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AccueilNuméros46Effets spéciaux et artificesUne science de l’éclat

Effets spéciaux et artifices

Une science de l’éclat

Les bulles de savon et l’art de faire de la physique à l’époque victorienne*
Simon Schaffer
p. 15-32

Résumés

Les historiens de l’économie se sont intéressés à l’importance de l’industrie du savon au xixe siècle ; les historiens de l’art à la commercialisation des œuvres de Millais ; les historiens des sciences au rôle joué par les bulles de savon dans certaines expérimentations décisives de microphysique ;les historiens du cinéma àla part jouée par les scientifiques dans les origines de cet art nouveau et ceux de la littérature, à l’influence de son professeur de physique sur l’œuvre littéraire d’Alfred Jarry. Marginale dans chacun de ces champs, la bulle, objet évanescent et transitoire, n’en cristallise pas moins un ensemble d’enjeux scientifiques, commerciaux, esthétiques et moraux qui sont au cœur de l’histoire du xixe siècle. Et c’est seulement si l’on réunit toutes ces histoires ensemble, comme le fait Simon Schaffer, que l’on commence véritablement à saisir toute l’importance des bulles de savon et leur rôle particulièrement emblématique à l’époque victorienne.

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Texte intégral

« Ces expériences se situent sur la ligne incertaine qui sépare le travail du jeu sur le plan scientifique, mais – quand il s’agit d’illustrer certaines forces en physique – leur pouvoir illustratif est tel que les membres bienveillants de la Société de physique m’excuseront certainement si je leur montre un spectacle qui peut évoquer à certains le jardin d’enfant. »

« Des expériences avec les bulles de savon », Société de physique, Charles Vernon Boys,1888

Comment nous parlent les biens

1Qu’il s’agisse de jouer ou de travailler, les scientifiques sont toujours à la recherche de techniques leur permettant de transformer des phénomènes éphémères en « choses » bien définies. C’est à des bulles de savon que je m’intéresserai ici. Elles tinrent longtemps un rôle important dans l’économie domestique mais aussi dans la commercialisation de l’hygiène et de la pureté, de l’innocence et de l’éphémère, et dans des démonstrations scientifiques liées à l’étude des forces à courte portée et des couleurs lumineuses. Les bulles de savon furent ainsi à l’origine d’un rapprochement entre plusieurs domaines durant les dernières décennies du xixe siècle ; la connexion se fit plus particulièrement dans le domaine de la physique classique dont le devenir se jouait autant dans les laboratoires et les salles de conférences que dans les studios d’artistes, les salons mondains et sur les panneaux publicitaires. Les objets que cette science savait si bien faire « parler » étaient souvent des objets de commerce, à la manière des bulles de savon. Analysant le « langage des marchandises » dans l’Angleterre victorienne, Karl Marx fit ainsi remarquer que « les produits sortis des mains des hommes » étaient de plus en plus souvent considérés « comme des phénomènes autonomes dotés d’une vie propre » (Marx 1976 : 165). Il se moquait particulièrement de ceux qui cherchaient dans les choses elles-mêmes quelque « substance chimique » correspondant à leur valeur d’échange : « Ecoutez ces marchandises qui parlent par la bouche de l’économiste » (ibid. : 177). Mais cela n’empêcha pas le chimiste londonien William Crookes de préfacer, quelques années plus tard, une nouvelle édition des conférences à succès de Michael Faraday L’Histoire chimique d’une bougie – avec une fantaisie digne d’un ventriloque : « La grande bougie de cire sur l’autel scintillant, la rangée de lampadaires à gaz dans nos rues, chacune a son histoire à nous raconter. Toutes, si elles pouvaient parler (et à leur manière, elles le peuvent), nous réchaufferaient le cœur en nous expliquant comment elles ont su aussi bien pourvoir à notre confort, à notre bien-être domestique, à nos labeurs et à nos dévotions » (Faraday 1873 : v-vi). C’est ainsi que des produits marchands comme le gaz, la cire ou les détergents pouvaient acquérir une histoire de vie bien à eux à cette époque du capitalisme triomphant. On les exhibait partout où la science se faisait. C’était surtout vrai en ce qui concernait la physique. On développait alors, l’art de stabiliser ces matériaux évanescents pour faire la démonstration de principes scientifiques. La prise de vue, image par image, et le cinéma furent issus de ces tentatives. Le développement au xixe siècle de nouveaux appareils, qui restituaient l’impression de mouvement à partir d’images fixes, fut largement dû, au travail de physiciens qui s’intéressaient à des bulles. La manipulation et la physique des films de savon trouvèrent ainsi, d’une manière ironique, leur apogée dans des films sur le savon.

2Les physiciens cherchaient à faire de grandes bulles stables et bien visibles à partir de lessives, un des biens de consommation les plus importants à l’époque. La commercialisation du savon contribua, en effet, à changer la nature du travail des femmes tout comme celle du commerce de l’Empire britannique ; elle fut aussi à l’origine de nouvelles crises dans le monde du travail. Le savon trouva également sa place dans l’art contemporain, non seulement du fait de l’iconographie liée aux bulles de savon, associées depuis toujours en Occident aux idées d’innocence et de futilité (vanitas), mais aussi du fait de l’invention de la publicité de masse. Et quoique les épisodes décrits ici se déroulent essentiellement à Londres (avec un bref détour par Paris), c’est à l’échelle du monde que se joua en réalité l’avenir de la physique et celui, commercial, du savon. « Il allait y avoir des guerres du savon, au moins aussi féroces que la guerre de Crimée », écrit Asa Briggs dans son histoire des choses victoriennes (Briggs 1990 : 326). Et si l’on en croit les recherches d’Anne McClintock sur la race, le colonialisme et la sexualité à la même époque : « Le culte de la sphère familiale et les nouvelles formes de l’impérialisme trouvèrent leur médium par excellence dans le savon » (McClintock 1995 : 208 ; Richards 1991 : 121-139).

3Cet article analyse le moment où les physiciens transformèrent un banal produit commercial en un emblème de leur représentation du monde.

