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Lettres du jour (II)

Génération innommable

Laurent Demoulin
p. 7-17

Texte intégral

1Ce n’est pas seulement parce que nous manquons de recul qu’il est difficile, quand on s’intéresse aux écrivains qui ont émergé en Belgique et en France au cours des années 80 et 90, de délaisser un instant la monographie et de brosser un tableau d’ensemble. Les commentateurs évoquent volontiers la perte de repère (ou de repaire) et n’emploient qu’à contrecœur, en se bardant de guillemets, des mots (postmoderne, minimaliste, contemporéanité) qui suscitent invariablement le malaise, l’agacement ou la condescendance. Cet article se propose d’user franchement de ces termes, dont on n’arrive de toute façon pas à se passer, dans l’espoir de rendre plus claires les réalités qu’ils recouvrent vaille que vaille. Tâche vouée à l’échec, quoi qu’il advienne, puisqu’elle consiste à trahir, en les comparant, les auteurs qu’elle veut défendre et qui se réclament de leur totale singularité. Tâche paradoxale, puisqu’en nommant l’entropie, on contribue à remettre de l’ordre. Et crime de lèse-majesté puisque nous nous obstinons à vouloir nommer l’innommable.

Indices de la postmodernité

  • 1  La notion de modernité à laquelle nous nous référons est celle qu’a décrite, entre autres, Antoine (...)

2Le concept de postmodernité ne peut avoir qu’une seule raison d’être : il doit désigner un tournant dans l’histoire de la littérature, voire dans celle de l’art. En effet, puisque la modernité regroupe plusieurs écoles et s’étale sur une longue période1, ce qui se présente comme l’après-modemité ne peut ni en faire partie, ni se résumer à un mouvement éphémère : il s’agit d’une ère nouvelle, ample et plurielle.

3Cette ère, plusieurs indices nous portent à croire qu’elle a débuté au cours des années 80. Car c’est à cette époque que de jeunes romanciers se sont insérés dans l’institution littéraire de façon totalement inédite. Pour la première fois depuis Ronsard, des auteurs proposant un nouveau type de texte ne cherchent pas à se définir par opposition à leurs prédécesseurs et évitent de prendre une pose de partisan. Pas d’école, pas de manifeste, pas d’excommunication. L’identité nouvelle se construit au moyen d’influences positives, hétéroclites et nuancées. Nous ne sommes pas meilleurs que ceux qui nous ont précédés, disent les postmodernes, mais nous revendiquons le droit d’encore écrire après eux. La foi en un progrès de l’art, qui soutenait l’avant-garde, a fini par se perdre.

4Qu’elle soit conséquence ou origine, cette manière de se positionner au sein de l’institution va nous éclairer à plus d’un titre sur ce que représente la postmodernité.

  • 2  L’impossibilité « d’aller plus loin » repose peut-être plus sur un sentiment subjectif que sur un (...)
  • 3  Autre exemple de cette attitude postmoderne : celle de Pierre Michon à l’égard de Rimbaud. Il a éc (...)

5Les rapports qu’elle entretient avec la modernité, d’abord, s’en trouvent éclaircis. Il n’est plus question, par exemple, de vouer le nouveau roman aux gémonies ni de l’encenser à tout prix : certains seront appréciés et pas les autres, ou même, Djinn sera préféré à La Jalousie (ou l’inverse). Et si la nuance est permise, si la polémique a perdu de sa nécessité, c’est dans la mesure où la modernité, aux yeux du postmoderne, peut s’enorgueillir d’un bilan positif. Les Modernes, finalement, sont sortis vainqueurs de la querelle que leur cherchaient les Anciens. Non seulement ils ont obtenu la reconnaissance publique (s’il est trop peu lu, Rimbaud est tout de même plus célèbre qu’Albert Samain et, en 1985, le prix Nobel a couronné Claude Simon et non Henri Troyat), mais surtout ils ont réussi à mener à terme leur projet. Dans le domaine poétique, déjà depuis Rimbaud et Mallarmé. Dans le domaine romanesque, définitivement depuis le nouveau roman, Beckett et Blanchot. Ces œuvres-là forment des sommets infranchissables dans leur genre : la logique du comble est arrivée à un point de non-retour2. Le postmoderne sait que la révolution est finie. C’est un fait. Il admire la plupart des révolutionnaires (particulièrement Beckett) mais n’éprouve nullement le besoin de les défendre. Le temps est venu de la reconstruction3.

  • 4  Notre emploi du concept de postmodernité est proche de celui de Michel Collomb (« Jugement post-mo (...)
  • 5  Voir Alain Robbe-Grillet, Angélique ou l’enchantement. Paris, Minuit, 1987, p. 174. Par ailleurs, (...)

6Cette première conséquence du positionnement postmoderne va nous permettre de lever certaines ambiguïtés. Car le terme de « postmodernité » souffre déjà d’une encombrante polysémie et sert souvent de fourre-tout sémantique4. Ainsi, les critiques réactionnaires qu’essuyent les derniers modernes trouvent une justification commode dans l’avènement de l’ère nouvelle. Or, répétons-le, les postmodernes ne se basent pas du tout sur une remise en cause de leurs aînés. La critique anti-intellectuelle ne date d’ailleurs pas d’hier : Robbe-Grillet a dû attendre l’essai que lui a consacré Bruce Morissette pour lire dans Le Monde quelques commentaires flatteurs sur son œuvre, jusque-là dépréciée5.

