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Trente-six notices bio-bibliographiques d’écrivains belges de langue française
Comité de rédaction de Textyles, Laurence Brogniez, Yves Dusausoit, Heinz Klüppelholz, Cécile Michel et Michel Voiturier
p. 122-158

Texte intégral

A

ANDRÉ-MARCEL ADAMEK

1Né à Gourdinne, le 3 mai 1946, A.M. A, est issu d’une famille flamande par son père, ouvrier aux Chemins de fer, et normande par sa mère, fille de marin. Il a deux soeurs. En 1962, la famille se disperse : A.M.A. est livré à lui-même à l’âge de seize ans. Il poursuit ses humanités à l’Athénée de Braine-l’Alleud, mais il les abandonne bientôt pour vagadonder en France et en Italie avant de revenir à Nieuport. Il excerce alors divers métiers – éleveur de chiens, steward, imprimeur ou fabricant de jouets. En 1964, il rencontre Ingrid dont il aura deux fils. Il publie ses premiers poèmes – L’Arc-en-cœur nocturne – ainsi que des nouvelles dans le quotidien La Dernière Heure. Il quitte alors Bruxelles pour les Ardennes où il s’installe définitivement en 1982 après avoir vécu quelques temps à Namur où il dirigeait une imprimerie. Depuis, il élève des chèvres, il peint sans guère exposer ses œuvres et il écrit.

2En 1974, il reçoit le prix Rossel pour Le Fusil à pétales et, en 1984, le prix Jean Macé de la Ligue française de l’Enseignement pour Un imbécile au soleil La Hyde, conte fantasdque pour la télévision, est diffusé en 1977 par la R.T.B.F., qui lui commande l’année suivante Les Treize femmes de Colin, une série de téléfilms avec le comédien Robert Delieu. Depuis, il publie presque exclusivement des romans, des nouvelles comme « L’Arche » ou « Le Grand Patuel » dans des recueils collectifs, ainsi que quelques préfaces (e.a. pour La Nuit de Zeebrugge de Mac Orlan, réédité chez Bernard Gilson, en 1994). Il collabore également à la revue Trousse-Livres.

3La critique a sans doute tort de relèguer l’œuvre d’A.M.A. dans le seul genre du « merveilleux campagnard ». Ses textes témoignent en effet d’une vision du monde ouverte tout autant à une interrogation sur les « progrès » de l’humanité ou â une méditation sur les droits et les devoirs de l’artiste. Un mélange astucieux des genres, un enjambement farfelu de la réalité et une critique mouchetée de l’humain : tels sont sans doute les principaux éléments qui unissent des textes romanesques dont la liberté de ton tranche assurément avec les formules souvent guindées de la littérature contemporaine.

Œuvres :

4– Oxygène ou les chemins de Mortmandie. Nivelles, Éd. de la Francité, 1970.

5– Le Fusil à pétales. Gembloux, Duclot, 1974.

6– Un imbécile au soleil Paris, Luneau Ascot, 1983.

7– La Couleur des abeilles. Bruxelles, B. Gilson, 1992.

8– Le Maître des jardins noirs. Bruxelles, B, Gilson, 1993.

9– « L’Arche », dans La Belgique imaginaire. Bruxelles, B. Gilson, 1994

10– L’Oiseau des morts Bordeaux, Le Castor Astral ; Bruxelles, B. Gilson, 1995.

11– « Le grand Patuel », dans Le Sable et l’ardoise. Bruxelles, La Longue Vue, 1993.

12– La Fête interdite Roman. Bordeaux, Le Castor astral ; Bruxelles, Bernard Gilson, 1997.

À consulter :

13– Frank Andriat, « Biographie », Dossiers L, 1994, pp. 3-4.

14– Heinz Klüpfelholz, « Pour la définition d’un micro’roman : Le Maître des jardins noirs », La Revue générale, 130e année, n° 1 (1995), pp. 71-79,

15Id., Pour une poétologie des romans d André-Marcel Adamek, Bordeaux, Le Castor Astral ; Bruxelles, B. Gilson, 1997.

16– Notices dans le Dictionnaire des Œuvres

B

CLAUDE BAUWENS.

17C.B. est né le 2 juillet 1939, dans la région de Mons. D’ascendante flamande, il est originaire d’une famille nombreuse ; son père, meunier, exploite un moulin à Spiennes. Son enfance se déroule dans un univers rural, délimité géographiquement par son village d’origine et celui de ses grands-parents, sans beaucoup de contact avec le livre. Par la suite, il ne s’éloignera que très peu de cette région, émigrant de Spiennes à Saint-Symphorien, Il fréquente l’école du village puis l’Athénée de Mons (humanités greco-latines), où un professeur de terminale suscite son intérêt pour la littérature. Il suit aussi des cours à l’académie de peinture de Mons pendant un an (1959-1960). De 1964 à 1994, C.B. exerce le métier d’éducateur dans un établissement d’enseignement spécial à la Louvière. En 1967, il publie un court recueil de nouvelles à compte d’auteur chez l’imprimeur de son village. Suivront une dizaine de recueils à caractère poétique, toujours édités à compte d’auteur jusqu’en 1986, date à laquelle il est publié au Daily-Bul. Parallèlement, il continue à peindre et à dessiner. À la fin des années septante, il reçoit une certaine forme de reconnaissance de la part des institutions culturelles (lecture au Théâtre-Poème, achat de livres par l’administration, bourse à l’écriture...) ainsi que de consécration : en 1973, il remporte le prix Charles Plisnier et en 1993, le prix Maeterlinck-Découverte. Peu lié aux milieux littéraires, il a eu quelques contacts dans les années soixante avec un des fondateurs du mouvement surréaliste de La Louvière, Marcel Parfondry.

18La poésie de C.B., sur laquelle on peut déceler l’influence d’Henri Michaux, est profondément marquée par le paysage environnant l’auteur et voit le retour de thèmes récurrents – la forêt, le marais, le changement des saisons...– qui ressortissent à l’univers quotidien. Mais ce paysage, inlassablement ressassé, soumis à la dislocation du rêve et aux failles temporelles, dessine avant tout la configuration complexe d’un univers intérieur, tourmenté par la nostalgie de l’enfance et soumis constamment à l’ambivalence des signes et à la présence d’une menace indicible. Partagée entre le désir de la vigilance et la tentation de l’engourdissement – qui peut prendre la forme d’une descente aux enfers dans Souterrainement –, l’écriture est le siège d’une résistance qui essaie de préserver la permanence du nom. L’image du veilleur, figé dans l’attente de la confirmation de son existence, traduit itérativement cette crispation identitaire. Seuls l’évasion vers les régions de l’enfance et le chemin sans cesse entrepris qui mène au village natal de la mémoire offrent l’opportunité d’échapper à l’indétermination et à la peur, dans le présent d’une constante fascination.

Œuvres :

19– Derrière-moi. St-Symphorien, Imprimerie commerciale, 1967.

20– Au garde-à-vous dormant debout. Id., 1969.

21– Non au jeu des queues de cerises. Chez l’auteur, 1971.

22Le Chemin du retour. Bruxelles, Fagne, 1973.

23– Donnez-moi le tuyau. Id., 1974.

24– L’Avant-mère. Chez l’auteur, 1975.

25– Il fait ocre fané, il fera blanc évanescent. Préface de J. Sojcher, Bruxelles, Éd. Le Cormier, 1979.

26– La Part de l’arc-en ciel. Bruxelles, Maison internationale de la Poésie, 1982 (avec des dessins de l’auteur).

27– Tableautins pour cimaises fantômes. Bruxelles, Maison internationale de la Poésie, 1983 (avec des dessins de l’auteur) ;

28– Si basse est la lumière. La Louvière, Le Daily-Bul, 1986..

29– Souterrainement. Tournai, Unimuse, 1990.

30– La Projection de la tache aveugle. Amay, L’Arbre à paroles, 1992.

31– Le panzer, le jardin, le syllabaire. Amay, L’Arbre à paroles, 1994.

32– Le Veilleur d’apocalypse Amay, L’Arbre à paroles, 1995.

À consulter :

33– Françoise delmez, « L’envers du décor », Le Carnet et les instants, n° 90, 1995-1996,

GENEVIÈVE BERGÉ

34Née à Bruxelles le 17 mai 1957, G.B. a grandi à Uccle comme ses trois frères. Son père est expert immobilier, sa mère, violoniste dans plusieurs ensembles, s’occupe aussi de gestion. Elle a fait ses études secondaires à l’Institut Montjoie, avant d’étudier la philologie romane, d’abord aux Facultés Saint-Louis, ensuite à l’U.C.L. (1979) où elle obtient aussi une licence en linguistique (1980). Elle a fréquenté les cours de danse classique (où elle retrouvait Amie François, amie d’enfance), et divers enseignements artistiques en Académie, dont la déclamation et le solfège.

35Professeur de français à ses débuts, sous divers statuts provisoires, elle tâte aussi du journalisme à Télé-Moustique, avant d’être engagée par l’asbl Jeunesse Présente, héritière de la Jeunesse Indépendante Chrétienne, Elle en devient peu à peu la cheville ouvrière, s’occupant tour à tour de la gestion de l’association, de la revue Indications, consacrée aux parutions romanesques, des animations littéraires diverses (soirées, débats, séjours de réflexion, notamment à propos des rapports entre littérature et spiritualité), en compagnie e.a. de Lucien Noullez

36Mariée, mère de trois filles, G.B. n’appartient formellement à aucune organisation idéologique ou politique, ce qui ne l’empéche pas d’éprouver des sympathies, éventuellement critiques, pour le mouvement écologiste.

37Lectrice d’abord, G.B. a collaboré à divers périodiques, surtout pour la poésie : La Cité, Sources, Le Journal des Poètes, Arpa, La Foi et le Temps, Recueil, le Courrier du C.I.E.P. Son coup d’essai en littérature est un coup de maitre, puisque le manuscrit des Chignons, envoyé chez Gallimard, y est d’emblée soutenu par Alain Bosquet et par Jacques Réda. La parution du livre en octobre 1993 sera saluée par le Prix Frans De Wever décerné par l’A.R.L.L. F, et par le Prix France-Belgique octroyé par l’Association des Écrivains de Langue française. Il rencontrera un important soutien dans la presse écrite, radiophonique et télévisée, surtout en Belgique mais également en France.

38Cette suite de fragments narratifs, dont le genre littéraire est incertain mais où il entre assurément beaucoup de poésie et d’autobiographie, situera d’emblée son auteur parmi les valeurs sûres : G.B. sera invitée à Avignon (pour « La Poésie dans un jardin ») et au Festival de Poésie de Trois-Rivières, Un ensemble de récits, Au bord du noir, est actuellement à paraître.

39Les Chignons portaient une bande-réclame : « Secrets de famille ». Et assurément, il y entre comme un inventaire des êtres et des scènes qui, dans l’existence de la narratrice et d’autres femmes, ont fait signe. D’où ces traces et ces mots enchevêtrés, tirés de la mémoire d’un certain être-au-monde féminin, que l’écriture rassemble en nœuds successifs, en instants d’équilibre entre la ténuité quotidienne et l’altérité qui s’y ouvre.

Œuvre :

40– Les Chignons. Paris, Gallimard, 1993, 92 p.

PHILIPPE BLASBAND

41Né à Téhéran en 1964 d’une mère iranienne et d’un père juif polonais, informaticien immigré en Belgique, Philippe Blasband séjourne dans plusieurs pays avant de revenir à Bruxelles en 1979. Il y achève ses études secondaires à l’Athénée d’Ixelles, où l’enseignement de Gaston Compère stimule son envie d’écrire. Il se laissera aller à cette passion au cours de ses études de montage à l’I.N.S.A.S.

42Son premier texte est un roman, De Cendres et de fumée, qui lui vaut d’emblée la reconnaissance (Prix Rossel 1990). Iradj Levy, le héros de cette saga, mène sur le tissu complexe de ses racines une quête que l’auteur présente sous forme de récits-mosaïques. La sobriété de l’écriture, quoique encore imparfaite, y contraste heureusement avec une construction baroque. Ses romans suivants, toujours publiés chez Gallimard, confirment sa maîtrise des procédés techniques. L’Effet-cathédrale joue sur le principe d’incertitude jusqu’au vertige, tout en restant dans un cadre temporel très strict : la multiplication des points de vue, l’emboîtement-gigogne des récits, l’émiettement identitaire – que métaphorise l’« effet-cathédrale » qui donne son titre au livre – deviennent autant de facettes de la vie de Paul Smet, un héros bien belge. La nouvelle « Le Nègre » a pour héros un certain A cher, alias Hergé ; Blasband y joue sur un mélange entre fiction et référence biographique pour relativiser le mythe du père de Tintin, à travers le rapport maître-esclave entre Acher et le « nègre » qui dessine pour lui, en l’occurrence le « congolais » X. Enfin, dans Max et Minnie, son dernier roman, la dimension langagière est au centre des interrogations sur le monde auxquelles se livre le petit Max.

43Blasband vient à l’écriture théâtrale par le hasard d’une commande : celle d’un texte « interactif » pour la scène, où les spectateurs auraient le loisir d’intervenir dans le spectacle pour en modifier le cours. L’aspect technique et ludique de ce défi séduit l’écrivain qui compose alors La Lettre des chats. L’originalité et le succès de cette pièce incitent Philippe Blasband à poursuivre dans cette voie, et même à monter l’une ou l’autre de ses créations. Suivent alors huit autres pièces, certaines déjà jouées, d’autres pas, très différentes de ton mais toutes marquées par le besoin – et l’impossibilité parfois – de rapporter des histoires et des relations humaines, sur un mode qui va du conte (Le Masque du dragon) à la comédie (Les Mangeuses de chocolat) ou à la satire (L’Argent du ministre), en passant par la confession publique (Clara Starboom), le huis-clos intimiste (Une chose intime), la tragédie judéo-familiale (Où es-tu Sammy Rebenski ?) ou la « fin de partie » beckettienne à la belge (Jef). Écrivain en résidence à l’Atelier Sainte-Anne en 1995-96, il écrit encore Mort d’un théâtre, qui transpose la fin de cette salle bruxelloise, et prépare L’Invisible, qui sera créé au Théâtre Le Public en janvier 1997 ; Les Mangeuses de Chocolat sera monté au Cirque Divers à Liège en avril 1997.

44Comme plusieurs auteurs de sa génération, Blasband pose un regard à la fois lucide et ludique sur le monde qui l’entoure. Dépourvu des complexes de ses prédécesseurs, il n’hésite pas à prendre ses sujets dans la réalité locale contemporaine, mais en transposant le tragique quotidien dans une écriture rythmée, elliptique et joyeuse. Cette écriture assure la distanciation nécessaire, tout en se gardant bien de faire référence à un quelconque projet idéologique.

Œuvres :

45(romans et nouvelles : )

46– De cendres et de fumée. Paris, Gallimard, 1990.

47– « Le nègre », dans Fureurs. Bruxelles, Les Éperonniers, 1992.

48– L’effet-cathédrale Paris, Gallimard, 1994.

49– Max et Minnie. Paris, Gallimard, 1996.

50(théâtre publié : )

51– La Lettre des chats. Bruxelles, Lansman, 1991.

52– Les Mangeuses de chocolat Bruxelles, Lansman 1997.

À consulter :

53– Carmelo Virone, « Les cent mille milliards et mille et une histoire de Ph. Blasband », Textyles, n° 14, 1997.

ÉRIC BROGNIET

54D’origine modeste (père comptable, mère commerçante), E.B. est né à Ciney en 1956. Après des humanités au petit séminaire de Floreffe puis à l’Athénée d’Andenne, il termine des études de documentaliste à Liège avec un mémoire consacré à un Répertoire informatisé des idées esthétiques de Diderot (1980). Cartographe au service d’inspection des Bibliothèques publiques de la Ville de Liège de 1981 à 1982, il devient l’année suivante documentaliste au Conseil provincial de Namur. C’est en 1989 qu’il est engagé à la Maison de la Poésie de Namur en qualité de conseiller littéraire. Il y crée Sources, revue de critique et de création poétique, la collection “Poésie des Régions d’Europe”, organise colloques et rencontres. E.B. est aussi critique, collaborateur entre autres de Marginales, Sud, La Revue générale. Il vit avec sa compagne et ses enfants en région namuroise.

55C’est en 1984 que démarre véritablement la carrière littéraire d’E.B. Jean Orizet publie à Paris Terres signalées que couronnent les prix Hubert Krains et Robert Goffin. Deux ans plus tard, Le Feu gouverne reçoit le prix Max-Pol Fouchet. Ces recueils ne célèbrent ni la terre ni la nature, mais sont hantés par la recherche du sens que cache le désordre naturel des choses. En 1987, Usage du rêve ouvre une veine poétique qui s’approfondira par la suite : le dialogue entre l’œuvre picturale (en l’occurrence, certains tabeaux de Tanguy, Chirico, Magritte, Ernst, Delvaux etc.) et le texte. On retrouve cette interrogation dans Les Jardins de Monet, Nicolas de Stael, Le Vertige et la Lumière et tout récemment dans La Tentation de Saint-Antoine, qui s’inspire d’une gravure de Rops. Avec André Miguel qui en signe les encres et les dessins, E.B. a publié Cryptographie solitaire des astres, qui donne à voir un autre travail de collaboration entre deux gestes graphiques entremêlés, celui du poète et celui du dessinateur. En 1990, l’ARLLF lui décerne le prix Lucien Malpertuis pour l’ensemble de son œuvre. Œuvre qui, notamment avec L’Atelier transfiguré, Surgissements et Transparences., prolonge le questionnement de la peinture, mais aussi déploie ses propres tableaux. Saluée par A. Ayguesparse, A. Miguel, J. Crickillon, J. Orizet, Ch. Hubin dans des revues de poésie (Marginales et Sud notamment), la poésie d’E.B., en une quinzaine d’années seulement, s’est fait connaître et reconnaître en Belgique, en France et au Québec.

