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L'incroyable et ses preuves

Vues de l'esprit, art de l'autre

L'ethnologie et les croyances en pays de savoir
Gérard Lenclud
p. 5-19

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Thème :

croyances
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Texte intégral

« Un habitant du Queensland rencontra un Chinois qui portait un bol de riz sur la tombe de son frère. L'Australien, en plaisantant, lui demanda s'il pensait que son frère viendrait le manger. Le Chinois répondit : « Non, nous offrons du riz aux gens pour exprimer notre amitié et notre affection. Mais, d'après votre question, je suppose que, dans ce pays, vous mettez des fleurs sur la tombe d'un mort parce que vous croyez qu'il aimera les regarder et sentir leur parfum » (Radcliffe-Brown 1968 : 217).

Expérience invisible et jugement dogmatique

1L'anthropologue britannique, comme il se doit, tirait de l'anecdote une moralité épistémologique : en l'absence d'une explication satisfaisante apportée de leurs comportements par les acteurs sociaux eux-mêmes, mieux vaut s'abstenir de leur attribuer des motifs puisés dans nos propres préjugés. Radcliffe-Brown y adjoignait, moins heureusement, une leçon de méthodologie positiviste : dans l'étude des religions, il est préférable de s'attacher aux pratiques - les rites, en l'occurrence - plutôt qu'aux croyances qui en seraient les raisons et comme la théorie. L'historien P. Veyne, revenant sur le dialogue du Chinois et de l'Australien, a défini plus précisément le procédé à éviter qui consiste à inférer d'une coutume rituelle la croyance à laquelle elle correspondrait (Veyne 1988 : 15). L'imaginaire, écrit-il ailleurs, est « un jugement dogmatique sur certaines croyances d'autrui » (1983 : 98). Une adaptation assez juste de la formule pourrait être celle-ci : la croyance est un jugement dogmatique sur le psychisme d'autrui. L'ethnologie des croyances s'est longtemps fondée sur ce jugement dogmatique.

2Ignorant, en effet, avec superbe toute une tradition philosophique qui, de Hume à Russell, tenait la croyance (belief) pour la plus énigmatique des opérations de l'esprit, les ethnologues se sont, dès l'origine, appliqués à recueillir des croyances et à les analyser comme s'il s'agissait de données de l'expérience, directement accessibles à l'observation sur le terrain. Ils n'entrevoyaient, pour leur part, aucun mystère dans le fait de croire. Peut-être est-ce que le mot lui-même, à force d'être utilisé, avait subi une usure inévitable. La désignation de leurs « données », à l'aide du terme de croyance, n'appelait donc dans l'esprit des ethnologues aucune réflexion préalable sur son emploi conceptuel. L'attribution d'une croyance à autrui ne leur paraissait revêtir aucun caractère problématique. J'ai sous les yeux un petit guide ethnologique, datant de 1973 et intitulé Croyances et coutumes ; il recense et organise des croyances populaires à partir d'objets, dûment muséographiés, en lesquels ces croyances s'extérioriseraient. Tout en admettant qu'elles touchent au plus intime de l'être, les auteurs du guide semblent se satisfaire - genre oblige, certes - de la robuste simplicité du trajet emprunté, menant du monde des objets à un univers mental en passant par le seul intermédiaire de comportements étiquetés. Un diable sculpté ferait voir une croyance. Bref, les croyances seraient transparentes dans des objets et des conduites. Les sociologues, à vrai dire, n'étaient pas en reste : ils élaboraient des typologies. Mais, non contents de recueillir des croyances primitives ou populaires, les ethnologues les comparaient entre elles, d'une culture à l'autre. C'était faire l'hypothèse - on y reviendra - que toutes les sociétés croient de la même manière, la nôtre, sinon aux mêmes choses. Celles auxquelles nous croyons valent d'être crues tandis que les choses auxquelles croient les autres ne le méritent guère, sauf au second degré et passées au crible de notre critique, ainsi que l'avait si bien déjà perçu Lichtenberg. Les autres croient encore (que la Lune exerce une influence sur les plantes ou que les mots tuent) mais nous, si nous y croyons, c'est de nouveau (après inventaire et en toute connaissance de cause) : voilà, disait Lichtenberg, une preuve de philosophie et de réflexion.

3Cette ethnologie traditionnelle des croyances d'autrui était assujettie à un certain nombre de décrets de méthode qui conduisaient, dans la plupart des cas, soit à la mise entre parenthèses du phénomène à décrire, soit à sa dissolution relative. Il est facile de le montrer à partir de quelques exemples.

4Tantôt, en effet, les anthropologues firent le choix délibéré d'assimiler les croyances à des représentations collectives qui, toutes ensemble et sans distinction de nature, exprimeraient l'orthodoxie d'une culture. Cela seul compterait pour l'ethnologie. Telle était la position d'E.R. Leach qui refusait que l'anthropologie devienne une variété de la psychologie individuelle : « Je ne prétends pas comprendre pourquoi, comme individu, j'agis comme je le fais ; partant, je ne saurais prétendre que je comprends les motivations d'autrui » (Leach, 1980 : 8). Il estimait, par conséquent, absurde de s'interroger sur cette partie immergée d'une croyance qui ne se livrerait pas dans une action rituelle. Est-ce à dire, lui objectait R. Needham, que les individus croient à tout ce qu'une culture (ou plus exactement des institutions spécialisées) leur enjoint de dire ou de faire ? Il n'est pas nécessaire de se plonger dans une introspection prolongée pour en douter.

5Tantôt, on convint de ne traiter que de la dimension sociologique des croyances, attitude qui amena nombre de ses tenants à n'envisager la croyance que sous l'angle de son utilité sociale. Le principe adopté ne manquait pas de générosité. Grâce à son application, il cessait d'être absurde de croire à des absurdités. Il suffisait, pour s'en convaincre, d'en apercevoir l'avantage pour le croyant ou pour la société, quel intérêt l'un ou l'autre en retirait. Le modèle canonique était : à société lignagère, culte des ancêtres. Pourtant, même si à force d'ingéniosité, l'ethnologue est toujours capable de trouver un sens pratique aux croyances les moins apparemment utiles, la plus simple des expériences imaginaires laisse entrevoir l'existence de moyens moins contraignants, ou plus économiques, par lesquels peuvent être assumées les fonctions que remplirait cette crédulité. La croyance, du reste, ne s'impose pas ; les enfants le savent bien.

6Le plus souvent, toutefois, dans un sens proche de l'un des usages ordinaires du mot, en français du moins, le terme de croyance, généralement employé au pluriel, ne se rapportait qu'aux objets des convictions supposées : dieux, esprits, ancêtres, génies, marques, procédés divinatoires ou thérapeutiques, etc. La croyance réside alors tout entière dans son contenu : la magie ou la vie éternelle. La croyance est ce en quoi on croit, un « esprit objectif », et pour autant que croire implique d'être persuadé qu'une chose est vraie ou bien réelle, les croyances désignent seulement les représentations ou conceptions avancées, que les propositions soient d'ordre « théorique » (la magie, la vie éternelle) ou pratique (les antibiotiques, le respect pour l'autorité), purement descriptives ou déjà prescriptives.

