1Au détour d'une allée du cimetière municipal de Toulouse se trouve une tombe peu ordinaire. Surmontée d'un baldaquin, elle a une allure majestueuse qui rompt avec la monotonie de celles qui l'entourent. Les innombrables fleurs qui montent le long des piliers lui créent un toit de verdure et de couleur. A un rosier grimpant se mêlent des gerbes de fleurs artificielles, à ses pieds sont posées des jardinières de primevères, géraniums, jacinthes... Pour compléter le tout, un lierre vivace soutient une cascade de fleurs piquées dans son feuillage – roses, lys et œillets – et des grappes de plaques de marbre portant, en lettres d'or, des remerciements pour des grâces obtenues : ex-voto le plus souvent réduits à un « merci » parfois suivi d'un prénom ou d'une initiale. Enfouie sous la végétation, inaccessible au regard, une plaque de pierre indique enfin qu'il s'agit de la dernière demeure d'Hélène Soutade, décédée le 11 août 1885 à l'âge de 48 ans.
2On observe autour de cette tombe un va-et-vient incessant de personnes de tous âges. C'est que, pour les Toulousains, elle est celle de sainte Héléna. Une sainte qui n'a rien d'officiel : l'archevêché refuse de se prononcer sur son cas et ne veut même pas en entendre parler. Il s'agit là de ce qu'il est convenu d'appeler une « canonisation populaire ». A partir de l'observation des pratiques et des comportements autour de la tombe et de nos dialogues avec des passants, nous allons analyser ce processus de création et de mise en place d'un nouveau culte.
3Que représente donc sainte Héléna ? Pourquoi avoir besoin d'une nouvelle sainte dans une ville qui ne manque pas de reliques ni de lieux saints ? Au bord de la Garonne, l'église de la Daurade abrite une Vierge noire très réputée. Toulouse possède aussi, parmi beaucoup d'autres, une relique prestigieuse de saint Thomas d'Aquin, docteur de l'Eglise. Pibrac, le village de sainte Germaine que l'on appelle ici « la sainte du pays », est tout proche et accueille de nombreux pèlerins. Pourtant, dans le cimetière toulousain de Salonique, un véritable culte est en train de naître et de prospérer. Comment une dévotion à une sainte non reconnue par l'Eglise peut-elle trouver sa place dans la piété des fidèles ? N'est-ce pas justement cette position en marge de la religion officielle qui explique son succès ?
4Bien entendu, la fortune naissante de sainte Héléna n'est pas sans rappeler l'origine de bien des cultes reconnus. Traditionnellement, la dévotion s'ordonne d'abord autour de la tombe du futur saint, lieu où se multiplient les indispensables miracles. En deuxième lieu, le saint doit avoir une réalité tangible, il est nécessaire d'en posséder une relique, soit fragment de son corps, soit objet lui ayant appartenu ou ayant été en contact avec lui. Il doit encore être doté d'une biographie qui lui donne une épaisseur humaine et le rende plus proche de ses fidèles. Enfin, il est souhaitable que lui soit reconnue une « spécialité » qui, en règle générale, appelle des gestes rituels ou des formules de prières spécifiques. Nous allons voir dans quelle mesure ce programme standard est rempli dans le cas de sainte Héléna.
5On ne sait pas grand-chose de la vie de sainte Héléna. Son acte de décès indique qu'elle exerçait la profession d'institutrice, sans autre précision. La rumeur prétend qu'elle était aussi religieuse. Un informateur affirme que, « à l'âge de 42 ans, Hélène Soutade a été touchée par la grâce et qu'elle est entrée en religion sous le nom d'Héléna ». Ces renseignements sont plutôt maigres, mais plusieurs légendes qui circulent parmi les dévots viennent combler les vides. Selon la plus répandue, deux colombes blanches auraient suivi dans le ciel le cortège funèbre qui accompagnait le corps d'Héléna de la cathédrale Saint-Etienne au cimetière. La présence de ces oiseaux associés aux manifestations de l'Esprit saint est considérée comme le signe d'une grâce envoyée par le ciel. Ils sont figurés sur la tombe par une statue de plâtre blanc qui a probablement inspiré cette première légende.
