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La morale

De l’unité des intuitions morales à la diversité des vertus*

Jonathan Haidt et Craig Joseph
p. 89-100

Résumés

Assurément, la morale fait partie de la nature humaine tout en étant une construction culturelle. Cet article propose de réconcilier les approches biologistes et culturalistes en avançant qu'il existe (au moins) quatre modules psychologiques innés qui constituent la base sur laquelle toutes les cultures construisent des vertus spécifiques. Ces quatre modules sont constitués par les couples souffrance / compassion, réciprocité / équité, hiérarchie / respect et pureté / sainteté. La plupart des cultures traditionnelles, les cultures musulmanes inclues, valorisent les vertus basées sur ces quatre modules à la fois. Les cultures séculaires occidentales modernes valorisent les vertus liées aux deux seuls modules souffrance / compassion et réciprocité / équité. Quand des cultures moralement différentes se mêlent, cette différence est la source de difficultés et de malentendus.

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Texte intégral

Traduit de l’anglais par Nicolas Baumard

1L’humanité s’est montrée capable de produire des morales aussi dissemblables que celles des nazis et des quakers, ou encore que celles des chasseurs de têtes et des jaïns. Pourtant, un examen plus attentif de la vie quotidienne des peuples montre que certains principes se retrouvent presque partout : le principe de réciprocité, l’exigence de loyauté, le respect dû à l’autorité (quelle qu’elle soit), les limites imposées aux dommages corporels, les règles concernant l’alimentation et la sexualité. Que penser de ces motifs semblables perdus au milieu de tant de différences ? En sciences sociales, il existe deux manières classiques de répondre à cette question.
Les empiristes partent du principe que l’ensemble des composantes de la morale – les connaissances, les croyances, les actions – ont été apprises au cours de l’enfance. Selon eux, il n’existe pas de faculté morale ni quoi que ce soit de ce genre inscrit dans l’esprit humain, même si des mécanismes innés d’apprentissage permettent effectivement l’acquisition de ce genre de savoir. Les similarités entre cultures sont dues au fait que toutes les sociétés sont confrontées aux mêmes questions (comment distribuer le pouvoir et les ressources, comment prendre soin des enfants et résoudre les conflits) et qu’elles trouvent souvent les mêmes solutions.
L’approche innéiste, de son côté, soutient que nos idées sur la justice, la violence, le respect de l’autorité ont été inscrites dans l’esprit humain par l’évolution. Tous les enfants placés dans un environnement raisonnablement normal développeront ces idées, même si elles ne leur sont pas enseignées. Les différences entre cultures proviennent du fait que ces idées universelles peuvent être mises en œuvre de manières différentes. Exemple : les relations entre frères et sœurs peuvent être hiérarchiques et fondées sur l’aînesse, ou bien égalitaires et fondées sur la réciprocité.
Pour notre part, nous développerons l’idée que la morale est à la fois innée et acquise. Il ne s’agira pas simplement de ménager la chèvre et le chou. Nous avancerons une version révisée de l’innéisme qui rend justice à la profondeur et à l’amplitude de la variabilité culturelle des morales. Nous prêterons ainsi une attention tout à fait nouvelle à la relation entre les intuitions morales – plus exactement un sous-ensemble d’intuitions que nous concevons innées – et les vertus morales qui sont, pour l’essentiel, socialement construites.
Notre approche repose sur l’idée que les humains sont équipés d’une morale intuitive, une faculté innée à éprouver des sentiments d’approbation ou de désapprobation dans des situations impliquant d’autres êtres humains. Les situations les plus évidentes sont liées à la souffrance, à la réciprocité, à la hiérarchie et à la pureté. Ces jugements intuitifs sous-tendent l’ensemble des systèmes moraux, jusque dans leur conception des vertus et des qualités personnelles. En mesurant la manière dont les cultures humaines construisent des morales incommensurables sur des fondements communs, nous jetterons de nouveaux aperçus sur l’éducation morale et les conflits moraux qui divisent nos sociétés.

Le rôle des intuitions

  • 1 Sur l’intuition en morale, voir aussi Haidt (2001) et Wright (1995).

