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« La France en zigzag » : les productions littéraires belges dans Les Nouvelles littéraires (1945-1960)

Paul Dirkx
p. 69-86

Texte intégral

  • 1 Cf. Dirkx (P.), « Describing Literature in Belgium : Some Reflexions on Evolution, Domination and D (...)
  • 2 Plus de quinze ans après la publication du programme de recherche de Jean-Marie Klinkenberg (« La P (...)

1On le sait, dans chacune de ses dimensions, la production littéraire francophone en Belgique dépend plus ou moins directement des pratiques et des modes de légitimation littéraires qui prévalent à Paris1. Il est temps de prendre ce quasi-truisme au sérieux et d’étendre les recherches, peu nombreuses2, sur tout ce qu’il recouvre depuis trop longtemps. À cet effet, il convient de se démarquer, d’une part, d’une approche comparatiste qui, de manière implicite, postule l’existence de « relations littéraires franco-belges » égales et plus ou moins désintéressées ; d’autre part, d’une approche intentionaliste qui, tout aussi tacitement, s’appuie sur une conception réductrice des rapports entre « dominants » et « dominés ».

  • 3 L’expression « productions littéraires » relève d’une approche pragmatique et internationale ; elle (...)
  • 4 Klinkenberg (J.-M.), « Le Dedans et le dehors ou la légitimation des lettres de Belgique par Paris  (...)

2La présente étude s’intéressera à la (trans)formation des schèmes de représentation et d’évaluation des productions littéraires belges3 (francophones et néerlandophones) tels qu’ils se dégagent d’un corpus de textes publiés à Paris. Seront pris pour objet, plus précisément, les articles parus dans Les Nouvelles Littéraires de 1945-1960 et ayant trait, par leur sujet et/ou par leur auteur, à la production littéraire belge. Ces articles seront considérés comme les produits d’une praxis discursive qui fait partie intégrante de l’analyse, à la différence des modèles, plus sémiotiques, qui inspirent les études comparables4. L’objectif principal consiste à y déceler les principes d’organisation et de classement des productions belges dans leurs rapports avec ceux qui s’en inspirent plus ou moins consciemment. Dans ce but, il convient : 1°) d’avoir à l’esprit l’origine politique refoulée des rapports de force culturels franco-belges, qui sont une variante d’une lutte (symbolique) entre deux États voisins (section 1) ; 2°) d’évoquer les diverses logiques qui composent et caractérisent l’espace socio-professionnel choisi (section 2) ; 3°) d’analyser les textes en faisant intervenir l’ensemble des déterminants sociaux décrits au cours des deux sections précédentes qui, il faut le redire, sont indispensables et ne forment pas une quelconque « contextualisation » en guise d’introduction (section 3).

(1) Des « relations franco-belges » ambivalentes

  • 5 Cf. e.a. Dumoulin (M.) et Hanotte (J.), « La Belgique et l’Étranger : 1830-1962. Bibliographie des (...)

3Ce premier point, qui peut sembler superflu et aborder une matière bien connue, concerne des rapports peu étudiés dans leur étendue comme dans leur complexité5. On ne pourra ici qu’en évoquer certains traits saillants.

  • 6 Voir, par exemple, plusieurs contributions dans Les Relations franco-belges de 1830 à 1934. Metz, C (...)
  • 7 Cf. Dejonghe (Et.), « Regards de Vichy sur la Belgique (1940-1942) », België, een maatschappij in c (...)
  • 8 Cf. e.a. Van Welkenhuyzen (J.), « Le Problème belge vu par Charles de Gaulle », Revue Générale, nov (...)

4Les pratiques étudiées subissent tout d’abord les effets de l’asymétrie des liens entre domaines d’activité homologues dans les deux pays, asymétrie qui est souvent à la mesure de la centralisation exceptionnelle des structures sociales françaises. À cela s’ajoute que, traditionnellement et donc pas seulement sous le Second Empire, tout ou partie de la société française se montre critique à l’égard de l’existence même d’un État belge6. De 1839 à 1940, les ambitions annexionnistes de la France furent l’une des raisons d’être de la politique de neutralité belge, provisoirement mise en question par l’accord militaire franco-belge de 1920. Motivé par le pourrissement des relations franco-belges depuis le début de la politique dite « des mains libres » en 1936 ainsi que par la capitulation belge en mai 1940, le gouvernement de Vichy, quoique impuissant, caressait l’espoir d’annexer la Wallonie, en cas de paix de compromis ou de victoire alliée7. Pour la période 1945-1960, l’attitude prédominante dans l’univers politique français à l’égard de l’indépendance belge semble représentée par la figure de Charles de Gaulle qui, plutôt que de soutenir ouvertement une « Wallonie libre », laissera œuvrer le temps et les Belges8.

  • 9 Cf. Zeldin (Th.), Histoire des passions françaises 1848-1945. Orgueil et intelligence. [Paris], Ed. (...)
  • 10 Qualités qui n’en sont pas moins des conditions de son universalité présumée ; cf. Ferguson (P.P.), (...)

5En matière de culture, cette rivalité internationale toujours plus souterraine est d’autant plus déterminante que les deux pays sont censés s’exprimer dans une même langue, le français étant perçu comme un code universel à peu près indifférencié et le néerlandais étant considéré dans la France de l’après-guerre comme en phase d’émergence, voire comme à peu près négligeable. Le tout est alors d’imposer à l’autre une soi-disant supériorité linguistique9, ce que la France républicaine a partiellement réussi à faire, tantôt en perpétuant la doctrine linguistique de l’Ancien Régime (avec la « pureté » et la « clarté » de la langue française, inaccessibles aux locuteurs francophones nés sur d’autres sols10), tantôt en faisant valoir la « communauté de langue ». Cette politique double est pour beaucoup dans le caractère ambivalent des « relations franco-belges » qui se manifeste notamment à travers la formule consacrée de l’« amitié franco-belge », goûtée en premier lieu dans les domaines culturels où la langue « commune » joue un rôle central et où lesdites relations s’apparentent souvent à des relations diplomatiques.

6Les termini a quo (1945) et ad quem (1960) précisent les contours de ce cadre social. La Libération range les deux pays du côté des vainqueurs et crée les conditions d’un nouveau rapprochement où les mécanismes de domination culturelle semblent globalement gagner en profondeur. En Belgique, l’accentuation de la ligne de partage linguistique incite un nombre croissant d’agents culturels francophones à (ré)affirmer leur identité « française » sans toujours évaluer les effets d’une adhésion admirative à un modèle politico-culturel historiquement hégémonique. Les manifestations de cette adhésion, à commencer par les « congrès nationaux » à partir de 1945, suscitent une attention toujours plus vive en France, où le petit voisin du Nord est perçu comme plus divisé qu’à la veille de la guerre, à cause de la « querelle linguistique », mais aussi en raison d’autres foyers de tension sociale (notamment la « question royale » et, plus tard, la « guerre scolaire »). L’année 1960 correspond, quant à elle, à une instabilité plus grande encore, à savoir dans plusieurs secteurs à la fois (inversion des déséquilibres économiques entre régions, résurgence du « mouvement flamand », fin du Congo belge, grève générale de l’hiver 1960-1961, etc.). Plusieurs changements propres à la France ont accéléré l’évolution de la vision légitime sur les pays partiellement francophones, et d’abord l’instauration du régime gaulliste en même temps que la « perte » annoncée, après l’Indochine, de la Tunisie, du Maroc et de Madagascar, du Mali et surtout de l’Algérie, dernière pièce maîtresse de l’ex-Empire.

  • 11 Le discrédit qui, à partir de 1946, frappe le terme même de « régionalisme », mis à l’honneur par V (...)
  • 12 Y compris là où une forme de décentralisation se dessine timidement ; cf. p.e. Rioux (J.-P.), « Le (...)
  • 13 « Clarity, universality and humanism, in this perspective, are interrelated : clarity is a quality (...)

7Il faut encore souligner que, dans la France libérée, toutes les forces politiques légitimes se réclament, avec une ardeur exceptionnelle, de « la France », système antinomique de valeurs particulières dites universelles. C’est à un véritable renouveau du patriotisme élaboré et inculqué sous la Troisième République que l’on assiste. Tandis que la France se trouve reléguée au statut de puissance secondaire, les politiques et intellectuels français, a fortiori parisiens, ne sont guère stimulés à modifier leur conception de la culture française dans diverses régions du monde, à commencer par l’idée selon laquelle cette culture y aurait « rayonné » et que ces régions en auraient été en quelque sorte gratifiées à un moment donné de leur histoire11. Ce nationalisme qui se drape dans les vertus de l’« universalisme français » se trouve réfracté dans l’ensemble des domaines artistiques12. Dans le domaine littéraire, l’universalisme est depuis longtemps un principe régulateur dominant, érigé au xxe siècle en véritable loi esthétique par La Nouvelle Revue Française et la maison d’édition Gallimard. L’imposition de cette loi s’opère le plus sûrement à la faveur d’une croyance doxique dans la validité universelle de ses présupposés (« clarté », humanisme, etc.), véhiculés par un discours séculaire aussi répétitif que performatif13. Mais la fin de l’occupation allemande et l’obstination de quelques-uns à résister contre l’hétéronomie ont donné à ce programme une actualité assez inattendue et replacé au cœur des débats littéraires la définition de l’« esprit français » authentique. Ce retour en force du fondement national de la « littérature française », avec ses corollaires, la centralisation parisienne et le monopole parisien de la définition légitime de l’écrivain, c’est-à-dire de l’écrivain français, pèsera lourd dans le traitement des productions belges (francophones) par Les Nouvelles Littéraires.

(2) Analyse des structures socioprofessionnelles

  • 14 Un indice intéressant en est le nombre toujours considérable d’agents belges qui, pour maximiser le (...)
  • 15 Le prototype en est le Manifeste du Groupe du Lundi (1937), même si certains de ses signataires, te (...)

8Le lieu d’édition des textes analysés porte à son comble l’écart hiérarchique décrit ci-dessus. Paris passe en effet pour être le principal, sinon l’unique centre de légitimation pour la plupart des secteurs littéraires en langue française, ce qui, par ailleurs, entretient une tension spécifique capable de réactiver les antagonismes politiques et économiques évoqués. Ce « lutétiocentrisme » ne faiblit pas après la seconde guerre mondiale, loin s’en faut14. De plus, à la singularité du lieu de publication s’ajoute, en Belgique, une institutionnalisation accrue de conceptions culturelles et littéraires fondées sur le modèle français langue–littérature–nation, dont le jacobinisme est sublimé par le rêve de la puissance partagée, rêve d’égalité et de fraternité entre les provinces « françaises »15.

  • 16 Cf. Bourdieu (P.), « Le Champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, n°89 (Le Ch (...)
  • 17 Cf. Viala (A.), « Effets de champ, effets de prisme », Littérature, n°70 (Médiations du social), ma (...)

9L’hebdomadaire parisien Les Nouvelles Littéraires relève de la presse « littéraire » française, segment de la presse française en général et située à l’intersection d’univers culturels différents. Le concept de champ permet, par définition16, de tenir ensemble ces diverses logiques de fonctionnement, ou prismes17, à la fois autonomes et indissociables. Les pratiques des journalistes littéraires sont incompréhensibles sans tenir compte des positions qu’ils occupent dans le champ littéraire, où leur entreprise est située à l’opposé de l’art « pur » du point de vue de la légitimité spécifique et à l’opposé de l’art « désintéressé » du point de vue de l’autonomie par rapport au champ économique. N’étant pas en mesure ni de faire la part belle à la « création », ni de prétendre à l’art de l’essai, ils n’offrent qu’une production métalittéraire de second ordre. En outre, comme la presse « littéraire » vise le plus grand public possible, elle se retrouve à la charnière du sous-champ de production restreinte et du sous-champ de grande production. Mais trois facteurs supplémentaires, non littéraires, rendent encore plus fragile le statut « littéraire » de ces hebdomadaires. Premièrement, ceux-ci sont largement conçus en fonction d’impératifs journalistiques et s’insèrent donc aussi dans un champ journalistique aux logiques peu littéraires ; deuxièmement, ils sont directement tributaires du marché, c’est-à-dire de pratiques illégitimes dans un espace littéraire fondé sur l’inversion des logiques économiques ; troisièmement, leurs rubriques non littéraires, dirigées par des spécialistes, créent des liens de dépendance à l’égard d’autres champs de production culturelle.

