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PARENTÉ

La parenté comme vecteur de comparaison

Kinship as a vector of comparison
Comparator
p. 177-210

Résumés

La parenté est par excellence un objet qui nourrit l’anthropologie comparative à condition de refuser que la procréation en soit le point d’ancrage universel. À l’inverse, une démarche comparative itérative, dont le point de départ est déstabilisé par les données ethnographiques – en particulier la diversité des formes non procréatives de parenté et les modalités de transmission des responsabilités relationnelles –, permet de contester l’idée d’un fondement unique et de s’interroger sur la spécificité de la parenté par rapport à d’autres relations.

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Notes de la rédaction

Cet avatar procède de Pietra Peneque

Texte intégral

— Victoire, je sais ce qu’est la parenté !
— Quel type de besoin as-tu ainsi satisfait ?

  • 1 Pour une discussion déjà ancienne, voir Allard 2006. Pour une version plus récente de la controvers (...)

1L’anthropologie a très longtemps vu dans la procréation – c’est-à-dire la reproduction sexuée des humains – le noyau dur ou l’armature des relations de parenté, comme l’a montré David M. Schneider (1984) dans un livre qui a joué un rôle pivot dans l’histoire du domaine. En effet, selon Schneider, les anthropologues auraient toujours appréhendé les relations de parenté, ne serait-ce que de manière implicite ou inavouée, comme des élaborations sociales ou culturelles prenant appui sur des faits biologiques, ce qui selon lui va parfois totalement à l’encontre des représentations locales. Les anthropologues qui considèrent le rôle de la procréation comme fondamental tendent, très généralement, à ne pas en débattre tant il leur paraît évident. Et ce sont donc, paradoxalement, celles et ceux qui cherchent à en relativiser le rôle qui l’érigent en objet central de leur argumentation. Entre les anthropologues qui refusent la critique de Schneider et celles et ceux qui s’en sont inspirés pour donner un nouveau souffle à l’étude de la parenté, le fossé ne semble pas s’être résorbé au cours des décennies passées et la procréation reste le point d’articulation du débat1.

2Si, comme l’affirme Schneider, le seul fondement à l’étude comparative de la parenté est la valeur fondamentale reconnue aux liens issus de la procréation, dès lors que celle-ci est rejetée, la possibilité de tout travail comparatif disparaît. De fait, si les significations culturelles sont jugées incommensurables, toute comparaison semble frauduleuse, car infondée. Comment dès lors faire exister une anthropologie de la parenté raisonnable ? Comme je chercherai à le montrer après d’autres (p. ex. Iteanu 2000), Schneider a peut-être rejeté en bloc toute possibilité de comparaison parce qu’il en avait une conception statique quelque peu caricaturale. À l’inverse, je défends une mise en perspective itérative et dynamique des faits associés à la parenté, pour laquelle la définition d’un objet bien circonscrit (« la parenté ») n’est ni un préalable nécessaire ni un objectif pertinent. De mon point de vue, si la parenté occupe, depuis le début de la discipline, une place privilégiée en anthropologie, c’est précisément parce qu’elle « déborde » en permanence (sur des activités que l’on peut qualifier d’économiques, de politiques, de religieuses, etc.), et non parce qu’elle repose sur un point d’ancrage immuable et universel. Cette mutabilité n’est pas un problème à résoudre, mais un fait dont notre conceptualisation de la parenté doit rendre compte : il faut donc s’efforcer de la maintenir en mouvement dans l’analyse, lui ouvrir de nouveaux terrains, consolider certaines certitudes et en abandonner d’autres.

  • 2 Voir Leach in Kuper 1986 : 375 et 380.

3Si une approche de la parenté fondée sur une définition doit se justifier par rapport à d’autres définitions, ma position peut paraître refuser les règles du débat puisqu’elle revient à ne pas se positionner sur ce plan. Mon refus de prendre un parti pris unilatéral ne procède pas d’un argument méta-anthropologique affirmant a priori que toute définition est vaine. Il s’agit plutôt de prendre acte de l’écart frappant entre la richesse des analyses qu’ont proposées les anthropologues de la parenté depuis plus d’un siècle et les résultats décevants des débats théoriques qu’elles ont suscités. La voie que je propose d’emprunter pour participer au débat sur la parenté se doit, pour être tenable, d’éviter deux écueils. Le premier est le risque du compromis éclectique permanent qui consiste, par principe, à adopter une conception « post-parenté » floue et si englobante qu’elle ne signifie plus grand-chose (« relatedness », « mutuality of being ») : c’est la social-démocratie théorique. Le second écueil consiste à refuser d’avancer la moindre proposition dotée d’une portée générale au nom de la pluralité des perspectives et de l’idiosyncrasie de chaque cas : c’est le conservatisme ethnographique. Cependant, pour paraphraser Wittgenstein et Leach, je dirais que « la nature de la parenté, nous en avons tous fait l’expérience en naissant et en grandissant2 ». Mais tous les êtres, humains ou non humains, qui viennent au monde n’y sont pas accueillis de manière identique et n’y grandissent pas de la même façon. Reconnaître la pluralité des sens sous lesquels il est possible de comprendre la parenté n’implique ni d’en privilégier un, qu’il soit large ou restreint (ce qui reviendrait à neutraliser ou rétrograder – comme secondaire, fictif, extensif, etc. – l’ensemble des autres), ni de se limiter par principe à constater cette pluralité. Il s’agit, en revanche, de trouver le moyen d’en rendre compte.

  • 3 Les anthropologues du milieu du xxe siècle, comme certains de leurs épigones contemporains, ont sou (...)

4Mon approche est, en conséquence, guidée par un double mouvement. D’une part, elle se présente comme un projet ethnographique : la parenté est un outil pour décrire et comprendre des pratiques et des réalités sociales diverses, toujours susceptibles de se transformer. Dans cette perspective, il ne s’agit nullement d’un objet de savoir anthropologique dont le champ porterait exclusivement sur les sociétés qualifiées d’exotiques ou de traditionnelles et dont les pratiques afférentes pourraient alors être considérées comme des survivances éventuellement vouées à disparaître3. La parenté doit, bien au contraire, intégrer continûment les données fournies par de nouveaux contextes et, par là, laisser la place à de nouveaux objets éventuels et, pourquoi pas, en délaisser d’autres. Ma démarche à ce niveau est donc bel et bien comparative. Mais la comparaison dont il est question se doit de rester ouverte : en effet, parce qu’elle ne délimite pas a priori un ensemble de faits immuables à comparer, elle redéfinit en permanence son objet tout en refusant de lui faire perdre sa consistance (Allard 2014 ; Iteanu & Moya 2015). D’autre part, je m’efforce d’associer cette quête ethnographique à un retour réflexif sur la constitution historique de l’anthropologie de la parenté. L’essor de celle-ci correspond en effet à une époque où le mariage monogame tendait à être conçu, notamment par les intellectuels, comme le cadre de référence privilégié – voire unique – des activités procréatives. C’est ce que je propose de qualifier de « moment victorien » en référence à Foucault (1976). L’anthropologie, alors principalement évolutionniste, a eu d’ailleurs tendance à appréhender le mariage monogame comme le dernier stade d’évolution de la parenté (censé garantir la paternité). Cette filiation disciplinaire n’est pas une fatalité au sens où l’anthropologie post-évolutionniste a, pour l’essentiel, consisté à se défaire de cette référence pour en démêler les présupposés sous-jacents. Mais cette généalogie ne saurait pas non plus être complètement négligée, dans la mesure où ces origines continuent à marquer certaines de nos problématiques actuelles, comme les rapports entre procréation et parenté, individu et société, subsistance et économie, nature et culture, etc. En ce qui me concerne et par contraste, j’accorde une attention toute particulière à l’ensemble des phénomènes qui échappent à la norme intellectuelle et morale victorienne, ce qui me conduit à prendre en compte les formes non procréatives de parenté, mais aussi de sexualité. Je propose donc un double parcours, ethnographique et réflexif, qui conduira – sans aucune prétention à l’exhaustivité – à aborder certaines questions classiques de l’anthropologie de la parenté.