56Cette poésie, rare et contenue dans sa forme et ses motifs, est traversée par une écoute attentive à tout ce qui s’offre dans l’immédiat alentour et fait signe (quelquefois de se taire) : une fougère, un nid, un éclair, quand ce ne sont pas les contrées d’Asturies ou d’Irlande, ou les paysages imaginaires des peintres si souvent convoqués. Ce qui conduit le poète à mettre en doute les pouvoirs de la parole surgie du silence, habitée par la menace d’en dire trop.

Œuvres :

57– Femme obscure. Paris, Chambelland, 1982.

58– Terres signalées. Paris, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1984.

59– Le Feu gouverne. Lausanne, L’Âge d’Homme, 1986.

60– Usage du rêve Valenciennes, Cahiers Froissart, n° 110, 1987.

61– Asturies couleur du temps. Mortémart, Rougerie, 1989.

62– Les Jardins de Monet Amay, L’Arbre à paroles, 1989.

63– Cryptographie solitaire des astres. Châtelineau, Le Taillis Pré, 1990.

64– Nicolas de Stael. Le Vertige et la Lumière. Strépy, Galiéna, 1991.

65– L’Atelier transfiguré. Paris, Le Cherche-Midi, 1992.

66– Surgissements. Ayeneux-Soumagne, Tétras Lyre, 1993.

67– Transparences. Bruxelles, Les Éperonniers, 1993.

68– Éblouie, traversée. Amay, L’Arbre à paroles, 1995.

69– L’Ombre troue la bouche. Amay, L’Arbre à paroles, 1995.

70– La Tentation de Saint-Antoine. Namur, Maison de la Poésie, 1996.

À consulter :

71– Alain Gérard, Dossiers L, n° 30, s.d.

C

RAYMOND CEUPPENS

72Né à Etterbeek en 1936, dans une famille de petits artisans et de commerçants passionnés par la peinture. Ses études furent, comme il le dit lui-même, « maigres et sans fruit ». A seize ans, R.C. entre à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Deux ans plus tard, il a déjà fait quelques métiers et il effectue son service militaire à la Force Navale. Il découvre ainsi Ostende et la mer, une passion dont il ne se déprendra plus. Par tradition familiale, il devient ensuite photographe et se spécialise notamment dans les reportages sur les problèmes urbains. En 1975, il revient aux métiers de la mer avant de se tourner définitivement, dans les années nonante, vers le travail du bois. Marié en 1960, il est le père de trois enfants. Sa vie domestique, perpétuellement à la limite de la pauvreté, se déroule dans un univers flamand, sans contact avec les milieux intellectuels ou littéraires bruxellois. R. C, définit d’ailleurs son orientation politique comme « catholique et flamande ». Son expérience du travail physique et une vie volontairement proche d’un monde marginal nourrissent son œuvre littéraire.

73R. C, commence à écrire en 1975. Un premier roman accepté par l’éditeur Denoël ouvre une série de textes consacrés au monde de la mer. L’Été pourri, en 1982, est consacré par le Prix Rossel. Son roman-théâtre, La Puissance du manque, clôt provisoirement une œuvre appréciée par quelques lecteurs fidèles, mais qui n’a conquis ni les milieux professionnels, ni le grand public.

74Une grande cohérence thématique se dégage des romans et des nouvelles de Ceuppeus. Les textes se montrent particulièrement attentifs à l’existence de héros marginaux, marins au chômage, prostituées, patrons pêcheurs frôlant la misère. Mais la plupart des personnages ont une conscience et une sensibilité qui dépassent le cercle restreint de leurs espérances concrètes. La solidarité, l’amitié, un regard poétique réchauffent leurs destins solitaires.

75Dans sa dernière œuvre publiée, R.C. expose la difficulté qu’il y a à donner une transposition de la véritable pauvreté. Mi-essai, mi-fiction, son texte tente de baliser un monde social encore vierge de tonte expression littéraire authentique. Il donne là, sans doute, l’un des textes les plus pudiques et les plus justes produits en Belgique depuis les années quatre-vingt.

Œuvres :

76– Les Lampes rouges de l’Atlantique Nord. Poèmes. Chez l’auteur.

77– À bord de la Magda Paris, Denoël, 1979.

78– Sous la grand-voile. Nouvelles, Paris, Denoël, 1981.

79– L’Été pourri. Paris, Denoël, 1982.

80– Le Bar des tropiques, Paris, Denoël, 1986.

81– Le Retour du vivant. Nouvelles. Bassac, Plein chant, 1987,

82– La Puissance du manque. Cuesmes, Éd. du Cerisier, 1993.

À consulter :

83– P. Aron, La Littérature prolétarienne en Belgique francophone depuis 1900. Bruxelles, Labor, coll. Un livre, une œuvre, 1985.

D

FRANCIS DANNEMARK

84Romancier et poète, né en 1955 à Macquenoise (Hainaut) d’un père commerçant, originaire des cantons rédimés, et d’une mère picarde d’origine paysanne. La famille s’est très tôt installée à Bruxelles. F.D. fait ses humanités à l’institut Saint-Louis de Bruxelles avant d’entreprendre une licence en philologie romane à Louvain (1973-1977). Depuis 1977, vit de divers métiers : professeur dans le secondaire, adjoint à la rédaction d’un journal de B.D., correcteur d’épreuves, garde de nuit, attaché de cabinet... Il est actuellement directeur du Centre culturel d’Anderlecht. Marié, il est le père de trois enfants.

85C’est en 1976 que commencent ses activités littéraires. Il fonde une petite revue, La Vigie des Minuits polaires (5 numéros, puis 8 de 1978 à 1980), qui rassemble des poètes tels que Delvaille, Cliff, Izoard, Lambersy, Namur, Fano etc. Heures locales, son premier recueil, paraît chez Seghers en 1977. En 1981, il publie son premier roman chez R. Laffont, Le Voyage à plus d’un titre, qui est favorablement accueilli par la presse.

86Parallèlement, romans et recueils de poèmes se succèdent à un rythme soutenu au point que le plus souvent la frontière entre les genres s’estompe, les poèmes réécrivant en quelque sorte les romans et vice-versa. C’est que les uns et les autres travaillent une matière et une manière fortement unifiées dans une économie de parole qui confine au si lence. Brassant les voix les plus diverses, qui rappellent tantôt Rimbaud tantôt une chanson de John Cale, le romancier-poète poursuit une insistante interrogation sur la démesure du temps et de l’espace, conscient par ailleurs de l’illusion qui le pousse à « tirer tout cela au clair ». De recueil en roman, un univers prend forme qui n’a de cesse de diluer les limites du réel, de troubler les marques du temps, de déjouer le travail de la mémoire. Un monde lisse de voitures, d’autoroutes, de néons, de motels, de drugstores, tout un « paquet d’images glacées » est cadré, comme au cinéma ou en photographie, en sorte de faire face à la hantise d’un monde en pleine accélération. La langue, poétique ou romanesque, de F.D. est affûtée, nette et précise ; elle procède de l’inscription lapidaire et du fragment. Des Heures locales (1977) aux Choses qu’on dit la nuit entre deux villes (1990) en passant par Mémoires d’un ange maladroit (1984) ou Les Eaux territoriales (1983), l’hybridation formelle qui est au principe de cette écriture est contrebalancée par une continuité et une unité de sens. Un seul et même texte s’écrit de façon dispersée, rassemble ses fragments, posant sur le monde moderne un regard à la fois amusé et froid.

Choix d’œuvres :

87(poésie : )

88– Heures locales. Paris, Seghers, 1977.

89– Périmètres. Gourdon, Dominique Bedou, 1981.

90– Les Eaux territoriales Gourdon, Dominique Bedou, 1983.

91– Passage de caribous (1987), Messages de caribous (1987), Caribous nouveaux (1989), Retour de caribous (1991). Chez l’auteur.

92– Coll Cat Blues. Bruxelles, Centre culturel d’Anderlecht, 1991.

93– L’Incomparable Promenade (poèmes 1988-1997). Nîmes, Cadex éd., 1993.

94– Dam les jardins mouillés. Nîmes, Cadex éd., 1995.

95(romans ;)

96– Le voyage à plus d’un titre. Paris, Laffont, 1981.

97– La nuit est la dernière image. Paris, Laffont, 1982.

98– Mémoires d’un ange maladroit. Paris, Laffont, 1984 ; rééd, Labor, coll. Espace-Nord, 1993.

99– L’Hiver ailleurs, suivi de Sans nouvelles du paradis. Paris, Laffont, 1988.

100– Choses qu’on dit la nuit entre deux villes. Paris, Laffont, 1990.

101– Les Agrandissements du ciel en bleu. Paris, Laffont, 1992.

102– La Longue Promenade avec un cheval mort. Paris, Laffont, 1994.

À consulter :

103– Daniel Laroche, « La lecture réticulaire. Sur un texte de Francis Dannemark », dans Enjeux, (Namur), n° 24, décembre 1991.

104– Jean-Pierre Bertrand, « Lecture », dans Mémoires d’un ange maladroit. Bruxelles, Labor, coll. Espace-Nord, 1993.

JACQUES DE DECKER

105Né le 19 août 1945 à Bruxelles, J.D.D. est le fils aîné d’un artiste-peintre estimé. Le cadet, Armand (°1948), fait une carrière d’homme politique libéral. De ses études secondaires à l’Athénée de Schaerbeek, Jacques De Decker retient l’enseignement de plusieurs professeurs marquants, Jo Delahaut pour le dessin, Paul Delsemme pour le théâtre ou Séra De Vriendt qui l’oriente vers l’étude des langues germaniques. Ses condisciples se nomment Albert-André Lheureux ou Alain Berenboom, Avec eux, il monte Le Ménage de Caroline de Ghelderode, spectacle qui sera à l’origine de la création, en 1963, du Théâtre de l’Esprit Frappeur, Alternant désormais ses activités entre le jeu et la dramaturgie d’une part, les études de philologie germanique à l’U. LB. de l’autre, J.D.D. dessine d’emblée les lignes de force de son parcours intellectuel. Dès 1969, il travaille avec Monique Dorsel au spectacle Molly Bloom d’après Joyce, qui sera un des grands succès du Théâtre Poème. Il réalise aussi ses premières adaptations théâtrales pour l’Esprit Frappeur, puis pour le Rideau de Bruxelles. Il coordonne pour la revue Marginales la première étude collective sur l’œuvre de Ghelderode (1968) et consacre de nombreux articles au théâtre et à la littérature belge dans des revues ou des ouvrages scientifiques. Il commence par ailleurs au début des années 70 sa collaboration au Soir, où il devient rapidement un critique littéraire et théâtral reconnu. Il y sera journaliste â temps plein de 1979 à 1992, date à laquelle, tout en pousuivant sa collaboration, il souhaite se consacrer davantage à l’écriture personnelle. Membre de la première Commission consultative du Jeune Théâtre, président du Comité belge de la S.A.C.D., secrétaire et membre du jury du prix Rossel, élu à l’ARLLF depuis 1997, J.D.D. occupe ainsi depuis 1975 une place centrale dans la vie culturelle bruxelloise.

106De manière prévisible, l’œuvre littéraire personnelle de J.D.D. relève d’abord du genre théâtral. Sollicité par Claude Étienne, il rédige Petit matin en 1976, que le Rideau de Bruxelles monte dans une mise en scène de l’auteur. Épiphanie, réédité sous le titre plus ironique de Tranches de dimanche, met en scène des conflits et la réconciliation provisoire d’une famille que l’on peut qualifier de « moderne » par la manière humoristique et nourrie d’éléments de psychologie dans laquelle les personnages expriment leurs contradictions. S’opposant ici comme dans ses critiques au théâtre intellectuel, J.D.D. y rend finement les dialogues d’un quotidien tragi-comique.

107Romancier, De Decker a publié deux oeuvres dont l’imaginaire s’inscrit dans la même esthétique du présent. Assumant la référence au cadre urbain bruxellois, il y fait virevolter des personnages esquissés avec légèreté, dont le narrateur observe avec une tendresse mêlée d’ironie la valse des sentiments amoureux. La pudeur de l’expression contraste volontairement ici avec une épure narrative, presque abstraite, dont la rigueur a pu, très justement, être rapprochée des textes d’Arthur Schnizler, un des auteurs de prédilection de J.D.D. dont il a traduit plusieurs pièces.

Œuvres :

108(romans : )

109– La Grande Roue. Paris, Grasset, 1985 (rééd. Bruxelles, Labor, 1993).

110– Parades amoureuses. Paris, Grassel, 1990.

111– Le Ventre de la Baleine. Bruxelles, Labor, coll. Périples, 1996, 176 p.

112(essais : )

113– Over Claus’ Toneel Antwerpen, De Galge, 1971,

114– Les Années critiques. Les septantrionaux, Bruxelles, Ercée, 1990.

115(théâtre : )

116– Jeu d’intérieur, précédé de Petit matin. Bruxelles, Les Eperonniers, 1979.

117– Épiphanie. Bruxelles, Le Cri, 1980 (rééd. dans une nouvelle version, sous le titre : Tranches de dimanche. Paris, Actes Sud, Papiers, 1987).

118– Fitness, Bruxelles, Éd. de l’Ambedui, 1984.

À consulter :

119– « Jacques De Decker », dans Cent auteurs. Bruxelles, Éd, de la Francité, 1982.

120– « Lecture » et bibliographie de Paul Emond, dans La Grande Roue. Bruxelles, Labor, 1993.

121– Notices dans le Dictionnaire des œuvres, vol. IV,

PASCAL DE DUVE

122P. de D. est né le 5 février 1964 dans une famille noble d’Anvers, reconvertie dans la gestion immobilière. Son père, Pierre de Duve (Anvers, 08/11/1921), courtier en immobilier, avait repris l’entreprise familliale, après avoir exercé les fonctions d’officier du ravitaillement dans l’Allemagne vaincue. Pierre et Marie-Henriette de Duve (Dinant, 11/12/1927) y auront leur premier enfant, Baudouin, le 16 octobre 1949. P. de D. avait deux sœurs, Régine, née le 29 juillet 1952, à Berchem et Sophie, née le 30 décembre 1965, à Wilrijk.

123P. de D. a accompli ses études secondaires à Edegem, à l’O.L. Lourdescollege (1976- 1979), puis à Anvers, à l’O.L. Vrouwcollege (1979-1982). Après deux années de cours en sinologie et orientalisme, à la Katholicke Universiteit Leuven, il interrompt ses études en 1984 par un long séjour en Égypte où il travaillera un temps auprès de Sœur Emmanuelle. L’année suivante, il commence des études de philosophie à l’Université Catholique de Louvain, qu’il quitte pour entamer sa seconde candidature à l’Université Libre de Bruxelles. Il achève sa maîtrise en philosophie à l’Université Paris VIII (1987-1988) et en seigne la philosophie au Lycée du Parc des Loges à Evry (11/01 – 30/06/1990) et au Lycée René Auffray, à Clichy-la Garenne (01/09/1990 – 30/06/1991).

124Sa curisosité des langues – P. de D. en parlait plusieurs, de l’arabe coranique au russe –, n’a eu d’égal que celle des théories politiques et philosophiques, du Catholieke Vlaamse Partij à Agalev – le parti écologiste flamand – et au Parti Communiste, de Marx à Nietzsche et Foucault ; à Paris, il participera à un groupuscule lié à l’Union des Travailleurs Communistes Libertaires. En 1988, il fonde et préside un groupe de soutien qui propose Yasser Arafat au Prix Nobel de la Paix.

125P. de D. est l’auteur d’un roman, publié sur manuscrit par les Éditions Jean-Claude Lattès, Izo (1989), qui reçoit la « Plume d’Or » de l’humour, décerné par le jury du Grand Prix littéraire de Vallauris. Le même éditeur publie le log book de son voyage aux Antilles sur un cargo, le Fort-Saint-Charles : Cargo vie (1992). Après la mort de P. de D., survenue à Paris le 16 avril 1993, Odile Cail, des Éditions Jean-Claude Lattes, réunit une partie de ses manuscrits non publiés, en un volume : L’Orage de vivre (1993). Ses œuvres ont fait l’objet de plusieurs traductions : Cargo vie a été traduit en japonais, en espagnol (El carguero “Vida". Barcelone, Seix Barral, 1993) et en néerlandais, sous le titre d’Uitvaren, en 1993, chez l’éditeur de Louvain, Kritak-Gossens, qui, la même année, propose la traduction néerlandaise de L’orage de vivre, sous le titre Levenroes.

126Le sida dont P. de D. est atteint l’a isolé assurément, en même temps que cette maladie en a fait un des témoins les plus médiatisés, tant il avait à cœur de maintenir les conditions de l’espoir dans la vie, fût-elle mutilée sans retour. Par le paradoxe que le sida initie la personne qui en est atteinte à une intensification sans pareille de la vie et de ses beautés, l’œuvre de P. de Duve trouve sa cohérence intrinsèque avec des textes qui sont l’expression littérale de la métaphore vive de la séropositivité. Celle-ci a construit Izo, où se révèle la dialectique de la vie et de la mort, de l’espoir et du désespoir.