  • 18 Les institutions de la vie littéraire sont « des instances, groupes ou lois (écrites ou implicites) (...)
  • 19 Sur cette solidarité, cf. Sapiro (G.), « Académie française et Académie Goncourt dans les années 40 (...)
  • 20 Même si le présent article est loin de le négliger, une étude ultérieure tiendra compte plus systém (...)

10Malgré cette triple hétéronomie, la presse dont font partie Les Nouvelles Littéraires n’en est pas moins analysable comme un réseau d’institutions de la vie littéraire18, par la première place qu’y occupe la littérature, mais aussi aux yeux de la plupart des agents littéraires eux-mêmes. Les pages littéraires sont en outre rédigées par des professionnels, qui signent dans des publications plus nobles, voire ont eux-mêmes le statut d’écrivain. Aussi Les Nouvelles Littéraires seront-elles considérées ici comme un « corps » d’agents solidaires les uns des autres19 : sans tomber dans l’illusion de l’unanimité rédactionnelle, on observe que les articles sont normalement ajustés à la position de l’hebdomadaire et ce d’autant mieux lorsque leurs auteurs occupent des positions homologues20.

  • 21 Cf. Kolbert (J.), « Les Nouvelles Littéraires. The Birth of the Literary Newspaper », The American (...)
  • 22 Ces trois titres sont les seuls à connaître une publication continue durant la période étudiée ; il (...)
  • 23 Ce réalisme est destiné à donner au peuple français, « sérieux et probe, [...] les ressources de vi (...)

11Le traitement journalistique de l’information culturelle caractérise d’autant mieux Les Nouvelles Littéraires, Artistiques et Scientifiques — tel est leur titre complet — que ce sont elles qui ont introduit cette formule en France, en 1922, achevant ainsi de créer les conditions d’émergence d’un nouveau secteur de la presse culturelle21. Alors que ce secteur s’est rapidement politisé, Les Nouvelles Littéraires ont maintenu la ligne « apolitique », internationale et alliant objectivité et amour de l’art, choisie par leurs fondateurs. Parmi ceux-ci, il faut citer le directeur André Gillon qui, en tant que directeur commercial de la maison Larousse, éditeur de l’hebdomadaire, saura garder vivant, jusqu’à sa mort en 1969, le projet laroussien d’éducation populaire fondée sur une information de qualité. Le refus de collaboration exprimé par le journal au début de la guerre et sa retraite de la vie culturelle sont emblématiques d’un républicanisme non militant, qui le distingue de ses deux principaux concurrents d’après-guerre, Le Figaro Littéraire (pétainiste jusqu’à sa disparition en novembre 1942, puis gaulliste anticommuniste) et Les Lettres françaises (issues de la Résistance intellectuelle et toujours plus dépendant du Parti Communiste)22. Comme partout ailleurs, mais en fonction de la structure du champ de la presse « littéraire », le facteur politique, et plus précisément le rapport entre art et société, pèse lourdement sur les principales orientations esthétiques des Nouvelles Littéraires : à leur conservatisme « apolitique » correspondent « désengagement », éclectisme classicisant et préférence pour un réalisme divertissant23.

(3) Analyse des pratiques discursives

12Sur 809 textes (articles, recensions, enquêtes, etc.) extraits des 817 livraisons du journal parues entre avril 1945 et décembre 1960, on compte 92 textes de « création » d’auteurs belges ou belges naturalisés Français (soit 11,8 %) et 580 articles relatifs à la littérature (soit 71,7 %). Cette seconde portion a été divisée en deux parties, une première regroupant les textes signés par des auteurs français (453 sur 809, soit 56 %), une seconde comprenant les contributions belges (127, soit 15,7 %), ces deux parties étant informées par des conditions de production différentes.

13a) Textes français. L’examen des articles synthétiques révélera d’abord certaines caractéristiques discursives que l’on retrouve souvent chez les concurrents des Nouvelles Littéraires. Ensuite, les textes plus ponctuels (essentiellement les comptes rendus) permettront de mieux évaluer l’impact de la position de l’hebdomadaire sur ses pratiques discursives.

  • 24 « Ce n’est pas la vente du livre français à l’étranger qui est en question, mais la pensée français (...)
  • 25 Bucaille (V.), « Le monde des livres. La Suisse française, Terre alémanique par Paul André », 1.8.1 (...)
  • 26 La rédaction ne se soucie guère que du seul continent européen. Ainsi, l’un des premiers articles s (...)
  • 27 « Âmes et visages des Flandres et de Wallonie. Un reportage de Marc Blancpain », 18.11.1948, pp. 1 (...)
  • 28 Stéphane (E.), « Nos livres en Belgique », 15.11.1945, p. 2.
  • 29 Comme l’ensemble de la presse française, Les Nouvelles Littéraires s’émerveillent devant l’exemplai (...)
  • 30 Cette pique, qui fait allusion à la contrefaçon de publications françaises par les « reproducteurs  (...)
  • 31 Les Anglais, les Américains et les Canadiens tenant ici, un peu plus d’un an après la Libération, l (...)

14Si les divers organes de la presse « littéraire » diffèrent sur de nombreux points, ils s’accordent au moins sur ceci que chacun estime défendre mieux que les autres le caractère sacré de l’identité et de l’unité nationales. Surtout dans les premières années de l’après-guerre, la « pensée française » inspire de nombreux articles et reportages dans Les Nouvelles Littéraires. Faisant montre d’un patriotisme normalement plus discret, celles-ci publient parfois des contributions alarmistes, tel ce plaidoyer de l’académicien Émile Henriot en faveur d’une intervention rapide du gouvernement dans le domaine du « livre français », qui contient, tout en les déniant, les principales stratégies d’universalisation des intérêts particuliers de la France, y compris économiques et politiques24. Comme ses concurrents, l’hebdomadaire se soucie tout particulièrement du sort de la langue « française » à l’extérieur de la France et met notamment en garde « contre la lente alémanisation, autant dire germanisation de la minorité romande » en « Suisse française », l’une de « nos marches culturelles de l’Est »25. Ces « marches »26 sont regardées comme des alliés quasi naturels de la France, qui leur a fait don de sa langue, la langue française. Lorsque l’académicien Georges Duhamel et Marc Blancpain, en leur qualité de président et de secrétaire général de l’Alliance française, décident de faire le bilan de la situation de « notre civilisation et, surtout, notre langue » dans le monde, ils commencent significativement leur « tour de France » aux « étapes soigneusement calculées » par la Belgique27. Celle-ci est considérée, pour reprendre une image employée dans un bref reportage paru en novembre 1945, comme le seul « foyer avide de culture française » en dehors de « Paris », travaillant depuis toujours à défendre cette culture en accueillant ses produits avec enthousiasme28. Face au fléau de la pénurie de papier qui « sape les forces de rayonnement de l’édition française », la Belgique, mieux ravitaillée29, en serait même réduite à accomplir la « mission civilisatrice française » par ses propres moyens. Seulement, l’industrie belge du livre, « expérimentée dans ce genre d’affaires »30, n’hésite pas à écouler dans la foulée « l’escadron croissant des concurrents alliés » et aide ainsi les auteurs anglo-saxons à « mont[er] lentement à l’assaut des positions séculaires de l’esprit français ». Cette dernière métaphore, qui a tout pour passer inaperçue dans l’ordre journalistico-littéraire, n’est pourtant que la description exacte des luttes homologues qui, sur le plan militaire, opposent partisans et adversaires de l’idéal universaliste-français31. Qui plus est, prétendant pourtant ne pas regretter « de voir temporairement repris par des mains amies un flambeau longtemps porté par nous », le reporter se montre irrité à l’idée que, « juste de l’autre côté de la frontière », « des éditeurs nouveau-nés p[uiss]ent effectuer des tirages, pas très élevés certes, mais suffisants, puisqu’on envisage fréquemment de réexporter en France une partie des exemplaires ». Le processus d’exportation traditionnel s’étant inversé, ce qui est normalement tenu pour une série de bienfaits se transforme en autant de méfaits. La conclusion de l’article reprend une image, tout aussi littérairement acceptable, où se concentre la violence symbolique des rapports entre les deux marchés nationaux : « C’est au moment où nous devrions arroser des projectiles pacifiques de notre littérature ces territoires grands ouverts devant nous, que nos munitions se révèlent d’une insuffisance dérisoire ! ».

15Mais la balance commerciale se redressera petit à petit et les commentaires se feront moins enflammés. En juin 1946, le chroniqueur romanesque René Lalou en vient même à s’insurger contre toute forme de gallocentrisme littéraire. Rendant compte d’un livre de son vieil ami Franz Hellens, « l’un des romanciers-poètes les plus originaux et les plus variés de notre époque », il affirme que

  • 32 Lalou (R.), « Le livre de la semaine. Fantômes vivants par Franz Hellens », 21.6.1945, p. 3. Celui (...)

ce livre nous prouve que les ponts se rétablissent entre les diverses expressions nationales de la littérature française. Que l’on ne voie dans ces lignes aucun appel à une ambition impérialiste, encore moins à une ruse politique ! Dans le passé, des erreurs furent commises de part et d’autre. Certains critiques français affectèrent maladroitement de croire que tout ce qui leur arrivait de Belgique, de Suisse, du Canada était production de deuxième zone. Par réaction, certains écrivains de langue française, fils d’autres patries, eurent le tort de s’enfermer dans un particularisme sans rayonnement. Ayant toujours lutté ici contre ce double préjugé, comment ne saisirions-nous pas cette nouvelle occasion de dissiper les malentendus ?32

16Cette autocritique rejette le monopole français de la définition légitime de l’œuvre « vraiment » littéraire, c’est-à-dire avant tout universelle, tout en affirmant l’unité profonde des « expressions nationales de la littérature française », qui ne saurait être niée sans « s’enfermer dans un particularisme sans rayonnement ». Ces déclarations de principe n’empêchent pas pour autant que se manifeste, au fil des articles, un exclusivisme toujours plus réel qui se traduit dans les chiffres et dans les stratégies discursives. D’ailleurs, si l’article de René Lalou suggère qu’une majorité de critiques littéraires français, prenant acte de l’importance croissante des productions francophones non françaises, a évolué d’un point de vue national (la littérature française universelle) en direction d’un point de vue plus international (la littérature universelle « française »), il s’avère que l’arbitraire des principes mis en œuvre n’a guère fait que se déplacer de la notion d’une France universelle vers un universalisme toujours solidement, mais plus implicitement enraciné dans des réalités spécifiquement françaises.

  • 33 Closset (Fr.), « La littérature étrangère pendant la guerre. La littérature néerlandaise », 26.6.19 (...)
  • 34 Las Vergnas (R.), « Images flamandes », 24 .4.1947, pp. 1 et 5, p. 5. À noter l’usage du mot « fran (...)
  • 35 Dorival (B.), « Les nouvelles artistiques. Constant Permeke », 1.1.1948, p. 6. Parallèlement, l’écr (...)