2Les anthropologues partent souvent des faits sociaux et s’efforcent d’en tirer ensuite quelques considérations psychologiques. De toute évidence, les lois, les coutumes, les rituels, les normes varient d’une société à l’autre ; et de cette variation ils concluent que de nombreux faits psychologiques tels que les croyances, les valeurs, les sentiments, les habitudes sont également variables. Les psychologues évolutionnistes, en revanche, s’intéressent à ce qui se passe entre psychologie et biologie. Ils tiennent pour évident que le cerveau humain est un produit de la sélection naturelle, qui s’est adapté aux problèmes que les hominidés ont rencontrés pendant des millions d’années. Le cerveau des nouveau-nés ne variant pour ainsi dire pas d’une culture ou d’une population à une autre, il est à leurs yeux raisonnable de penser que de nombreux faits psychologiques (émotions, motivations, traitement de l’information) font partie de l’équipement « de série » mis en place par l’évolution pour faire face à des problèmes récurrents.
Comment relier les faits sociologiques et les faits biologiques ? Où faut-il disposer les piles du pont ? Le point de rencontre devrait se situer quelque part sur le terrain de la psychologie. Nous le situerons plus précisément du côté des intuitions. Les intuitions sont ces jugements, ces réponses, ces idées qui surgissent dans notre esprit sans que nous ayons conscience des processus mentaux qui les ont produits. Trouver soudainement la solution à un problème sur lequel on a longtemps buté, ou apprécier quelqu’un sans pouvoir en donner la raison, relève de la connaissance intuitive. Les intuitions morales représentent une sous-classe des intuitions en général. Elles consistent dans ces sentiments d’approbation ou de désapprobation qui surgissent en nous lorsque nous observons ou entendons parler d’une action commise par autrui, ou encore lorsque nous songeons à ce que nous-même devons faire1.
Nous avons des intuitions parce que notre esprit comporte deux systèmes distincts de traitement de l’information. La plus grande part de notre activité de connaissance est intuitive, automatique. L’esprit humain, comme celui des animaux, fonctionne par reconnaissance automatique de formes et par processus distribués. Notre système visuel, par exemple, produit des milliers d’interprétations par seconde, sans effort de notre part et sans même que nous en ayons conscience. Il y parvient en s’appuyant sur des raccourcis de traitement intégrés ou heuristiques (par exemple, en postulant que des lignes continuent derrière les obstacles qui en cachent la vue), qui sont couplés avec nos connaissances acquises sur le monde visible. De même, de nombreux psychologues pensent que l’essentiel de notre activité de cognition sociale fonctionne rapidement, automatiquement et sans effort, en un mot : intuitivement. C’est ce qui se passe lorsque nous évaluons instantanément l’attractivité, la dangerosité, le genre ou le statut des gens que nous rencontrons. L’esprit réalise cette tâche en s’appuyant sur des heuristiques qui tiennent compte des connaissances apprises sur le monde social.
Mais l’esprit humain se distingue de celui des animaux en ce qu’il a développé un second système de traitement lent, délibératif et pleinement conscient. Lorsque vous utilisez des mots pour penser ou que vous raisonnez, lorsque vous analysez vos buts et vos choix, vous utilisez un tel système de raisonnement. La plupart des travaux de psychologie morale ont porté sur cette activité délibérative, sans doute parce qu’elle est plus accessible. Pour l’étudier, il suffit de poser des questions à la manière de Lawrence Kohlberg : « Pensez-vous que Heinz devrait entrer par effraction dans la pharmacie pour voler le médicament qui sauverait sa femme ? » (Kohlberg 1969). Kohlberg a construit un modèle du développement moral en observant la façon dont les réponses à ce genre de dilemmes moraux changeaient avec l’âge, au cours de l’enfance et de l’adolescence.
Cependant des recherches récentes en psychologie sociale suggèrent que les réponses à ces dilemmes proviennent surtout du système intuitif : les gens éprouvent des réactions viscérales dont ils prennent conscience dès qu’une situation leur est présentée. La plupart décident en une ou deux secondes si Heinz doit voler ou non le médicament (voir encart 1). Lorsque, par la suite, on leur demande d’expliquer leur jugement, ils ont recours au raisonnement conscient pour se justifier et argumenter (Haidt 2001 ; Nisbett & DeCamp Wilson 1977). C’est la même chose qu’avec le système visuel : nous ne pouvons savoir comment nous faisons pour voir, nous pouvons seulement savoir ce que nous voyons. Si vous vous focalisez sur les raisons que donnent les gens de leurs jugements, vous faites comme si la raison guidait les émotions, alors que c’est le contraire (encart 2).
L’intuition est un concept qui mériterait d’être mieux étudié. C’est à ce niveau que nous pouvons trouver un petit nombre d’unités de base sur lesquelles peuvent reposer des constructions culturelles très diverses. De telles unités de base sont présentes dans nos systèmes sensoriels. Trois types de récepteurs de la peau (à la pression, à la température et à la douleur) fonctionnent ensemble pour nous donner une riche expérience du toucher. Cinq types de récepteurs de la langue (au salé, au sucré, à l’acide, à l’amer et, curieusement, au glutamate) fonctionnent ensemble avec le concours de notre odorat pour nous donner une grande variété d’expériences gustatives. Pourrait-il y avoir un petit nombre de récepteurs sociaux qui formeraient la base de notre sens moral hautement élaboré et culturellement variable ?

