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Jacques Dubois, Le roman policier ou la modernité. Paris, Nathan, 1992, 240 p., coll. Le texte à Pœuvre.
1Jacques Dubois traque depuis de nombreuses années le genre policier, en étant persuadé que l’analyse de cette forme encore réprouvée du champ littéraire peut nous en apprendre beaucoup sur l’émergence de la littérature moderne comme sur le travail de la lecture littéraire. Dans cet ouvrage qui rassemble, entre autres, plusieurs articles parus en revue, Dubois s’intéresse longuement à la structure indicielle du récit policier, au carré herméneutique qui organise les relations entre personnages, mais également aux homologies de fonctionnement entre ce genre de consommation rapide et le développement de la société industrielle.
2Cette lecture serrée recourt sans cesse à des auteurs belges. Le développement théorique fondant la notion de carré herméneutique s’appuie sur L’affaire Saint-Fiacre de Simenon, la typologie des personnages met en avant Maigret et Wens (de Steeman), le jeu avec le code est illustré par Matricide d’Alexandre Lous, etc. Dubois montre bien l’importance du genre policier au sein de la littérature française, et plus particulièrement le rôle joué par des créateurs comme Steeman et Simenon. Parmi les trois auteurs qu’il choisit d’analyser plus en détail, celui-ci côtoie d’ailleurs Gaston Leroux et Japrisot.
3L’analyse du personnage de Maigret révèle comment Simenon abandonne le schéma abstrait de l’énigme à la Agatha Christie pour mettre en scène un univers fictionnel traversé par les clivages des classes sociales. Ces questions de barrières sociales, Assouline en a montré l’importance dans la vie même de Simenon. Mais à privilégier cette dimension, les dix-neuf Maigret publiés chez Fayard doivent sans cesse transgresser le code de l’intrigue policière classique, ce qui amène Simenon à créer, de fait, un nouveau type d’enquêteur.
4Jacques Dubois montre, dans cette lecture minutieuse des premiers Maigret, comment une histoire du genre pourrait enfin se construire, selon ses vœux. Alors que de nombreuses recensions de la chronologie des œuvres et des personnages existent, aucune étude socio-historique, fondée sur une analyse interne des textes, n’existe à ce jour pour la littérature policière, et à plus forte raison pour son important versant belge. Jacques Dubois en pose les principes, il reste à les confronter au corpus dans son ensemble !
Een vergeten vormgever. René Moulaert en de Belgische avant-garde. 1920-1930. Catalogue d’exposition, sous la direction de Luc Van den Dries et Rose Werckx. Anvers, Het Theaterfestival, 1992, 110 p. (et 29 p, de traduction), ill.
5Décorateur et scénographe, René Moulaert fut une des personnalités qui œuvrèrent de façon décisive au renouvellement du théâtre en Belgique. « Monté » à Paris au lendemain de la première guerre (il a tout juste vingt ans) pour y étudier les installations du Vieux-Colombier, il y travaille avec Jouvet et Copeau, et découvre les possibilités scéniques modernes. En dix ans, il va s’imposer comme l’un des scénographes les plus novateurs de son époque, tant à Paris qu’en Belgique, où il participe à l’aventure du Théâtre du Marais, dirigé par Jules Delacre, et collabore avec le Vlaamsche Volkstoneel. C’est ainsi qu’il est mêlé aux recherches théâtrales d’avant-garde qui fleurissent en Belgique entre 1920 et 1930.
6Une exposition consacrée à cette période de la vie de Moulaert et de notre histoire théâtrale a été présentée à Anvers (automne 92) et à Bruxelles (du 12 janvier au 27 février 1993, à la Maison du Spectacle – la Bellone). A cette occasion, un catalogue a été publié, en néerlandais. Richement illustré, il comporte – outre une biographie, une bibliographie et une liste des décors de théâtre et des costumes réalisés par Moulaert – six articles de réflexion et d’érudition sur son œuvre. Deux d’entre eux, qui ne concernent pas directement Moulaert mais plutôt le contexte de renouvellement théâtral dans lequel il s’inscrit (notamment les recherches scéniques des ballets russes, de Craig, Appia, Copeau, Meyerhold, des expressionnistes, etc.) et l’état de la scénographie au début du siècle, ne sont malheureusement pas traduits. Les quatre autres ont été repris en français dans un petit fascicule complémentaire.
7Rose WERCKX s’attache à retracer l’apprentissage du jeune décorateur et sa conception du théâtre : il refuse les « décors touristiques », référentiels et conventionnels, aussi bien que ceux conçus par des peintres reconnus, pour rechercher le « décoratif du décor », sa valeur théâtrale. Fabrice VAN DE KERCKHOVE étudie ensuite, dans un article très érudit, les relations entre Moulaert et le Théâtre du Marais (1922-1926). Il montre parfaitement comment Moulaert, envoyé à Paris par Jules Delacre pour étudier le dispositif scénique du Vieux-Colombier, hérite de l’idéal de Copeau, mais s’en détache progressivement parce qu’il ne subit pas, comme son maître, la fascination de la scène nue. Geert OPSOMER se penche quant à lui sur l’évolution du travail de Moulaert au temps de sa collaboration avec Johan de Meester et le Théâtre Populaire Flamand (1925-1928). Un dernier article est consacré par Luc DHOOGHE aux recherches architecturales de Moulaert : celui-ci dessina en effet une série de plans de scène ; il participa notamment au concours d’architecture pour un théâtre d’état à Charkov (URSS).