7Si divers qu'aient été les points de vue adoptés, l'étude des croyances laissait généralement de côté l'aspect psychologique, seul élément nous permettant de spécifier la croyance par rapport à d'autres modes de conscience et qui réside dans l'attitude mentale ou l'état d'esprit (mood) exprimant le degré de certitude ou de conviction avec lequel des hommes accueillent une idée, s'engagent subjectivement dans l'affirmation qu'une chose est objectivement vraie ou bien réelle. On a pu voir dans ce désintérêt la marque du développement séparé de l'ethnologie et de la psychologie. De Leach encore qui se flattait de rester pour l'essentiel un fonctionnaliste durkheimien : « C'est avec beaucoup de prudence que je considère les aperçus de la psychanalyse et des autres formes de psychologie introspective » (ibid. : 8).

Le piège conceptuel

8Cette réduction de la croyance à son objet, sur fonds de confusion entre l'acte de croire et l'agissement social (notamment rituel) qui le traduirait en fait sociologique, reposait sur un postulat implicite : l'universalité de l'aptitude à la croyance (Needham, 1972). Il n'existerait pas de sociétés sans systèmes de croyances et ces systèmes de croyances différeraient seulement par leurs contenus. Les hommes croiraient à l'identique. Cette idée qui trouve évidemment son origine dans le piège conceptuel que tend la catégorie occidentale de croyance, appliquée à tous les univers de culture, ne fut que tardivement remise en cause. Elle était déjà professée par les anthropologues positivistes occupés, à la fin du xixe siècle et au début du nôtre, à expliquer de diverses manières l'irréalité et la fausseté objectives des croyances indigènes. Les moins lucides d'entre eux apportaient à cette affirmation une correction importante. C'est qu'eux-mêmes, et la variété de genre humain dont ils étaient les représentants, constituaient une exception historique à l'universalité du régime de croyance. Ils étaient solidement établis dans le règne du savoir. Adultes, savants, sains d'esprit, artistes seulement à leurs moments perdus, généralement agnostiques ou raisonnablement religieux, ils s'estimaient prémunisés contre la croyance-illusion. Tel est, pour grossir le trait, le paradoxe des positivistes « vulgaires » qui stipulaient l'universalité d'une disposition intérieure dont il fallait bien, pour qu'ils puissent l'isoler, la nommer, l'attribuer à autrui, qu'ils en aient expérimenté les effets sur eux-mêmes alors que tout le mouvement de leur volonté consistait à en bannir chez eux l'exercice. Le chevalier Bayard de la légende pouvait-il voir spontanément des lâches ? L'état de croyance était-il alors, pour ceux qui le retrouvaient partout sauf à domicile, un souvenir d'enfance ou bien une référence livresque ? C'est donc qu'ils croyaient sans le savoir. Pourtant, il n'y a guère de mérite à dénoncer aujourd'hui la part de fidéisme sur laquelle s'est construite la rationalité positiviste. Il n'est point besoin d'interpréter ; il suffit de lire les plus clairvoyants d'entre les positivistes. Ces derniers, à la différence des positivistes « vulgaires » n'affectaient nullement de n'être point croyants et ne s'essayaient pas davantage à disjoindre, en eux-mêmes comme dans la réalité sociale, savoir et foi. C'était même un aspect capital de leur système. « Nous avons foi dans la science, écrivit Durkheim, et cette foi ne diffère pas essentiellement de la foi religieuse » (1960 : 625). On se souvient d'ailleurs que la théorie durkheimienne des formes symboliques faisait des croyances religieuses le moyen primitif dont serait issue la pensée scientifique. Mais s'agissant de la science comme contenu de croyance, le terme de croyance était-il bien choisi ? Une organisation de connaissance qui s'érige en mesure objective de toutes les croyances peut-elle, elle-même, être article de foi ?

9L'idée que tous les hommes croient à l'identique, c'est-à-dire à la façon dont nous pensons croire lorsque nous n'y réfléchissons pas, a continué longtemps d'orienter les recherches anthropologiques. Voici qui est déconcertant en plein vingtième siècle. Les vérités révélées n'y font, paraît-il, plus recette. Le concept occidental de croyance évoque, en effet, un état de tension entre le doute et la foi. Au regard des conceptions modernes de l'expérience religieuse et peut-être humaine en général, la croyance n'est sincère que mise à la torture. Quant au croyant non sincère, il n'est plus qu'un cynique. H. Arendt voyait ainsi en Dostoïevski le « psychologue le plus averti des croyances religieuses modernes » pour avoir dépeint la foi véritable à travers le personnage de Muichkine, l'« idiot », ou d'Aliocha Karamazov dont le cœur est pur parce que l'esprit est simple (Arendt 1989 : 44). Or, curieusement, le régime de croyance attribué souvent, sans autre forme d'examen, aux cultures primitives ou populaires était celui de l'adhésion paisible, de l'admission une fois pour toutes. Les croyances y prendraient la forme du dogme, mais sans solennité, ou de l'idée reçue. Il s'y manifesterait massivement cet état que nous nommons la foi du charbonnier : l'aveuglement tranquille de l'esprit pacifié.

10Le caractère universel ainsi prêté, implicitement ou par décision de méthode, à une modalité de conviction que ne recouvre en aucun cas le terme utilisé pour en exprimer le concept a constamment déterminé l'attitude scientifique à son égard. L'ethnologue est « cet incroyant qui croit que les croyants croient » (Pouillon 1979), ce qui lui « permet de dire qu'il n'est pas croyant » (Certeau 1981). Pouillon démonte de cette façon le raisonnement communément adopté : « Si je dis que les Dangaleat (groupe hadjeraï de la région centrale du Tchad) croient à l'existence des margaï (une sorte de génies), c'est parce que, moi, je n'y crois pas et que, n'y croyant pas, je pense qu'eux ne peuvent qu'y croire à la manière dont j'imagine que pourtant je pourrais le faire » (ibid. : 46). Le problème est évidemment que si l'ethnologue croyait comme il suppose que ceux qu'il étudie croient, le terme de croyance, appliqué en l'occurrence à sa propre attitude mentale se révélerait inadéquat. Voici pourquoi j'ai parlé du piège conceptuel tendu par la catégorie anthropologique de croyance : son emploi risque d'entraîner deux fautes simultanées, en thème puis en version : un « barbarisme » (les autres ne croient pas nécessairement comme je crois) accompagné d'un « contresens » (je ne crois pas de la manière dont j'ai supposé que je croyais afin de comprendre comment les autres croient).