Des relations fabriquées par des soins nourriciers

  • 4 Ce qui implique un élargissement de la perspective sur ce que serait « réellement » la parenté dans (...)

5L’essor des technologies reproductives a sans nul doute constitué un facteur essentiel de renouveau des recherches sur la parenté. Elles ont notamment conduit à questionner le rôle attribué à la procréation, tout en démontrant de façon exemplaire que l’étude de la parenté gagnait à ne plus être cantonnée à certains types de sociétés (voir Franklin 1997, Porqueres i Gené 2009, Strathern 1992). Ce questionnement a conduit les études post-schneideriennes à accorder une place centrale aux formes non procréatives de parenté, notamment dans les années 1990-2000 (voir Carsten 2000). Alors qu’on tendait jusque-là principalement à les appréhender comme des fictions ou des imitations, on a pu montrer qu’elles sont bel et bien de la parenté : la commensalité, les actes nourriciers ou l’homonymie produisent des relations de parenté au même titre, et par là tout aussi importantes, que celles issues de l’accouchement, et plus largement de la reproduction sexuée4.

6Il s’agit là, selon moi, d’un acquis fondamental des recherches des dernières décennies. Et c’est en tirant les conséquences de ces travaux que je pense pouvoir affirmer que, du point de vue de la parenté, l’éducation ne saurait être limitée à une sorte de service après-vente de la procréation. Il faut certes que des enfants naissent. Mais, alors que la conception prend quelques instants et la grossesse quelques mois, élever et faire accéder les enfants à l’autonomie et à un statut adulte plein et entier requièrent beaucoup plus de temps. Les enfants humains sont lents à mûrir, comme le souligne Hominidae. La « fonction nourricière » assurée par les adultes en charge d’un enfant donne donc ses lettres de noblesse à ce qu’il est à présent convenu de désigner comme la parentalité (Moisseeff 1992, 2004, 2012) : elle assure la survie de l’infans incapable de subvenir lui-même à ses besoins physiques, éducatifs et affectifs. Elle renvoie à une forme de dépendance qui poursuit celle, extrême et originelle, instaurée par la gestation au cours de laquelle le corps de l’enfant est englobé dans le corps de sa mère. Les soins associés à cette fonction peuvent être prodigués par d’autres adultes que la femme qui a enfanté. De fait, la pluriparentalité – le fait que la parentalité soit assumée par plus que deux parents – n’a rien d’exceptionnel et se rencontre au-delà même des frontières de l’espèce humaine, comme l’a montré Hrdy (2005). La question des types de relations et des actes nécessaires à la constitution des personnes doit donc être posée de manière ouverte, sans préjuger de ce qui sera considéré comme déterminant dans les divers univers socioculturels.

7Certes, conférer un rôle déterminant à la procréation n’est pas le propre de l’Occident contemporain. Il est toutefois intéressant de souligner en quoi son appréhension diffère d’une région à l’autre du monde, notamment dans les contextes où l’attention et les actes nourriciers sont jugés cruciaux pour fonder les relations entre individus. C’est le cas par exemple chez les Inuit (Bodenhorn 2000, Nuttal 2000), en Indonésie (Carsten 1995) et aussi de manière très caractéristique en Amazonie où, s’il est exceptionnel que l’adoption soit le mode d’affiliation prédominant, elle est néanmoins souvent extrêmement valorisée, qu’il s’agisse d’une adoption « interne » (par exemple de petits-enfants par les grands-parents) ou d’une adoption « externe » (d’enfants étrangers, parfois capturés lors d’expéditions guerrières). Les enfants adoptés sont fréquemment désignés comme tels, le lien avec les parents initiaux n’étant jamais totalement effacé ni même masqué afin soit de souligner l’importance de l’attention et des soins qui leur ont été alors prodigués (Gow 1991 : 159), soit de valoriser leur origine étrangère (Menget 1988). Bien qu’il faille prendre de telles généralisations avec prudence, il est à cet égard pertinent de mentionner la proposition de Fausto (2008 : 349) qui est allé jusqu’à présenter l’adoption, plutôt que la transmission verticale des substances (la filiation « ordinaire »), comme schème conceptuel dominant en Amazonie. En tout état de cause, dans cette aire culturelle, faire naître des enfants ne détermine pas nécessairement les liens qui comptent, de même que ne pas contribuer à l’enfantement n’empêche pas d’être reconnu comme parent à part entière. Par conséquent, la stérilité n’apparaît pas comme un problème social comparable à celui qu’elle peut constituer ailleurs, tandis que faire grandir les personnes est particulièrement discuté et valorisé. Dans cette perspective, la procréation n’est finalement qu’un des phénomènes nécessaires pour produire des personnes et, qui plus est, il n’est pas toujours considéré comme le plus important. Ce que je veux souligner ici en me référant à ces cas particuliers, c’est qu’ils nous obligent à questionner à nouveaux frais notre sens commun en matière de parenté selon lequel la procréation serait toujours au fondement des relations de parenté.

Fonction filiative et fonction relationnelle

8Si la fonction nourricière constitue un volet essentiel des relations de parenté, celui de la parentalité, elle a pour complément ce que Moisseeff a désigné comme fonction filiative (1992, 2004, 2006, 2012). Celle-ci correspond à la capacité reconnue aux adultes – souvent les « parents », mais pas uniquement – de transmettre à celles et ceux vis-à-vis desquels ils exercent certaines responsabilités – souvent leurs enfants mais pas uniquement – l’ensemble de leurs liens de parenté. Cette fonction filiative joue un rôle fondamental dans la constitution des identités « relationnelles » et dans leur évolution réciproque au cours des trajectoires individuelles : en ayant des enfants, un individu transforme de facto ses ascendants en grands-parents et ses frères et sœurs en oncles et tantes, etc. Les termes « relation » ou « relationnel » ont donc ici une acception marquée : la transformation du statut relationnel d’un individu retentit sur les statuts relationnels de celles et ceux avec qui cet individu est affilié, qu’il s’agisse d’une affiliation fondée sur la filiation ou l’alliance, et ce, quelle que soit la façon de définir les relations au sein du système généalogique considéré. L’identité relationnelle et son enrichissement ne se fondent pas uniquement sur la parentalité et celle-ci, évidemment, ne se réduit pas aux seuls liens issus de la procréation. Ainsi, chez les Aborigènes australiens (Moisseeff 1995), certains liens rituels que des hommes initiés établissent entre eux peuvent déboucher sur la mise en place de relations d’alliance potentielle, initiatique et/ou matrimoniale. L’un des initiés va pouvoir, par exemple, être institué par le rituel comme l’un des futurs initiateurs du fils de l’autre et sa fille, comme la belle-mère potentielle de ce garçon – il n’y a pas d’obligation matrimoniale, mais l’inscription d’une potentialité de réalisation de cette alliance.