7Une seconde ambiguïté, facile à lever, provient du rapprochement souvent opéré entre la postmodernité et l’air du temps. Si la postmodernité est liée au présent, l’air du temps est trop vague et porte en suspension de nombreux germes de confusion. Tout ce qui s’écrit, se montre, se joue aujourd’hui n’est pas automatiquement postmoderne. Le roman historique est à la mode, mais dans la plupart des cas, il obéit à des recettes narratives tristement conventionnelles. Et les incessants « retour à » dont se réjouissent les échotiers ne doivent pas faire illusion : ils ne cachent en général qu’un sempiternel « toujours resté à ». La grande majorité des textes publiés demeure académique. Il en était déjà ainsi durant les plus belles heures de la modernité, quoi que veuille nous faire croire une vision rétrospective et téléologique.

  • 6  En mémoire du lit. Brèves d’amour, 2. Paris, Gallimard, 1996, de Ludovic Janvier (auteur, comme pa (...)
  • 7  Ainsi les romans d’Hervé Guibert (qui sont soit autobiographiques et impudiques, soit imaginaires (...)
  • 8  Que l’on compare, par exemple, la thématique homosexuelle, objet de provocation maléfique grandios (...)
  • 9  Dans Des hommes illustres (Paris, Minuit, 1993), Jean Rouaud emploie une deuxième personne, un « v (...)
  • 10  Par exemple, dans L’Épuisant Désir des choses (Paris, POL, 1995), Renaud Camus reprend et détourne (...)

8Revenons aux causes / conséquences du positionnement postmoderne pour en arriver à ses implications esthétiques. Il s’agit donc d’écrire en tenant compte des acquis modernes sans pour autant tenter une surenchère impossible, La solution réside dans le dépassement dialectique de l’ancienne opposition modernes versus classiques (dépassement rendu possible par l’attitude non-partisane). Ainsi, au sein du même texte, plusieurs styles coexistent : c’est l’esthétique du fragment et de la rupture de ton6. Les grandes innovations modernistes sont reprises et réintégrées au sein d’un roman classique en apparence. L’anecdote ne subit plus de déconstruction, elle est déviée in extremis ou elle se désigne elle-même comme insignifiante7. La provocation n’a disparu que parce que les sujets tabous deviennent rares8. Certaines expériences formelles sont reprises dans un contexte significatif et occupent un chapitre ou quelques paragraphes là où elles présidaient à tout un texte9. L’originalité peut se cacher derrière la citation, la parodie, voire l’imitation et l’illusion réaliste, au lieu d’être sévèrement traquée, est rendue caduque par une série d’appels à un hors-texte. Le roman traditionnel se réfère à la réalité extérieure et se conçoit comme si le lecteur n’avait besoin de rien savoir de la littérature pour comprendre ce dont il s’agit (c’est-à-dire que les conventions s’efforcent d’être invisibles). Le roman moderne, au contraire, affiche ses conventions et tend à ne parler que de lui-même à des lecteurs-analystes. Le roman postmoderne s’appuie volontiers sur un extérieur qui se veut littéraire, il ne s’adresse qu’à des déjà-lecteurs10.

9Aussi la postmodernité plus « facile à lire » que la modernité, est-elle parfois ressentie comme un compromis ou un collage. Ses réalisations les moins réussies méritent peut-être un tel reproche. Cependant, n’oublions pas que l’ère nouvelle ne fait que commencer...

  • 11  Eugène Savitzkaya, Marin mon cœur. Paris, Minuit, 1992. Sans doute peut-on considérer que Savitzka (...)
  • 12  Voici d’autres noms de romanciers, français cette fois-ci, que je classerai volontiers parmi les p (...)

10La littérature belge, qui a payé un large écot à la modernité (Michaux, Baillon, Ghelderode, Moreau, Savitzkaya...) est également aux premiers rangs de la postmodernité avec, entre autres, Philippe Blasband, Jean-Luc Outers, Eugène Savitzkaya, Jean-Philippe Toussaint (depuis Marin mon cœur11) et en poésie William Cliff et Karel Logist12.

La reconstruction minimaliste

  • 13  Les minimalistes sont : Toussaint, Outers, Echenoz, Gailly, Chevillard, Oster, Carrère, Deville, T (...)

11Durant les années 80, autour de Jean-Philippe Toussaint, et principalement aux éditions de Minuit, une nouvelle tendance a vu le jour, que la presse a baptisée d’abord le nouveau-nouveau-roman puis le courant minimaliste. Il s’agisssait d’une première faille dans la modernité, du premier mouvement de quelque ampleur au sein de l’ère postmoderne. Et pourtant, à nouveau, point de groupe, point de manifeste : ce sont les commentateurs, voire un éditeur, qui ont réuni ces romanciers sous un même regard. En quoi ces jeunes auteurs13 (nés pour la plupart vers 1955) sont-ils postmodernes ?