Les intuitions, produits de l’évolution

  • 2 La modularité a d’abord été proposée pour les processus perceptuels par Jerry A. Fodor (1986). Cepe (...)
  • 3 Pour une histoire complète de la façon dont le domaine effectif du dégoût s’est étendu au monde soc (...)

3En quoi l’évolution peut-elle affecter l’esprit et comment s’y prend-elle ? Certains chercheurs ont avancé que l’évolution a créé des connaissances innées de différentes sortes (Pinker 2005 ; Barkow, Cosmides & Tooby 1992). Ainsi, il semble que les nouveau-nés aient une maîtrise immédiate de la reconnaissance des visages et du goût sucré parce que leur cerveau naît tout équipé des cellules et des circuits correspondants. Cependant, pour des aptitudes plus complexes, on parlera plus volontiers de « dispositions à apprendre ».
Par exemple, les humains naissent avec un petit nombre de peurs programmées, mais sont disposés à acquérir facilement certaines peurs : celles des araignées, des serpents, des souris et des espaces ouverts. La culture peut renforcer ou s’opposer à ces peurs à des degrés divers. En revanche, il est très difficile de provoquer la peur des fleurs, ou même de choses aussi dangereuses que des couteaux ou du feu, parce que l’évolution n’a pas « préparé » notre esprit à de telles associations.
Quelles intuitions morales notre esprit pourrait-il être naturellement disposé à développer ? À quels genres de situations les êtres humains sont-ils aisément disposés à réagir moralement ? Il y a plusieurs manières de répondre à cette question. Pour cet article, nous avons choisi ce qu’on pourrait appeler une approche métaempirique, passant en revue les travaux de plusieurs chercheurs où nous tenterons d’identifier un noyau de valeurs, de problématiques et de thématiques communes.
Nous avons retenu cinq travaux : deux sur les universaux (Brown 1991 ; Fiske 1991), deux sur la variabilité culturelle (Schwartz & Bilsky 1990 ; Shweder, Much, Mahapatra & Park 1997) et un consacré à la morale chez les primates (Waal 1997). Commençons d’abord par faire la liste des situations sociales identifiées par les auteurs comme provoquant des réactions positives ou négatives chez les humains (ou les chimpanzés), et classons-les par fréquences d’apparition.
Trois d’entre elles sont retenues par tous les auteurs : souffrance / compassion, réciprocité / équité, hiérarchie / respect. Il semble que, quelle que soit leur culture, les humains aient des réactions morales immédiates à la vue de certains événements de leur monde social : quand ils voient les autres (particulièrement les plus jeunes) souffrir, ou faire souffrir, tricher ou ne pas rendre une faveur, ou encore manquer de respect ou ne pas agir conformément à leur statut au sein du groupe.
Chez les chimpanzés, l’émotion touche surtout l’individu lésé. Le propre de la morale humaine est le souci du tiers : A peut se mettre en colère à cause de ce que B a fait à C. De fait, les humains aiment tellement faire usage de leurs intuitions morales qu’ils paient pour voir ou entendre des histoires fictives d’étrangers qui agissent de manière immorale les uns envers les autres.
La meilleure façon de comprendre notre argument est de commencer par la notion de défis adaptatifs récurrents, puis de lire chacune des colonnes du tableau 1. Par exemple, la dépendance prolongée des primates, particulièrement des humains, rend nécessaire ou du moins bénéfique l’aptitude chez la mère à détecter des signes de souffrance ou de détresse venant de ses petits. Les mères particulièrement douées pour détecter ce genre de signal ont assuré la survie d’un plus grand nombre d’enfants. Avec le temps, un système de communication s’est développé dans lequel les signaux de détresse stylisés des enfants déclenchent l’aide maternelle.
Une préparation psychologique à la hiérarchie a été sélectionnée par l’évolution permettant aux animaux vivant en société de tirer le meilleur parti de leurs aptitudes relatives pour dominer les autres. Étant donné la distribution inégale de la force, de l’habileté et de la chance, les animaux qui avaient la bonne émotion au bon moment ont mieux réussi que ceux qui refusaient de jouer un rôle subordonné ou ne saisissaient pas les occasions de dominer (Waal 1987).
La disposition à la réciprocité a aidé les primates, et particulièrement les humains, à tirer parti de la coopération entre individus non apparentés. Les individus qui se sentaient mal lorsqu’ils trichaient ou qui se vengeaient lorsqu’on les grugeait ont été mieux, et plus souvent, capables de s’engager avec succès dans des jeux à somme non nulle (Trivers 1971 ; Wright 2000).
