Navigation – Plan du site

AccueilNuméros14Lettres du jour (II)Pornocratès ou Verheggen pris au mot

Lettres du jour (II)

Pornocratès ou Verheggen pris au mot

Danielle Bajomée
p. 27-38

Dédicace

Pour Monique Dorsel

Texte intégral

« Au déluge. Aux enfers. Au début. »
Arthur Rimbaud

  • 1  Petite bibliographie des écrits de J.-P. Verheggen, depuis 1980 :
    – Vie et mort pornographique de M (...)

1Entre lettre d’amour, poème incongru et récit égaré, égarant, c’est à un jeu d’épuisement des variations que nous assistons ici ; à une accumulation de postures graphiques qui ne peut se saisir qu’en termes de vascularisation1. Ce qui frappe d’abord, chez Verheggen, c’est qu’il s’agit toujours de textes énucléés ; dépourvus d’un vrai centre d’où se tisserait l’unité organique de l’œuvre. Ses écrits portent d’abord la trace d’une force qui ira par houles successives, par syncopes, éclater, de loin en loin, comme un sachet rempli d’air. Désordre, déséquilibre, tout démarre vite, et les mots roulent, se pressent, se bousculent, se téléscopent, disparaissent, revenant en écho, scindés, mutilés, incrustés de signes. Ils s’enchaînent, tourbillonnent sur eux-mêmes dans une suite ininterrompue d’interruptions haletantes. Dans le sillage du carnavalesque, dans la truculence, l’imprécation, la véhémence, les phrases en lambeaux claquent comme des coups de fouets, hérissés de pointes. Textes comme suites convulsives de morceaux déchiquetés, sans doute. Car écrire, pour Verheggen, c’est relier des fragments, des échantillons, des chutes. C’est disloquer les mots, les ouvrir au sens, encore et encore...

2Agrégats de vocables en archipel qui trouent le corps du langage usuel, excès, démesure, puissance, jeux et bouffonneries qui dérangent, déconcertent ou font sourire : Verheggen, et sa pluie continue de jeux de mots, est bien de la famille des Artaud, Joyce, Novarina, Prigent, et Nougé. Et sa curieuse façon de donner du bec contre le bois des mots n’est pas sans rappeler Céline dans ses pamphlets.

3Verheggen qui se définit joyeusement comme le fils naturel de Freud et d’Hergé, qui a troqué depuis quelques années son poste de professeur de français pour celui d’un haut responsable au Ministère de la Culture, je ne vais bien sûr ici qu’en parcourir les domaines trop vite, bottes de sept lieues à portée de main, pour fuir l’Ogre et son écriture cannibale.

  • 2  « Hurle, Maman, hurle. Casse-toi les couilles de la glotte. Exprime-moi de toi, gluant, lipide et (...)

4Donc, ne pas commenter pour inventorier, repérer et qualifier techniquement les agencements verbaux, mais rappeler qu’ici la machinerie du langage se met à grincer dans ce brouillage – voulu – des limites où fuse la jouissance, le libidinal sans but ni sens. Que Verheggen réchauffe vigoureusement ce que Dubuffet appelait la « langue-éteinte », fût-ce en la troussant à la hussarde. Que le propos inepte ou sérieux autour duquel se focalisent les textes n’est rien en regard de cette fièvre qui désigne l’excès pur, l’afflux, le débordement. Une verve prodigieuse, un galop d’enfer qui se radicalise, jusqu’à se passer de tout alibi narratif. Bien sûr, notre analphabelge n’infecte pas le vocabulaire avec la même cruauté, qu’il s’agisse d’Artaud, de Mme Mao ou de l’incantation à sa propre mère2, mais rien qui fasse signe vers l’anecdotique ou « le psychologique ». Rien. Rien d’autre que cette aspiration absolue à partager l’enjeu rimbaldien : trouver une langue.

5A quoi bon alors tenter une typologie des jeux de langage chez Verheggen : ses écrits sont ce lieu de stockage et d’empilement d’une prolifération inouïe ; à la lettre, infinie.

6Calembours, à-peu-près, homophonies, mots-valises, anagrammes, métagrammes, néologismes, suffixations, troncatures, indexent une fermentation monstrueuse, de greffes et de contaminations, qui altère jusqu’à la défiguration le parler commun. Langue qui se bouillonne, qui se soulève en cloques, langue qui se met à couler et s’épaissit de se refroidir. Verheggen met les mots à nu, il introduit entre eux et en eux un certain jeu. Certes, ratés, pannes et démarrages qui patinent ne se comptent plus, mais qu’importent les mots-épaves si le torrent verbal redynamise « les mots de la tribu ». Alors, loufoque, timbré, tapé, toqué, piqué, notre Jean-Pierre ? Peut-être, mais la démesure excède trop clairement le divertissement, l’amusette ou la rude gaudriole.

  • 3  Roland Barthes, Le Bruissement de la langue. Paris, Seuil, 1984, p. 87.

