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En lisant, en dessinant. Mélanie Rutten, de la bibliothèque à l’album

Laurence Brogniez
p. 71-96

Texte intégral

Dans la fabrique des histoires

1« À l’origine d’un livre, il y a toujours un livre… »

2Comme le laisse entendre ce propos recueilli auprès de Mélanie Rutten au cours de deux entretiens menés en mai et en juillet 2019, la bibliothèque occupe une place centrale dans le processus créatif de l’auteur. C’est au cours d’ateliers et de rencontres, mais aussi à travers la lecture de ses albums, que le projet de la présente étude est né : comprendre le rôle joué par les lectures dans l’élaboration d’une œuvre qui, pour être a priori destinée à un lectorat enfantin, n’en développe pas moins un riche réseau de références intertextuelles et intericoniques impliquant plusieurs niveaux de lecture.

  • 1 Voir, par exemple, Prince (Nathalie), dir., La Littérature jeunesse en question(s), Rennes, Press (...)
  • 2 Collière-Whiteside (Christine), Meshoub-Manière (Karine), « Pour une génétique de la littérature (...)
  • 3 Voir la collection « La fabrique » à L’Atelier du Poisson soluble.
  • 4 Mélanie Rutten a exposé ses esquisses et croquis lors de l’exposition itinérante Peut-être (Provi (...)
  • 5 Nières-Chevrel (Isabelle), « Doubles images, double lecteurs : l’inter-iconicité dans Le Tunnel d (...)

3La question du « double lectorat » de la littérature de jeunesse constitue une piste de recherche fertile souvent exploitée dans les études qui lui ont été récemment consacrées1. L’album, associant texte et image, est en effet par sa forme particulièrement apte à jouer sur le décalage entre « l’histoire racontée par le texte et lue par l’adulte et les indices présents dans les images, qui racontent une autre histoire2 ». Par-delà ce phénomène complexe de réception, qui fait toute la richesse de ce type de production, nous aimerions ici remonter en amont pour considérer l’auteur comme lecteur. En nous attachant à l’étude du processus créatif, ainsi qu’y invite la génétique textuelle, encore rarement appliquée au corpus de l’album pour enfant, il s’agira de saisir comment se construisent et s’entrelacent les différents niveaux de signification à l’œuvre dans l’album, en mettant notamment à jour modèles, références, influences qui ont nourri l’auteur. L’intérêt actuel pour les avant-textes, les documents de travail et archives des auteurs-illustrateurs, qui se traduit par des collections3, des expositions4 ou des travaux universitaires, est révélateur du processus de reconnaissance et de légitimation de la littérature pour enfants au sein du monde de la recherche mais aussi parmi le grand public, de plus en plus curieux, lors de rencontres, lectures ou ateliers, d’entrer dans « la fabrique des histoires ». Mais tout aussi emblématique nous semble la volonté même des auteurs de situer leur création au sein d’un héritage, d’une tradition et de filiations en revendiquant sources littéraires autant que plastiques. Comme le souligne Isabelle Nières-Chevrel, l’intertextualité est désormais « un des traits constitutifs » de l’album contemporain5.

4Pour Mélanie Rutten, autodidacte qui, après des études en photographie à l’école d’art Le 75 (Bruxelles), s’est initiée à l’illustration au cours d’ateliers (avec Kitty Crowther, notamment), la bibliothèque a constitué un outil personnel de formation qui lui a permis de trouver sa voix et de prendre une place singulière dans le monde de l’album pour enfants.

  • 6 Mitsu, un jour parfait (2008), Öko. un thé en hiver (2010), Eliott et Nestor, l’heure du matin (2 (...)

5Nous étudierons, pour reprendre la terminologie des études génétiques consacrées aux bibliothèques d’écrivains et d’artistes, la bibliothèque matérielle de l’auteur, à travers les ouvrages qu’elle en a extraits pour les commenter, et sa bibliothèque effective, à savoir les livres qui ont plus précisément joué un rôle dans la genèse de certains de ses albums. Enfin, nous nous interrogerons sur la place et le rôle du livre et de la bibliothèque, en tant qu’objets iconiques, dans ses œuvres. Notre étude se basera sur trois types de sources : un entretien avec Mélanie Rutten, qui nous a aimablement donné accès à sa collection de livres, l’examen de ses carnets de travail, qui portent trace de ses lectures, et l’analyse de la bibliothèque « à l’œuvre », au travers de quelques motifs autoréflexifs, dans ses deux cycles publiés aux éditions MeMo6.

Les livres dans la bibliothèque : En lisant…

Des « îlots de livres »

  • 7 Voir, entre autres : Levaillant (Françoise), « Introduction », dans Levaillant (Françoise), Gambo (...)

6Dans un premier temps, nous explorerons la bibliothèque matérielle de Mélanie Rutten. Nous entendrons « bibliothèque matérielle » au sens d’ensemble d’ouvrages possédés et conservés par l’auteur7.

  • 8 Ali Smith est une romancière anglaise, auteur, comme Mélanie Rutten, d’une tétralogie sur les sai (...)

7C’est dans sa maison nichée dans un quartier verdoyant des faubourgs proches de Bruxelles que Mélanie Rutten a réuni ses collections de livres, disposées un peu partout : dans des bibliothèques bien remplies, sur un bureau, sur une table de salon. Les livres sont omniprésents, dans des meubles bien entendu, mais aussi sous forme de petits tas, d’« îlots » : ceux qui ont été lus, ceux qui sont en train d’être lus (ou relus), ceux qui attendent d’être lus, ceux qui « accompagnent » l’écriture d’un album. Mélanie Rutten avoue avoir le besoin d’une proximité physique avec les livres qui constituent pour elle une présence bienveillante, encourageante. À regarder les livres qui forment les piles provisoires, on peut imaginer les thématiques qui nourriront ses prochains travaux : des ouvrages sur la botanique, l’écologie, les oiseaux. S’en détache La Vie des plantes : une métaphysique du mélange (2016) d’Emanuele Coccia, un essai qui invite à renouveler le regard sur les végétaux et, partant, sur l’univers que l’homme partage avec eux. Tandis que nous discutons, arrive un colis postal contenant un roman d’Ali Smith8 (Spring, 2019) et des appeaux. L’auteur nous confie suivre actuellement une formation de guide-nature.

8Dans son atelier, une pièce qu’elle loue, dans les combles, dans une maison non loin de chez elle, les livres jonchent aussi sa table de travail, voisinant avec la grande bibliothèque de la propriétaire des lieux. Des citations, associées à des images, ont été punaisées aux murs. Des carnets, des croquis, accompagnent le travail en cours.

9La présence matérielle des livres auprès de l’auteur, dans sa maison comme dans son atelier, révèle leur importance au sein d’un processus de création qui commence souvent par la compilation de lectures et d’images.

10La bibliothèque de Mélanie Rutten est toute personnelle, elle ne procède pas d’un héritage familial : elle est le reflet de ses goûts et de ses intérêts, et de son évolution. Elle s’est constituée au fil des hasards de librairies, de cadeaux, de lectures d’articles ou de critiques.