11Étudier les croyances des autres, par exemple les croyances de sorcellerie, c'était donc « s'interdire par avance d'y reconnaître aucune vérité : si c'est une croyance, ce n'est pas vrai » (Favret-Saada 1977 : 17). Toute la question des croyances se ramenait alors à celle des « croyances apparemment irrationnelles » (Sperber 1982). L'anthropologie avait pour mission d'apporter une explication satisfaisante au fait que des hommes puissent adhérer sans recul à des propositions sur le monde qui ont ceci de particulier que la réalité leur apporterait un démenti formel. Il s'agissait pour elle, comme le dit à peu près M. Sahlins, de conclure un marché avec les données de l'ethnographie au terme duquel le contenu est troqué contre une « compréhension ». Il est inutile d'évoquer ici, dans leur détail, les modes d'interprétation successivement proposés par l'anthropologie, faisant tour à tour de la croyance le produit obligé d'un défaut intrinsèque de rationalité, la manifestation d'un type spécifique d'activité mentale et, plus récemment, dans les conceptions relativistes (intellectualiste et symboliste) une tentative rationnellement menée d'explication de l'ordre cosmique et social mais produisant des résultats incomplets ou à prendre au second degré (Sperber op. cit.).

Une catégorie en miettes

12Il fallut attendre les années soixante-dix pour que quelques anthropologues tirent certaines conclusions de cette vérité d'évidence énoncée en 1965 par E.E. Evans-Pritchard : les croyances ne s'observent pas, elles se présument. Or, si leur existence n'est pas directement accessible à l'observation et si, pourtant, les ethnologues n'hésitent pas à désigner, à l'aide de ce terme, une attitude mentale (interior state, écrivait Evans-Pritchard à propos des Nuer), nécessairement inférée de rites et de coutumes particulières mais qui se retrouverait dans toutes les sociétés, c'est que la croyance pose à l'analyse un problème qui n'est pas uniquement celui de l'irrationalité des croyants mais aussi celui de l'armature conceptuelle du savoir anthropologique, un problème épistémologique. L'ouvrage de R. Needham, Belief, Language and Experience (1972), inaugura une réflexion sur le concept de croyance et sur la validité de son emploi, sous une forme générique, en anthropologie.

13L'examen critique de la catégorie de croyance prit plusieurs formes étroitement liées que je vais évoquer sommairement. Tout d'abord, Needham montra que l'observation d'Evans-Pritchard, selon laquelle il n'existe en langue nuer aucun mot susceptible de rendre l'expression anglaise I believe (ne recouvrant elle-même que partiellement notre « je crois » qui englobe le I think et le I guess), avait une portée ethnographique bien plus générale. Certes, l'anthropologie, métier oblige, ne peut manquer de reconnaître la part de sagesse exprimée par le proverbe italien traduttore traditore. Elle en distingue aussi les limites car, à prendre ce proverbe au pied de la lettre, l'anthropologie n'a pas de raison d'être ni, argument autrement décisif, l'expérience culturelle de sens ou l'histoire de réalité. La traduction n'est peut-être pas en théorie possible, elle l'est en pratique. Des langues pourtant riches en catégories verbales désignant les attitudes mentales les plus variées ne disposent donc pas de l'équivalent, même grossier, du concept occidental de croyance, censé s'appliquer à une disposition universelle. Si l'on admet qu'une langue n'a pas pour seule fonction de décrire des événements mais informe la perception, la pensée et les comportements, il y a là matière à mettre en doute l'universalité supposée de la croyance ou, plus exactement, de notre mode de croire. L'homme occidental moderne serait-il donc seul à croire comme il croit ?

14Mais comment croit-il au juste ? Les ethnologues, justement alertés par d'excellentes monographies sur le fait qu'il était hasardeux de délimiter des comportements de croyance chez les autres sans avoir une idée relativement précise de ce à quoi il convient de réserver l'appellation de croyance dans notre propre univers de culture et qui doit (comment faire autrement ?) servir de référence, se penchèrent du même coup sur le concept occidental lui-même, sur ses usages ordinaires et spécialisés, sur les innombrables discours savants qui lui furent consacrés. Ils se retrouvèrent, comme on peut l'imaginer, en pays de connaissance (académique), en compagnie de philosophes, de logiciens, de théologiens, d'historiens, de linguistes, de psychanalystes, etc. Ce qu'ils apportaient, quant à eux, dans la corbeille mais qu'ils n'étaient pas, à vrai dire, seuls à déposer, c'était le témoignage massif et irréfutable des autres, soit la preuve de notre arbitraire culturel. Une expression conceptuelle du conventionnel occidental pouvait-elle servir à isoler des expériences étrangères, tout aussi conventionnelles mais marquées du même sceau de nécessité pour les hommes qui la vivent ?

15On établit sans peine que la catégorie de croyance ne tendait pas un piège à l'analyse dans la seule mesure où on la transporterait dans des mondes culturels où elle n'aurait pas de sens. Le problème, autrement grave, était que « cette catégorie n'en est peut-être pas une, même pour nous, ou du moins qu'il s'agit d'une catégorie éclatée, dont l'éclatement est précisément un phénomène culturel singulier » (Pouillon op. cit. : 46). Le verbe « croire », en français, s'établit à la jonction de deux registres à large extension, celui des modalités de la croyance (qui s'étend du soupçon jusqu'à l'intime conviction) et celui du degré de réalité de la chose tenue pour vraie (qui va du problématique au véritable), qu'il met en correspondance selon des formules infiniment diverses (P. Ricœur). Il peut exprimer « la vraisemblance, la conjecture et l'hypothèse, la probabilité, mais aussi l'apparition d'une idée ou d'une intuition, l'espoir, l'adhésion intellectuelle, et de la certitude au doute, de la confiance à la supputation » (Delaunay 1982). Le café du Commerce est un lieu où s'énoncent des croyances tout comme le Sacré Collège, l'Académie des Sciences ou le for intérieur. On peut croire ce qu'on attend, ce qu'on redoute, ce qu'on espère, ce qu'on veut, ce qui plaît (Delaunay op. cit.) mais aussi ce qu'on pense savoir ou qu'on cesse fugitivement d'ignorer, tout ce que l'on peut ou croire seulement à l'économie, d'expérience ou sur parole, d'évidence ou malgré le démenti de la réalité, et même contradictoirement (« Je me fais fort de démontrer, dit Lichtenberg, que l'on croit parfois à quelque chose, et que pourtant on n'y croit pas »). Il arrive aussi que dire qu'on croit ou qu'on ne croit pas revienne à peu près au même ; « Je n'y crois pas mais j'en ai peur » s'exclame madame du Deffand à propos des fantômes et « C'est faux mais j'y crois » dit B. Croce à propos du mauvais œil (cité par Certeau op. cit. : 369, 370).

16Toutefois, l'analyse sémantique et syntaxique fait apparaître l'existence de deux schémas élémentaires irréductibles, « croire que » et « croire en », auxquels peuvent se rattacher toutes les autres constructions dans le langage commun. Ces schémas sont l'expression linguistique d'une opposition dont les diverses traditions savantes se sont emparées : celle entre énoncé de jugement d'une part et proposition de foi d'autre part, qui n'est nullement coextensive, dans notre univers de culture, à l'opposition entre croyance intellectuelle (mettons) et croyance religieuse. La croyance sincère, mise à l'épreuve, est une croyance du type « croire que... », mais nullement réductible à un énoncé spéculatif sur les modèles, eux-mêmes contradictoires, du « je crois que la Terre tourne autour du Soleil » et du « je crois que, dans le doute, mieux vaut s'abstenir ».