9Enfin, la responsabilité des adultes vis-à-vis des enfants ne se restreint ni au fait de participer à leur développement en subvenant à leurs besoins élémentaires tant qu’ils ne peuvent le faire eux-mêmes, ni à la transmission d’une identité relationnelle, mais elle consiste également, et de manière tout aussi fondamentale, à favoriser leur autonomisation vis-à-vis des personnes qui les ont élevés. Paradoxalement, en effet, c’est en vertu même des relations de dépendance, nourricière et filiative, qui lient les enfants à celles et ceux qui sont reconnus comme leurs parents que ces derniers doivent, dans un second temps, contribuer à l’autonomisation de leurs enfants vis-à-vis d’eux. Pour ce faire, dans tous les cas, on recourt à des tiers. En Occident, de nos jours, le recours à des tiers non familiaux pour assurer la garde et l’éducation des enfants joue un rôle majeur à ce niveau, que l’institution scolaire, qui les incorpore en son sein pendant de longues années, incarne de façon exemplaire. D’une part, elle est censée faciliter à terme l’insertion professionnelle et, par là, l’autonomisation matérielle des enfants. D’autre part, en autorisant leur rapprochement sur le long terme avec des non-intimes, adultes et pairs, elle promeut aussi leur autonomie affective et peut contribuer à l’enrichissement de leur identité relationnelle. En revanche, dans cet univers culturel, avoir des enfants trop tôt est vu comme un potentiel obstacle à l’épanouissement personnel et sexuel et, de façon corrélative, la transmission de la fonction parentale n’est pas conçue comme un moyen de favoriser l’autonomisation des enfants vis-à-vis de leurs parents (Moisseeff 2006, 2012, 2018). Dans d’autres contextes culturels, en revanche, la transmission plus ou moins institutionnalisée des pouvoirs reproducteurs d’une génération à l’autre aux alentours de la puberté, en légitimant les enfants à assumer, à leur tour, une fonction parentale, est censée favoriser leur autonomisation vis-à-vis de leurs parents (Moisseeff 2017 ; Héritier 1978, 1983). Dans ces sociétés, conférer un statut plein et entier d’adulte autonome aux individus revient à leur reconnaître la capacité à être responsable d’autrui en tant que parent et/ou initiateur, procédure qui requiert, elle aussi, le recours à des tiers tels qu’initiateurs et/ou membres de la parenté élargie (comme dans le cas aborigène mentionné ci-dessus). Et, selon Moisseeff (2019), la transmission de cette capacité renvoie à un troisième type, non universel, de fonction parentale.

10Remarquons que, dans les contextes où l’on confère à cette fonction une prééminence sur les autres, assumer une responsabilité relationnelle à l’égard d’un autre individu, c’est lui donner les moyens d’acquérir les compétences relationnelles lui permettant non seulement d’accroître son réseau relationnel, mais aussi d’assumer à son tour une responsabilité relationnelle vis-à-vis d’autrui. De ce point de vue, transmettre une responsabilité relationnelle constitue en quelque sorte une « métafonction » au sens batesonien et systémique du terme : il s’agit de transmettre non pas une chose, mais la capacité même à transmettre une responsabilité qui, en l’occurrence, est aisément associée aux responsabilités d’un parent à l’égard d’un enfant dépendant. Lorsque l’on regarde les choses sous cet angle, on est en droit de s’interroger sur les situations où l’on dénie à certains individus le droit d’exercer une fonction parentale. N’est-ce pas, en effet, une façon de leur refuser, comme à d’autres adultes juridiquement qualifiés d’incapables majeurs, le droit d’accéder à un statut d’adulte plein et entier ? C’est, en tout état de cause, ce qui s’est historiquement produit pour les populations autochtones colonisées par les Européens telles que les Amérindiens ou les Aborigènes australiens lorsque les colonisateurs s’octroyaient le droit de leur retirer leurs enfants pour les placer dans des internats, parfois qualifiés d’« orphelinats » alors qu’il ne s’agissait aucunement d’orphelins (voir par exemple Moisseeff 2011, 2014a ; Bosa 2019). Ainsi, sous couvert de protéger les enfants des effets supposés délétères de leur élevage auprès de parents jugés par trop archaïques, afin soi-disant de procéder à leur assimilation dans le reste de la société, on a sapé les fondements mêmes de la parenté et, par là, les soubassements de la socialité propre aux populations concernées. On peut mesurer l’ampleur de la brutalité qu’a représentée, dans ces populations, la dépossession des adultes de leurs rôles parentaux, sur le double plan nourricier et filiatif, et leur assujettissement concomitant aux structures sociales d’une culture dominante autre, à l’aune de leurs conséquences effroyables à long terme. La reconnaissance de celles-ci a conduit le gouvernement australien à présenter aux Aborigènes et aux Insulaires du détroit de Torrès des excuses officielles en 2008 (Moisseeff 2014a).

11Cette perspective apporte un éclairage nouveau sur la situation dans laquelle sont placées les personnes LGBT+ là où l’on ne leur octroie pas le droit à l’adoption ni la possibilité de recourir à l’assistance médicale à la reproduction. Sont-elles véritablement considérées comme des adultes à part entière alors même qu’on les prive de la possibilité d’exercer une responsabilité relationnelle dans l’ordre de la parenté ? En tout cas, les personnes LGBT+, lorsqu’elles sont à même d’exercer une telle responsabilité, illustrent en quoi celle-ci ne découle pas automatiquement des faits attenants à la procréation, tout en traduisant le rôle capital de la parenté. On voit l’intérêt d’opter pour un point de vue comparatif autorisant la mise en regard de situations fort différentes qui, en retour, permet incontestablement d’affiner l’appréhension de la parenté.

Parenté et relatedness

  • 5 Sinon, le risque est de tomber dans l’anthropologocentrisme (ou ethnologocentrisme), doctrine selon (...)