Usages de la bibliothèque

11Les usages d’une bibliothèque impliquent des pratiques de lecture sur lesquelles nous avons interrogé l’auteur. Celle-ci nous confie l’importance qu’elle réserve à son temps de lecture, le soir – un « temps sanctuarisé » où elle a besoin de se retrouver en tête-à-tête avec un livre. La première lecture est plus immersive que productive : c’est dans un second temps, au fil d’une relecture, que celle-ci devient réellement active, accompagnée d’annotations et de soulignements (pour les essais) et de pages cornées (pour les romans). Parfois, se replongeant dans ces pages pliées, Mélanie Rutten cherche ce qui l’y a touchée, mais ne retrouve pas toujours l’émotion de la lecture originelle. Parfois, au contraire, elle extrait une citation, qu’elle reporte dans ses carnets de travail ou qu’elle épingle au mur de son atelier. Elle accorde également une grande importance à la matérialité du livre, à l’originalité du support, au choix du papier et de la typographie. Cette dimension sensuelle commande aussi ses choix et sa prédilection pour certains éditeurs attentifs à cet aspect (comme les éditions Monsieur Toussaint Louverture, dont elle cite volontiers le catalogue).

12Une petite partie de sa bibliothèque l’accompagne aussi lors des ateliers pour adultes ou des rencontres scolaires qu’elle anime. Évoquer ses lectures lui permet une forme de décentrement, un moyen de parler de sa création par le truchement de celle des auteurs et artistes qu’elle admire. Lors des ateliers, les livres servent aussi de matière première, de stimulation, d’inspiration pour faire naître les idées auprès de ses élèves.

Les livres-documents

  • 9 Mitterand (Henri), « Intertexte et avant-texte : la bibliothèque génétique des Rougon-Macquart », (...)

13Dans la bibliothèque de Mélanie Rutten, on trouve ce qu’Henri Mitterand, qui s’est livré à l’exercice de l’étude de la bibliothèque de Zola à partir de ses carnets de travail, appelle les « livres-documents9 ». Des livres qui nourrissent directement le savoir du texte, souvent présents dans les notes sous forme d’extraits ou de résumés, et qui reflètent les « apprentissages de l’auteur ». Pour Mélanie Rutten, il s’agit principalement de livres naturalistes sur l’ornithologie, la botanique ou encore d’essais sur l’écologie. Ceux-ci témoignent, entre autres, d’une volonté de dépasser une vision fantasmée de la nature pour aller vers un rendu plus réaliste. Mais par-delà leur rôle documentaire, décelable dans les croquis préparatoires de l’auteur, ces ouvrages recèlent aussi pour elle une dimension poétique, source d’inspiration. À l’observation vient ainsi se mêler un « désir d’histoire », même si la forme qu’elle va prendre reste encore, à l’étape de la lecture, indéterminée.

  • 10 Haraway (Donna), Manifeste des espèces compagnes [2003], Paris, Climats, 2019. Nous citerons les (...)

14Plusieurs essais en sciences humaines complètent cet ensemble, au sein duquel se détachent les ouvrages de Donna Haraway10 qui reflètent les préoccupations actuelles de l’auteur concernant l’environnement et son désir d’aborder des problématiques liées à l’écologie dans un album à venir, qui serait destiné à un public élargi. Dans cette perspective, Haraway l’inspire autant par ses théories que par sa réflexion sur l’importance de l’imagination et la nécessité d’inventer de nouvelles formes de récit.

  • 11 Dillard (Annie), En vivant, en écrivant [1989], Paris, Christian Bourgois, coll. Titres, 2017 ; P (...)

15Parmi les essais, il faut également mettre en lumière les livres portant sur la création littéraire. Mais plus que des livres destinés à compléter ses connaissances ou à peaufiner son savoir, il s’agit de textes qui l’ont aidée à dépasser des impasses ou des moments de crise. Ainsi les ouvrages d’Annie Dillard11 occupent-ils une place privilégiée dans cette section de la bibliothèque. Ce qui a touché Mélanie Rutten dans ces livres, c’est la réflexion sur la difficulté d’écrire et les conditions concrètes de l’écriture, liées à un lieu, un paysage, un silence, une atmosphère. Elle retient aussi de la romancière américaine la nécessité de travailler en gardant en soi, à l’esprit, la « première vision », une image précise et floue à la fois qui doit accompagner et guider l’auteur tout au long du processus créatif, l’empêchant de se perdre ou de se fourvoyer.

  • 12 Hustvedt (Siri), Vivre, penser, regarder [2012], Arles, Actes Sud, coll. Babel, 2013.
  • 13 Auster (Paul), Excursion dans la zone intérieure [2013], Arles, Actes Sud, coll. Babel, 2016.

16Dans cette partie de la bibliothèque, on trouve aussi des essais de Siri Hustvedt12 – qu’elle dit préférer à ses romans – et de Paul Auster, comme Excursion dans la zone intérieure13, ouvrage illustré de photographies où ce dernier s’interroge sur les origines de sa vocation d’écrivain en adoptant une démarche privilégiant l’appréhension du monde par le corps, les sensations, les petits détails épars du quotidien.

Les livres-rudiments

  • 14 Van der Linden (Sophie), Lire l’album, Le-Puy-en-Velay, L’Atelier du Poisson soluble, 2006.

17Les « livres-rudiments » occupent également une place dans la bibliothèque : autrement dit, les ouvrages qui participent à l’acquisition de compétences relatives au « métier » de l’auteur-illustrateur. On y trouve des livres techniques sur la pratique du dessin et de la gravure, qui accompagnent Mélanie Rutten dans la création mais aussi dans les ateliers qu’elle propose, ainsi que des livres qui nourrissent sa réflexion sur sa propre pratique tels que les ouvrages de Sophie Vanderlinden14, par exemple, ou les revues Hors-Cadre et La Revue des livres pour enfants.

  • 15 Mannoni (Laurent), Pesenti Compagnoni (Donata), Lanterne magique et livre peint. 400 ans de ciném (...)

18Les livres d’art viennent compléter cet ensemble pour en constituer une section plus intuitive et spontanée, moins systématique et orientée que la précédente. Mélanie Rutten nous confie y piocher de temps en temps des ambiances colorées, des idées de composition. Pour un auteur autodidacte, ces ouvrages représentent aussi un moyen de se former au contact des créateurs – parmi lesquelles elle épingle en particulier Paul Klee –, dont elle copie des éléments, pour comprendre et s’approprier les processus et matériaux. Il y a également des ouvrages sur le cinéma, comme le catalogue de l’exposition Lanterne magique et livre peint15, où l’on retrouve la prédilection de l’auteur pour certains cadrages (vignettes rondes) et les couleurs denses, qui l’inspireront, entre autres, pour les séquences de rêves dans La Forêt entre les deux. Enfin, certains livres témoignent aussi du goût de la propriétaire de la bibliothèque pour l’art brut qui lui a aussi permis de se décomplexer dans la pratique du dessin par la revendication d’une liberté graphique.

Les livres-modèles

  • 16 Mitterand (Henri), op. cit., p. 91.

19Au cœur de la bibliothèque se trouvent enfin les « livres-modèles », ceux que l’écrivain va chercher à imiter et à égaler, et dont les auteurs constituent une sorte de panthéon de devanciers admirés qui vont irriguer toute l’œuvre16. Ces livres-modèles peuvent assumer plusieurs rôles dans l’œuvre en gestation, sur le plan des objectifs comme de la structure ou du style. Ils peuvent aussi jouer une fonction de contre-modèles, dans une dynamique de différenciation.

20Parmi ces livres, on peut distinguer dans la bibliothèque de Mélanie Rutten trois grands ensembles : la littérature, la littérature jeunesse et la bande dessinée (le roman graphique, plus particulièrement).

21Dans la partie littéraire, beaucoup de romans et de nouvelles, peu de théâtre et de poésie, même si l’auteur avoue s’y intéresser de plus en plus. Mélanie Rutten évoque les premiers livres qui, imposés à l’école, lui ont donné le goût de la lecture (Au bonheur des dames [1883] de Zola et Une vie [1883] de Maupassant). Puis, vers 15 ans, ses lectures en cachette dans la bibliothèque parentale (Le Monde selon Garp [1978] de John Irving).