17La catégorie occidentale de croyance associe donc deux concepts contradictoires. Sa principale propriété sémantique est l'ambiguïté. Arrêtons-nous un instant, sur sa constitution interne. Cette liaison paradoxale d'acceptions, en toute logique (culturelle), opposées est-elle, comme Pouillon en fait l'hypothèse, une nécessité (culturelle, elle aussi, c'est-à-dire une invention arbitraire), issue de notre propre tradition de pensée qui a construit l'expérience religieuse en dissociant progressivement foi et savoir ? D'une part, dit-il, à l'opposé des religions dites primitives qui seraient habituellement monistes, nous distinguons généralement entre le surnaturel et l'ici-bas et installons, du même coup, la possibilité du doute à l'intérieur même de l'état de foi. D'autre part, ajoute-t-il, tandis qu'ailleurs chacun pour croire n'a nul besoin d'intercesseur, les grandes religions occidentales se fondent sur « une révélation, des témoignages, une transmission dont la fidélité est garantie par une Eglise ou par des docteurs spécialisés » (Pouillon op. cit. : 51). En somme, le croyant occidental serait acculé à croire simultanément « en » et « que » dans la mesure où, en raison du dualisme chrétien et de l'existence reconnue de faux dieux, il doit croire malgré (le savoir ordinaire) et sur parole (celle des experts). Sperber ne tient nullement pour démontrée cette hypothèse de grand partage. Rien ne prouve, fait-il remarquer, que les « autres » confondent une expression de croyance et une proposition du savoir ordinaire ou n'éprouvent aucun sentiment de différence en formulant une idée sur les vaches, par exemple, ou sur les sorciers (Sperber, op. cit. : 67). Dans tous les cas, il se révèle hasardeux de découvrir, fût-ce par approximations successives, comment les autres croient à l'aide d'une catégorie exprimant deux concepts opposés, se décomposant eux-mêmes en une pluralité de traits conceptuels aboutissant à rendre improbable toute définition opératoire. Comment découper un objet dans ce donné compact et de soi insaisissable que constitue une expérience culturelle étrangère sans lui donner cette forme qu'apporte un nom, c'est-à-dire sans le qualifier ? Comment le qualifier quand le sens du mot que je m'apprête, par instinct de culture, à employer est inapte à déterminer une référence ? Les spécialistes de la religion sont habitués à de telles situations ; c'est peut-être pourquoi, en anthropologie du moins, le domaine du religieux s'est si profondément remodelé.

A la recherche de l'expérience

18Mais les anthropologues ne se contentèrent pas de constater que la catégorie de croyance fusionnait des concepts contradictoires. Needham se livra, en ethnologue, à l'examen de discours spécialisés sur la croyance, philosophiques notamment. Il vérifia que l'histoire de la notion, en anglais, était celle d'une pluralité de sens et que les théories de la croyance, de Hume à Wittgenstein, manifestaient la même variété ; les philosophes l'implantaient à chaque fois dans des étages différents de constructions intellectuelles différentes. Puis Needham passa en revue les divers critères proposés pour délimiter le fait de croyance. Il en établit la faible valeur opératoire. Des arguments supplémentaires peuvent d'ailleurs être apportés, tirés des recherches menées dans diverses disciplines, qui corroborent ses conclusions.

19Croit-on en raison de la possibilité de la chose crue ? On croit aussi bien parce qu'elle est impossible ou en dépit de cette impossibilité, sur le registre du « Je sais bien... mais quand même » (Mannoni 1985). La croyance dépend-elle de la réalité de son contenu ? Il faut immédiatement préciser : de son impression de réalité tant il est vrai que tous les faits proposés à notre connaissance (ou à nos émotions) sont déjà considérés sous un certain angle (cela s'appelle la culture), donc construits et pour une large part spéculatifs. Du reste, si la réalité venait jamais à imposer son évidence, parlerait-on de croyance ? La croyance repose-t-elle sur les preuves apportées par le (ou au) croyant de l'existence ou de la vérité de son contenu ? Ce serait oublier qu'il n'est, pour le croyant, de preuves qu'à l'intérieur du système de sa croyance. Voici ce qu'écrit Evans-Pritchard à propos des Azandé : « Que le lecteur considère n'importe quel argument qui démolirait complètement toutes les prétentions zandé concernant le pouvoir de leurs oracles, si un tel argument était traduit dans les modes de pensée zandé, il servirait à soutenir l'ensemble de la structure de leurs croyances » (Evans-Pritchard 1972). A l'inverse, quel incroyant se mettrait à croire en Dieu du fait des preuves qui lui seraient apportées de l'existence de Dieu ? (E. Bevan cité par Needham). La nécessité serait-elle un critère de croyance ? Il n'existe pas de propositions nécessairement crues et si une proposition était telle qu'on puisse établir qu'elle est nécessairement crédible, elle ne serait plus objet de croyance. Il en est de même du critère de vérité, le plus lié à l'acte de croire dans toutes les théories de la croyance, tout simplement parce que, dans notre système de pensée, la référence au vrai est une condition d'emploi du verbe « croire ». Pourtant, il n'est même pas besoin de rappeler cette « vérité d'évidence » (donc mise en doute) que la vérité est elle-même plurielle par la force de la culture et qu'il n'existe que des « programmes hétérogènes de vérité » (Veyne 1983), non seulement successifs mais bien simultanés ; la vérité ne saurait être une « expérience réaliste » qu'aux yeux des... croyants, ce qui permet en toute logique (sommaire) de disqualifier la proposition. Il suffit de considérer qu'aucune propriété attachée au vrai n'autorise à déduire quelle est l'attitude mentale de l'individu désigné comme étant en état de croyance. Le vrai ne dévoile pas l'énigme du tenir pour vrai. La croyance est-elle un acte de volonté ? Certains l'ont affirmé en parlant d'« engagement ». Croyez et vous verrez... Mais on voit mal comment, d'une part, différencier l'engagement dans la croyance d'autres modalités d'engagement et comment, d'autre part, tenir cet énoncé pour une description de la croyance. C'est davantage un code à l'usage des croyants. La croyance serait-elle disposition à l'agissement, promesse d'action, c'est-à-dire non détachable de ses conséquences pratiques ? « Croire, c'est agir », disait P. Janet (cité par Certeau), parier par exemple. Or, la transcription en acte est peut-être nécessaire pour qu'on puisse parler de croyance, mais sûrement pas suffisante (on se souvient de l'évêque Becket). Je n'évoquerai pas ici les critères de détermination psychologiques de la croyance (le degré de conviction, d'intensité dans l'adhésion ou de stabilité dans la disposition à croire) : ces degrés ne sont pas mesurables.

20Les discours spécialisés échouent donc à s'entendre sur la délimitation de critères univoques pour définir la croyance. Pourquoi ? Parce que ces discours parlent moins finalement du phénomène que de la notion et que cette notion provient du langage commun. L'idée « philosophique » de croyance est lourde des conventions linguistiques qui gouvernent les usages de ce mot.