17Les premiers à faire les frais de cette conception de la littérature sont les écrivains « régionalistes » et dialectaux, mais aussi néerlandophones. Mis à part un article documenté de François Closset, professeur à l’Université de Liège33, et les comptes rendus de trois œuvres de Hugo Claus (cf. infra), l’hebdomadaire ne s’intéresse pas à l’activité littéraire néerlandophone en Belgique. En avril 1947, un reportage de Raymond Las Vergnas, professeur à la Sorbonne et chroniqueur des littératures étrangères, avait tenu à rassurer les lecteurs inquiets de la situation du français au-delà de la frontière linguistique : si le français n’est plus « ce qu’il devrait être en Flandre : une seconde langue maternelle », « la francophonie conserve en Flandre une très large audience »34. Du reste, attaché à ce point de vue conservateur, le journal tient sur l’identité culturelle « flamande » un discours qui continue de s’appuyer sur les représentations les plus éculées de la critique picturale, mais censées redevenir d’actualité à une époque où le « génie national » flamand, « assoupi depuis des siècles », renaît de ses cendres et atteint à nouveau à l’universel35.

  • 36 Vaillant (J.-P.), « Écrivains de Luxembourg », 27.5.1954, p. 5.

18Durant les années cinquante, si le principe de l’universalité de la langue et de la littérature « françaises » fait couler moins d’encre qu’auparavant, les schèmes qui le sous-tendent continuent d’orienter, sur un plan plus microtextuel, les pratiques discursives. Ainsi, les écrivains francophones non français ont choisi « notre langue » pour s’exprimer ; la « littérature française » est — comme son nom proprement dit l’indique par ailleurs — « notre littérature » ; le Luxembourg compte « parmi les pays qui continuent la France au-delà des frontières par le seul génie de sa langue »36, etc. En 1958, au moment de l’Exposition universelle de Bruxelles, la rédaction en confie la couverture des aspects artistiques à un collaborateur belge, Constant Burniaux (cf. infra), et préfère, pour sa part, se pencher sur la participation française, notamment en se faisant l’écho des desseins du ministre qui préside le Comité français des Expositions :

  • 37 Bouvier (J.), « Léon Baréty nous dit ce qu’est la participation française », 17.4.1958, p. 5.

Un très grand nombre de visiteurs, venant des pays d’Amérique, saisiront cette occasion de venir en Europe. [...] ils seront conduits à séjourner parmi nous. Notre commerce et notre industrie en bénéficieront. [...] nous avons grand espoir que beaucoup d’étrangers [...] verront le vrai visage de notre pays. Ils constateront que la France est restée laborieuse, pacifique, éprise de liberté et de progrès. Ainsi, notre pays en tirera un avantage moral qui donnera à son rayonnement et à son prestige un nouvel élan37.

  • 38 C’est cet intérêt national bien compris qui explique l’essentiel du seul texte français (un articul (...)

19Le fait que, dans un article des Nouvelles Littéraires, les relations économiques et diplomatiques franco-belges soient aussi complètement instrumentalisées — et fassent l’objet d’une approche aussi opportuniste, comme si la Belgique était réellement devenue une province de la France au sens étymologique du mot — ne passe inaperçu qu’à la faveur de la position de la rédaction où cette vision politique, réfractée par des logiques culturelles et journalistiques, est reconnue comme allant de soi (notamment par le directeur André Gillon, qui est aussi l’un des vice-présidents du Comité français des Expositions)38.

  • 39 C’est le cas, par exemple, de l’élection de Jean Pommier, « notre éminent collaborateur, professeur (...)
  • 40 Maurois (A.), « Quand deux Académies se rencontrent », 22.5.1952, p. 1. Durant cette visite histori (...)

20La couverture de l’Expo 58 est emblématique du traitement des productions littéraires belges francophones en général, perçues d’une manière toujours plus explicite en fonction d’enjeux constitutifs du champ littéraire français. Les institutions de la vie littéraire francophone en Belgique n’ayant aucun moyen propre de convertir leur illégitimité en légitimité dans le champ français, ce sont elles qui subissent le plus directement le contrecoup de cet égocentrisme structural. Il n’y a guère que l’Académie royale de langue et de littérature françaises qui fasse son apparition (rare par rapport au Figaro Littéraire), encore que celle-ci soit généralement conditionnée par un événement profitant directement à tel ou tel agent français. Mais, au fil des années, même l’élection d’un intellectuel français à l’Académie, même associé à la rédaction des Nouvelles Littéraires, ne trouvera plus sa place que dans la rubrique des échos39. Le seul texte substantiel en rapport avec cette institution date de 1952 et est dû à un habitué de la première page, l’académicien André Maurois : celui-ci reprend l’essentiel d’un discours prononcé lors de la visite que l’Académie française rendit à son homologue belge francophone en mai 195240. Après avoir défendu l’institution académique en tant que telle, Maurois se lance dans une énumération éloquente de quelques aspects que l’une et l’autre académies auraient en commun :

  • 41 Le seul point divergent qui sera retenu par Maurois est la présence de femmes au Palais des Académi (...)

Richelieu et Napoléon avaient tous deux une haute idée de la littérature comme institution. Ils pensaient que les grandes actions ne seront connues pour telles par la postérité que si elles furent consacrées par la forme, dans une langue durable. Ils voulaient faire du français le plus parfait des langages modernes et lui assurer la place qu’eut jadis le latin. Tel reste votre but et le nôtre41.

21S’étant rassuré sur le dessein commun des deux institutions en posant lui-même une parfaite communauté de vues en une seule et brève phrase performative (« Tel reste votre but et le nôtre »), l’académicien en arrive à la conclusion qu’aucun point de désaccord ne trouble l’amitié franco-belge. Et de proposer, par une boutade à prendre ici au sérieux, de mettre à l’étude pour le Dictionnaire de l’Académie la définition suivante du mot « fraternité » : « Fraternité : Sentiment qui unit la France et la Belgique ». Cette façon paroxystique de dénier tout enjeu culturel en faisant miroiter aux hôtes belges une très improbable inscription de l’idylle franco-belge au code fondamental de la culture française, est représentative du rapport enchanté que le journal entretient avec les « amis belges ».

22Le degré quasi ultime de cette méconnaissance croissante, l’annexion symbolique, est atteint en 1953 dans un texte du chroniqueur poétique Jean Rousselot, lui-même poète et ancien résistant :

  • 42 Rousselot (J.), « Poésie », 6.8.1953, p. 3.

Les rencontres franco-belges qui eurent lieu à Royaumont, au début de l’été [1953], révélèrent à quelques participants français la nationalité belge de bon nombre d’écrivains, en particulier de poètes, qu’ils croyaient nés de ce côté-ci du Quiévrain, tant il est vrai que la littérature belge — qui n’a guère que cent vingt ans d’âge — ne fait qu’une avec la nôtre. Émile Verhaeren [...], Albert Mockel [...] furent, comme Van Lerberghe, Max Elskamp et, plus près de nous, Charles Plisnier et Jean de Boschère, des poètes français issus d’une province linguistique française, au même titre que l’Ardennais Rimbaud, le Breton Max Jacob ou le Roussil-lonnais François-Paul Alibert, pour ne parler que des morts. Si j’assemble aujourd’hui tout un bouquet de poésie belge, ce n’est donc point pour marquer son extraterritorialité : plutôt, pour mieux mettre en relief la richesse et la diversité de son apport au trésor poétique de la langue française42.

  • 43 Le Grand Robert de la langue française. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue frança (...)

23La méconnaissance est ici à son comble, en ce sens qu’elle est revendiquée en tant que telle et brandie comme la preuve même de l’essence universelle de la « littérature française ». Les effets de l’indifférence à l’égard de certains traits identitaires qui distinguent les écrivains francophones non français (ceux non directement liés à la langue standard écrite : identité nationale, identité régionale, accent, rapport à la langue parlée et écrite, à l’Histoire, à l’État, à la France, etc.) sont érigés en autant d’indices d’universalité. Qu’il s’agisse en réalité de méconnaissance et que celle-ci, entre autres, ne touche que les écrivains « de nationalité belge » et non pas, en sens inverse, les écrivains de nationalité française, dont on ne dira jamais que leurs textes sont un « apport au trésor » de la langue française, etc., sont autant de vérités que toutes les divisions synchroniques et diachroniques du champ littéraire interdisent de voir sans jamais l’interdire expressément. Mais la position du critique dans ce champ et aussi dans le champ de la presse « littéraire », position qui le porte à tout moment à autonomiser le texte et à en déshistoriciser les conditions de production, renforce de manière décisive cette cécité sélective à l’endroit de la personne de l’écrivain belge francophone. Celui-ci s’en trouve déterritorialisé, c’est-à-dire qu’il perd jusqu’à ce que Rousselot appelle son « extraterritorialité », cette « fiction juridique qui permet de considérer [l’expatrié belge francophone] comme situé sur le territoire »43 auquel il appartient réellement, la France.

  • 44 « Un grand reportage littéraire d’André Bourin. La France en zigzag. Luxembourg, Wallonie, Cambrési (...)

24À la faveur de l’homonymie déniée entre « français » (relatif à la France) et « français » (relatif à la langue française), les propos de Rousselot font porter l’extraterritorialité sur une « province linguistique » de la France, selon le principe fondamental du « lundisme ». Cette conception ambiguë produit en permanence des effets qui, surtout au pôle dominant du champ du pouvoir, sont susceptibles d’être perçus comme proprement politiques. C’est par exemple le cas, lorsque, en juillet 1953, le secrétaire de rédaction se rend non plus par l’imagination, mais physiquement en Wallonie et définit celle-ci comme une partie de « la France en zigzag »44. C’est, du reste, l’une des rares occurrences du mot « Wallonie ».

25Le gallocentrisme structural et le désintérêt intéressé qui s’ensuit constituent pour l’essentiel les avatars d’une vision intériorisée depuis l’école et qui caractérisent la rédaction des Nouvelles Littéraires au même titre que ses rivales. L’examen des textes ponctuels, où la position spécifique de l’hebdomadaire joue un rôle plus déterminant, permet de nuancer ces tendances générales.

  • 45 À période égale, il s’agit de 74,3 % pour Les Lettres françaises et de 78 % pour Le Figaro Littérai (...)
  • 46 On obtient un chiffre voisin dans le cas des Lettres françaises, et même 94,2 % pour l’hebdomadaire (...)

2682,6 % des recensions ne font entrevoir aucun lien entre l’auteur et la Belgique. Ce chiffre particulièrement élevé45 s’explique certes à la lumière du principe structural conduisant à ne pas distinguer (au double sens de percevoir et valoriser) les traits communs non directement liés à la langue standard écrite, mais il faut aussi faire intervenir la position de la rédaction qui éloigne celle-ci autant de la stéréotypie nationale du Figaro Littéraire que du « nouveau » nationalisme des Lettres françaises. En revanche, c’est essentiellement la fermeture structurale qui permet d’appréhender l’absence, plus frappante encore (88,8 %46), du moindre signifiant « belge » dans le cas d’auteurs intégrés dans l’espace national français. Ce chiffre révèle une tendance à ne guère s’intéresser qu’aux producteurs déjà légitimés par les instances (éditoriales) parisiennes. On aurait tort, à ce propos, d’y voir sans plus une illustration de la sentence « Il n’est bon bec que de Paris ». Au principe des signes « zéro » ne réside pas d’abord une propension à « récupérer », « accaparer », « annexer », etc. les bons auteurs francophones étrangers, mais plutôt, se situant plus en amont, une inaptitude à ne pas englober dans la communauté nationale des écrivains tout bon auteur, quel qu’il soit et a fortiori quand il écrit en français. Ce qui est reconnu ou en voie de l’être en France doit forcément être français ou participer de la France — appréciation non pas (nécessairement) cynique, mais préréflexive, que toute l’histoire du champ, et notamment l’histoire de la traduction et de tout mode d’adaptation en son sein, porte à émettre.

  • 47 « [Il avait] promis sa participation par une conférence sur l’art belge à une exposition de peintur (...)
  • 48 Kemp (R.), « La vie des livres. La poésie mandarine », 29.4.1948, p. 2.
  • 49 Voir, entre autres, Id., « La vie des livres. André Gide et la poésie », 14 juillet 1949, p. 3, où (...)
  • 50 Cf. Dirkx (P.), « Le Symbolisme belge dans les manuels scolaires et revues littéraires en France (1 (...)