22Dans sa bibliothèque personnelle, on peut remarquer la présence importante d’auteurs anglo-saxons, avec une prédilection pour les auteurs féminins, comme Virginia Woolf, Katherine Mansfield ou encore Charlotte Brontë. Outre un goût pour la langue, dont elle aime le caractère synthétique et direct, elle apprécie chez ces créatrices tantôt un mode de composition, tantôt une manière de décrire, tantôt la conception d’un personnage.

  • 17 « […] je creuse de belles grottes derrière mes personnages. […] Mon idée est de faire communiquer (...)

23Chez Woolf, elle, pour qui le lieu d’où l’on écrit compte tant (on l’a vu dans sa prédilection pour les essais d’Annie Dillard), retient particulièrement Une Chambre à soi (1929) et Mrs Dalloway (1925) : ce dernier, pour le monologue intérieur, bien entendu, mais aussi pour l’idée de ces « grottes17 » ouvertes derrière chaque personnage, permettant d’accéder à d’autres strates de leur vie et créant entre eux des liens, des affinités inattendues. Ce mode de composition romanesque, qui permet aussi au récit de ne pas suivre une ligne, mais au contraire de privilégier des détours ou des retours, a été mis à profit par Rutten dans ses deux cycles. L’auteur apprécie aussi la manière qu’a Woolf de donner une épaisseur et une complexité à ses protagonistes, dans le respect de leur identité volatile, mouvante, parfois contradictoire. Le souci de ne pas enfermer les personnages dans des identités figées, stéréotypées, constitue une constante dans son travail, témoin d’une volonté de proposer à ses (jeunes) lecteurs des figures attachantes, mais non dépourvues de parts d’ombre. Une forme d’exigence qu’elle retrouve aussi dans un essai qui l’accompagne de longue date, Éloge de l’ombre (1933) de Junichirô Tanizaki, pour qui ce qu’on ne voit pas est tout aussi important, voire plus, que ce qui se déploie sous nos yeux.

24L’œuvre de Katherine Mansfield figure, dans la bibliothèque, aux côtés de celle de Woolf, qui admirait d’ailleurs sa contemporaine si proche de ses propres préoccupations. Des nouvelles de Mansfield, Mélanie Rutten évoque une forme d’opacité chez les personnages, la capacité à poser une atmosphère colorée et sensuelle à l’aide de petits détails anodins, mais aussi un caractère d’ébauche ou de non-fini qui crée dans le récit une forme de suspension troublante pour le lecteur.

  • 18 La protagoniste de Brontë partage avec une autre héroïne citée dans le domaine des lectures enfan (...)

25Chez Charlotte Brontë, enfin, elle aime les héroïnes fortes qui, comme Jane Eyre (1847), ont un caractère audacieux et persévérant en dépit d’une apparence fragile, presque ingrate18.

  • 19 Kesey (Ken), Et quelquefois j’ai comme une grande idée, Arles, Monsieur Toussaint Louverture, col (...)
  • 20 Fagerholm (Monika), La Fille américaine [2004], Paris, Stock, coll. La Cosmopolite, p. 172 [La Sc (...)

26Ces œuvres classiques voisinent avec des romans beaucoup plus récents qui partagent avec elles certaines ambitions formelles. Par exemple, le caractère choral d’une narration où s’entremêlent voix et histoires d’un nombre important de personnages, comme dans Et quelquefois j’ai comme une grande idée (1964) de Ken Kesey, qui déploie, dans le décor de l’Oregon, une quinzaine de personnages dont les voix circulent. Cette dimension collective du récit, qui refuse le héros au profit d’un ensemble solidaire de personnages, est récurrente dans l’œuvre de Rutten, tout comme l’ambition d’ancrer ses protagonistes dans un lieu et de partir de ce lieu, voire d’une description très précise de ce lieu, pour dérouler son histoire. À la manière de Kesey, qui entame son récit par une minutieuse description de l’eau d’une rivière « lisse, d’apparence calme, qui dissimule le cruel biseau de son courant sous une surface lisse, apparemment calme19 » ; ou de Monika Fagerholm (La Scène à paillettes, 2009), romancière finnoise qui, à partir du « Lieu », un endroit perdu au milieu de marais, élabore une constellation de personnages adolescents dont les destinées sont déterminées par cet environnement à la fois hostile et libérateur (« […] un endroit vraiment étrange, vraiment, même en plein été. Ombreux, […] et pas un souffle de vent, même quand il ventait partout ailleurs. Il fallait presque une tempête pour rider la surface du marais de Bule20. »)

27Cet intérêt pour les lieux – souvent en pleine nature – constitue souvent un point de départ pour les récits de Rutten, dont d’autres pans de la bibliothèque (Henri David Thoreau avec ses Teintes d’automne [1862], ou Victor Hugo avec Les Contemplations [1856]) laissent entrevoir, en dialogue avec les essais cités plus haut, sa préoccupation pour l’environnement et son souci constant de trouver des mots et des images pour le rendre sensible dans ses albums.

28Peu d’albums de bande dessinée jalonnent par contre les rayons de la bibliothèque : l’auteur dit leur préférer les « romans graphiques », ces récits échappant aux standards du 9e Art. Moins codifiés, ils lui apparaissent comme des sortes d’« albums pour adultes » : ils partagent avec les livres pour enfants une manière très libre de raconter avec du texte et de l’image, autorisant des formats inhabituels et des audaces graphiques. Ainsi Mélanie Rutten cite-t-elle Dominique Goblet, avec Faire semblant c’est mentir (2007), où les recherches visuelles, combinant divers styles et techniques, loin d’être virtuosité gratuite, sont au service d’une narration complexe qui entremêle les temporalités en interrogeant les rapports de filiation. Dans un autre registre, elle évoque l’album d’Emil Ferris (Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, 2017), qui parvient à évoquer elle aussi une histoire intime très dure dans une approche originale mêlant des éléments issus de la culture populaire américaine et un style très libre et spontané, au Bic.

29Au cœur de la bibliothèque se trouve enfin la section consacrée aux livres pour enfants, reçus dans l’enfance ou achetés plus tard, ou encore acquis par l’auteur pour ses propres enfants.

30Deux classiques sous-tendent cet ensemble, objets de lectures d’enfance et de relectures d’adulte : Alice au pays des Merveilles (Alice’s Adventures under Ground, dans la belle édition illustrée parue en 2006 aux éditions frmk) et Peter Pan (1911) de James Matthew Barrie. D’autres auteurs sont cités : Beatrix Potter, Maurice Sendak et surtout Arnold Lobel, qui ont nourri le bestiaire élaboré par Mélanie Rutten dans ses albums, tout comme Kenneth Grahame (Le Vent dans les saules, 1908), Cécile et Jean de Brunhoff (Babar, 1831) et Gabrielle Vincent (Ernest et Célestine, 1901). Le choix de héros animaux découle d’un désir de liberté dans la narration, impossible avec des personnages humains dont les relations sont plus codifiées et qui exigent souvent, dans la représentation graphique, une approche plus réaliste. Les carnets de croquis de l’auteur illustrent d’ailleurs le long travail d’invention et de stylisation qui préside à l’élaboration de ses personnages, dont les premières esquisses relèvent d’une observation quasi naturaliste. C’est au fil de longues recherches que ces héros, humanisés et individualisés, acquièrent une véritable expressivité. Mais c’est surtout leurs interactions complexes qui les rendent vivants.