Les recherches récentes sur la modularité de l’esprit2donnent des clés utiles pour comprendre l’inscription cérébrale de ces aptitudes. Un module cognitif adaptatif est un système qui a été fait pour résoudre des problèmes ou des situations présents pendant des millions d’années dans l’environnement d’une espèce. Les modules sont des programmes entrée / sortie, des dispositifs de réponses rapides et automatiques à des déclencheurs spécifiques présents dans l’environnement. De ce point de vue, les modules ressemblent beaucoup à ce que les psychologues appellent des heuristiques, des raccourcis ou des routines, toutes choses utiles pour obtenir une réponse rapide et approximative (et de manière générale intuitive). Les travaux sur la modularité distinguent entre le domaine propre et le domaine effectif d’un module.
Le domaine propre est l’ensemble spécifique de scénarios ou de stimuli pour lesquels le module a été sélectionné. Dans le cas du module souffrance / compassion, le domaine propre est la vue d’un enfant montrant des signes typiques de souffrance ou de peur. Il a pu s’étendre à l’ensemble de la parenté.
Le domaine effectif, lui, représente l’ensemble des choses qui actuellement peuvent déclencher le module. Cela inclut la souffrance des enfants des autres, celle d’adultes mourant à la télévision, les images de bébés phoques frappés à mort, et même le spectacle du chien de la maison qui se jette par terre, se traîne et gémit à fendre le cœur quand nous sortons travailler le matin (schéma 1).
On peut concevoir que les intuitions morales soient les produits d’un ensemble limité de modules. Quand un module traite en entrée le comportement ou le caractère d’une personne et produit en sortie un sentiment d’approbation ou de désapprobation, le résultat est une intuition morale. Dans les cas typiques, chacun de ces modules activera une émotion bien particulière : la souffrance suscite la compassion, le comportement arrogant d’un subordonné éveille le mépris, la tricherie provoque la colère. Mais la plupart du temps, ces modules sont activés par des événements mineurs, par des propos, par ce que nous lisons dans le journal. Nous ne sommes pas vraiment en colère, nous ne ressentons pas vraiment de la compassion. Nous ressentons juste des petites poussées d’approbation ou de désapprobation.
Les trois types d’intuitions morales que nous avons considérés comportaient un enjeu adaptatif permanent ayant un contenu social. Mais la vie morale présente un autre versant, qui paraît étrange aux yeux des Occidentaux aujourd’hui parce qu’ils tendent à restreindre la morale à la façon dont on doit traiter autrui. Ce domaine est celui des normes portant sur le corps et ses usages, telles que les menstruations, l’alimentation, le bain, le sexe ou le contact des cadavres. Une bonne part des prescriptions morales du judaïsme, de l’hindouisme, de l’islam et de beaucoup de sociétés traditionnelles portent sur le traitement du pur et de l’impur.
Nos recherches, parmi d’autres, suggèrent que ce souci très répandu de la pollution et de son évitement est le produit de l’évolution d’un module tourné vers l’adaptation à un environnement chargé de microbes et de parasites. L’ensemble des choses associées aux parasites au cours de notre évolution constitue le domaine propre de ce module. Cadavres en décomposition, excréments et animaux charognards provoquent un sentiment automatique et immédiat de dégoût, tout comme les personnes ayant été en contact avec ces choses. Au cours du temps, ce module et sa sortie émotionnelle ont donné naissance dans de nombreuses cultures à des règles parfois très élaborées encadrant un grand nombre de fonctions corporelles et de pratiques, notamment l’alimentation et l’hygiène3. Ces règles une fois en place, leur violation a suscité des réactions négatives, c’est-à-dire des intuitions morales.
De l’Antiquité à l’époque victorienne, la pureté et la pollution ont été des préoccupations majeures en Europe. Elles n’ont commencé à perdre de l’importance que quand le xxe siècle les a remplacées par une conception pragmatique et médicale de l’hygiène, accordant plus de valeur à la liberté individuelle et à la vie privée. Cependant, même aujourd’hui, les étudiants américains avouent éprouver des sentiments de dégoût et de désapprobation en matière d’hygiène et de pollution. Les récits de cynophagie, de cannibalisme (y compris sans dommage pour autrui) ou même d’homosexualité peuvent produire chez les étudiants des sentiments de dégoût qu’ils essayent de justifier a posteriori, souvent de façon risible (encart 3). L’intuition morale est donc bien produite par le module, mais la morale fondée sur la pureté ne faisant plus partie de la culture (celle des étudiants libéraux du moins), les étudiants en sont réduits à se débrouiller avec leur système réflexif pour justifier un jugement induit par le système intuitif.