27L’examen des signifiants marqueurs de la nationalité permet également d’interroger la légitimité du patrimoine littéraire belge francophone à travers la position de certains agents. Ainsi, plus d’un collaborateur des Nouvelles Littéraires tient à ce que les deux maîtres léopoldiens par excellence, Maurice Maeterlinck et Émile Verhaeren, soient reconnus comme Belges, à la faveur de l’indifférence relative (par rapport au Figaro Littéraire) de la rédaction vis-à-vis de l’exotisme « flamand » et de son admiration persistante pour les chefs-d’œuvre du symbolisme (contrairement au concurrent philocommuniste). Pour ce qui est de Verhaeren, une phrase à son sujet, où figure quatre fois le morphème /belz/, constitue un hapax qui mérite d’être relevé ici47. Quant à Maeterlinck, une anthologie poétique de Jean Paulhan le passant sous silence parmi « les poètes belges », à un moment où il « n’est pas mort, cependant ! », suscite l’ire du futur académicien Robert Kemp, l’auteur du rez-de-chaussée hebdomadaire et donc le principal critique du journal48. Soutenu par René Lalou, le célèbre feuilletoniste réitérera son reproche à d’autres occasions49. Toutefois, il est clair que Maeterlinck et, surtout, Verhaeren fonctionnent d’abord comme les signifiants, quasi métalittéraires, non pas d’une page glorieuse de l’« histoire littéraire » belge, mais d’un paragraphe original de l’« histoire littéraire » française, lu et relu jadis à l’école50.

  • 51 Voir à ce propos De Smedt (R.), « Franz Hellens et le problème des lettres françaises de Belgique » (...)
  • 52 Où Hellens, « l’écrivain belge le plus important aujourd’hui » (29.7.1948), fait figure de locomoti (...)
  • 53 Rousselot (J.), « Poésie », 22.2.1951, p. 3.
  • 54 Lalou affirmera quelques années plus tard que Hellens représente « une grande tradition, celle des (...)

28Mis à part ces deux noms et ceux de leurs quelques compagnons de manuels scolaires, les divers auteurs d’articles négligent à peu près complètement la vie littéraire francophone en Belgique au xixe siècle. La situation ne diffère pas vraiment pour le xxe, quoique les auteurs et leurs œuvres soient ici plus nombreux, et les mécanismes de la méconnaissance plus variés. À cet égard, Franz Hellens reçoit à nouveau un traitement exceptionnel : il a beau prendre position, depuis le lendemain de la première guerre mondiale, contre une « littérature nationale » belge et plaider pour l’unité de la littérature « française »51, c’est lui qui est le plus systématiquement qualifié de Belge dans les colonnes du journal. Celui-ci ne rejoint ainsi qu’en apparence Les Lettres françaises52, car la mention de la nationalité de Hellens, l’un des « plus grands écrivains belges de ce temps », le fait apparaître comme le continuateur quasi officiel de la traditionnelle « littérature de Maeterlinck et Verhaeren »53, quoique dans une optique toujours plus clairement « lundiste »54. À l’opposé de Hellens, on trouve la majorité de ses pairs belges, non identifiés comme tels, et pour lesquels le degré de « dénationalisation » varie avec le capital symbolique dont ils disposent en France, suivant le principe observé chez les écrivains belges qui y sont établis.

  • 55 Bérence (F.), « Instantanés. Robert Vivier », 26.8.1948, p. 6.
  • 56 Lalou (R.), « Le livre de la semaine. Si peu que rien par Denis Marion », 6.9.1945, p. 3 (nous soul (...)
  • 57  « Le monde des livres. Zdravko le Cheval par Ch.-L. Parron [sic] », ibid., p. 3.

29À moins qu’elle ne soit simplement tue, pour des motifs qui n’ont rien de pensé ou, s’ils le sont, dont les déterminants n’en demeurent pas moins impensés, il arrive aussi que la mention objectivement stigmatisante des origines soit éludée par des stratégies discursives moins directes, par exemple par la mention des années « passées » en Belgique ou encore par le décorticage des « origines ». L’« Instantané » consacré au poète Robert Vivier en août 1948 ne présente pas un auteur belge, mais un « homme du Nord » faisant penser « à un hidalgo » : « Sans doute cette ascendance espagnole, si fréquente dans les Flandres, lui vient-elle d’ancêtres maternels, car le père de Robert Vivier était un ingénieur français qui vint s’établir à Liège »55. Ces détails, qui sont objectivement contraires à l’esthétisme universaliste du journal, sont fournis avec d’autant plus de parfaite aisance que, comme dans le cas cité, un aïeul relie l’auteur à la communauté nationale française, faisant de lui un écrivain français partiellement naturalisé. Il n’est pas inutile de répéter que cette francisation ne résulte pas d’un projet de récupération. Si l’étiquetage national produit bel et bien des effets réels d’exclusion ou d’inclusion — Denis Marion est l’un de « nos jeunes romanciers »56 —, ceux-ci sont dus à l’indifférence, à l’absence d’intérêt, méconnue comme telle, que le fonctionnement du champ recommande à l’endroit des productions francophones non françaises, auxquelles sont tantôt appliqués, tantôt déniés les critères nationaux sur lesquels est fondée la littérature française. Ainsi, Charles-Louis Paron est perçu avec un étonnement senti comme un auteur hexagonal, malgré le style peu français de sa prose « française » : « On s’étonne, en lisant ce livre, qu’il soit l’œuvre d’un Français, tant sonne juste et véridique le timbre inhabituel pour nous des nouvelles qui le composent »57. Aucun précepte pédagogique, aucune règle de déontologie journalistique, aucun principe littéraire n’incitent le critique à s’interroger si Paron est bien le « Français » qu’il voit, pour ainsi dire naturellement, en lui.

  • 58 Le cas du romancier Jan Van Dorp illustre cette vision éthérée de la personne sociale de l’écrivain (...)
  • 59 Ainsi, Kemp saisit l’occasion de la réédition chez Gallimard du roman L’Épée dans les reins de l’He (...)
  • 60 Bourin (A.), « Le monde des livres. Les Dieux ne nous aiment pas par Max Servais », 12.10.1950,p. 3

30Dans de nombreux cas, la francisation s’avère d’autant moins délibérée qu’elle est l’effet de l’application de telle ou telle préférence esthétique du journal. Maîtrise de la langue, technique narrative et véracité (c’est-à-dire proximité de l’Homme universel) sont les critères qui, relevant d’une conception de la littérature comme divertissement (cf. supra), orientent largement l’évaluation de l’Œuvre par le critique des Nouvelles Littéraires. Ils réduisent l’auteur à un maître d’Œuvre pour lequel la question de la nationalité ou de la socialisation littéraire paraît déplacée58. Dans la même perspective, les regroupements d’écrivains en « écoles », nécessairement fondées sur une poétique exclusive d’autres poétiques, sont suivis par le journal avec une réserve qui s’accroît à mesure que l’on se rapproche du pôle des avant-gardes, surtout « engagées ». Cette relative indifférence, qui peut se muer en hostilité59, se manifeste à plus forte raison dans le cas de « courants » belges francophones, objectivement illégitimes en France. Même le fantastique de Franz Hellens ne fait l’objet d’aucun développement particulier et n’est relié à la pratique d’aucun autre écrivain belge. À l’inverse, les œuvres d’auteurs belges peuvent donner lieu à des prises de position sur des « courants » spécifiquement français, voire à l’élision de prise de position sur des questions « secondaires », car non strictement littéraires. Tel compte rendu d’une « chronique privée des années 1939-1945 » mettant en scène « les destinées d’un journaliste collaborateur, d’un communiste résistant », etc. ne frappe pas tant par l’absence de commentaire d’ordre politique ou éthique que par ses remarques portant exclusivement sur la technique narrative60.

  • 61 C’est en grande partie par amitié pour un Georges Charensol (rédacteur en chef depuis 1949) qui le (...)
  • 62 La rédaction explicite le plus clairement l’importance qu’elle attache à l’œuvre de « notre Balzac  (...)
  • 63 De la même manière, mais à partir d’une lecture réaliste-socialiste, Les Lettres françaises érigent (...)
  • 64 « La dette de reconnaissance que la poésie française a contractée envers la Belgique aux beaux jour (...)
  • 65 Id., « Le monde des livres. Poésie. Le Lys noir par Pierre-Louis Flouquet », 2.9.1948, p. 3.
  • 66 Id., « Le monde des livres. Poésie », 1.2.1951, p. 3.
  • 67 Sur la poétique à la fois individualiste et universaliste, classicisante et humaniste de Jean Rouss (...)

31Enfin, toujours en rapport avec la poétique privilégiée par la rédaction, il faut noter encore que le gommage de la nationalité se différencie selon la légitimité du genre considéré : par exemple, 89 % des romans échappent à l’identification, contre 55,8 % des recueils de poésie. L’association « roman » + « belge » est donc frappée d’une illégitimité que l’on retrouve dans l’ensemble de la presse « littéraire » française (et au delà). En 1959, la rubrique « Roman  » est en outre rebaptisée « Romans français », et avec elle tous les romans « français » d’auteurs belges. Et vers 1955, le journal s’ouvre à certains sous-genres peu reconnus, ce qui, pour les auteurs belges, se traduit par une plus grande présence de romans de divertissement d’auteurs installés en France, « donc » non marqués (Oscar-Paul Gilbert, Marie-Anne Desmarest, José-André Lacour, etc.). La noblesse du genre nécessite parfois un discours ennoblissant qui réduit pareillement les chances d’apparition de tel ou tel signifiant « belge ». C’est le cas avec Georges Simenon, auteur-maison des Nouvelles Littéraires, qui, enfermé dans son passé d’auteur de romans populaires et policiers et ne parvenant toujours pas à se hisser au troisième échelon de son propre plan de carrière, y fait l’objet d’une véritable campagne de consécration61. Le fait que le Liégeois ne soit identifié comme Belge qu’une seule fois sur quarante-six articles est l’envers exact de ce travail de promotion sociale à coups de superlatifs et de définitions sous-génériques62. Quant à la poésie, c’est ici que s’exprime le plus nettement l’éclectisme « apolitique » de l’hebdomadaire. Tandis que Le Figaro Littéraire va jusqu’à reconnaître le statut social d’écrivain (exotique) aux « poètes belges », Les Nouvelles Littéraires mettent encore plus l’accent sur les origines de ces derniers. Mais la raison n’en est pas un intérêt soudain pour la praxis littéraire, fût-elle poétique, en Belgique, mais une simple volonté de nommer l’admirable authenticité française de poètes qui peuvent servir de modèles à un genre en crise en France63. Jean Rousselot ne va donc pas à l’encontre des pratiques légitimes en ouvrant, assez généreusement, sa rubrique à « ces bons poètes d’outre-Quiévrain » dont il envie le dynamisme, car à aucun moment il ne renie ni son « lundisme »64, ni ce « centrisme » esthétique qui est la pierre angulaire du journal. S’il montre en exemple les poètes belges, c’est parce que ceux-ci travaillent « pour le plus grand rayonnement de l’expression poétique française »65. Et en marquant sa préférence pour ceux qui se battent pour la « vraie » poésie à travers le Journal des Poètes et les Biennales internationales de Poésie, il se situe, en harmonie avec la position esthétique du journal, à mi-chemin entre « je ne sais quel artisanat parnassien, quelle orfèvrerie sans âme » et toutes les « propagandes politiques »66, bref, entre le pôle de l’« art pour l’art » et celui de l’« art social »67.