7L’invention permanente, la déformation constante, l’association, le lapsus renvoient bien aux surréalistes ou à Queneau, mais Verheggen ne vise pas à créer des images, à sonder l’inconscient, il veut au contraire dégager les mots de leur gangue instrumentale, ne plus les considérer comme des outils mais comme une matière (à tordre, à façonner, à défaire), leur rendre une vibration, une présence qui rayonnent sur tout ce qui les entourent : « Bruissante, confiée au signifiant par un mouvement inouï, inconnu de nos discours rationnels, la langue ne quitterait pas pour autant un horizon de sens : le sens, indivis, impénétrable, innommable, serait cependant posé au loin comme un mirage... le point de fuite de la jouissance »3.

8Deux méthodes à l’œuvre : travailler sur la brusquerie de l’imprévisible, opérer un rapprochement maximal entre écriture et parole.

9Aussi, équivoques et homonymies, contrepèteries et saillies contribuent-elles à la générativité généralisée : elles entraînent des glissements sémantiques, des associations d’idées qui pulvérisent l’usage, aussi les déformations lexicales partout exhibées ne renvoient-elles pas seulement au champ indéfini d’expansion du jeu de mots. Les sutures lisibles / visibles, l’organisation, dans les mots, des charpentes que la signification occulte, les intersections, les créations d’hybrides, les chapelets de mots-valises convertissent des signifiants homologués à un usage imprévu où se loge l’étonnement amusé ou l’effroi. Les écarts et les déviations, ce déséquilibre tenu jusqu’au déséquilibre, suivent, induisent des réseaux qui montrent et l’épaisseur encombrante du langage et cette prise en charge d’un processus textuel d’élimage ou de défibrement. Énergie destructrice et productrice tout à la fois, que l’on voit à l’œuvre, à la besogne, à la scène, dans ce faste verbal qui sépare, isole, rend palpables des mots placés en situation de fétiches.

  • 4  Ridiculum vitœ, op. cit., p. 47,

10Objet de sa propre finalité poétique, le mot s’investit, en effet, sémantiquement partout, hors les sentiers battus, dans une plasticité souveraine, une cascade de métaphores jamais arrêtée : « Je suis le fils de Minette et de Pasiphaë. Le fils de Minette et de Pasiphallus. Le fils de Minette et de Pasifallope »4.

  • 5  « Dans c’tt’ Al-chtimi-e, il y a d’abord, et avant tout, la référence à mon chtimi-oualon, à ma la (...)
  • 6  Maurice Olender, Marc Rombaut, Jacques Sojcher, J.-P. Verheggen (éditeurs), Le Récit et sa représe (...)

11Un credo : le métissage discursif, le grotesque, défini par Bakhtine comme la coprésence de deux discours opposés, le sublime et le vulgaire, par exemple. Les espaces se croisent, les codes s’enchâssent et s’imbriquent : le populaire et le livresque, le distingué et le trivial, les latinismes et le wallon, l’aseptisé et le malséant5. Au colloque de Saint-Hubert, en 1976, Verheggen ne déclarait-il pas6 :

Mais pour moi, c’est très simple. J’ai été élevé dans une langue qui est la langue wallonne. Quand j’avais quinze jours on m’a simplement changé de mère. Aussi, quand je suis entré à l’école primaire, je ne savais pratiquement pas le français, et surtout pas le français correct. Mon wallon c’est vraiment le wallon ordurier, de basse classe, tu sais le contraire du wallon académique, juste, tout ça. On ne peut pas parler ce wallon, tu comprends, même en wallon si tu comprends. Ça c’est important à dire.

12Verheggen massacre le langage fossilisé, pétrifié, durci en y incorporant le parler-schtroumpf, Nietzsche, Rimbaud, les monologues de Milou, des chansons de Piaf, la référence à des cultures multiples : Marx Brothers, Merckx, Woody Allen, Giorgione : immense brassage traversé d’éclairs, d’énergie brute.

13Bribes d’argot, loques d’anglais, souvenirs de latin d’église, grossièretés wallonnes, tout se rue dans cette grande machine qui fait claquer des dents l’indigence d’une langue française châtiée (châtrée ?) et frileuse.

14Verheggen instille universellement le chaos, la confusion, secrète des aberrations verbales, fomente en tous lieux des catastrophes linguistiques. Dans l’euphorie. Dans l’ivresse de laisser se débonder la langue basse, obscène, scatologique, bourrée de vulgarités, et de la voir pénétrer brutalement les langues ordonnées, celles du savoir, de la raison, de la censure et de l’autocensure. Il n’est guère que Céline, Artaud ou San-Antonio pour avoir utilisé, à visage découvert, l’irrésistible délire d’une logorrhée aussi phénoménalement incontenable, à des fins de rupture, esthétique et existentielle, sans doute.

  • 7  – « Dresse de moi un vrai curricouillum vitae ! Compisse-moi de ta cramouille adorée ! Fais de ma (...)

15Provocation outrancière, mais aussi goût de l’impur, du mixte, du flot bruyant et criard des surcharges, de mauvais goût parfois7. Insistances qui se substituent à la consistance sémantique des écrits, langue boiteuse, toujours déhanchée, souvent fragmentée et hachée, qui déjoue scandaleusement l’attendu et détourne. Sans relâche. C’est que Verheggen met en place une éthique du dérapage. Décapante.