Le commerce du savon

4L’accroissement fort rapide de la production et de la vente du savon constitue, sans aucun doute, un des faits les plus marquants du capitalisme de marché en Grande-Bretagne à la fin du xixe siècle. On trouvait dans toutes les grandes villes des chaudières à savon où la graisse était extraite à partir d’os et de suif avant d’être mélangée à de la potasse. Et si la consommation de savon britannique était à peine de 25 000 tonnes en 1801, la production atteint plus de 100 000 tonnes en 1861, à la suite de la suppression des droits de douane. Divers facteurs jouèrent en ce sens, comme la politique impériale, le développement de nouvelles ressources énergétiques et le talent des ingénieurs. Comme d’autres logiques de production qui exigeaient également des investissements importants à l’ère victorienne, celle du savon supposait l’usage de machines à vapeur à haute pression (pour alimenter les chaudières) et une maîtrise des procédés chimiques indispensable pour procéder à des analyses de précision en laboratoire sur le contenu en acides gras et en glycérine du savon ; ou encore pour produire en masse de l’alcali caustique sous forme solide. Les Lettres sur la chimie rédigées par l’éminent chimiste allemand Justus von Liebig prennent d’ailleurs, dans ce contexte, allure de manifeste : « La quantité de savon consommée par une nation constitue une bonne mesure de sa richesse et de sa civilisation. Soit deux pays à population égale, le plus riche et le plus civilisé consommera du savon en plus grande quantité. Une telle consommation n’est pas affaire de mode ou de sensualité ; elle est liée au sentiment de beauté, de confort et de bien-être, qui repose sur la propreté ; et l’importance accordée à de tels sentiments coïncide précisément avec la richesse et la civilisation » (Liebig 1844).

5Comme en écho à de telles conceptions, George Dodd, un journaliste commercial londonien, présentait en ces termes à son public les vastes savonneries, avec leurs machines à vapeur et leurs laboratoires chimiques, qui venaient d’être installées au bord de la Tamise afin de leur procurer leur produit domestique favori : « Si la propreté est proche de la sainteté, on doit connaître de bien plaisantes pensées en passant entre ces murs de savon » (Dodd 1843 : 190).

6Il existait également des liens étroits entre la production de savon et d’autres secteurs industriels. Le processus de Solvay permit d’accélérer la production d’alcali après 1863, tandis qu’avec le développement de la nitroglycérine par Alfred Nobel, la même année, les fabricants de savon jouèrent un rôle non négligeable dans le développement de l’industrie des explosifs. On doit mentionner aussi le rôle joué par l’exploitation des plantations coloniales dans le cadre de l’Empire, toujours au xixe siècle. La culture de la palme à huile en Afrique occidentale – comme celle du coprah dans le Pacifique sud –, par une main-d’œuvre sous contrat qui avait été pratiquement déportée dans ces nouvelles colonies, fournissait aux industriels de la métropole de la graisse à bon marché, source d’immenses bénéfices.

7Il faut savoir aussi que les savons d’huile de palme étaient de longue date utilisés dans les cultures d’Afrique occidentale et centrale : « Les Africains emploient cette huile pour la cuisine et pour s’oindre le corps, explique Dodd, mais une fois importée en Angleterre, on s’en sert pour faire du savon. » Les huiles africaines devinrent ainsi non seulement un produit mais aussi un emblème de l’impérialisme économique européen : « L’utilisation de cette huile pour faire du savon, écrit encore Dodd, est presque aussi importante pour le philanthrope ou pour l’homme d’État que pour le fabricant de savon. Ce dernier y voit simplement un ingrédient bon marché, mais le philanthrope y voit aussi un instrument efficace pour l’abolition du trafic des esclaves, eu égard à son origine africaine ; et l’homme d’Etat considère, quant à lui, qu’elle est à l’origine d’un commerce fondé sur le troc d’autant plus avantageux pour nos entrepreneurs qu’il est exempt des règlements fiscaux qui entravent le commerce avec les vieux États » (Dodd 1843 : 201). On assista, de fait, à un véritable boom de ce commerce particulièrement « lucratif ». Aussi ne s’étonnera-t-on pas de voir qu’à partir de 1880, la Grande-Bretagne était aussi à la pointe de la production d’élégantes salles de bains spécialement bien équipées en savons.

8Le premier savon de marque fut mis en vente en 1884. En 1891, plus de 250 000 tonnes en furent vendues en Grande-Bretagne ; et la consommation par personne doubla, en l’espace seulement de trois décennies (Dodd 1843 : 201 ; McClintock 1995 : 210-211, 419 ; Lindsey & Bamber 1965 : 38). Si les composants matériels nécessaires à cette production de masse s’appuyaient sur l’intensification de larges réseaux de communication, ces derniers jouaient aussi leur rôle dans sa consommation. Pour en recommander l’usage, on faisait appel à des motivations très victoriennes qui alliaient l’autorité du savoir scientifique avec les aspirations de chacun à la respectabilité domestique, sans oublier l’impact de la publicité de masse. De nouvelles formes d’expertise scientifique se mettaient également en place par l’intermédiaire d’institutions dont l’efficacité n’était d’ailleurs pas toujours à la mesure de leurs ambitions ; ce dont témoigne le caractère plutôt chaotique des programmes mis en place par la ville de Londres pour la surveillance de l’eau au cours des années 1870 et 1880.