6Autre épisode merveilleux : on raconte qu'autrefois la tombe était en bois et qu'elle aurait pris feu à cause d'un cierge renversé plusieurs années après la mort de la sainte. Au cours des travaux de réparation, un coup de pioche maladroit aurait fendu son cercueil, laissant apparaître le corps intact. Ce mode de reconnaissance de la sainteté est un des plus sûrs et des plus répandus dans les récits hagiographiques1. Or, d'après des informations fournies par le conservateur du cimetière, aucune exhumation du corps d'Hélène Soutade n'a été réalisée. Une confusion est née du fait que le corps de son père a été transféré du cimetière de Saint-Sernin dans le caveau de sa fille. Pourtant, on comprend sans peine la logique de ces rajouts : tous ont pour but de prouver la sainteté d'Héléna. La rumeur selon laquelle elle était religieuse à la fin de sa vie rentre dans ce même processus. Pour être reconnue comme sainte, il faut correspondre à certaines normes qui ont peu varié au fil du temps. Le statut de religieuse conduit plus facilement à la sanctification que l'état laïc. De même, la rumeur selon laquelle Héléna serait canonisée ou, du moins, en cours de béatification, renforce la légitimité de la dévotion qui l'entoure. On entend souvent dire : « Ils vont bientôt la canoniser » ou encore : « C'est vrai qu'il y a une histoire, qu'elle a été canonisée et tout... C'est très connu. »
7La tombe est donc marquée du sceau du miracle. Elle est aussi le seul endroit où sainte Héléna ait une existence terrestre. Cette concentration du culte à l'intérieur du cimetière et autour de son corps rappelle le culte antique des martyrs, origine du culte des saints2. Héléna renoue donc, à certains égards, avec les premiers temps du christianisme. Mais, depuis bien longtemps déjà, le peuple chrétien cherche dans d'autres reliques – vêtements, lettres ou missels – une présence plus sensible du médiateur. Dans le cas de sainte Héléna, ces reliques périphériques se réduisent à un morceau de sa robe et même, dit-on, de la chemise de nuit qu'elle portait au moment de sa mort. Serti dans un cadre sous verre d'environ 20 centimètres sur 10, il est suspendu au baldaquin, au milieu de la végétation. Cette modeste relique offre la particularité de figurer, de manière assez floue, la sainte sur un lit, ou plus exactement son visage et la partie supérieure de son buste sur un oreiller. Cette double relation – métonymique et analogique – rappelle le saint suaire du Christ et confirme le climat de miracle entourant cette tombe pas comme les autres.
8Continuons notre inventaire. Sainte Héléna a déjà une tombe, une relique. Il lui faut encore un visage moins évanescent que celui que l'on vient de mentionner. On le découvre, en effet, sur une plaque de marbre désignée comme « sa photo ». Il s'agit d'une femme portant une couronne royale et une croix. Le texte photocopié d'une prière, laissé à la portée de tous, porte la même image. Ce visage n'est autre que celui de sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, qui a découvert la sainte croix à Jérusalem. Ainsi, paradoxalement, la volonté de rendre Héléna plus réelle, de la doter d'une identité prend le pas sur les problèmes posés par l'authenticité de son portrait. La confusion se poursuit au niveau des médailles de la « grande » sainte Hélène : elles sont censées représenter Héléna. Vendues dans le commerce, elles sont une preuve supplémentaire de son importance et de sa popularité. Notre interlocuteur privilégié indique à qui veut l'entendre qu'elles sont disponibles dans telle bijouterie dont il donne l'adresse.
9L'identité d'un saint est enfin marquée par une « spécialité », et Héléna, à cet égard non plus, n'échappe pas à la règle. En raison de son métier d'institutrice, elle est la sainte des enfants. Elle les protège et, par extension, aide à la réussite des études, des examens. De même, son rôle d'éducatrice l'amène à être priée par les mères de famille pour la conduite de leur foyer. Mais, comme pour tous les saints, la tendance générale veut que le découpage en spécialités laisse place, peu à peu, à des saints « généralistes ». Ainsi, le saint choisi comme protecteur particulier est utilisé pour tous les besoins de la vie quotidienne. Sainte Héléna est aussi bien implorée pour la santé, le travail, l'amour, l'argent. Les demandes sont inscrites sur des bouts de papier déposés sur le rebord du toit du baldaquin, à l'abri des curieux. Les fidèles lui confient ce qui fait leur vie, tout simplement et sans fausse pudeur : « Sainte Héléna, je vous remercie que je ne sois pas tombée enceinte, de tout cœur merci. » Ou encore : « Sainte Héléna, je t'en supplie, fais que mon fils reçoive le dossier qu'il attend avec impatience pour lui permettre d'être embauché et que Michelle ait une réponse favorable à La Poste et à son examen de secouriste. » La confiance dans la sainte est totale : « Du plus profond de mon âme, je te suis éternellement reconnaissante et dans chaque jour que Dieu fait, il y a une pensée pour toi. » C'est que l'efficacité de ses interventions est prouvée : « Elle exauce, je vous assure qu'elle exauce. C'est vrai. Elle exauce n'importe quoi. J'ai prié pour ma fille, pour qu'elle trouve du travail. Ça fait six mois qu'elle travaille maintenant. Depuis, je prie tous les jours pour qu'elle garde sa place. » Il ne sert à rien de multiplier de tels exemples, mais notons qu'ils sont nombreux et unanimes : « Il y a beaucoup de monde qui vient ici. On la prie. C'est très connu. »
10Comment se manifeste la dévotion ? Outre la récitation de la prière, le passage sur la tombe est indispensable. Les fidèles se plient à un rituel immuable. Le signe de croix en est le point de départ (lieu saint oblige), ensuite il faut toucher la relique. Ce geste « porte chance ». Une personne approche du cadre sacré un foulard, et le remet à son cou pour se protéger ; une autre lui fait toucher ses clefs pour protéger sa maison. Une autre encore fait glisser contre la relique une feuille de papier blanc et explique qu'elle va y écrire une lettre de demande d'emploi. Les photos des êtres aimés sont soumises à la même manipulation. Les prières s'accompagnent d'une offrande de fleurs. Un fleuriste du quartier raconte : « On m'achète des fleurs pour mettre sur la tombe de sainte Héléna. C'est vrai qu'elle me fait vivre. Il y a une personne qui vient tous les deux jours et qui m'achète une rose pour la sainte. Il doit y en avoir beaucoup, parce que ça fait un moment qu'elle vient. » Théo, le responsable improvisé du nouveau culte, raconte avec fierté qu'il a lui-même planté, quinze ans auparavant, le rosier qui recouvre en grande partie le baldaquin de la tombe. Des pèlerins affirment qu'il reste vert toute l'année.