  • 14  Jean-Philippe Toussaint, L’Appareil-photo. Paris, Minuit, 1988, pp. 25-32,
  • 15  Jean-Philippe Toussaint, La Salle de bain. Paris, Minuit, 1985.

12D’abord par le traitement qu’ils infligent à l’anecdote. Un récit semble se bâtir sous les yeux du lecteurs pour aussitôt se dénoncer lui-même par sa propre insignifiance : le héros est inactif, sans émotion visible, il ne nous délivre aucun message et sa quête est volontairement dérisoire (par exemple, il cherche à acheter une bonbonne de gaz14), ou, si une intrigue se noue, elle demeure irrésolue (le narrateur ne trouvera pas sa bonbonne) ; ou encore, le ton oscillera entre le micro-réalisme et la parodie sans qu’on sache jamais si l’histoire est à prendre au premier ou au second degré (chez Echenoz, particulièrement). De plus, presque tous ces écrivains fragmentent leurs romans : les chapitres sont alignés dans un désordre mesuré, qui ne perturbe pas le lecteur mais le surprend parfois. (Dans La Salle de bain 15, cette fragmentation est matérialisée par la numérotation des paragraphes.) Ainsi peut-on dire que les minimalistes ne racontent pas vraiment : ils font semblant de raconter. Et, en derniers recours, l’illusion réaliste, sans être annulée, est ridiculisée ; le texte met en valeur, in fine, sa propre littérarité : c’est le primat de la forme sur le fond à la manière postmodeme, l’originalité sans provocation et l’intensité déplacée (puisque les grands thèmes, amour et mort, sont systématiquement relégués entre parenthèses par un narrateur apathique).

  • 16  Par exemple : « [...] temps suffisant pour qu’ils sympathisassent, mieux se connussent et de se re (...)
  • 17  Par exemple : « m’étranglai-je » (L’Appareil-photo, op.cit., p. 28) ou « tend-il la main » (Christ (...)
  • 18  Ainsi, « merdier » côtoie « sybarite » (La Salle de bain, op.cit., p. 37) ; ou un seul mot contien (...)
  • 19  Les Pensées de Pascal en anglais dans La Salle de bain (op.cit., p. 86) ou de fausses notes biblio (...)
  • 20  Par exemple : « elle lui tendit les documents et, se croisant les jambes, je vous remercie, lui en (...)

13Chez les minimalistes, l’intériorisation postmoderne de la rupture entre classiques et modernes se joue sur le fond d’un phrasé grammaticalement correct (il n’est plus question de s’inspirer du langage oral) dont la linéarité donne l’occasion à d’incessantes brèches (qui renvoient, elles aussi, à la littérarité du texte). Brèche vers le haut, vers un style tellement littéraire qu’il en devient volontairement artificiel (emploi ironique du passé simple ou du subjonctif imparfait à d’autres personnes que la troisième du singulier16 ; emploi spectaculaire et répété du verbe déclaratif en incise17) ; brèche vers le bas par l’intrusion de vocables orduriers à proximité de termes rares18 ; brèche sur le côté par l’immixtion soudaine de discours autres (à la manière d’un Perec)19 ou l’imbrication du dialogue dans le texte narratif20 (ces brèches illustrent la juxtaposition postmoderne).

  • 21  Patrick Deville, Longue Vue. Paris, Minuit, 1988, pp. 29-30, s’amuse à passer du point de vue d’un (...)
  • 22  Jean Echenoz, L’Équipée malaise. Paris, Minuit, 1986, p. 26 ; et Les Grandes Blondes. Paris, Minui (...)
  • 23  Jean Echenoz, L’Équipée malaise, op.cit., p. 201 et Christian Gailly, Dit-il. Paris, Minuit, 1987, (...)

14L’expérimentation discrète n’est pas non plus absente ; les instances narratives changent subitement de nature21, quelques deuxièmes personnes insolites apparaissent çà et là22, ainsi que des futurs ou des conditionnels23.

15Les écrivains qui gravitent autour de Jean-Philippe Toussaint s’ingénient à jouer avec les conventions sans les abolir. Ils semblent donc bel et bien appartenir à la postmodernité. Mais méritent-ils vraiment d’être appelés « minimalistes » ? À première vue, oui, puisque les histoires sont dérisoires, les sentiments étouffés, les messages inexistants et les héros inactifs. Cependant, deux considérations me font regretter cette étiquette quelque peu péjorative.

  • 24  Le narrateur de Monsieur évoque les expériences de Schrödinger (p. 26) et la théorie des quantas ( (...)

16La première de ces considérations a trait à l’humour de nos auteurs. Leurs romans sont tous portés par un humour léger, subtil, omniprésent et, somme toute, riche de sens : il participe d’une espèce de recul stoïcien par rapport à la réalité, La dérision n’est jamais gratuite et ce n’est pas un hasard si la science, à laquelle il est fait souvent allusion dans ces textes24, est celle du constructivisme, celle de Prigogine, celle que décrit Lyotard, une science abandonnée par les certitudes objectives, remises en cause par le regard de l’expérimentateur. Tout en allégeant la lecture littéraire, l’humour en alourdit le sens et contribue à relativiser la réalité.