Qu’est-ce qu’une vertu ?

4Nous avons donc avancé deux arguments : d’abord, que la majeure partie de notre fonctionnement moral adulte est intuitif plutôt que délibératif, et ensuite que, parmi nos intuitions morales, il en existe un petit nombre qui sont primordiales et innées, ou au moins biologiquement induites. Ces intuitions, non contentes d’être le produit d’enjeux adaptatifs appartenant à notre passé évolutif, modèlent notre fonctionnement en encadrant notre attention morale et en jetant les bases du développement du reste de la morale. Nous allons maintenant lier ces observations à un autre aspect de la réflexion morale, celui de la théorie des vertus.
Les théoriciens de la vertu sont en désaccord sur de nombreux points, mais la plupart s’accordent sur le fait que les vertus sont les attributs d’une personne moralement estimable. Selon John Dewey, les vertus sont des modèles dynamiques de perception, d’émotion, de jugement et d’action (Dewey 1922 ; Churchland 1998). Ce sont des qualités sociales. Posséder une vertu, c’est avoir discipliné ses facultés de manière à répondre correctement à son environnement social et moral. Être gentil par exemple, c’est être sensible à certaines situations, notamment celles qui ont à voir avec le bien-être d’autrui, et posséder une sensibilité agissant de manière appropriée sur ses motivations et les réponses des autres. Être courageux, c’est avoir un autre type de sensibilité et de réponse appropriée. De même qu’être patient.
À cet égard, les vertus sont étroitement dépendantes du système intuitif. Une personne vertueuse est quelqu’un qui répond spontanément et adéquatement aux enjeux éthiques d’une situation : par exemple, la souffrance d’autrui, la distribution inégale d’un bien, une mission dangereuse mais nécessaire. Une partie de l’intérêt de la théorie des vertus provient de ce qu’elle voit la morale comme quelque chose appartenant à notre moi intime et non comme une de ses activités parmi d’autres. Aristote pensait qu’en développant nos vertus, nous acquérions une seconde nature, un raffinement de notre nature, une altération de nos réponses automatiques.
L’un des aspects importants de cette théorie consiste à affirmer que les vertus sont acquises par induction, c’est-à-dire par l’observation, principalement au cours de l’enfance mais aussi tout au long de la vie, à travers de nombreuses expériences concrètes de vertus. Ces expériences sont celles de la vie quotidienne de l’enfant lorsqu’il élabore ou reçoit des réponses à son comportement. Les récits véhiculés par la culture jouent également un rôle. Tous ces exemples contiennent de nombreuses informations sur les enjeux des situations : les motivations des protagonistes, leur état (souffrants, handicapés, hostiles, riches, etc.), la catégorisation de la situation, l’évaluation des conséquences par plus expérimenté que soi. Ce n’est qu’avec le temps que l’élève apprend à distinguer l’information pertinente de celle qui peut sans dommage être ignorée.
Comme l’ont montré récemment certains philosophes et spécialistes des sciences cognitives, ce type d’apprentissage ne peut être remplacé par un apprentissage « top-down », c’est-à-dire par un apprentissage qui part des règles ou des principes et en déduit des réponses propres à chaque situation. Cet aspect de la théorie des vertus fait curieusement d’Aristote un précurseur de l’application de la théorie des réseaux de neurones à la morale, telle qu’elle a été développée par Paul Churchland, Andy Clark et d’autres (May, Friedman & Clark 1997). Dans ce modèle, l’esprit est, comme le cerveau, un réseau graduellement ajusté par l’expérience. Avec de l’entraînement, l’esprit améliore progressivement sa capacité à reconnaître les situations importantes et à fournir la réponse appropriée.