11La visite à la tombe est donc réellement importante pour les dévots parce qu'elle représente le lieu de contact avec la sainte. Pour eux, celle-ci est présente par sa tombe. C'est là une règle générale dans le culte des saints : plus on est proche du tombeau, plus la force de la demande est grande. La particularité, ici, tient au fait que ce déplacement n'est pas l'occasion pour une communauté de pèlerins de se retrouver et de créer une unité. Ce qui est important, c'est le va-et-vient entre la tombe et le domicile. On retrouve pourtant quelques aspects de la valeur pénitentielle et rédemptrice traditionnellement associée au pèlerinage. Ainsi, selon certains informateurs, le seul fait de trouver la tombe ressemble à un véritable parcours initiatique qui demande courage et persévérance : la sainte ne se livre pas au premier venu. Ecoutons Jean nous raconter ses difficultés : « Ma femme était malade, très gravement. A l'hôpital, une dame m'a parlé de sainte Héléna. Alors je me suis dit que je devrais venir voir, pour ma femme. Mais quand je suis venu la première fois, j'étais tout seul, et je n'ai pas réussi à trouver la tombe. Je suis reparti. Et puis, ça me tracassait, alors je suis revenu. J'ai demandé à un gardien. Même avec ses explications, je n'ai pas trouvé. Je suis venu le revoir, et là il m'y a amené. C'est dur de la trouver. »
12Ainsi, la promotion de la nouvelle sainte et de son culte rejoint-elle de bien des façons les cadres symboliques habituels de l'hagiographie et les formes ordinaires de la dévotion. Quelques distorsions, liées à l'absence de toute reconnaissance ecclésiastique, ont cependant pu être relevées. Quelles sont les conséquences de cette marginalité sur les modalités de construction de la légitimité de sainte Héléna et sur les modalités du culte qui lui est rendu ?
13Pour un dévot, il est important de connaître la vie de son saint de prédilection. Et en effet, pour tous les saints « officiels », l'Eglise assure la diffusion d'ouvrages biographiques qui ne cessent de se simplifier, de s'aérer pour en arriver parfois à une simple bande dessinée. Elle préconise aussi l'abonnement à des revues spécifiques à un saint (par exemple : Le Messager de saint Antoine de Padoue, Les Annales de sainte Germaine de Pibrac, La Revue de sainte Rita...), où plusieurs pages sont consacrées à sa vie sous forme de feuilleton. Pour sainte Héléna, de tels moyens n'existent pas. Ce que l'on sait d'elle, c'est ce qu'on apprend en venant sur sa tombe et en discutant avec d'autres dévots qui tiennent eux-mêmes leur savoir d'autres personnes. Ce cercle indéfini de « on m'a dit que... » ne suffit pas à contenter pleinement les fidèles. Plusieurs informatrices le déplorent : « J'aurais bien voulu connaître sa vie, ce qu'elle était. On dit que c'était une religieuse mais je n'en sais rien. J'aurais aimé savoir, comme l'histoire de sainte Bernadette. La vie de sainte Héléna, là, il n'y a rien. » Ou encore : « Je ne connais rien de sa vie. J'aimerais bien avoir un livre sur elle. »
14En fait, le culte d'Héléna n'est pas entièrement privé du relais de l'écrit. C'est même lui qui est à l'origine de son récent renouveau. En effet, pour le centenaire de la mort d'Héléna, une journaliste de La Dépêche du Midi s'est intéressée à la sainte et a publié une série d'articles décrivant la dévotion autour de sa tombe3. Un article intitulé « La guérison d'Aimée » a joué un grand rôle. Il retrace le témoignage d'une vieille dame qui aurait bénéficié d'une guérison miraculeuse en priant sur la tombe de notre sainte. Elle serait repartie sans ses cannes et sans aucune douleur. Ecoutons son témoignage, transcrit dans le journal : « Je souffrais tant, surtout la nuit, on aurait dit qu'une bête me rongeait [...]