21Une conclusion s'imposait : la notion de croyance est le produit d'une tradition de pensée particulière (admettons le singulier), la nôtre, qui seule peut-être décèle une liaison dans la pluralité qu'elle reconnaît, au niveau du langage, des modes de croire. Cette notion ne saurait donc être promue en instrument de description pour l'ethnographie (à condition qu'on puisse s'en passer puisqu'il faut bien nommer, au préalable, les choses qu'on étudie, ne serait-ce que pour les « apercevoir », et que la nomination ne peut éviter l'emploi des catégories de notre langue), ni, a fortiori, en concept anthropologique. Chacun des traits conceptuels qu'elle associe peut sans doute trouver son équivalent dans les traditions de pensée étrangères mais pas le complexe sémantique qu'ils forment ensemble ici. L'expérience à laquelle réfère ce complexe, à supposer qu'elle soit définissable, c'est-à-dire que soient délimitables les conditions qu'elle doit remplir pour être qualifiée de croyance, ne peut être érigée en « ressemblance naturelle entre les hommes » (Needham), ainsi que peuvent l'être certains états de conscience, si diversement conceptualisés soient-ils (douleur, surprise, émotion, etc.) d'une culture à l'autre. Rien n'autorise à évoquer une aptitude universelle à croire ni à postuler une nécessité sociale de la croyance. Ce n'est donc pas seulement que « chaque société croit à sa manière et que sa manière ne coïncide pas avec la nôtre » (Veyne ibid.) ; c'est que les manières dont toutes les sociétés « croient » à nos yeux n'entretiennent entre elles qu'un vague « air de famille » que nous sommes, de surcroît, incapables de décrire.

22On me pardonnera de m'être tant attardé à faire l'historique d'une catégorie qui devrait logiquement être désormais remisée dans le magasin des « mauvais » outils d'analyse. A quoi bon, dira-t-on, ce rappel fastidieux, par spécialistes interposés, à une rigueur conceptuelle dont on sait les effets dépressifs ? Si je l'ai fait, c'est pour deux raisons. D'abord, on a rencontré, chemin faisant, bon nombre de questions qu'abordent, à leur manière, les articles qu'on va lire. Le lecteur comprendra peut-être mieux le parti pris de méthode qu'ils adoptent. Ensuite, à faire le détour par les difficultés que l'ethnologie a, de son propre aveu, affrontées et que l'anthropologie s'est efforcée de mettre au jour, on s'aperçoit bien que la balle est dans le camp d'une ethnologie d'ici même. Si la notion de croyance n'a de référentiel qu'au sein de notre tradition de langage et si de l'expérience qu'elle nous sert, maladroitement ou faussement, à nommer les ethnologues ont quelque chose d'autre à dire que ce qu'en disent les philosophes ou les linguistes, l'occasion est belle de le vérifier.

L'ethnographie des bonnes raisons

23Ce volume de Terrain présente toute une série de ces « êtres objectifs » que le discours éclairé appelle volontiers, à la façon du Directoire, des incroyables. Présents mais illicites, ils ont des muscadins la tenue extravagante (pour l'époque), l'allure mystérieuse (pour la raison), la silhouette de conspirateurs (contre le progrès). Mais est-il besoin de préciser que ce numéro n'entend nullement témoigner d'une quelconque « montée de l'irrationnel » dont on sait qu'elle est généralement mesurée à l'aide de thermomètres que leurs fabricants ont omis de plonger dans le bain de la neutralité axiologique ? Ces « êtres objectifs », exilés du savoir scientifique donc bannis de la sphère du pensable, ne rentrent pas, pour ceux qui en parlent ici, dans une galerie de croyances, une exposition de l'imaginaire moderne. C'est, d'une certaine manière, tout le contraire.

24Les contributions rassemblées dans ce fascicule sont l'œuvre de chercheurs qui ne croient plus à la croyance ou bien y croient, au contraire, si fort qu'ils renouent avec une certaine inspiration, fidèle au principe de symétrie dirait peut-être B. Latour (infra), celle qui conduisait, mais pour d'autres raisons, Hume à considérer tout savoir humain comme plus ou moins réductible à des croyances, ou Russell à affirmer que tout savoir est douteux. Les croyants que ces articles nous présentent n'adhèrent point à leurs représentations comme le charbonnier à sa foi ou l'immense majorité des anthropologistes d'hier à l'existence des races. Ils se posent des questions, prennent leurs distances avec leurs convictions, rusent avec elles, cherchent des répondants. Ce faisant, ils claquent la porte du champ traditionnellement fixé de la croyance en la tenant, sous une forme tiraillée (Pouchelle, infra) ou de manière appliquée et durable sur le modèle de l'enquête (Lagrange, infra), pour un objet intellectuel. Ces croyants sont - on en discutera - ou se donnent à voir comme des sceptiques (Charuty, infra), férus de vérification, versés quand le moment l'exige dans l'art de la preuve, balançant d'un régime à l'autre (Claverie, infra). Qu'ils soient « pris » ne les empêche pas de manipuler les lois de la causalité (Favret-Saada et Contreras, infra). Bref, les auteurs des articles usent du terme de croyance, quand ils l'emploient, avec des pincettes mais ne mettent pas celui de preuve entre guillemets. Ils adoptent une démarche fondamentalement différente de celle que j'ai sommairement décrite au début de cette présentation, imprégnée de l'idéologie étroitement rationaliste de l'observateur. Ils ont épousé la certitude qui fut celle de J. Favret-Saada, se penchant sur ce que d'autres, avant elle, avaient dit de la sorcellerie paysanne et découvrant ce qu'elle était en réalité : « Il faut bien se résoudre, écrivait-elle en 1977, à pratiquer une autre ethnographie. »

25Pratiquer une autre ethnographie, c'est se refuser d'abord à échanger subrepticement, ou par décret de méthode, le contenu propre du système contre une logique de compréhension externe. J'entends par compréhension externe l'opération qui fait l'économie de la compréhension interne en recourant, par exemple, à des déterminations exclusivement sociologiques (sociologisme) ou psychologiques (diagnostic de délire individuel ou collectif). Dans le marché que concluent les auteurs des articles avec les faits (mais on va voir en quel sens il convient de prendre le mot de fait), ils gardent tout pour eux, le contenu et sa compréhension qui réside presque tout entière dans sa description. Ils ne vont pas du particulier, qui serait une expérience singulière donnée à l'observation, au général qui l'expliquerait. Ils tiennent le particulier pour une construction, exactement comme la compréhension. Ce qu'ils entendent comprendre de l'intérieur, c'est en somme un régime de compréhension.

