la source à la tombée de la nuit dans la savane, si l’on veut filer la métaphore. Cette notion de «  biotope  », transférée ici des sciences naturelles à la littérature, mérite d’être développée.

14«  Biotope  », en effet, est un néologisme créé par les biologistes pour désigner un «  milieu biologique présentant des facteurs écologiques définis, nécessaires à l’existence d’une communauté animale et végétale donnée et dont il constitue l’habitat normal12  ». On retrouve ici le caractère nécessaire à l’existence qui marque la bibliothèque et le bureau dans les exemples qui précèdent, l’idée d’une «  communauté  », plus ou moins fermée, qui se distingue des autres communautés, et surtout l’idée d’une «  normalité  ». Le caractère récurrent des éléments du biotope se perçoit dans les stéréotypes des représentations, textuelles comme visuelles, de l’écrivain à sa bibliothèque et de l’écrivain au travail, relevés par exemple par Mathilde Labbé dans la collection «  Écrivains de toujours  ». Elle y montre notamment que la représentation de l’écrivain au travail, assis à son bureau ou debout à sa bibliothèque, qu’elle qualifie d’«  esthétique pseudo-documentaire  », est hautement paradoxale13. La représentation suppose en effet une forme de théâtralisation de l’individu, que Pascal Durand explique en ces termes  :

  • 14 Durand (Pascal), «  De Nadar à Dornac  », op. cit., § 32.

Photographier un écrivain chez lui et dans son lieu de travail, ce n’est pas seulement photographier un habitant et son habitat, mais un habitat en tant qu’extériorisation de cet habitant, autrement dit livrer au public, en une image, à la fois l’image de l’écrivain et l’image de soi qu’il est supposé avoir projetée dans le décor dont on le voit entouré14.

15C’est parce que la bibliothèque est devenue le décor normal et récurrent de l’écrivain qu’il est un biotope littéraire imaginé. Ce peut être un décor choisi, l’environnement que l’écrivain présente au public, mais aussi, dans la plupart des cas de représentation photographique et de diffusion médiatique, un décor imposé, car fantasmé par un photographe, un support de presse ou le public. Qu’advient-il lorsque de la représentation, on passe à la reconstitution de l’environnement de travail des écrivains  ?

Du biotope au diorama  : enjeux de la reconstitution de cabinets d’écrivains

16La métaphore du «  biotope  » pour désigner la bibliothèque de l’écrivain mérite d’être filée car elle permet de dégager les grands enjeux de la reconstitution des cabinets d’écrivains, une pratique qui a été longtemps courante dans les bibliothèques et les musées en charge de la conservation et de la valorisation d’archives et d’objets relatifs à la littérature. Cette métaphore nous mène au phénomène du «  diorama  » et permet d’envisager les cabinets d’écrivains comme une naturalisation de l’environnement de travail et de vie, un «  décor  » figé, où l’écrivain n’est pas, heureusement, empaillé, mais simplement absent.

17Rappelons pour commencer que le diorama est une présentation spectaculaire d’animaux naturalisés dans un décor qui cherche à recréer les «  habitats biologiques  », à évoquer, par échantillons, le biotope d’espèces choisies. Il a connu un âge d’or à la Belle Époque, mais il faut situer son apogée dans les années 1930 et 1940, notamment avec The African Hall du Musée d’histoire naturelle de New York, qui est un immense succès.

Fig.1 Photographe inconnu, Carl Akeley mounts specimens for the « Lions » diorama

Fig. 1 Photographe inconnu, Carl Akeley mounts specimens for the «  Lions  » diorama

American Museum of Natural History

domaine public (Wikimedia Commons).

  • 15 Wonders (Karen), Habitat Dioramas. Illusions of Wilderness in Museums of Natural History, London (...)

18Le paradoxe de ces espaces parfaitement artificiels pour donner à voir le «  naturel  » est typique de toute reconstitution. Il évoque le recours de Gisèle Freund à la lumière artificielle pour donner à voir l’écrivain «  au naturel  ». Karen Wonders, qui a consacré un travail approfondi à ces dioramas muséaux, insiste d’ailleurs beaucoup sur cette artificialité et rapproche leur développement de la vogue des spectacles d’illusions de la fin du xviiie siècle et du xixe siècle. Elle analyse notamment comment les dioramas cherchent à donner l’illusion de la profondeur dans le chapitre «  Nature Through a Window  » («  la nature dans une vitrine15  »). Cette artificialité et cette théâtralité sont aussi à l’œuvre dans les cabinets d’écrivains reconstitués, qu’il s’agisse, en Belgique, de ceux de la kbr ou de ceux de la Réserve précieuse de l’ulb, sur lesquels nous allons nous attarder.