. Mais vous savez, je n'ai pas parlé de guérir, en passant des mouchoirs en papier sur sa tombe. J'ai demandé qu'elle m'enlève cette horrible douleur. C'était le jour des Rameaux, ma fille m'avait accompagnée en voiture le plus près possible de la tombe. Je suis montée jusqu'au caveau, comme j'ai pu, avec ma canne. J'y suis restée dix minutes et puis je n'ai plus ressenti le mal. J'ai bien vu ce que pensait ma fille. Elle s'est dit que je m'autosuggestionnais. Alors, j'ai marché dans l'allée sans ma canne et les larmes me sont alors venues aux yeux. » Dans l'article, on emploie les termes de « pèlerin miraculé ». Il n'en faut pas plus pour renouveler la confiance en la sainte et faire venir de nouveaux adeptes : les dévots connaissent ces articles et surtout « le » miracle. Le seul fait qu'il a été cité dans un journal suffit à le rendre officiel et à manifester la sainteté de celle qui est à son origine. Or, l'intervention du surnaturel demeure, aujourd'hui encore, nécessaire pour entamer un procès de canonisation. Le miracle d'Aimée et les nombreuses attestations spontanées de guérisons suffisent ainsi à faire d'Héléna une « canonisable » de premier choix.
15L'écrit occupe donc une place importante dans le rapport avec les saints, il semble donner au savoir un caractère plus solennel, presque sacré. Il est aussi, pour les fidèles, un moyen d'entrer en communication avec eux. Examinons ici ce passage à l'écriture4. La tombe est couverte d'ex-voto. Certains sont au nom de la sainte : « Merci sainte Héléna. » Le fait que son nom est inscrit sur des plaques conformes aux normes habituelles des lieux saints a un effet légitimant. Ces ex-voto sont à la fois la preuve et le moteur du dynamisme du culte. « Regardez toutes ces plaques et ces mercis, il y en a. C'est que c'est vrai si on remercie. Sinon, les gens ne le feraient pas. » Par endroits, sur des ex-voto accessibles, une petite prière est inscrite au crayon. Le support matériel de l'écriture joue ici un rôle primordial. La plaque de l'ex-voto est par définition le signe qu'une grâce a été obtenue. Y écrire sa propre prière est donc un moyen d'en augmenter l'efficacité.
16Enfin, une prière à sainte Héléna est mise à la disposition des fidèles qui passent sur sa tombe. Elle est photocopiée à de nombreux exemplaires qui sont déposés dans une sorte de boîte aux lettres en matière plastique transparente. Théo, dont nous allons bientôt reparler, se charge des photocopies. Sa mission est en effet de propager le culte, de faire connaître « sa » sainte : « Je l'ai recopiée pour qu'elle soit transmise à tous ceux qui viendraient. » Sainte Héléna est censée avoir dicté cette prière avant de mourir. C'est donc une parole sacrée qui est ainsi conservée. La forme de son écriture est quelque peu hétérodoxe. Une ponctuation surprenante, des fautes de frappe lui donnent une allure artisanale. Pourtant tout est organisé en vue de rapprocher les pratiques prescrites des formes coutumières de dévotion : la prière est à dire chez soi, sous forme de neuvaine, accompagnée de Pater et d'Ave, en présence de trois veilleuses allumées à des jours différents. Le feuillet où elle est écrite devient lui-même un relais de la dévotion. Une dame raconte : « Je l'ai chez moi, la prière. Je l'ai mise sur le buffet et autour, il y a toujours les trois bougies. Je prie devant. » C'est donc un véritable autel domestique qui est constitué. A défaut d'une image pieuse ou d'une statuette de la sainte, c'est sa parole que l'on vénère et qui est sacralisée. La prière multiplie les lieux de culte en créant des espaces périphériques de dévotion. Sainte Héléna, qui n'a que sa tombe comme lieu de culte central, entre ainsi dans les foyers.