Collectif. Arlecchino senza mantello. Fantasmi délia « belgité ». « Les irréguliers du langage ». Rimini, Panozzo Editore, 1993, 193 p., 70 illustrations.
8Les sous-titres éloquents d’Arlecchino senza mantello : Fantasmi della « belgité » et Les irréguliers du langage, annoncent d’emblée au lecteur que seront ici repris les termes d’un débat qui a pour centre et pour mesure d’une part le langage, de l’autre l’histoire d’une Communauté située dans les marges. Souvent plus proche de son grand voisin que des compatriotes éloignés, cette Communauté est liée à lui par de nombreuses relations langagières. Toutefois, ces dernières sont ici comprises comme un fond sur lequel viendraient se détacher certains caractères propres, et pour tout dire une spécificité culturelle bien distincte de la France par la sensibilité et le tempérament.
9C’est pourquoi Ruggero Campagnoli tient à se démarquer d’un concept : la « belgitude », un mot aussi fortuné dans, les années septante que contesté et enfin vidé de sa substance dans les années quatre-vingts et nonante. On se rappelle la réaction des milieux conservateurs au moment où apparut cette notion, mais c’est chez un de ses partisans les plus tenaces que s’est manifesté depuis un certain essoufflement. Pour ceux qui s’étaient rallié à la « belgitude », il est dès lors question d’une appréhension différente, apte à saisir des particularités qui, comme l’indiquait Pierre Mertens au cours de l’émission Lettres ouvertes (France-Culture, 20/05/1991), sont le propre d’une culture « placée à une espèce de carrefour et, qui mieux est, un carrefour en crise, ce qui est pour des artistes un double privilège [...] ». Le mot de « belgitude », ajoutait-il, était circonscrit à une époque qui réagissait contre un enlisement, celui des artistes qui aujourd’hui, en 1991, « auraient 40-60 ans » et qui étaient alors décidés à « occuper le terrain ». Ce malaise donne donc lieu aujourd’hui à la revendication d’une situation d’ambiguïté linguistique autant que thématique.
10Voilà pourquoi Ruggero Campagnoli s’attache à définir les contours heuristiques de la notion de « belgité ». Si quelque chose est communiqué dans le contexte historico-culturel belge, ce n’est pas un alignement, une velléité d’émulation, ou même un ressentiment à l’encontre de la littérature produite en France, elle qui a largement bénéficié du centralisme et du « nationalisme » (c’est nous qui soulignons) supra-national, mais l’évidence, au grand dam des centres nationaux, de nouveaux pôles dans le panorama gnoséologique ; ceux-ci engendrent une force centrifuge rayonnant au-delà de la frontière belge puisque cette production parcellisée est prise en charge et confondue dans l’aire du grand voisin. D’où l’importance, pour Ruggero Campagnoli, de recourir à la métaphore propice du « manteau d’Arlequin » : non seulement elle permet de reconnaître l’étonnante variété, sinon la disparité de cette production, mais elle induit aussi la nécessité du rire pourfendeur et de l’ironie blessante, inhérente à la figure d’Arlequin. Ainsi conçue, la spécificité de cet espace géographique est fort naturellement désignée par ce mot de « belgité », bien qu’on ne dissimule pas le risque d’évoquer ainsi une réalité « faite plus de phantasmes que de traits de styles caractéristiques ». On ne saurait, d’autre part, trop mettre en garde quant à la racine même du terme, à l’heure de l’éclatement politico-économique d’un État dont la division culturelle est déjà un acquis de longue date, ce qui rendait déjà caduc le précédent concept de « belgitude ».
11Du travail critique de Marc Quaghebeur, on connaît l’engagement et la rigueur dont témoigne son recueil d’essais : Lettres belges entre absence et magie. L’insistance avec laquelle il souligne la nécessité de retirer la production artistique belge du fonds français nous renvoie non seulement à une histoire (peu importe son origine) réfractaire aux institutions supra-nationales, mais encore à la langue. Il trace les contours d’une démarche qui est contraire à l’écrasement progressif, déterminé par une option trop cartésienne empruntée au grand voisin, tout comme il précise le refus, au nom d’un mode d’être propre au pays, de l’homogénéisation décrétée par le centralisme. Mais alors que l’artiste belge doit se débattre, se démarquer sans cesse par rapport à un modèle dominant venu de l’extérieur, il lui faut encore lutter contre un risque d’implosion, où s’accomplirait l’utopie d’un langage spécifique. S’attaquer au langage, à son idéologie séculaire, pour relever ce qu’il a de plus libertaire, implique une visée consciente, autrement dangereuse que celle d’un esthétisme quelconque. Cela présume une déconstruction qui entraîne, avertit notre critique, le sabotage du langage codifié. Cela présume une langue malaxée, détournée de ses fonctions habituelles, qui nous livre toute l’épaisseur d’une Communauté plongée dans les aléas de son identité. Fait remarquable, l’auteur adjoint les domaines artistiques à la littérature, c’est-à-dire les lieux où, plus qu’ailleurs, s’est instruit le procès de la vision figurative traditionnelle, où s’est produit le maximum de modifications, de déviations, d’allègement de la logique causale, jusqu’à suspendre et surprendre le tissu langagier et sa pensée. La présence, entre autres, de René Magritte dans ce livre n’est pas un hasard. N’est-ce pas à cette limite extrême que commence virtuellement Les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses, pour reprendre le titre de la célèbre Légende d’Ulenspiegel qui énonçait la primauté d’une singularité sur une rationalité obsolète, bridant l’exubérance langagière du pays d’en deçà ?