26Si tel est bien l'objet de l'analyse, le moins que puisse faire l'ethnographe est de prendre au sérieux le contenu à la fois proposé au et constitutif du régime de compréhension. Le moyen nécessaire, mais non suffisant, de le prendre au sérieux consiste à ne pas l'assujettir d'emblée au critère du vrai ou du faux, à ne pas le faire tomber au préalable sous l'alternative de l'existence ou de la non-existence. L'ethnographe ne saurait essayer de comprendre comment les autres comprennent si, à l'avance, il stipule qu'il n'y a rien à comprendre dans ce que des hommes se donnent à comprendre. Cette dernière attitude fait automatiquement basculer le schéma d'interprétation dans une perspective externe de restitution du sens. La démarche opposée, éthiquement plus généreuse d'ailleurs (je ne suis pas sûr que le don du sens à autrui soit gratuit), consiste à faire heuristiquement crédit. A écouter ce qui est dit, à prendre les mots des autres au pied de la lettre. C'est, après tout, la définition de la bonne ethnographie.

27Décider de faire heuristiquement crédit au discours des autres revient à adopter le principe de méthode wébérien : les hommes qui adhèrent, sous des formes infiniment variées et fluctuantes, aux propositions qu'ils formulent, selon des modalités tout aussi diverses, y sont poussés par de bonnes raisons. Ces bonnes raisons sont d'abord celles-là mêmes que les acteurs sociaux en donnent parce qu'on peut supposer qu'ils les ont dans l'esprit. Telle est l'hypothèse la plus économique. Il est toujours temps ensuite de leur prêter une fausse conscience et de chercher d'autres raisons. Certes, dit-on en France surtout, il n'est de science que du caché mais il est assez logique de commencer par tout ce que les hommes dévoilent d'eux-mêmes, fût-ce de manière incomplète et fragmentée, c'est-à-dire de débuter par les idées qu'ils ont en tête, les mots et les comportements par lesquels ces idées s'expriment. C'est bien d'ailleurs ce que les scientifiques réclament aux sociologues des sciences qui entreprennent de les constituer en objet de connaissance. Les bonnes raisons que livrent les hommes qui sont convaincus à des degrés divers, celles pour lesquelles ils participent d'une idéologie par exemple (Boudon 1986) ou comprennent le monde à leur façon, sont compréhensibles parce que rationnelles. Si elles ne l'étaient pas, comment les comprendre de l'intérieur ? En d'autres termes, les constructions de « croyance » ou les régimes de compréhension dont traite ce volume de Terrain sont regardés ici comme naissant non pas bien que l'homme soit en théorie rationnel mais parce qu'il l'est. L'irrationnel de l'autre est la plus pauvre des prétendues explications dans la mesure où il correspond à un jugement apporté toujours de l'extérieur, exœquo - avouons-le à cette occasion - avec la théorie du complot ou bien de la mystification. La preuve par le défaut de rationalité est celle qui reste quand on a tout déployé : le refuge d'un échec à comprendre, sans doute d'un refus de comprendre.

28Comprendre de l'extérieur (« se brancher sur un réseau culturel particulier » dit excellemment D. Sperber) demande évidemment de récuser le point de vue objectiviste. Celui-ci suppose, comme son frère ennemi (le subjectivisme), l'« occupation d'un lieu imaginaire d'où les choses se dévoileraient telles qu'elles sont à un observateur qui ne serait rien, n'aurait pas à prendre en charge le fait qu'il existe et le fait qu'il pense - qu'il existe ici et maintenant, et qu'il pense toujours à partir d'un déjà-pensé » (Lefort 1978 : 8). Telle est la leçon tirée de son expérience bocaine par J. Favret-Saada « qu'il faut au moins un sujet ». Il n'y a pas dans les faits qu'étudie l'ethnographe et qui ne sont pas des choses dans une acceptation naïve de la formule durkheimienne (« Il faut considérer les faits sociaux comme des choses ») une signification promise au ramassage comme un poisson au filet lancé d'un bateau. La réponse offerte par les acteurs sociaux à celui qui les interroge, sous la forme des « bonnes raisons » évoquées plus haut, n'est pas indépendante de la question posée. Sans questions, pas de données ; sans sujet, pas de questions ; sans engagement, pas de sujet. L'ethnographie telle qu'elle est ici conçue s'inscrit contre une « pensée de survol », un « savoir en surplomb » (Merleau-Ponty, cité par Lefort). L'ethnographe est embarqué.

29Si l'ethnographe, aux prises avec des constructions de « croyance » et de compréhension, est condamné à s'impliquer pour comprendre, c'est - dernier point à souligner - que ces constructions sont sociales. « Peut-on croire seul à quelque chose ou à quelqu'un ? » demandait M. de Certeau. La réponse est, à l'évidence, négative parce qu'il faut toujours un répondant et que ce répondant est social : d'autres y croient (ce n'est pas seulement un subterfuge pour « faire passer » sa croyance comme dans le Bocage) ; une institution entière s'établit en preuve comme dans le régime médiéval de croyance (Boureau, infra). Même Madame G., communiquant seule à seul, avec Claude François est installée dans un champ de forces sociales, agissant en arrière-plan, où s'élabore et se reproduit au jour le jour sa conviction (Pouchelle, infra). Certes, croire est une attitude mentale qui se localise bien au bout du compte, dans des cerveaux particuliers. Mais croire relève de l'activité sociale en tant qu'établissement d'un accord entre certains hommes, fût-ce pour se faire ensemble la guerre, instauration d'une différence avec d'autres, manifestation d'une rupture. La croyance, c'est ce qui se passe entre des individus qui croient ; à la fois un produit de société et la production d'un lien social. M. de Certeau parle d'une « toile d'araignée organisant un tissu social » (op. cit. : 364) et, plus loin, d'un « art de l'autre ». L'ethnographie n'a sûrement pas pour vocation d'élucider seule ce tout qu'est une adhésion de l'esprit, mais l'essentiel de sa mission consiste à rendre compte de l'engagement relationnel par lequel cette adhésion et les bonnes raisons qui la fondent prennent forme et se reproduisent ici et maintenant. Rendre compte de cet engagement relationnel appelle une description, lestée par l'implication de l'ethnographe, du jeu de positions sociales entre lesquelles circulent du pouvoir, de la dépendance, de l'autorité, du crédit, de la connivence, au travers de mots échangés ou d'acquiescements muets, de comportements attendus, entre lesquelles se font et se défont des rapports de force et de sens, pourvus d'une temporalité propre.

30Tel est donc, me semble-t-il, le type idéal d'ethnographie que requiert, selon les chercheurs qui s'y appliquent, l'étude des faits présentés dans ce volume. Les ethnologues qui s'attachent, dans des sociétés exotiques, à des objets comparables y retrouveront, à peu près, celle-là même qu'ils mettent en œuvre (Augé 1979). Mais là-bas, s'agissant d'autres sociétés, refuser d'assujettir d'emblée les systèmes de croyances (mettons) et de compréhension au critère du vrai ou du faux va, si je puis dire, culturellement de soi. L'ethnologue n'y adhère pas mais admet que d'autres, dans la mesure largement où ils sont autres, y adhèrent et il leur trouve de bons motifs. Ici, s'agissant de notre propre culture, gouvernée par les idées de raison et d'objectivité, et de notre propre monde, désenchanté par la science, va-t-il autant de soi de ne pas faire tomber, d'entrée de jeu, ce à quoi croient des hommes qui nous sont proches sous l'alternative du vrai ou du faux ? Admettons-nous qu'ils adhèrent à ces vues de l'esprit autrement que sous l'aspect d'attardés de service ? Le poids de la science ne nous interdit-il pas, au nom de cet « instinct » de raison qui est ici instinct de culture, de leur faire heuristiquement crédit ?