9Le culte de l’hygiène chez Liebig et sa théorie zymotique des maladies participaient de ce contexte d’une anxiété largement partagée vis-à-vis de la putréfaction et des agents pathogènes. Des scientifiques bien connus – comme Thomas Huxley ou John Tyndall – multipliaient les conférences publiques sur le rôle des germes dans les maladies et sur l’ensemble des pathologies causées par la saleté ; et ils louaient sans relâche les vertus de l’antisepsie et d’une saine organisation domestique. On trouvait aussi des références à la beauté éphémère des bulles de savon dans les sermons à connotation fortement évolutionniste de Huxley : « L’homme de science sait que […] même un reflet d’arc-en-ciel, entr’aperçu par hasard dans une bulle, est la conséquence nécessaire des lois de la nature et qu’une connaissance suffisante des circonstances, alliée à une bonne compétence en physique et en mathématique, suffit à expliquer et même à prévoir chacun de ces événements apparemment fortuits » (Huxley 1887 : 200). Tyndall ne donnait pas seulement des conférences dans le cadre de la Royal Institution ; il faisait aussides expériences dans des bains turcs pour montrer que la poussière, la saleté et le savon obéissaient tout aussi inéluctablement aux lois de la nature. La confiance scientifique dans les caractéristiques naturelles de phénomènes éphémères, qui allait à l’encontre des croyances dans la génération spontanée des organismes vivants ou des phénomènes de putréfaction, débouchait ainsi sur des campagnes publiques en faveur d’un usage généralisé du savon (Hamlin 1990 : 129-133, Tyndall 1883 : 273-274, 303).

10Dans un style familier aux anthropologues travaillant sur des questions de pollution, la lutte contre la saleté et en faveur de l’utilisation du savon mettait aussi en jeu des hiérarchies naturelles et sociales (Douglas 2005). Dans son rapport sur l’hygiène et la condition prolétarienne, le philosophe radical Edwin Chadwick recommandait d’employer la vapeur non utilisée dans les usines pour nettoyer les ouvriers, en insistant sur le fait que « la moralité, le raffinement des manières et la santé interdisent de tolérer des habitudes de vie répugnantes, quelle que soit la classe sociale à laquelle on peut appartenir » (Chadwick 1965 : 318, 425). On trouvait aussi dans The Water-Babies,un ouvrage de Charles Kingsley datant de 1862, inspiré par l’écologie morale, le socialisme chrétien et les théories de Liebig sur les eaux usées, une version plus populaire de cette rêverie « savonneuse » : il y prédisait que « si les ouvriers travaillaient dur et se lavaient plus soigneusement encore, ils verraient leurs cerveaux grossir » ; son héros, impeccablement propre, finissait effectivement par devenir « un grand scientifique, capable de mettre sur pied aussi bien des voies de chemin de fer que des moteurs à vapeur, des télégraphes électriques que des armes à feu, en bref un homme qui savait tout » (Kingsley 1889 : 326-329).

11Avec toutes les obsessions qui lui étaient liées, la lessive joua un rôle de premier plan dans cette grande guerre de l’hygiène. Hannah Mitchell, célèbre suffragette socialiste, qui s’était enfuie d’une ferme du Derbyshire où elle avait grandi dans les années 1870 à cause de l’exploitation qu’elle y subissait, se souvenait que l’amour de sa mère pour la propreté avait atteint « un tel degré d’absurdité, qu’elle utilisait ce qu’il lui restait d’eau savonneuse, après la lessive, pour frotter et laver les porcs » (Mitchell 1977 : 39). Pas de doute donc qu’à cette époque, la culture commerciale en soit venue à associer les bulles de savon avec une vie conforme à la science, à la vertu, à l’efficacité et à la santé.

Commerce de l’art et bulles de savon

12« N’importe quel idiot peut faire du savon, mais pour savoir le vendre il faut être doué » : ainsi s’exprimait Thomas Barratt, patron de A. & F. Pears Limited, une des plus importantes entreprises de savon de la capitale. Son concurrent principal, William Lever, utilisait le langage de la physique pour expliquer les arcanes de la vente de savon dans les années 1880 : « M. Lever a toujours considéré la publicité comme une source d’énergie. Le coût de la publicité peut seulement être amorti en augmentant les ventes ; et, si ces ventes se matérialisent, elles pourront servir de réserves dans les périodes difficiles. » Mais le sens des affaires de Lever, comme celui de Barratt, était surtout lié à leur usage de la publicité. C’est ainsi que Lever (dont l’entreprise se trouvait à Port Sunlight, près de Liverpool) dépensa plus de deux millions de livres en vingt ans (1890-1910), rien qu’en annonces publicitaires, afin d’associer toujours plus étroitement les idées de bonheur et de prophylaxie avec les barres de savon Sunlight. Quant à Barratt, il passa le budget publicitaire de sa compagnie de 100 livres à 130 000 livres par an. Il offrait d’acheter, par exemple, le dos de la fiche du recensement pour ses publicités ou encore il sollicitait des commentaires de soutien de chimistes éminents pour son savon. Il faisait aussi paraître des annonces publicitaires dans des journaux comme Nature (le magazine de Norman Lockyer) et il mettait à contribution le travail des artistes nationaux les plus fameux (Briggs 1990 : 326 ; Dempsey 1978 : 3-4 ; Fraser 1981 : 135 ; Wilson 1954, I : 43-44 ; Mc Clintock 1995 : 212-213 ; Opie 1985).

13Barratt chercha ainsi à employer John Everett Millais, un des peintres les plus réputés mais aussi les mieux payés de l’époque. On aurait tort cependant d’y voir seulement le résultat d’une liaison contre nature entre l’art et le commerce. Un tel rapprochement illustrait parfaitement, au contraire, l’étroite association existant entre l’art des grandes métropoles, le capitalisme, l’impérialisme et l’imprimerie. Le développement des magazines illustrés comme celle des marchands de gravures joua, en effet, un rôle décisif dans l’émergence de la « publicité artistique » à la fin de l’époque victorienne (Bradley 1995 : 193-209). C’est ainsi que Millais gagnait presque 40 000 livres par an dans les années 1880 ; et ses œuvres étaient distribuées jusqu’à 60 000 copies, sous forme de lithographies, par des magazines illustrés comme The Graphic ou TheIllustrated London News. La sorte d’imagerie sentimentale qui caractérisait son œuvre circulait alors dans tout l’Empire britannique ; et il devint en 1885, le premier artiste à recevoir le titre de baronet (Fleming 1996 : 266-270 ; Bradley 1991 : 179-203).On lui rendit aussi le rare honneur, en janvier 1886, d’organiser pour lui une exposition individuelle à la Grosvenor Gallery à Mayfair, juste à côté de la Royal Institution.