12Marc Quaghebeur, en constatant l’existence des Irréguliers du langage, situe, intentionnellement et d’une manière quelque peu restrictive, cette schizophrénie du langage dans le domaine poétique et artistique, c’est-à-dire sur un terrain qui, par sa nature exploratoire, est propice à tous les possibles. Il ne fait qu’effleurer l’irrégularité de la narration. Or, le phénomène est manifeste également dans la production narrative et ceci surtout après la deuxième guerre mondiale en raison aussi du fait que cette production est le creuset de cultures situé au croisement d’au moins deux civilisations.
13Les pages critiques d’Anna Soncini Fratta ont le mérite d’inscrire la production des Irréguliers du langage dans leur contexte historico-culturel, et ceci malgré les difficultés à cerner une Histoire (à laquelle ne peut échapper un peuple même s’il la nie) qui est plus le fruit de circonstances extérieures que de la ferme volonté à s’astreindre à une identité, faute de pouvoir se reconnaître en tant que Nation à part entière. Au cercle des exclus, des marginaux, des Irréguliers précisément, importe l’évidence de se soustraire à la rationalité répressive. Il ne s’agit donc pas d’être assujetti, d’être subjugué, mais de rendre visible le jeu, la fantaisie, l’exploration et l’ivresse de la découverte. Et c’est au lendemain du jour où l’enjeu même de s’identifier avec le concept de Nation naufrage définitivement, en 1980, quand s’établit une fédération de régions, que se matérialisent les incertitudes, les dénégations, l’effacement et la dérive.
14Soixante-sept fiches analytiques, préparées avec soin (on sait la difficulté en si peu d’espace d’élaborer une conceptualisation critique) viennent couronner les trois présentations. Chiara Elefante et Margareth Amatulli nous livrent de manière concise l’essentiel des Irréguliers du langage. Le parcours iconographique – il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout du catalogue d’une exposition – est idéalement divisé en quatre parties : « Les précurseurs », « Les avant-gardes », « Peinture et écriture », « La postérité ». On y rencontre entre autres De Coster, Ensor, Rops, Hergé, Ghelderode, Nougé, Michaux, Baillon, Dotremont, Bury.
15L’accent est mis sur l’irréductible originalité à la « défamiliarisation » du langage commun. Bien loin d’être une fascination gratuite, cette pratique donne à lire un rapport à l’institution où est saisi le refus des codes établis. On y repère les traits propres à la « belgité » mise en évidence par Ruggero Campagnoli. On y isole un ton qui n’est pas présent dans d’autres corpus et qui suppose par là même un rapport complexe, exceptionnel, allant jusqu’à la déperdition du corps écrivant.
« Correspondance », Préface de Paul Aron. Œsophage, Préface de Rik Sauwen. Marie, Préface de Pierre-Yves Soucy. Bruxelles, Didier Devillez, 1993, (trois fascicules), coll. Fac-Similé.
16Voici une entreprise qui rappelle ce que Jean-Michel Place a déjà réalisé, en France, en matière de réédition de revues d’avant-garde. Le jeune éditeur bruxellois Didier Devillez se propose en effet de publier en « fac-similé » – c’est aussi le nom de sa nouvelle collection – l’ensemble des revues belges où s’est traduite l’activité surréaliste. À commencer par les trois périodiques qui en ont marqué l’émergence, à Bruxelles, entre 1924 et 1926.
17Pour introduire à la lecture de ces revues et dénouer l’écheveau serré des complicités et des inimitiés dans l’intelligentsia bruxelloise des années ’20, Didier Devillez a fait appel aux commentaires de trois préfaciers. Leur choix respectif ne s’est pas fait au petit bonheur : ainsi, on ne s’étonnera pas de trouver un exégète de Clément Pansaers, Rik Sauwen, s’attacher à la plus dadaïste de ces revues, Œsophage ; de même, la méthode et la rigueur universitaire de Paul Aron s’appliquent à merveille au « plan de désorganisation méthodique » que représentent les tracts de Correspondance.
18Rik Sauwen rappelle que la formation d’un groupe surréaliste à Bruxelles ne s’est pas amorcée dans un beau concert de voix unanimes. L’action d’E.L.T. Mesens a été décisive, bien qu’en un sens contrariée car, lorsque à la fin de 1924, il annonce la parution imminente de Période, Paul Nougé réplique avec un tract où il plagie Mesens. Du même coup, Nougé fait éclater le noyau constitué autour du projet de Mesens en lui soufflant la collaboration de Camille Goemans et de Marcel Lecomte.