  • 16 Ce dessin est d’ailleurs donné à voir dans le cabinet, ce qui est radicalement artificiel aussi. (...)
  • 17 Voir photographies et description en ligne sur le site des aml  : https://www.aml-cfwb.be/musee/ (...)

19Ces cabinets ont en commun une grande part laissée à l’imagination dans la «  reconstitution  », qu’il s’agisse de faire la synthèse de l’univers matériel d’un écrivain, ou bien d’imaginer un environnement vraisemblable à un moment donné. Si certains cabinets sont reconstitués à partir de sources positives, comme un dessin dans le cas du cabinet Verhaeren de la kbr16, d’autres, comme celui d’Elskamp et de van de Velde, toujours à la kbr, sont imaginés, comme le dit clairement la notice de présentation de ce dernier en ligne  : «  Ce décor fictif a été monté avec un mobilier (1902) et des éléments (tapis, papier peint) créés sur les plans de van de Velde17.  »

  • 18 Entretien téléphonique avec René Fayt, le 7 mai 2019.

20Dans le cas qui nous occupe pour le présent article, celui de la Réserve précieuse de l’ulb, les reconstitutions étaient plus souples encore et tendaient à la recréation, voire à l’invention pure et simple. Les cabinets ont en effet été créés au milieu des années 1980 pour mettre en valeur les dons qui arrivaient à l’ulb. Il s’agissait de mettre en scène les livres, les documents et les objets de certains écrivains ou anciens professeurs. Les meubles, la plupart du temps, n’avaient pas été légués à l’université, ce qui obligeait à «  rapiner  », en privilégiant le bois et le verre, selon les mots de René Fayt, l’ancien conservateur de la Réserve précieuse18.

21L’une des pièces maîtresses de la Réserve précieuse de l’ulb était par exemple le bureau de Marcel Mariën, poète et photographe célèbre pour avoir écrit l’histoire du surréalisme belge. Le bureau à proprement parler – le meuble – était composé d’un immense sous-verre où étaient disposés des éphémères appartenant au fonds Mariën, comme des cartes postales, des photographies, des tracts et des cartes de visite.

Fig. 2 «  Bureau de Marcel Mariën  ».

Fig. 2 «  Bureau de Marcel Mariën  ».

Réserve précieuse de l’ulb, janvier 2019.

Photographie  : Anne Reverseau.

  • 19 Ibid. Depuis 2019, ces éphémères ont été retirés du sous-verre pour des raisons de conservation. (...)

22Cet ensemble, véritable espace d’exposition, avait été créé sur place par René Fayt et ses deux collaboratrices, dont Michèle Graye, qui ont chacun «  inventé un tiers  » de cette œuvre collective, comme le formulait l’ancien directeur19.

  • 20 Lors d’une visite en décembre 2020, Michèle Graye, ancienne collaboratrice de René Fayt et membr (...)

23La Réserve précieuse de l’ulb abritait également une reconstitution du bureau de Denis Marion, écrivain, critique de cinéma et professeur à l’ulb, assemblé à partir du don de sa bibliothèque et de ses archives. Dans son cas, l’université a hérité des meubles et l’équipe a dû orchestrer un vrai déménagement à partir de La Celle-Saint-Cloud, sans pouvoir néanmoins photographier la disposition initiale du bureau ou de la bibliothèque de l’auteur, en raison de l’opposition de la famille. La reconstitution s’est alors faite au mieux, de mémoire, en fonction des contraintes du nouvel espace, mais on est ici très loin d’une reconstitution à l’identique. Sur un meuble bas, à droite en rentrant, sont par exemple posés deux grands vases asiatiques qui n’appartenaient pas à Denis Marion. Issus d’un autre don, ils ont été placés là où il restait de la place…20

Fig. 3 «  Cabinet Denis Marion  ».

Fig. 3 «  Cabinet Denis Marion  ».

Réserve précieuse de l’ulb, janvier 2019.

Photographie  : Anne Reverseau.