14A peine cette exposition de Millais se terminait-elle qu’un autre galeriste de Bond Street, Arthur Tooth, exposait sa dernière œuvre, intitulée Un monde d’enfant. On y voyait le petit-fils de Millais, William James, alors âgé de 5 ans et habillé de velours à la manière d’un modèle de Gainsborough, admirant béatement une énorme bulle de savon. Cet enfant deviendra un amiral et un parlementaire conservateur. Mais ce n’est pas grand-chose cependant comparé à son portrait qui est peut-être encore aujourd’hui une des œuvres anglaises les plus populaires au monde. Millais l’avait vendu pour le numéro de Noël de 1887 de l’Illustrated London News. Mais avant même qu’il soit distribué, Barratt s’était rendu à la galerie de Tooth et en avait racheté les droits pour le prix, spectaculaire à l’époque, de 2 200 livres. Barratt avait alors expliqué à Millais tout « le bénéfice que l’art pouvait tirer du travail d’un grand publicitaire ». Et il semble que Millais ait accepté, en effet, « d’honorer toutes les commissions qui lui seraient faites pour des publicités ». Barratt eut aussi l’habileté de donner un nouveau titre à cette œuvre : Bubbles (Les Bulles) ; et il dépensa 17 5 000 livres en copies et 30 000 livres pour la campagne de publicité qui s’ensuivit, commercialisant l’image sur des gravures, des affiches, des puzzles et des cartes postales – avec une barre du savon Pears insérée dans un coin.

15Le tableau devint effectivement l’œuvre commerciale la plus populaire de son temps. Elle fut présentée à l’Exposition de Paris de 1889 après que Millais fut parvenu à rassurer les commissaires sur le fait que l’exploitation commerciale du tableau n’entachait pas son statut d’œuvre d’art. Des sceptiques n’en critiquèrent pas moins une telle compromission ; Millais riposta que c’était grâce à cela, au contraire, que des « milliers de pauvres » pourraient accéder au « grand art ». Plusieurs de ses peintures trouvèrent ainsi leur place dans l’industrie du savon et furent exposées à côté d’autres chefs-d’œuvre préraphaélites dans la magnifique galerie de Lever à Port Sunlight (Millais 1905 : 305-308 ; Fleming 1996 : 271-272).

16Telle fut la destinée de cette œuvre de Millais à l’époque du capitalisme florissant ; elle évoquait aussi bien la consommation et la propreté que l’impérialisme ou l’innocence. Pears n’hésitait d’ailleurs pas à distribuer le portrait de Willie James à côté de ceux d’enfants blancs, d’hommes noirs et de troupes coloniales victorieuses. L’ensemble était présenté comme « la formule véritable de la conquête britannique ». Les publicités de la firme montraient des slogans de Liebig sur le savon et la civilisation, juxtaposés à des images d’une « sauvagerie » promise à l’assainissement grâce à des produits de nettoyage venus de Grande-Bretagne. Guerre, commerce, moralité, civilisation : tout contribuait ainsi à donner plus de valeur aux bulles de savon.

17Celles-ci étaient d’ailleurs maintenant au cœur d’une véritable science de l’éphémère. Leur image avait été associée depuis des siècles, d’une manière d’ailleurs assez perverse, avec l’innocence de l’enfance comme avec l’inévitabilité de la mort ; emblèmes de devenir mais aussi de finitude. Il ne fallait donc pas seulement en stabiliser l’existence, mais également la signification. On les transforma alors en lentilles optiques ou en jouets, offrant ainsi l’occasion à la science de montrer son implication dans la vie quotidienne (Richards 1991 : 140-141). C’était une forme de glorification apocryphe du génie scientifique et des intuitions qui le caractérisent. Les bulles de savon allaient être à l’optique ce que les pommes étaient censées être pour les lois de la gravitation. D’ailleurs Robert Hooke (en 1672) comme Isaac Newton (en 1704) avaient fait état des bulles de savon dans leurs recherches sur la dioptrique et, en particulier, de ces étranges points noirs que l’on voit lorsque les bulles deviennent de plus en plus fines. Aussi, à la suite de l’imagerie déjà existante – chérubins soufflant des bulles de savon dans la tradition artistique du Nord ou chefs-d’œuvre artistiques comme Les Bulles de savon de Chardin (1733) – on produisit des images influencées des nouvelles formes de la philosophie naturelle et qui étaient à la gloire de la lumière comme des bulles de savon.

18On peut évoquer dans ce contexte une peinture particulièrement emblématique de l’artiste bolonais Filippo Pelagio Palagi : Newton découvre la réfraction de la lumière. L’artiste y donnait une dimension domestique inédite à son sujet en entourant « le solitaire de Cambridge » de sa petite famille. On y note, en particulier, la présence d’un blondinet jouant avec des bulles de savon qui capturent la lumière. Le contraste entre le caractère pensif du grand savant et l’air de liberté de l’enfant est frappant. Mais on remarquera aussi que l’aboutissement d’une telle rencontre – à savoir, la découverte des lois de la réfraction – se trouve déjà symbolisée, à l’arrière-plan, par la présence d’un télescope. Les œuvres suivantes de Palagi reçurent aussi un très bon accueil. Tel fut le cas, en particulier, quand on les exposa au Crystal Palace en 1851 (Newton 1952 : 214-220 ; Shapin 1991 : 191-218).