19La conviction de Paul Aron est que l’une des clés de Correspondance réside dans l’usage du mot « ailleurs » : il clôt le premier tract, signé par Nougé, de même qu’il termine le Manifeste du surréalisme d’André Breton, publié quelques semaines plus tôt. Logique avec lui-même et avec l’objet de son analyse, Paul Aron nous mène dès lors ailleurs que dans les sentiers déjà battus des précédentes exégèses de Correspondance, en s’écartant de la critique documentaire. Il indique, par exemple, en quoi ces tracts prophétisent, dans les faits, telle pensée de Walter Benjamin qui écrira, dix ans plus tard : « Un auteur qui n’apprend rien aux écrivains n’apprend rien à personne ». Dans la foulée de Correspondance, il y aura la publication des tracts Musique 1 et 2. Mais l’expérience commence à s’essouffler dans la mesure où, dans Musique 2, Paul Hooreman et André Souris resservent, sous leur signature, les propos écrits par Nougé ailleurs. Sans doute franchissent-ils la limite au-delà de laquelle on tombe dans la ritournelle qu’il vaut mieux arrêter net.
20Enfin, dans sa préface à Marie, Pierre-Yves Soucy souligne à quel point les membres du groupe et de la revue 7 Arts étaient également persiflés par Mesens et Nougé. Leur rapprochement est-il né de la désignation de cet ennemi commun ? En tout cas, nous serions tenté d’affirmer aujourd’hui que les tenants de la modernité se sont ligués contre les apôtres du modernisme.
Hans-Joachim Lope (éd.), L’écrivain belge devant l’histoire. Colloque international organisé à l’Université de Marburg les 12 et 13 octobre 1990. Frankfurt a. M. ; Berlin-Bern ; New-York ; Paris ; Wien, Lang, 1993, 189 p., Studien und Dokumente zur Geschichte der Romanischen Literaturen, 25.
21La publication des Actes du colloque de Marburg rassemble les textes de quinze communications et, en hommage à Jacques Simon, une annexe consacrée à la « Modernité du Téméraire ». Vic NACHTERGAELE et Jutta LEUKERS s’intéressent aux premiers temps de l’Indépendance. La très stimulante intervention du premier met en question le corpus et les présupposés de l’ouvrage classique de Gustave Charlier sur Le mouvement romantique en Belgique (1948 et 1959). Ses arguments justifient que l’on réfléchisse à nouveau au concept de littérature nationale avant 1850 et aux relations entre roman historique et historiographie.
22Les autres communications se partagent à peu près équitablement entre la fin du XIXe siècle et la période contemporaine, laissant de côté l’entre-deux-guerres : cette exclusion se comprend par la cristallisation des enjeux idéologiques dont la lecture du Journal de Frédéric par Robert Frickx indique certes l’enchevêtrement et la complexité, tout en ne la justifiant pas clairement par rapport au projet du colloque.
23Raymond TROUSSON et Paul GORCEIX étudient le théâtre d’Iwan Gilkin, un théâtre de poète, plus attentif au tableau qu’à la scène, mais qui s’efforce de traduire le pathos patriotique sans lourdeurs didactiques. Egmont est un bon exemple de cette tentative, qui démarque la pièce de Goethe tout en associant habilement drame psychologique et composante historique.
24Les intervenants suivants analysent des œuvres plus contemporaines, dont Marc QUAGHEBEUR construit le contexte d’émergence dans sa « Brève histoire des lettres belges depuis la libération ». Deux questions s’inscrivent en filigrane dans leurs communications. Ils s’interrogent d’abord sur la manière dont les auteurs modernes thématisent des personnages historiques ou des héros de fiction ayant une relation forte à l’histoire réelle. Cette question guide les approches de Jacques PERRONET, Helmut SIEPMANN, Peter-Eckard KNABE et Hans FELTEN, respectivement consacrées à « l’image du Téméraire dans les lettres belges contemporaines », à René Kalisky, à Charles Berlin et à Terre d’asile de Pierre Mertens. Par ailleurs, Pierre HALEN (« Marcel Thiry. Portrait d’un écrivain en militant »), René ANDRIANNE (« Simenon face aux remous de l’histoire ») et Ana GONZÀLEZ SALVADOR (« D’autres mo (n) ts-Logogrammes ») envisagent la situation de quelques auteurs par rapport aux enjeux historiques.
25Comme tous les colloques, cet ensemble comprend des propos d’inégale pertinence, tout en abondant en suggestions que l’on aimerait voir développées. Contentons-nous de noter que l’auteur le plus souvent cité semble bien être René Kalisky. Son théâtre est ici lu à la fois comme « carnavalisation de l’histoire » et comme structure complexe multipliant, dans un cadre textuel unique, une série de strates historiques différentes. À cet égard, une fois de plus, il faut déplorer que personne ne se soit encore attaqué à la totalité de cette œuvre fondamentale, malgré les innombrables pistes déjà ouvertes par les études de Marc Quaghebeur.
Donald Flanell Friedman, An Anthology of Belgian Symbolist Poets. New-York & London, Garland Publishing, 1992, 301 p.