24Si elle pose de nombreux problèmes scientifiques, à un autre niveau, cette imperfection dans les reconstitutions d’intérieurs d’écrivains n’est-elle pas la part de fiction ou la part de simulacre inhérente à toute reconstitution, comme la tension entre le vrai et le faux qui travaille aussi les dioramas des musées de sciences naturelles  ? Le concept d’«  authenticité imaginée  » avancé par Yaëlle Biro dans sa discussion avec Sammy Baloji, artiste contemporain congolais particulièrement marqué par les dioramas du musée belge de Tervuren, qui a lui-même beaucoup travaillé cette forme, notamment dans l’exposition du Palais de Tokyo sur le diorama, peut à cet égard être opérant. Elle écrit par exemple  :

  • 21 Baloji (Sammy), Biro (Yaëlle) et Colard (Sandrine), «  Entretien avec Sammy Baloji  », dans Cult (...)

Au cœur même du concept du diorama ethnographique se trouve une forme d’authenticité imaginée, de tension entre le vrai et le faux, l’authentique et le construit. Le but de ces dioramas était de produire quelque chose qui montrait au visiteur une réalité absolue et immuable alors même qu’il s’agissait d’une construction21.

25Pour creuser notre comparaison entre les dioramas et les cabinets d’écrivains reconstitués, on peut alors se demander en quoi consiste «  l’authenticité imaginée  » des bibliothèques d’écrivains. Nous envisagerons donc les caractéristiques paradoxales de certains cabinets qui étaient jusqu’à récemment présentés à la Réserve précieuse de l’ulb.

La vie des objets

  • 22 Ce paradoxe de l’objet vivant est exprimé ailleurs, dans le petit livret destiné aux enfants fou (...)

26Les cabinets d’écrivains reconstitués débordent souvent d’objets  : de livres bien entendu, mais aussi d’objets d’art, d’objets personnels et de bibelots. Il semble que ces objets jouent le rôle de l’animal empaillé des vitrines des musées de sciences naturelles puisqu’on ne naturalise pas les écrivains morts  ! Ayant participé à la vie de l’auteur, les objets de l’écrivain passent pour être doués de vie, surtout dans le cas d’auteurs qui ont constitué autour d’eux de véritables cabinets de curiosité. Le dit «  cabinet de Michel de Ghelderode  » était en effet plein d’objets qui avaient l’air plus vivants que l’écrivain, comme le suggérait Michèle Graye lors de notre première visite22. Il n’est pas étonnant que ce cabinet ait été le plus mis en scène de la Réserve précieuse  : il occupait l’ancien bureau des inscriptions, un espace de représentation de l’université, et le visiteur était en position de spectateur, derrière de lourdes barrières de bois. Il était composé de nombreux objets n’ayant pas appartenu à l’auteur et constituait ainsi une sorte de simulacre de reconstitution.

  • 23 Citton (Yves), Gestes d’humanités. Anthropologie sauvage de nos expériences esthétiques, Paris, (...)
  • 24 Ibid., p. 223.
  • 25 Ibid., p. 115.

27Les livres, qui peuplent les murs, mais aussi les bureaux des cabinets d’écrivains, sont à ce titre un type d’objet particulier. Ils figurent le corps de l’auteur et jouent un rôle essentiel dans ce jeu avec la présence-absence de l’écrivain. Ils constituent alors une «  extériorisation de l’esprit  » d’une «  personne disséminée23  », qui irait dans le sens d’une «  réception chamanique de l’art24  » pour reprendre les termes qu’emploie Yves Citton dans sa réflexion sur les gestes esthétiques. Les livres font en outre partie des «  choses  » qui possèdent ce que le théoricien appelle une «  affordance  » forte, c’est-à-dire de celles qui «  sont l’empreinte laissée dans nos habitudes gestuelles par les prises qu’elles offrent à nos pratiques25  ».

  • 26 Voir par exemple Guibert (Hervé), La Bibliothèque, photographie de 1987. Au sujet des écrivains (...)
  • 27 On retrouve souvent cette dimension mortifère lorsqu’à la mort d’un auteur, les médias republien (...)

28Ce caractère somme toute indiciel des livres de l’écrivain – s’il ne s’agit pas de ceux qu’il a écrits, il s’agit de ceux qu’il a lus et qui l’ont formé – rend quelque peu fantomatiques les reconstitutions de bibliothèques d’écrivains. Ces dernières évoquent certaines photographies de bureaux et de bibliothèques d’où l’auteur est absent, comme aimait à en faire par exemple Hervé Guibert26. Il y a là quelque chose de mortifère que l’on ressent aussi lorsque l’écrivain est présent dans le portrait, comme s’il se trouvait réifié parmi ses livres27.