19Le rapprochement entre les bulles de savon, les lois de l’optique et l’innocence enfantine constituèrent ainsi un lieu commun de l’imagerie de la fin du xixe, renforcée encore, à l’échelle mondiale, par l’alliance de Millais et de Barratt. Elizabeth Jane Gardner, artiste basée à Paris, obtint, par exemple, un succès important à la World Columbian Exposition de Chicago de 1893 avec ses Bulles de savon où l’on voyait des enfant souffler des bulles de savon avec des pipes. L’œuvre fut aussitôt achetée par Arthur Tooth, l’ancien agent de Millais. Le catalogue expliquait : « Les effets d’iridescence sur la bulle de savon, tout comme les effets de réflexion de la lumière sur une fenêtre à l’arrière-plan, faisaient tout le charme de cette toile ; si forte est l’influence de la vérité sur les gens. » Mais la notion de « vérité » n’allait pas toujours de soi quand il s’agissait de l’optique des bulles. Millais lui-même n’échappait pas nécessairement à la critique savante, quand il s’agissait d’ordonner des couleurs entre elles. On exigea de lui, en 1856, qu’il repeigne un arc-en-ciel pour le rendre plus conforme aux principes de réfraction des couleurs. Cet épisode eut une valeur de test pour la campagne de Norman Lockyer dans Nature, à partir de 1870, qui exigeait que l’art populaire respecte les lois de l’optique. S’inspirant des conférences de Huxley sur les lois du hasard, Lockyer s’était emporté contre l’ignorance scientifique de Millais et de ses équivalents : « On pourrait aisément croire que l’air, le ciel ou la mer n’obéissent pas aux lois de la nature et que l’ordre des couleurs dans un arc-en-ciel relève du pur hasard. » Lockyer et ses proches considéraient manifestement les jeux de l’eau, de l’air et de la lumière comme des enjeux importants pour démontrer les lois de la nature. Les Bulles de savon de Millais renvoient ainsi à une époque où une nouvelle compréhension des lois de l’économie faisait écho à une nouvelle maîtrise de la géométrie des formes éphémères mais aussi des forces et des couleurs (Lockyer 1878 : 29-31, 58-61 et 1883 : 50-52, 73-77 ; Gage 1993 : 114).

Un cinéma de bulles

20Des physiciens comme Thomson ou Maxwell partaient de phénomènes familiers pour analyser leurs causes sous-jacentes. Au début des années 1890, cette façon de faire s’était généralisée en Grande-Bretagne. Ainsi, dans la banlieue de Liverpool, à l’automne 1890, une assistance fidèle était invitée à braver le mauvais temps pour venir « souffler des bulles » sous la supervision d’un industriel local, du nom de Thomas Williams, dans le cadre d’une séance de la Mutual Improvement Society (Société pour le progrès mutuel). Ce dernier avait recommandé l’achat de glycérine (de Plateau) et d’eau distillée dans le commerce, mais il demandait aussi à chacun de préparer chez lui de l’oléate de sodium : « J’admets que ce n’est pas un compliment pour les firmes de chimie. » Comme beaucoup d’autres conférenciers, Williams insistait sur le fait qu’un jeu enfantin pouvait donner lieu à une vraie leçon de physique si on avait l’œil suffisamment exercé. Il rappelait comment les héros de la science victorienne avaient su découvrir des lois stables à partir de réalités instables, expliquant, en particulier, que Faraday « ne s’en était pas tenu à l’impression de fragilité que donnaient les bulles de savon mais qu’il avait su insister sur la force d’attraction des particules d’eau qui les composaient » (Williams 1890 : 6, 10, 13-14). Et si de tels thèmes étaient devenus de véritables lieux communs, répétés lors de toutes les conférences sur les bulles et les films de savon, on assista aussi, pendant la décennie suivante, à des transformations importantes dans les manipulations qui s’y effectuaient. La nouvelle préoccupation était maintenant de fixer les phénomènes en mouvement par le biais de la photo et des machines à fabriquer des images, lesquelles allaient être également commercialisées. C’est ainsi que, dans les années 1890, les scientifiques commencèrent à concevoir des machines susceptibles de reproduire le transitoire et de capturer la cinématique des gouttes et des films dans toute leur versatilité.

21De telles machines avaient été d’abord conçues par des savants qui s’étaient intéressés au savon au xixe siècle. Ainsi, dès 1825, John Paris, un vulgarisateur scientifique londonien, adjoignit un « thaumatrope » à son travail sur les bulles de savon dans sa Philosophie badine devenue science sérieuse. Il s’agissait d’un simple disque rotatif mais qui pouvait reproduire de splendides images mobiles. A partir de 1828, au tout début de son travail sur la persistance de la vision, Joseph Plateau avait aussi conçu un « anorthoscope » : une image anamorphique tournait derrière un disque denté, donnant ainsi à cette dernière les apparences de la stabilité. Michael Faraday, ami et voisin de John Paris, conçut à son tour un dispositif plus ou moins semblable dont il fit la démonstration à la Royal Institution,en 1830. Plateau s’inquiéta alors du fait que Faraday semblait ignorer ses propres tentatives ; aussi, en 1832, construisit-il la première version d’un « phénakistiscope », qui exigeait de l’observateur qu’il regarde fixement dans un miroir devant lequel était tournée lentement une combinaison de disques dentés et d’images représentant des formes progressivement modifiées. Même sa cécité ne l’avait pas arrêté dans ses tentatives pour obtenir une meilleure reproduction mécanique du mouvement. Et dès le milieu du xixe siècle, de telles machines, qui étaient couramment utilisées désormais dans les music-hallset dans les salles de conférences, se trouvaient commercialisées dans toute l’Europe. Vers 1860, James Clerk Maxwell utilisait ainsi une « roue de la vie » dans le cadre de conférences sur des mouvements d’anneaux tourbillonnants : il s’agissait d’une séquence d’images soigneusement dessinées sur une bande de papier, insérée à l’intérieur d’un cylindre pourvu d’encoches régulières. Et tandis qu’il avait commencé à travailler sur la force capillaire et sur les tensions de surface, Maxwell indiquait à William Thomson qu’il avait conçu une « roue de la vie » représentant « une fontaine qui projetait des gouttes dont les couleurs semblaient se modifier à la manière d’un arc-en-ciel ».

22On a généralement rendu compte de ces différents appareillages dans le cadre d’une archéologie du cinéma. Des assemblages ingénieux d’écrans, d’engrenages, d’objectifs, de miroirs et de lampes étaient censés transformer les objets fixes en images mobiles et les foules inconstantes en spectateurs disciplinés. Ces machines à faire des images furent d’abord communément utilisées en Angleterre dans le cadre de théâtres scientifiques comme la Royal Polytechnic Institution, la Royal Institution ou la London Institution, quartiers généraux d’institutions spécialisés dans l’art fort profitable d’instruire le public et de lui faire simultanément la morale. Dans ce contexte, la science des bulles et des gouttes permettait de montrer comment maîtriser l’éphémère (Barnes 1995 : 7-11 ; Faraday 1859 : 291-311 ; Hankins & Silverman 1995 : 64-69 ; Crary 1991 : 105-112 ; Mannoni 2000 : 205-217, 238-239).