Œuvres :

127– Izo. Paris, Jean-Claude Lattès, 1989 (réédité en Livre de Poche en 1994).

128– Cargo vie. Paris, Jean-Claude Lattès, 1992 (réédité en Livre de Poche en 1994).

129_ L’orage de vivre Paris, Jean-Claude Lattès, 1993 (réédité en Livre de Poche en 1995),

À consulter :

130– « Éric Van der Schueren, « Pascal de Duve, les Izotopies du sida », Textyles, n° 14, 1997.

EDDY DEVOLDER

131Né à Ixelles le 23 juillet 1952, E. D, est élevé dans la langue néerlandaise ; sa petite enfance se passant entre Bruxelles et Furnes, ville natale de ses parents. Son arrivée à Tournai en 1958 le conduit à l’apprentissage de l’écriture et de la lecture du français. Pour répondre au souhait paternel, il entreprend des études de régent avant de s’inscrire en philosophie à l’Université Libre de Bruxelles en 1970. À partir de 1975, il entame le cursus, plusieurs fois interrompu, d’une formation de psychanalyste. Renversé par une voiture en 1976, il réchappe d’un coma profond pour entrer, l’année suivante, comme professeur aux Ecoles Normales de Berkendael (Bruxelles) puis de Nivelles. Une explosion de gaz le condamne, en 1980, à un nouveau séjour d’hôpital. Fort des encouragements prodigués naguère par Christian Dotremont puis par Max Loreau, il s’attelle au dessin et à la peinture, s’installe à Sirault et, dès 1982, enseigne l’Histoire de l’écriture puis la Sémiologie et le Scénario à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai. Les ennuis de santé qui l’y rejoignent en 1995 ne peuvent occulter une créativité déployée à l’intersection de la poésie et des arts plastiques et concrétisée simultanément par des publications et par des expositions. On doit aussi à E.D. la réalisation d’émissions radiophoniques (à propos de Beuys, d’Andy Warhol, de Bram Van Velde, de Rauschenberg ou de Cobra) dont plusieurs seront éditées en plaquettes. Il faut évoquer encore ses collaborations à des périodiques [Hebdo, Notre Temps, Jalons pour les arts, Flash Arts, Avancées) avant de lui rendre justice en évoquant son peu de goût pour les biographies, les institutions littéraires et les critiques, et sa préférence affichée pour « le fouillis, le désordre, l’embrasement, les petits travaux de patience ».

132Outre ses lectures précoces de Rimbaud, Camus ou Roger Munier, E.D. reconnaît devoir beaucoup à ses rencontres avec Jean Daive, William Burroughs, Francis Ponge, Henri Michaux ou Hugo Pratt Sa carrière littéraire commence avec L’Homme qui regardait le ciel, couronné dès 1983 par le Prix Plisnier. Suit, l’année suivante, Ce rien de souffle qui n ’appartient qu’aux dieux seuls. L’un est une tentative, réussie, de jouer sur un temps immobile à travers les ressassements intérieurs du personnage, le second mise sur cette cristallisation temporelle à partir d’une évocation lyrique et imaginaire des derniers instants de Virginia Woolf. Deux contes, illustrés en complicité avec Lionel Vinche, seront publiés par la suite tandis que la pièce Le Temps opéra, commandée par le Théâtre National de Belgique, est créée à Bruxelles en 1991. Enfin, le récit des Incroyables péripéties d’Estebanico El Mauro (1993) explore un nouveau registre d’inspiration en confrontant les visions contrastées du premier esclave noir débarqué en Amérique et de son maître.

133Un thème structure l’œuvre littéraire et les recherches plastiques de Devolder : la question de l’attente et du temps. Ainsi, comme dans les premières fictions, une « suite d’instants sans récit » liés à « une mémoire défigurée » déroule la fluidité de ses phrases en une sorte d’incantation répétitive qui frôle le vertige. Ce travail poétique, appliqué dans les tableaux au signe scriptural, se construit tel une quête d’échos musicaux dont les correspondances intimes fondent l’indéniable sensualité de la lecture et des litanies graphiques.

Œuvres :

134– L’Homme qui regardait le ciel Bruxelles, Jacques Antoine, 1983.

135– Ce rien de souffle qui n ’appartient qu ’aux dieux seuls. Bruxelles, Labor, 1984.

136– La Petite maison au bord de leau. La Louvière, Daily-Bûl, 1988.

137– Max Loreau, l’attrait du commencement Bruxelles, Botanique, 1989.

138– Un Robinson. Bruxelles, + – 0, s.d,

139– Conversation avec Joseph Beuys Gerpinnes. Tandem, 1989.

140– Conversation avec Andy Warhol. Gerpinnes, Tandem, 1989).

141– Conversation avec Antonio Segui. Gerpinnes, Tandem, 1990.

142– Conversation avec Hugo Pratt. Gerpinnes, Tandem, 1990.

143– Milo Manara, confidentes d’un homme crayon. Paris, Vertige Graphic, 1990.

144– A.R. Penck. Bruxelles, Guimiot, 1990.

145– Markus Lüpertz, Bruxelles, Guimiot, 1990.

146– Le, (Temps opéra. Creil, Dumerchea, 1991.

147– Conuersation avec Eugène Leroy. Gerpinnes, Tandem, 1989.

148– Les Incroyables péripéties d’Estebanico et Mauro. Creil, Dumerchez, 1993,

149– Conversation avec Roland Topor. Creil, Dumerchez, 1994.

XAVIER DEUTSCH

150Né à Louvain, le 9 février 1965, X.D. suit ses parents en Brabant Wallon lors du déménagement de l’Université catholique de Louvain. Son père y est professeur à la Faculté des Sciences, tandis que sa mère enseigne les lettres classiques dans une école secondaire. Après ses humanités au collège de Godinne, il obtient, à Louvain-la-Neuve, sa licence en philologie romane puis, en 1994, le doctorat en philosophie et lettres, avec une thèse consacrée à André Rolland de Renéville. Il assure quelques intérims dans l’enseignement secondaire, avant de prendre, récemment, la décision de se consacrer entièrement à son métier d’écrivain, quitte à vivre dans une situation précaire. Célibataire, cette décision n’engage que lui : il profite de la liberté qu’elle lui procure, écrit et voyage.

151Le sentiment d’être écrivain, X.D. le perçoit au cours de sa deuxième année d’université. Four son coup d’essai, il publie deux de ses premiers récits chez Gallimard, en 1989 ; c’est La Nuit dans les yeux. Mais le succès viendra surtout de son roman suivant, paru un an plus tard : Les Garçons (prix Maeterlinck, finaliste au prix Rossel et au prix NCR). Avec ce roman, X. D, conquiert un public de jeunes lecteurs fidèles, avec qui il continuera à dialoguer dans ses romans ultérieurs publiés à l’École des loisirs. Mais ce roman l’enferme aussi dans une image d’écrivain pour adolescents. Sans renier ce public, comme en témoigne sa fidélité à l’École des loisirs, il cherche à briser ce carcan en publiant, au Cri, les trois petits volumes d’une trilogie. En 1997, il obtient également le prix des auditeurs de la RTBF.

152Tous les textes de X.D. sont sous-tendus par une même conception de la littérature et de la création en général : il s’agit, comme il le dit lui-même, de saisir et de recréer « la vie dans ce qu’elle a de lumineux ». Cette mission prométhéenne qu’il assigne à la littérature, on en trouve l’expression la plus nette qui soit dans Les Garçons, où la référence rimbaldienne est omniprésente – le Rimbaud en question étant clairement celui des « lettres du voyant », tel qu’il est présenté notamment par André Rolland de Renéville. En résulte un goût très marqué pour les expériences extrêmes, récurrentes dans tous ses textes. L’écriture de X.D. se caractérise aussi par sa perméabilité aux lieux dont elle se « souvient » : chaque livre baigne le lecteur dans un climat qui lui est propre et qui s’exprime moins dans les références qui sont données que dans le jeu des tonalités.

Œuvres :

153– La Nuit dans les yeux. Paris, Gallimard, coll. Page blanche, 1989,

154– Les Garçons. Paris, L’École des loisirs, 1990.

155– Les Foulards bleus Paris, L’École des loisirs, 1990.

156– La Petite rue claire et nette. Paris, L’École des loisirs, 1992.

157– Too much, Sur la terre, Comme au ciel (trilogie). Bruxelles, Le Cri, 1994,

158– La Petite sœur du Bon Dieu. Paris, L’École des loisirs, , 1995.

159– La Guerre que je n’ai pas voulue. Bruxelles, De la démocratie, 1994.

160– Victoria Bauer ! Bruxelles, Le Cri, 1996.

À consulter :

161– Dossiers L, 1994.

ANDRÉ DOMS

162Né à Bruxelles le 9 mars 1932, A.D. a grandi dans un milieu de la petite bourgeoisie commerçante. D’ascendance flamande et francophone – le français est sa langue maternelle – il est fils unique d’une famille peu étendue. Il étudie la philologie romane à l’ULB et enseigne ensuite le français et l’espagnol pendant trente ans au lycée Fernand Blum, où il a fait ses humanités. Politiquement à gauche, A.D. se définit comme agnostique sur le plan religieux. Il a eu quatre enfants d’un premier mariage avec la poétesse Claire-Anne Magnés, directrice de la Fondation Charles Plisnier.

163A l’âge de 18 ans, A.D. écrit ses premiers poèmes avec le soutien d’Albert Ayguesparse. Certains de ses premiers recueils sont toutefois édités en France (Éditions Chambelland), et il alternera, pendant toute sa carrière, publications belges et françaises. Parallèlement à son œuvre poétique, à laquelle il ne s’adonne pleinement que depuis la fin de sa carrière professionnelle, en 1982, A.D. se consacre à la critique. Il collabore régulièrement à Marginales et, surtout, au Journal des poètes (1976-1991). Il préside actuellement le conseil d’administration et le comité de lecture de la Maison de la Poésie d’Amay. Il est également l’auteur de nombreuses traductions et adaptations de poètes italiens, hongrois, et slaves – macédoniens et serbes. La consécration lui est d’ailleurs essentiellement venue de l’étranger ; il a reçu le prix Louis Guillaume du poème en prose (Paris, 1990) et le prix Blaise Cendrars (Suisse).

164Basée sur de vastes mouvements, où la personnalité du poète essaie de se fuir à travers les images du voyage, de la conquête ou de la croisade, la poésie d’A.D. opère par vagues successives d’expansions et de rétractations, à la recherche du « lieu juste » qui pourra fonder et justifier l’existence. Procédant par interrogations successives, qui n’ont d’autre but que de traquer le sens du monde, la prose poétique de Doms place le nom, privé de déterminant, au centre de sa phrase, comme si cet enchâssement accumulait une opacité que l’écriture essaie par ailleurs de débusquer.

165L’amour, un des thèmes centraux, apparaît comme le vecteur privilégié de ces mouvements, et permet au langage de s’incarner enfin dans une expression harmonieuse, indépendante des mots d’autrui, dont le caractère indéchiffrable garantit d’une certaine façon l’éternité. Par son effet abrasif sur la mémoire, le voyage sans cesse recommencé vers l’autre s’abolit dans l’apologie de l’instant présent et dans celle de la fusion totale, naturellement scellée par les éléments et les saisons.

166D’autres motifs, tels l’œil et le regard, apparaissent comme des médiateurs privilégiés entre les mondes intérieur et extérieur, assignant une juste place au poète toujours tenté de déborder les limites restreintes qu’il s’est assignée à lui-même et à son écriture. L’accumulation des images somptueuses évoque les rites de temps mythiques et barbares

Œuvres :

167– Poèmes des anges. Bruxelles, Èd. du Lion, 1953.

168– Chants de Léna. Bruxelles, Marginales, 1961.

169– L’Ombre la sentinelle, précédé de Demeure successive. La Bastide do Goudargues, Chambelland, 1963.

170– Matière habitée. Id., 1965.

171– Cantate pour le vif des temps, Bruxelles, Fagne, 1971,

172– Selons plis et reflets. Bruxelles, Le Cormier, 1974.

173– Lecture silencieuse. Paris, Belfond, 1982,

174– D’urgence nue Caen, Éd. du Pavé, 1985.

175– Feu que fonde la cendre. Amay, Maison de la Poésie, 1988,

176– L’Aube et l’aval Marseille, Éd. Sud, 1990.

177– La Fascinante Consumée. Amay, Maison de la Poésie, 1992 (1994).

178– Cavalier de Mithra. Auch, L’Arrière-pays, 1992.

179– L’Ost : Rhapsodie Amay, Maison de la Poésie, 1993.

À consulter :

180– A. Miguel, « Une poésie essentiellement figuraie », Échanges, n; 2, oct. 1988.

181– T. Sautier et M.-CL. Verdure, « André Doms », Dossiers L, r 40.

E

FRANÇOIS EMMANUEL

182Né le 3 septembre 052 à Fleums, F.F.. Tirti & ux est le quatrième enfant d’une famille aisée – son père est industriel. Il est le neveu d’Henry Bauchau et le frère de Bernard Tirtiaux. Après un an de séjour en Angleterre en pensionnat et des études secondaires chez les jésuites, il fait des études de médecine à l’UCL (spécialisation en psychiatrie). Durant son cursus, il écrit et met en scène des pièces avec son frère dans le cadre du théâtre universitaire. Seul ensuite, il crée le Théâtre du Heurtoir. Une de ses pièces, Un jour de Thaïs, sera montée au Théâtre de Poche, En 1981, il parachève sa formation théâtrale pendant un an en Pologne, Parallèlement à ces activités, F.E. se consacre à la poésie et publie en 1984 une plaquette, Femmes prodiges, qui sera suivie de cinq romans et d’un recueil de nouvelles. Deux fois nommé pour le prix Rossel, il obtient le prix Charles Plisnier (Retour à Sathyah), celui de la ville de Tournai (La Nuit d’obsidienne) et le prix Lego (Grain de peau). Ses romans bénéficient d’ un succès d’estime croissant. Il a reçu à diverses reprises l’appui de la Promotion des lettres. Marié, père de trois enfants, F. E, vit à Monstreux, dans la région de Nivelles. Il partage ses activités entre l’exercice de son métier de thérapeute (il coordonne les activités du centre Antonin Artaud) et l’écriture.

183Les romans de F.E. s’apparentent généralement à une quête identitaire au terme de laquelle un personnage retrouve la mémoire, son passé perdu ou s’inscrit dans une destinée jusque là mal définie. La remontée – ou la tentative de remontée dans le cours du temps – peut s’accompagner parfois d’un périple spatial, qui reproduit à rebours les principaux événements de la vie d’un des protagonistes. L’expression de cette quête identitaire peut aussi revêtir la forme littéraire d’une enquête policière, dominée par la manipulation et la trahison, ou d’un véritable parcours initiatique. Dans cet univers où les identités sont instables, où la mémoire est perdue, et où, sur le cours des choses, pèse parfois le poids effrayant du secret, certains motifs, celui du labyrinthe, celui du miroir évoquent d’une façon récurrente la dissolution de la conscience et la distance qui sépare les êtres. Le fil ténu qui relie le présent au passé est figuré par l’importance de la musique et par la récurrence de certaines professions : détective, archéologue... Sur le versant de la reconquête de soi, des personnages – guides ou éveilleurs – permettent aux héros de se retrouver grâce au jeu de l’identification (qui relève aussi du thème spéculaire). Les femmes jouent à cet égard un rôle de premier plan car, malgré leur fragilité apparente, leur présence mystérieuse permet souvent à cette identification de s’accomplir.

184L’opacité volontaire de ces récits, leur tournure mythique ou légendaire, comme dans La Nuit d’obsidienne, les apparentent dans certains cas à la veine du réalisme magique, si pas du fantastique. Le désengagement vis-à-vis de la réalité n’est cependant pas total : beaucoup d’entre eux véhiculent une forme de critique vis-à-vis du monde contemporain, voué aux séductions de l’argent.

185L’écriture de F.E., qui se resserre au fil du temps, joue tantôt sur le registre de la désinvolture, tantôt sur celui de la gravité, mais en restant toujours fidèle aux mêmes thèmes.

Œuvres :

186– Femmes Prodiges. Maison internationale de la poésie, 1984.

187– Retour à Sathyak. Aix-en-Provence, Alinea, 1989.

188– Grain de peau, Aix-en-Provence, Alinéa, 1992.

189– « Taffetas noir », dans Fureurs. Bruxelles, Les Éperonniers, 1992.

190– La Nuit d’obsidienne. Bruxelles, Les Éperonniers, 1992.

191– La Partie d’échec indiens. Paris, Éd. de la Différence, 1994.

192– Le Tueur mélancolique. Paris, Éd. de la Différence, 1995.

193– La Leçon de chant. Paris, Éd. de la Différence, 1996.

PAUL EMOND

194Né à Bruxelles en 1944, P.E. n’est vraisemblablement pas le fils « d’un père propriétaire d’un magasin d’articles de cuir de crocodile », ainsi qu’il le prétend dans la biographie rédigée pour la réédition de son roman le plus connu, La Danse du fumiste. Déjouant les pièges du fumiste, on retiendra qu’au terme de sa licence en philologie romane à l’Université catholique de Louvain, il y exerce la fonction d’assistant, obtient le titre de docteur, avec une thèse consacrée à La Noire de Jean Cayrol, puis séjourne durant trois ans en Tchécoslovaquie, où il rencontre Maja Polackova, dont il aura deux enfants. Il travaille ensuite pendant une quinzaine d’années aux Archives et Musée de la Littérature. 11 enseigne aujourd’hui la littérature et l’écriture à l’Institut des Arts de Diffusion (Louvain-la-Neuve) et à l’Ecole des Arts Visuels (La Cambre, Bruxelles).