31Chez les créateurs cités, l’auteur dit aimer la tendresse avec laquelle ils dépeignent leurs personnages et la création de certains de ses protagonistes leur doit, à ses dires, beaucoup. Ainsi Öko (Öko, un thé en hiver, 2010) descend-il en droite ligne de Jeremy Fisher (Potter) et de Ranelot (Lobel). Une filiation, parfois inconsciente, qui s’exprime aussi dans les choix de la mise en page, comme dans la séquence d’Öko dans la neige, faisant écho à une séquence de Babar et le Père Noël (1940).

Fig. 1 Études pour le personnage de Ök, un thé en hiver

Fig. 1 Études pour le personnage de Ök, un thé en hiver

(carnet de travail, arch. de l’auteur).

© Mélanie Rutten.

32Notons que le goût pour les communautés d’animaux a aussi motivé l’acquisition d’un roman de Richard George Adam, Watership down (1972), récit « à hauteur de lapin » qui suit les tribulations, non sans rivalités et conflits, d’un groupe en quête d’une garenne idéale où s’établir. Si les personnages sont ici humanisés, favorisant l’identification du lecteur et le traitement de problématiques sociales, le romancier n’en développe pas moins certains traits proprement animaux – notamment tout ce qui a trait aux sens – qui les ancrent dans une réalité concrète et sensible.

33Parmi les auteurs contemporains, Mélanie Rutten évoque Kitty Crowther, auprès de qui elle a suivi des ateliers et dont le style l’a fortement marquée à ses débuts. La Grande Ourse (1999), avec un texte de Carl Norac, a été l’un des livres déclencheurs dans sa vocation et sans doute une source d’inspiration pour la trilogie entamée avec L’Ombre de chacun, où une « grande ourse », ombre tutélaire des petits, apparaît et disparaît mystérieusement. L’Anniversaire de l’écureuil (1995), écrit par l’auteur hollandais Toon Tellegen et illustré en 2002 par Kitty Crowther, occupe également une place importante parmi ses inspirations revendiquées. Si les histoires de Tellegen lui plaisent par leur caractère poétique et décalé, non dépourvu d’ironie, chez Crowther, c’est la liberté graphique qu’elle retient et un univers dans lequel on se sent immédiatement absorbé. Dans les ouvrages d’Anne Brouillard (comme Le Bain de la cantatrice [1999], sans texte, mais accompagné d’une mélodie), c’est aussi cette immersion dans une atmosphère enveloppante, faite d’ambiances lumineuses et de couleurs foisonnantes, qu’elle apprécie et qu’elle cherchera, avec ses propres outils, à construire au fil de son œuvre. Elle évoque encore la lecture de la série des Moumine de Tove Jansson (L’Été dramatique de Moumine, 1954) qui, dès la première page, projette son lecteur dans un monde fantastique et absurde, rassurant et angoissant à la fois, gravitant autour d’une sorte de famille qui, pour être idéale, n’en est pas pour autant sans aspérités. Ces familles recomposées, décomposées, dysfonctionnelles et fusionnelles à la fois, forment les communautés à l’œuvre dans les récits de Rutten, qui interrogent les liens de parentalité et de fraternité, les solidarités comme les rivalités, la fusion et le nécessaire détachement, la tendresse et les blessures. Autant de thématiques qu’on retrouve en filigrane d’autres livres de sa bibliothèque : Tu sais siffler, Johanna ? (1992) d’Anna Höglund et Ulf Stark, Le Jour où papa a tué sa vieille tante : histoire vraie (1997) d’Hélène Riff, ou encore Les Aventures de la famille Mellops (2000) de Tomi Ungerer.

Les livres-matrices

La bibliothèque de Mitsu

34Lors de notre entretien, nous avons demandé à Mélanie Rutten de se livrer à un exercice : reconstituer la bibliothèque qui a plus particulièrement accompagné la genèse de certains albums de ses deux cycles. On qualifiera les volumes ainsi réunis de « livres-matrices » dans la mesure où ils ont plus concrètement conduit à l’élaboration, non pas de l’œuvre dans son ensemble, mais de récits particuliers. Nous nous focaliserons plus particulièrement sur la bibliothèque de Mitsu, premier volume de la tétralogie.

35Au départ, Mitsu, un jour parfait (2008) ne devait pas constituer le premier tome d’une série. L’idée d’un cycle est venue après-coup, avec l’envie de continuer à faire vivre certains personnages de ce premier récit, en développant leur potentiel narratif : suivront ainsi Öko, un thé en hiver (2010), Eliott et Nestor, l’heure du matin (2011) et Nour, le moment venu (2012). Les saisons constituent le cadre commun de cette tétralogie et font écho aux problèmes qui se posent aux héros : l’automne accompagne l’humeur sombre de Mitsu, qui s’éclaire à la lumière d’une amitié nouvelle ; l’hiver, le deuil d’Okö, qui accepte de laisser partir la doyenne de la communauté pour accueillir un membre nouveau ; l’été, les vacances à la montagne de deux ennemis-amis qui découvrent la solidarité et le respect de l’autre ; le printemps, les changements et les métamorphoses, à la fois difficiles et enthousiasmants.

Fig. 2 Plan du village, Mitsu, un jour parfait

Fig. 2 Plan du village, Mitsu, un jour parfait

(carnet de travail, arch. de l’auteur).

© Mélanie Rutten.

36Plusieurs albums, qui ont été de véritables lectures d’enfance de l’auteur, se trouvent à la source de ces quatre livres, tantôt pour un personnage, tantôt pour une ambiance, tantôt pour la composition d’une page. Mélanie Rutten cite les anciens albums du Père Castor, aux textes parfois un peu didactiques mais aux illustrations chatoyantes de Fiodor Rojankovski, en impression directe. Comme dans son cycle, une nature patiemment observée et rendue avec détail sert de décor aux tribulations des personnages animaux comme Plouf canard sauvage (1935) ou Froux le lièvre (1935). Dans ce dernier, on notera par exemple les vues d’ensemble – des vues aériennes, synthétiques ou presque abstraites – que l’on retrouve aussi dans les albums de la tétralogie sous la forme de doubles pages. Le plus souvent, ces pages illustrent des moments de stase ou d’euphorie des personnages, qui se fondent dans le décor et se mettent au diapason avec la nature. On citera la « nuit magique », scène nocturne qui retrace le parcours de Mitsu et de l’écureuil Hervé au sein d’une forêt qui, de prime abord paraissait hostile, mais qui se révèle accueillante aux deux solitudes qui se sont trouvées ; le « thé qui a un petit goût de paradis » qu’Öko déguste dans la forêt enneigée, au pied d’un arbre ; le camping sauvage d’Elliott et Nestor au bord d’une baie au crépuscule, où, se sentant « un peu le ciel », « un peu la terre », les deux héros réconciliés se perdent dans l’observation de la voûte étoilée ; les champs et prairies en plein renouveau où, à la croisée de plusieurs chemins, « tout le monde se cherche », enivré par le printemps naissant (Nour, le moment venu). Ces pages font aussi écho à cette vision inclusive évoquée par Mélanie Rutten à propos des essais dont elle poursuit la lecture actuellement. Ses premiers livres, on le voit, en portent déjà la trace, avec ce souci d’entremêler personnages, animaux, végétaux, paysages dans des moments partagés, sources de plénitude.

Fig. 3 Illustration pour double page, Nour, le moment venu

Fig. 3 Illustration pour double page, Nour, le moment venu

(MeMo, 2012).

© Mélanie Rutten.