  • 68 Kemp (R.), « La vie des livres. Des espérances », 19.11.1953, p. 2.
  • 69 Brierre (A.), « Le monde des livres. Jetons de présence par Daniel Gillès », 1.4.1954, p. 3. Le rec (...)
  • 70 Cf. « Les Nouvelles Littéraires au spectacle. Le théâtre. Le Valet des songes [d’Edmond Kinds] », 2 (...)
  • 71 Marcel (G.), « Andréa [Een bruid in de morgen] », 8.12.1955, p. 12.
  • 72 Mora (E.), « Le monde des livres. La Chasse aux canards par Hugo Claus, traduit du flamand par Elly (...)
  • 73 de Ricaumont (J.), « Le monde des livres. L’homme aux mains vides par Hugo Claus », 12.12.1957, p.  (...)
  • 74 Ainsi, Robert Kemp, dans la dixième année de son feuilleton d’Aristarque, avoue son manque de compé (...)

32Le désintérêt pour la vie littéraire en Belgique se traduit enfin par un nombre croissant d’informations incomplètes, voire erronées. Fin 1953, à l’occasion de la sortie chez Gallimard de son roman Thomas Quercy, Stanislas d’Otremont est tenu pour « un nom tout neuf dans les lettres »68. Daniel Gillès aurait écrit, avant Jetons de présence, un « roman » qui lui aurait valu un hypothétique « Prix Robles »69. Le chroniqueur dramatique Gabriel Marcel, qui ne signale la nationalité que dans les rares cas d’auteurs débutants, ne dispose généralement d’aucune autre information à leur sujet, et laisse entendre que la chose est pour lui sans importance, la pièce (montée à Paris) étant la seule raison d’être du dramaturge70. Cela vaut par exemple pour Hugo Claus, dont une pièce qui « se déroule dans une petite ville de Belgique » est d’ailleurs recensée en des termes qui font croire que son auteur est Français71. L’inscription des œuvres dans un champ étranger augmente ici les effets de la paresse légitime : La Chasse aux canards (De metsiers) devient un « premier roman  » qui a obtenu « le Prix Léon Kryn, le “Goncourt belge” »72, tandis que le commentaire de L’Homme aux mains vides (De koele minnaar), en négligeant la référence belge, ignore la dimension autobiographique de cette histoire d’« un jeune Belge » 73. Enfin, il arrive que le critique ne s’estime pas à même de parler en connaissance de cause de l’auteur et suspend ainsi sa propre fonction de reconnaissance74. Chacune de ces lacunes montre qu’il n’est pas jusqu’au sérieux du travail journalistique, point d’honneur de l’hebdomadaire de la Librairie Larousse, qui ne subisse les effets d’un désintérêt structural favorisé par l’esthétisme universaliste de la rédaction.

33b) Textes belges. Néanmoins, et contrairement à leurs deux principaux concurrents, les Nouvelles Littéraires ont toujours cherché à améliorer leur couverture de l’actualité belge en cédant la plume à des écrivains du cru. Dans l’entre-deux-guerres, elles sollicitèrent ainsi la collaboration d’André Baillon, de Paul Fierens et de Gaston Pulings, entre autres. Entre 1945 et 1952, une dizaine de collaborateurs belges seront régulièrement mis à contribution, à savoir, dans l’ordre de leur apparition : Charles Plisnier, Louis Piérard, Albert t’Serstevens, Denis Marion, Dominique Rolin, Georges Simenon, Paul Hellyn, Marie Gevers, Benoît Braun et Constant Burniaux. En janvier 1953, ce dernier obtiendra le quasi-monopole de l’information culturelle et scientifique belge en tant que correspondant pour la Belgique.

  • 75 Cf. Jans (A.), dir., Lettres vivantes. Deux générations d’écrivains français en Belgique 1945-1975. (...)

34Les 207 contributions données par ces dix collaborateurs réguliers entre 1945 et 1960 ont été analysées en prenant en considération, d’une part, le prisme rédactionnel et la configuration de la presse « littéraire » française, d’autre part, les logiques qui assignent à chacun sa position au sein du sous-champ belge francophone. Le peu d’informations sur la morphologie de ce sous-champ dans les années concernées75 n’interdisait pas de retracer les diverses trajectoires en se concentrant sur les stratégies de positionnement par rapport au centre de consécration parisien, ce qui permettait de mieux comprendre les stratégies discursives mises en œuvre par ces auteurs belges dans une tribune parisienne. Ne seront exposés ici que les principaux résultats de cette analyse.

  • 76 Bourdieu (P.), « Existe-t-il une Littérature belge ? Limites d’un champ et frontières politiques », (...)
  • 77 De même que l’écrivain-paysan par exemple (cas analysé dans le cadre des relations franco-française (...)
  • 78 Qui ne parvient pas à donner le « grand roman » qu’un André Gide attend de lui (cf. supra). Fin 195 (...)
  • 79 Dans le cas de Plisnier, cette revendication s’appuie sur celle, politique, de la citoyenneté franç (...)

35Les positions au sein du sous-champ belge francophone se définissent, entre autres, par l’opposition entre « une stratégie d’identification à la littérature dominante [la “littérature française”] et une stratégie de repli sur le marché national et la revendication de l’identité belge »76. Le groupe hétérogène (et ne formant d’ailleurs nullement un « groupe » stricto sensu) de collaborateurs belges aux Nouvelles Littéraires peut être divisé en deux selon cette opposition, qui sépare aussi deux types d’agents : l’écrivain-Belge, qui s’efforce de n’avoir de belge que le nom, et l’écrivain belge, qui tend à donner à ce qualificatif un contenu proprement littéraire77. D’une part, Charles Plisnier, Albert t’Serstevens, Denis Marion, Dominique Rolin et, surtout, Georges Simenon78 revendiquent, chacun à sa manière, le statut d’écrivain français (mot plus ou moins ambigu selon le cas79). Tous ces auteurs ont quitté la Belgique et n’y font plus référence, sauf le correspondant du Soir à Paris, Denis Marion, qui en parle comme d’un pays étranger. D’autre part, Louis Piérard, Paul Hellyn, Marie Gevers, Benoît Braun et Constant Burniaux, s’ils sont loin de rejeter l’idéal de l’écrivain authentiquement « français », n’abandonnent pas toute spécificité, selon des intérêts qui leur sont propres.

  • 80 « Peut-être dira-t-on que la Belgique des Verhaeren et des Maeterlinck apportait à une littérature (...)
  • 81 Le prisme rédactionnel s’avère particulièrement opérant au niveau du recrutement des agents belges (...)
  • 82 Le passage sur « La question du régionalisme » dans le Manifeste du Groupe du Lundi, que Gevers fut (...)
  • 83 Gevers (M.), « Le monde des nuages », 24.8.1950, p. 8.
  • 84 C’est « une ligne bondissante et capricieuse. Des spécialistes nous diront, certes, pourquoi ici c’ (...)
  • 85 D’autant moins qu’il délaisse toujours plus l’écriture pour la parole des écrivains, belges ou non, (...)
  • 86 Braun (B.), « Cinq Goncourt en Belgique », 20.12.1951, p. 4.

36Conformément à l’« apolitisme » esthétique du journal auquel il souscrit globalement, Louis Piérard ne montre rien de son combat de député socialiste francophile pour une Wallonie émancipée dans le cadre de l’État belge. Il n’empêche que ses six papiers s’articulent autour de la théorie culturelle susceptible de retraduire une telle position politique dans l’ordre littéraire : le « lundisme » ; non pas dans la version égalitariste dont rêvaient les signataires du Manifeste, mais dans une version plutôt ajustée au point de vue parisien et qui correspond assez étroitement aux réalités moins roses des mécanismes de (non-)reconnaissance80. À l’exception de la vie théâtrale, la production littéraire francophone en Belgique apparaît sous la plume de Piérard comme l’affaire d’intellectuels ayant souvent la tête à Paris et évoluant au sein d’une poussière d’institutions régionales ou municipales. Marie Gevers, quant à elle, est avec Hellens et Plisnier l’écrivain belge le mieux reconnu par les réseaux autour des Nouvelles Littéraires. La personnalité artistique et mondaine de cette académicienne et son art du roman proche du « populisme »81 effacent aux yeux d’une rédaction « apolitique » déjà peu prédisposée à les voir ses activités durant l’Occupation. En outre, ses écrits tendent généralement à donner d’elle-même une image que les critiques parisiens sont disposés à répercuter : celle d’une romancière « flamande » régionaliste que la langue française fait accéder à l’essentiel, c’est-à-dire à l’universel82. Aussi est-ce sous le signe de la Flandre « française » qu’il est permis de placer ses douze contributions à l’hebdomadaire. La Belgique, « [l]e morcellement agricole le plus fragmenté, mais aussi le plus ordonné et le plus cultivé du monde »83, s’y réduit à la partie ouest de la Campine anversoise, qui fait figure d’agrandissement à l’échelle d’une sous-région du domaine de Missembourg où l’auteur passa toute sa vie. Quant à la « frontière belgo-française ou franco-belge », elle ne saurait avoir plus qu’un statut administratif84. Le troisième nom de ce sous-groupe, le jeune Paul Hellyn, ancien résistant proche de la Revue Nationale, ne cache pas les origines des (jeunes) auteurs belges dont il parle dans plusieurs de ses quinze articles fournis entre 1947 et 1951, sans pour autant défendre une conception particulière de la littérature francophone en Belgique85. Enfin, Benoît Braun, fils du poète académicien belgiciste Thomas Braun, se montre prêt à revendiquer un passé, un présent et un futur « belges ». Mais si, inspiré plutôt que fasciné par la vitalité française, il présente la Belgique comme une société distincte, celle-ci n’en apparaît pas moins comme un pays « français », où les villes, y compris plus au Nord, ont « la religion de la culture française »86.

  • 87 Cf. aussi Aron (P.), La Littérature prolétarienne en Belgique francophone depuis 1900. Bruxelles La (...)
  • 88 De nombreux indices en sont fournis par les commentateurs de l’écrivain, notamment par Jacques-Géra (...)
  • 89 Cf. e.a.Burniaux (C.), « Regards sur le monde. Hainaut, terre d’art et d’humanité », 22.8.1957, p.  (...)
  • 90 On lira ainsi ses articles consacrés aux travaux de « bruxellisation » qui doivent préparer la capi (...)
  • 91 Voir le début du présent article. Burniaux agissait ainsi au sein de l’Association pour le progrès (...)

37Après son troisième article, la rédaction décida de remplacer Braun, jeune chroniqueur non conformiste à plus d’un égard, par l’académicien Constant Burniaux, qui sera son correspondant pour la Belgique jusqu’en 1970. À l’image d’une vie marquée secrètement par des figures en porte-à-faux (père ni patron ni ouvrier, parents belges ni wallons ni flamands, lui-même brancardier de 14-18, et donc ni assaillant ni assailli, et instituteur coincé entre monde adulte et monde de l’enfance, etc.), Burniaux tendra toujours à occuper dans le champ littéraire une position d’intermédiaire (ni esthète ni engagé, ni isolé ni membre d’une « école », ni prosateur ni poète, ni réaliste ni fantastiqueur, etc.)87. Cette disposition primaire à contrebalancer des pratiques de dominant par des pratiques de dominé88 se trouve pleinement réfractée dans ses 64 papiers pour le journal (des « Lettres de Belgique » pour la plupart). On l’y voit osciller entre l’adhésion dogmatique au « lundisme » provincial et la défense obstinée d’une certaine spécificité littéraire. Cette spécificité s’avère informulable (ni « belge », ni « wallonne », ni « flamande », etc.), car elle résulte d’une communion avec le terroir de l’enfance, microcosme où les valeurs universelles, véhiculées par la langue standard, se combinent sur un mode idiosyncratique89. Corrélativement, la propension à allier des stratégies antagonistes codétermine une poétique ambitieuse qui mêle à un classicisme français des plus exigeants la revendication inlassable de ce que Burniaux considère comme le fondement de l’art : une authenticité « lyrique » toujours davantage menacée par la vie urbaine et adulte (dont Bruxelles et, surtout, Paris sont les symboles tacites90). L’explicitation progressive et répétitive de ces idées s’accompagne d’un travail de décons-truction de la Belgique unitaire (favorisé par le contexte de prise de conscience « wallonne »91) et de remplacement de celle-ci par une Belgique radicalement duale et composée, dans sa partie sud, de sensibilités extrêmement variées.