195C’est au cours de son séjour en Tchécoslovaquie que P.E. « entre » en littérature. Il se consacre d’abord au roman et publie, en 1979, La Danse du fumiste, qui reçoit le prix triennal de littérature. Dans les romans qui suivent, il creuse la même veine parodique et conquiert un public grandissant. À partir de 1984, par le hasard des rencontres (en l’occurrence avec Philippe Sireuil), il se met à l’écriture théâtrale, qui le requerra de plus en plus : il noue des contacts avec le « monde » du théâtre, écrit notamment Convives (qui obtient le prix triennal de littérature dramatique), dans le cadre d’une expérience théâtrale avec Jules-Henri Marchant à lI. A.D., traduit et adapte pour la scène des textes de O’Neill, Shakespeare, Queneau, Euripide, Homère.

196Les textes de P.E. ne prétendent à aucune cohérence thématique, dans la mesure où ils sont susceptibles de tout intégrer : tout discours, toute parole, tout cliché fait farine au moulin de la parodie, qu’il procède d’une œuvre littéraire (et P. E, se définit souvent par ses admirations littéraires et artistiques) ou d’une conversation quotidienne. Dans son théâtre comme dans ses romans, P.E. met ainsi en perspective la toute-puissance du langage, en tant qu’il construit le monde et régit les rapports humains. Une extrême attention est portée aux situations d’énonciation, qui sont le principe dynamique de son écriture, de la fumisterie du premier roman au tête à tête monologique du dernier. En résulte une écriture nettement ancrée dans le registre de l’oralité, dont P.E. exploite toutes les tonalités jusqu’aux plus fines nuances. Tout ceci devait naturellement le conduire vers le théâtre, d’autant que la question du regard semble aussi le hanter, comme en témoigne Plein la vue. Son œuvre se diffracte ainsi dans les innombrables miroirs de la représentation.

Œuvre :

197(romans : )

198– La Danse du fumiste. Bruxelles, Les Eperonniers, 1979.
Réédition : Bruxelles, Labor, Espace Nord n° 82, 1993.

199– Plein la vue. Bruxelles, Les Éperonniers, 1981.

200– Paysage avec homme nu dans la neige. Bruxelles, Dur-An-Ki, 1982 ; Bruxelles, Les Éperonniers, 1989.

201– Tête à télé. Bruxelles, Les Éperonniers, 1989.

202(théâtre ;)

203– Les Pupilles du tigre. Bruxelles, Didascalies, 1986.

204– Convives. Bruxelles, Les Éperonniers, 1990.

205– Inaccessibles amours. Murlanwete, Lansman, 1992.

206– Malaga. Morlanwelz, Lansman, 1992.

207– Moi, Jean-Joseph Charlier, dit Jambe de bois, héros de la révolution belge. Bruxelles, Cahiers du Rideau de Bruxelles, 1994.

208– Caprices d’images. Paris, Tapuscrit Théâtre ouvert, 1995.

À consulter :

209– Dossiers L, 1994.

F

MICHÈLE FABIEN (pseudonyme)

210M.F. naît à Genk le 2 avril 1945, dans un milieu pétri de culture littéraire. Son père est professeur de littérature comparée à l’université d’Élisabeth vil le puis de Liège. Sa mère est professeur d’anglais. Elle obtient sa licence en philologie romane, à Liège, en 1966 ; sept ans plus lard, elle est proclamée docteur en philosophie et lettres de cette même université, avec une thèse consacrée à Michel de Ghelderode. Elle travaille ensuite dans l’enseignement universitaire et supérieur (liège, Bruxelles, France, Suisse), tout en restant attachée à l’Ensemble Théâtral Mobile, en qualité de dramaturge. Elle vit aujourd’hui en France,

211L’itinéraire de M.F. est essentiellement sinon exclusivement lié au théâtre. Son enseignement est entièrement consacré à l’histoire du théâtre et à l’explication de textes dramatiques ; sa fonction de dramaturge la conduit vers l’adaptation (Ibsen, Mertens, Bernhard, Duras, Wolt), la traduction (Pasolini, Plaute) et l’écriture. Sa première pièce, Notre Sade, date de 1978, mais, trop audacieuse sans doute, ne sera représentée qu’en 1985 ; elle est consacrée par le Prix triennal de littérature dramatique en 1987. M.F. aura obtenu la reconnaissance de ses pairs et d’un public (choisi) avant cela, avec la représentation de jocaste, sa pièce à ce jour la plus jouée. À partir de là, elle écrira, à un rythme régulier (tous les deux ou trois ans), une série de textes qui seront joués en Belgique, en France, en Suisse, aux Pays-Bas et en Italie. Son œuvre est assurément, malgré son abord difficile, une des mieux reconnues aujourd’hui parmi celles des dramaturges belges contemporains.

212L’itinéraire de M. F, , de la dramaturgie à l’écriture, n’est pas linéaire ni à sens unique ; au contraire, les deux activités s’entremêlent, s’enrichissent mutuellement. Ainsi écrit-elle pour l’Ensemble Théâtral Mobile, en connexion avec la scène, et dans le cadre d’une vision du théâtre forte et explicite, marquée par l’influence de Pasolini (dont elle a traduit plusieurs textes). La plupart des textes de M.F. réinvestissent des mythes, antiques ou modernes, moins pour les adapter que pour entrer en dialogue avec eux et pour en souligner l’altérité. Il s’agit de faire apparaître la face cachée des mythes, d’écrire à partir de leurs silences, par exemple en donnant la parole au personnage « oublié », que ce soit Jocaste, Tausk ou Déjanire. Un tel projet explique sans doute qu’une question lancinante traverse le théâtre de M.F., celle du représentable : que peut dire le théâtre, non seulement par les mots mais aussi par les corps ? Amphitryon (Plaute, Kleist, Fabien), traduit et réécrit, confère à la question son intensité maximale, et lui donne pour seule réponse celle du théâtre même.

Œuvres :

213– Notre Sade. Bruxelles, Didasc alies, 1985.

214– Jocaste. Bruxelles, Didascalies, 1981.

215– Sara Z. 1982.

216– Tausk. Paris, Actes Sud-Papiers, 1987.

217_ Atget et Berenice. Paris, Actes Sud-Papiers. 1988.

218– Claire Lacombe suivi de Berthy Albrecht. Paris, Actes Sud-Papiers, 1989.

219– Amphitryon. D’après Kleist. Bruxelles, Didascalies, 1992.

220– Déjanire Bruxelles, Didascalies, 1995.

221– Cassandre. D’après Christa Wolf, Bruxelles, Didascalies, 1995.

222– Jocaste. Déjanire. Cassandre. Bruxelles, Didascalies.

À consulter :

223– Une série d’études critiques consacrées à Jocaste sont publiées dans Didascalies, 1983, n° 4

ANNE FRANÇOIS

224A. F, est née à Hasselt en 1958. Son père est médecin militaire. Après une enfance passée en Flandre et aux Pays-Bas, elle fait des études de philologie romane à l’Université Catholique de Louvain (1976-1981), suivies d’un baccalauréat spécial en philosophie. Parallèlement à son parcours scolaire, elle suit depuis l’âge de dix ans une formation de danseuse classique. Atteinte et guérie d’une maladie de Hodgkin en 1981, elle travaille ensuite dans une librairie puis enseigne le français et les arts d’expression. Après avoir repris des études à l’INSAS à l’âge de 26 ans, elle entre en 1990 à la RTBF, où elle est réalisatrice. Elle participe aussi à des ateliers d’écriture romanesque et théâtrale, formation qui aboutit en 1987 à la représentation d’une pièce, Marthe et le Mandarin. En 1988, elle crée une ASBL qui organise des cours d’écriture de scénario. Son premier roman, Nu-tête, paru en 1991 chez Albin Michel, est bien accueilli par la critique et obtient la même année le prix Rossel et le prix NCR,

225Dans Nu-tête, roman aux résonnances autobiographiques, A.F. narre le long travail de la maladie, qui brise la résistance physique et psychique d’une jeune danseuse, et lui permet d’accéder progressivement à la conscience d’elle-même à travers l’expérience presque initiatique de la douleur. Roman à deux voix où alternent la relation au jour le jour du traitement de la patiente et les réflexions froides ou passionnées de son médecin, entrecoupés de stricts rapports cliniques, Nu-tête met en scène une forme de domination sadique où la dépossession de soi d’une jeune femme s’apparente à une sorte de possession amoureuse de la part du médecin, à la fois sauveur et persécuteur, qui ne lui exprime pourtant jamais ses sentiments.

226Le deuxième roman d’A.F. reproduit le même type de rapport : la mère d’une petite fille au liste, emmurée dans la culpabilité et la relation fusionnelle qui l’unit à sa fille, voit le mensonge de la guérison brisé par l’intrusion consentie, dans son quotidien ritualisé, d’une équipe de télévision venue tourner un documentaire sur son enfant, Ici aussi, l’écriture s’articule sur une double narration, celle de la mère et celle du caméraman, dont le travail s’apparente à celui du chirurgien, mettant à nu l’âme de Lucile et la séparant de sa fille. Mais le regard réinstaure à sa façon le mensonge, et la parole retrouvée de la mère – non de la fille – et du complice muet du cameraman, le preneur de son, permet de rétablir ce que l’image ne dit pas.

Œuvres :

227– Nu-tête, Paris, Albin Michel, 1991 (rééd. Espace Nord n° 84, Labor, 1993).

228– Cf que l’image ne dit pas. Paris, Albin Michel, 1995.

À consulter :

229– J. Vandenschrick, « Lecture » de Nu-tête : Espace Nord n° 84, Labor, 1993.

G

GUY GOFFETTE

230Né à Jamoigne, sur la Semois, en 1947, dans une famille catholique. Le père est ouvrier, la mère sans profession ; son grand-père, paysan et ouvrier anarchiste, est pour lui une « figure mythique ». G.G. entame des études secondaires à l’Internat du Collège Saint-Joseph à Virton, dont il est renvoyé pour indiscipline ; il les poursuit à l’Institut Sainte-Marie d’Arlon, où il obtient finalement un diplôme d’instituteur : « huit années d’enfermement. Révolte, indiscipline. Horreur des pions ensoutanés ». Commence à Paris en Sorbonne des études de Lettres, qu’il abandonne dans le contexte de mai 1968. Après quelque temps de vagabondage, rentre en Belgique où il se marie et suit une formation de biblio thécaire. Père de trois enfants, G.G. est aujourd’hui séparé. Il a été longtemps enseignant, bibliothécaire à Harnoncourt, puis libraire-bouquiniste à Virton et à Redu. Actuellement (octobre 1996), il est en résidence d’écrivain à Charleville-Mézières (France). Prisant la liberté, il se dit « anarchiste de la main gauche ».

231Sa première publication en volume, Quotidien rouge (1971), est saluée dans le Drapeau Rouge par Fr. Tessa et dans Le Journal des Poètes par Chr. Hubin. Elle est une des causes de son licenciement de l’Ecole des Frères Maristes à Saint Hubert où il enseignait. À la même époque, il anime avec Michel de Paepe une Tribune poétique, découvre Achille Chavée et lui consacre un essai, fréquente le milieu du Daily-Bul à La Louvière et écrit des poèmes surréalistes qui seront salués par Philippe Soupault mais non publiés. Crée avec quelques amis la revue de poésie Triangle, qu’il imprime lui-même à la main (1980-1987). A partir de 1984, G.G. commence un travail d’édition qui prend peu à peu la place de la revue : L’Apprentypographe. À son catalogue figurent les noms de Michel Butor, Umberto Saba, Pierre Oster, Bernard Vargaftig, Bernard Noël, etc.

232G.G. rencontre à Paris, en 1981, Gérard Noiret, l’éditeur de son « premier vrai livre » : Solo d’ombres (1983, Prix Guy Lévis-Mano). Noue à ce moment nombre d’amitiés : Pierre Oster, Jean Pierre Lemaire, Paul de Roux, Jean-Michel Maulpoix puis Michel Deguy et Jacques Réda. À partir de 1986, il collabore parallèlement à La Quinzaine littéraire et à la N.R.F. par des critiques, des chroniques et des poèmes. Il donne également de nombreuses préfaces, notamment à des rééditions d’Elskamp, de Marie Gevers, d’Anne-Marie Kegels (qui l’encouragea à ses débuts), de Jeannine Moulin...

233C’est avec Éloge pour une cuisine de province (1988) que G.G. obtient une véritable reconnaissance ; le titre un peu provocateur de ce recueil indique une certaine rupture par rapport au courant dominant dans la poésie française contemporaine, qui porte encore comme un faix l’héritage mallarméen ; en se revendiquant de la province et de la « cuisine » plutôt que de la « belle pièce » où nul ne va jamais, le poète reprend à sa manière la leçon moderniste qu’un Marcel Thiry, développant plutôt l’héritage d’Apollinaire, donnait dans l’entre-deux-guerres, ouvrant le poème à la « prose » et même au « prosaïsme », À mi-chemin, donc, entre un Yves Bonnefoy et un Kenneth White, l’Éloge a surtout convaincu par une stylistique et une thématique du rapprochement. Cette poésie à visage humain valut à G.G. le Prix de l’Académie Mallarmé et le Prix de la Communauté française de Belgique. La Vie promise (1991) a reçu le Prix Henri Mondor de l’Académie française. L’œuvre a d’ores et déjà sa place dans les principaux ouvrages d’histoire littéraire.

Œuvres :

234(poésie depuis 1988 : )

235– Éloge pour une cuisine de province. Postface de Jacques Borel. Seyssel, Champ Vallon, 1988.

236– La Vie promise. Paris, Gallimard, 1991 ; rééd. 1994,

237– Chemin des Roses. (Avec B. Noël et C. Deblé). L’Apprentypographe, 1991.

238– Le Pécheur d’eau Paris, Gallimard, 1995.

239– Partance. Éd. L’Étoile des limites, 1995,

240(principaux récits, essais et varias : )

241– Mariana, Portugaise. Éd. Le Temps qu’il fait, 1991.

242– Partance. L’Étoile des limites, 1995.

243– Verlaine d’ardoise et de pluie. Paris, Gallimard, 1996.

À consulter :

244– Sincère poésie, 1984 (n° consacré à G. G).

245– Un nouveau lyrisme. Poésie 1, 1987.

246– G. Jacquemin, Dossiers L, rééd. 1992.

H

JACQUELINE HARPMAN

247Née à Bruxelles le 5 juillet 1929, de parents commerçants, J.H. a passé la partie la plus radieuse de son enfance à Casablanca où ses parents s’établirent du début de la guerre à novembre 1945. Décidée à II ans à devenir écrivain, et à 14, en lisant Freud, à pratiquer la psychanalyse, elle entame d’abord des études de médecine. Des ennuis de santé la contraignent a les interrompre au bout de deux ans et à séjourner dans un sanatorium à Eupen où elle ébauche un premier roman qui reste dans ses tiroirs. Rétablie, J.H. poursuit une licence en psychologie à l’Université Libre de Bruxelles avant d’entrer comme clinicienne à l’Institut Fond’Roy où elle exerce de 1968 à 1976. Cette année-là marque son entrée à la Société Belge de Psychanalyse dont elle devient « Full Member » en 1987. Psychanalyste de réputation internationale, J.H. partage actuellement son temps entre un cabinet de psychanalyste, des collaborations aux Cahiers de Psychologie clinique et à la Revue Belge de Psychanalyse, l’écriture de ses romans et les moments de vie familiale auprès de ses deux filles, de ses petits enfants et de son mari, le poète et architecte Pierre Puttemans,

248Si les nombreux romans publiés par J.H. depuis 1987 ont conquis la critique comme le grand public, sa carrière littéraire avait en réalité connu ses premiers succès dès les années 60. Brève Arcadie, son premier roman avait été couronné du Prix Rossel en 1959, un an avant la publication de L’Apparition des esprits. Suivirent Les Bons sauvages (1966) avant une éclipse de vingt ans essentiellement consacrée à la psychanalyse. J.H. ne revient à l’écriture qu’en 1987, avec La Mémoire trouble. Si ce texte, ainsi que La Fille démantelée, écrit trois ans plus tard, rencontre un succès d’estime, c’est en 1991, avec La Plage d’Ostende, le récit d’une passion amoureuse aussi violente que précoce, que la romancière conquiert le vaste public qui lui octroie le Prix Point de Mire. Elle a publié depuis un recueil de nouvelles, La Lucarne, qui revisite de façon inattendue des figures féminines mythiques telles Antigone, Jeanne d’Arc ou Marie, et trois romans, parmi lesquels Orlanda, couronné par le Prix Médicis en 1996.

249J.H. déploie son écriture slendhalienne dans les univers les plus variés. L’invraisemblable y est volontiers de la partie, introduit souvent dans les premières pages d’un récit traité par la suite sur un mode réaliste. Qu’elle nous implique dans la stratégie amoureuse de l’héroïne de La Plage d’Ostende, dans l’intimité secrète de la demeure mystérieuse du Bonheur dans le crime, au sein de l’univers étrange, hors du temps et de l’espace, de Moi qui n’ai pas connu les hommes (indice de son goût pour la science-fiction) ou bien encore dans les tribulations fantasmatiques d’Orlando, la romancière conduit ses intrigues psychologiques avec l’habileté des maîtres du suspens. Sa relecture des thèmes littéraires classiques approfondit une réflexion centrée sur la question identitaire et déclinée au féminin à travers le rapport à la mère, à la maternité, à l’autre sexe. Empruntant aux tragédies grecques la violence de leurs passions, les romans de J.H. dressent la galerie de portraits de ces femmes dévolues « au service de “ça” jusqu’à leur mort ».