5Pour ceux qui mettent l’accent sur l’importance des vertus dans la vie morale, atteindre la maturité morale consiste donc à s’ajuster étroitement au monde, à développer une sensibilité fine et à en tirer des vertus individuelles. Bien sûr, le raisonnement et la délibération jouent également un grand rôle dans cette conception. Être une personne vertueuse consiste en partie à être capable d’aborder avec intelligence des situations difficiles. Néanmoins, la théorie des vertus demeure différente des théories qui font de la délibération la base de la vie morale.

Les insuffisances de la théorie des vertus

6Les théories de la vertu nous semblent bien fondées psychologiquement. Elles correspondent mieux à ce que nous savons du développement, du jugement et du comportement moral que celles qui insistent sur l’importance du raisonnement moral, ou sur l’acceptation de grands principes comme la justice.
L’un des problèmes des théories de la vertu est cependant de faire tout reposer sur l’apprentissage et l’expérience. Elles reprennent implicitement la vieille idée behavioriste selon laquelle en mettant en place un environnement ad hoc, on peut inculquer n’importe quelle vertu, comme : « Aime tout le monde également », ou bien : « Sois déférent envers plus petit, plus jeune ou plus faible que toi. » Pourtant, l’un des coups mortels portés au behaviorisme a été de montrer que les animaux sont en fait pris dans des contraintes d’apprentissages : certaines associations entre un stimulus et une réponse sont si fortement préparées qu’elles peuvent être apprises en un seul essai, alors que d’autres vont si nettement contre la nature de l’animal qu’elles ne sont pas acquises, même après des milliers d’essais. Les théories de la vertu devraient donc prendre en compte le fait que certaines vertus correspondent mieux à l’esprit humain que d’autres. Les vertus sont des réalités culturelles, mais ce sont des réalités ancrées sur des dispositions profondes à répondre d’une certaine manière aux circonstances sociales.
Aristote lui-même reconnaissait les contraintes qu’exerce la nature humaine sur l’expérience éthique. Comme Martha C. Nussbaum l’a remarqué, il définissait les vertus comme le produit des caractéristiques universelles de la nature humaine et de l’environnement, comme des sphères de l’expérience humaine au sein desquelles nous évaluons notre conduite et celle des autres (Nussbaum 1993), ce qui n’est pas très loin des enjeux adaptatifs récurrents que nous avons évoqués plus haut. L’approche d’Aristote et de Nussbaum est une approche innéiste, qui cependant place le contenu inné de la morale à la fois dans l’organisme et dans l’environnement. Nos quatre modules de morale intuitive sont en un sens le développement de ce projet aristotélicien. Comme Aristote, nous recherchons la structure profonde de notre vie morale, mais nous l’identifions à un plus petit nombre de phénomènes et la situons plutôt dans l’organisme que dans l’environnement.

Lier intuitions et vertus

  • 4 Il y en a probablement beaucoup d’autres. Le meilleur candidat comme cinquième module semble être u (...)
  • 5 Lakoff (1996) a développé une approche semblable beaucoup plus détaillée.