23Le protagoniste le plus important de la cinématographie des bulles de savon et des gouttes liquides dans les années 1890 fut cependant Charles Vernon Boys, qui devint physicien au Royal College of Science (à South Kensington) à partir de 1881. Boys avait été formé au milieu des années 1870 par ce formidable enseignant qu’était Frederick Guthrie, à l’époque même où les travaux de Plateau sur la statique du savon étaient devenus fameux. Boys avait été rejoint à l’université par Rücker, qui était également intéressé depuis longtemps par l’étude de phénomènes naturels comme les bulles ou l’écume. L’étudiant le plus célèbre de Boys, le célèbre auteur et romancier H. G. Wells, avait été assez peu impressionné par le talent d’instructeur de ce dernier. Il n’en reconnût pas moins sa « compétence et son ingéniosité dans la manipulation des bulles de savon. Je dois à Boys de m’avoir fait prendre conscience d’un monde d’idées complètement nouvelles pour moi ». Wells n’exagérait pas. Boys s’intéressait aussi bien à la physique des toiles d’araignées qu’à celle de l’équilibre en bicyclette. On pouvait le voir également fabriquer des fils d’une finesse extrême en lançant du quartz en fusion à partir d’arbalètes, dans le cadre de ses étonnantes expériences sur les lois de la gravité. Ses étudiants – comme tous ceux, d’ailleurs, qui assistaient à ses conférences – le considéraient « comme un prestidigitateur ». « Certains de ses dispositifs étaient très artistiques », se rappelait-on aussi. Boys pouvait s’amuser ainsi à encercler des piétons avec de gigantesques anneaux de fumée, tirés avec une pompe depuis les fenêtres de son laboratoire sur Exhibition road. Il aimait aussi jouer les maîtres de cérémonie dans les soirées à la mode de la Royal Society, en distrayant le beau monde avec ses manipulations scientifiques. Au printemps 1888, il débuta sa carrière dans la physique du savon sous la houlette de Guthrie, avec une conférence particulièrement réussie à la London Physical Society où il jouait avec un talent consommé du rapprochement entre les jeux d’enfant et la physique fondamentale.

24Il affinait les techniques mises au point par Plateau avec des armatures de fil ou encore les expériences de Faraday avec des bulles emplies de gaz pour expliquer aux physiciens la meilleure manière d’expliquer la tension de surface, la capillarité et les principes optiques des anneaux colorés : ses bulles entraient en contact ou passaient les unes à travers les autres sans éclater, de façon quasiment miraculeuse. Sa réputation de magicien des bulles et des gouttelettes fut rapidement établie (Rayleigh 1944 : 771-788 ; Wells 1934 : 211 ; Boys 1888b, 409-419 et 1887 : 13-24). Ce qui impressionnait surtout son assistance était son usage des machines à faire des images pour démontrer la cinématique des bulles et des gouttes.

25Boys fit trois conférences à la London Institutionen 1890 où il se proposait de modifier les techniques de Plateau, de Faraday et de Guthrie pour mieux décrire le mécanisme de la tension de la surface pendant « la formation et la croissance d’une goutte ». Ces conférences, extrêmement populaires, furent publiées dans une série intitulée Romances of Science qui était financée par la Society for Promoting Christian Knowledge (Société pour la promotion des connaissances chrétiennes) : « Des ouvrages qui prouveront que la science est aussi intéressante mais plus instructive que les romans à la mode. » Les éditions successives contenaient également des catalogues de produits à base de savon.

26Boys citait aussi dans ces conférences le fameux vers d’Edward Lear sur les marins qui « partirent en mer sur une passoire ». La tension de surface d’un film de savon recouvrant un treillis en fil de fer pouvait effectivement constituer, selon lui, une pellicule qui permettrait de flotter à une passoire si elle était assez large et que la mer était suffisamment clémente : « Cette expérience illustre également la difficulté d’écrire un véritable non-sens », ajoutait-il malicieusement (Boys 1890a n° 9 : 134-135, 1911 n° 22 : 170-171, 1890b n° 30 : 248-260).

Bulles de savon, balles de fusil et bateaux de combat

27Les recherches photographiques de Boys, qui avaient commencé avec des bulles en train d’éclater – et qui avaient culminé dans l’étude d’obus en train d’exploser et de fusils à haute puissance –, donnèrent lieu à des discussions privées avec des experts en balistique militaire au début des années 1890 dans le but d’améliorer le dessin des fusils et celui des projectiles. « Comme dans les autres domaines, le premier souhait de l’expérimentateur est de voir exactement ce qu’il fait ; mais comme, dans de telles circonstances, personne ne peut y voir quoi que ce soit avec ses propres yeux, il n’en est que plus intéressant de chercher à tirer profit de cet œil électrophotographique » (Boys 1893).

28Les travaux menés sur des bulles qui éclatent, des balles qui explosent et les étincelles ultra-rapides contribuèrent ainsi à donner à la culture scientifique une nouvelle audience ; elle était attirée aussi bien par le spectacle de la microphysique de l’air et de l’éther que par les jeux avec le savon et la lessive et par toutes les implications militaires et impériales de la balistique de précision. Les nouvelles machines à image contribuèrent ainsi autant à l’industrialisation des activités de spectacle qu’à donner aux physiciens des moyens de fixer des phénomènes éphémères. A l’automne 1894, les premiers salons de kinétoscopes s’ouvraient à Londres : on y pouvait voir, à travers des lentilles grossissantes, des films passant approximativement à 40 images par seconde.