  • 21 Boulaire (Cécile), « La tentation Lobel (2) », dans Album '50', 8 juillet 2019, https://album50.h (...)

37Parmi les autres livres cités par l’auteur, un album photographique, Deux Petits Ours (1954), d’Ylla – réédité par MeMo –, apprécié pour sa scénographie raffinée et tendre des rapports entre animaux. Les incontournables Ranelot et Bufolet (Frog and Toad, 1970-1979) d’Arnold Lobel21 figurent également en bonne place dans la bibliothèque de Mitsu. Les tribulations, souvent tragi-comiques, des deux batraciens suivent aussi le cycle des saisons, qui déterminent leurs activités et humeurs.

38Des albums plus récents ont semblablement marqué la création de Mitsu, y apportant sans doute une forme de complexité supplémentaire dans la construction des personnages. Mélanie Rutten évoque, entre autres, Lola s’en va (1998) d’Anna Höglund, qu’elle apprécie tant pour son dessin minimaliste et « naïf », loin du « beau dessin », que pour ses personnages en proie à des émotions contrastées, des difficultés, des envies paradoxales. La série des Lola a permis à l’auteur de se décomplexer quant au dessin, qui peut être très expressif sans nécessairement rechercher la performance technique et servir une histoire et des héros pas nécessairement joyeux. De la même façon, les livres de Grégoire Solotareff, comme Toute seule (1998), abordent des questions graves comme la solitude et le danger sans y répondre de manière simpliste ni se refuser l’usage d’un ton parfois cynique, parfois ironique. On trouve dans Toute seule un duo composé d’une petite lapine et d’un ours, deux animaux que Rutten mettra à son tour en scène dans sa trilogie, qui affronte aussi ce type de questionnement. Chez Solotareff, c’est également l’économie de moyens qu’elle apprécie, tant dans la narration que dans le style graphique qui va à l’essentiel, tout en exploitant une palette chromatique très riche. De même, dans La Vie de Kuma Kuma, de la Japonaise Kazue Takahashi (2008), elle retient ce peu – un personnage réduit à une sorte de tache –, et qui ne fait pas grand-chose, au service d’une profondeur : qu’est-ce qu’être heureux ? Ce personnage calme et sérieux, un peu mystérieux, contemplatif et ancré dans le quotidien, évolue dans un univers très dépouillé et apaisant : il fait la preuve que l’album de jeunesse ne doit pas nécessairement reposer sur une stimulation continue.

39Mitsu partage avec Kuma Kuma un quotidien bien ritualisé, scandé par des tâches rassurantes (« Le matin, Mitsu aime se lever de bonne heure. Le matin, Mitsu aime boire son café en regardant par la fenêtre, mettre un peu d’ordre et choisir une jolie robe. Elle aime recevoir des lettres […]. ») On retrouve dans les habitudes de Mitsu une forme particulièrement prisée par Mélanie Rutten, qu’elle partage d’ailleurs avec un autre livre-clé de sa bibliothèque, les Notes de chevet de Sei Shonagon (xie siècle), à savoir la liste. Ainsi, aux « Choses qui font naître un doux souvenir du passé » ou aux « Choses qui donnent une impression de chaleur » des Notes font écho les souvenirs « généreux », « longs et chauds », « lumineux », « secrets » de feue Madeleine, que ses amis se partagent (Öko, un thé en hiver), ou les choses « bleues », « douces » et « fragiles » de Nour. On se rappellera également les listes cocasses de Ranelot et Bufolet ou le menu poétique de l’écureuil (Toon Tellegen), fait de gâteaux : « au miel » pour l’ours et le bourdon, « aux herbes » pour l’hippopotame, « fins et légers » pour l’hirondelle, l’oie sauvage et la pie de mer, « épais et mouillés » pour le ver de terre et la taupe, etc. Ces classements, parfois improbables et surprenants, révèlent chez ces auteurs, comme chez Mélanie Rutten, une attention accordée aux petites choses et une volonté de leur donner un sens en créant un univers à la fois poétique et très concret, partagé en ordre rassurant et désordre menaçant. Car, tentative de mettre de l’ordre dans le chaos, la liste – le menu, la collection, le catalogue – peut dysfonctionner. Et de cette perturbation, souvent, naissent les histoires.

40Ainsi, chez Mitsu, l’humeur chagrine peut s’installer sans raison, perturber le déroulement du rituel et bouleverser, voire gâcher une journée. Surtout pendant cette saison ambivalente qu’est l’automne, parfois pourvoyeuse de mélancolie et d’humeurs noires. Le début de l’album déjoue ainsi l’attente née du sous-titre : ce qui aurait dû être « un jour parfait » ne l’est pas. Au contraire, il est le théâtre de la rupture d’un équilibre mis en place, qui génère des émotions négatives et incontrôlables (« Quand Mitsu est triste, elle est aussi un peu méchante. ») Comme l’héroïne de Solotareff, Mitsu, qui décide de quitter son univers familier pour partir à l’aventure dans la forêt, fait l’expérience de l’émerveillement, mais aussi de la peur, de la fatigue et de la solitude (« […] l’aventure, toute seule, ça peut devenir ennuyeux »). C’est finalement en acceptant ces sensations et en se mettant dans une position inconfortable (elle ne cherche « rien ») – une attente – que l’inattendu peut faire irruption sous la forme d’un facétieux écureuil avec qui elle partagera un gâteau, des confidences, un bain de minuit avant de retrouver, pacifiée, sa communauté avec un nouvel ami. Et partager un « jour parfait ».

La bibliothèque de L’Ombre de chacun

  • 22 Le carnet de travail de L’Ombre de chacun évoque des personnages « indéfinis », dont les sources (...)

41La bibliothèque qui a accompagné et nourri la création de la trilogie (L’Ombre de chacun, 2013 ; La Source des jours, 2014 ; La Forêt entre les deux, 2015) atteste un tournant dans la production de Mélanie Rutten. Pour composer ces livres, elle s’est en effet tournée vers de nouvelles sources qui ont à la fois étoffé et diversifié son inspiration et fait évoluer sa palette graphique. Ses lectures révèlent une volonté de rompre avec ses premières techniques et de construire un univers plus large, où pourraient cohabiter des personnages de types très différents22. Dans un style plus direct et plus fluide, privilégiant l’encre de Chine, l’aquarelle et le brou de noix, laissant place aux accidents et aux « ratés », ces albums privilégient aussi un mode de narration plus libre, moins linéaire, témoin du désir d’explorer un imaginaire plus personnel, dégagé des premières influences et – toujours – des stéréotypes.

42C’est notamment dans la littérature américaine que l’auteur est allée puiser le matériau qui lui a servi à l’élaboration de ces albums.

Fig. 4 Liste des thématiques dans L’Ombre de chacun

Fig. 4 Liste des thématiques dans L’Ombre de chacun

(carnet de travail, arch. de l’auteur).

© Mélanie Rutten.

43La lecture des petits livres d’Edward Gorey a constitué pour elle une importante découverte dans sa réflexion sur les rapports entre texte et image. L’univers absurde, désopilant et inquiétant de Gorey l’a également convaincue de l’intérêt de suspendre le sens et d’en laisser une part de responsabilité au lecteur. La concision de l’expression – souvent une phrase, laconique – lui a aussi fourni un modèle d’écriture. Par ailleurs, l’un des livres-objets (toy book) de Gorey (The Tunnel Calamity, 1984) repose sur un dispositif qui se déploie dans la profondeur, sous la forme d’un tunnel : il s’agit là de l’un des motifs récurrents dans l’œuvre de Rutten (les trous dans lesquels tombent Nour et le petit Lapin de L’Ombre de chacun, la grotte où vit Piusz dans Öko, celle, originaire, que découvre l’Ourse dans La Source des jours). Passage vers un autre monde (comme dans Alice au Pays des Merveilles) ou métaphore des liens invisibles qui se tissent entre les personnages (comme les « grottes » de Woolf), le souterrain (ou le tunnel) apparaît comme un fil conducteur qui unit nombreux livres de la bibliothèque et guide le travail de l’auteur, tout en se déclinant sous diverses formes.