26Voici une anthologie qui constituera sans aucun doute un ouvrage de référence précieux puisque sont regroupés, pour la première fois, une sélection de poèmes symbolistes belges et leur traduction en anglais. On ne peut donc que louer l’initiative de Friedman (professeur de français au Winthrop College et auteur d’articles sur l’esthétique symboliste) qui nous propose, dans leur version bilingue, des poèmes de Rodenbach, Verhaeren, Maeterlinck, Elskamp, Van Lerberghe et de ceux qu’il appelle « The young Belgians » (ils sont au nombre de douze parmi lesquels Waller, Giraud et Mockel).
27Dans son introduction, Friedman entend examiner les caractéristiques du mouvement symboliste tel qu’il s’est développé en Belgique de 1880 à 1920. Il évoque ce « sens du lieu », cette importance accordée à l’espace concret et réel (villes flamandes, paysages wallons...) qui est le point de départ du long voyage intérieur. Il mentionne aussi la simplicité du langage qui refuse l’hermétisme au profit de la suggestion et de l’équivoque.
28Néanmoins, la tâche de l’auteur est lourde tant il est peu aisé de traduire, sans rien ôter de leur âme, ces vers déteints et hallucinés. Friedman y parvient de façon inégale. Il semble privilégier la traduction mot à mot et, si cela donne parfois de bons résultats, d’autres occasions sont moins heureuses car les vers perdent, par rapport au texte original, tout leur pouvoir évocateur. Ainsi dans ce poème de G. Marlow, intitulé Du Soir :
Petite ville et vous les Cloches
Mes Sœurs, dont la vague musique
Un tantinet mélancolique
Neige en mon âme ses reproches. (p. 200).
Little city, and you the Bells
My sisters, whose vague music
A bit melancholy
Snows its reproaches in my soul (p. 201).
29Par ailleurs, les choix qu’opère l’auteur quant à la traduction de certains mots étonnent parfois. Dans Valse de Chopin (p. 168.), A. Giraud compare le charme dolent de cette musique au baiser de « la bouche d’une phtisique ». La troublante réalité de cette image ne serait-elle pas adéquatement rendue par « consumptive lips » (on trouve « tubercular lips » sous la plume de Friedman, p. 169) ? De même, on pourrait penser que pour évoquer des « rêves sous-marins » (Rodenbach, p. 24), « underwater dreams » serait plus riche de connotations et donc préférable à « submarine dreams » (p. 25).
30Mais Friedman choisit parfois une voie plus personnelle, abandonnant la traduction mot à mot et recréant ainsi la fluidité propre aux vers symbolistes. Ces deux derniers vers d’un poème de A. Fontainas (Tes yeux) en sont, dans leur simplicité, un bel exemple :
Ils répètent, tes yeux : “Que la mer est belle”
Et je réponds toujours : Que tes yeux sont beaux ! (p. 230.)
Your eyes repeat: “The sea is lovely!”
And I answer with a smile that reflects in your eyes (p. 231).
31Il n’en reste pas moins que se perdent irrémédiablement les rimes et les sonorités. Il n’en reste pas moins que dans sa traduction, un vers tel que celui-ci, extrait d’un poème de Rodenbach : « Moi, dont la vie aussi n’est qu’un grand canal mort ! » (O ville, toi ma sœur, p. 18) a perdu toute sa mélancolique musicalité : « And I, for whom life is nothing but a cold canal » (p. 19). Peut-être faut-il simplement se résigner à l’impossibilité de rendre dans une autre langue cette unique rencontre entre un être et le monde, dont fait part la poésie...
32Signalons encore qu’une courte biographie et un bref aperçu des œuvres principales introduisent chacun des auteurs. En outre, des reproductions de quelques peintres symbolistes, à savoir F. Khnopff, W. Degouve de Nunques et J. Delville, agrémentent l’ouvrage pour le plus grand plaisir des yeux. À cent lieues d’être de simples illustrations, ces toiles, inondées de mystère et visionnaires à souhait, traduisent à la perfection les modalités de la poésie symboliste.
Catalogue. Fonds Marcel Lpbet. [Témoignage en guise de préface pour un répertoire, par Jean Lacroix]. Namur, Maison de la Poésie, s.d., n.p., ronéot., Bibliothèque poétique François Bovesse.
Catalogue. Fonds Albert Ayguesparse. [Précédé d’une note de Jean-Luc Wauthier : Albert Ayguesparse, un lecteur). Namur, Maison de la Poésie, s.d., n.p., ronéot., Bibliothèque poétique François Bovesse.
33La Maison de la Poésie à Namur – et singulièrement sa Bibliothèque – continue d’enrichir ses collections. Deux écrivains belges, qui auront au moins eu en commun d’avoir pu vivre très longtemps leur sensibilité de lecteur, lui ont fait don d’un certain nombre d’ouvrages, ici recensés alphabétiquement de la façon la plus sommaire sous la forme de deux syllabus reproduisant les fiches concernées. En fait de « catalogues informatisés », ces deux répertoires ne recourent qu’au minimum des services qu’aurait pu apporter l’ordinateur : une mise en page ou un traitement des données auraient, pour le même cout, rendu cette double publication plus agréable et plus utile. Pas d’indication sur la rareté des ouvrages ni sur les dédicaces éventuelles qui y figurent. Les deux préfaces ne nous apprennent pas grand-chose. Dira-t-on que le Fonds Lobet (plus de 400 références) est plus fourni et plus diversifié (il comporte notamment un certain nombre d’essais) que le Fonds Ayguesparse (340 références) ? En réalité, plutôt que de tels syllabus, le vrai progrès pour le chercheur sera le raccordement des catalogues de la Bibliothèque Bovesse au réseau Libis.
