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Comptes rendus
De Caroline Gravière à Jean-Luc Outers

Maurice Maeterlinck, La Vie de la nature. [Recueil comprenant :] La Vie des abeilles. L’Intelligence des fleurs. La Vie des termites. La Vie des fourmis. Préface de Jacques Lacarrière. Postface de Paul Gorceix

Bruxelles, Complexe, coll. Bibliothèque Complexe, 1997, 506 p.
Isabelle Auquier
p. 241-242
Référence(s) :

Maurice Maeterlinck, La Vie de la nature. [Recueil comprenant :] La Vie des abeilles. L’Intelligence des fleurs. La Vie des termites. La Vie des fourmis. Préface de Jacques Lacarrière. Postface de Paul Gorceix, Bruxelles, Complexe, coll. Bibliothèque Complexe, 1997, 506 p.

Texte intégral

1Ces essais de Maeterlinck, consacrés aux insectes sociaux et aux fleurs, sont aussi, pour les littéraires, une source pour la connaissance de l’homme de lettres gantois. En effet, ses réflexions nous intéressent parce qu’elles laissent entrevoir la personnalité de l’écrivain poète, philosophe et dramaturge. Par l’observation de « la vie de la nature », Maeterlinck révèle ce qu’il cherche vraiment en ce monde et la façon dont il conçoit celui-ci. Sur ce point, Jacques Lacarrière guide fort bien notre lecture. Ainsi, ce n’est pas seulement la qualité du savoir botanique de Maeterlinck qui retient notre attention : l’intérêt de ce recueil est dans la métaphore permanente entre l’homme et la nature ; le va-et-vient entre le monde humain et animal est continu. Maeterlinck nous livre de cette manière une vision relativisée de l’être humain ; il prend soin de le montrer comme un être quelconque, simple fruit de l’évolution animale, au sein d’un macrocosme qu’il ne comprend pas, qu’il ne domine pas, et dont il se croit néanmoins le centre : « L’homme n’est qu’une bulle du néant qui se croit la mesure de l’univers » (La Vie des termites, p. 346). Les abeilles, les fourmis et les termites deviennent dès lors un exemple de sagesse et un modèle d’humilité.

2Le philosophe transparaît sensiblement sous le botaniste ; c’est pourquoi Maeterlinck ne peut s’empêcher de prêter des intentions humaines aux fleurs et aux insectes : il anthropomorphise l’âme dont il les croit pourvus. La comparaison va jusqu’au rapprochement des Hommes et des fleurs : « On dirait vraiment que les idées viennent aux fleurs de la même façon qu’elles nous viennent. Elles tâtonnent dans la même nuit, elle rencontrent les mêmes obstacles, la même mauvaise volonté, dans le même inconnu » (p. 233). Cela lui permet de passer de la botanique à la philosophie, du microcosme au macrocosme, de l’abeille à l’homme, de l’homme à la nature et de la nature à l’inconnu : « Le moindre secret d’un objet que nous voyons dans la nature qui n’est pas humaine, participe peut-être plus directement à l’énigme profonde de nos fins et de nos origines, que le secret de passions les plus passionnantes et les plus complaisamment étudiées » (La Vie des abeilles, p. 108). La question obsessionnelle posée par Maeterlinck consiste à savoir qui, dans la ruche, la termitière ou la fourmilière, qui chez les fleurs et dans le monde des hommes commande et dirige notre destin. Qui ordonne l’apparition de tel comportement social, qui guide les actions de ces insectes... ? Autant de questions sans réponse qui conduisent Maeterlinck à postuler l’existence d’un « esprit » organisateur qui, selon lui, se manifeste par ce qu’on appelle l’intelligence ou, à tort, l’instinct de ces individus.

3En effet, l’écrivain gantois est tenté de reconnaître une intelligence aux insectes et aux fleurs : leur adaptation aux circonstances les plus défavorables et les plus invraisemblables le conforte dans cette opinion. Cependant, la puissance organisatrice de leur société demeure inconnue. C’est pourquoi Maeterlinck en déduit que seule une autorité d’un ordre qui échappe à nos sens organise la vie des abeilles, des termites et des fourmis. C’est là ce qu’il appelle, dans le cas des abeilles, « l’esprit de la ruche ». On pourrait également citer, à ce propos, cette comparaison radicale entre l’organisme humain et la fourmilière : « Nous ne sommes qu’un être collectif, une colonie de cellules sociales ; mais nous ne savons pas du tout qui commande, dirige, réglemente et organise l’activité prodigieusement complexe et disséminée de notre vie organique » (La Vie des fourmis, p. 380).

4En fin de compte, les observations de Maeterlinck sur la nature ont pour but d’alimenter sa réflexion sur l’énigme de notre propre existence. Parlant des termites : « ils nous dévoilent aussi, à côté de celle que nous rencontrons en nous-mêmes, mais qui sans doute est trop subjective, une face de l’Anima Mundi; et c’est en dernière analyse, l’intérêt véritable de ces observations entomologiques qui, privées de ce fond, pourraient paraître assez petites, oiseuses et presque enfantines » (La Vie des termites, p. 344).

5Paul Gorceix montre d’ailleurs que le botaniste ne peut être séparé du penseur mystique et nous donne le fil de conduite de la pensée maeterlinckienne : « La critique s’est contentée de souligner le penchant de Maeterlinck pour les doctrines ésotériques, sans voir qu’il était un lien étroit entre les essais scientifiques et la création littéraire. L’Oiseau bleu en est le document » (Postface, p. 500). Paul Gorceix conclut donc que les essais de Maeterlinck sur la nature sont entre « théosophie » et « poésie » ; ils sont à lire à la lumière de l’œuvre qui, seule, peut les replacer par rapport à sa production dramatique, et par rapport à ses essais philosophiques. Paul Gorceix postule dès lors une continuité de l’œuvre entière de Maeterlinck, reposant sur une seule et unique question : le mystère de l’inconnu.

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Pour citer cet article

Référence papier

Isabelle Auquier, « Maurice Maeterlinck, La Vie de la nature. [Recueil comprenant :] La Vie des abeilles. L’Intelligence des fleurs. La Vie des termites. La Vie des fourmis. Préface de Jacques Lacarrière. Postface de Paul Gorceix »Textyles, 15 | 1999, 241-242.

Référence électronique

Isabelle Auquier, « Maurice Maeterlinck, La Vie de la nature. [Recueil comprenant :] La Vie des abeilles. L’Intelligence des fleurs. La Vie des termites. La Vie des fourmis. Préface de Jacques Lacarrière. Postface de Paul Gorceix »Textyles [En ligne], 15 | 1999, mis en ligne le 25 juillet 2012, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/1290 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.1290

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Auteur

Isabelle Auquier

F.N.R.S.-U.L.B.

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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