17La seconde considération, plus importante encore, ne se précise qu’à la relecture. Car derrière l’apparente vacuité du propos se cache un désarroi profond. L’angoisse, chuchotée plutôt que criée, s’insinue entre les lignes et ne se décrypte qu’à travers des liens thématiques complexes entre différents points du texte. Elle n’en est pas moins au cœur de ces romans.

  • 25  Selon le souhait de Roquentin le samedi 4 janvier dans La Nausée.
  • 26  En effet, la troisième partie du livre peut se lire aussi bien comme la fin que comme le début du (...)

18Ainsi, La Salle de bain, après une lecture rapide, laisse l’impression d’un roman léger, facile, amusant et le comportement du narrateur, qui se cloître d’abord dans sa salle de bain puis dans une chambre d’hôtel à Venise, demeure inexplicable (on s’étonne surtout quand, page 88, il lance sans raison une fléchette au front de son amie). En y regardant de plus près, de nombreux liens s’établissent entre certaines descriptions, entre certains instants du texte qui se contentaient jusque-là de « s’empiler au petit bonheur les uns sur les autres »25, et que marquaient de nombreux détails insignifiants. Le thème de l’immobilité s’associe à celui du temps qui passe (page 25, le narrateur immobile regarde et sa montre et son miroir). Le temps, ensuite, se marie à l’eau : en regardant la pluie (eau en mouvement), le héros constate que chaque goutte finit toujours par s’immobiliser ; il en conclut que « le mouvement [...] tend essentiellement vers l’immobilité et qu’en conséquence [...] [il] entraîne continûment les corps vers la mort » (p. 36). Ces associations éclairent le sens de l’anecdote. Le narrateur, angoissé par la mort, recherche, comme pour la devancer, l’immobilité (d’où son inaction) et il choisit de s’enfermer dans sa salle de bain (où l’eau, et donc le temps, sont maîtrisés) puis à Venise, ville d’eau immobile. Certains détails, apparemment gratuits, acquièrent alors une nouvelle signification : l’admiration du narrateur pour Mondrian, par exemple (p. 84), le peintre de l’immobilité (et des carreaux de salle de bain). Or, l’amie du héros trouve Mondrian « chiant » : si une fléchette se plante dans son front, c’est parce que la jeune femme, mobile et mouvante, représente l’insouciance et la vie... Le roman cache donc une réflexion existentielle que ne résume aucune conclusion ; la structure du texte ne permet pas de décider si le narrateur abandonne ou reprend un mode de vie statique qui s’avère de toute façon inopérant26. Dans L’Appareil-photo, de la même manière, le lecteur ne voit pas pourquoi le narrateur jette, du pont d’un bateau, son appareil-photo à la mer. Une analyse comparable à celle de La Salle de bain démontrerait que la photo représente la réalité crue à laquelle le héros veut échapper en se calfeutrant dans la pensée.

  • 27  Maurice Blanchot, Faux pas (1943). Paris, Gallimard, 1971, p. 16.

19Les romans de Jean-Philippe Toussaint ne sont légers qu’en apparence et réalisent en quelque sorte un ancien projet de Blanchot qui rêvait d’« une œuvre si étrangère à son angoisse qu’elle en serait l’écho par le silence qu’elle garderait »27.

  • 28  Cfr J.-P. Bertrand, M, Biron, J. Dubois, J. Paque, Le Roman célibataire. D’"À rebours” à "Paludes (...)

20Quoi qu’il en soit, minimalistes ou postmodernes, les écrivains de la générations de Toussaint et d’Echenoz sont les premiers à ne pas esquiver la question qui se pose à la fin du XXe siècle (comment écrire un roman après Beckett, Simon et Robbe-Grillet ?), de même que le XIXe finissant se demandait « comment faire du roman après Zola ? »28.

Les années 80 ou l’idéologie du garde-fou

21Ce n’est certes pas un hasard si cette littérature postmoderne et minimaliste a vu le jour pendant les années 80. Comme on l’a vu, ces jeunes auteurs ne se rangent sous aucun drapeau avant-gardiste et se définissent par un nouveau rapport, éclectique, synthétique et positif, à l’institution littéraire. Or les années 80 se démarquent des années 60-70 par un nouveau rapport à l’idéologie, c’est-à-dire par un nouveau mode de positionnement social.

  • 29  Bernard Henri-Lévy reprochera à ceux-ci de s’être acoquinés avec le diable communiste (dans Les Av (...)
  • 30  Cfr André Glucksmann, Les Maîtres penseurs. Paris, Grasset, 1977.

22Contrairement à ce qu’a souvent colporté l’opinion, les idéologies ne sont pas mortes au cours des années 80 mais celles qui subsistent (l’écologie, la démocratie, la communication, les Droits de l’Homme) fonctionnent comme des garde-fous ; elles cherchent plus à éviter un Mal qu’à proposer un nouveau Bien (le mythe de l’émancipation de l’homme ne se renouvelle plus : la fin des méta-discours de légitimation que Lyotard diagnostique dès 1950 devient effective en 1980). Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l’accord tacite se substitue à la mobilisation partisane et que peu à peu s’éteignent les débats idéologiques. Les « nouveaux philosophes », par exemple, remplaçant Sartre dans le rôle d’intellectuel public, sont moins subversifs que leurs aînés29 et se posent en défenseurs de valeurs très consensuelles, tels que le respect de la démocratie et les Droits de l’Homme30.