La science ne fait pas crédit

31Les contributions réunies dans ce volume posent évidemment la question de la science. Comment pourrait-il en être autrement ? C'est à la science qu'on doit, en effet, le discrédit attaché aux régimes de compréhension qui n'en relèvent pas, leur statut officiel en tant qu'objets de connaissance (croyances, superstitions) et l'interdiction ressentie de penser leurs contenus, c'est-à-dire de les prendre au sérieux. A tous ceux qu'à cause d'elle, on tient pour des croyants, il conviendrait seulement de chercher des excuses, non point de bonnes raisons et en tout cas pas celles qu'ils donnent. Demander qu'on accorde à ce que la science considère comme des vues de l'esprit un minimum de crédit, sous l'aspect d'un pari heuristique, revient donc à interroger le discours scientifique qui joue, dans cette affaire, le rôle du banquier. Cette interrogation prend deux formes, l'une atténuée, l'autre radicale.

32La forme atténuée d'interrogation du discours scientifique consiste donc à refuser que soient évacuées, en son nom, de la sphère du légitimement pensable les modalités de construction et de compréhension du monde qui rentrent en conflit avec le régime scientifique de construction et de compréhension des faits. L'astrologie, par exemple, toujours citée dans ce genre de débat, mais aussi bien les constructions de l'esprit présentées dans ce numéro méritent ainsi qu'on s'y intéresse (scientifiquement) sans les disqualifier à l'avance en tant qu'objets de connaissance. Il me semble que l'ethnologie ne se plie pas à ce qui serait un diktat de la science. Son histoire, récente en tout cas, témoigne pour elle. D. Sperber (1988) rappelle à juste titre qu'il n'y a aucun sens, pour un anthropologue, à trier a priori entre les savoirs ou les discours dont il convient de rendre compte. Tous sont également dignes d'être étudiés, compris et expliqués. On va voir pourtant que l'argument est à double tranchant. Quoi qu'il en soit, peut-on réellement parler d'un diktat de la science ? Remarquons, sans nous engager dans une discussion qui n'a pas sa place ici, qu'évoquer la science au singulier, c'est prêter vie à une fiction. Il n'est de science qu'au pluriel. Une formule du genre « la science » traduit chez celui qui l'emploie l'intériorisation d'une image que les sciences voudraient se donner d'elles-mêmes à l'extérieur (être la raison même à l'œuvre) ou seulement, peut-être, l'idée que le locuteur et une bonne part de sa société, la nôtre, s'en font. Il n'existe aucune relation directe, nécessaire, entre l'autorité scientifique historiquement mise en place au sein de chaque branche de savoir pour en organiser le développement et l'autorité sociale conférée par notre culture à une forme générale de savoir ou une sagesse particulière, même si les scientifiques eux-mêmes s'accommodent d'endosser cette autorité sociale. Bref, la compétence scientifique, nécessairement localisée, ne saurait servir de fondement à un mandat social. C'est cette science-là, au singulier, qui entend mesurer objectivement les idéologies et les croyances, délimiter entre représentations convenables et vues de l'esprit. Il n'y a aucune sorte de justification rationnelle à se soumettre à ce que dit cette science au singulier qui n'est rien d'autre qu'un point de vue sur le monde.

33Les diverses sciences, même les plus dures, le savent bien d'ailleurs. Elles se gardent, plus qu'on ne le suppose, de séparer trop nettement entre les vues de l'esprit scientifique et les autres, de trier entre les produits de connaissance. Pourquoi ? D'abord parce qu'elles n'ignorent pas leur passé et que ce passé les convainc qu'il n'est aucune idée, si ancienne ou si absurde soit-elle en apparence, qui ne soit capable de faire progresser notre connaissance. P. Duhem rappelait ainsi que l'astrologie judiciaire a joué son rôle dans le développement des principes de la mécanique céleste. Les historiens des sciences multiplient les constats de ce type. Ensuite parce que, contraints de par leur logique de fonctionnement à ne tenir pour (provisoirement) vrai que « le dernier état de la science » (Veyne), les scientifiques doivent admettre que « le savoir d'aujourd'hui peut devenir le conte de fées de demain » (Feyerabend 1979). D'où une attitude prudente envers les contes de fées... et les objets de l'ethnologie. Mettre en accusation la science au nom d'une légitimité revendiquée pour les modes et les produits de connaissance qui n'en seraient pas selon elles, c'est donc - me semble-t-il - se fabriquer un ennemi en partie imaginaire pour le pourfendre à volonté. La forme atténuée d'interrogation critique du discours scientifique s'adresse moins aux sciences elles-mêmes qu'aux prétentions dont on les crédite, largement à tort. Elle relève d'une erreur de tir.

34La forme radicale d'interrogation du discours scientifique (Latour, infra) est, d'une certaine manière, beaucoup plus cohérente. Elle consiste à dire ceci : prendre au sérieux les régimes non scientifiques de construction et de compréhension du monde exige, en toute logique symétrique (Bloor) de pensée, d'appliquer au régime scientifique de construction et de compréhension des faits le traitement exact qu'on fait subir aux premiers, de placer sur le même plan épistémologique les « croyances » d'une part, le savoir d'autre part, ce savoir qui autorise justement à parler, par opposition, de croyances. Il n'y aurait pas, d'un côté, des représentations (scientifiques) déterminées uniquement par des impératifs de connaissance et qui trouveraient en elles-mêmes leur propre justification, de l'autre, des représentations (non scientifiques) soumises à des facteurs sociaux et culturels et qui appelleraient une explication extrinsèque. L'ethnologie des croyances requiert l'existence d'une anthropologie de la science ; « croyances vraies » et « croyances fausses » relèveraient du même type de causes. On comprend maintenant pourquoi l'argument de Sperber, selon lequel tous les savoirs sont également dignes d'être étudiés, compris et expliqués par l'anthropologie, est susceptible de se retourner contre son auteur qui affirme ensuite impensable de mettre sur le même plan épistémologique l'astrologie, par exemple, et l'astronomie. Qu'on traite scientifiquement de la première, oui, mais sans lui accorder la même valeur que l'astronomie en tant que « source de connaissance » des objets dont elle parle (Sperber op. cit. : 17). Autrement dit, Sperber assujettit bien d'emblée l'astrologie au critère du vrai ou du faux. Pouvons-nous, demande-t-il non sans quelque raison (culturelle), éviter de le faire ? C'est tout le problème, semble dire B. Latour. Toutefois, je relèverai que c'est moins de source de savoir dont il s'agit que de démarche de connaissance.