17Pour compléter l'inventaire des relais utilisés pour faire d'Héléna une sainte, il nous faut enfin parler de Théo, le principal responsable de la prospérité du culte aujourd'hui, que nous avons rencontré lors de nos passages au cimetière où il passe une grande partie de ses après-midi. Théo, un retraité d'une soixantaine d'années, se considère comme le guide des pèlerins et le dépositaire d'un savoir unique sur Héléna et son histoire. Il raconte volontiers sa rencontre avec la sainte : à l'âge de 15 ans, une religieuse de son école lui demanda de passer une semaine avec elle afin de lui « montrer la tombe de sainte Héléna. Elle me l'a fait connaître. » Cette semaine semble jouer un premier rôle initiatique dans la vie de l'adolescent. Déjà marqué par Héléna, Théo fait une deuxième rencontre qui va jouer un rôle déterminant. Lors de son service militaire, un aumônier de l'armée continue son initiation : « Il m'a beaucoup apprécié et m'a dit qu'il ferait de moi son héritier. Il m'a tout appris sur sainte Héléna, et la veille de sa mort, il y a environ trente ans (il savait exactement la date de sa mort. Le 1er janvier, il m'avait dit qu'il serait mort avant le 31 août et il est mort le 30 août au soir), il m'a passé ses dons et ce qu'il savait sur sainte Héléna. » Comment connaissait-il la sainte ? D'après Théo, cet aumônier était un prêtre exorciste. Quant aux dons auxquels il fait allusion, son acolyte, Jean, me dit tout bas sous le sceau du secret : « Théo fait des miracles, il aide les gens qui viennent ici. » Théo confirme cette affirmation : « Je dois aider les gens, sainte Héléna me le demande. »
18Ainsi se dessine le parcours nécessaire d'une vocation. Les rencontres qui l'ont conduit à la sainte ne sont pas dues au hasard. Pour Théo, c'est sainte Héléna qui l'a choisi au départ, qui l'a élu. Il se sent en conséquence investi d'une mission divine auprès de ceux qui attendent de la sainte un réconfort, et finit même par s'identifier à elle : « Le soir avant d'aller me coucher, j'enlève mes lunettes, je les pose les branches ouvertes sur la table afin de recevoir les dons du ciel, et le matin, quand je les mets, je suis sainte Héléna. » Les miracles qu'il prétend obtenir sont ainsi justifiés, puisque la sainte est censée agir à travers lui. Son nom lui-même confirme sa vocation : Théo – véritable nom ou pseudonyme ? – du nom de Dieu en grec, theos.
19Théo possède personnellement une relique de la robe de la sainte, un bout de tissu d'environ 2 centimètres carrés, rappelant de la toile de jute, attaché à son porte-clefs. C'est là un don du prêtre qui l'a initié : il portait toujours sur lui cette relique quand il pratiquait un exorcisme. Par son intermédiaire, Théo entretient des rapports privilégiés avec la sainte, il est en contact direct et permanent avec elle, ce qui lui permet « d'aider les gens qui viennent sur la tombe ». Car Théo se considère comme un intermédiaire entre la sainte et ses dévots. Intimement persuadé qu'Héléna agit à travers lui, il recense leurs demandes et les lui soumet. Cela l'oblige à passer chaque jour une grande partie de l'après-midi auprès de la tombe. Assis sur le dallage vieilli d'une tombe voisine, il discute gravement avec les fidèles qui défilent devant lui les uns après les autres, comme dans un confessionnal. Dans ces moments-là, il ne peut être dérangé et personne n'oserait venir le troubler, tant son attitude et son rôle semblent sacrés. Il agit à la façon d'un maître charismatique qui prodigue des enseignements de tous ordres et essentiellement des conseils relevant de la gestion de la vie privée5.
20Il n'a pas été facile de faire révéler à Théo la nature de son pouvoir, qu'il considère comme secret. Cependant, des petits papiers trouvés autour de la tombe ont permis de comprendre son fonctionnement : Théo sélectionne les demandes qui lui sont confiées et qu'il juge importantes (ses critères de sélection demeurent inconnus), les note sur un bout de papier et les cache dans un recoin du tombeau. Ainsi, la sainte est directement mise au courant des problèmes. D'autres pèlerins, on l'a vu, procèdent de la même manière sans passer par son intermédiaire. Néanmoins, il reste le correspondant le plus régulier et le plus intime. Il se singularise en se servant de papiers cartonnés de couleur vive, rouges ou jaunes. Une série de ces écrits nous indique combien la sainte fait partie de sa vie : « En allant étrenner mes souliers, je viens te dire beaucoup de mercis » ; « Je pense bien à toi et y penserai toute ma vie. » Il rappelle sans cesse sa totale fidélité et le caractère exclusif de sa dévotion : « Tu es la seule avec qui j'ai affaire. Tout le reste ne m'intéresse pas, mais pas du tout. » Il lui déclare même, amoureusement : « Tu sais que, la nuit, je suis toujours avec toi et j'y resterai jusqu'à ce que tu viennes me chercher, le plus tôt possible. »
21Pour l'essentiel, cependant, ce lien privilégié est mis au service des autres. Aussi Théo doit-il résoudre les uns après les autres les nombreux problèmes qui lui sont soumis : « Notre affaire étant terminée, maintenant j'attaque celle de notre pauvre fille et des petits enfants. Ils ont bien besoin de toi et surtout d'un miracle pour leur logement. » Cette demande est inscrite sur un simple bout de papier. En revanche, certains cas semblent nécessiter plus d'attention. Le support de la prière relève alors d'une véritable stratégie rituelle. Une de ses « patientes » étant atteinte d'une maladie aux yeux, il écrit cette prière « Sainte Héléna, fais que Germaine y revoie dès que possible. Grand merci d'avance » sur un papier représentant un œil. Il s'agit d'un document publicitaire sur lequel il a retracé, en les soulignant au crayon, les parties malades. Le choix de ce support permet d'accroître l'efficacité de sa demande. Ce papier a été placé dans un coin du toit de la tombe, complètement plié et préalablement déchiré en plusieurs morceaux. Cela signifie-t-il qu'il ne veut pas que son secret puisse être découvert et réutilisé ?