Œuvres :

250(romans)

251– Brève Arcadie. Paris, Julliard, 1959.

252– L’Apparition des esprits Paris, Julliard, 1960.

253– Les Bons Sauvages. Paris, Julliard, 1966.

254– La Mémoire trouble. Paris, Gallimard, 1987.

255– La Fille démantelée. Paris, Stock, 1990 [réédition chez Babel, en 1994).

256– La Plage d’Ostende Paris, Stock, 1991 (réédition Poche, en 1993).

257– Le Bonheur dans le crime. Paris, Stock, 1993.

258– Moi qui n ’ai connu que les hommes. Paris, Stock, 1995.

259– Orlanda. Paris, Grasset, 1996.

260(nouvelles

261– La Lucarne. Paris, Stock, 1992

262– Histoire de Jenny. Revue Textyles, 1993

263(conférences publiées : )

264– Qui loge dans les mondes intérieurs de l’écrivain ? Université de Turin, 1995

À consulter :

265– Dictionnaire des œuvres.

266– « Romancières ». Textyles, n° 11, 1992 ; rééd. 1995.

THIERRY HAUMONT

267Né en 1940 à Auvelais, Thierry Haumont a fait des études de documentaliste à Bruxel les. Après avoir travaillé de 1972 à 1974 dans une librairie anglaise de la capitale, il exerce à Charleroi le métier de bibliothécaire. Il s’est fortement engagé dans la cause wallonne, acquis à l’idée d’une Wallonie autonome. Marié et père de deux filles, il vit à Ham-sur-Heure, sans téléphone ni télévision ni voiture.

268Poète à dix-huit ans (Avanastron), dramaturge au service d’une troupe d’amateurs d’Auvelais, T.H. est surtout romancier. Ses deux premiers romans sont publiés chez Gallimard : dans Les Petits Prophètes du Nord (1980), il évoque le destin d’un adolescent de Laponie, écartelé entre le monde de l’enfance et celui des adultes ; Les Forêts tempérées (1982) est une espèce de robinsonnade au cours de laquelle des adolescents tentent de revivre pendant quinze jours à l’âge du paléolithique. En 1985, T. H, reçoit le Prix Rossel pour Le Conservateur des ombres, son principal roman, paru également chez Gallimard, Remarquable par les variations qu’il opère sur la thématique de l’ombre, métaphore d’une longue page de l’histoire européenne qui va de 1931 à 1945, ce roman, à travers la trajectoire singulière d’un bibliothécaire, Franz Grünenwald, retrace la période qui va de l’ascension d’Hitler à Hiroshima. En 1991 paraissent chez Gallimard Les Peupliers, roman épistolaire qui a pour thème la nature et la marche, et qui met en scène un narrateur convaincu qu’il peut faire le recensement exhaustif de tous les peupliers de Wallonie. Cette fable à la fois philosophique et politique pose non sans un certain humour cocasse les problèmes identitaires wallons et flamands. T.H. est aussi l’auteur de contes pour enfants. Volontiers polygraphe, il s’illustre par un style haut en couleur, aux rythmes variés, proche d’un certain baroquisme notamment à travers un singulier usage des voix narratives et la mise en place d’un personnel romanesque fortement contrasté.

Œuvres :

269– Les Petits Prophètes du Nord, Paris, Gallimard, 1980.

270– Les Forêts tempérées, Paris, Gallimard, 1982.

271– Le Conservateur des ombres. Paris, Gallimard, 1985 (Prix Rossel).

272– Charles Rock Charleroi, Théâtre de l’Ancre, 1986,

273– Nocturnes. 1989.

274– Les Peupliers. Paris, Gallimard, coll L’Arpenteur, 1991

275– Le Promeneur de Charleroi. Charleroi-Images, 1994 .

K

SERGE KRIBUS

276Né à Bruxelles (Jette) le 29.11.1962, S.K. est issu d’une famille de commerçants. Son père était arrivé très jeune en Belgique, en 1940, fuyant l’Allemagne. Sa famille est originaire de Pologne, d’où la grand-mère, déjà, avait fui les pogroms. De son enfance marquée par entre autres par la fréquentation de l’ Union des Progressistes Juifs de Belgique et la vitalité de la langue en milieu yiddish, S.K. a gardé un intérêt pour « le fossé entre ce que l’on peut au quotidien et ce qu’on voudrait dans l’absolu ».

277Dès l’époque de ses études primaires et secondaires, S.K. fréquente l’Académie de musique de Jette pour la guitare ; surtout, il s’inscrit dans la classe d’Art dramatique, avec pour professeur Grégoire Baldary. Il doit ses premières émotions théâtrales au mime Marceau, aux Sorcières de Salem d’Arthur Miller et aux pièces de Molière représentées au Théâtre National. Après des candidatures en sciences humaines, qu’il n’achève pas, il accepte un rôle dans L’Opéra de Quat’sous de Brecht, mis en scène par Dominique Haumont. Finalement, il entre au Conservatoire de Bruxelles, dans la classe d’André Debaar. Ce dernier l’engage comme comédien dans Les Misérables au Théâtre National. S.K. décroche d’autres seconds rôles chez Claude Volter, au Théâtre du Parc, chez Robert Cordier et chez Dominique Serron. Il passe un an dans le collectif de la Compagme du Tram 33.

278Peu satisfait des pièces qu’on lui propose de jouer, S.K. se lance dans l’écriture d’Arloc en 1987. La pièce, sorte de conte philosophique, se réfère à la problématique des réfugiés : Arloc, venu d’un pays mythique – « Ecclatambour »– est le dernier dépositaire d’un art de vivre et d’une harmonie originelle dont il doit transmettre l’héritage dans nos sociétés « post- », marquées par la violence et l’exclusion, la perte du sens et la difficulté de la parole. Quelques jours avant la première, en 1996, le Prix triennal de littérature dramatique de la Communauté française est attribué à Kribus pour ce premier texte.

279Dans l’intervalle, d’autres pièces ont vu le jour. Dans Antonin et Mélodie (1989), qui a été jouée par Pietro Pizzutti et les sortants du Conservatoire au Théâtre Le Public, deux enfants rêveurs se retrouvent après quinze ans de séparation et s’apprêtent, en dépit du monde « adulte », à mettre en oeuvre leurs désirs. Le Grand Retour de Boris Spielman (1991), difficile dialogue entre un père et son fils autour de la question de l’Holocauste et de ses suites, avait été soutenu à Paris par Jean-Claude Grumberg qui en avait donné une lecture au Théâtre Ouvert, ce qui avait suscité l’adhésion de Christian Dupeyron, directeur de collection chez Actes Sud ; cette pièce a été montée au Théâtre de Poche à l’automne 1995. Cagoul (1993), pièce encore inédite, prolonge la thématique de l’espoir, si l’on peut appeler ainsi la simple recherche d’alternatives au quotidien. Les deux pièces les plus récentes sont d’un tour plus satirique ou, si l’on veut, plus pessimiste. Remboursez (1994) est une réflexion sur le théâtre qui met en scène des spectateurs en attente d’un spectacle, et leurs prises de bec dans la salle. Max et Gilberte (1994), courte scène de séparation composée pour s’insérer dans l’ensemble des Ruptures composé par Thierry Debroux, est centrée sur l’incompréhension entre des êtres qui se croyaient amoureux.

280Marquées par l’angoisse et par la violence, les pièces de S.K. mettent néanmoins en œuvre, ou à tout le moins en scène, de possibles échappées pour les êtres pris dans des contextes apparemment sans issue. Dans une langue à la fois charnelle et fantaisiste, les dialogues font montre d’une inventivité qui rend extrêmement dynamique le fond souvent tragique du propos..

Œuvres :

281– Arloc ou le grand voyage [18 mai 1996 au Théâtre de la Colline (Paris)], suivi de Le Grand Retour de Boris Spielman [14 novembre 1995 au Théâtre de Poche à Bruxelles]. Arles, Actes Sud, coll. Papiers.

282– Les Quarante Ans de la télévision. Scénario inédit, 1993,

283– Cagoul. Pièce inédite, 1993.

284– Remboursez Pièce inédite, 1994.

285– Max et Gilberte [11 novembre 1994 à l’Espace Senghor, dans le cadre du spectacle Ruptures], Pièce inédite, 1994.

286– Antonin et Mélodie [9 mars 1996 au Théâtre Le Public à Bruxelles]. Arles, Actes Sud, coll. Papiers, 1996.

L

MICHEL LAMBERT

287Né à Oicha, au Zaïre, le 15 juin 1947, M.L. n’est resté que dix-sept mois en Afrique. Jusqu’à sept ans, il a habité à Anvers, avant de s’installer à Liège où il est resté jusqu’à trente ans. C’est là qu’après des humanités en latin-mathématiques, il a terminé une licence en administration des affaires. Il fut assistant à l’Université de Liège dans le service d’économie politique, avant d’être chercheur au Centre international de Recherches et d’information sur l’Économie politique, sociale et coopérative (CIRIEC),

288Rien dans cette voie ne semblait préparer M.L. à l’écriture, si ce n’est une contrainte liée au monde des affaires et de l’économie, qu’il fera sienne : écrire bref et concis, et regarder le monde tel qu’il est. C’est par le journalisme qu’il entre dans le métier des lettres. Rédacteur à Trends-Tendance et à La Wallonie, il deviendra, en 1978, chroniqueur à Télé-moustique. A ce moment, il quitte Liège pour le Brabant wallon : après La Hulpe, il s’installe à Ottignies. Il est marié et père de deux enfants. Fervent adepte de la course à pied, il considère ce sport comme proche de l’écriture en raison de l’ascèse et la discipline qu’il impose.

289On ne s’étonnera pas trop que M.L ait investi la littérature par deux biais qu’il connaît bien : les formes brèves et un certain réalisme. Son premier recueil de nouvelles, De très petites fêlures, met en place un univers qui ne cessera d’être scruté par la suite : le monde moderne, de préférence citadin, dans lequel sont jetés, entourés de motifs récurrents, des personnages tout à la fois hantés par le désir de vivre et obsédés par une certaine usure, celle de l’ennui et de l’habitude. Dans Une vie d’oiseau, prix Rossel 1988, son premier roman construit en patchwork, Ferrier est journaliste ; il est talentueux, mais le sentiment d’avoir de toute façon raté sa vie l’entraîne à passer le temps comme il peut, enfermé sans complaisance dans une médiocrité qui le dépasse. Le second roman de M.L., La Rue qui monte, évoque les milieux de fonctionnaires à travers un personnage chroniquement pris par une irrépressible envie de cogner. Cogner sur quoi ? Sur tout et sur rien, pour secouer l’ordre des choses, sans même en attendre que quelque chose change. En 1995, avec Les préférés, M.L. revient à la nouvelle et, d’une certaine manière, aux « petites fêlures » qu’il affectionne. Il y est question, à travers des personnages qui se manquent, non pas de passion ni d’amour, mais simplement d’un désir qui ne parvient pas à capter son objet, constamment à côté de ce vers quoi il se tend.

290Entré relativement tard en littérature, M.L. s’est, au gré d’une oeuvre rare et serrée, créé un ton dans la production en prose des années 1980. Sans artifice, simple mais juste, sa langue est au service d’une vision du monde qui tout à la fois épouse et trouble celle du sens commun.

Œuvres :

291– De très petites félures. Nouvelles. Lausanne, L’Âge d’Homme, 1987.

292– Une vie d’oiseau, roman, Lausanne, LÂge d’Homme / De Fallois, 1988.

293– La Rue qui monte, roman, Lausanne, LAge d’Homme, 1992.

294– Les Préférés. Paris, Julliard, 1995.

JEAN-LOUIS LIPPERT

295Né le 16 décembre 1951 à Stanleyville (Congo belge), J.L.L. est issu d’une famille d’employés de commerce francophones et catholiques. Il connaît, dès le retour en Belgique, les difficultés de réadaptation des anciens coloniaux dont le statut social s est brutalement transformé. Ses études secondaires dans un pensionnat du Brabant wallon puis à l’ Athénée de Woluwé Saint-Pierre s’en ressentiront. Il y découvre l’ivresse de la rédaction française, mais supporte mal les autres matières enseignées. Après avoir fréquenté l’I.N.S.A. S, pendant quelques mois, Lippert découvre presque simultanément les deux univers de référence qui vont marquer en profondeur son parcours intellectuel : le peintre Roger Somville, qui lui présente le modèle et les contradictions d’un artiste communiste engagé, et les correspondants belges du mouvement situationniste, en particulier Raoul Vaneigem. En complète rupture avec sa famille, Lippert vit pendant trois ans de rapines et d’autres expédients, menant à Leuven une existence résolument en marge, qui se termine mal. Par nécessité de stabilité sociale, il entame en 1975 des études de journalisme à l’U. LB, qu’il achève quatre ans plus tard par la rédaction d’un mémoire consacré à La Révolution surréaliste et l’Internationale situationnisle. Il profite de cette période pour voyager, presque sans le sou, notamment au Mexique. Il bénéficie ensuite d’une bourse de 10 mois pour un séjour à Léningrad puis, tout en effectuant de petits boulots manuels, il rencontre celle qui deviendra sa femme, Michèle, La naissance de sa première fille en 1981 fait basculer son existence. L’accueil réservé aux petites brochures, ses « samizdats à la belge », qu’il rédige sous le pseudonyme d’Anatole Atlas depuis 1979, et le désir de mettre en forme les pages innombrables noircies lors de ses voyages le convainquent que son avenir se situe désormais dans le travail de l’écriture. Il collabore à la revue Digraphe dont il devient le correspondant belge. Son premier roman, publié à Paris aux Éditions Messidor, connaît un succès d’estime dans la presse parisienne, relayé notamment en Belgique par les articles de Jacques De Decker dans Le Soir. Il bénéficie d’une aide à l’écriture de la Communauté française, qui lui permettra de retourner au Congo et de rédiger Mamiwata.

296Les deux romans publiés par Lippert se présentent comme autant de parcours, mi épopées de la révolte, mi textes initiatiques. Ils enchevêtrent, parfois de manière inextricable, les séquences narratives de l’enfance congolaise, les amitiés et les conflits de la marginalité, l’expérience des voyages, ainsi qu’un réseau crypté d’allusions à des personnages contemporains, Un souffle baroque emporte ces séquences télescopées quasi allégoriques, dont la puissance visionnaire n’a pas manqué d’être relevée par les critiques les plus perspicaces. Dans son article du Monde, Hector Bianciotti caractérisait ainsi le premier roman de Lippert : « Un rêveur veut, ici, saisir l’ombre et poursuivre le vent, mû par une volonté farouche de redonner une dimension sacrée à la fraternité entre les hommes. Tout en sachant que, pour le mieux, il n’aurait droit qu’à une sublime défaite, et que, de nos jours, le mélancolique destin des épopées est de tourner, aussitôt rêvées, à l’éphémère chronique » (28 novembre 1990). De fait, entre utopie et danse sacrée, Lippert inscrit dans l’inextinguible volupté du langage les élans d’une nature indomptée.

Œuvres :

297(sous le pseudonyme d’Anatole Atlas : )

298– Manuscrits de la Mère-Rouge. Éd. Sphère convulsiviste, 1985.

299– Autopsie du XXe siècle. Éd. Sphère convulsiviste, 1986.

300– Transe pour retrouver le sens du devenir. Éd, Sphère convulsiviste, 1987.

301– L’Au-delà est là Éd. Sphère convulsiviste, 1988.

302_ Mémoire du temps. Éd. Sphère convulsiviste, 1990.

303(sous le nom de Jean-Louis Lippert ;)

304– Pleine lune sur l’existence du jeune bougre. Paris, Messidor, 1990.

305– Mamiwata. Bruxelles, Talus d’approche, 1994.

M

NICOLE MALINCONI

306Née à Dinant le 20 mars 1946, enfant unique d’un père italien, garçon de café, et d’une mère belge, sans profession, N.M. se dit surtout de langue française. Le temps de l’école primaire, elle suit ses parents en Toscane où son père tente une nouvelle expérience professionnelle, mais celle-ci ramène finalement la famille en Belgique en 1958. N.M. achève ses humanités modernes chez les Sœurs de Notre-Dame à Dinant en 1964. À l’École Sociale de Namur, elle est diplômée assitante sociale en 1967. Elle a fréquenté l’Académie pour le piano, instrument auquel elle se remettra plus tard.

307D’abord assistante sociale dans la région de Gedinne, N.M. s’établit à Namur suite à un besoin de changement, et travaille à la Maison de la Culture. Après avoir participé à un centre d’animation dans la Basse-Sambre, elle vit à Namur et travaille durant plusieurs années à la Maternité Provinciale où elle collabore avec le Dr Peers, ensuite dans un Centre de Guidance psycho-sociale, enfin à la Maison de la Poésie et au Musée Félicien Rops.

308Mère de deux enfants, N.M. se dit aujourd’hui sans appartenance religieuse, politique ou philosophique. Elle conçoit plutôt son travail d’écrivain comme un exercice solitaire, et comme sa « planche de salut ».

309Son premier manuscrit. Hôpital silence, inspiré par l’expérience vécue à la Maternité, est déposé aux Editions de Minuit. Jérôme Lindon l’adopte et le publie, aux côtés de L’Établi de R. Linhardt et comme son pendant féminin, dans une collection de témoignage au statut hybride. L’accueil est favorable : le livre est sélectionné pour le prix Rossel.