7Intéressons-nous maintenant aux liens que nous pouvons établir entre intuitions et vertus. L’esprit humain naît équipé au moins des quatre modules que nous avons décrits plus haut4. Ces modules produisent des bouffées d’émotions en réponse à certains événements extérieurs. Un long apprentissage est sans aucun doute nécessaire pour répondre correctement au domaine effectif élaboré par une culture particulière. En revanche, réagir au domaine propre de chaque module (détecter les signaux faciaux et corporels de la souffrance chez un enfant, comprendre les signaux de menace et de domination envoyés par un grand mâle lorsqu’il pose son regard sur vous), cela ne nécessite guère d’apprentissage.
Ces émotions sont les bases de l’acquisition des vertus. Lorsque nous essayons d’enseigner la gentillesse et la compassion à nos enfants, nous avons recours à des histoires de personnes auxquelles ces vertus font défaut. En écoutant ces histoires, les enfants ressentent de la compassion pour la victime et de la désapprobation envers les méchants. Les adultes ne peuvent créer ces impressions à partir de rien, ils peuvent seulement mettre les enfants dans des situations où ils ressentiront de tels sentiments. Un sentiment n’est pas une vertu, mais c’est un outil essentiel pour sa construction.
Bien sûr, il est également possible d’enseigner aux enfants à être cruels envers certaines catégories de personnes. Comment les adultes procèdent-ils ? En mobilisant d’autres modules moraux. Le racisme, par exemple, peut être enseigné en sollicitant le module de la pureté et en provoquant des poussées de dégoût face à la « saleté » de certains groupes humains, ou en invoquant le module de la réciprocité et en déclenchant des poussées de colère envers le comportement malhonnête attribué à certains groupes. Hitler a eu recours à ces deux stratégies contre les Juifs. On voit donc comment il est possible d’élaborer culturellement des domaines effectifs au contenu variable et d’une étendue bien plus grande que le domaine invariable propre à chaque module.
Les cultures se distinguent également les unes des autres par une utilisation différente des quatre modules. Nous avons constaté, par exemple, que les musulmans américains et les conservateurs américains accordaient de l’importance à la gentillesse, au respect pour l’autorité, à la justice et à la pureté spirituelle. Les libéraux américains en revanche s’appuient plus fréquemment sur le module de la souffrance (ils voient bien plus de victimes) et le module de la réciprocité (l’égalité, le droit, la justice). Pour les libéraux, les vertus conservatrices de hiérarchie et d’ordre sont liées à l’oppression, et les vertus conservatrices de pureté semblent avoir servi trop souvent à exclure et stigmatiser certains groupes (les Noirs, les homosexuels, les femmes sexuellement actives)5.
Le troisième aspect sur lequel les cultures diffèrent est celui du sens et de l’application qu’elles font des vertus en particulier. Prenons l’exemple de la loyauté. Il y a une différence entre la loyauté envers les amis et les pairs d’un côté (c’est-à-dire la loyauté qui s’appuie sur la réciprocité) et la loyauté envers les chefs, les généraux et les autres supérieurs (loyauté dans un contexte hiérarchique), même si elles ont quelque chose en commun. De la même façon, l’honneur peut être incarné par l’honnêteté (réciprocité), par la chevalerie ou l’honneur masculin en général (hiérarchie) ou par la chasteté ou l’honneur féminin en général (pureté). La frugalité n’est pas la même chose dans un contexte de réciprocité, où elle peut être essentielle à la survie du groupe, et dans un contexte de pureté où elle est souvent vue comme un moyen de se développer spirituellement. Dans chacun de ces cas, différentes fondations morales donnent aux vertus différentes conditions de déclenchement et différentes réponses appropriées.
L’interaction complexe entre les vertus constitue une quatrième source de variation culturelle. Elle crée ce qu’on pourrait nommer des complexes de vertus qui mettent en évidence une grande part de la conception de la nature humaine et de la personnalité morale d’une société. Un très bon exemple nous vient de l’ouvrage A Literary History of Arabs de Reynold Alleyne Nicholson, une synthèse admirable de la culture arabe préislamique et islamique. L’un des concepts que Nicholson analyse est celui de hamasa, qui est habituellement traduit par « valeur ». Nicholson le définit cependant de la façon suivante : « “Hamasa” est la vertu la plus prisée des Arabes –bravoure dans la bataille, patience dans le malheur, persistance dans la vengeance, protection des faibles et bravade face aux forts » (Nicholson 1930 : 79). Il n’y a pas de lien nécessaire entre ces qualités : on peut très bien imaginer quelqu’un qui soit brave dans la bataille et protecteur envers les faibles, mais qui soit aussi impatient dans le malheur et qui attende son heure lorsqu’il est provoqué par quelqu’un de plus fort. Mais l’argument est que les Arabes ne prennent pas en considération de telles possibilités, ou du moins ne leur accordent pas une très grande valeur. Même si certaines vertus tendent à se combiner, la combinaison particulière que chaque culture génère est unique.