  • 31  J. HAbermas, op.cit, , p. 411.
  • 32  En effet, la contre-culture « jeune » (rock, BD, polar) des années 60-70 devient la culture de tou (...)
  • 33  Jean-Paul Fitoussi et Pierre Rosanvallon, Le Nouvel Age des inégalités. Paris, Seuil, coll. Essais (...)
  • 34  Critique de la modernité. Paris, Fayard, 1992, p. 411.

23Est-ce la chute du mur de Berlin, la décomposition de l’empire soviétique ou la puissance des médias qui ont rendu caduque la possibilité même d’un débat ? En tout cas, la fin du dualisme capitalisme / communisme semble avoir contaminé tous les autres systèmes d’opposition binaire qui permettaient aux individus de se définir. Ainsi, le couple gauche / droite perd de sa clarté (les élections font plus l’objet d’une joute entre personnalités cathodiques que d’un conflit idéologique) ; de même, l’opposition bourgeois ! ouvriers (« Les causes des pathologies de la société, que l’on pouvait encore grouper autour de l’antagonisme de classes [...] se décomposent désormais dans des contingences historiques extrêmement complexes »31) ou le conflit des générations (jeunes / vieux32) qui fit florès en 68. La société, notent Fitoussi et Rosanvallon, « se caractérise surtout par une formidable réorganisation des modes de différentiation et de hiérarchisation sociale. Ceux-ci ne sont plus uniquement collectifs [...] : [ils sont] plus individualisés et plus évolutifs »33. Par ailleurs, les nouvelles oppositions, les nouvelles injustices, ne reposent plus désormais sur aucune dissenssion idéologique : le dualisme Nord / Sud que la presse fait succéder à Est / Ouest ne met plus en présence deux politiques rivales, le rideau de fer est remplacé simplement par un fossé économique, « Jamais les conflits n’ont été aussi globaux, remarque Alain Touraine, au point que le monde d’aujourd’hui est rempli de croisades et de luttes à mort plus que de conflits publiquement négociables. »34

  • 35  Ajoutons, à titre d’exemple de ces nouvelles définitions sociales : le catholique se désolidarisan (...)

24La façon dont se positionnent les écrivains postmodernes (sans s’engager politiquement ni par rapport à l’institution littéraire) correspond donc à la manière dont un individu doit se définir au cours des années 8035 et la postmodernité pourrait sans doute se lire comme une traduction intéressante d’une société tristement dépolitisée.

Et après ?

  • 36  Alain Badiou, L’Éthique. Essai sur la conscience du Mal Paris, Hatier, coll. Optique philosophie, (...)

25Les années 90 semblent secouer l’œucuménisme consensuel de la précédente décennie (des guerres sanglantes qui nous touchent, de nouvelles crises sociales...) et l’esprit polémique reprend lentement ses droits (par exemple, dans L’Éthique 36, petit livre qui s’est lu dans un cercle dépassant celui de sa discipline, le philosophe Alain Badiou reproche à l’idéologie des Droits de l’Homme de se baser uniquement sur un Mal à éviter, de donner une définition « victimaire » de l’être humain, de clore la pensée et de servir de bonne conscience à l’Occident). Mais, si le débat idéologique renaît, c’est dans le cadre perturbé des armées 80, sans que resurgissent de dichotomie claire. La crise, par exemple, n’oppose plus vraiment les classes, car si celles-ci existent toujours, le vrai fossé sépare les travailleurs des sans-emploi : mieux vaut être un ouvrier en place qu’un universitaire au chômage. Jean-Paul Fitoussi et Pierre Rosanvallon remarquent que « Des inégalités nouvelles ont ainsi fait leur apparition. Elles procèdent de requalification de différences à l’intérieur de catégories auparavant jugées homogènes » (op.cit., p. 68).

  • 37  Le récent numéro de L’Infini (Écrivains non-programmables, Hiver 1995) s’ouvre sur une préface mor (...)
  • 38  De même que Jacques Chirac s’est fait élire en défendant des thèses sociales, Jean d’Ormesson, le (...)

26En ce qui concerne la littérature aussi, la controverse refait timidement surface. Mais sans ordre précis, sans savoir qui est l’adversaire37. Le désordre du jeu littéraire ne va qu’en s’amplifiant38.

  • 39  Jean-Philippe Toussaint, La Réticence. Paris, Minuit, 1991.
  • 40  Jean-Luc Outers, La Place du mort. Paris, La Différence, 1995. La Classe de neige (Paris, POL, 199 (...)

27Quant à la génération minimaliste, elle a évolué vers une plus grande expressivité. L’angoisse, sous-entendue jusque-là, passe au premier plan et l’humour s’atténue. La mort sort des parenthèses : il ne s’agit encore que d’un chat crevé (réapparaissant toutefois de façon obsessionnelle) dans La Réticence 39, mais c’est la mort du père qui occupe jusqu’au titre du dernier livre de Jean-Luc Outers40.