  • 92 Lettre de Georges Charensol à Constant Burniaux, en-tête « Les Nouvelles Littéraires, Artistiques e (...)

38La force ambivalente de ce complexe de stratégies prises entre excès de modestie et hubris fait aussi sa faiblesse. Car peu de membres de la rédaction, peu de lecteurs français en général sont préparés à voir dans le travail de déconstruction nationale autre chose qu’une tentative de légitimer une vision plus ou moins « régionaliste » de la littérature en Belgique. Qui plus est, Burniaux, lui-même de plus en plus lyrique et tourné vers sa propre enfance, n’arrive guère à formuler avec toute la « clarté » nécessaire la singularité d’un projet artistique universaliste et humaniste qui ne convoque aucun précepte unitaire français (sauf le postulat de l’homogénéité linguistique dans chacune des deux régions). Sa Belgique, coupée en deux et dénationalisée, est même si éloignée des représentations admises en France que, en 1958, l’on verra le rédacteur en chef Georges Charen-sol rappeler à son correspondant belge l’« ori-gine belge » du Prix Goncourt de cette année-là, Francis Walder, et de la lauréate du Prix Fémina, Françoise Mallet-Joris92.

Conclusion

  • 93 La domination symbolique (franco-belge), si elle implique plusieurs pays, n’a pas cette essence int (...)

39Ce dernier exemple est emblématique de la propension très marquée, chez l’ensemble des collaborateurs belges, à adapter le choix de leurs sujets et leurs modes de perception en général aux préférences présumées de leurs lecteurs parisiens93. Cette introjection nuit visiblement, on l’a vu, à leur travail journalistique. Celui-ci pâtit d’ailleurs plus généralement du fait que chaque collaborateur belge se montre plus ou moins dominé par ses intérêts de dominé. En effet, le cas de Constant Burniaux, pour complexe qu’il soit, illustre bien l’effort de tous ses confrères belges pour faire reconnaître avant tout, dans un organe de presse parisien, leur propre droit de participer pleinement à la « culture française ». Mais ce « lundisme » égalitariste et personnel est d’autant plus condamné à rater sa cible principale qu’il partage l’essentiel de ses présupposés (la langue standard définit l’appartenance culturelle) avec le « lundisme » légitime, centraliste. Cette base commune produit une illusion permanente d’harmonie préétablie entre les « écrivains français » et les « écrivains français de Belgique », malentendu structural bien fait pour donner l’impression que l’on s’entend sur tout et pour empêcher toute analyse sur la réalité, d’abord politique, des déséquilibres symboliques et matériels. Les Nouvelles Littéraires, avec leur investissement considérable dans des enjeux « purement » esthétiques et universels et leur ouverture exceptionnelle aux informateurs belges, étaient l’organe de la presse « littéraire » française le mieux placé pour verser dans l’illusion bien fondée de la « communauté de langue et de culture ».

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Notes

1 Cf. Dirkx (P.), « Describing Literature in Belgium : Some Reflexions on Evolution, Domination and Dependence », Dutch Crossing, 19, n°2 (hiver 1995), pp. 73-92.

2 Plus de quinze ans après la publication du programme de recherche de Jean-Marie Klinkenberg (« La Production littéraire en Belgique francophone. Esquisse d’une sociologie historique », dans Littérature, (Paris), n°44 (L’Institution littéraire II), déc. 1981, pp. 33-50), on ne dispose guère que de contributions ponctuelles, notamment : Aron (P.), « Portrait de l’artiste en chapeau mou et lavallière », Textyles, n°6, nov. 1989, pp. 7-19 ; Decaudin (M.), « Un Louvaniste à Paris : Robert Guiette rencontre Blaise Cendrars, André Salmon, Max Jacob », dans Frickx (R.), éd., Les Relations littéraires franco-belges de 1914 à 1940. Bruxelles, VUB-Press, 1990, pp. 147-157 ; Casanova (P.), « Même par étranger [H. Michaux] », Liber, n°21-22 (La Colère des Belges), mars 1995, pp. 13-17 ; diverses contributions dans Quaghebeur (M.) et Savy (N.), dir., France-Belgique (1848-1914). Affinités - ambiguïtés. Bruxelles, Labor, coll. Archives du futur, 1997.

3 L’expression « productions littéraires » relève d’une approche pragmatique et internationale ; elle sera préférée à « littérature », terme trop monolithique pour s’appliquer adéquatement à une réalité éminemment stratifiée, et aussi terme surinvesti, en ce qu’il postule l’existence d’une « littérarité » et renvoie implicitement au « génie » (ou « caractère », « âme », etc.) d’une nation, corrélé à celui d’une langue. À ce sujet, voir Lambert (J.) « L’éternelle question des frontières : littératures nationales et systèmes littéraires », dans Angelet (Ch.) et al., éd., Langue, dialecte, littérature. Études romanes à la mémoire de Hugo Plomteux. Louvain, Leuven UP, coll. Symbolae. Series A 12, 1983, pp. 355-370, qui montre à quel point cet ensemble d’éléments impensés gênent l’élaboration d’hypothèses de recherche sur la variété synchronique et l’évolution diachronique des faits littéraires. Dans l’expression « productions littéraires belges », le second adjectif ne vise pas à accréditer la thèse d’une spécificité, nationale ou autre, mais indique par métonymie la socialisation littéraire en Belgique des producteurs (au moins pendant leurs années de scolarité).

4 Klinkenberg (J.-M.), « Le Dedans et le dehors ou la légitimation des lettres de Belgique par Paris », Cahiers JEB, n°1, 1984, pp. 123-135, version modifiée de « Lettres belges et lunettes parisiennes », La Revue nouvelle, t. 78, n°12, déc. 1983, pp. 541-553 ; Andrianne (R.), « Le Monde des livres et la Littérature française non hexagonale », dans Endepols (D.), éd., Médias et enseignement. Paris, Didier Érudition, 1986, pp. 15-22.

5 Cf. e.a. Dumoulin (M.) et Hanotte (J.), « La Belgique et l’Étranger : 1830-1962. Bibliographie des travaux parus entre 1969 et 1985 », dans Dumoulin (M.) et Stols (E.), dir., La Belgique et l’Étranger aux xixe et xxe siècles. Bruxelles, Nauwelaerts ; Louvain-la-Neuve, Collège Erasme, Recueil de travaux d’Histoire et de Philologie, 6e série, fasc. 33, 1987, pp. 245-323.

6 Voir, par exemple, plusieurs contributions dans Les Relations franco-belges de 1830 à 1934. Metz, Centre de recherches Relations Internationales de l’Université de Metz, 1975.

7 Cf. Dejonghe (Et.), « Regards de Vichy sur la Belgique (1940-1942) », België, een maatschappij in crisis en oorlog. 1940Belgique, une société en crise, un pays en guerre. Bruxelles, Nscgtw-Crehsgm, 1993, pp. 113-119.

8 Cf. e.a. Van Welkenhuyzen (J.), « Le Problème belge vu par Charles de Gaulle », Revue Générale, nov. 1983, pp. 33-49.

9 Cf. Zeldin (Th.), Histoire des passions françaises 1848-1945. Orgueil et intelligence. [Paris], Ed. Recherches, coll. Encres, 1978, pp. 21-26.

10 Qualités qui n’en sont pas moins des conditions de son universalité présumée ; cf. Ferguson (P.P.), La France, nation littéraire. Bruxelles, Labor, coll. Media, 1991, pp. 140-155.

11 Le discrédit qui, à partir de 1946, frappe le terme même de « régionalisme », mis à l’honneur par Vichy, n’est pas susceptible de changer cette situation.

12 Y compris là où une forme de décentralisation se dessine timidement ; cf. p.e. Rioux (J.-P.), « Le Théâtre national de la décentralisation (1945-1952) », dans Abirached (R.), dir., La Décentralisation théâtrale. 1 : Le premier âge 1945-1958. Cahiers Théâtre / Éducation n°5, [Arles], Actes Sud, 1992, coll. Actes Sud - Papiers, 1992, pp. 55-67).

13 « Clarity, universality and humanism, in this perspective, are interrelated : clarity is a quality of expression that facilitates human communication and intercourse, and universality refers to the human condition beyond time and place » - Gordon (D.C.), The French Language and National Identity (1930- 1975). La Haye - Paris - New York, Mouton, coll. Contributions to the Sociology of Language n°22, 1978, p. 2.

14 Un indice intéressant en est le nombre toujours considérable d’agents belges qui, pour maximiser leurs chances de reconnaissance, s’insèrent par dizaines dans les milieux littéraires français. Entre 1940 et 1960, ce sont quelque cinquante agents littéraires belges qui s’installent en (Ile-de-)France.

15 Le prototype en est le Manifeste du Groupe du Lundi (1937), même si certains de ses signataires, tels Robert Poulet ou Gaston Pulings, eurent une conscience plus nette du jacobinisme français dans sa dimension proprement politique. Voir, sur le processus d’institutionnalisation de ce « lundisme » égalitariste en Belgique : Quaghebeur (M.), « Éléments pour une étude du champ littéraire belge francophone de l’après-guerre », dans Aron (P.) et al., dir., Leurs Occupations. L’impact de la Seconde Guerre mondiale sur la littérature en Belgique. Bruxelles, Textyles-CREHSGM, 1997, pp. 235-270 ; cf. aussi Klinkenberg (J.-M.), « Lectures du “Manifeste du Groupe du lundi” (1937) », dans Trousson (R.) et Somville (L.), éd., Lettres de Belgique. En Hommage à Robert Frickx. Janus Verlaggesellschaft, 1992, pp. 98-124.

16 Cf. Bourdieu (P.), « Le Champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, n°89 (Le Champ littéraire), sept. 1991, pp. 4-46.

17 Cf. Viala (A.), « Effets de champ, effets de prisme », Littérature, n°70 (Médiations du social), mai 1988, pp. 64-71.

18 Les institutions de la vie littéraire sont « des instances, groupes ou lois (écrites ou implicites) entièrement ou principalement vouées à la régulation sociale de la vie littéraire : académies et cercles, écoles, mécénat, censure », etc. La formule « institutions littéraires » s’applique alors aux genres et aux codes esthétiques, soulignant que ceux-ci, tout en se distinguant des institutions de la vie littéraire, appartiennent également « à l’histoire et au fait social » ; cf. Viala (A.), art.cit., pp. 66-68.

19 Sur cette solidarité, cf. Sapiro (G.), « Académie française et Académie Goncourt dans les années 40 : fonction et fonctionnement des institutions de la vie littéraire en période de crise nationale », Texte, n°12 (Texte et histoire littéraire), 1992, pp. 151-197, pp. 152-153.

20 Même si le présent article est loin de le négliger, une étude ultérieure tiendra compte plus systématiquement du second plan de l’analyse institutionnelle, celui de la structure interne du groupe constitué par la rédaction et ses collaborateurs réguliers.

21 Cf. Kolbert (J.), « Les Nouvelles Littéraires. The Birth of the Literary Newspaper », The American Sociey Legion of Honor Magazine, vol. 40, 1969, n°1, pp. 25-39.

22 Ces trois titres sont les seuls à connaître une publication continue durant la période étudiée ; ils se partagent en outre l’essentiel du marché de la presse « littéraire » non politisée. Entre eux existe un système de relations qui s’ajoute aux médiations décrites précédemment et dont l’analyse textuelle devra tenir compte.