22Pour obtenir le secours de la sainte, Théo, en échange, lui promet de l'aider : « Je ferai tout pour t'aider, aide-moi pour eux. » Incertain malgré tout de la nature exacte de ses devoirs, il lui écrit : « S'il y a autre chose à faire, tu me le fais savoir par les lumières. » Du moins le savoir qu'il est le seul à détenir lui donne-t-il une certaine légitimité, et cette exclusivité lui conserve sa supériorité sur les autres : les habitués du cimetière le considèrent même comme un saint. Curieusement, il semble projeter sur les liens d'Héléna à la Vierge l'ambiguïté de sa propre position de médiateur. Voici en effet ce qu'il nous a confié sous le sceau du secret : sainte Héléna est associée à la Sainte Vierge. La tombe, ici, est « une succursale de Lourdes ». Toulouse étant une grande ville, il y a de nombreuses demandes de grâces. Sainte Héléna a pour mission de les rassembler, de les trier et de les envoyer à la Vierge à Lourdes, qui, enfin, les fait parvenir au ciel. Cette révélation éclaire peut-être le sens des plaques de marbre noir « J'ai prié pour vous à Lourdes » déposées en grand nombre au pied de la tombe. Ces ex-voto standards rappellent à la sainte le jeu des promesses conclues entre elle et le fidèle qui l'a priée. En échange d'un vœu exaucé, ce dernier lui rapporte un objet prouvant qu'il est allé à Lourdes pour elle. On lit par exemple sur un petit papier : « Si des fois vous me faisiez gagner au tiercé dimanche, j'irais prier à Lourdes pour vous. »
23Théo a même développé de façon originale cette théologie de la médiation. Selon lui, entre Noël et le nouvel an, il ne faut pas attendre d'être exaucé, puisque le ciel est fermé « pour cause d'inventaire ». Toutes les demandes adressées pendant l'année qui n'ont pas été traitées sont jetées. Aussi ne faut-il pas hésiter à renouveler ses requêtes et, surtout, il faut garder confiance. Là-haut, tout a l'air de fonctionner de façon très administrative !
24Cette vision du ciel, en dépit de son apparente singularité, entre dans un système de pensées assez ordinaires. L'idée que la Sainte Vierge réside à Lourdes est largement répandue, et son association quasi régionale avec sainte Héléna renforce la puissance de la sainte toulousaine. De même, la période de « pause » décrite par Théo correspond aux « douze jours » de la culture folklorique. Ce laps de temps est doté d'une valeur singulière. Reprenant une croyance très répandue (Van Gennep 1988 : 3399-3405), Théo explique qu'il est possible de pronostiquer le temps qu'il fera pendant toute l'année à venir à partir de ces jours, chacun correspondant à un mois. Cet exemple pourrait paraître anodin ou simplement anecdotique. Or, en Espagne, la tradition des cabanuelas situe ce précalendrier pendant les douze premiers jours d'août (Delpech 1986 : 71), et Héléna est fêtée le 11 août...
25Le savoir de Théo est donc un amalgame de culture populaire et d'inventions personnelles qu'il a intégrées à une logique hagiographique recréée. Il n'hésite pas, parfois, à reprendre des formules très anciennes de conjuration, par exemple celle-ci, trouvée parmi les papiers dont il parsème la tombe :
« Monsieur saint Jean,
Passant par ici,
Sur son chemin,
Trois vierges trouvit.
Il leur dit : Que faites-vous ici ?
Nous guérissons la maille. Que le mal s'en aille.
O Vierges, guérissez avec ardeur le mal des deux personnes et leur douleur.