  • 8  « Nous aimions beaucoup être aveuglés par leurs lampes. Alternantes ou clignotantes. Tournoyantes. (...)
  • 9  Rappelons que Verheggen fut des un des promoteurs de l’exposition Tire la langue : les irréguliers (...)
  • 10  Sphincter d’Égypte de Gucci,
    Balafre des Tréfonds de Molyneux,
    Pétales du Duodénum de Pier Augé,
    Souf (...)

16L’erreur d’orientation se mue dès lors en valeur recherchée : les sinuosités des rebonds ludico-clownesques créent des rythmes, des mouvements, des mini-séismes dans des phrases ou des fragments de textes que n’aimante pas radicalement une intrigue : il est clair qu’ici l’itinéraire l’emporte sur la destination. La parataxe, l’amoncellement, la brièveté de certains moments encerclés de deux points8, l’écriture par sursauts, par flashes s’oppose, mais est-il besoin de le dire, à la logique orthonormée de la cohérence trissulaire. L’écrit se lit comme univers de divisions et de divisions de divisions... comme centre de distribution, de dispersion autant que de rencontre et de collision. Autrement dit, il y a, à l’origine de ce travail, un évitement maximal des structures syntaxiques, sapées, tempêtueusement mises à mal, au profit d’une pensée de la propulsion, de l’ellipse, du détachement. Aucun souci de hiérarchisation dans la phrase, des points de bascule seulement. Un refus absolu de l’ordre9 auquel la formulation verbale est astreinte (ah ! Hanse ! ah ! Grévisse !), une respiration, un martèlement, une scansion. Une lecture faite de saisie des coupures optiques, des pans visuels ainsi proposés, une noyade dans le discontinu, avec le cœur qui bat la chamade. S’il énerve (innerve ?) nos habitudes de lecture, c’est aux fins d’éperonner l’engourdissement de notre pensée, de la fouailler par une verdeur, et une insolence totales. C’est aussi, pour l’ancien mao qu’il se souvient avoir été, pour l’anarchiste de gauche qu’il dit être aujourd’hui, le moyen de laisser se manifester la langue de l’opprimé (culturel, économique ou symbolique), de montrer la volonté humiliée qui se rebiffe. L’irrespect, les pratiques « exterminatrices » ou contre-littéraires (comme l’inventaire fastidieux)10 nous remuent car elles sont, à l’évidence, le signe d’une mutation idéologique profonde. Tel Quel l’affirmait dans les années 60 : toucher à la langue et au système symbolique, c’est toucher à l’ordre, au système politique et social dont cette langue « calibrée » est le symptôme. Quitter le code du traçage textuel « correct », muer l’écrit en un gigantesque manège où ne cessent de circuler des signifiants sans attaches visibles, lancer des nappes de sons dans l’assemblage arbitraire des mots, produit, bien sûr, un questionnement aigu, car répété, sur la maîtrise qu’aurait le discours à propos du réel et renvoie à un monde d’avant l’ordre (ou d’après ; l’ordre évacué), à un magma sans contours, au Désordre, Lisant autrement que lancés sur les rails d’un parcours sans surprise, que nous aimions ou non ce congé donné – partiellement – au sens, ces dé-placements, nous sombrons dans ce vertige de l’illimitation du langage, dans ce cataclysme mental.. Les textes de Verheggen exacerbent ainsi et déçoivent toute demande de sens, d’univocité et, donc, de sécurité : certes, le contexte est réducteur d’équivoque. Mais quand le contexte lui-même est désamarré...

17Cette focalisation sur le sensible, sur le son, Verheggen la rend audible par la multitude des assonances et allitérations qui sont, comme le dit Jean Ricardou, « des choses qu’on écoute » dans l’écrit. La force dynamique de l’expressivité, présente dans les hachures des phrases, dans leur rythme cassé, dans leurs spectaculaires brisures appartient bien à une pensée qui tente de transcrire la production orale, audible, dans l’écrit, avec ses alternances de souffle, de silence, et d’explosion phonique. Il n’est pas question ici de jouer la situation d’énonciation qu’on trouve dans maintes et maintes productions littéraires, avec verbes déclaratifs, guillemets, tirets, etc. Non. La rupture verheggenienne avec le savoir-écrire conventionnel est aussi cette nécessité de rapprocher écriture et voix, de retourner à des conduites de « mise en bouche » des écrits, comme avant l’invention des livres. Pour lui, la production sonore de la parole, avec son débit, son volume, ses intonations ou ses accents, doit se rendre visible dans l’écrit, comme dans ces bandes dessinées où la graphie se gonfle jusqu’à occuper toute la page pour signifier l’envahissement sonore.

  • 11  Stabat Mater, op. cit., p. 178.