  • 23 Ce récit a aussi en partie inspiré Le Bureau des histoires (2009), spectacle du Théâtre du Tilleu (...)

44On retrouve aussi le goût pour les petites phrases et les refrains (nursery rhymes) chez d’autres auteurs de la bibliothèque de L’Ombre, comme le célèbre A Hole is to Dig (1952) de Ruth Krauss, illustré par Maurice Sendak, livre de définitions qui entend renommer les choses de manière inattendue, éclairant le monde d’un regard neuf. A Book of Nonsense d’Edward Lear (1946), illustrant le genre du limerick, et The World is Round (1939) de Gertrude Stein complètent cet ensemble sollicitant le point de vue enfantin, parfois dérangeant. S’y ajoute le célèbre Goodnight Moon (1947) de Margaret Wise Brown23. Cette partie de la bibliothèque permettra à Rutten de se libérer de la linéarité de l’histoire pour l’aborder sur un mode plus poétique, voire musical. C’est d’ailleurs une chanson – Dans la maison un grand cerf – qui sert de matrice au premier volume de la trilogie.

Fig. 5 Dessins d’après des Nursery Rhymes dans La Forêt entre les deux

Fig. 5 Dessins d’après des Nursery Rhymes dans La Forêt entre les deux

(carnet de travail, arch. de l’auteur).

© Mélanie Rutten.

La bibliothèque dans les livres : … en dessinant

Les carnets

45Les carnets de Mélanie Rutten illustrent sa manière de travailler. Tout d’abord des notes brutes sur les thématiques (parfois formulées sous forme de questions, comme dans Le Livre des questions [1974] de Pablo Neruda, autre référence revendiquée parmi les « livres-modèles »), les personnages, les décors, puis un scénario sous forme de texte continu, avec, parfois, des bribes de dialogues et des embryons d’images, au fil duquel se construit un premier découpage. Des idées de titres et – plus rarement – des listes de livres consultés ou à lire, des citations. Des recherches sur les mots, aussi. La matrice du livre, on le voit, est d’abord verbale et une place essentielle est accordée au processus d’écriture qui se poursuivra ensuite, au fil des esquisses, des croquis, des dessins. Il y a sans conteste chez l’illustratrice un goût pour les mots, dont les recherches de l’avant-œuvre portent témoignage.

46En effet, Mélanie Rutten n’hésite pas à parsemer ses récits de mots peu courants, souvent en rapport avec la botanique (cosmos, cétoine, amanite, par exemple, autant de vocables issus de sa bibliothèque « naturaliste »). Elle aime l’idée que le lecteur (jeune ou pas) rencontre des résistances dans sa lecture, se heurte à des mots mystérieux face auquel il est libre de consulter un dictionnaire, pour en savoir plus, ou d’imaginer le sens. Cette fascination pour les vocables est mise en scène dans Öko : le héros, qui a choisi, parmi l’héritage de Madeleine, un dictionnaire, découvre « des petits papiers » que la défunte y a laissés avec des « mots écrits à la main, ceux qu’elle aimait et ceux qu’elle cherchait à comprendre : éphémère, corolle, métamorphose… »

47Le choix du mot ou de l’expression justes apparaît également comme une exigence constante dans les documents de travail, qui laissent voir ratures, reprises, réécritures, déplacements. La recherche de concision, et parfois d’un certain minimalisme, déjà mis en lumière ci-dessus à propos de plusieurs lectures, s’exprime dans ce travail constant de soustraction, d’élimination, de « polissage » qui se poursuit lors du travail d’illustration, étape où mots et images sont agencés pour devenir histoires.

48Mais les mots occupent aussi une place essentielle dans la fabrique du récit car d’eux peut naître un autre regard sur le monde, inattendu et décalé. Comme l’indique l’auteur dans le carnet d’Öko, le personnage de Piusz, qui parle une autre langue, crée, involontairement, une forme de poésie en usant erronément du lexique, proposant ainsi à Nour, « un peu de larmes dans [son] thé » (probable réminiscence du « Thé aux larmes » [Tea-Water Tea, 1975] tiré des aventures de Hulul, d’Arnold Lobel).

49Si assez peu d’ouvrages de la bibliothèque sont explicitement cités dans les carnets, on y trouve nombre de réflexions sur le langage (et sur le dessin comme trace, écriture) de même que sur la littérature et la poésie. À lire ces notes, on peut constater que pour l’auteur, les mots « sont là […] pour faire le lien » et permettent aux personnages de penser le monde qui les entoure et de lui donner sens.

50D’où l’importance et la récurrence de listes, tant dans la genèse des albums (comme forme d’écriture) que comme motifs (dans les récits proprement dits, comme celui de Nour). Les listes constituent en effet une tentative de conserver, d’ordonner, de classer les objets du monde pour le comprendre, et se comprendre, mais aussi, sur le plan de la création, pour démarrer le processus d’écriture : on retrouvera ainsi dans les carnets des listes de mots, de thèmes, de titres potentiels, de personnages, ou encore de livres qui constituent, en quelque sorte, la bibliographie du récit en cours, ouvrages lus ou à lire.

Fig. 6 Liste bibliographique, Nour, le moment venu

Fig. 6 Liste bibliographique, Nour, le moment venu

(carnet de travail, arch. de l’auteur).

© Mélanie Rutten.

51Hormis ces bibliographies, seuls quelques rares noms, tirés de la bibliothèque de l’auteur, apparaissent en lettres capitales pour constituer, dans le document de travail, des repères ou pour rappeler des modèles. Quelques exemples : le biologiste Jean-Claude Ameisen (Sur les épaules de Darwin, 2012-2014) est cité en ouverture du carnet de travail de L’Ombre de chacun ; dans le carnet de Nour, la chute de l’héroïne au fond d’un trou est référée à Alice au pays des Merveilles (« Descente au fond d’un trou (puits) -> Alice ») ; Cependant… (2002) de Paul Cox est évoqué à propos d’une réflexion sur la simultanéité ; la Famille Mellops (2000) de Tomi Ungerer y appuie une réflexion graphique sur la manière de représenter une scène de nuit ; Oncle Éléphant (Uncle Elephant, 1981) de Lobel est explicitement référé au goût des listes, etc. Parmi les autres auteurs cités, on retrouvera Tove Jansson, Maurice Sendak, Toon Tellegen, autant de noms qui, on l’a vu, appartiennent également à la bibliothèque de « livres-modèles » de Mélanie Rutten.

Les livres

52Dans la suite de l’examen des carnets, nous pourrions traquer, au fil des pages des albums publiés, les lectures intériorisées par l’auteur et tenter de cerner leur impact dans ses choix finaux. Nous nous limiterons ici à mettre en évidence quelques éléments essentiels de l’imaginaire livresque de Rutten, tels qu’ils se déclinent très concrètement dans la fiction elle-même dans un processus de mise en abyme (explicitement revendiqué par l’auteur dans ses notes de travail) et de réflexivité.