12Les différents éléments que nous venons d’examiner permettent de poser la question des limites de la parenté. Certains anthropologues soutiennent, en effet, qu’il serait possible de circonscrire un domaine de la parenté de manière universelle. Ainsi, l’hypothèse de Sexus Nexus est que la parenté est un domaine de la vie sociale qui est à la fois spécifique (il a pour fonction de produire et d’élever des êtres humains) et hétéronome (les logiques qui organisent ce domaine sont intelligibles par leur relation à d’autres domaines de la vie sociale : production matérielle, sexualité, politique, etc.). Outre le fait qu’il paraît impossible de démontrer ou d’infirmer une proposition aussi générale, cette approche va à l’encontre de la démarche que je propose, qui consiste précisément à laisser la parenté « déborder » de nos cadres analytiques habituels dans l’objectif de les mettre en perspective5. En revanche, il est possible de mettre en lumière les mécanismes ou les critères qui conduisent à différencier des relations de parenté d’autres types de liens, dans différents contextes culturels. Si la parenté était coextensive à l’espace social, si toute relation était vue comme une relation de parenté, le concept perdrait en intérêt en raison de sa généralité. Or c’est précisément ce qui semble se passer dans les recherches inspirées par Schneider, que l’on rassemble parfois sous l’étiquette des New Kinship Studies, où le terme « relatedness » sert à désigner le fait d’être en relation, comme s’il s’agissait d’une substance ou d’une qualité indéterminée. La construction de la parenté par la pratique, par l’activité humaine, semble alors posséder une valeur morale (à l’opposé de la rigidité des conceptions du Vieux Monde), et il serait possible d’en produire toujours plus – par la coprésence, la commensalité, le partage et les soins nourriciers – puisqu’elle n’est plus limitée par les liens issus de la procréation.

13Viveiros de Castro (2004) a développé une critique générale de ces approches, qu’il a ancrée dans l’ethnologie de l’Amazonie et plus précisément dans l’étude des populations dont la parenté est dravidienne. Il a montré qu’il ne se produit généralement pas en Amazonie une bipartition symétrique entre affins et consanguins, mais plutôt un englobement de la consanguinité par l’affinité selon une division concentrique. De manière pratique, cela signifie que les affins corésidents sont consanguinisés, alors que les cognats éloignés sont affinisés et que le pur affin serait finalement un ennemi (donc quelqu’un avec qui, en réalité, on ne réalise jamais d’alliance de mariage). De manière plus conceptuelle, Viveiros de Castro en a déduit que l’affinité était « donnée » en Amazonie, alors qu’en Occident c’est la consanguinité qui jouerait ce rôle. L’affinité – comme lien purement social et souvent politique – serait construite en Occident, tout comme la consanguinité – issue de la commensalité et de l’adoption – le serait en Amazonie. Tous les travaux sur la construction des relations de parenté devraient donc être remis en perspective, pour situer les pratiques en question dans un cadre où existent forcément certains éléments qui sont donnés, c’est-à-dire présentés comme échappant à l’emprise humaine.

14Les thèses de Viveiros de Castro ont suscité un grand nombre de débats, relatifs tant à leur validité en Amazonie qu’à leur pertinence pour d’autres régions du monde. Sans m’étendre plus longuement sur ce point, je noterai qu’elles semblent être en phase avec les travaux d’autres chercheurs et que l’on peut à tout le moins en retenir un fait fondamental : la parenté ne peut être réduite à un seul type de relations, car elle désigne des systèmes relationnels complexes. Il est donc vain de vouloir déterminer une essence de la parenté, comme le fait Sahlins (2013) avec sa réduction eidétique de la parenté à une « mutuality of being ». La parenté repose sur la conjonction de différents types de relations. Il peut s’agir de la consanguinité et de l’affinité, comme dans le travail de Viveiros de Castro, mais aussi de la parenté agnatique et de la parenté utérine, comme le montre l’analyse des données de l’Afrique de l’Ouest par Hamberger (2011). Ce dernier précise que c’est en isolant un type particulier de relations de parenté aux dépens de la prise en compte de l’ensemble du système dans lequel elles s’intègrent que nombre de chercheurs prétendent définir « la » parenté. Selon moi, opter pour une « stratégie du fondement », c’est-à-dire postuler l’existence d’une base irrécusable et universelle sur laquelle serait construite la parenté et qu’il s’agirait de retrouver partout et en tous lieux, est une entreprise vaine et préjudiciable : elle conduit à occulter une partie des données observables plutôt qu’à restituer leur complexité.

Les frontières de la parenté

15La complexité de la parenté s’observe bien dans ce que recouvre la fonction filiative : la transmission des relations qui permettent à des individus d’acquérir des parents transforme dans le même temps l’ensemble des relations des personnes concernées et leurs identités respectives (voir supra, p. 181-4). Il est fréquent qu’une personne ne soit véritablement reconnue comme adulte qu’après avoir eu son premier enfant, ce qui se marque en certains cas par le fait qu’elle soit dès lors appelée par un teknonyme ; dans la Rome antique, par contraste, ce n’est qu’au décès de son père qu’un homme accédait à la majorité civile. Dans d’autres cas, les conjoints ne sont parfois considérés comme pleinement mariés qu’après avoir eu leur premier enfant. Mais ces modalités de transmission ne se limitent pas à la procréation. Ainsi, à Dakar, être mariée et avoir accouché de son premier-né sont insuffisants pour « installer » une femme dans son statut d’épouse plein et entier. Le mariage ne prend, en effet, sa pleine valeur que lorsque la mère de l’épouse a procédé à un travail cérémoniel de dons qui honore les relations d’affinité de sa fille, et qui peut avoir lieu longtemps après la cérémonie de mariage de celle-ci. Les premières personnes à recevoir ces dons ne sont pas nécessairement des consanguines du mari : ce sont des femmes (sœurs agnatiques, utérines ou le plus souvent amies) à qui le mari doit, dès qu’il décide de se marier, attribuer une position de parenté équivalente à celle de « mari féminin » de son épouse, et qui recevront des dons de la mère de celle-ci puis, une fois le mariage installé, de l’épouse elle-même. Ces « maris féminins » de l’épouse, qui ne sont pas nécessairement des parentes du mari, deviennent par la suite des tantes paternelles pour les enfants du couple (Moya 2017).