18En ce sens, les lectures-performances entreprises à partir de 1985 permettent, dans la profusion phonique qui les spécifie, une mise en scène des écrits et leur assomption au rang de communications concrètes, in prœsentia. Verheggen s’y adresse physiquement à des interlocuteurs proches : il peut jouer son texte, le mimer, le hurler, faire varier la voix et ses registres d’intensité, faire jaillir la parole qui fuse alors comme un rire ou une insulte crachée. Comme Artaud, comme les tenants des happenings des années 60, Verheggen renvoie à une oralité, essentielle et nécessaire, la compréhension de sa démarche singulière : parlés ou non, les mots écrits, livrés à eux-mêmes comme mâchonnés, agglutinés par le respir dans une scansion vigoureuse, essoufflée le plus souvent. L’écrit réemprunte la voie de la pro – fération, c’est-à-dire celle du corps dans son « débité » rapide, dans ses hurlements ; il fait régresser parfois vers les couches premières de la langue, brouillon primitif ou bouillie vocalique : « Comptine-moi en sauverdia ! En pierrot, gorin, moineau des bois, en capichot maurtin, en mandôrin de colévrot dans ton pagna ! Comptine-moi en tchic-tchic de pouillot en m’appelant : sangsue de sanseroule et Jean Coucouille Pâpâlaulau qu’à sa petite tchîpoule à ton hublot »11. Il est alors retour à la parole archaïque, au cri, transcrit en mots, retour à cette non-parole, à cet anti-langage que cherchaient Tzara et les dadaïstes dans l’onomatopée et l’inarticulé.

  • 12  Un tout petit exemple :
    un radeau, des radis
    un landeau, des lundis
    [...]
    un scélérat, des céleris
    un f (...)

19Le verbal tient constamment l’écriture en respect (dans les deux acceptions de l’expression) par ses effets de ponctuation apostrophique, par le « squattage » des mots d’esprit et des attractions rimiques12. Mais, bien davantage, des fragments entiers semblent surgir, « vocalement imminents » : le processus de la lecture publique, à haute voix par l’auteur entre vocifération primitive et travail vocalique, accélérera encore le sentiment de plaisir glottique éprouvé à la simple lecture, silencieuse, individuelle.

20Cette réactivation de la puissance de la voix, ces inventions formelles très oralisées, ne sont pas distinctes d’une des significations profondes et récurrentes du texte, mais en sont le corps même, qui advient ainsi par elles. Un corps s’y rend manifeste, un corps sensible parmi ses propres mots.

21Bouffonneries, farces, calembours, facéties parfois de bas niveau révèlent aussi une insistance de la matérialité, du corps, réduit principalement à ses fonctions les plus basses, les plus culturellement réprimées :

  • 13  Artaud Rimbur, op. cit., 19. Le terme est souvent utilisé métaphysiquement ; ainsi : « si ce bébé- (...)

Au fond, Artaud a raison. C’est d’là viande, la langue ! D’la viande puante ? D’la viande qu’on a au trou ! Au trou qu’on pense ! Qu’on a entre les jambes ! Au trou qu’on naît ! Qu’on n’connait pas ! Qu’on a, comme qui dirait, au connat ! qu’on a cachou ! Caché entre nos deux genoux ! C’est tout !13

22La force de la poussée verheggenienne, elle est là : dans cet entrelacs qui unit métonymiquement corps bas et langage sans entraves (ce que la censure souveraine condamne) et qui peut rebuter par ce qu’elle a de choquant : elle s’engage à fond dans l’infini d’un discours qui rend à l’humain son animalité primale, sa sauvagerie, sans morale, ni hiérarchie. Elle jette une brutale clarté sur la fange, la boue, le cadavre, l’excrément, les odeurs, dans une rage tumescente et panique :

  • 14  Pubères, putains, op. cit., p. 126. Voir aussi, entre autres exemples, la Lettre d’amour à Gisela (...)

De fragiles pupazzos que nous étions, nous sentions nos sexes se tendre au plus haut de leur apex. Nos anus s’élargir au maximum de l’occurrente circonférence de nos fesses. Dominus infernœ vobiscum : disions-nous ! que le seigneur des enfers soit avec vous ! Disions-nous à nos clients lorsqu ’ils avaient déchargé dans la rosette de notre fondement. Pris notre fruit défendu. Pondu du beurre dans notre cul.14

  • 15  Ph. Sollers, préface à P. Guyotat, Eden, Eden, Eden. Paris, Seuil, 1970, p. 14.

23Lire Verheggen, c’est retourner, pour moi, à Maurice Roche ou à Pierre Guyotat, dont Sollers écrivait, en 1970, « Dès la première page de Eden, Eden, Eden, voici ce théâtre inouï : silex, épine, sueur, huile, orge, blé, cervelle, fleur, épi, sang, salive, excréments... voici l’espace d’or des matières et des corps, indéfiniment transmutable, rythmique »15.

24Ce qui subsiste du naufrage du sens est ce foyer sémantique de texte qui ramène au cœur d’un imaginaire où le refoulé du corps, son imprésentable font retour. Massivement. Violemment.

  • 16  Dans Stabat Mater, op. cit.
  • 17  Dans Pubères, Putains, op. cit.
  • 18  « Notre Sperme qui êtes aux cieux », etc. etc.