Annuaire du spectacle de la Communauté française de Belgique 1991-1992. Bruxelles, Labor, 1992, 131 p.
34La onzième édition de l’Annuaire présente ses données sur les réalisations théâtrales, lyriques et chorégraphiques en Communauté française au cours de la saison 91-92 dans le même ordre et sous les mêmes rubriques que l’édition précédente, fidélisant ainsi le maniement de cet outil désormais irremplaçable tant pour les gens de la profession que pour les autres. Ce répertoire exhaustif mentionne en effet, pour chaque spectacle, outre le titre de l’œuvre, le nom de l’auteur et des responsables de la production, le nom des interprètes, la date de création et celle des reprises, ainsi que le nombre de représentations. Ceci est le résultat d’une minutieuse collecte d’informations sur toute la saison, que l’équipe des Archives et Musée de la Littérature offre chaque année à ceux qui s’intéressent aux arts de la scène. Pour joindre l’agréable à l’utile, de nombreuses et superbes photos noir et blanc émaillent toujours l’Annuaire, illustrant tel ou tel moment des spectacles et rendant compte de leur étonnante diversité créatrice.
35L’’Annuaire n’oublie pas de livrer chaque année les renseignements « périphériques » au monde du spectacle : une bibliographie des pièces d’auteurs belges et des études publiées sur le théâtre en Belgique en 1992, la liste des captations vidéo des Archives et Musée de la Littérature et une liste des adresses utiles (écoles de théâtre, bibliothèques, centres de recherche et revues spécialisés dans le domaine du spectacle). Enfin, l’index cumulatif promis l’an dernier, qui reprend l’index des compagnies, des noms cités et des titres de spectacle de 1981 à 1991, est à présent disponible aux Archives et Musée de la Littérature. Quant à la base de données informatisée, elle sera sans doute accessible l’an prochain.
Papier blanc, encre noire. Les dits de la nuit. Contes recueillis et présentés sous la direction de Marc Quaghebeur par Antoine Tshitungu Kongolo avec la collaboration de Véronique Jago-Antoine. Bruxelles, « Cellule Fin de siècle »– Communauté française de Belgique (Bld Léopold II, 44 – B- 1080 Bruxelles), 1993, 167 p.
36Cette anthologie de contes africains vient s’ajouter aux autres publications de la « Cellule Fin de siècle » à propos de l’Afrique centrale : les deux importants volumes du « Collectif », parus chez Labor dans la collection Archives du Futur, les diverses moutures – française, espagnole et allemande – du catalogue de l’exposition Papier blanc, encre noire. Cent ans de littérature francophone en Afrique centrale, ainsi que l’ Inventaire du fonds “Afrique centrale” des Archives et Musée de la Littérature. Toutes ces publications relèvent d’un même projet : prendre la mesure qualitative et quantitative d’un double corpus (les lettres congolaises/zaïroises et les lettres belges d’inspiration ou d’identité africaine), dont la gémellité imposée par l’histoire n’interdisait pas aussi absolument qu’on aurait pu l’imaginer la présentation juxtaposée, sinon réciproquement intriquée.
37La présente anthologie, éditée à l’occasion de la mise en place de l’exposition à Arlon, est due aux trois personnes susmentionnées, mais aussi, nous apprend une page intérieure, à Emile Van Balberghe, « coordinateur du volume », avec la collaboration de Nicole Cabès et d’Annick Vilain. Pas étonnant que le travail d’édition soit ici encore à peu près irréprochable, au-delà bien entendu de la sélection elle-même, opération qui, en l’occurrence, ne pouvait consister qu’en un échantillonnage. Au-delà, également, de la maigreur des notices consacrées, en fin de volume, aux différents auteurs ou collecteurs cités.
38L’essentiel est assurément, ici encore, le dépassement du clivage qu’imposent à d’aucuns l’origine raciale ou nationale des personnes qui se consacrèrent, dès la fin du XIXe siècle dans les colonnes du Mouvement antiesclavagiste, à la collecte et à la publication de ces « dits de la nuit ». Africains et Européens se trouvent ici fort heureusement mêlés : c’est que leur démarche était semblable, et semblable, en outre, l’ensemble des modalités rhétoriques qui président à la traduction en français, à l’adaptation à l’écrit et à la diffusion par la voie de l’imprimé de ces récits oraux.