29Ce phénomène est aggravé par le caractère convenu du portrait d’écrivain à la bibliothèque qui a pourtant longtemps apporté une forme de légitimation aux écrivains – être photographié devant sa bibliothèque, c’est être reconnu publiquement comme écrivain. Aujourd’hui, il agit comme un repoussoir chez les modèles mais aussi chez la plupart des photographes, pour son caractère de passage obligé. Dans le travail remarquable de Nathalie Froloff sur Annie Ernaux, cette dernière racontait sa mauvaise expérience avec Louis Monier, photographe spécialisé dans le portrait d’écrivain, qui l’avait notamment fait agenouiller devant sa bibliothèque à Cergy en 1984  :

  • 28 Froloff (Nathalie), «  Annie Ernaux, photos privées, photos publiques  : portrait de femme en éc (...)

Il me fait asseoir devant ma bibliothèque et je suis assise par terre à genou. Qui est-il pour me faire mettre à genou  ? Je n’aime pas être prise en photo accroupie. Et il me dit  : «  Vous avez de la poudre de riz  ? – car votre visage brille trop.  » Je n’en ai pas, je vais chercher un Kleenex. Je suis considérée comme un objet  : je n’ai pas oublié depuis trente ans28.

  • 29 Voir par exemple Ravalec (Vincent), L’Auteur, Paris, Le Dilettante, 1995, pour une version outré (...)

30Les écrivains sont en effet nombreux à se sentir comme un pantin ou une marionnette et à parler de mascarade ou de cirque médiatique quand il s’agit d’être portraituré «  en écrivain29  ». Le portrait à la bibliothèque apparaît ainsi souvent à l’auteur comme une réification. Il y est comme les mannequins de Ghelderode, comme les cerfs empaillés des dioramas que l’on déplace sans leur demander leur avis, jugeant quelle serait la meilleure place pour eux, celle qui fait sens non pour eux mais pour le public. Les cabinets reconstitués comme les représentations photographiques ont en effet une dimension théâtrale  : l’écrivain est représenté à sa scène d’écriture. Intégrant des extraits d’entretien d’Annie Ernaux, Nathalie Froloff poursuit en ce sens  :

  • 30 Froloff (Nathalie), «  Annie Ernaux, photos privées, photos publiques  : portrait de femme en éc (...)

Enfin, le piège ultime serait l’illusion d’une parfaite adéquation entre l’écrivain et sa pratique, c’est-à-dire la photo représentant l’écrivain devant sa bibliothèque, ou plus artificiel encore, la photo où l’écrivain, à sa table de travail, ferait semblant d’écrire car «  jamais on n’écrit sous l’œil du photographe30  ».

31Cette représentation illusoire est partagée par les dioramas animaliers et permet de mettre au jour un autre paradoxe important.

Le mouvement arrêté

  • 31 Baloji (Sammy), Biro (Yaëlle) et Colard (Sandrine), «  Entretien avec Sammy Baloji  », op. cit.

32Les dioramas et les cabinets d’écrivains jouent sur le principe du mouvement arrêté, comme pour mimer la photographie qui immobilise un instant pris dans une durée. Dans les musées, les animaux naturalisés sont souvent représentés au milieu d’un mouvement, ce qui leur confère un caractère spectaculaire  : ils sont en train de chasser, de courir, de voler, les crocs dehors, la gueule ouverte, les ailes déployées, rarement en train de dormir, par exemple. Sammy Baloji estime même que les dioramas animaliers visent une maîtrise de l’espace-temps à travers une «  espèce d’arrêt du temps31  ».

  • 32 Entretien avec René Fayt, op. cit.
  • 33 Le bureau d’Henri Cornélus, ancien professeur de français à l’ulb qui a fait don de sa bibliothè (...)

33Comme on représente l’oiseau en plein vol, on représente l’écrivain en plein travail, carnet ou livre ouvert, la plume à la main. Même lorsqu’il est absent, dans les cabinets reconstitués, on fait semblant qu’il vient de sortir. La présence de ses brouillons, ses lunettes, sa machine à écrire ou son encrier, voire sa pipe qu’on croirait encore fumante le laisse imaginer au travail. L’ancien directeur de la Réserve précieuse, René Fayt, estime même que c’est là un des principes des cabinets de l’ulb, apparu avec le cabinet Max Elskamp et poursuivi pour les autres cabinets  : «  c’est l’idée de faire comme s’ils venaient de quitter la pièce32  ». C’est particulièrement le cas pour le bureau de Denis Marion, sur lequel on distingue une machine à écrire et un encrier (fig. 3) ou encore celui d’Henri Cornélus avec son sous-main et ses portraits encadrés (fig. 4)33. Le personnage absent est comme figé au milieu du mouvement, comme s’il venait de quitter sa table de travail. Les scénographies des cabinets renforcent parfois cette impression de mouvement arrêté avec des dispositifs favorisant la surprise, mettant le spectateur dans la position d’un voyeur, observant un bureau à travers une fenêtre, ou encore se penchant pour déchiffrer des papiers intimes.