25Au plan thématique d’abord, dans l’obscénité de la naissance rêvée comme excrétion majuscule16, dans la découverte honteusement éblouie de son « fonctionnement » biologique17 ; au plan linguistique, ensuite, où les inconvenances, les termes orduriers, les douteux et scabreux calembours18 ne sont que l’épiphénomène d’une mise en relief : celle d’une attention hallucinée aux formes les plus concrètes de l’activité corporelle. La forte coloration sexuelle ou obscène provoque, évidemment, le bon goût ou la bienséance : termes crus, précis, anatomiques ou vulgairement paillards règlent leur compte aux euphémismes sociaux, hypocritement sociaux. L’utilisation du patois retrempe, en outre, les mots dans le bain de l’enfance : le corps devient le premier sous-sol du texte, le corps et sa pulsation qui minent toute idéalité convenue ou sublimée. Revoici un corps d’enfant indompté, d’en-deçà de la parole apprise et disciplinée. Un corps d’enfant attentif seulement à ses besoins animaux : avaler, excréter (l’air ou la nourriture). Le scatologique surabondamment exploité ici renvoie au plus archaïque d’une expérience partageable. Il se focalise clairement sur le remplissage du corps et sur son contraire : an (im) alité partout présente.

  • 19  Stabat Mater, op. cit., p. 163.

26L’oralité (vocalique) et l’oralité (nutritive) semblent alors se confondre, comme le ventre digestif et le ventre sexuel pour le schizophrène. Surenchère et parodie affolent le rapport des mots aux choses, la matière reflue sur elle-même et restitue alors obstinément le terme refoulé de la chaîne sémantique : le rebut, le déchet, la merde : « Mouscaille-moi de ton infernal bourbier ! Mouise-moi, barda de ton cabas, par ton exit boursouflé. Bouse-moi par ton rondibé. Oui ! Moutarde-moi dans un immense brouhaha. Fais de moi ton étron ombilical d’anal nouveau-né ! »19.

  • 20  Pubères, Putains, op. cit., p. 89.

27Les tabous fracassés, une sorte de fureur scatologique bondit, outrepasse les limites, jusqu’à l’agrandissement épique : « Décalottant nos glands. Les retroussant. Les compissant. Nous rengorgeant comme des palombes. Les chargeant. Brutalement. Les socratisant dans la région des lombes. Nous intromettant dans le foyer de leur fessier. Échancré. Cuisant. Les creusant. Corrodant. Les forant jusqu’au téton du bran ! »20.

28Ecrire comme on parle, sous le souffle de la langue. Écrire, afin de ne rien dire, sinon le flux des pulsions, leur battement. Pour dire que le texte prend corps. Qu’il prend le corps.

  • 21  J. P. Verheggen : « Pour moi [l’écriture) consiste à remplir une feuille de A à Z. [...] . Je macu (...)
  • 22  Artaud Rimbur, op. cit., p. 64

29L’élan s’exténue, disparaît, resurgit, se débride, s’ensauvage sans cesse. Et toujours cette énergie expulsive21. Et toujours cette présence massive du corps producteur de matières, du corps machine-à-déjections. Toujours aussi l’obsession, les « nauséabondieuseries » plus puantes que divines, l’imagerie pornographique de l’élémentaire qui éclaire les structures profondes d’un imaginaire habité par l’entrer / le sortir, la rétention / l’expulsion, et qui réfère, en dernière insance, à cette « boue malheureuse » dont parlait Bachelard : la merde. La merde comme impensé absolu, la merde aussi comme possible vidange d’identité, la merde surtout comme produit du corps, tout comme le texte : « Car le verbe est tout entier contenu dans cette longue colonne instrumentique qu’on a déjà décrite comme un long ténia à gargouillis macaroniques, et qui va, d’not’ trou d’ingestion et d’not’ gaviot à luette, jusqu’à la lunette d’not’ cloaqua maxima : l’orifice extrême de notre radada ! «22.

  • 23  J. P. Verheggen : « C’est vrai, je suis grand, gros, gras, breughellien comme ça, mais ... Tu étai (...)
  • 24  Antonin Artaud, Lettres de Rodez, Paris, G. LM., 1946, p. 72.

30Analité parlée, comme rejet de l’idéologie répressive : en ce sens, Ver – heggen nous dit « Merde ! » ; analité comme retour du corps morveux et empoté d’avant toute séduction sexuelle. Analité comme complément indispensable de toute oralité, qu’elle soit nutritive23 ou langagière ; entre ce que Céline nommait « la bandocherie universelle » et ce qu’Artaud désignait comme « la barbaque », Verheggen a choisi : son langage taille dans la profondeur du corps, il « creuse le caca de l’être »24, il s’obsède sur ce qui « doit sortir ». Fécalité généralisée, associée au manger-parler. Le gavage alimentaire, comme la gloutonnerie verbale, ont comme corrélat obligé la sortie bruyante par les fissures du corps : bouche ou anus. L’excrément – dans ses espèces symboliques ou non – circulera de l’une à l’autre, dans une topographie en boucle, indéfiniment...

  • 25  Relire, bien sûr, « Portraits de l’artiste en portraits de l’artiste » (Ridiculum vitœ, op. cit., (...)
  • 26  « Moi, ma banane est remplie de bon banania », « imbibé d’ouzo, dès ouzo et demie, l’heure de l’ap (...)
  • 27  « Pour le cinéma, on annonce la biographie romancée de Belge Bella, le fellagha du parc Josaphat, (...)