29Robert Paul, un ingénieur électrique habile, ancien élève de John Perry au Finsbury Technical College, commença de fabriquer cette sorte d’appareils à Londres en 1895. Il fit équipe avec H. G. Wells, l’ancien étudiant de Boys, pour breveter « une nouvelle forme de spectacle où l’on présente aux yeux des spectateurs des scènes qui sont censées se dérouler dans l’avenir ou le passé, leur donnant ainsi la sensation d’utiliser une machine à voyager dans le temps ». Cette sorte de voyage à travers le temps avait un bel avenir commercial devant lui. Début 1896, Paul montrait ses nouveaux appareils de projection au Finsbury Technical College puis dans le contexte prestigieux de la Royal Institution. Un publicitaire insistait : « Le fait que la démonstration publique ait eu lieu devant une des assemblées scientifiques les plus éminentes au monde montre bien toute l’importance d’un tel développement. » L’animatographe de Paul constitua effectivement une étape importante dans la commercialisation du cinéma pour le grand public (Talbot 1912 : 39 ; Barnes 1998 ; Paul 1936 [1886] : 46-54).

30Les physiciens s’en emparèrent également. Quand George Stokes, qui était une des autorités sur la résistance des fluides, demanda à Boys ses images de balles supersoniques, l’expérimentateur londonien lui envoya des copies de son « film d’animatographe » sur les explosions et les trajectoires de projectiles. Cette combinaison de la cinématographie et de la photographie par étincelles devait se révéler d’une valeur inestimable pour les progrès de la physique spécialisée dans ces domaines. Mais ce fut un autre client de Stokes, Arthur Worthington, qui mena véritablement les projets de Boys et de Rayleigh à leur aboutissement, non seulement d’un point de vue iconographique mais aussi d’un point de vue militaire.

31Worthington partageait avec Boys et Rayleigh le souhait de convaincre le public que, même dans le cas de phénomènes aussi aléatoires, en apparence, que des gouttes et des bulles, « on avait affaire, en réalité, à un phénomène merveilleusement régulé ». En 1895, il publia ses dessins de gouttes dans la collection grand public Romance of Science où avaient déjà été publiées les conférences de Boys sur les bulles de savon. Comme ses collègues plus âgés, il insistait sur le fait que les lois de l’énergétique dictaient rigoureusement les formes même les plus variables de ces phénomènes éphémères. Alors que Thomson présentait encore à Oxford ses modèles astucieux sur les formes possibles d’empilement des molécules au sein de structures d’apparence aussi chaotique que l’écume ou les films de liquide savonneux, Worthington continuait son travail sur la visualisation des gouttes et des bulles en formation pour révéler le caractère « ordonné et inévitable » de leur agencement.

32« En cette époque de kinématographes et d’appareils à photographier des instantanés, on pourrait penser qu’il soit aisé de suivre en détail l’éclaboussement d’une goutte. » Mais tel n’était manifestement pas le cas. Worthington parvint cependant à maîtriser les techniques photographiques et cinématographiques qui lui permirent de rendre ces structures visibles En adaptant le dispositif utilisé par Boys dans le cas de bulles en train d’éclater ou de balles en pleine course, Worthington parvint ainsi à produire des éclats de lumière à intervalles réguliers en utilisant des décharges d’un condensateur qui duraient moins de trois millionièmes de seconde. A partir de 1897, il rendit progressivement accessibles ses nouvelles images au public, d’abord à laRoyal Society puis, en 1898, dans le Pearson’s Magazine, et finalement dans un livre de photographies d’une qualité saisissante, intitulé : A Study of Splashes (Une recherche sur les éclaboussures). Pearson’s Magazine était un journal à vocation populiste qui cherchait toujours à impressionner son audience avec les dernières technologies du jour ou en faisant de la propagande impériale.
Le magazine publia les images de Worthington à côté d’articles sur des usines de dynamite, sur les uniformes militaires ou sur les vertus de l’industrie et de l’hygiène. De tels rapprochements pouvaient sembler incongrus ; mais ils n’étaient pas étrangers, en fin de compte, au travail des physiciens. N’était-ce pas Boys lui-même qui avait réfléchi à la manière de réemployer les techniques de représentation de bulles de savon dans le cadre de la balistique militaire ? De même, dans la conclusion de la présentation de ses recherches sur les éclaboussures, Worthington, qui était un savant militaire, ne se contentait pas d’expliquer les progrès de la cinématographie et de montrer comment les nouveaux appareils à images avaient permis au « chercheur en hydrodynamique » de comprendre les lois microphysiques qui gouvernaient la dynamique des fluides ; il montrait également, à la fois en frontispice et en conclusion de ses travaux, « l’éclaboussure provoquée par un projectile sur la cuirasse en acier d’un bateau de guerre ». De la lessive aux cuirassés en passant par des produits domestiques d’usage courant, on avait assisté, sans aucun doute, à un véritable glissement (Worthington 1894 n° 14 : 300, 302 ; Broks 1996 n° 18-19 : 108 ; Thomson 1904 [1893] : 602-642).

Conclusion

33Les bulles de savon avaient une légèreté qui donnait une aura particulière à leur commerce mais qui incitait d’autant plus à en prolonger l’existence. Qu’il s’agisse de laboratoires, d’amphithéâtres, de musées ou d’écoles, on chercha ainsi, pendant toute la fin du xixe siècle, à donner une forme de représentation stable aux principes sous-jacents qui expliquaient l’action des lessives, des gouttes et des fluides. L’importance de ces manipulations était largement due aux possibilités qu’elles offraient d’être aisément transportables. De la même façon que l’exposition de Millais à la galerie Grosvenor où les publicités de Pears avaient largement contribué à faire connaître son œuvre de l’Afrique coloniale à la France de la Belle Epoque, la traduction des travaux britanniques en physique contribua à leur propagation outre-mer. La physique des bulles de savon fut considérée comme une illustration exemplaire des nouvelles manières de vulgariser la science, peut-être surtout d’ailleurs quand il s’agissait de mettre en cause son autorité. C’est ainsi que l’ouvrage de Boys Soap Bubbles fut traduit en français en 1892 par le physicien spécialisé dans les étalons métrologiques et futur Prix Nobel Charles-Edouard Guillaume. Les conférences populaires de Thomson furent aussi publiées à Paris l’année suivante.