34Ce paradoxe du mouvement arrêté est lié à celui de la représentation de l’inanimé. Que ce soit dans les mannequins chez Ghelderode, dans les objets d’écriture de Denis Marion, dans les images sous verre de Marcel Mariën, mais aussi dans des portraits d’écrivains célèbres comme André Gide sous le masque mortuaire de Leopardi (par Laure Albin Guillot) ou Colette photographiée avec ses chats (par exemple par Germaine Krull et plusieurs photographes de presse), il y a un arrêt sur image, un arrêt du temps qui peut facilement être mortuaire. L’écrivain n’est certes pas empaillé, mais il semble naturalisé parce qu’exposé ou mis sous verre. Le phénomène de la reconstitution de cabinets d’écrivains, tout comme certaines formes de représentation, est une façon de propulser l’écrivain dans une sorte d’éternité à travers la postérité. Cet ensemble de paradoxes nous amène à conclure avec une réflexion sur les fonctions des cabinets reconstitués en lien avec la notion de patrimoine.

Fig. 4 «  Bureau d’Henri Cornélus  ».

Fig. 4 «  Bureau d’Henri Cornélus  ».

Réserve précieuse de l’ulb, janvier 2019.

Photographie  : Anne Reverseau.

Ce que le détour par le diorama nous apprend des cabinets reconstitués

35La comparaison avec le diorama, qui sert de fil rouge au présent texte, peut être encore approfondie pour éclairer la question des missions muséales de ces lieux. Certaines fonctions du diorama, notamment didactiques et patrimoniales, peuvent en effet être extrapolées aux cabinets et aux portraits d’écrivains «  à la bibliothèque  ».

36Le diorama permet en premier lieu la reconnaissance, l’identification et la classification des espèces. Appliqué à l’écrivain, cet argument explique pourquoi on a représenté pendant longtemps dans la presse généraliste les écrivains à la bibliothèque, comme on représentait les acteurs et actrices en costume, près d’un rideau de scène  : cela permettait leur identification.

37La fonction didactique du diorama passe aussi par l’émerveillement. Appliqué à l’écrivain, cet argument explique que l’on ait cherché à étonner et à séduire le visiteur avec des reconstitutions d’intérieurs d’écrivains originaux, comme Michel de Ghelderode, qui s’est appliqué de son vivant à construire son propre biotope comme clé de lecture de son œuvre. Il y a en effet une photogénie certaine de la reconstitution de ce type d’intérieur, à la façon d’un tableau vivant. En outre, le meuble qu’est le bureau constitue un espace d’exposition idéal, permettant de se pencher sur les images et les textes qui y figurent et de composer un ensemble cohérent, vraisemblable et séduisant tout à la fois. Il faut toutefois distinguer le cas des écrivains collectionneurs qui comme Michel de Ghelderode ont eux-mêmes mis en scène leur lieu de travail et de vie, de ceux pour qui la muséification se fait après coup, et presque contre leurs habitudes  : le personnage volontiers provocateur de Marcel Mariën aurait par exemple vu d’un mauvais œil la mise en place d’un espace muséal contenant ses livres mais aussi une table-vitrine présentant des images lui ayant appartenu.

Fig. 5 «  Cabinet Michel de Ghelderode  ».

Fig. 5 «  Cabinet Michel de Ghelderode  ».

Réserve précieuse de l’ulb, janvier 2019.

Photographie  : Anne Reverseau.

38Enfin, les dioramas servent à la conservation. Le cabinet de travail de l’écrivain répond lui aussi à des missions de conservation. Du point de vue symbolique, la vitrine, lorsqu’elle est utilisée (à la kbr, par exemple), évoque un caveau de verre ou encore les plaques de verre du microscope de l’entomologiste. La vitrine est aussi un espace de vente, fait pour susciter le désir d’achat. Une des missions des cabinets comme des dioramas est donc également d’aiguillonner le désir du public, notamment scolaire, de donner envie d’en savoir plus, d’introduire à la science et à l’histoire en faisant naître la curiosité pour tel auteur et fixer sur la rétine le souvenir visuel de tel autre.