16Ce cas ethnographique particulier illustre le fait que si certaines relations de parenté peuvent être acquises ou attribuées au travers d’une transmission directe procédant, par exemple, du mariage et/ou de la naissance, d’autres relations de parenté, tout aussi cruciales, résultent d’un travail social préalable, non prédéterminé par le système généalogique. On pourrait qualifier la transmission des relations de « transitivité » de la parenté : dans de nombreux cas, les parents de mes parents sont mes parents, même si (ou plutôt, précisément si) ils ne représentent pas le même type de parents. Cette transitivité, sur laquelle insiste Paratio, n’est pas réductible à une propriété formelle du vocabulaire de parenté ; elle constitue peut-être un critère général permettant de distinguer un usage strict du concept de parenté, par opposition à d’autres formes relationnelles ou à des usages métaphoriques de la parenté qui resteraient dyadiques. En effet, souligner que certaines relations de parenté, que les anthropologues ont longtemps qualifiées de fictives ou métaphoriques, sont en fait pour les personnes concernées tout aussi réelles (c’est-à-dire concrètes et incontestables), voire plus, que les relations issues de la procréation, ne signifie pas que tous les termes de parenté ou toute mention de parenté doivent être pris dans un sens littéral. Il s’agit bien entendu d’une question ouverte. Costa (2017) a, par exemple, documenté le fait que les animaux de la forêt adoptés, comme il est fréquent en Amazonie, par les Kanamari du Brésil, deviennent les enfants de celles et ceux qui en prennent soin : des femmes peuvent même pousser des lamentations funéraires pour un animal familier qui décède, comme elles le feraient pour un enfant humain, et sont susceptibles de traverser un véritable deuil (ibid. : 40). Que tous les Kanamari ne se comportent pas ainsi à l’égard de leurs animaux familiers est déjà significatif. Mais ce qui me paraît beaucoup plus important en l’occurrence, c’est que cette forme d’adoption n’entraîne pas l’intégration, pérenne ou même temporaire, de ce type de parent qu’est l’animal dans le réseau relationnel de l’adoptant (ses frères et sœurs ne deviennent pas les oncles et les tantes de l’animal, etc.) : cette parenté ne s’étend pas au-delà de l’individu qui est le « maître » de l’animal. Un animal familier peut faire preuve d’hostilité à l’égard de tous les visiteurs, y compris les personnes apparentées à son maître ou sa maîtresse (ibid. : 55-56), tout comme c’est le cas de manière plus générale des esprits-auxiliaires des chamanes en Amazonie. Cette absence de transitivité est-elle le signe que la parenté unissant humains et non-humains ne serait en fait pas complètement identifiable à la parenté entre humains ? Il est important de remarquer à cet égard la situation de dépendance dans laquelle sont maintenus les animaux familiers dans la région, ce qui en fait d’éternels mineurs : on les empêche de se reproduire et, en conséquence, on ne leur transmet jamais de responsabilité relationnelle.

  • 6 Pour un cas amazonien où l’amitié formelle est héritée en ligne paternelle, voir Lea 2012.

17Ce critère pourrait servir à discuter les limites de la parenté, notamment par rapport à l’amitié, dans des contextes bien différents. Par exemple, chez les Araweté, l’amitié rituelle n’est pas, contrairement aux relations de parenté, transitive : ce sont des relations dyadiques et locales, qui ne produisent pas un réseau continu (Viveiros de Castro 1992)6. En revanche, à Dakar, une amitié étroite peut se traduire par une inclusion progressive dans la parenté à travers le rituel : l’amitié durable se traduit par des relations d’homonymie (mon enfant porte le nom de mon ami intime) et de filiation rituelle (j’attribue à mon ami la position rituelle de père ou mère dans le cadre du mariage de mon enfant) qui se transmettent aux enfants. L’amie intime d’un homme peut devenir le « mari féminin » de l’épouse de cet homme, l’homonyme de la fille issue de ce mariage, la tante paternelle des enfants issus de ce mariage. Cette relation se transmettra aux enfants qui auront le statut de cousins croisés (Moya 2017).

  • 7 Lors d’une réunion de l’équipe « Parenté et logiques relationnelles » du LAS.

18Sur ce point je suis en accord avec Generatio. Le temps est une dimension incontournable de la parenté : les personnes sont produites à partir de l’action d’autres personnes, sans que ce processus soit fondamentalement réductible à la procréation. Cependant, il est tout aussi important de souligner que, dans de nombreuses sociétés, la problématique est moins de créer que de distinguer, défaire ou couper des relations, de transformer des parents ou des parents potentiels en non-parents, qu’il s’agisse d’étrangers ou de vagues connaissances. Ces processus « négatifs » sont bien entendus productifs (Weiner 1983), dans la mesure où, comme l’a formulé Chantal Collard de manière lapidaire, « trop de parenté tue la parenté7 ». Comme AnthropOïkos, je considère que la parenté consiste à la fois en un processus d’intégration et de séparation. De manière générale, c’est une caractéristique des relations (ou, plutôt, de l’analyse anthropologique des relations) que Strathern (1996) avait mise en lumière de manière frappante : les flux relationnels continus doivent être « coupés » – que ce soit par un brevet, une transaction cérémonielle, l’oubli ou la référence à la biologie – de telle sorte que les réseaux soient condensés en une personne ou un moment. En ce qui concerne la parenté en Mélanésie, l’idée d’un flux à couper trouve son origine dans le travail parfois cryptique de Wagner (1977) : les prestations matrimoniales, en particulier, jouent un rôle crucial pour séparer certaines personnes, qui auraient pu être apparentées, mais deviennent des affins plutôt que des parents par le fait d’échanger. Ainsi, chez les Orokaiva, les Gawigl, ou encore sur la côte Rai de Papouasie Nouvelle-Guinée (Iteanu 1983, Schneider 2017, Leach 2003), c’est la contribution ou non au paiement du prix de la fiancée qui permettra de distinguer qui est du côté preneur ou donneur de femmes dans un mariage. Le mariage n’est pas ici ce qui unit des êtres distincts, mais au contraire ce qui distingue des êtres indifférenciés (Wagner 1977 : 624). Dans d’autres contextes, ce sont aussi les idéaux moraux impossibles à réaliser complètement, voire intrinsèquement contradictoires, qui contribuent à séparer les personnes et à limiter l’extension de la parenté (pour la Mélanésie, voir Stasch 2009, pour l’Amazonie, voir Allard 2010).

Approches pragmatiques et structurales des terminologies de parenté

19La transitivité des relations de parenté est une dimension particulièrement évidente dans les terminologies de parenté, même lorsqu’on prête attention, à la suite de Lévi-Strauss (1943), à leur usage contextuel. Dans cette perspective, Bloch (1971) souligne notamment que les termes de parenté ne relèvent pas de la dénotation (de différentes positions ou catégories), mais sont littéralement des termes moraux dont l’usage représente un jugement de valeur : parmi les Merina de Madagascar, faire la liste de toutes les personnes que l’on peut appeler « dadafara » nous aide aussi peu à comprendre ce terme que faire la liste de toutes les personnes que l’on qualifie de « méchantes » ne nous permet de comprendre le concept de « méchanceté ». Si une telle perspective est peut-être excessive, elle doit néanmoins nous inviter à accorder plus d’importance à l’usage effectif des termes. Chez les Warao du Venezuela, par exemple, l’usage des termes de parenté en référence renvoie généralement aux liens issus de la procréation, et leur usage en adresse aux liens fondés sur les soins nourriciers : cet emploi des termes est sous-tendu par la reconnaissance des soins donnés et reçus, et ne correspond aucunement à un sens métaphorique ou amoindri des relations de parenté (Allard 2010 : 94-95 ; voir aussi Gow 1991 et Taylor 2000).

  • 8 Pour le dire simplement, quand mes affins peuvent être décrits de leur point de vue comme un ou des (...)