  • 41  Permettez-moi, pour conclure, de parier sur les jeunes écrivains belges qui explorent les nouvelle (...)

28Cette évolution des anciens minimalistes prouve que la postmodernité est loin d’être close ou repliée sur elle-même. Au contraire, la fin des diktats modernes inaugure une ère de totale liberté. Ceux qui ont fait la Révolution contre l’académisme ont enfin aboli la Terreur : à nous de construire un nouveau régime41.

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Notes

1  La notion de modernité à laquelle nous nous référons est celle qu’a décrite, entre autres, Antoine Compagnon dans Les Cinq Paradoxes de la modernité (Paris, Seuil, 1990) : une période commençant vers 1850 autour de Baudelaire.

2  L’impossibilité « d’aller plus loin » repose peut-être plus sur un sentiment subjectif que sur un constat objectif. Certains auteurs, comme Christian Prigent, poète qui se dit lui-même illisible, refusent toujours de construire du sens (voir Une erreur de la nature. Paris, POL, 1996).

3  Autre exemple de cette attitude postmoderne : celle de Pierre Michon à l’égard de Rimbaud. Il a écrit, à la gloire du poète, un livre qui tourne autour de son œuvre (Rimbaud le fils. Paris, Gallimard, coll. L’un et l’autre, 1991) mais, racontant la genèse de son propre travail d’écrivain, il avoue s’être longtemps fourvoyé en prenant pour modèle La Lettre du voyant (dans Vies minuscules. Paris, Gallimard, 1987, p. 137).

4  Notre emploi du concept de postmodernité est proche de celui de Michel Collomb (« Jugement post-moderne sur l’avant-garde », Littérature moderne, avant-garde et modernité. Champion Slatkine, 1988), de Sémir Badir (« Vers la postmodernité », dans Écritures, n° 5, 1993), de Dominique Viart (« Le récit postmoderne », dans La Littérature française contemporaine. Question et perspective. PU Louvain, 1993), de Kibedi Varga, au jugement de valeur près (« Le récit postmoderne », dans Littérature, n° 77, 1990), ou, mutatis mutandis, de son utilisation en architecture. D’autres sens, voisins ou incompatibles, existent cependant. Les Américains se servent de ce terme pour définir une littérature toujours moderne à nos yeux (celle des Beatniks, Burroughs ou Kerouac). Four le philosophe métatnarxiste Jürgen Habermas (Le Discours philosophique de la modernité. Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de philosophie, 1985/1988), sont postmodernes les penseurs qui à partir de Nietzsche remettent en question la raison triomphante des Lumières en posant la question de sa validité (Adorno, Heidegger, Derrida, Bataille et Foucault). Certains théoriciens, tel Slavoj Zizek (Ils ne savent pas ce qu’ils font. Le sinthome idéologique. Point Hors Ligne, 1990), font de la postmodernité une tendance atemporelle [Beckett et Joyce sont modernes, Kafka postmoderne). Celui qui a lancé le terme en France, Jean-François Lyotard (La Condition postmoderne. Paris, Minuit, 1979), situe l’émergence du phénomène aux environs de 1950 : il ne s’agit cependant pas d’art mais d’épistémologie philosophique : suite à Auschwitz, les « métarécits de légitimation » tournés vers une promesse de progrès universel (et dont le prototype est Hegel) sont tombés en désuétude. Il s’ensuit non seulement la parcelisation du savoir mais surtout la fin des certitudes absolues (la science est considérée comme « un jeu de langage » reposant sur des axiomes indémontrables). Nous pourrions supposer que cet état d’esprit n’a eu de véritables effets en art qu’au cours des années 80. Mais, dans Le Postmoderne expliqué aux enfants (Paris, Galilée, coll. Livre de poche biblio essais, 1988), évoquant l’art, Lyotard écrit (p. 24) : « Une œuvre ne peut devenir moderne que si elle est d’abord postmoderne. Le posmodeme ainsi entendu n’est pas le modernisme à sa fin, mais à l’état naissant, et cet état est constant »... Il ne nous reste, pour nous consoler, qu’à souligner que le mot « moderne » a lui aussi maints emplois contradictoires (la modernité remonte-t-elle à Rabelais, à la querelle des Anciens et des Modernes, à Jacques le Fataliste, à Rousseau, aux romantiques ou à Baudelaire ?).

5  Voir Alain Robbe-Grillet, Angélique ou l’enchantement. Paris, Minuit, 1987, p. 174. Par ailleurs, ces dernières années, Angelo Rinaldi, critique à L’Express et plumitif de l’Ancien Régime, déverse sa bile avec mauvaise foi aussi bien sur les modernes (Robbe-Grillet, Duras, Kristeva) que sur les postmodernes (Echenoz).