39Ces remarques soulèvent d’autres questions liées au choix des écrivains à présenter ainsi, c’est-à-dire à patrimonialiser de façon visuelle et parfois fictionnelle, ce qui peut aller à l’encontre des missions scientifiques des lieux de conservation. Les cabinets reconstitués de la Réserve précieuse de l’ulb, comme ailleurs, ne favorisent-ils pas les écrivains artistes, les collectionneurs ou les simples collecteurs, ceux qui ont des archives visuelles, en tout cas ceux qui ont des choses à montrer  ? La valorisation, devenue un impératif des lieux de conservation, pousse en effet à mettre en avant les interactions entre littérature et images, à favoriser la part visuelle de leurs fonds littéraires, que cette ambition soit explicitée ou non par les bibliothèques et les musées.

40Les cabinets d’écrivains peuvent aussi être porteurs d’une forme de nostalgie. Rappelons que les dioramas ont permis la création des premières réserves naturelles aux États-Unis au début du xxe siècle en suscitant l’intérêt pour des espèces menacées. Mettre sous verre, faire admirer est aussi, dans le cas des écrivains – qui eux aussi figurent dans une «  réserve  », puisque le terme est identique –, une façon de désigner les écrivains comme une espèce en voie de disparition  : une espèce à observer, voire à protéger.

41Dans cette réflexion sur les cabinets d’écrivains qui s’appuie sur les réalisations et l’expérience passée de la Réserve précieuse de l’ulb, nous avons montré que la représentation et la reconstitution de la bibliothèque étaient deux formes d’invention de la figure de l’écrivain, qui touchaient à l’imaginaire théâtral. Si la «  reconstitution  » du moment de l’écriture, des gestes des écrivains et de tout ce qui fait la littérature vivante est impossible, les représentations à la bibliothèque comme les cabinets reconstitués sont une façon de monumentaliser et de patrimonialiser un écrivain, mais aussi de le figer dans un passé qui, même idéalisé, est bien mort. Les exemples examinés nous ont en outre permis de distinguer les «  biotopes  » fabriqués par l’auteur, environnements souvent mouvants qui lui sont contemporains et que l’on peut tenter de «  reconstituer  » après coup, des «  biotopes  » imaginés par des lieux de conservation, dans une optique de valorisation et de muséalisation.

42La comparaison inattendue avec le dispositif muséal du diorama naturaliste, que nous avons développée tant en termes d’effets que de fonctions, est porteuse de sens. Dans les deux cas, nous sommes face à la mise en scène d’un espace, que l’on visite en gardant ses distances, parfois derrière une vitre ou une barrière, et dont le sujet est un écrivain ou une espèce animale que l’on donne à appréhender en contexte, dans son environnement visuel ou dans son biotope… Il s’agit, dans le domaine littéraire comme dans le domaine biologique, de créer un outil didactique, qui est une façon de sublimer ce qui est donné à voir en même temps qu’on le contextualise.

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Notes

1 Ce texte est issu de la communication «  La Bibliothèque comme biotope. Cabinets et représentations photographiques d’écrivains “à la bibliothèque”  », présentée lors de la journée d’études Textyles et «  Écrits d’artistes  » (fnrs), Penser la bibliothèque. Les Bibliothèques d’écrivains et d’artistes belges (xixe-xxie siècles), organisée par Mélanie de Montpellier d’Annevoie et Laurence Brogniez le 17 mai 2019. Il a ensuite été développé dans le cadre du projet handling sur la manipulation d’images par les écrivains (bourse erc n°  804259). En ligne  : https://sites.uclouvain.be/handling/. La kbr compte également, à Bruxelles, de nombreux cabinets d’écrivains, les «  Cabinets des donations  », comportant ceux d’Émile Verhaeren, Michel de Ghelderode, Madame Louis Solvay et du comte de Launoit, et celui de Max Elskamp et Henry van de Velde. Si la communication à l’origine de ce texte incluait cet ensemble dans l’analyse, cette version écrite se concentre sur les cas de la Réserve précieuse de l’ulb puisque le texte de Laurence Boudart traite des cas de la kbr dans le présent volume.