20Comme le souligne aussi Paratio, un vocabulaire de parenté peut également être vu comme une structure formelle de relations internes, dans laquelle les catégories se définissent les unes par rapport aux autres. Toutefois, il n’est pas nécessaire selon moi de faire référence à un « donné » dont ce vocabulaire rendrait compte ou de considérer qu’il doit être compris en relation à un espace familial victorien comme le suggère Paratio. S’il est vrai qu’aucun vocabulaire de parenté ne désigne l’ensemble des parents à la première génération ascendante par un terme de sexe neutre, il n’y a aucune raison d’en conclure qu’ils sont systématiquement construits en référence à la procréation, à l’instar d’une description de liens généalogiques. La distinction courante entre sens fondamental et sens extensif des termes de parenté reste pourtant encore vivace pour beaucoup d’anthropologues qui prennent rarement la peine de la justifier et rabattent ces termes sur des liens primaires, directement définis en référence à la procréation, alors qu’il faudrait les interpréter comme relevant de classes distinctes dont le sens procède du rapport qu’ils entretiennent avec les termes relevant d’autres classes. Ainsi, pour le vocabulaire de parenté dravidien en Inde du Sud (Dumont 1953) ou dans les populations d’Amazonie dont la parenté se rattache au type dravidien, l’opposition entre consanguins et affins est catégorielle et n’est pas définie par un référent généalogique. Il est donc problématique de la réduire à l’opposition entre parents parallèles et croisés. Viveiros de Castro a souligné de manière répétée – quoique sous des formulations diverses et contradictoires – que ces termes ne renvoient pas directement à des chaînes généalogiques (Viveiros de Castro 1998 : 345-346 ; voir aussi Viveiros de Castro 1993 : 176, Viveiros de Castro et Fausto 1993 : 145). Quand bien même ces termes renverraient à des chaînes généalogiques8 – invariablement ou majoritairement –, il reste possible et même nécessaire de penser le caractère systématique de la relation entre consanguinité et affinité sans faire de la seconde une sorte d’adjonction secondaire de la première (comme procédant, par exemple, d’une règle de mariage entre groupes de filiation) : dans la logique du vocabulaire de parenté, l’affinité se transmet comme la consanguinité. Cette dimension est essentielle : un vocabulaire de parenté ne définit pas uniquement les distinctions entre catégories de parents ; parce qu’il organise le régime de temporalité spécifique de ces catégories (qui va de l’âge relatif, distinction minimale de temps, à la relation entre 3 à 5 générations), il structure la manière dont ces relations se transmettent et s’articulent dans le temps.

La nature et la loi

21Schneider (1968) avait caractérisé la parenté nord-américaine de la deuxième moitié du xxe siècle (ce qu’on a parfois étendu à l’ensemble de la parenté euro-américaine) par le rapport entre la substance et le code, la nature et la loi. Les anthropologues évolutionnistes jugeaient qu’il fallait faire coïncider ces deux dimensions – c’était à la fois l’aboutissement de l’évolution et un projet politique à mettre en œuvre. Cependant, il faut immédiatement reconnaître que tant « la nature » que « la loi » sont des concepts beaucoup plus complexes et imbriqués qu’on ne l’a parfois cru, et que Schneider ne semble le supposer en les traitant comme deux entités indépendantes.

  • 9 Ce qui est probablement à mettre au compte du système de common law.

22En effet, le droit n’est pas simplement un système de normes rédigées (reflétant plus ou moins les évolutions de la société). C’est une technique ayant une fonction instituante qui permet d’agir de manière variable sur les êtres et leurs relations suivant leur disponibilité selon le droit. Et c’est à cette technique que peut d’ailleurs être dévolu le rôle d’instituer une « nature » comme l’a montré Thomas (1991, 1995) pour le droit romain – alors que Schneider opposait radicalement la nature et la loi (la substance et le code)9. Lorsque le droit romain, selon Thomas (1991), invoque la nature pour reconnaître le parricide ou l’inceste entre esclaves alors même qu’en vertu de leur statut, ceux-ci n’ont pas de parenté légitime propre, cette référence à la nature ne signale pas l’irruption des faits dans la norme ; elle permet simplement d’étendre le champ d’application du droit. Et il y a plus. Cette nature n’est pas fondamentalement celle de la biologie ou de la procréation, mais la nature telle qu’elle est instituée par le droit lui-même. La vérité de la nature se comprend ici au sens de la filiation légitime et des droits construits sur cette position. C’est pourquoi, insiste Thomas (1991 : 226), imiter la nature revient à réitérer un rapport juridique. Iacub (2004) a défendu, de manière comparable, l’idée selon laquelle, en France, depuis le début du xxe siècle, le droit a progressivement institué le « ventre maternel » comme une évidence naturelle créant automatiquement et incontestablement un lien de filiation. Tant qu’avait prévalu le code Napoléon, la qualité de parent d’un enfant procédait du mariage. La procréation n’avait donc pas de rôle fondamental dans l’établissement juridique du lien entre un enfant et une personne non mariée : un homme pouvait par exemple être reconnu comme la « cause » d’une grossesse sans être pour autant le père de l’enfant, signe d’une disjonction aujourd’hui disparue. Toutefois, il serait erroné de voir dans ces phénomènes un constructivisme intégral. Par exemple, le respect des degrés généalogiques est central dans le droit romain et un fils ne pouvait jamais être plus vieux que son père adoptif. Autrement dit, que la procréation ne joue pas un rôle fondamental ne signifie pas qu’elle n’en joue aucun, mais plutôt qu’elle ne représente pas une évidence naturelle et fondamentale. En revanche, les juristes romains se posaient en théoriciens et praticiens de la fiction juridique, reconnue comme telle ; c’est-à-dire qu’ils ne confondaient pas l’ensemble des faits avec le droit, un type de distinction auquel les anthropologues restent parfois aveugles.

23En m’inscrivant dans cette perspective, ma position est inverse de celle d’Hominidae : s’attacher à ce qui est commun ou à ce qui distingue les humains des autres mammifères (ou non-humains) nous donne une perspective, certes intéressante, mais très restreinte sur la parenté humaine puisqu’elle revient à chercher au sein d’autres espèces des fragments de système de parenté humaine. Reprenons à nouveau l’exemple du droit romain : il permet l’adoption légale d’une personne en tant que petit-fils, au terme d’un raisonnement casuistique qui suppose que l’adopté soit né d’un fils qui n’existe pas, lui-même issu d’un mariage sans épouse (« l’adoptant fût-il eunuque », précise même Thomas, 1991 : 225). Ce type de configuration se fonde sur une distinction entre le modèle naturel (qui est juridique) et l’institution qui l’imite (l’adoption). Sa complexité n’est donc pas réductible aux phénomènes invoqués par Hominidae, par exemple le fait que les éléphantes de mer d’une communauté s’occupent d’une partie des éléphanteaux ayant perdu leur mère, ou que les grands-mères ont un rôle de leader dans les troupeaux de rennes.

  • 10 California Courts of Appeal Cases, Cal. App. 4th, 61, 1410 et 1418, In re, Marriage of Buzzanca, 19 (...)
  • 11 « La conception mentale de l’enfant est un facteur essentiel de sa création et les auteurs de cette (...)