31Certes, l’ironie, le rire, l’auto-déris ion25 demeurent ici bien proches parfois de l’hystérie burlesque ou d’un comique-troupier de « mauvais » aloi26. Gaudrioles, à-peu-près farcesques27, drôleries entassées, mots d’esprit désarçonnant, en avalanche, sont perpétuelle intrusion du contresens, de l’imprévu, déconcertant ou abracadabrant. Ils sont trop évidemment résistance à l’ordre du discours sérieux, figé dans ses certitudes, pour n’apparaître pas, chez Verheggen, comme désir de contagion heureuse adressée à l’autre, comme agilité verbale fraternellement désangoissante, allégeant le poids du tragique, pour l’auteur, comme pour nous. L’énorme allégresse sauvage qui nous prend à lire / entendre Verheggen est bien celle qui nous fait croire à la mise en échec, répétée, intensément répétée, de la souffrance. L’éclat de rire qui s’empare de nous à l’écoute de l’écrivain tonnant et hurlant ses jeux calembouresques propage son séisme à travers tout le corps-pensée, enfin purifié du pathos. Le rire : dépense sans fin et sans objet...

  • 28  « Ecce homo ! Groucho modo ! Voilà l’homme que je suis. Le saint homme. Ou plutôt le symptôme comm (...)
  • 29  Pas la place ici pour parler de cet art poétique que Verheggen met en place, explicitement ou non. (...)

32Les bouffonneries excessives, Verheggen, qui se veut chiffonnier « des dépotoirs du langage »28, les affectionne jusqu’à la surenchère, et dans sa grande fête des mots, le « vulgairheggen » se taille la place du lion29.

33L’intellectuel dérangeant sait cependant que le rire n’oublie rien : gouailles tempétueuses et délires déchaînent les forces de l’informe jusqu’à les anéantir par le rire, par ces points de fuite sans cesse réactivés. Interjections, expectorations de mots, hurlés ou non, torsions forcenées du langage interdisent toute pause, tout arrêt. Les mots-souffles, les mots-cris, les altérations syllabiques, les phrases coupées en morceaux et scandées (ce que Jacques Réda nomme « le haché célinien tardif ») confèrent aux textes leur statut de production-éclair nécessaire à l’installation de ce qu’on pourrait appeler un rythme total.

  • 30  Que l’on comparerait utilement à Céline. Voir, sur ce point, Danièle Latin, Le Voyage au bout de l (...)

34Étranglements de la respiration, écrits pointillés d’exclamations, reproduction dynamique du débit oratoire paroxystique30 désignent sans relâche le refus de l’immobile, l’horreur de ce qui s’arrêterait. Définitivement.

  • 31  G. Bataille : « C’est quand se lève l’angoisse que commence le rire ».
  • 32  Dans Le Récit et sa représentation, op. cit., p. 140. « Car c’est un charnier, le corps, quand on (...)
  • 33  Artaud Rimbur, op. cit., p. 20.

35La parole brisée, la vivacité, l’outrance31, l’espace d’atomisation en abîme relaient une rêverie active désintégrante, où l’immédiat l’emporterait sur le temps, sur l’acceptation résignée du sort glaçant qui nous attend : « Je crois qu’on ne souligne jamais assez ce côté-là des choses, où, dit Verheggen, je me pose vraiment la question : comment vais-je mourir, comment les autres vont mourir, comment les êtres qui me sont chers vont mourir ? Alors, en attendant de mourir, j’essaie de danser. Je fais le danseur. Je fais une danse baroque, grotesque, avec la mort »32. La mort. Pas celle qui se respecte, avec fleurs suaves, chandeliers et rites chantés. Non. Celle qui fait pourrir ce corps, « qu’on a, tous, comme con à viande violacée, et qui schlingue sec par sa barbaque d’ex-tronche, et qui schlague, et cherche, et fouette, et ta, ta, ta, ta, ta, et tout le reste est ta-ta-ta-tature ! »33.

36Et le scato-porno Verheggen de s’agiter, de faire rendre gorge au silence, de trépigner dans toutes les langues, de brûler, comme l’enfant, qui flambe les allumettes pour rien, pour jouer, pour consumer, pour faire rayonner la flamme dans la peur des ténèbres.

37Utopie du devenir-feu à son tour, pour « prendre de vitesse la décomposition », comme l’écrivait son ami Marcel Moreau...

  • 34  « Lettre d’amour à Gisela Fusani. », dans Ridiculum vitœ, op. cit., p. 32 et 42.

38Je n’aurai rien dit de ces pages d’où montent d’irrésistibles surgissements de tendresse, des ruades de ce fonceur acharné aussi, le croirait-on, à la douceur et au murmure : « Ceci est une lettre d’amour, mon amour ! Ceci n’est pas une pipe de plus que je fais aux mots, ni, non plus, un poème-poème [...]. je reviens de l’aurore boréale pour te faire l’amour, mon amour »34.

39Mais basta !