Maille, feu de grief, feu de quoi que ce soit : onglets, migraines, araignées. Je te commande de n'avoir plus de puissance sur leurs yeux que n'en eurent les juifs le jour de Pâques sur le corps du Christ. »
26Le texte original de cette conjuration connue s'adresse à saint Jean. Théo l'a repris et personnalisé en y rajoutant sa sainte : « Saint Jean, je t'ai associé aux lumières avec sainte Héléna pour qu'elle soit au courant et intervienne auprès de toi. » Une médaille du saint est enroulée dans le papier de la prière, accompagnée de ce texte explicatif : « Sainte Héléna, je t'ai fait porter la médaille pour que tu protèges la vue de petite maman. » Ainsi, il renforce l'efficacité de la prière par le recours à une forme traditionnelle qui a déjà une certaine légitimité, et par le don d'un objet de piété. En même temps, la maladie se trouve inscrite dans un autre registre que celui de la médecine, elle devient un mal qui peut être combattu par des formules rituelles. Et, de fait, le principal pouvoir de Théo concerne les forces du mal. Il lutte contre le démon, protège contre le mauvais sort. Son secret et l'arme qu'il prescrit à ses fidèles tiennent dans la formule : « Il faut toujours avoir sur soi de l'eau bénite. » Et il sort de sa poche une bouteille contenant de l'eau qu'il va puiser dans les bénitiers des églises et qu'il parfume. Cette eau parfumée trompe le diable, qui ne se doute pas qu'il s'agit en réalité d'une eau consacrée. Théo a donc besoin de l'Eglise en tant qu'institution, puisqu'elle seule peut lui fournir le moyen d'éloigner le démon mais, en même temps, il préserve son autonomie en fabriquant un mélange peu orthodoxe. Le culte de sainte Héléna procède du même schéma. Pour fonctionner, il est obligé d'entrer dans les cadres ordinaires de la sainteté mais garde en même temps une certaine spécificité. Il faut dire que Théo semble personnellement avoir une position assez contestataire par rapport à l'Eglise et à l'ensemble de la religion chrétienne. Sans avoir pu découvrir son secret, lisons ce qu'il confie à sainte Héléna, sur un petit papier, à propos du Christ : « En raison des résultats, je viens de faire la paix avec ce dernier. Malgré qu'il me doive trente-sept ans, je ne lui en veux plus. Avec tout ce qu'il a pu entendre, j'espère qu'il aura compris. »
27Pourquoi, autour de sainte Héléna, est-il aussi souvent question du diable ? D'où vient cette peur sous-jacente ? Le lieu est-il maudit ? A bien des égards, en effet, Héléna est une sainte pas très catholique... Tout d'abord, le sous-verre contenant son image-relique miraculeuse est crédité d'un étrange pouvoir. Selon certains, il en sort un fluide : « C'est une partie de sa relique qui est fluidée, qui maintient toujours le contact avec la terre. Le cadre, c'est l'endroit où le ciel et la terre se rejoignent. Il y a une force. On la sent quand on le touche. On sent sa présence. » Quand on passe la main sur le cadre, on est censé ressentir des picotements. Un informateur raconte : « Vendredi, j'avais l'impression qu'elle me tirait la main. Le même jour, une dame que je rencontre souvent a reçu comme une gifle. Il a fallu qu'elle s'assoie pour reprendre son souffle. » Que sont ce fluide et ces picotements ? Pourquoi être aussi précis sur la date de l'événement, un vendredi ? Ce fluide semble avoir des propriétés sans grand rapport avec le pouvoir des saints, puisqu'on raconte que les guérisseurs et les magnétiseurs viennent sur sa tombe pour renforcer leur pouvoir, pour se ressourcer.
28Autre élément troublant : une rumeur prétend que la tombe de notre sainte toulousaine serait, en fait, celle d'une Gitane. Il paraîtrait que les Gitans de la région viennent y faire un pèlerinage et y laissent des culottes, collants, soutiens-gorge, mouchoirs, sucettes de bébé... « Même des tricots de peau plein de sueur qu'ils laissaient ! » Aujourd'hui, la tombe est nettoyée de toute trace de ces passages, si tant est qu'ils aient jamais eu lieu. Le sens du message n'en est pas moins clair : objet de la dévotion des Gitans, et gitane elle-même, notre sainte se trouve renvoyée du côté de la marge, voire même d'une image de la sorcellerie communément attachée aux bohémiennes diseuses de bonne aventure ou jeteuses de sort. Simple hasard peut-être, la tradition orale catalane faisait, au début du siècle, de sainte Hélène (la vraie, si l'on peut dire) une sorte de sorcière, guérisseuse, qui disait la bonne aventure en tirant les cartes. Les jeux de cartes achetés le jour de sa fête portaient bonheur à leur propriétaire. Et elle était tenue pour patronne de toutes celles qui exerçaient ces offices mal famés (Amades 1953 : 867).