39On retrouvera sans surprise ici les noms de Firmin Rodegem, de Marie Gevers, curieuse en Afrique comme au Limbourg des traditions populaires, et d’Olivier de Bouveignes, celui des écrivains coloniaux qui consacra le plus de volumes à cette « orature » (mais on s’étonne, précisément, qu’un seul de ses ouvrages et qu’une seule de ses tentatives formelles soient ici représentés), de Kama Kamanda et de Clémentine Faïk-Nzuji, entre autres. Par ailleurs, les « conteurs de La Voix du Congolais », premier véritable organe de presse « africain » après 1945, retrouvent ici la place qui leur est due dans l’histoire littéraire.
40Dans un bref avant-propos, Marc Quaghebeur rend hommage, en la circonstance, à ceux qui « eurent l’audace et l’humilité de croire que la Sagesse des Anciens n’était pas indigne de la créativité et de l’originalité que la culture occidentale récente accorde presque exclusivement à ce qui parait neuf » ; il souligne également l’importance, « pour l’âme », de reprendre contact avec cette « part enfouie de notre propre histoire » que réveillent les contes. Suit une introduction d’Antoine Tshitungu qui présente, d’une manière générale et dans la perspective d’un « dialogue de cultures conjuguées », l’univers des contes et les conditions de leur énonciation in situ.
41À l’heure où se met progressivement en place, au Congo/Zaïre, un centre d’études des lettres belges, on se dit que la première mission d’une telle institution pourrait être dans l’inventaire et le rapatriement, sur tel ou tel support approprié, de l’énorme patrimoine, aujourd’hui dispersé, de la littérature orale africaine glanée et écrite par des Belges, ou conservée en Belgique. Au-delà, on peut rêver d’une autre anthologie que ce coup d’essai à valeur démonstrative et pédagogique, qui ferait la part des choses en matière de géographie, de chronologie, de rhétorique (il ne s’agit pas d’ethnographie) et de genres, et qui pourrait s’adresser, comme celle-ci, aux deux publics européens et africains.
Paul ARON et Pierre-Yves SOUCY, Les revues littéraires belges de langue française de 1830 à nos jours. Bruxelles, Labor, 1993, 193 p., coll. Archives du Futur.
42Imprimé pour paraître à l’occasion des manifestations organisées à Bruxelles en novembre 1993 autour des revues culturelles, ce répertoire des périodiques à vocation partiellement ou totalement littéraire ne dissimule pas son état provisoire et sa vocation de ne constituer qu’un instrument pour la recherche (mais quel précieux instrument !). L’exhaustivité, en la matière, reste un objectif lointain et sans doute inaccessible, tant il est vrai que l’« infrastructure légère » sur laquelle reposent, éditorialement, les revues les voue aussi à se priver de la plupart des moyens qui en feraient aussi des « lieux de mémoire » facilement accessibles aujourd’hui. On sait notamment que les revues, une fois passée leur « actualité », sont souvent les parents pauvres des bibliothèques. Néanmoins, comme le répète et le montre clairement l’introduction de cet ouvrage, les périodiques, dans leur diversité, ont joué un rôle déterminant dans l’histoire littéraire, rôle plus important encore dans le domaine des lettres belges où ils avaient à compenser les carences de l’infrastructure éditoriale elle-même ; plates-formes locales où s’impriment les coups d’essai, où se nouent et se dénouent les réseaux interpersonnels et où, surtout, se réalisent avec plus ou moins de bonheur les effets de stratégies internationales de légitimation. Ceci est illustré avec précision par l’introduction, principalement pour les premières périodes de 1880-1914 et de 1918-1940 (les lignes de force ne se dégagent pas avec autant de clarté pour la période ultérieure, comme c’est bien compréhensible étant donné sa proximité et, sans doute aussi, à la fois sa profusion et la difficulté plus grande d’y laisser jouer la valorisation littéraire). Sauf sans doute pour... la Flandre, au sujet de laquelle les auteurs renvoient, en note, à l’ouvrage consacré aux Avant-gardes littéraires en Belgique (Labor, 1990).
43Outre ce riche texte liminaire, qui, par sa clarté, constituerait aussi une excellente introduction à l’analyse institutionnelle, l’ouvrage se compose d’un répertoire où quelque mille revues sont recensées avec leurs sous-titres, les noms de leurs principaux responsables, leurs filiations, leur cote à la Bibliothèque royale, au Musée de la Littérature ou dans quelques autres bibliothèques si elles y sont conservées, leur périodicité et leur lieu de parution. Les principales bibliothèques semblent avoir été visitées, sauf la Bibliothèque africaine pour les cas spécifiques et le C.G.D. de l’Université de Louvain pour les autres. Détail : en dépit du Bon usage, un curieux recours aux majuscules caractérise l’orthographe de tous les titres.
44Ensuite vient un index nominorum fort bienvenu, ainsi qu’un tableau reprenant l’ensemble des titres en fonction de l’année de leur création. De ce tableau, l’introduction tire quelques intéressants enseignements concernant la multiplication des revues aux périodes de crise économique et/ou idéologique et politique.