6  En mémoire du lit. Brèves d’amour, 2. Paris, Gallimard, 1996, de Ludovic Janvier (auteur, comme par hasard, du Beckett par lui-même de la collection « Écrivains de toujours » du Seuil) est composé d’une succession de textes très disparates, variant les tons et les techniques (de la prose poétique au récit oral) et donne un bon exemple de cette littérature fragmentée juxtaposant les styles,

7  Ainsi les romans d’Hervé Guibert (qui sont soit autobiographiques et impudiques, soit imaginaires et fantasmatiques) abandonnent souvent en cours de route le récit qui les avait motivés. Dans Les Gangsters (Paris, Minuit, 1988), les voleurs éponymes n’occupent que la première moitié du texte. À l’inverse, dans L’Incognito (Paris, Gallimard, 1989), qui compte 227 pages, l’intrigue policière ne débute que page 180. Enfin, Le Paradis (Paris, Gallimard, 1992) commence comme un récit de pure fiction à la première personne et puis, brusquement, il bascule dans l’autobiographie quand apparaissent les grands-tantes de Guibert, bien connues de ses lecteurs.

8  Que l’on compare, par exemple, la thématique homosexuelle, objet de provocation maléfique grandiose chez le moderne Genet et le naturel confondant avec lequel Guibert, en bon postmoderne, la normalise sans fausse pudeur.

9  Dans Des hommes illustres (Paris, Minuit, 1993), Jean Rouaud emploie une deuxième personne, un « vous », pendant quelques pages (102 à 114), celles, précisément, où il lui est douloureux d’écrire « je » : quand il raconte la mort de son père.

10  Par exemple, dans L’Épuisant Désir des choses (Paris, POL, 1995), Renaud Camus reprend et détourne la figure moderne du roman spéculaire. Un roman dans le roman, que le héros, membre d’un comité de lecture éditorial, admire mais refuse de publier, est écrit par un homme qui signe « Ulysse Person » (première référence) et qui s’appelle en réalité... Albert Camus, comme l’existentialiste, et donc Camus, comme Renaud Camus. Or ce roman, le meilleur que le héros ait lu depuis longtemps, est un anti-roman moderniste et dérangeant qui ne ressemble en rien à L’Épuisant désir... La figure du roman dans le roman désamorce toute transparence réaliste, mais elle n’a plus rien d’autotélique.

11  Eugène Savitzkaya, Marin mon cœur. Paris, Minuit, 1992. Sans doute peut-on considérer que Savitzkaya est à la charnière entre les deux ères. Marin ne marque cependant nullement un revirement. Un roman comme Un jeune homme trop gros (Paris, Minuit, 1978) est déjà postmoderne et il est antérieur au chef-d’œuvre moderne de son auteur, La Disparition de maman (Paris, Minuit, 1982).

12  Voici d’autres noms de romanciers, français cette fois-ci, que je classerai volontiers parmi les postmodernes : Bernard Marie Koltès, Hervé Guibert, Renaud Camus, Jean Echenoz, François Bon, Christian Gailly, Olivier Targowla, Antoine Volodine, Patrick Deville, Eric Chevillard, Christian Oster, Emmanuel Carrère, Mathieu Lindon, Jean Rouaud, Ludovic Janvier, Pierre Pichon, Yves Ravey, Nina Bouraoui...

13  Les minimalistes sont : Toussaint, Outers, Echenoz, Gailly, Chevillard, Oster, Carrère, Deville, Targowla, Costa et Chevillard.

14  Jean-Philippe Toussaint, L’Appareil-photo. Paris, Minuit, 1988, pp. 25-32,

15  Jean-Philippe Toussaint, La Salle de bain. Paris, Minuit, 1985.

16  Par exemple : « [...] temps suffisant pour qu’ils sympathisassent, mieux se connussent et de se revoir convinssent » (Jean Echenoz, Le Méridien de Greenwich. Paris, Minuit, 1979, p. 171).

17  Par exemple : « m’étranglai-je » (L’Appareil-photo, op.cit., p. 28) ou « tend-il la main » (Christian Oster, Volley-ball. Paris, Minuit, 1989, p. 31). Et Echenoz, dans Le Méridien de Greenwich, conjugue les deux procédés : « [...] que vous n’en sussiez rien vous-même ? subjonctiva hardiment le traducteur » (op.cit., p. 69).

18  Ainsi, « merdier » côtoie « sybarite » (La Salle de bain, op.cit., p. 37) ; ou un seul mot contient en lui la rupture : « couillufomte » (L’Appareil-photo, op.cit., p. 75).

19  Les Pensées de Pascal en anglais dans La Salle de bain (op.cit., p. 86) ou de fausses notes bibliographiques dans Jean Echenoz, Lac. Paris, Minuit, 1989, pp. 75, 138.

20  Par exemple : « elle lui tendit les documents et, se croisant les jambes, je vous remercie, lui en résumait certains » (Jean-Philippe Tousaint, Monsieur. Paris, Minuit, 1986, p. 13) ou « Elle range un peu la vaisselle et je suis à toi » (Christian Costa, L’Été deux fois. Paris, Minuit, 1990, p. 95).

21  Patrick Deville, Longue Vue. Paris, Minuit, 1988, pp. 29-30, s’amuse à passer du point de vue d’un personnage à celui d’un autre.