2 Les cabinets de la Réserve précieuse de l’ulb, développés depuis les années 1980 sous la houlette de René Fayt, ont été complètement restructurés et sont actuellement en train d’être repensés par une nouvelle équipe dirigée par Renaud Bardez suite à la fusion du Service des archives / patrimoine et de la Réserve précieuse à l’été 2019.

3 Frank (Nino), «  Chez eux… Léon-Paul Fargue  », dans Les Nouvelles littéraires, 27 octobre 1928, p. 4.

4 Chamine, «  En visite chez Léon-Paul Fargue  », dans L’Intransigeant, 27 août 1933, p. 5.

5 Voir Durand (Pascal), «  De Nadar à Dornac  », dans Bertrand (Jean-Pierre), Durand (Pascal) et Lavaud (Martine), dir., COnTEXTES, n° 14, Le Portrait photographique d’écrivain, 2014, dernière consultation le 22 septembre 2020, url  : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/contextes/5933. Voir aussi Duzer (Virginie A.), «  Impressions d’âmes écrivant  », dans Martens (David), Montier (Jean-Pierre) et Reverseau (Anne), dir., L’Écrivain vu par la photographie. Formes, usages, enjeux, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 135-142.

6 Ce tableau, connu, est conservé aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (url  : https://www.fine-arts-museum.be/fr/la-collection/theo-van-rysselberghe-portrait-d-emile-verhaeren ?artist =van-rysselberghe-theo-1) et la photographie par les Archives Labor.

7 Belin (Olivier), «  Introduction  », dans Belin (Olivier), Mayaux (Catherine) et Verdure-Mary (Anne), dir., Bibliothèques d’écrivains. Lecture et création, histoire et transmission, Torino, Rosenberg & Sellier, coll. Biblioteca di Studi Francesi, 2018, p. ix-x.

8 Freund (Gisèle), Le Monde et ma Caméra, Paris, Denoël, 2006, p. 102.

9 Ibid., p. 102-103.

10 Ibid., p. 109.

11 Ibid.

12 Trésor de la Langue Française informatisé. url  : http://stella.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv4/showps.exe?p=combi.htm;java=no. Le tlfi note aussi que «  biotope  » peut être employé «  par extension  », pour parler d’une communauté humaine, par exemple pour désigner un milieu de vie.

13 Labbé (Mathilde), «  Portrait de l’écrivain en Saint Jérôme  : figurations du travail littéraire dans la collection “Écrivains de toujours”  », dans Martens (David), Montier (Jean-Pierre) et Reverseau (Anne), dir., L’Écrivain vu par la photographie, op. cit., p. 245.

14 Durand (Pascal), «  De Nadar à Dornac  », op. cit., § 32.

15 Wonders (Karen), Habitat Dioramas. Illusions of Wilderness in Museums of Natural History, London, Coronet Books Inc., 1993.

16 Ce dessin est d’ailleurs donné à voir dans le cabinet, ce qui est radicalement artificiel aussi. La présentation en ligne du cabinet de Verhaeren va dans ce sens  : «  Les dimensions du cabinet sont exactes, le mobilier est authentique, ainsi que le poêle, le tapis, la cheminée, le lustre et sa canne. La reconstitution a été faite d’après un plan, des croquis, des tableaux de Marthe Verhaeren, et d’après des photos.  » Voir photographies et description en ligne sur le site des aml  : https://www.aml-cfwb.be/musee/cabinets/verhaeren et, dans ce même volume, l’étude de Laurence Boudart.

17 Voir photographies et description en ligne sur le site des aml  : https://www.aml-cfwb.be/musee/cabinets/elskamp.

18 Entretien téléphonique avec René Fayt, le 7 mai 2019.

19 Ibid. Depuis 2019, ces éphémères ont été retirés du sous-verre pour des raisons de conservation. Ils ont été catalogués et occupent depuis deux boîtes d’archives, accessibles aux chercheurs. Une des hypothèses de la nouvelle équipe est que ces images pourraient avoir été utilisées comme marque-pages par Mariën et récupérées lorsque sa bibliothèque est arrivée à la Réserve. Nous remercions Renaud Bardez pour ces informations et sa disponibilité lors de notre visite en décembre 2020.

20 Lors d’une visite en décembre 2020, Michèle Graye, ancienne collaboratrice de René Fayt et membre de la nouvelle équipe, nous a confirmé que les meubles n’appartenaient en général pas à l’écrivain concerné  : «  on essayait de caser les meubles où il y avait de la place  ».