23 Ce réalisme est destiné à donner au peuple français, « sérieux et probe, [...] les ressources de vie intérieure qui lui permettront d’affronter les dures réalités » (A[ndré] G[illon], « À nos lecteurs [éditorial du premier numéro d’après-guerre] », 5 avril 1945, p. 1). Loin de se confondre avec la littérature d’évasion, ce réalisme répond à une conception légitime de l’œuvre comme divertissement. Il a ses défenseurs à l’Académie française, dont la une du journal apparaît souvent comme une véritable tribune.

24 « Ce n’est pas la vente du livre français à l’étranger qui est en question, mais la pensée française, dont le monde entier continue d’avoir besoin et dont le livre n’est que le moyen de diffusion. [On dispose d’]ouvrages anglais ou américains, certainement bien faits et de grande valeur technique, mais auxquels manquent [...] cette méthode, cette généralité, cette universalité des vues qui sont le propre irremplaçable, dans le domaine de l’esprit, de notre humanisme latin. Voilà donc une supériorité qui nous est au moins reconnue, quand nous avons perdu tant d’influence et de terrain dans l’économique et le politique » — Henriot (Ém.), « Le livre français à l’étranger », 8.7.1948, pp. 1 et 2, p. 2.

25 Bucaille (V.), « Le monde des livres. La Suisse française, Terre alémanique par Paul André », 1.8.1946, p. 3.

26 La rédaction ne se soucie guère que du seul continent européen. Ainsi, l’un des premiers articles sur les productions francophones au Maroc, appelant de ses vœux l’avènement d’une littérature authentiquement marocaine (en français), ne paraît qu’en juin 1949. Le Canada francophone n’est pas mieux loti.

27 « Âmes et visages des Flandres et de Wallonie. Un reportage de Marc Blancpain », 18.11.1948, pp. 1 et 6. Si la minorisation du français due à la néerlandisation de la Flandre est désormais un fait irrévocable, l’auteur se félicite de la francophilie plus que jamais ardente dont feraient preuve « les Wallons ».

28 Stéphane (E.), « Nos livres en Belgique », 15.11.1945, p. 2.

29 Comme l’ensemble de la presse française, Les Nouvelles Littéraires s’émerveillent devant l’exemplaire « prospérité belge », fût-ce avec un certain retard par rapport aux Lettres françaises notamment et, chose également prévisible, sur un plan strictement culturel.

30 Cette pique, qui fait allusion à la contrefaçon de publications françaises par les « reproducteurs » belges de la première moitié du xixe s., illustre bien comment l’« amitié (littéraire) franco-belge » peut, à tout moment, perdre son caractère irénique et se révéler fondée sur un rapport de force occulté.

31 Les Anglais, les Américains et les Canadiens tenant ici, un peu plus d’un an après la Libération, le rôle des Allemands.

32 Lalou (R.), « Le livre de la semaine. Fantômes vivants par Franz Hellens », 21.6.1945, p. 3. Celui que Lalou nommera aussi « notre cher Franz Hellens  » (9.8.1951) et à qui le rédacteur en chef Frédéric Lefèvre consacra l’une de ses fameuses « Une heure avec » dès 1929, figure parmi les auteurs belges favoris du journal. André Bourin, secrétaire de rédaction à partir de 1949, le considère même rétrospectivement comme un collaborateur des Nouvelles Littéraires (témoignage oral d’André Bourin).

33 Closset (Fr.), « La littérature étrangère pendant la guerre. La littérature néerlandaise », 26.6.1947,p. 5.

34 Las Vergnas (R.), « Images flamandes », 24 .4.1947, pp. 1 et 5, p. 5. À noter l’usage du mot « francophonie », qui fait ici sa première apparition dans le corpus issu des Nouvelles Littéraires.

35 Dorival (B.), « Les nouvelles artistiques. Constant Permeke », 1.1.1948, p. 6. Parallèlement, l’écrivain M. de Ghelderode, à la mode à Paris depuis juin 1947, irrite le chroniqueur dramatique du journal, l’existentialiste chrétien Gabriel Marcel, parce que son « symbolisme macabre » (3.7.1947), sorti d’« un cerveau malade » (13.1.1949), reste enfermé dans les particularismes « flamands ». Un autre critique reprochera explicitement à Ghelderode — appelé du coup « auteur belge » — de ne pas être suffisamment « universel » (Bernard (M.), « Le théâtre. Michel de Ghelderode », 5.6.1952, p. 8).

36 Vaillant (J.-P.), « Écrivains de Luxembourg », 27.5.1954, p. 5.

37 Bouvier (J.), « Léon Baréty nous dit ce qu’est la participation française », 17.4.1958, p. 5.

38 C’est cet intérêt national bien compris qui explique l’essentiel du seul texte français (un articulet) sur la vie intellectuelle à l’Exposition, consacré au « livre français », « magnifiquement présent dans [l]e Pavillon de la France » ([Rédaction], « La gazette des livres. Le livre français à l’Exposition de Bruxelles », 30.4.1958, p. 7).

39 C’est le cas, par exemple, de l’élection de Jean Pommier, « notre éminent collaborateur, professeur à la Sorbonne et au Collège de France » ([Rédaction], « La gazette des lettres », 3.3.1960, p. 7). Avant lui, une dizaine de lignes furent consacrées à l’élection, en janvier 1955, de Jean Cocteau et de la princesse Marthe Bibesco ([Rédaction], « À l’Académie belge », 13.1.1955, p. 1).

40 Maurois (A.), « Quand deux Académies se rencontrent », 22.5.1952, p. 1. Durant cette visite historique, qui eut lieu les 9 et 10 mai, Georges Simenon, auteur-maison des Nouvelles Littéraires (cf. infra), fut reçu à l’académie belge par Carlo Bronne.

41 Le seul point divergent qui sera retenu par Maurois est la présence de femmes au Palais des Académies, mais, là encore, la disposition à ne faire valoir que ce qui est légitime, donc français, l’emporte sur toute autre considération : « Je vous envie, affectueusement, notre grande Colette. Rien ne manque à sa gloire et, si elle manque à la nôtre [celle de l’Académie française], c’est une consolation de penser qu’elle ajoute à la vôtre [...] ».

42 Rousselot (J.), « Poésie », 6.8.1953, p. 3.

43 Le Grand Robert de la langue française. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert. Deuxième édition entièrement revue et enrichie par Alain Rey. Tome IV : Entr-Gril. Paris, Le Robert, 1990.

44 « Un grand reportage littéraire d’André Bourin. La France en zigzag. Luxembourg, Wallonie, Cambrésis », 23 juillet 1953, p. 8. La visite d’un collaborateur des Nouvelles Littéraires en Belgique était par ailleurs très rare (témoignage oral d’André Bourin).

45 À période égale, il s’agit de 74,3 % pour Les Lettres françaises et de 78 % pour Le Figaro Littéraire.

46 On obtient un chiffre voisin dans le cas des Lettres françaises, et même 94,2 % pour l’hebdomadaire du Figaro.

47 « [Il avait] promis sa participation par une conférence sur l’art belge à une exposition de peinture franco-belge organisée au Musée de Peinture de Rouen (nous étions en pleine guerre, le gouvernement belge ayant laissé la Belgique envahie, s’était fixé au Havre) » — Reuillard (G.), « La dernière nuit de Verhaeren », 28.11.1946, pp. 1 et 6, p. 1.

48 Kemp (R.), « La vie des livres. La poésie mandarine », 29.4.1948, p. 2.

49 Voir, entre autres, Id., « La vie des livres. André Gide et la poésie », 14 juillet 1949, p. 3, où le classicisme blessé de Kemp le conduit à transgresser les contraintes fondamentales du champ en demandant si c’est « comme Belge » que l’auteur des Serres chaudes n’est pas admis dans l’Anthologie de la poésie française de Gide parue chez Gallimard dans la Bibliothèque de la Pléiade.

50 Cf. Dirkx (P.), « Le Symbolisme belge dans les manuels scolaires et revues littéraires en France (1902-1930) », dans Œuvres & Critiques, t. 17, 1992, n°2 (La réception du symbolisme belge), pp. 63-75 ; Id., « Notre Littérature non pas lue, mais vue par les Français (anciens élèves du secondaire et lecteurs de la N.R.F. dans les années folles) », dans Frickx (R.), éd., op.cit., pp. 13-27.

51 Voir à ce propos De Smedt (R.), « Franz Hellens et le problème des lettres françaises de Belgique », dans Otten (M.), éd., Études de littérature française de Belgique. Bruxelles, J. Antoine, 1978, pp. 191-197.

52 Où Hellens, « l’écrivain belge le plus important aujourd’hui » (29.7.1948), fait figure de locomotive d’une littérature belge progressiste, authentiquement nationale et populaire, jusqu’à sa démission, en novembre 1949, comme corédacteur en chef des pages belges du journal.

53 Rousselot (J.), « Poésie », 22.2.1951, p. 3.

54 Lalou affirmera quelques années plus tard que Hellens représente « une grande tradition, celle des écrivains qui honorent à la fois leur patrie belge et le domaine littéraire français » (« Le livre de la semaine. Les Marées de l’Escaut par Franz Hellens », 25.6.1953, p. 3).

55 Bérence (F.), « Instantanés. Robert Vivier », 26.8.1948, p. 6.

56 Lalou (R.), « Le livre de la semaine. Si peu que rien par Denis Marion », 6.9.1945, p. 3 (nous soulignons).

57  « Le monde des livres. Zdravko le Cheval par Ch.-L. Parron [sic] », ibid., p. 3.

58 Le cas du romancier Jan Van Dorp illustre cette vision éthérée de la personne sociale de l’écrivain. Pour René Lalou, Flamand des Vagues remplit « l’éternelle mission du roman, successeur moderne de l’épopée : ouvrir pour le lecteur harcelé de mesquins soucis la fenêtre à une évasion dans un monde qui les magnifie et, par cela même, le satisfait ». Le critique s’estime en droit de « louer sans réserves un livre dont la santé égale la probité » (« Le livre de la semaine. Flamand des vagues de Jan Van Dorp », 28.10.1948, p. 3), livre qui avait d’ailleurs valu à son auteur la distinction du Meilleur livre du mois aux États-Unis en 1948 ainsi que, l’année suivante en France, le Grand Prix des Lecteurs (devant Vipère au poing d’Hervé Bazin). Aucun commentaire n’éclaire la figure de l’auteur, Belge, de son vrai nom Oscar Van Godtsenhoven, qui eut affaire à la justice de son pays après la Libération, notamment en raison de romans publiés aux Éditions de la Toison d’Or contrôlées directement par l’occupant nazi. Que Flamand des Vagues soit une version réécrite de Vent de combat, roman paru aux Éditions de La Toison d’Or en 1943, et son second roman, Le Voilier aux marionnettes, du Rouge irlandais, sorti le 4.9.1944 chez le même éditeur mais jamais mis en vente, ne change, dans l’optique des Nouvelles Littéraires, rien au « joli talent » de l’auteur, ni à ses « personnages longtemps bercés dans le cœur d’un écrivain » (Pierre Loiselet, « Le monde des livres. Le Voilier aux marionnettes par Jan Van Dorp », 30.3.1950, p. 3 ; voir aussi le 10.4.1952). La remarque vaut également, entre autres, pour Robert Poulet et Félicien Marceau, alias Louis Carette.

59 Ainsi, Kemp saisit l’occasion de la réédition chez Gallimard du roman L’Épée dans les reins de l’Hennuyer George Adam (ancien rédacteur en chef des Lettres françaises), paru à Genève en 1944, pour exprimer son irritation envers la littérature « résistantialiste » (« La vie des livres. Un messie - un poète - un soldat », 25.12.1947, p. 2).