29Par ailleurs, sainte Héléna est associée par certains de ses fidèles à sainte Marthe : « Pour les choses graves, je m'adresse à sainte Marthe et pour les petites choses, je vais voir sainte Héléna. » Nous avons en effet trouvé sur la tombe une prière à recopier dédiée à sainte Marthe. Ce rapprochement n'a rien d'arbitraire : la patronne des servantes et des ménagères est bien à sa place à côté de l'humble institutrice à qui l'on vient confier les malheurs, petits et grands, de la vie de tous les jours. Surtout, sainte Marthe est dite, en Catalogne encore, être la patronne des sorcières. Ailleurs en Espagne, elle se dédouble en Marthe la sainte et Marthe la méchante, cette dernière étant invoquée dans des conjurations de magie amoureuse pour le moins suspectes (Delpech 1986). Voilà donc encore, pour sainte Héléna, une compagne compromettante !
30Les choses vont même beaucoup plus loin. Théo nous a expliqué en des termes apocalyptiques qu'Héléna n'a pas besoin de l'Eglise. Le jour où elle décidera d'être reconnue à sa juste valeur, elle réussira par elle-même à faire émerger son cercueil, et son corps apparaîtra intact aux yeux de tous. Cette sorte de résurrection a un caractère vengeur puisqu'en même temps que les piliers de la tombe s'effondreront pour permettre le passage du corps, « les croix tomberont ». Or, selon Théo, ce phénomène est en cours. Vus de côté, deux piliers du baldaquin ont tendance à pencher vers la droite, entraînant dans leur « chute » un crucifix accroché à l'un des deux. Drôle de sainte, décidément, dont le triomphe appelle l'humiliation du symbole le plus sacré du christianisme ! Le caractère eschatologique de sainte Héléna qui conduit le christianisme actuel à sa fin est à opposer à son homologue des premiers temps, sainte Hélène, qui, elle, est à l'origine de son développement, puisqu'elle en fit la religion officielle de tout l'Empire romain, par l'intermédiaire de son fils Constantin avec l'édit de Milan en 313. Le rapprochement entre les deux saintes se dessine autour de la croix. Sainte Hélène découvre la vraie croix du Christ, la fait sortir de terre et la relève. Inversement, il est prédit que sainte Héléna va faire tomber les croix. On assiste ainsi à une véritable variation structurale sur le thème de l'invention de la croix.
31Au terme de cette brève étude, l'exemple de sainte Héléna nous apparaît caractéristique de l'état actuel du culte des saints, mais aussi de processus plus anciens et très révélateurs des fonctions de ce type de dévotion. Le culte des saints conserve de nos jours son dynamisme, même si ses manifestations ont changé. Aux grandes fêtes collectives se substitue en effet une dévotion intime, domestique, sans inscription calendaire définie. Cette évolution est particulièrement sensible en milieu urbain. Aussi les saints les plus honorés ont-ils pour traits communs, à la différence des « grands » saints d'autrefois, d'être détachés de tout lien avec la vie agricole et au contraire d'entrer dans les préoccupations quotidiennes des populations citadines. Il s'agit le plus souvent de « petits » saints, tant par la simplicité de leur vie que par l'humilité des « spécialités » dont on les crédite. Antoine de Padoue, patron des objets perdus, est un humble franciscain ; Thérèse de l'Enfant-Jésus développe une spiritualité tout imprégnée d'images de l'indignité et de la petitesse avec la voie de l'« enfance spirituelle » ; Germaine de Pibrac est une pauvre bergère maltraitée par sa marâtre, Rita de Cascia, patronne des causes désespérées, une épouse soumise à un mari irascible avant de s'enfermer dans le silence de la vie contemplative.
32Héléna, par l'humilité de son existence terrestre, trouve toute sa place en cette compagnie. En même temps, la puissance équivoque qui lui est reconnue, reflet de son illégitimité relative, exprime tous les prestiges d'un rapport au ciel plus direct que celui qu'autorise la médiation ecclésiastique. Tel est sans doute le mouvement qui, au cours des siècles, a poussé les croyants à reconnaître et à honorer des hommes qui allaient parfois devenir de grands saints de l'Eglise universelle, mais qui, en bien des cas, étaient bientôt tenus pour des hérésiarques, faux messies ou faux prophètes. La légende de quelques saints reconnus – entre autres sainte Rita et saint Jude – porte la marque de cette ambiguïté : comme l'a montré Lucetta Scaraffia (1990), Rita ressemble à bien des égards à une sorcière, Jude l'apôtre a le même nom que Judas... Héléna, elle aussi, réunit de façon troublante le bien et le mal. La face noire de sa légende traduit très directement sa marginalité et celle du groupe de ses fidèles par rapport à l'Eglise officielle. Mais, loin d'être un handicap, cette marginalité confirme l'efficacité de sa puissance médiatrice. Au point que ses dévots en viennent à redouter une reconnaissance qui, en même temps qu'elle les priverait d'une présence familière, ramènerait Héléna dans le rang : « Ici, c'est chez elle. Elle est bien, là. Nous on l'aime bien là »... « S'ils la béatifient, ils vont l'enlever. Elle est bien, ici. Ils vont la mettre où ? Qu'est-ce qu'on fera, nous, quand elle n'y sera plus ? »