Haut de page

Notes

1  Petite bibliographie des écrits de J.-P. Verheggen, depuis 1980 :
– Vie et mort pornographique de Madame Mao, Paris, P.O.L., Hachette-Littérature, s.d. (1981).
– Ni Nietzsche, Peau d’chien ! Fiction. S.l.n.n. [Paris, A. Avila], coll. Limagimère, TXT / Limage, 1983.
– Devoirs de vacances. Montmorency, Carte Blanche, 1983.
– Porches, Porchers, Paris, Cheval d’attaque, Carte Blanche, 1983..
– Pubères, Putains. Paris, Cheval d’attaque, coll. TXT, 1985 ; lu dans la rééd. Labor, Bruxelles, 1991.
– Lettre d’amour à Gisela Fusani. Montréal, La Nouvelle Barre du jour, 1985..
– Stabat Mater. Montpellier, Cadex Éditions, L’Ostiaque, 1986 ; lu dans la rééd. Labor, L’Ostiaque, Bruxelles, 1991.
– Artaud Rimbur. Paris, Éditions de la Différence, coll. Littérature, 1990,
– Les Folies-Belgères, Paris, Éditions du Seuil, coll. Point-virgule, 1990.
– Orthographe Ier, roi sans fautes (avec Nestor Salas). Paris, Seuil, coll. Petit Point, 1992.
– Ridiculum vitœ. Paris, Éditions de la Différence, coll. Littérature, 1994.

2  « Hurle, Maman, hurle. Casse-toi les couilles de la glotte. Exprime-moi de toi, gluant, lipide et suantes symphises, sucrant les fraises de tes grandes lèvres [...] Hurle, Maman, les pires souffrances. Excrète-moi de loi, crade [...] » (Stabat Mater, op. cit., p. 155).

3  Roland Barthes, Le Bruissement de la langue. Paris, Seuil, 1984, p. 87.

4  Ridiculum vitœ, op. cit., p. 47,

5  « Dans c’tt’ Al-chtimi-e, il y a d’abord, et avant tout, la référence à mon chtimi-oualon, à ma langue vernaculaire, à mon vemaculairheggen de fond et à toute une kyrielle et autres sons [– –] » [Ridiculum vitœ, op. cit., p. 145).
– « Je crois en sainte Équivoque. En saintes Phonie et Synecdoque. Je crois en Sainte Tautophonie et Sainte Glossolalie. En saint Palilalie. Je crois en saintes Forgerie et Verbigération [...]. En sainte Catachrèse et Sainte Concaténation. En saint Martel en tête » (Ridiculum vitœ, op. cit., p. 47).

6  Maurice Olender, Marc Rombaut, Jacques Sojcher, J.-P. Verheggen (éditeurs), Le Récit et sa représentation. Paris, Payot, 1978, p. 142.

7  – « Dresse de moi un vrai curricouillum vitae ! Compisse-moi de ta cramouille adorée ! Fais de ma boutroule, ton jouet de colostrum salivé ! Baratte-moi des touches et fais joujoue avec ma tûtûte [...] Fais-moi hurler dans mon langage cuit : on côp, on clau, on clawcté sins bégègyi ! » (Stabat Mater, op. cit., pp. 178-179),
– « Nous fonçons avec Rod Steward – cassette au volant – cassette d’une vieille Impala auburn [...] Fast Foutre ? M’en fiche ! Mon rêve amérindien est un sandwich de toi au sperme cru ! [...] Oh ! Au secours miam-miam bôbô ! Pardonne-moi ! » (Ridiculum vitœ, op. cit., p. 29).

8  « Nous aimions beaucoup être aveuglés par leurs lampes. Alternantes ou clignotantes. Tournoyantes. Voir tout tourner. Les nuages, les nuées, se mixer. Les bandages déroulés. Les gazes. Les plots d’électricité. Les morceaux de cataphote et de pare-chocs. Les commérages entre badauds. Sombres idiots. Les arrangements à l’amiable. Discutables. Lésables. Les baudriers des gardes-malades. Les tabliers des porte-faix. Affétés. Empesés. Beaucoup trop amidonnés » (Pubères, Putains, op. cit., p. 65).

9  Rappelons que Verheggen fut des un des promoteurs de l’exposition Tire la langue : les irréguliers du langage, présentée au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris en 1990 ; qu’il fut l’un des éditeurs de Un pays d’irréguliers Bruxelles, Labor, coll. Archives du futur, 1990.

10  Sphincter d’Égypte de Gucci,
Balafre des Tréfonds de Molyneux,
Pétales du Duodénum de Pier Augé,
Souffle Frais du Pubis de lancôme,
Méat Sauvage d’Yves-Saint-Laurent,
Sourdine Printanière de Nitchevo,
Rafale Campagnarde de Revillon,
Tintement Mauve de Lyshis,
Gazz Band de Christian Dior,
Bouse Avantageuse de Jacques Esterel,
Échappement Agreste de Harriet Hubard Ayer,
Bile des Fidji d’Azzaro,
Mille et Un cris de Margaret Astor,
Soie de Negresco d’Ulric de Varens,
Raie de Monsieur de Sysley,
Foutre n° 5 de Chanel[...] (Ni Nietzsche, peau d’chien, op. cit., p. 47.)

11  Stabat Mater, op. cit., p. 178.

12  Un tout petit exemple :
un radeau, des radis
un landeau, des lundis
[...]
un scélérat, des céleris
un finaud, c’est fini
C’est fini pour cette fois-ci !
La suite aux prachis numéris (Orthographe Ier, op. cit., deux dernières pages, )

13  Artaud Rimbur, op. cit., 19. Le terme est souvent utilisé métaphysiquement ; ainsi : « si ce bébé-obscène de texte en bouge pas d’un iota, la langue ne va pas, non plus, engendrer quoi que ce soit, ni se déplacer, pour le couvrir de sa crampe d’amour, comme une bête lécheuse, ou l’annuler, comme un vulgaire morceau de merde sèches. Alors ? » (Stabat Mater, op. cit., p. 149) ; ou lubriquement : « Le cul ! Le cul 8 : anus Deis ! » (Pubères, Putains, op. cit., p. 130) ; partout, tout le temps : « cacafouiller », « au trou-caca », « flatulents, foirants », etc., etc.