21 Baloji (Sammy), Biro (Yaëlle) et Colard (Sandrine), «  Entretien avec Sammy Baloji  », dans Culture & Musées, n° 32, 2018, url  : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/culturemusees/2661, consulté le 22 septembre 2020.

22 Ce paradoxe de l’objet vivant est exprimé ailleurs, dans le petit livret destiné aux enfants fourni par le Librarium au sujet de l’autre cabinet Ghelderode conservé à la kbr, à partir des exemples du cheval à bascule et des masques  : «  D’après lui, ces objets étaient vivants et l’aidaient à écrire, comme dans un rêve.  » (Les Mange-mots découvrent LIBRARIUM, brochure du service éducatif de la kbr, 2010, n. p.)

23 Citton (Yves), Gestes d’humanités. Anthropologie sauvage de nos expériences esthétiques, Paris, Armand Colin, coll. Le Temps des idées, 2012, p. 218.

24 Ibid., p. 223.

25 Ibid., p. 115.

26 Voir par exemple Guibert (Hervé), La Bibliothèque, photographie de 1987. Au sujet des écrivains qui aiment photographier leurs bureaux, voir les pages concernant Pierre Albert-Birot, dans mon ouvrage  : Reverseau (Anne), Le Sens de la vue. Le Regard photographique dans la poésie moderne française, Paris, sup, coll. Lettres françaises, 2018, p. 63-72, ainsi que celles concernant la vogue contemporaine des photographies de bibliothèques dans le livre de Bonnet (Gilles), Pour une poétique numérique, Paris, Hermann, 2017, p. 308-324.

27 On retrouve souvent cette dimension mortifère lorsqu’à la mort d’un auteur, les médias republient des photographies du bureau ou de l’atelier sans présence humaine, comme l’a fait L’Obs dans son hors-série consacré au «  Destin de Claire Brétécher  », peu après son décès, en juin 2020.

28 Froloff (Nathalie), «  Annie Ernaux, photos privées, photos publiques  : portrait de femme en écrivaine  », dans Martens (David), Montier (Jean-Pierre) et Reverseau (Anne), éd., L’Écrivain vu par la photographie, op. cit., p. 70.

29 Voir par exemple Ravalec (Vincent), L’Auteur, Paris, Le Dilettante, 1995, pour une version outrée de ce phénomène.

30 Froloff (Nathalie), «  Annie Ernaux, photos privées, photos publiques  : portrait de femme en écrivaine  », op. cit., p. 72.

31 Baloji (Sammy), Biro (Yaëlle) et Colard (Sandrine), «  Entretien avec Sammy Baloji  », op. cit.

32 Entretien avec René Fayt, op. cit.

33 Le bureau d’Henri Cornélus, ancien professeur de français à l’ulb qui a fait don de sa bibliothèque riche en auteurs belges et en dédicaces, est conservé dans la même pièce que la bibliothèque de Marie-Thérèse Lenger comprenant un exceptionnel ensemble de reliures d’art.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 Photographe inconnu, Carl Akeley mounts specimens for the «  Lions  » diorama
Légende American Museum of Natural History
Crédits domaine public (Wikimedia Commons).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/4219/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 220k
Titre Fig. 2 «  Bureau de Marcel Mariën  ».
Légende Réserve précieuse de l’ulb, janvier 2019.
Crédits Photographie  : Anne Reverseau.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/4219/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 528k
Titre Fig. 3 «  Cabinet Denis Marion  ».
Légende Réserve précieuse de l’ulb, janvier 2019.
Crédits Photographie  : Anne Reverseau.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/4219/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 508k
Titre Fig. 4 «  Bureau d’Henri Cornélus  ».
Légende Réserve précieuse de l’ulb, janvier 2019.
Crédits Photographie  : Anne Reverseau.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/4219/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 408k
Titre Fig. 5 «  Cabinet Michel de Ghelderode  ».
Légende Réserve précieuse de l’ulb, janvier 2019.
Crédits Photographie  : Anne Reverseau.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/4219/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 616k
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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Reverseau, « La Bibliothèque entre représentation et reconstitution du «  biotope  » de l’écrivain »Textyles, 61 | 2021, 91-107.

Référence électronique

Anne Reverseau, « La Bibliothèque entre représentation et reconstitution du «  biotope  » de l’écrivain »Textyles [En ligne], 61 | 2021, mis en ligne le 15 septembre 2021, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/4219 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.4219

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Auteur

Anne Reverseau

fnrs / Université catholique de Louvain

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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