53L’univers de Mélanie Rutten est un monde où on lit. Ses héros sont des lecteurs et les livres sont bien présents dans leur environnement, sous la forme de volumes isolés ou de collections d’ouvrages. Étagères et bibliothèques constituent des éléments du décor où évoluent les protagonistes. Mitsu, par exemple, vit entourée de livres, qui vont jusqu’à joncher le sol autour de son lit. Quand elle rencontre l’écureuil Hervé qui l’invite dans son tronc d’arbre, celui-ci entame la conversation en lui montrant « ses livres préférés ». Öko, on l’a souligné, emporte chez lui le dictionnaire de Madeleine pour lire au coin du feu, se souvenant de la disparue avec émotion. La lecture figure parmi les activités privilégiées de Nour et participe de sa personnalité. Dans ses notes préparatoires, Mélanie Rutten précise qu’il s’agit d’une activité qui apaise ce personnage : « […] c’est pour ça que Nour aime lire : il y a un début et une fin, entre des pages qui font que son cœur bat plus tranquillement ».

Fig. 7 Croquis de Nour en train de lire, Nour, le moment venu

Fig. 7 Croquis de Nour en train de lire, Nour, le moment venu

(carnet de travail, arch. de l’auteur)

54Ces livres lus dans la fiction ne sont pourtant pas identifiables. Ils sont là pour figurer l’activité de lecture dans son rôle et ses effets, réconfortante pour Nour et Mitsu, médiatrice pour Mitsu et Öko. Dans le cas de Nour, cette activité est de plus connectée à l’ambition de la protagoniste : écrire – comme le précise le carnet de travail (« le rêve de Nour : grimper aux arbres et écrire des livres »). Dans cette perspective, Nour, dernier volume du cycle, apparaît comme une réflexion métapoétique sur la fabrique de l’œuvre, qui se décline au travers d’une série d’images très concrètes, que nous avons déjà croisées parmi les lectures privilégiées de l’auteur.

55Tout d’abord, le lieu d’où l’on écrit, qui motive pour beaucoup le déménagement auquel se sent contrainte Nour. Celle-ci cherche en effet un endroit où elle pourra créer et la cabane qu’elle se construit évoque les lieux de retraite, en pleine nature, d’Annie Dillard et de Thoreau.

56Ensuite, le cheminement – la marche du personnage comme métaphore de l’écriture et de l’histoire qui se déroule – qui figure le caractère non-linéaire de l’histoire, qui privilégie les détours, les impasses, les attentes, les fausses pistes, le hasard : « […] plein de chemins qui serpentent dans la forêt, qui se croisent, labyrinthe […] le fil de la grande/de la petite histoire », résume l’auteur dans son plan de travail. Les figures du tunnel et de la grotte, déjà plusieurs fois évoquées – à propos d’Alice notamment –, contribuent à la mise en image métaphorique de cette narration qui se construit peu à peu, pas à pas, empruntant différentes directions.

57Le travail d’assemblage de Nour pour réaliser une couverture en patchwork à offrir à Öko figure aussi son activité d’écriture, collection d’instants rares qu’elle rassemble dans ses carnets : « Nour a assemblé tous ces petits bouts de tricot. Un jour, peut-être, elle reliera aussi tous ces petits bouts d’instants rares avec un fil, le fil de l’histoire. Elle écrira une histoire. La sienne. »

58Si, dans Nour, le livre se reflète dans l’image du patchwork tissé et cousu patiemment, il devient un personnage à part entière dans la tétralogie. Le Livre, évoluant dans un monde composé d’animaux et d’une petite fille (le Soldat), permet aussi à Mélanie Rutten de proposer une réflexion sur le rôle des histoires et de ce que l’on peut trouver, ou pas, dans un livre. Avide de tout connaître (« un Livre qui veut tout savoir », « bavard, curieux de tout »), le Livre est aussi un personnage angoissé qui ne s’ouvre pas et qui est en quête d’une page qu’il a perdue. Si, dans le premier volume de la trilogie, il affiche sa prétention à maîtriser le monde qui l’entoure en accumulant les connaissances, dans le dernier, il reconnaît qu’il ne sait pas tout. La Source des jours, le deuxième tome du cycle, raconte son évolution, à travers sa quête de l’origine, « l’endroit où toutes les histoires commencent ».

  • 24 Rutten (Mélanie), La Source des jours, op. cit.

59Espace de projection et mise en abyme de l’œuvre, le Livre contient à la fois toutes les histoires (« je pourrais être un livre d’aventures », « un livre d’amour », etc.24) et reste toujours à écrire. On pourrait le rapprocher d’un « livre-miroir », œuvre-matrice mise en représentation dans l’œuvre qu’elle engendre, sauf qu’il ne s’agit pas ici d’un livre lu, mais d’un livre lecteur. Plus qu’une lecture offerte aux personnages, il s’affirme dans sa matérialité comme un véritable « volume » qui accompagne les protagonistes dans leurs cheminements. Chaque personnage – comme le Livre lui-même – peut en devenir le héros, selon l’ambition de l’auteur de composer une forme de récit choral où chacun, à un moment, occupera le premier plan. Enfin, il constitue aussi une figuration de la bibliothèque de Mélanie Rutten, récapitulant les histoires qui ont participé à la construction de son imaginaire :

Il y a celle du garçon qui ne voulait pas se couper les ongles,
de celui qui ne voulait pas embrasser sa maman,
et celle des arbres fusées.
Il y a l’histoire de dix petits chats dans un parapluie,
celle de la tasse fêlée,
celle de la vache qui saute au-dessus de la Lune,
celle de l’homme qui enjambe les montagnes…
celle des gouttes d’eau qui font la course,
celle du plat qui s’enfuit avec la cuillère…
Il y a aussi celle de la petite fille qui rapetisse et se noie dans ses larmes.
C’est l’histoire préférée du Soldat,
mais le livre ne la raconte pas.

60Si le Livre ne raconte pas cette histoire, c’est parce que c’est l’histoire même du Soldat, qui se déroule sous les yeux du lecteur, celui-là seul qui a le pouvoir d’ouvrir le livre.

La bibliothèque rêvée

61Pour clore ce parcours, quelques mots sur la présence de la bibliothèque dans les ateliers d’illustration que propose Mélanie Rutten. Outre le rôle fondamental, déjà évoqué, que les livres de sa bibliothèque y jouent, il faut citer l’expérience menée en marge du spectacle du Théâtre du Tilleul, Les Carnets de Peter (2017), dont l’action se situe précisément dans une bibliothèque. La pièce évoque l’histoire de Peter Neumeyer, authentique auteur de livres pour enfants (dont certains illustrés par Edward Gorey), et sa fascination pour les livres, qui l’ont toujours accompagné dans les épreuves qui ont marqué sa vie.

  • 25 Les réalisations peuvent être consultées sur le site du Théâtre du Tilleul : http://theatredutill (...)

62Parallèlement au spectacle, des ateliers, proposés aux enfants et aux adultes, ont mené à la constitution d’une bibliothèque imaginaire : la Bibliothèque rêvée de Peter, constituée d’histoires inédites (parfois seulement de titres) confiées par Peter Neumeyer et investies par le public participant, que ce soit par l’écriture ou le dessin25. Mélanie Rutten, qui a pris part à cet atelier, a notamment proposé un travail d’illustration à partir des listes de Donald, personnage récurrent de Neumeyer.

63Véritable outil de formation et de création, présente en amont et en aval du texte, la bibliothèque de Mélanie Rutten constitue un élément central dans son travail d’écriture et d’illustration. Interroger l’album pour enfants sous l’angle de la bibliothèque permet, sans nier ses spécificités, de l’inclure dans un champ plus large d’héritage et de filiations littéraires et d’en mettre à jour le complexe travail d’élaboration. La bibliothèque rappelle aussi que tout auteur, fût-il illustrateur, a été un jour un lecteur.