310Marguerite Duras avait reçu le manuscrit et s’est réjouie de la publication, notamment dans un compte rendu qui servira de préface à la réédition du livre. Hôpital silence manifeste une poétique du « non abouti de la langue » ; ce phrasé retenu se retrouvera dans L’Attente, que Lindon jugea trop mince pour un roman, et qui fut publié à Bruxelles par J. Antoine ; et dans Nous deux, d’inspiration autobiographique, qui paraitra aux Éperonniers. Ce roman. Prix Rossel, vaudra à N.M. une reconnaissance plus officielle : elle sera notamment invitée à la la Foire du Livre à Québec.

311Une pièce. Elles, tissée à partir de ces trois textes par Nicole Colchat, mise en scène par José Besprosvany, est créée à Namur en mai 1996 et représentée ensuite à Paris au Centre Wallonie Bruxelles. N.M. ne se présente pas comme féministe, mais conçoit son écriture « du côté du féminin », c’est-à-dire de ce qui « laisse une place au non-dit ». Elle se retrouve en particulier dans un livre comme L’Excès, l’usine de Leslie Kaplan, mais aussi dans les œuvres de Beckett, Savitzkaya, Sarraute, Ponge. Le Réel, – en particulier la scène dés-humanisante de l’hôpital, mais non seulement –, hante cette œuvre et la place sous le signe d’un manque toujours en partie indicible, toujours dit cependant.

Œuvres :

312– Hôpital silence. Paris, Minuit, coll. Documents, 1985, 135 p.

313– L’Attente. Bruxelles, J. Antoine, coll, Le Vice impuni, 1989, 101 p.

314– « Rose, sur la photo », dans Écriture (Lausanne), n° 36, aut. 1990, pp. 35-40.

315– Nous deux. Bruxelles, Les Éperonniers, coll. Maintenant ou jamais, 1993.

316– Traces. [Six textes à partir de six peintures de Christine Nicaise], Bruxelles, L’Ambedui, 1992, 23 p.

317– Hôpital silence. Suivi de L’Attente. Préface de M. Duras. Lecture de J.-M. Klinkenberg. Bruxelles, Labor, coll. Espace Nord n° 110, 1996, 211 p.

318– Da Solo. Bruxelles, Les Éperonniers, 1997.

319– Rien ou presque. Id., 1997.

À consulter :

320– Rital-littérature. Anthologie de la littérature des Italiens de Belgique (1946-1996). Coordonné par A. Morelli. Cesdei – Cuesmes, Éd. du Cerisier, 1996, 214 p.

SERGE MEURANT

321Né le 8 février 1946 à Ixelles, S.M. est issu d’une famille d’artistes. Son père, René Meurant Fut un familier de Charles Plisnier et de l’équipe du Journal des Poètes qu’il contribua à fonder. Poète, puis folkloriste, il fut employé au Crédit Communal où il acheva sa carrière en animant les activités de Pro Civitate. Sa mère, Elizabeth Ivanovsky, née en 1910 à Kichineff (Moldavie), fit ses études à la Cambre où elle rencontra notamment Herman Teirlinck, son professeur, et Franz Hellens qui l’aida à s’installer en Belgique. Affichiste, dessinatrice de costumes, elle se spécialise dans l’illustration de livres pour enfants.

322S.M. a effectué ses humanités gréco-latines à l’athénée Robert Catteau, puis ses études de philologie romane à l’ULB de 1964 à 1968. Il travaille un temps à l’Institut de Sociologie de l’ULB, puis au Théâtre-Poème tout en préparant des émissions sur le folklore à la RTBF. Il donne des cours d’alphabétisation en milieu émigré sous l’égide de la FGTB. En 1977, il entre au Ministère de la Culture, dans le service de la Lecture publique d’abord, puis à la Direction de l’Audiovisuel où il assume depuis 1986 le secrétariat de la Commission cinématographique. Il a deux filles qu’il élève seul depuis 1987.

323Excepté quelques préfaces et écrits sur l’art, l’œuvre de S.M. est exclusivement vouée à la poésie, sans doute, dit-il avec une légère ironie, par incapacité à écrire de la fiction. Publiés à compte d’auteur jusqu’en 1985, les recueils de S.M. se distribuent de la main à la main. Malgré un prix de la Ville de Bruxelles en 1976, ils restent confinés dans la discrétion qui sied à l’anticonformisme de l’écrivain.

324Ses textes denses, souvent dépourvus de titre, s’apparentent plutôt à une scansion de la vie intérieure, une manière de comprendre et donc de supporter le réel. Confronté très jeune à la poésie transitive de son père, dont la foi humaniste s’accommodait mieux de la recherche de la communion lyrique que du dévoilement personnel, S.M. fixe les bornes exigeantes d’un langage dense, attentif aux sonorités, à. la musique des mots et surtout à la visualisation des images. Cette grande économie de moyens s’allie avec les paysages minéraux et désertiques, avec les natures mortes, les mouvements lents et têtus de la résistance et de la verticalité. Les recueils qui rappellent discrètement la période la plus douloureuse de la vie de S.M., Tête perdue et Supplie anonyme ce dos, évoquent un espace dur, pris entre clôture et bouleversement. Solstices indique une plus grande recherche de simplicité dans l’expression, qui va de pair avec une clarté retrouvée et une réconciliation avec les hommes comme en témoigne le très beau texte intitulé « Mes amis ». Cette tendance se confirme encore depuis Passage lumière. Par ailleurs, la sensualité discrète de Mais l’insensibilité grande – dont Pierre Bartholomée s’est inspiré pour composer son quatuor à cordes « Brasier de neige » (1987) –, la chronique familiale que laissent entrevoir Dévisagé on Solstices, l’ironie de la très belle « Célébration de la main gauche » dans Dévisagé suggèrent qu’au sein de l’espace restreint qu’il a choisi pour articuler sa liberté créatrice, l’œuvre de Meurant sait diversifier son propos.

Œuvres :

325– Le Senlimint étranger. Saint-Front-sur Lémane, Centre culturel et artisanal de Bonaguil, 1970.

326– Au bord d’un air obscur. Bruxelles, Fagne, 1971.

327– Devant neige attablés. Bruxelles, Transédition, 1974.

328– Mais l’insensibilité grande. Bruxelles, Le Cormier, 1975.

329– Souffles. Bruxelles. Le Cormier, 1978.

330– Vulnéraire. Bruxelles, Le Cormier, 1981.

331- Dévisagé. Bruxelles, Le Cormier, 1984.

332– Étienne et Sara. Bruxelles – Montréal, Éditions du Noroît – Le Cormier, 1984 (en collaboration avec Pierre Hébert).

333– Tête perdue Bruxelles, Le Cormier, 1985.

334– Supplie anonyme ce dos. Roubaix, Brandes, 1988.

335– À perte de vue, la lumière. Amay, Maison de la Poésie, coll. Le Buisson ardent, 1991.

336– Brasier de neige Paris, Éditions de la Différence, 1993,

337– Solstices. Amay, L’orange bleue éditeur, 1995.

338– Nature morte. Amay, Maison de la Poésie, 1996.

339– Passage lumière. Bruxelles, La Pierre d’Alun, 1996,

NADINE MONFILS

340Née à Bruxelles le 12 février 1953 d’un père ambassadeur, N.M. fréquente l’école sans enthousiasme, ce qui ne l’empêchera pas d’exercer à son tour les métiers d’institutrice, puis de professeur de morale. Mais, sans véritable vocation pour l’autorité, elle échange bien vite le bic rouge contre la plume et collabore en tant que journaliste à Privilèges, Tel Quel et Père Ubu où elle tient la critique littéraire. Elle monte également sur les planches dans le cadre du Théâtre Wallon, expérience qui lui donnera l’envie de s’atteler à l’écriture dramatique, et s’occupe pendant sept ans d’une galerie d’art à Bruxelles, qu’elle quitte pour s’installer à Paris où elle vit à l’heure actuelle, à Montmartre. Mariée et divorcée deux fois, mère de deux garçons, elle se dit aujourd’hui tout simplement amoureuse.

341C’est en 1981 qu’elle publie son premier livre à Bruxelles : Lauru. Colombe. Contes pour petites filles perverses. Ce volume, bénéficiant d’une postface de Thomas Owen que Nadine Monfils considère comme son véritable père spirituel, est remarqué par la critique Ces contes teintés de surréalisme, mélange d’érotisme et de fantastique, mêlent poésie et trivialité, merveilleux et dérision, tout en développant une dimension réflexive qui souligne les pouvoirs et les limites de l’écriture.

342Suivent une série de romans, marqués par la même inspiration, dont La Velue qui obtient le prix de l’Académie de Belgique en 1984. Ainsi que des œuvres dramatiques qui ont été jouées à Bruxelles, comme Une hirondelle en hiver (Minuscule théâtre, 1985), Il ne faut pas parler d’amour aux cadavres qui ont les ongles peints en rouge (monté en 1986 au Botanique dans le cadre du festival homosexuel), La Vieille Folle (Palais des Beaux-Arts, 1992) et Moi, toute petite, mourir un jour (Espace Senghor, 1994).

343En 1992, elle s’essaie à d’autres genres comme le roman historique avec Les Fleurs brûlées, et le roman humoristique avec La Vieille Folle, récit émaillé d’expressions bruxelloises qui fait l’objet d’une adaptation théâtrale au Palais des Beaux-Arts avec Suzy Falk et Stéphane Steeman. Une petite douceur meurtrière, paru en 1995 dans la Série Noire, transpose l’univers enchanté et cruel des contes dans le domaine du polar où se côtoient vieilles dames indignes, fillettes impudiques, ogres affamés de chair fraîche et animaux bavards dans un véritable jeu de massacre où le cynisme rencontre la critique sociale.

Œuvres :

344(contes : )

345– Laura Colombe. Contes pour petites filles perverses. III. par Léonor Fini. Bruxelles, Le Cri, 1981.

346– Contes pour petites filles perverses. Monaco, Éd. du Rocher, 1995.

347– « La. Vie en rose », dans Sanguines. Ottiginies, Quorum / RTBF, 1995,

348(romans : )

349– Peau de papier. Bruxelles, Le Cri / Vander, 1982.

350– La Velue III. par Raymond Moretti. Monaco, Éd. du Rocher, 1984.

351– Grimasques. Monaco, Editions du Rocher, 1985.

352– Les Fleurs brûlées. Bruxelles, Casterman, 1992.

353– La Vieille Folle. III. par René Follet. Bruxelles, Lefrancq, 1992.

354– Une petite douceur meurtrière. Paris, Gallimard, coll. Série noire, 1995.

355– Rouge fou. Paris, Flammarion, 1997.

356– Contes frae petites filles criminelles. Éd. Blanche, 1997.

357(théâtre : )

358– Une Hirondelle en hiver. Bruxelles, Minuscule théâtre, 1985.

359– Il ne faut pas parler d’amour aux cadavres qui ont les ongles peints en rouge, III. par Enem. Bruxelles, Triangl, 1986.

360– La Vieille Folle. Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 1992.

361– Moi, toute petite mourir un jour (à paraître aux éditions Le Temps qu’il fait).

N

YVES NAMUR

362Né à Namur en juillet 1952, Y.N. passe une partie de son enfance à Mornimont (Basse-Sambre). Sa mère est femme au foyer ; son père, qui se destinait à la sculpture, exerce la profession de représentant. À partir de 1962, Y. N, achève ses primaires et ses humanités gréco-latines à l’abbaye de Floreffe, Grandi dans un milieu confessionnel, Y.N. a ensuite cultivé le doute (sinon l’ignorance) et se définirait aujourd’hui comme agnostique ; ceci n’a pas empêché la critique de rapprocher ses poèmes de la tradition mystique orientale.

363En 1970, il s’inscrit en Médecine à Louvain, mais suit aussi les cours de Philo et lettres. Il y rencontre F. Damremark, F. Emmanuel, etc. Il publie en 1971 Soleil à l’échafaud, auquel il reproche aujourd’hui son verlainisme. Le prix Casterman lui est décerné en 1974, D’au très suivront, parallèlement à la traduction de plusieurs recueils. Une anthologie personnelle paraitra à Lisbonne en 1997, dans une traduction de Nuno Judice.

364Docteur en médecine, Y. N, exerce depuis 1977 à Châtelineau. Il fonde en 1984 les éditions Le Taillis Pré, qui « s’ouvrent sur le monde » : au catalogue figurent e.a. les noms de l’Argentin R. Juarroz et du Portugais A. Ramos Rosa, mais aussi du Libanais S. Stétié et du Français Y. Broussard. Parmi les Belges : F. Verhesen, Ph. Jones, J.-L. Wauthier, E. Brogniet, C. et A. Miguel.

365Les deux derniers recueils portent à l’explicite une démarche qui n’a cessé de questionner les fondements et les incertitudes de la parole. Une forme de complétude, de justice ou de justesse semble paradoxalement l’horizon de cette « errance ». Horizon inaccédé mais présent, auquel on peut se rendre avec une parole dans les failles. Précédemment, des recueils comme Le Voyage en amont de () vide avaient davantage eu recours à des formes langagières et graphiques qui inscrivaient par elles-mêmes les thèmes du Vide et du Rien.

366Deux recueils se détachent quelque peu de cet ensemble très homogène : L’Auberge à manger le temps et les Trente-trois poèmes pour une petite cuisine bleue, entre autres dédiés au chef Pierre Romeyer ; ces « évocations gourmandes » cultivent les signes matériels de l’être-au-monde, la cuisine étant, comme chez Goffette, le lieu d’un ravissement et d’une réconciliation. Le fond de sa démarche reste cependant la mise à distance, éventuellement ironique comme dans Papier journal pour myope, par rapport aux évidences « cartésiennes » ou seulement conventionnelles du langage.

Œuvres :

367[poésie et prose : )

368– De mémoire inférieure. Corbigny, Éd. Art et poésie, 1975.

369– Meule de pierre. Liège, La Soif étanche, 1975

370– Papier journal pour myope et saxophone. Éd. Le Dé bleu, 1975.

371– Lampes / Langue du borgne. Liège, La Soif étanche, 1975,

372– Des ossements Id., 1976,

373– À l’enne-deux. Awan-Aywaille, Éd. Fond de la Ville, 1977.

374– Le Voyage, l’obscène. Amay, L’Arbre à Paroles, 1984,

375– Le Toucher, le poème. La Souterrame, Éd. La Main courante, 1984,

376– L’Auberge à manger le temps. Académie du goût et de l’esprit culinaire, 1987.

377– L’Oiseau et l’effacement du jour. Valenciennes, Cahiers Froissart, 1990.

378– Fourrures de fourmis La Ferté-Milon, Éd. de l’Impatiente, 1990.

379– Ce long bavardage. Amay, L’Arbre à Paroles, 1990,

380– Le Voyage en amont de () vide. Id., 1990.

381– Fragments traversés en quelques nuits d’arbres et confuses. La Souterraine, Ed. La Main courante, 1990.

382– L’Amante. La Ferté-Milon, Éd. de l’impatiente, 1990.

383– Lettres à une autre. Paris, La Bruyère, 1991.

384– De fines bandelettes ou te domaine de l’oiseleur. Paris, Éd. du Charbon blanc, 1991.

385– La Parole oubliée, Id., 1991.

386– Trente-trois poèmes pour une petite cuisine bleue. La Ferté-Milon, Éd, de l’Arbre, 1991.

387– Fragments de l’inachevée Bruxelles, Les Éperonniers, 1992.

388– Le Livre des sept portes. Paris, Éd. Lettres vives, 1994,

389– Le regard et le nom de l’arbre ou le poème Paris, Éd, des Moires, 1996.

390– Une parole dans les failles. Echternach, Éd, Phi, 1997.

À consulter :

391– Carl Norac, Dossiers L n° 44/3, 1995.

392– Regards sur l’invisible. Bruxelles, Les Éperonniers, 1995.

AMÉLIE NOTHOMB

393Née le 13 août 1967, à Kobé au Japon, A.N. a choisi la littérature – comme son ancêtre Pierre, romancier du Prince d’Olzheim – pour prendre marque au sein de son illustre fa mille. Pékin, New York, Tokyo scandent son enfance au rythme des affectations diplomatiques paternelles, mais c’est à l’Université Libre de Bruxelles qu’elle fait halte pour des études de philologie romane. Diplôme en main, le retour au Japon se solde par l’expérience rédhibitoire d’un engagement de traductrice au service d’une importante société nipponne. Au terme de cette brève méprise, Bruxelles s’impose comme port d’attache, et la littérature, telle une vocation exclusive, dont les extravagances ne sont pas étrangères à la fascination suscitée auprès du public par celle qui reconnaît « avoir une légende à construire ». Rétive au mariage autant qu’à la maternité – passion littéraire oblige – la jeune femme consacre à l’écriture l’essentiel de son temps, partagé entre Bruxelles et Paris.

394Depuis les parodies romanesques universitaires, les manuscrits jonchent ses tiroirs lorsque A.N. songe à la publication. Dès 1992, un premier roman, Hygiène de l’assassin, trouve en Albin Michel l’éditeur fidèle de chaque automne. Le succès est immédiat, tout autant que la polémique, soulevés par les provocations d’une œuvre anticonformiste et d’une personnalité jouant à plaisir le jeu médiatique. Suivront quatre romans dont la prédilection pour la forme dialoguée suscite rapidement plusieurs mises en scène (Bruxelles, Paris, Lausanne) tandis que se multiplient traductions et prix littéraires – e.a. Prix Alain Fournier, Prix René Fallet, Prix de la Vocation, Prix Chardonne (1993), Prix des Libraires d’Allemagne (1994), Prix Giono (1995), Prix Franco-Européen, Prix du Hainaut, Prix Jouvenel de l’Académie Française (1996).