Conclusion

8Pour résumer ce que nous avons esquissé, nous dirons que la morale est à la fois innée (en tant qu’ensemble restreint de modules de l’esprit) et socialement construite (en tant qu’ensembles articulés de vertus). Elle est cognitive (les intuitions sont des systèmes de reconnaissance des situations) et elle est émotionnelle (les intuitions déclenchent souvent des émotions). Mais surtout, la morale est importante aux yeux des gens dans leur vie quotidienne et pour les sociétés qui, de tout temps, semblent s’être lamentées de la faible moralité des jeunes générations. Nous terminerons donc par quelques suggestions d’utilisation de l’éthique intuitive, que ce soit pour éduquer moralement ou faire face à la diversité culturelle.
Selon nous, l’éducation morale consiste à mettre en rapport les intuitions innées et les vertus déjà acquises avec une compétence que l’on souhaite développer. Les parents et les éducateurs devraient reconnaître les limites des « raccourcis » en matière de pédagogie morale. Il est certes utile d’avoir recours aux règles et aux principes, mais seulement en complément d’approches moins directes, comme l’immersion des enfants dans un environnement riche en histoires et en exemples que les adultes sont capables de charger de sentiments. Ces histoires et ces exemples devraient déclencher les modules moraux innés et les relier à des vertus et des principes plus généraux.
Une autre approche consiste à ménager un environnement tel que les messages moraux (les jugements sur le bien et le mal) venant des parents, des enseignants, de la télévision, des films, des activités extrascolaires soient cohérents entre eux. Priver les enfants de fréquentes réactions morales, y compris de l’expression des sentiments moraux de leurs parents, ou les exposer à de nombreux messages contradictoires peut priver leur système intuitif des expériences dont ils ont besoin pour se configurer correctement. Si les vertus sont des qualités sociales, alors l’éducation morale devrait consister en un entraînement complet et soutenu, fréquemment évalué.
Dans notre perspective, la diversité morale que l’on trouve dans une même société a pour origine des différences dans l’éducation morale et culturelle. La diversité des opinions politiques est l’une des sources importantes de la diversité morale. Comment s’entendre dans une société moralement diverse ? La première étape consiste à reconnaître que chaque camp est motivé par des considérations morales. Nous avons tendance à supposer le pire chez nos adversaires, à les voir comme des monstres. Quand les libéraux postulent que les conservateurs sont animés par la peur et la bigoterie, ils font preuve d’autant de sens psychologique que le président Bush lorsqu’il a déclaré que les « kamikazes » du 11-Septembre ont fait ce qu’ils ont fait parce qu’ils « haïssent notre liberté ». Un dialogue intelligent ne peut s’ouvrir que lorsque les motivations morales des uns et des autres sont reconnues.
La seconde étape consiste à cadrer les problèmes à l’aide de mots qui suscitent de nouvelles intuitions dans l’autre camp. Par exemple, il est connu que les conservateurs valorisent l’ordre et la stabilité. Prendre la peine de montrer que le mariage homosexuel promeut l’ordre et la stabilité en aidant les gens à contracter des engagements à long terme qui peuvent aussi créer un environnement plus stable pour les enfants est un argument plus efficace pour changer les cœurs et les esprits que les habituels discours sur le droit et l’égalité.
Ce que nous espérons, c’est qu’une meilleure compréhension du lien entre intuition et vertu conduise à plus de tolérance et de respect entre gens de gauche et de droite, entre personnes de nations différentes, et, peut-être dans un lointain futur, entre innéistes et empiristes.

9#Notes Asterisques#

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Bibliographie

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Notes

* Ce texte est une version modifiée de l’article « Intuitive ethics: how innately prepared intuitions generate culturally variable virtues » paru dans Daedalus, 2004, n° 133, vol. IV, pp. 55-66.

1 Sur l’intuition en morale, voir aussi Haidt (2001) et Wright (1995).

2 La modularité a d’abord été proposée pour les processus perceptuels par Jerry A. Fodor (1986). Cependant, des théories modularistes plus récentes soutiennent que la cognition supérieure met en jeu des systèmes cognitifs plus flexibles et seulement partiellement modulaires. Voir Sperber & Hirschfeld (2004) et Gigerenzer (2002).

3 Pour une histoire complète de la façon dont le domaine effectif du dégoût s’est étendu au monde social, voir Rozin, Haidt & McCauley (2000).

4 Il y en a probablement beaucoup d’autres. Le meilleur candidat comme cinquième module semble être un module traitant des limites du groupe. Son domaine propre serait le groupe des apparentés résidant ensemble, et son domaine effectif inclurait tout ce qui contribue à l’identité moderne, comme les groupes ethniques, les équipes et les personnes se retrouvant pour partager leurs passions. Dans la mesure où les gens ressentent des liens de confiance et de loyauté envers des étrangers, l’action d’un tel module semble probable.

5 Lakoff (1996) a développé une approche semblable beaucoup plus détaillée.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jonathan Haidt et Craig Joseph, « De l’unité des intuitions morales à la diversité des vertus* »Terrain, 48 | 2007, 89-100.

Référence électronique

Jonathan Haidt et Craig Joseph, « De l’unité des intuitions morales à la diversité des vertus* »Terrain [En ligne], 48 | 2007, mis en ligne le 15 mars 2011, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/5032 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.5032

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Auteurs

Jonathan Haidt

Université de Virginie, département de psychologie, États-Unis

Craig Joseph

Université de Chicago, États-Unis

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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