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Notes

1 Voir, par exemple, Prince (Nathalie), dir., La Littérature jeunesse en question(s), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.

2 Collière-Whiteside (Christine), Meshoub-Manière (Karine), « Pour une génétique de la littérature d’enfance et de jeunesse », dans Genesis, n° 48, 2019, p. 7-19. Voir aussi, sur cette approche : Clermont (Philippe) et Henky (Danièle), dir., Littérature de jeunesse : la fabrique de la fiction, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2017.

3 Voir la collection « La fabrique » à L’Atelier du Poisson soluble.

4 Mélanie Rutten a exposé ses esquisses et croquis lors de l’exposition itinérante Peut-être (Province de Liège et Fédération Wallonie-Bruxelles, créée en collaboration avec Le Centre Culturel Les Chiroux à Liège, 10.17/10.20).

5 Nières-Chevrel (Isabelle), « Doubles images, double lecteurs : l’inter-iconicité dans Le Tunnel d’Anthony Browne », dans Conan-Pintado (Christiane), Gaiotti (Florence) et Poulou (Bernadette), dir., Modernités, n° 28, L’Album contemporain pour la jeunesse : nouvelles formes, nouveaux lecteurs, 2012, p. 89-100.

6 Mitsu, un jour parfait (2008), Öko. un thé en hiver (2010), Eliott et Nestor, l’heure du matin (2011) et Nour, le moment venu (2012) ; L’Ombre de chacun (2013), La Source des jours (2014), La Forêt entre les deux (2015).

7 Voir, entre autres : Levaillant (Françoise), « Introduction », dans Levaillant (Françoise), Gamboni (Dario) et Bouiller (Jean-Roch), dir., Les Bibliothèques d’artistes (xxe-xxie siècles), Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2010.

8 Ali Smith est une romancière anglaise, auteur, comme Mélanie Rutten, d’une tétralogie sur les saisons (Seasonal Quartett) éditée par Penguin Random House, dont trois tomes sont à ce jour parus.

9 Mitterand (Henri), « Intertexte et avant-texte : la bibliothèque génétique des Rougon-Macquart », dans Genesis, n° 13, 1999, p. 89-98. Nous emprunterons aussi à cette étude les concepts de « livre-rudiment », « livre-modèle », « livre-matrice » et « livre-miroir ».

10 Haraway (Donna), Manifeste des espèces compagnes [2003], Paris, Climats, 2019. Nous citerons les ouvrages dans la version possédée par Mélanie Rutten, en précisant entre parenthèses la date de publication originale.

11 Dillard (Annie), En vivant, en écrivant [1989], Paris, Christian Bourgois, coll. Titres, 2017 ; Pèlerinage à Tinker Creek [1974], Paris, Christian Bourgois, coll. Titres, 2010.

12 Hustvedt (Siri), Vivre, penser, regarder [2012], Arles, Actes Sud, coll. Babel, 2013.

13 Auster (Paul), Excursion dans la zone intérieure [2013], Arles, Actes Sud, coll. Babel, 2016.

14 Van der Linden (Sophie), Lire l’album, Le-Puy-en-Velay, L’Atelier du Poisson soluble, 2006.

15 Mannoni (Laurent), Pesenti Compagnoni (Donata), Lanterne magique et livre peint. 400 ans de cinéma, Paris, Éditions de La Martinière, 2009.

16 Mitterand (Henri), op. cit., p. 91.

17 « […] je creuse de belles grottes derrière mes personnages. […] Mon idée est de faire communiquer ces grottes entre elles et que chacune apparaisse au grand jour au moment nécessaire. » (Woolf [Virginia], Journal d’un écrivain, jeudi 30 août 1923, Christian Bourgois éditeur, 1984, p. 105)

18 La protagoniste de Brontë partage avec une autre héroïne citée dans le domaine des lectures enfantines, Matilda (1988) de Roald Dahl, cette force fragile et cette détermination qui nourrira le personnage du Soldat dans la trilogie.

19 Kesey (Ken), Et quelquefois j’ai comme une grande idée, Arles, Monsieur Toussaint Louverture, coll. Les Grands Animaux, 2015, p. 13.

20 Fagerholm (Monika), La Fille américaine [2004], Paris, Stock, coll. La Cosmopolite, p. 172 [La Scène à paillettes raconte, sous un autre angle, l’histoire de La Fille américaine].

21 Boulaire (Cécile), « La tentation Lobel (2) », dans Album '50', 8 juillet 2019, https://album50.hypotheses.org/3280. En français, la série de Lobel a été éditée en 1972 dans la collection Mouche, à l’École des Loisirs.

22 Le carnet de travail de L’Ombre de chacun évoque des personnages « indéfinis », dont les sources sont plutôt à chercher, entre autres, dans les créatures costumées du photographe Charles Fréger (Wilder Mann ou la figure du sauvage, Londres, Thames & Hudson, 2012) que dans la littérature d’enfance. Parmi les possibles protagonistes cités dans le carnet : « Le Lapin », « Le Chat », « Le Cerf », « L’Ours », mais aussi « Le Livre », « La Pluie », « Une épingle », « La tasse », etc.

23 Ce récit a aussi en partie inspiré Le Bureau des histoires (2009), spectacle du Théâtre du Tilleul pour lequel Mélanie Rutten a créé des ombres.

24 Rutten (Mélanie), La Source des jours, op. cit.

25 Les réalisations peuvent être consultées sur le site du Théâtre du Tilleul : http://theatredutilleul.be/spip.php?article291

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 Études pour le personnage de Ök, un thé en hiver
Légende (carnet de travail, arch. de l’auteur).
Crédits © Mélanie Rutten.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/3739/img-1.png
Fichier image/png, 8,2M
Titre Fig. 2 Plan du village, Mitsu, un jour parfait
Légende (carnet de travail, arch. de l’auteur).
Crédits © Mélanie Rutten.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/3739/img-2.png
Fichier image/png, 15M
Titre Fig. 3 Illustration pour double page, Nour, le moment venu
Légende (MeMo, 2012).
Crédits © Mélanie Rutten.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/3739/img-3.png
Fichier image/png, 4,1M
Titre Fig. 4 Liste des thématiques dans L’Ombre de chacun
Légende (carnet de travail, arch. de l’auteur).
Crédits © Mélanie Rutten.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/3739/img-4.png
Fichier image/png, 10M
Titre Fig. 5 Dessins d’après des Nursery Rhymes dans La Forêt entre les deux
Légende (carnet de travail, arch. de l’auteur).
Crédits © Mélanie Rutten.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/3739/img-5.png
Fichier image/png, 11M
Titre Fig. 6 Liste bibliographique, Nour, le moment venu
Légende (carnet de travail, arch. de l’auteur).
Crédits © Mélanie Rutten.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/3739/img-6.png
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Titre Fig. 7 Croquis de Nour en train de lire, Nour, le moment venu
Légende (carnet de travail, arch. de l’auteur)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/docannexe/image/3739/img-7.png
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Pour citer cet article

Référence papier

Laurence Brogniez, « En lisant, en dessinant. Mélanie Rutten, de la bibliothèque à l’album »Textyles, 57 | 2019, 71-96.

Référence électronique

Laurence Brogniez, « En lisant, en dessinant. Mélanie Rutten, de la bibliothèque à l’album »Textyles [En ligne], 57 | 2019, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/3739 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.3739

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Laurence Brogniez

Université libre de Bruxelles

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