395D’Hygiène de l’assassin, affrontement cynique d’un vieil écrivain obèse contre l’inquisition journalistique, à Peplum, fable philosophique d’anticipation, du paradis infernal de l’enfance (Le Sabotage amoureux) au supplice de retraités paisibles par de monstrueux voisins (Les Catilinaires), la romancière poursuit une polémique à la fois révulsive et dévoratrice contre les valeurs en place, qu’elles régissent le savoir (de là son dédain pour les intellectuels contemporains et sa fascination pour les philosophes antiques), l’éthique ou l’esthétique. À rebours du manichéisme qu’elle entend dénoncer, elle substitue la jouissance perverse du monstrueux au culte du beau, le paradoxe provocateur et l’intertextualité ludique à la raison bien pensante. Cruauté, insolence, narcissisme incarnent dans ses fables d’ogres et d’anges une obsessionnelle nostalgie de l’enfance. Très cohérente apparaît dès lors sa focalisation sur l’oralité, qu’elle soit stylistique (A.N. a fait du roman dialogué un style en soi) ou fantasmatique (le sadisme alimentaire lui doit quelques pages d’anthologie). Moins convaincante, l’écriture de premier jet dont la logorrhée polémique sape trop souvent les potentialités subversives.

Œuvres :

396– Hygiène de l’assassin. Paris, Albin Michel, 1992

397– Le Sabotage amoureux. Id., 1993.

398– Les Combustibles. Id., 1994.

399– Les Catilinaires. Id., 1995.

400– Peplum. Id., 1996.

401– Attentat, Id., 1997.

LUCIEN NOULLEZ

402Né à Bruxelles (Etterbeek) le 13 mai 1957, L.N. se déclare wallon et attaché au Namu – rois dont ses parents sont originaires (père employé de banque, mère sans profession). Après des humanités à l’Institut Saint Thomas d’Aquin (1976), il y a terminé un régendat (1978). Mélomane averti, il a fréquenté pendant de très nombreuses années l’Académie (solfège et violon).

403Depuis 1978, L.N. est professeur de religion dans une école de l’Enseignement spécial professionnel des Marolles, De 1986 à 1992, détaché pédagogique auprès de l’asbl Jeunesse présente, il prend une part active à la revue Indications et se consacre, avec Geneviève Bergé et Jean-François Grégoire, à des animations littéraires, notamment sur les rapports entre littérature et spiritualité. L.N. professe accessoirement des enseignements ou des conférences sur ces questions.

404Citadin cycliste par plaisir d’être au monde et par méfiance à l’égard des modèles dominants, L.N. s’est marié en 1983 (une fille née en 1988). Il a renvoyé sa carte du F.D.F. depuis l’association de ce parti avec le P.R.L. Chrétien actif, il préfère vivre les interrogations religieuses à l’intérieur de l’Eglise plutôt qu’en dehors.

405Grand dévoreur de plaquettes, L.N. attend 1985, année où il assume la rubrique des inédits dans Textyles, pour publier, à compte d’auteur, Simples chercheurs. Le titre indique l’humilité de l’entreprise et sa forme parfois minimaliste. Un ton propre s’y manifeste déjà, marqué par une dimension territoriale (la terre mosane) et charnelle, de sorte que la béance d’exister y appelle une autre configuration du sens.

406Le recueil ne suscite guère d’échos, mais dès ce moment, les contacts se multiplient pour cette personnalité à la fois conviviale et rigoureuse. Les recensions que L.N. publie e.a. dans La Cité, Arpa, La Foi et le Temps sont remarquées autant que les poèmes qu’il donne par ailleurs dans la NRF, Le Sabord ou Estuaires, Membre éphémère du Fonds National des Lettres, il a codirigé une collection d’inédits chez B. Gilson (Voix Proches, n° 1 à 8) ; il collabore au Journal des Poètes et, de plus près, à l’organisation des Midis de fa Poésie. Son second recueil, Conjugaison de l’atelier, reçoit le Prix Casterman et Buisson le visiteur, le Prix Pollack ; Penouël, le prix Robert Goffin et La Veillée d’armes, le Prix Hubert Krains. Vivement encouragé à l’écriture par Gaspard Hons, salué par Liliane Wouters dans sa sélection des poètes de la génération 1958, L.N. se dit aussi redevable à l’égard de Michel Lambert, qui a favorisé son entrée à L’Age d’Homme. Il a également obtenu le Prix Maurice Carême de poésie 1997 pour son manuscrit Plus grand monde sur les gradins.

407Ouverte sur l’illumination métaphorique et sur de constants rappels à une réalité par elle-même questionneuse, la poésie de L.N. radicalise, avec l’appoint que confèrent à la fois l’expérience judéo-chrétienne de la visitation et ses doutes, le programme de René Char. Plus fluides et narratifs dans Penouël, les textes atteignent, dans La Veillée d’armes et Comme un pommier, une forme d’équilibre précaire : celle d’une parole restée poème.

Œuvres :

408– Simples chercheurs (poèmes). Bruxelles, Le Pairy, 1985, n.p., ill.

409– Conjugaison de l’atelier. Tournai, Unimuse, 1989, n.p.

410– Buisson, le visiteur (poèmes). Pastels de D. Descamps, Bruxelles, Le Pairy, 1989, 53 p.

411– Douze fusils. III. de D. Descamps. Soumagne, Tétras Lyre, 1992 (I ft plié).

412– Penouël. Poèmes. Lausanne, L’Age d’Homme, 1993, 83 p.

413– La Veillée d’armes. Couv. de Dacos. Id., coll. Contemporains, 1996, 101 p.

414– Comme un pommier. Id., 1997, 119 p.

O

JEAN-LUC OUTERS

415Né à Wezembeek-Oppem le 5 mars 1919, Jean-Luc Outers a étudié le droit à l’Université de Louvain. Il est le fils de Lucien Outers, député et ancien ministre FDF, grand défenseur de la cause francophone à Bruxelles, et lui-même écrivain. En 1973, il fonde à La Louvière, où il enseigne, une école secondaire pour enfants psychotiques. Il est actuellement directeur de la Promotion des Lettres au Ministère de la Culture et des Affaires sociales de la Communauté française de Belgique. Il est le père de deux enfants.

416Bien qu’écrivant depuis longtemps pour lui-même et ses amis, c’est à 38 ans que J.-LO. a publié son premier roman chez Gallimard, L’Ordre du jour, très favorablement accueilli par la critique. Sans plan préconçu, ce livre met en place ce qui peu à peu deviendra l’univers Outers, qui est fait d’un regard mi-ironique, mi-tendre sur le monde des fonctionnaires, de l’administration. Univers froid et urbain, mais qui constitue le tremplin d’une réflexion intimiste sur soi. Ainsi, Corps de métier, qui obtint le Rossel en 1992, raconte l’histoire d’un fonctionnaire. Carl, amoureux de Clarisse. Ce scénario, banal en apparence, est surtout l’objet d’une plongée dans l’intimité d’un corps qui n’est pas uniquement de métier, comme aime à le laisser entendre le titre du roman. Et c’est à une investigation plus intérieure encore qu’Outers se livre dans La Place du mort dont on a trop dit sans doute qu’il était un roman à caractère autobiographique. S’il y est en effet question de la difficile et quasi impossible relation du fils au père (un père hémiplégique et aphasique), cette fable, au rythme d’un voyage en voiture, est prétexte à une pénétrante réflexion sur le langage et la parole, l’échange et le dialogue, lesquels se voient constamment mis en défaut, voire en échec. Cette interrogation langagière, Outers la mène aussi au plan de l’écriture. Ses trois romans, qui ont connu auprès d’un large public un succès croissant, sont en effet traversés, avec des accentuations différentes et variées, d’un humour insolite et incongru, qui émane d’un regard ludique sur les choses et sur les mots, dans une Belgique qui cesse de s’écrire en creux.

Œuvres :

417– L’Ordre du jour. Roman. Paris, Gallimard, 1987 ; rééd. Actes Sud, coll. Babel, 1997.

418– Corps de métier. Roman. Paris, La Différence, 1992 (Prix Rossel).

419– La Place du mort Roman. Paris, La Différence, 1995.

P

JEAN-MARIE PIEMME

420Né le 16 novembre 1944, à Jemeppe-sur-Sambre, J.-M.P. vit à Bruxelles. Il a grandi dans le bassin sidérurgique liégeois ; son père est ouvrier à Cockerill, sa mère originaire de Hesbaye, est sans profession. Après une scolarité à l’Athénée Royal de Seraing, il fait des études de philologie romane à l’ Université de Liège. Intéressé par le théâtre, il suit le cursus de l’Institut d’études théâtrales à ta Sorbonne, où il rencontre Bernard Dort. De retour à Liège, J.-M.P soutient une thèse de doctorat sur les formes narratives et le contenu culturel des feuilletons télévisés (1974), La Propagande inavouée, puis il commence une double carrière d’analyste des médias, avec la publication de La Télévision comme on la parle (1978) et Télévision, enjeu sans frontières (1980), et de dramaturge, doublé d’un analyste du théâtre. Il crée avec Marc Liebens et Michèle Fabien l’Ensemble Théâtral Mobile. Il poursuit sa carrière de dramaturge dans d’autres théâtres comme le Varia ou le Théâtre Royal de la Monnaie entre 1983 et 1988, Comme analyste du théâtre, il écrit de nombreuses chroniques qui seront reprises dans Le souffleur inquiet en 1985. Il arrive à l’écriture en 1986 avec Neige en décembre, pièce pour laquelle il obtiendra plusieurs prix et qui sera créée au Théâtre de la Place à Liège en 1987. Suivront Sans Mentir et Commerce gourmand en 1989, puis Les Instituteurs immoraux, Le Badge de Lénine, Scandaleuses, Les Forts, les faibles, La Lettre à l’actrice, L’Air du soir, Trompe-l’œil, Tango-Tangage, la tétralogie Ciel et simulacre, la trilogie Pièces d’identité etc. Plus de vingt pièces, dont la plupart sont publiées et jouées. En 1990, J.– M.P reçoit l’Eve du Théâtre (Belgique) ; en 1991, le Prix Triennal de la Communauté française ; en 1992, le prix « Nouveaux Talents » de la SACD (France). En 1994, il reçoit le prix Radio-France International, pour Les Forts, les faibles, et le prix Herman Closson, SACD (Belgique). Dès 1988, J.-M.P enseigne à l’Université de Liège et à l’INSAS, Il est membre du Conseil Supérieur de l’Art Dramatique et fait partie du comité de rédaction des Cahiers de Prospéro, une revue française d’écritures dramatiques.

421Le théâtre de J.-M.P est un théâtre du retour au texte. A la limite du procédé romanesque, les œuvres de J.-M.P sont foisonnantes, l’écriture en est à la fois simple, dans son côté direct, dans une langue forte et précise, parfois didactique ; et complexe, tant elle recouvre des niveaux d’interprétation et de langage différents. Ironique certainement, J.– M.P utilise son savoir pour interroger le théâtre dans sa substance même, comme art vivant dans une société dominée par les médias audiovisuels. Sur le plan thématique, l’interrogation sur les différents éléments de l’histoire contemporaine est constante, souvent liée à des préoccupations sociales (xénophobie, magouille politique, question scolaire, chômage) dans un quotidien métaphorisé qui laisse toujours la trame du théâtre visible.

Œuvres :

422(essais : )

423– La Propagande innavouée. Paris, 10/18, 1975.

424– La Télévision comme on la parle. Bruxelles, Labor, 1978.

425– Télévision, enjeu sans frontières. Presses universitaires de Grenoble, 1980,

426– Le Souffleur inquiet. Bruxelles, Alternatives théâtrales, 1985.

427(théâtre publié en français : )

428– Neige en décembre. Paris, Acte Sud / Papiers, 1988.

429– Sans mentir Paris, Acte Sud / Papiers, 1989.

430– Sade, les instituteurs immoraux. Paris, Acte Sud / Papiers, 1989.

431– Commerce gourmand. Paris, Acte Sud / Papiers, 1991.

432– Le badge de Lénine. Paris, Acte Sud / Papiers, 1992,

433– Scandaleuses. Paris, Acte Sud / Papiers, 1994.

434– Les Forts, les faibles. Éditions Médianes, coll. Villégiatures, 1995,

435– La Lettre à l’actrice, dans Alternatives Théâtrales n° 47, 1994.

436– L’Air du soir, dans Cahiers de Prospéro n° 6, 1995.

437– Trompe l’œil, dans Journal des Bernardines, 1995.

438– « Les Chemins de Grenade », dans Sud, 1996.

439– Pièces d’identité. Éditions Médianes, coll. Villégiatures, 1997.

À consulter :

440– C. MIchel – Ciel et simulacre de J.-M.P. », Textyles, n° 13, 1995.

Q

MARC QUAGHEBEUR

441Né le II décembre 1947, ce fils aîné d’une famille catholique – le père est ingénieur de formation, la mère travaille dans l’usine familiale de chaussures et de pantoufles jusqu’à la naissance de son fils – fait ses études secondaires au Collège Notre-Dame de Tournai, sa ville natale. Après un certificat de philosophie au Séminaire de Bonne-Espérance, il effectue de brillantes études de philologie romane à l’U.C. L, que vient couronner en 1975 une thèse intitulée L’Œuvre nommée Arthur Rimbaud. Il est, jusqu’en 1976, stagiaire puis aspirant au F.N.R.S. et se destine à une carrière académique. Celle-ci est brisée en 1976, et M.Q. devient, en janvier 1977, attaché littéraire et théâtral au Ministère de la Culture française. Promu Premier attaché en 1986, puis Commissaire au Livre de la Communauté française de Belgique en 1989, il dirige notamment les Archives et Musée de la Littérature, anime les collections patrimoniales et assure la promotion des lettres belges à l’étranger.

442Au titre d’essayiste et d’historien, M. Q). a consacré, seul ou en collaboration, huit ouvrages et près de trois cents articles, notices, recensions ou écrits divers aux littératures de langue française, dont l’immense majorité à la littérature belge. Ces textes de haute tenue, qui ont largement contribué à renouveler le domaine, sont nourris d’une formation acquise aux sources diverses de la psychanalyse, de Sartre, du marxisme de l’École de Francfort ou de la philosophie de l’art.

443Revendiquant sa sensibilité « janséniste », M.Q. distille, dans neuf recueils de poésie, les échos retenus de ses bouleversements intérieurs, en particulier ceux qui ont été liés au décès, en 1977, de la femme qu’il avait épousée sept ans plus tôt. Leur forme resserrée, privilégiant le substantif et l’image sonore ou visuelle, contraste assurément avec le lyrisme et la tonalité souvent baroque des formules utilisées dans les écrits critiques. Faite pour être vue et dite, sa poésie en forme de stèle est d’abord un rythme. Elle joue des blancs et des silences, laissant au lecteur le soin et la liberté de s’approprier un texte volontairement élusif sur certaines de ses charnières. Trois œuvres en prose, Les Carmes du Saulchoir ainsi que les nouvelles « La Nuit de Yuste » et « Les Chemins de Grenade » indiquent pourtant des registres de langue où cet écart entre resserrement et expansion tend à s’amenuiser.

444Si ses fonctions lui interdisent de bénéficier d’une reconnaissance littéraire officielle, cet auteur au parcours atypique – « libre-penseur d’origine chrétienne », membre du parti socialiste, fidèle à la « pensée soixante-huit » malgré ses responsabilités institutionnelles – effectue ainsi un cheminement complexe, que renforcent des amitiés fidèles dans le monde littéraire (Kafisky, Willems, Bauchau, De Haes...) et d’exigeantes admirations (Bonnefoy, Celan, Dotremont...).

Œuvres :

445(poésie : )

446– Forclaz Paris, Oswald, 1976.

447– L’Herbe seule (en tête bêche avec Livrets de Franz De Haes). Lausanne, L’Âge d’Homme, 1979.

448– Chiennelures. Montpellier, Fata Morgana, 1983.

449– L’Outrage. Id., 1987.

450– Oiseaux. Bruxelles, Jacques Antoine, 1988.

451– A la morte. Montpellier, Fata Morgana, 1990.

452– Les Vieilles. Ayeneux-Soumagne, Tétras Lyre, 1991.

453– Fins de Siècle Amay, L’Arbre à paroles, 1994.

454– L’Effroi L’Errance. Ayeneux-Soumagne, Tétras Lyre, 1994.

455(prose : )

456– Les Carmes du Saulchoir. Sept promenades avec des photographies de Marc Trivier, Toulouse, L’Éther vague, 1993.

457– « La Nuit de Yuste ». dans L’Année nouvelle, Bruxelles, Les Éperonniers, 1993.

458– « Les Chemins de Grenade », dans Sud, 1996.

459(principaux essais : )

460– « Balises pour une histore de nos lettres », dans Alphabet des lettres belges de langue française Bruxelles, Association pour la promotion des lettres belges, 1982, pp.2-202.

461– Lettres belges entre absence et magie. Bruxelles, Labor, coll. Archives du futur, 1990.

462– Un pays d’irréguliers. Id., 1990.

À consulter :

463– Revue Source, dossier coordonné par Christine Snappe, mai 1994.