35Il n'y a pas lieu ici d'évoquer les problèmes que soulève la constitution d'une anthropologie de la science. Tout au plus rappellerai-je qu'un tel programme est fort bien admis par certains épistémologues. Ainsi, P. Feyerabend (mais on m'opposera que l'exemple n'est pas pris au hasard) refuse-t-il que la science soit exclue de toute relativisation de ses formes de pensée. Selon lui, « la pratique consistant à inventer, appliquer, améliorer des théories est un art » (Feyerabend, ibid.), donc un phénomène historique, nullement la raison à l'œuvre. Plus généralement, l'existence de traditions épistémologiques violemment opposées rétablit un peu de symétrie dans l'analyse comparée des productions de connaissance.

L'air du temps scientifique

36Je me bornerai, en guise de conclusion, à faire sans malice l'hypothèse que les représentants des sciences « dures » - celles-là mêmes à partir desquelles s'est construite la représentation sociale de la science - ne se sentiraient nullement dépaysés en arpentant, avec les auteurs des articles rassemblés ici, les lieux divers où s'élaborent, sous la forme d'un art de l'autre, des vues de l'esprit.

37Diraient-ils, par exemple, que les régimes de compréhension construits ici ou là s'appliquent à des faits dépourvus d'existence et que c'est la raison pour laquelle il ne s'agit que de vues de l'esprit ? Sûrement pas parce que telle est exactement l'objection préjudicielle du sens commun à la science. Les scientifiques savent bien que « la science ne connaît pas un seul fait brut » (Feyerabend), qu'eux-mêmes consacrent tout leur temps à construire des faits, que ces faits sont donc déjà spéculatifs (théoriques). Diraient-ils alors que les faits ainsi construits, des apparitions de la Vierge aux soucoupes volantes, sont par trop dépendants des opinions ou des désirs de ceux qui les élaborent ? Ils se verraient, peut-être, rappelés à l'ordre par certains de leurs collègues, moins positivistes, doutant que les faits scientifiques soient si froids au nom, par exemple, du principe (pragmatiste) que la vérité d'une idée (d'un fait) est aussi déterminée, même en science, par la satisfaction qu'elle procure.

38Ces représentants des sciences « dures » pointeraient-ils l'aspect structurellement incomplet du discours cognitif non scientifique, tel celui en lequel consiste la sorcellerie ? Sans doute pas car ils n'ignorent point que tout discours, le leur aussi bien, trouve les conditions de son efficacité dans la mise entre parenthèses d'une partie du réel (Favret-Saada).

39Reprocheraient-ils à ceux qui énoncent des propositions sorcellaires sur le monde social ou participent de ces entreprises de connaissance qu'on dit para-psychologiques d'avoir pour seul répondant le consensus d'une communauté (ceux qui y « croient ») ? Certes, mais les scientifiques ne peuvent omettre le fait que, dans leur activité, l'adaequatio (la correspondance avec les choses telle qu'elle se vérifie expérimentalement) n'est pas l'unique critère de vérité. Dans les sciences aussi, une proposition peut être tenue pour (provisoirement) vraie dès lors qu'elle s'intègre convenablement à un ensemble de propositions déjà admises pour vraies par une communauté sociale. Correspondance et consensus forment un couple inséparable. La notion de paradigme sert précisément à désigner des éléments de principe soustraits, par accord, à la remise en question. C'est un cadre de référence accepté « de confiance ». On sait, plus généralement, que la connaissance scientifique ne saurait exister sans croyances (« en » ou « que » ?) non démontrées. Il s'agit d'une nécessité logique autant que pratique sinon toute proposition appellerait une opération de régression à l'infini, ou bien arbitrairement arrêtée (Boudon op. cit.). Bref, d'une certaine manière, les contenus de la science comme ses démarches sont déterminés partiellement par un accord socialement constitué, des conventions de « culture », un contrat de confiance. L'activité scientifique moderne, comme le régime de croyance médiéval, repose sur une « preuve animée » : l'édifice scientifique (où les morts gouvernent largement les vivants).

40Les hommes de science remarqueraient-ils seulement les efforts que déploient tous ceux qui, frappés du label de croyants, s'efforcent de faire créditer leurs régimes de savoir ou de compréhension ? Eux-mêmes savent trop d'expérience, surtout s'ils connaissent de l'intérieur les instances de décision, que les techniques de persuasion ne se résument pas à l'art de la démonstration et que si les résultats de la recherche apparaissent, c'est à l'aide d'éléments non scientifiques. Le champ scientifique, lui-même peu apaisé, ouvre sur un théâtre d'opérations où s'exercent les stratagèmes de la « propagande » (A. Koyré, à propos de Galilée). Il y a, dit Feyerabend, « en tout scientifique un opportuniste épistémologique (ou un cynique) », comme en tout « croyant » un missionnaire avisé. I. Lakatos a bien montré que l'imagination créatrice du chercheur est condamnée à s'appliquer aussi hors de son domaine de recherche pour « créer l'intérêt », imposer son programme de vérité.

41Pas davantage ces hommes de science ne désigneraient-ils à l'attention les intérêts « objectifs » du producteur de savoir non scientifique. Pour le dire brutalement et selon des termes qui ne sont pas miens, la recherche est (aussi) une affaire ; dans les grandes institutions, la science est (aussi) guidée par un « système de primes », matérielles et symboliques. Les scientifiques qui l'auraient oublié peuvent lire P. Bourdieu.

42Est-ce à dire qu'il n'y aurait aucune différence entre les régimes de compréhension non scientifique (les « croyances ») et le régime de compréhension scientifique (le savoir) ? Personne ne songerait à le soutenir ; même pas ceux qui érigent l'ethnographie des lieux où s'élabore, ici et maintenant, cette pratique sociale qu'est aussi la science en anthropologie de la science. Mais cette différence n'est pas massive et continue comme une « frontière naturelle » (B. Latour). Car cela même qui départage le savoir scientifique et les autres savoirs, cet ordre de finalité à la fois historique et impersonnel qui s'efforce de se détacher des intérêts humains sans pouvoir les ignorer, ces normes cognitives s'établissant en contraintes mentales et fondant sur le long cours une tradition d'examen critique disposant de ses moyens, cet intérêt de connaissance (Isambert), paraît exister d'évidence (pourtant, cette évidence que « la science sait mieux » en est-elle une, demande Feyerabend, pour les hommes qui ne sont pas culturellement préparés à l'accueillir ?) mais reste relativement indéfinissable : on n'a jamais pu énoncer des règles ou des critères de connaissance scientifique universellement valides et contraignants, unanimement acceptés.

43Que le rapport entre le savoir et ces régimes de compréhension qu'on doit à la science d'appeler des croyances soit complexe, ce volume de Terrain le rappelle à sa manière. Il fait, en effet, la démonstration qu'en plein siège de l'irrationnel supposé, la pensée scientifique reste un modèle de référence. L'incroyable, ici même, participe de l'air (scientifique) du temps.

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Pour citer cet article

Référence papier

Gérard Lenclud, « Vues de l'esprit, art de l'autre »Terrain, 14 | 1990, 5-19.

Référence électronique

Gérard Lenclud, « Vues de l'esprit, art de l'autre »Terrain [En ligne], 14 | 1990, mis en ligne le 17 juillet 2007, consulté le 08 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/2967 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.2967

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Auteur

Gérard Lenclud

Laboratoire d'anthropologie sociale

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