60 Bourin (A.), « Le monde des livres. Les Dieux ne nous aiment pas par Max Servais », 12.10.1950,p. 3.

61 C’est en grande partie par amitié pour un Georges Charensol (rédacteur en chef depuis 1949) qui le lui rend bien, que Simenon enverra d’outre-Atlantique un total de cinq romans (La Jument perdue, Un Nouveau dans la ville, Maigret et la grande Perche, Crime impuni et Le Veuf), publiés en 67 feuilletons entre janvier 1948 et février 1960. Au moment même où l’on s’efforce (et en premier lieu l’auteur lui-même) de convertir sa renommée populaire en capital symbolique au sein du sous-champ de production restreinte, Simenon se prête à une diffusion moins noble de son œuvre la plus récente, celle qui, selon ses propres dires, ressortit à « la littérature, la vraie »  ; cf. de Boisdeffre (P.), « À New-York avec Simenon », 17.12.1953, p. 4.

62 La rédaction explicite le plus clairement l’importance qu’elle attache à l’œuvre de « notre Balzac » (15.12.1960), lorsqu’elle annonce les candidats probables au Prix Nobel de Littérature 1954, à savoir, « pour la France, Claudel, Malraux, Camus et Simenon » ([Rédaction], « Avant le Nobel 1954 », 21.10.1954, p. 4).

63 De la même manière, mais à partir d’une lecture réaliste-socialiste, Les Lettres françaises érigent en modèles certains poètes belges « progressistes ».

64 « La dette de reconnaissance que la poésie française a contractée envers la Belgique aux beaux jours du symbolisme n’est pas périmée. Un Jean de Boschère, un Henri Michaux, un Franz Hellens n’ont-ils pas pris la relève des Mockel, des Elskhamp [sic] et des Van Lerberghe ? De trop nombreuses anthologies de la “poésie belge de langue française” ont pu récemment nous agacer, parce qu’elles manquaient de sévérité — et peut-être aussi parce qu’elles rendaient jaloux les poètes français, sans éditeurs, sans argent et sans véritable public ; il n’en demeure pas moins que la poésie belge est singulièrement vivante aujourd’hui et qu’à côté des « ténors » dont je citais plus haut les noms, devenus universels, il y a de très nombreux poètes de valeur qu’il serait profondément injuste de méconnaître en France, leur seconde patrie » (Jean Rousselot, « Le monde des livres. Poésie », 15.12.1949, p. 3).

65 Id., « Le monde des livres. Poésie. Le Lys noir par Pierre-Louis Flouquet », 2.9.1948, p. 3.

66 Id., « Le monde des livres. Poésie », 1.2.1951, p. 3.

67 Sur la poétique à la fois individualiste et universaliste, classicisante et humaniste de Jean Rousselot, membre fondateur de l’École de Rochefort, voir Marissel (A.), Jean Rousselot. Paris, Seghers, coll. Poètes d’aujourd’hui n°71, 1960 ; Sabatier (R.), Histoire de la poésie française. La poésie du vingtième siècle. 3 : Métamorphoses et modernité. Paris, Albin Michel, 1988, pp. 222-228.

68 Kemp (R.), « La vie des livres. Des espérances », 19.11.1953, p. 2.

69 Brierre (A.), « Le monde des livres. Jetons de présence par Daniel Gillès », 1.4.1954, p. 3. Le recueil de nouvelles Mort la douce obtint en 1952 l’un des principaux prix littéraires en Belgique, le Prix Rossel.

70 Cf. « Les Nouvelles Littéraires au spectacle. Le théâtre. Le Valet des songes [d’Edmond Kinds] », 29.1.1953, p. 10.

71 Marcel (G.), « Andréa [Een bruid in de morgen] », 8.12.1955, p. 12.

72 Mora (E.), « Le monde des livres. La Chasse aux canards par Hugo Claus, traduit du flamand par Elly Overziers et Jean Raine », 4.6.1953, p. 3. Ce roman n’est pas le premier de Claus et le Prix Léon Kryn ne saurait être comparé au Prix Goncourt, et encore moins être appelé « le « Goncourt belge » (formule habituellement réservée au Prix Rossel).

73 de Ricaumont (J.), « Le monde des livres. L’homme aux mains vides par Hugo Claus », 12.12.1957, p. 3. La recension mettra en valeur les procédés narratifs insolites d’un roman qui « s’apparente au roman américain ».

74 Ainsi, Robert Kemp, dans la dixième année de son feuilleton d’Aristarque, avoue son manque de compétence en matière de littérature, de culture et de politique en Belgique : « Je suis bien moins préparé à goûter finement les Souvenirs d’un écrivain belge, de M. Henri Davignon, parce que j’ignore ou je connais seulement de nom ses compatriotes, les personnages de la cour et de la diplomatie en Belgique » (« La vie des livres. La rose et les épines », 26.8.1954, p. 3). Sans doute cet aveu n’est-il pas étranger à la thématisation des rapports de force littéraires franco-belges tout au long de ce livre, dont l’auteur déclare, à plusieurs reprises, toujours avoir rêvé d’être reconnu par Paris, mais en tant que Belge ; cf. Davignon (H.), Souvenirs d’un écrivain belge (1879-1945). Paris, Plon, 1954, pp. 117, 120, 189-195 et passim.

75 Cf. Jans (A.), dir., Lettres vivantes. Deux générations d’écrivains français en Belgique 1945-1975. Bruxelles, Renaissance du Livre, 1975 ; Quaghebeur (M.), « Balises pour l’histoire de nos lettres », Alphabet des lettres belges de langue française. Bruxelles, Ass. pour la promotion des Lettres belges de langue française, 1982, pp. 9-202, surtout pp. 144-157 ; Id., Lettres belges entre absence et magie. Bruxelles, Labor, 1990, coll. Archives du futur, pp. 28-34, 182-184 ; Id., « Éléments pour une étude du champ littéraire belge francophone de l’après-guerre », art.cit.

76 Bourdieu (P.), « Existe-t-il une Littérature belge ? Limites d’un champ et frontières politiques », Études de lettres, 1985, n°4, pp. 3-6, p. 3 ; cf. Klinkenberg (J.-M.), « La Production littéraire en Belgique francophone. Esquisse d’une sociologie historique », art.cit., p. 34.

77 De même que l’écrivain-paysan par exemple (cas analysé dans le cadre des relations franco-françaises Paris – Province par Anne-Marie Thiesse dans Écrire la France. Le mouvement littéraire régionaliste de langue française entre la Belle Époque et la Libération. Paris, Puf, coll. Ethnologies, 1991, pp. 157-170), l’idéal type de l’écrivain-Belge vit sa condition comme un handicap à effacer en devenant « écrivain français » en (Ile-de-)France ou en se rêvant écrivain « français » en Belgique.

78 Qui ne parvient pas à donner le « grand roman » qu’un André Gide attend de lui (cf. supra). Fin 1953, il répondra d’« un bon sourire gouailleur » à la question « Êtes-vous français ? » : « Oui, je crois que je suis devenu assez français ! » ; cf. de Boisdeffre (P.), art.cit.

79 Dans le cas de Plisnier, cette revendication s’appuie sur celle, politique, de la citoyenneté française ; cf. Dirkx (P.), « “La France, rien que cela et tout cela”. Charles Plisnier, collaborateur privilégié des Nouvelles Littéraires », Cahiers internationaux de symbolisme, à paraître.

80 « Peut-être dira-t-on que la Belgique des Verhaeren et des Maeterlinck apportait à une littérature qui comptait déjà un Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, des modes nouveaux de sentir et de s’exprimer, une originalité propre, un climat particulier. C’est pourquoi ce dominion littéraire revendique parfois le droit à l’autonomie... [...] Mais le mérite de ces écrivains est sans doute d’avoir exprimé dans la langue la plus souple et la plus belle qui soit au monde, une sensibilité nordique » (« À Paris et ailleurs. Camille Lemonnier fêté par la Belgique et la France », 5.7.1945, p. 4).

81 Le prisme rédactionnel s’avère particulièrement opérant au niveau du recrutement des agents belges dont les trajectoires, en général, montrent bien à quel point un collaborateur choisit « son » périodique autant qu’il est choisi par lui. Ainsi, six auteurs ont en commun d’avoir adhéré à une forme de littérature « populiste » à laquelle l’hebdomadaire s’est toujours montré fort attentif : Plisnier, t’Serstevens, Simenon, Burniaux, Piérard et Gevers. Peut-être la rédaction y aurait-elle associé le réalisme « familial » de Dominique Rolin.

82 Le passage sur « La question du régionalisme » dans le Manifeste du Groupe du Lundi, que Gevers fut le seul auteur féminin à signer, est au moins inspiré du type de position qu’elle occupe.

83 Gevers (M.), « Le monde des nuages », 24.8.1950, p. 8.

84 C’est « une ligne bondissante et capricieuse. Des spécialistes nous diront, certes, pourquoi ici c’est la France, là la Belgique ; ici encore la Belgique, là de nouveau la France ; un creux ici, une bosse là. Le profane n’en sait rien. [...] On fraude la douane dans les deux sens, les frontaliers passent et repassent, les paysans flamands s’installent en Normandie, les livres français garnissent les bibliothèques bruxelloises » (Id., « Au gré des frontières », 30.8.1951, pp. 1 et 8, p. 8).

85 D’autant moins qu’il délaisse toujours plus l’écriture pour la parole des écrivains, belges ou non, qu’il enregistre au Musée Belge de la Parole dont il est le fondateur en 1951 et qui sera intégré aux Archives et Musée de la Littérature en 1968.

86 Braun (B.), « Cinq Goncourt en Belgique », 20.12.1951, p. 4.

87 Cf. aussi Aron (P.), La Littérature prolétarienne en Belgique francophone depuis 1900. Bruxelles Labor, coll. Un livre, une Œuvre n°29, 1995, pp. 96-97. En fait, voué ainsi à une prudente modestie (et à la fois doté de nombreux titres, qui ont beaucoup pesé dans le choix de la direction du journal), Burniaux incarne la figure idéale du collaborateur (belge) des Nouvelles Littéraires.

88 De nombreux indices en sont fournis par les commentateurs de l’écrivain, notamment par Jacques-Gérard Linze (Mieux connaître Constant Burniaux, Bruxelles, A. De Rache, coll. Mains et Chemins n°5, 1972), et par David Scheinert (Constant Burniaux ou La Hantise du temps. Tournai, Unimuse, coll. Le Miroir des Poètes, 1973).

89 Cf. e.a.Burniaux (C.), « Regards sur le monde. Hainaut, terre d’art et d’humanité », 22.8.1957, p. 5.

90 On lira ainsi ses articles consacrés aux travaux de « bruxellisation » qui doivent préparer la capitale belge à l’Expo 58.

91 Voir le début du présent article. Burniaux agissait ainsi au sein de l’Association pour le progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (A.P.I.A.W.), mais seulement sur un plan « strictement » littéraire, en tant que vice-président de la Commission littéraire de cette association.

92 Lettre de Georges Charensol à Constant Burniaux, en-tête « Les Nouvelles Littéraires, Artistiques et Scientifiques », Paris, 12.12.1958, M.L. 6204 / 557. À noter que Fr. Mallet-Joris fut naturalisée Française en 1947.

93 La domination symbolique (franco-belge), si elle implique plusieurs pays, n’a pas cette essence internationale que beaucoup de travaux lui accordent, au sens où elle ne traverse pas magiquement les frontières, mais produit ses effets à la faveur de modes d’intériorisation profondément (ce qui ne veut pas dire exclusivement) nationaux.

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Pour citer cet article

Référence papier

Paul Dirkx, « « La France en zigzag » : les productions littéraires belges dans Les Nouvelles littéraires (1945-1960) »Textyles, 15 | 1999, 69-86.

Référence électronique

Paul Dirkx, « « La France en zigzag » : les productions littéraires belges dans Les Nouvelles littéraires (1945-1960) »Textyles [En ligne], 15 | 1999, mis en ligne le 19 juillet 2012, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/textyles/1095 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/textyles.1095

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Auteur

Paul Dirkx

I.U.T. de Lannion

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