24Il est probable qu’il a été plus facile de prendre conscience de la relativité de la distinction entre la nature et le droit dans un contexte où les nouvelles technologies de reproduction, qui sont toujours encadrées par le droit, ont contribué à déstabiliser, une fois encore, notre « nature », c’est-à-dire à la rendre multiple et ambivalente, comme si elle ne pouvait finalement jamais jouer de manière durable, évidente et partagée le rôle de fondement des relations de parenté (Strathern 1992). Il est frappant à cet égard de constater que le droit a été capable de réagir et d’intégrer ces transformations beaucoup plus aisément que n’ont été capables de le faire nombre de théories anthropologiques. Citons à cet égard le cas d’un jugement rendu en Californie en 1998, qui a été fréquemment commenté par les chercheurs en sciences sociales : l’affaire Buzzanca (voir Iacub 2004 : 271-277, Strathern 2005 : 52)10. Plusieurs couples et de nombreux adultes ont joué un rôle dans la venue au monde d’un enfant, notamment un homme donneur de sperme, une femme donneuse d’ovocytes et un couple qui a voulu un enfant et a demandé à une mère porteuse d’en assurer la gestation, mais qui s’est séparé peu avant la naissance. L’enchaînement d’événements qui a conduit à la naissance de cet enfant était sans doute imprévu, mais son aboutissement est intéressant. La cour d’appel a jugé que les parents de l’enfant étaient le couple qui avait eu l’intention de le concevoir : ici, la procréation est tellement fragmentée qu’elle ne peut pas indiquer de manière évidente qui sont les parents (ceux qui ont donné leur matériel génétique ? la femme qui a accouché ?) et c’est la « conception mentale » qui a primé, suivant une expression employée dans un cas précédent et reprise dans le jugement de l’affaire Buzzanca11. Ce jugement est frappant parce que les tribunaux d’autres pays auraient statué différemment en faisant jouer un autre rôle à la « nature » : en France, à l’époque, la mère porteuse aurait sans doute été la mère de l’enfant, son ventre ayant la force d’une évidence.

25Le travail de purification permettant de distinguer clairement la nature de la culture (Latour 1991) est par définition précaire et inabouti, hier comme aujourd’hui : si la procréation et les liens biologiques sont fréquemment mobilisés en matière de lois régissant les liens de parenté, ils jouent un rôle fluctuant plutôt que de représenter des critères explicatifs prédéterminés qui seraient identiques, quels que soient le système juridique ou les cas spécifiques considérés. Les difficultés soulevées par les nouvelles technologies de reproduction ne doivent pas être imputées au fait qu’elles seraient venues déstabiliser une nature qui aurait été jusque-là stable parce que laissée intacte – non dévoyée par l’intervention humaine –, mais au fait que ces technologies rendent visibles la nécessité de reconfigurer le rôle de fondement conceptuel que le régime victorien avait conféré à la nature.

La parenté à différents niveaux

  • 12 Pour une discussion des stratégies analytiques opposant règles et stratégies, voir Moya 2015.

26La parenté se manifeste à des niveaux hétérogènes de l’organisation sociale et il serait erroné de chercher à la réduire à l’un de ces niveaux. Pierre Bourdieu (1972) a par exemple distingué parenté officielle et parenté usuelle (ou pratique). La parenté officielle a pour rôle principal, selon lui, de transfigurer la parenté usuelle, c’est-à-dire de montrer que les relations et les attitudes de parenté sont ce qu’elles devraient être, en éclipsant ainsi la parenté ordinaire. Il s’agit, par exemple, de représenter un mariage comme une affaire d’hommes, alors que les négociations sont initialement passées par des femmes. Toutefois, l’approche de Bourdieu a tendance à disqualifier comme simple représentation normative la « parenté officielle », alors que les choix matrimoniaux ou les formes de résidence découleraient en réalité de stratégies relatives aux intérêts et aux rapports économiques12. Nous retrouvons, sous une autre forme, le schéma qui consiste à penser un certain type de parenté comme secondaire par rapport à des liens déterminants, ici de nature économique, là d’ordre biologique. Il n’en reste pas moins crucial d’être attentif aux formes variables que peut prendre la parenté dans différents contextes et à la relation entre ces différentes formes, ce qui est pertinent bien au-delà de l’opposition officiel/usuel.

27À Dakar (Moya 2017), comme dans de nombreuses sociétés du Sahel occidental musulman, la parenté cérémonielle se déploie relativement indépendamment des relations de parenté quotidiennes, mais sans viser à les masquer. C’est à travers les rituels musulmans que se construisent des relations d’affinité et de consanguinité qui sont ensuite honorées par des échanges cérémoniels féminins. Ces échanges, qui mobilisent des sommes d’argent considérables, sont organisés autour de positions de parenté (épouse, belle-sœur, père, mère, etc.) qui sont attribuées aux personnes qui les occupent sans correspondance nécessaire avec leur position généalogique (il peut s’agir d’homonymes, d’amis, etc.). Ce système de parenté se réalise en très grande partie indépendamment des relations de parenté quotidiennes (liées, quant à elles, à la procréation, à l’organisation domestique, aux soins donnés aux enfants, à la résidence, à la circulation des personnes, etc.). Pourtant, la dimension cérémonielle de la parenté n’est pas un aspect secondaire de la vie sociale : elle concentre un tiers de l’épargne disponible, plus de 50 % des transferts d’argent intrafamiliaux des urbains les plus pauvres et occupe la plupart des femmes plusieurs week-ends par mois. Plus encore, c’est l’ensemble des relations, qui incluent la parenté quotidienne, qui sont mobilisées pour financer ces événements cérémoniels. On l’aura compris, la parenté dans ce cas ne peut se comprendre que comme la relation entre parentés quotidienne et cérémonielle.

  • 13 C’est d’ailleurs un point sur lequel s’accordent Strathern (1988 : 231-240) et Weiner (1979 : 337-4 (...)

28Privilégier une dimension de la parenté comme plus fondamentale qu’une autre conduit le plus souvent à limiter les possibilités qu’offre la comparaison anthropologique. C’est en particulier le cas de la procréation. Prenons l’exemple canonique des îles Trobriand, bien connu en anthropologie en raison des débats autour de la méconnaissance supposée du rôle biologique du père dans la conception de l’enfant (voir Leach 1966). Le père est certes un « étranger » (tomakava) au dala (groupe matrilinéaire) de son enfant, mais sa position dans la parenté est parfaitement reconnue, comme le souligne Generatio. L’essentiel n’est toutefois peut-être pas de savoir si le lien au père est biologique et/ou sociologique. Comme l’a montré Annette Weiner (1976) en prolongeant le débat Leach/Lounsbury, l’engendrement de l’enfant (quel que soit son mode de production) n’est qu’un aspect d’un travail social bien plus large, qu’elle nomme « reproduction », c’est-à-dire la reconduction dans le temps d’une unité sociale (le dala, matrilinéaire), opération dont les agents sont la paire frère/sœur (membres du même dala), mais aussi le mari de la sœur/père de l’enfant (qui n’en fait pas partie). En effet, ce dernier intervient dans le processus de gestation – avec son pénis d’ailleurs, à la fois canal d’alimentation qui fournit la nourriture et pilon donnant sa forme au fœtus13. De même, le frère de la mère intervient dans le processus procréatif par les dons d’ignames qu’il effectue en direction du mari de sa sœur. Enfin, l’action nourricière que le père a accomplie avec son pénis durant la gestation se poursuit autrement, une fois l’enfant né : il continue à s’occuper de ses enfants à qui il transmet un certain nombre d’éléments constitutifs de son dala (des terres à cultiver, des magies, des titres, etc.). Ce sont précisément ces éléments qui seront récupérés dans leur intégralité contre des biens féminins, au prix d’immenses efforts, par les femmes du dala lors des échanges mortuaires (sagali), ces dernières étant aidées pour cela par leur frère, mais aussi par leur mari (Weiner 1976 ; 1979). L’essentiel ici n’est sans doute pas la relation du père à la procréation – tout du moins faut-il l’espérer, car cela reviendrait, littéralement, à se demander ce qu’un père fait avec son pénis. Il s’agit plutôt de mettre l’accent sur le passage de la procréation au travail plus global de reproduction : il ne s’agit pas ici d’une sorte d’équivalent de type folk biology ou d’une théorie non biologique du vivant (Viveiros de Castro 2004). Le père joue surtout un rôle dynamique (qui consiste notamment à disperser des éléments du dala), dans lequel le moment « procréatif » n’a aucune singularité. Autrement dit, penser la parenté en relation privilégiée à la procréation, c’est rester dans un paradigme, victorien s’il en est : celui de la production (en l’occurrence produire des enfants), ce qui éclipse le fait que la parenté implique une forme de rapport dynamique au temps, qui est l’objet d’un intense travail social, dont la sexualité procréative n’est qu’une modalité parmi d’autres. S’il est important, comme le fait Correlationnel, de montrer que la procréation n’est qu’un des aspects de la corporéité, il serait fallacieux de poser que le corps constituerait, partout et toujours, un ordre de faits distinct.