22  Jean Echenoz, L’Équipée malaise. Paris, Minuit, 1986, p. 26 ; et Les Grandes Blondes. Paris, Minuit, 1995, p. 7.

23  Jean Echenoz, L’Équipée malaise, op.cit., p. 201 et Christian Gailly, Dit-il. Paris, Minuit, 1987, pp. 45-46.

24  Le narrateur de Monsieur évoque les expériences de Schrödinger (p. 26) et la théorie des quantas (p. 110) ; et Jean-Luc Outers, dans Corps de métier (Paris, La Différence, 1992, p. 55), remet en cause la définition des espèces « sous des dehors scientifiques soumise à un arbitraire total ».

25  Selon le souhait de Roquentin le samedi 4 janvier dans La Nausée.

26  En effet, la troisième partie du livre peut se lire aussi bien comme la fin que comme le début du roman.

27  Maurice Blanchot, Faux pas (1943). Paris, Gallimard, 1971, p. 16.

28  Cfr J.-P. Bertrand, M, Biron, J. Dubois, J. Paque, Le Roman célibataire. D’"À rebours” à "Paludes Paris, Corti, 1996, p. 18, Notons qu’il existe d’étonnantes similitudes entre les premiers postmodernes et les débuts de la modernité romanesque décrits dans cet ouvrage. Le roman célibataire (ou décadent), qui va de 1884 à 1895, est centré sur un personnage improductif, statique, asocial, aimant les eaux mortes (notamment Venise !), sa construction est fragmentée et la fiction s’avoue comme artifice. Les auteurs (d’Huysmans à Gide) ne forment pas école. (Bertrand et autres emploient à leur propos deux fois le mot « minimaliste », pp. 119, 206).) Ce roman célibataire diffère cependant du roman minimaliste de 1985 par une espèce de complaisance du moi éli – liste, par une mise en scène spécul aire de l’écriture et, sauf dans le cas de Gide, par une totale absence d’humour.

29  Bernard Henri-Lévy reprochera à ceux-ci de s’être acoquinés avec le diable communiste (dans Les Avenues de la liberté. Paris, Grasset, 1991).

30  Cfr André Glucksmann, Les Maîtres penseurs. Paris, Grasset, 1977.

31  J. HAbermas, op.cit, , p. 411.

32  En effet, la contre-culture « jeune » (rock, BD, polar) des années 60-70 devient la culture de tous et aucune nouvelle contre-culture ne prend le relais. Au Woodstock subversif de 1969 succède le Band Aid caritatif de 1986. Même la mode vestimentaire ne sépare plus vraiment les générations.

33  Jean-Paul Fitoussi et Pierre Rosanvallon, Le Nouvel Age des inégalités. Paris, Seuil, coll. Essais, 1996, p. 25.

34  Critique de la modernité. Paris, Fayard, 1992, p. 411.

35  Ajoutons, à titre d’exemple de ces nouvelles définitions sociales : le catholique se désolidarisant du pape, l’écologiste (à la fois gauchiste et contre le progrès), les partis d’extrême-droite prétendument démocratiques et ce patron à la mode qui devint ministre dans un gouvernement socialiste...

36  Alain Badiou, L’Éthique. Essai sur la conscience du Mal Paris, Hatier, coll. Optique philosophie, 1993.

37  Le récent numéro de L’Infini (Écrivains non-programmables, Hiver 1995) s’ouvre sur une préface mordante de Dominique Noguez, qui n’arrive à s’en prendre qu’aux écrivains-professeurs. Les auteurs regroupés dans le numéro sont hétéroclites, tant sur le plan stylistique qu’idéologique ou que littéraire (Marguerite Duras suscite des attitudes étonnamment contrastées).

38  De même que Jacques Chirac s’est fait élire en défendant des thèses sociales, Jean d’Ormesson, le plus traditionnaliste des académiciens, dit de son dernier livre (Presque rien sur presque tout. Paris, Gallimard, 1996) qu’il recule les limites traditionnelles du roman ( !?).

39  Jean-Philippe Toussaint, La Réticence. Paris, Minuit, 1991.

40  Jean-Luc Outers, La Place du mort. Paris, La Différence, 1995. La Classe de neige (Paris, POL, 1995, Prix Fémina) d’Emmanuel Carrère campe le meurtre du père. Par ailleurs, la question sociale apparaît, avec légèreté, chez Christian Gailly (Be-Bop. Paris, Minuit, 1995, s’ouvre sur une annonce d’offre d’emploi). Voir aussi Dominique Fabre, plus grave, dans Moi aussi un jour, j’irai loin (Paris, Nadeau, 1995).

41  Permettez-moi, pour conclure, de parier sur les jeunes écrivains belges qui explorent les nouvelles voies de la postmodemité : notamment Nicolas Ancion, Luc Louwette et Rossano Rosi.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Demoulin, « Génération innommable »Textyles, 14 | 1997, 7-17.

Référence électronique

Laurent Demoulin, « Génération innommable »Textyles [En ligne], 14 | 1997, mis en ligne le 12 octobre 2012, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/2152 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.2152

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Auteur

Laurent Demoulin

Université de Liège

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