45Étape en direction d’une étude plus systématique du corpus, cet inventaire ne répond sans doute pas encore à toutes les questions que peut se poser un chercheur pressé. Un certain nombre d’indications matérielles significatives font défaut, comme le format, l’illustration, le nombre moyen de pages, le nombre total de livraisons parues (ce nombre est parfois indiqué cependant, s’il est peu élevé), la moyenne des livraisons par an. On ne distingue pas toujours clairement non plus si ce qui est décrit comme conservé à tel endroit est tout ou partie de ce qui a été effectivement publié. Malgré la difficulté, des indications, nécessairement plus subjectives, en ce qui concerne le contenu artistique et idéologique seraient également précieuses ; ce travail n’étant ni aussi nécessaire ni peut-être possible pour tous les titres, du moins admettra-t-on qu’il puisse être utile pour une sélection d’entre eux, s’ils n’ont pas fait l’objet par ailleurs d’une étude spécifique.
46Un ouvrage désormais indispensable, donc, pour des chercheurs que Paul Aron et Pierre-Yves Soucy pressent par ailleurs de collaborer à son enrichissement ultérieur.
René FAYT, Auguste Poulet-Malassis à Bruxelles (septembre 1863-mai 1871). Préface de Paul Delsemme. Bruxelles, Les Libraires Momentanément Réunis, 1993, 166 p., coIl. Documenta et Opuscula, 15 ; L’Édition clandestine à Bruxelles durant la seconde moitié du XIXe siècle, 1.
47Quand une passion ancienne rejoint les préoccupations de la recherche contemporaine, un livre peut devenir un événement. C’est ce qu’annonce le Poulet-Malassis de René Fayt, premier volume d’une série consacrée à l’Edition clandestine à Bruxelles à la fin du XIXe siècle. Bibliothécaire à l’U.L.B., l’auteur est aussi un fervent bibliophile. On lui doit notamment des articles parfaitement documentés sur les Éditions Ça Ira, et les « Tables » de la Revue nationale, du Thyrse et du Bulletin de l’Académie royale de langue et de littérature française. Il accumule depuis toujours des matériaux sur l’édition bruxelloise entre la fin de la contrefaçon et la première guerre mondiale. Par ailleurs, les chercheurs se tournent de plus en plus vers l’infrastructure de l’histoire littéraire. Une monumentale histoire de l’édition française a vu le jour voici quelques années, qui suivait les travaux entrepris par Robert Darnton sur le XVIIe siècle, et qui n’était pas sans annoncer l’intérêt que suscite aujourd’hui l’« arrière-cuisine » de la littérature : les cafés, les revues, les salons, etc.
48Grâce à Colette Baudet, John Bartier et Francis Sartorius, ainsi qu’à Adrienne et Luc Fontainas, on commençait à connaître des éditeurs comme Henry Kistemaeckers, Albert Lacroix ou Edmond Deman. Mais seul René Fayt pouvait nous conduire dans le dédale des activités marginales, parfois anonymes et toujours discrètes de ceux qui introduisaient libelles subversifs et opuscules galants dans la France du Second Empire. Voici donc levé un pan du voile sur l’éditeur de Baudelaire, qui fut aussi un des principaux commanditaires de Félicien Rops : un homme de convictions progressistes, un érudit formé à l’École des Chartres et un fin découvreur de ces textes que l’on appelle libres parce qu’ils étaient peu conformes à la pruderie affichée par les bourgeois amateurs d’operette.
49Une galerie de personnages curieux apparaissent au fil des découvertes de René Fayt, tel Emile Wittmann, l’imprimeur des Chants de Maldoror, collaborateur et prête-nom d’un libraire fameux ou l’auteur anonyme du Glossaire érotique de la langue française depuis son origine jusqu’à nos jours, contenant l’explication de tous les mots consacrés à l’amour, qui n’était autre que le bibliothécaire du Roi... Plus connus sont Albert Glatigny, le comédien-poète, ou Albert Lacroix, l’éditeur de Victor Hugo, mais aussi de Zola et de Lautréamont, dont la personnalité s’éclaire par les anecdotes soigneusement vérifiées par Fayt.
50Dans le sillage de Poulet-Malassis, note l’auteur dans sa conclusion, sont venus les éditeurs qui allaient porter à un haut niveau d’exigence l’édition poétique belge à la fin du siècle, les Deman, Lacomblez, la veuve Monnom. On ajoutera que le dynamisme dont la librairie semi-clandestine fit preuve ne fut étranger ni à la reconnaissance internationale de Rops, ni surtout à celle des Jeunes-Belgique, à qui il permit de découvrir précocement Baudelaire et Lautréamont.
51Ce beau volume illustré s’accompagne de précieuses tables de noms de personnes et de titres cités. On attend la suite avec impatience !
Pour citer cet article
Référence papier
Marc Lits, Pierre Piret, Silvio Ferrari, Philippe Dewolf, Paul Aron, Sarah-Ann Kairet, Pierre Halen, Isabelle Dumont, Pierre Halen, Pierre Halen et Paul Aron, « Ouvrages généraux », Textyles, 10 | 1993, 313-325.
Référence électronique
Marc Lits, Pierre Piret, Silvio Ferrari, Philippe Dewolf, Paul Aron, Sarah-Ann Kairet, Pierre Halen, Isabelle Dumont, Pierre Halen, Pierre Halen et Paul Aron, « Ouvrages généraux », Textyles [En ligne], 10 | 1993, mis en ligne le 09 octobre 2021, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/1941 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.1941
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