14  Pubères, putains, op. cit., p. 126. Voir aussi, entre autres exemples, la Lettre d’amour à Gisela Fusani. qui relaie explicitement L’Hymne à Marthe Beauvoisin de Paul Nougé.

15  Ph. Sollers, préface à P. Guyotat, Eden, Eden, Eden. Paris, Seuil, 1970, p. 14.

16  Dans Stabat Mater, op. cit.

17  Dans Pubères, Putains, op. cit.

18  « Notre Sperme qui êtes aux cieux », etc. etc.

19  Stabat Mater, op. cit., p. 163.

20  Pubères, Putains, op. cit., p. 89.

21  J. P. Verheggen : « Pour moi [l’écriture) consiste à remplir une feuille de A à Z. [...] . Je macule. Maculer. Voilà. Barbouiller. Alors, c’est presque un geste de la peinture. J’allonge les mots. Avant d’arriver à un texte, j’écris tout le temps et je rassemble des liasses de mots » [Le récit et sa représentation, op. cit, p. 144).

22  Artaud Rimbur, op. cit., p. 64

23  J. P. Verheggen : « C’est vrai, je suis grand, gros, gras, breughellien comme ça, mais ... Tu étais avec nous là dans ce restaurant flamand de Bruxelles, quand on mangeait du lapin à la bière » (Le récit et sa représentation, op. cit., p. 140). « Oh ! des pâtes ! Des pâtes, oui ! Mais des pâtes d’éléphant ! Des pâtes géantes et scolopendres, grouillantes, asticotantes et abondantes, broussaillantes, des pâtes lévitantes et qui nous changent soudain en Don Farfalon ! En Don Cannellonon ! Don Spaghet – ton ! Don Lasagnon ! » (Ridiculum vitœ, p. 69).

24  Antonin Artaud, Lettres de Rodez, Paris, G. LM., 1946, p. 72.

25  Relire, bien sûr, « Portraits de l’artiste en portraits de l’artiste » (Ridiculum vitœ, op. cit., pp. 57 à 83).

26  « Moi, ma banane est remplie de bon banania », « imbibé d’ouzo, dès ouzo et demie, l’heure de l’apèro », etc., etc.

27  « Pour le cinéma, on annonce la biographie romancée de Belge Bella, le fellagha du parc Josaphat, dans la version originale en parler beur de Bruxelles, le beurxellois. Puis, un péplum avec Belge Hur qu’on aperçoit, sous la bande-titre, arrêtant son char à Charleroi ».
Un court-métrage ensuite avec l’Autre-Belge et Hardy et un interminable Celil Belge de Mille, avec Caïn et Abelge, en amoureux qui se bécotent languement sur les bancs bibliques, [...]
Un auteur enfin, bien de chez nous, lui, alimente toutes les conversations et suscite les commentaires les plus élogieux : Tahar Belge Jelloun, notre dernier prix Goncourt » (Les Folies-belgères, op. cit, pp. 90-91).

28  « Ecce homo ! Groucho modo ! Voilà l’homme que je suis. Le saint homme. Ou plutôt le symptôme comme Lacan l’a dit et redit. Voilà le boujjon, pensera-t-on » (Ridiculum vitæ. op. cit., p. 45).

29  Pas la place ici pour parler de cet art poétique que Verheggen met en place, explicitement ou non. Pas la place non plus pour en anlyser les visées idéologico-poli tiques demeurées inchangées depuis Le Degré zorro de l’écriture.

30  Que l’on comparerait utilement à Céline. Voir, sur ce point, Danièle Latin, Le Voyage au bout de la nuit de Céline, roman de la subversion et subversion du roman. Bruxelles, Palais des Académies, 1988, pp. 90-100.

31  G. Bataille : « C’est quand se lève l’angoisse que commence le rire ».

32  Dans Le Récit et sa représentation, op. cit., p. 140. « Car c’est un charnier, le corps, quand on le retourne comme un gant ! c’est une boucherie ! c’est un boustrophédon de fatigue et de mort à venir ! Un chant noté sur une portée d’effondrement et d’effondrille [...] » (Artaud Rimbur, op. cit., p. 67).

33  Artaud Rimbur, op. cit., p. 20.

34  « Lettre d’amour à Gisela Fusani. », dans Ridiculum vitœ, op. cit., p. 32 et 42.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Danielle Bajomée, « Pornocratès ou Verheggen pris au mot »Textyles, 14 | 1997, 27-38.

Référence électronique

Danielle Bajomée, « Pornocratès ou Verheggen pris au mot »Textyles [En ligne], 14 | 1997, mis en ligne le 12 octobre 2012, consulté le 07 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/2155 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.2155

Haut de page

Auteur

Danielle Bajomée

Université de Liège

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search