34Ces deux textes furent avidement lus par un jeune auteur breton dans le besoin, qui cherchait désespérément à entrer à l’Ecole normale supérieure tout en publiant d’étranges essais littéraires dans les magazines de la capitale. Alfred Jarry avait certainement bien compris les buts de l’enseignement de la physique. Dans son lycée de Rennes en 1888-1891, il épingla son malheureux professeur de physique, un certain Hébert, qui lui servira de prototype pour le Père Ubu, ce personnage bestial dont le total manque de talent et de civilité était un défi au bon ordre universitaire.

35Une fois arrivé à Paris, Jarry utilisa les expériences qu’on lui faisait faire à l’école pour définir la « pataphysique », un terme que l’on peut approximativement traduire par « l’opposé de votre physique » et qu’il définissait comme « une science inventée par nous-mêmes et qui vise à l’éclat ». La nouvelle science fit ainsi son apparition, grâce à Ubu, dans le tout premier article de Jarry, rédigé en avril 1893 pour l’Echo de Paris.

36Jarry avait dévoré, comme on l’a vu, les travaux de Boys sur les bulles de savon mais aussi ceux de Thomson sur l’éther et ceux de H. G. Wells sur les machines à remonter le temps. Il était aussi impressionné par la cinématographie et les nouvelles technologies ; et il l’était également par la déclaration provocatrice de Boys qui estimait difficile « d’écrire un parfait non-sens ». Jarry commença ainsi de composer un traité entier sur cette « science dédiée à tout ce qui peut éclater ». Dans une section intitulée « ethernité », il s’imaginait, par exemple, en train d’envoyer des « lettres télépathiques » à Thomson sur des sujets aussi divers que la capacité de l’éther luminifère à remplir le vide, les vibrations des diapasons ou l’âge du soleil. Jarry finit ce travail au début de 1898 mais ne parvint pas à le faire publier ; et il se résigna à en faire paraître des extraits dans le Mercure de France en mai de la même année. On y trouvait, en premier lieu, un essai dédicacé « à mon savant ami C. V. Boys » où il expliquait que « la capillarité, la tension de surface, les membranes légères » et, plus généralement, « la peau élastique qui constitue l’épiderme de l’eau » permettraient à son héros de construire un bateau de 12 mètres de long, fait d’une passoire géante, et qui serait en mesure de flotter grâce à un film « de 250 000 gouttes d’huile de ricin » (Béhar 1988 : 193-199 ; Beaumont 1984 : 179-203 ; Jarry 1980 : 184-185, 216-218).

37C’est ainsi – on le voit – que les bulles firent bon ménage avec la science populaire des deux côtés de la Manche. On pourrait écrire deux livres d’histoire entiers consacrés aux bulles des savon et à leur commercialisation dans les deux traditions, l’anglo-saxonne aussi bien que la française. Il faudrait inclure, dans le second cas, les travaux de Michel-Eugène Chevreul, l’éminent chimiste qui dédia ses recherches à l’étude du savon et des bougies ; mais aussi les dessins de Grandville le caricaturiste, à propos desquels Walter Benjamin écrivait, avec sa perspicacité coutumière, qu’il « donnait à l’univers entier un caractère de marchandise », caractérisant aussi plus généralement ses ouvrages comme « de pures publicités ». En 1844, Grandville dévoilait avec Un autre monde le secret de la mécanique céleste : un vieux magicien soufflait des systèmes solaires à partir de bulles de savon. Depuis Plateau, celles-ci étaient bien devenues, en effet, le fonds de commerce de la physique populaire. C’est ce dont atteste encore, en 1882, un best-sellercomme Le Monde physique d’André Guillemin, ce scientifique violemment républicain.

38Entre les mains des physiciens et des entrepreneurs de la fin du xixe siècle, de fragiles bulles de savon furent ainsi transfigurées en objets cruciaux des sciences de l’ingénieur, de la fabrication des images et du commerce. Les techniques capables de transformer des choses éphémères ou instables en produits fixes et stables jouèrent ainsi un rôle essentiel dans la formation du capitalisme de marché. Les mêmes entrepreneurs qui admiraient tant les chérubins soufflant des bulles étaient aussi passés maîtres dans l’art de stocker et d’investir, apprenant à mieux conserver des denrées vulnérables pour les transformer en marchandises de valeur. Un lien décisif existait de la sorte entre les entrepôts commerciaux et les bureaux de chercheurs. Charles Boys, maître incontesté en ce domaine, pouvait alors donner une « véritable » leçon d’histoire à son assistance sur le sérieux des jeux avec le savon : « Je vous demande si l’admiration et l’émerveillement que nous ressentons tous en jouant avec des bulles de savon ont disparu ou s’ils ne sont pas accrûs, au contraire, maintenant que vous en savez plus à leur sujet. J’espère que vous serez tous d’accord avec moi pour dire que les forces dont dépendent des phénomènes aussi banals que des gouttes ou des bulles de savon – qui ont retenu l’attention des plus grands philosophes de Newton jusqu’à nos jours – ne sont pas triviales et méritent aussi notre attention, à nous autres, les gens du commun » (Cook 2002 : 223-247 ; Boys 1890 : 134).

39#Notes

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Notes

* Ce texte est une version plus courte de l’article « The science of bursting : soap bubbles and the arts of late Victorians physics » paru dans l’ouvrage Things that Talk : Object Lessons from Art and Science de Lorraine Daston et publié chez Zone Books en 2004. Nous remercions Zone Books pour son aimable autorisation de publication.

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Pour citer cet article

Référence papier

Simon Schaffer, « Une science de l’éclat »Terrain, 46 | 2006, 15-32.

Référence électronique

Simon Schaffer, « Une science de l’éclat »Terrain [En ligne], 46 | 2006, mis en ligne le 15 mars 2010, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/3985 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.3985

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Auteur

Simon Schaffer

Département d’histoire et de philosophie des sciences, université de Cambridge, Grande-Bretagne

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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