R

PATRICK ROEGIERS

464Né à Ixelles, le 22 septembre 1947, P.R. est issu d’un milieu francophone de la moyenne bourgeoisie bruxelloise ; son père est journalisle et sa mère élève ses quatre enfants. Élevé dans la religion catholique, il fait ses études gréco-latines au Collège Saint-Pierre à Uccle, où il s’initie notamment au théâtre. Il est diplômé de l’Institut des Arts de Diffusion en 1968, Il est célibataire et père de deux enfants.

465Comédien puis metteur en scène de 1968 à 1974, P.R. est l’auteur de deux pièces présentées à Avignon en 1974 (Hamlet et les sept nains et Des trous dans les nuages), d’un spectacle notoire intitulé Pauvre B...! et de deux autres œuvres inédites [Dürer et Vésale, 1996). Fondateur, animateur et directeur du Théâtre Provisoire de 1974 à 1981, date à laquelle le Ministère de la Culture suspend sa subvention, il s’installe l’année suivante à Paris où il entame une brillante carrière de chroniqueur photographique [dans Révolution, Le Monde, Le Jardin des modes) et de critique littéraire (Le Matin, 1984-85). Nombre de ses critiques ont été publiées en volumes. P.R. réalise également plusieurs films, toujours dans le domaine de la photographie, et consacre des essais à Lewis Carroll (Créatis, 1982), Diane Arbus (Paris, Ed. du Chêne, 1985) ou Bill Brandt (Paris, Belfond, 1990). Il publie également sept ouvrages illustrés, depuis Visages d’Alice (Paris, Gallimard, 1983) jusqu’à Denise Colomb (Paris, La Manufacture, 1992).

466En 1990, P.R. publie son premier roman – Beau regard – dans la collection Fiction & Cie dirigée par Denis Roche aux Éditions du Seuil, auxquelles il reste fidèle. Son troisième ouvrage de fiction, Hémisphère Nord, est distingué par le Prix Rossel en 1995.

467Beau regard dessine le portait d’un personnage maniaque qui ne mange que des homards. D’emblée, ce premier récit, où la dissection gastronomique s’impose comme la métaphore d’un comportement humain, annonce la technique du « miroir grossissant » que l’auteur utilise dans ses textes ultérieurs. Ceux-ci sont entre autres des biographies d’artistes imaginaires, des romans de formation dans la tradition germanique. Leurs héros semblent tous mus par une manière d’instinct tyrannique, traduisant, dans leur domaine de création, le chant, la peinture, un besoin d’explorer méticuleusement les arcanes de leur monde intérieur. Avec une non moindre netteté, dans une relation mimétique qui fait progresser le récit, le narrateur dépeint leur évolution, depuis les limbes du milieu familial jusqu’à la mort, terme dernier où leur élan propre s’abolit tout en instaurant le règne de la langue qui en rendra compte. Ces textes complexes, exigeants, inscrivent la rigueur de leur construction abstraite et mathématique dans une précision toute picturale, A l’instar de certaines transpositions d’art de la fin du XIXe siècle, ils trouvent leur équilibre dans une duplication paradoxale où la culture livresque et les références encyclopédiques de l’auteur se conjuguent, de manière étrangement fluide, à l’élan lyrique, voire romantique, d’une écriture impeccablement maîtrisée.

Œuvres de fiction :

468– Beau regard. Parts, Éditions du Seuil, 1990.

469– L’horloge universelle. Paris, Éditions du Seuil, 1992,

470– Hémisphère Nord, Paris, Éditions du Seuil, 1995.

471_ L’artiste, la servante et le savant Deux monologues, Paris, Éditions du Seuil, 1997.

S

ANDRÉ SEMPOUX

472Né à Uccle, le 31 octobre 1935, d’un père wallon, expert-comptable, et d’une mère bruxelloise, A.S. passe son enfance et son adolescence à Bruxelles (études secondaires à l’Athénée de Saint-Gilles) avant d’entamer, à Liège, des études de philologie romane ; il est proclamé docteur en philosophie et lettres de cette université en 1962. Après avoir occupé, durant une année (1958-59), un poste de bibliothécaire à l’Academia Belgica (Rome), il enseigne dans le secondaire, avant d’être nommé professeur aux facultés de Namur, puis à l’Université Catholique de Louvain, où il est titulaire, depuis une trentaine d’années, de la chaire de langue et de littérature italiennes. 1 ! publie, dans ce cadre, de nombreuses études critiques et notamment, cette année, une histoire de la littérature, « somme de toute une vie ».

473Simultanément, A.S. s’adonne à la poésie, produisant une œuvre confidentielle. L’amitié très forte qui le lie à René Carcan joue ici un rôle décisif : les gravures de Carcan sont pour lui une véritable source d’inspiration et les poèmes qu’il publie dans Un soleil d’arbres blancs (1970) et Térèbre (1980) leur répondent, pour la plupart. En 1988, avec la publication du Congressiste, un court récit, A.S. fait ses armes dans le genre de la nouvelle, genre qui lui donnera une reconnaissance institutionnelle et un public large, en 1994, avec la sortie de Petit Judas, un recueil de nouvelles qui reçoit le prix Sander Pierron de l’Académie. La publication de ce recueil marque, aux yeux d’A. S, lui-même, une étape : elle en fait en quelque sorte un écrivain à part entière, qui se reconnaît comme tel, désire construire une œuvre et accepte de prendre place dans le champ institutionnel. Les textes se succèdent désormais à un rythme plus rapide : Le Dévoreur, premier roman, paraît en 1995 ; L’Aubier, poème en neuf chants, sort en 1996, signalant la poursuite de la voie poétique.

474L’écriture d’A.S. se caractérise par sa grande économie de moyens. Dans Petit Judas, elle s’ancre dans l’intériorité secrète et la petitesse du quotidien : un léger accroc du destin suffit à ouvrir les portes de l’étrange et à tracer le chemin de la fiction. Le motif de la trahison, pris dans de multiples variations, ne donne lieu à aucun jugement ; il semble tisser la vie même. Chaque nouvelle se ferme sur un moment choisi, une sorte de pointe. Le Dévoreur se déploie dans la continuité de ce recueil, mais il interroge, plus douloureusement, la mémoire d’une époque trouble. L’écriture épouse les méandres d’une rhétorique de l’aveu (le narrateur étant dévoré par son secret : son père fut collaborateur) et la pointe finale fait place ici à une sorte de suspension du récil, qui se clôt sur plusieurs fins, créant l’attente ou l’embarras du lecteur, A.S. porte une attention particulière aux rythmes d’écriture, comme en témoigne encore L’Aubier, où les chants longs et courts alternent pour dire la vie et la mort de l’ami, René Carcan.

475Les drames de l’« affaire Dutroux » lui ont inspiré son dernier recueil de textes brefs. Des nouvelles de Judas (1997), tandis que La Wallonie, tintin !, sous-titré « Un cauchemar », utilise les voies de l’anticipation pour évoquer autrement encore l’actualité.

Œuvre :

476– Un soleil d’arbres blancs. Bruxelles, A. De Rache, 1970.

477– Térèbre. Liège, Odradek, 1980.

478– Le Congressiste. Bruxelles, Ém, Van Balberghe, 1988 ; trad. italienne : Il Congressisto. Naples, Procaccini, 1992.

479– Petit Judas Bruxelles, Les Éperonniers, coll. Maintenant ou jamais, 1994.

480– Le Dévoreur. Bruxelles, Les Éperonniers, coll. Maintenant ou jamais, 1995.

481– L’Aubier. Bruxelles, Les Éperonniers, coll. Feux, 1996,

482– "Pria die passin mill’anni ». Una storia della letteratura italiana. Bruxelles, Ém. Van Balberghe, coll. Documenta et Opuscula, 1996.

483– Des nouvelles de Judas. Bruxelles, Les Éperonniers, 1997.

484– La Wallonie, tintin ! Un cauchemar. Bruxelles, Libr. É. van Balberghe, 1997.

RENÉ SWENNEN

485R.S. eal né à Liège le 5 janvier 1942. Docteur en droit, il est assistant de 1965 à 1969 à l’Université de Liège, avant d’être avocat aux barreaux de Liège puis de Paris. R.S. est aussi un défenseur acharné d’une Wallonie qu’il souhaite rattachée à la France. Marié, il est le père de trois enfants. C’est en Provence qu’il écrit, chaque été, ses romans, se partageant le reste de l’année entre Liège et Paris.

486La carrière littéraire de R.S. commence en 1979 avec un roman qu’il consacre à l’opéra de Donizetti, Don Sébastien, roi du Portugal. C’est le point de départ d’une veine biogra – phico-historique que le romancier, autant que l’essayiste et le dramaturge, ne cessera d’exploiter. S’il ne fait pas à proprement parler œuvre d’historien, R. S, aime à revisiter l’histoire qu’il injecte de son imaginaire romanesque. Ainsi Palais-Royal se passe sous la révolution française. Edouard Manet est le héros de La nouvelle Athène (ancienne appellation de l’actuel quartier Saint-Georges à Montmartre) qui évoque la bohème impressionniste. Les Trois Frères, prix Rossel 1987, retrace l’itinéraire des deux fils d’un aristocrate autrichien émigré en Belgique après la chute des Habsbourg. Le Roman du linceul a pour décor la France chevaleresque du XIVe siècle. Sa pièce de théâtre également, créée en 1993 au festival de Stavelot, Le soleil et le mousquetaire, est d’inspiration historique, mettant en scène Fouquet et d’Artagnan. R.S. est l’auteur d’un pamphlet, Belgique-Requiem, qui fit grand bruit dans la presse de 1980.

487Esthétiquement, l’œuvre de R.S. plonge ses racines dans la tradition romanesque du XVIIIe siècle : son style est clair, vif et précis, au service d’une intrigue le plus souvent linéaire. Une écriture classique, en somme, qui a valu à R.S. d’entrer rapidement dans les grandes écuries éditoriales de Paris : Julliard, Grasset et Gallimard, et de remporter plusieurs prix importants en Belgique et à l’étranger.

Œuvres :

488– Don Sébastien, roi du Portugal. Roman. Paris, Julliard, 1979.

489– Palais-Royal. Roman. Id., 1983.

490– La Nouvelle Athène. Roman. Paris, Grasset, 1985.

491– Les Trois Frères. Roman, Id., 1987.

492– Roman du linceul. Roman. Paris, Gallimard, 1991 ; rééd. coll. Folio, 1993,

493– Le Soleil et le mousquetaire. Théâtre. 1993.

494– Belgique-Requiem, Essai. Paris, Julliard, 1980.

T

BERNARD TIRTIAUX

495Né à Fleurus le II avril 1951 dans une famille de médecins et d’ingénieurs, B.T. se distingue très vite par un engouement pour la magie de la lumière qui l’entraîne dès ses quinze ans sur les routes de France, Il achève cependant ses humanités gréco-latines et ses études de droit avant de se consacrer au dessin, à la peinture et à la gravure qu’il étudie parallèlement à l’Académie des Beaux-Arts de Louvain, Un bref passage à l’Institut Supérieur Artistique de la Cambre précède son apprentissage itinérant auprès d’artisans français. Il exécute ainsi d’importants travaux de verrerie au village médiéval de La Hume, au château de Couzeix, ou à la synagogue de Livry-Gagnan, entre autres, avant d’installer son atelier à la ferme de Martinrou, en 1975. Depuis lors, il y a aménagé deux théâtres qu’il dirige conjointement avec Pascale, son épouse. « Vitraillier » depuis ses vingt ans, père de trois enfants, il déploie son énergie peu commune en tant qu’auteur, acteur, metteur en scène, chanteur et compositeur.

496Si son premier roman, Le Passeur de lumière ne paraît qu’en 1993, le rapport à l’écriture s’inscrit beaucoup plus tôt dans le parcours de B.T., et plonge ses racines dans l’art dramatique. Président du Théâtre Universitaire de Louvain, de 1970 à 1974, il crée La Machination d’Henry Bauchau, son oncle, avant de monter La Profanation, sa première pièce, écrite avec son frère François Emmanuel. Il fondera encore deux autres compagnies : le Théâtre du Heurtoir (avec F.E., en 1976) et la compagnie du Banc Public (en 1981), avec lesquelles il créera plusieurs de ses pièces. Le Passeur de lumière, entamé dès 1987, s’inscrit naturellement dans une quête de l’harmonie lumineuse entreprise dès l’adolescence. La conception du héros, l’orfèvre hutois Nivard de Chassepierre, vise à combler un manque par la création d’une figure légendaire dans laquelle les verriers puissent se reconnaître. En ce sens, B.T. définit son livre comme « la réflexion philosophique d’un artisan ». Le succès rencontré par son initiative a été entériné, e.a., par le Prix Point de Mire, le Prix Lire et Élire, le Prix des Lycéens, Quant à son deuxième roman, Les Sept Couleurs du vent, il a remporté de même le Prix littéraire du Quartier Latin, le Prix « Relais H » du roman d’évasion et le Prix des auditeurs de la RTBF.

497Fruits de recherches historiques et d’un savoir d’homme de métier, les romans de B. T, s’ancrent dans le monde des artisans et des bâtisseurs, La profusion de détails et d’ornements est emportée par le souffle épique d’un récit écrit d’une seule foulée. Les scènes fortes et enlevées, très visuelles, où le geste traduit à lui seul l’intériorité, sont campées avec brio par un auteur forgé autant par le travail manuel que par le goût des mots, et aussi â l’aise sur les planches que dans la solitude de l’atelier. Écrivain instinctif et sensuel, B.T. entend donner chair en révélant sa chatoyance dans le respect de la forme classique.

Œuvres ;

498(romans : )

499– Le Passeur de lumière. Paris, Denoël, 1993,

500– Les Sept Couleurs du vent Id., 1995.

501(théâtre : )

502– La Loge. Créée en 1981.

503– Tecun-Uman.

504– Westerbork 43. Créée en 1991.

505« Rose-Monde.

506– L’Ermite.

507(chansons publiées sur disques :

508– Chansons tirées de La Loge.

509– Gris-vert, Gris-bleu.

510– Allumette.

511– Entre le ciel et l’ombre.

JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT

512Romancier et cinéaste, J.-Ph. Toussaint est né à Bruxelles en 1957. Son père, Yvon Toussaint, a longtemps été rédacteur en chef du quotidien Le Soir ; sa mère est libraire à Ixelles. Depuis 1971, il vit en France.

513Il fait des études à l’institut des Sciences politiques à Paris (1978), puis obtient un D.E.A. en histoire contemporaine (1979). C’est à cette époque qu’il se met à écrire, après avoir découvert Flaubert, Kafka et Beckett. De 1982 à 1984 il enseigne en Algérie, dans le cadre de la Coopération belge au Développement. Il s’installe ensuite en Corse, où il vit actuellement avec sa femme et son fils jean.

514C’est en 1985 que J.-Ph. T. se révèle au grand public, avec un court récit paru aux éditions de Minuit, La Salle de bain. Salué par la critique (et notamment Michel Polac dans « Droit de réponse ») comme le roman des années 80, il obtient un succès notamment auprès des jeunes générations de lecteurs. On le compare à L’Etranger tout autant qu’on le qualifie de « nouveau nouveau roman », En 1986, un second roman. Monsieur, recueille un succès plus mitigé. L’Appareil-photo en 1989, puis La Réticence en 1991 prolongent dans des décors interchangeables (Créteil, Paris, Milan...) le même univers. Plus ample, son dernier roman, La Télévision, met en scène un « héros » qui décide de bouleverser son quotidien en éteignant son poste de télévision.

515Rare, l’œuvre de J.-Ph. T. est marquée par une forte unité de ton qui mêle froideur, détachement et humour. Refoulant toute dramatisation psychologique et toute profondeur philosophique, ses récits captent des personnages dans l’instant et se déroulent sur fond d’une intrigue qui se refuse à prendre les reliefs et les accents romanesques : pas de passion, pas de projet, pas d’histoire, mais l’évocation, à travers un personnage solitaire et oisif, d’une durée immobile, d’un être-là désespéré. Une littérature du vide et de l’absence en quelque sorte, que l’on a vite rapproché d’une certaine indétermination propre aux sociétés post-modernes.

516J.-Ph. T. est aussi cinéaste, et l’écriture de ses films est intimement liée à celle de ses romans, notamment en ceci qu’elle privilégie le travail des plans, la saisie des instants et une poétique du regard. En 1989, John Lvoff met en scène La Salle de bain, avec Tom Novembre, L’année suivante, le romancier tourne lui-même, dans une production franco-belge, Monsieur. Il adapte en 1992 L’Appareil photo, sous le titre La Sévillane, avec entre autres Tom Novembre et Jean Yanne.

Œuvres :

517– Salle de bain. Paris, Minuit, 1985.

518– Monsieur. Id., 1986.

519– L’Appareil-photo. Id., 1989,

520– La Réticence. Id., 1991.

521– La Télévision, Id., 1996.

À consulter :

522– Fiffke Schoots, « Passer en douce âla douane », dans L’Écriture minimaliste de Minuit. Amsterdam, Rodopi, 1997.

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Pour citer cet article

Référence papier

Comité de rédaction de Textyles, Laurence Brogniez, Yves Dusausoit, Heinz Klüppelholz, Cécile Michel et Michel Voiturier, « Alphabet »Textyles, 14 | 1997, 122-158.

Référence électronique

Comité de rédaction de Textyles, Laurence Brogniez, Yves Dusausoit, Heinz Klüppelholz, Cécile Michel et Michel Voiturier, « Alphabet »Textyles [En ligne], 14 | 1997, mis en ligne le 12 octobre 2012, consulté le 18 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/2164 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.2164

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