Sexualité sans parenté

29Si l’idée d’une parenté sans sexualité (Collard et Zonabend 2013) a été explorée à de nombreuses reprises (comme en témoigne l’importance des formes « non procréatives » de parenté par lesquelles j’ai choisi d’entamer mon argumentation), elle impose de poser de manière réciproque la question d’une sexualité sans parenté – parce qu’elle n’est pas encadrée par le mariage, parce qu’elle ne crée pas de lien de consanguinité avec des enfants engendrés, ou parce qu’elle n’est pas procréatrice. Il s’agit d’un enjeu très courant et si les pratiques contraceptives (ou abortives) ne sont certainement pas nouvelles, on doit néanmoins prendre la mesure de l’importance conférée, dans l’Occident contemporain (Héritier 2002), à la disjonction, conceptuelle et agie, entre sexe et reproduction, et de la tendance parallèle à accorder une valeur prééminente au volet érotique de la sexualité (Moisseeff 2014b, 2018). L’institution médicale, à l’instar des représentations biologiques sur lesquelles elle se fonde, joue de ce point de vue un rôle primordial. Elle participe au contrôle de l’ensemble des grossesses et c’est en son sein, et sous l’égide de l’encadrement législatif qui les accompagne, que les nouvelles technologies de la reproduction – rendant effective la disjonction entre sexe et procréation – n’ont cessé de se développer. Cette évolution est congruente avec la façon de concevoir aujourd’hui le rôle des parents d’adolescents, en Euro-Amérique tout du moins : les premiers doivent favoriser l’accès des seconds à une sexualité non procréative en leur transmettant non la fonction parentale, comme il est de règle dans d’autres contextes culturels évoqués précédemment, mais les moyens de la prévenir, les grossesses à l’adolescence étant posées comme un problème de santé publique majeur. En effet, avoir des enfants « trop tôt » tend à être perçu comme un possible obstacle à la réalisation personnelle, c’est-à-dire à la poursuite des études ou d’une carrière, et à l’épanouissement sexuel, ce dernier étant considéré comme l’un des indices fondamentaux de l’accession à une vie adulte pleine et entière. Inversement, au Liban par exemple, la moralité sexuelle (sexual propriety) reste un enjeu central, y compris dans l’usage des nouvelles technologies de reproduction. Clarke (2008) a montré que la peur d’être soupçonné d’adultère contraignait fortement (plus que les dispositions légales) les modalités de recours au don et le choix des donneurs : même s’il est plus facile techniquement, le don de spermatozoïdes est moins acceptable que le don d’ovocytes, et il est dans tous les cas crucial d’avoir un donneur ou une donneuse qui ressemble aux parents et de réaliser tout le processus dans le plus grand secret. Je considère ainsi, comme Kingen quoiqu’avec une perspective différente, qu’il est crucial de mettre la sexualité au cœur des études sur la parenté, ou en tout cas de cesser de l’ignorer.

L’inceste et sa prohibition

30Ces considérations permettent d’aborder à nouveaux frais la question de l’inceste que sa définition canonique – union entre personnes apparentées à un degré prohibé (Panoff et Perrin 1973) – tend à réduire à sa prohibition. Toutefois, s’agit-il de prohibition ou seulement de réprobation ? Et de quel type d’union s’agit-il ? Ces questions, qui ont été laissées au second plan par les théories générales sur l’inceste telles que celle proposée par Lévi-Strauss (1949), sont centrales si l’on prête attention au rapport entre sexualité et parenté. Sans m’y cantonner strictement, je me concentrerai plus particulièrement sur le cas particulier de la France contemporaine. Là encore, je ne prétends pas proposer une théorie générale, en l’occurrence de l’inceste, mais uniquement mettre en lumière des décalages que les anthropologues tendent trop souvent à négliger alors même qu’ils sont la base à partir de laquelle il est possible de mettre nos conceptions de la parenté en perspective.

  • 14 Article 222-31-1 du Code pénal, Loi no 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfan (...)
  • 15 Le Monde, 5 janvier 2021. En ligne : https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/05/accuse-d-inc (...)
  • 16 Loi no 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l (...)

31En effet, en France, l’inceste est certes réprouvé moralement, mais il n’est pas, en tant que tel, interdit par la loi. Le terme « incestueux » est certes revenu en 2016 dans le Code pénal, après deux siècles d’absence, mais uniquement comme qualification d’un viol ou d’un abus sexuel sur mineur14, c’est-à-dire probablement comme une circonstance aggravante (de la même manière qu’exercer sur une personne « une autorité de droit ou de fait » est une circonstance aggravante de tout abus sexuel qu’on commettrait à son égard). Qu’il soit clair que je n’aborderai pas ici les conséquences effroyables des cas particuliers d’abus sexuels ou de viols incestueux. Je me situe uniquement au niveau général des présupposés et des implications du droit, en cherchant à les distinguer de la morale ordinaire et à voir ce en quoi ils nous informent quant à l’anthropologie de la parenté. Les scandales et débats qui ont eu lieu au début de l’année 2021 n’ont en fait pas provoqué de rupture radicale : si l’on peut être moralement « accusé d’inceste », on est pénalement visé par une enquête pour « viols et agressions par personne ayant autorité sur mineur de quinze ans15 ». L’inceste est certes de plus en plus présent dans le droit français, mais le terme sert avant tout à caractériser une certaine relation de dépendance et de vulnérabilité : si les mineurs de quinze ans sont dans l’incapacité intrinsèque de consentir à un quelconque rapport sexuel, cet âge est porté à dix-huit ans dès lors que l’acte est commis par un ascendant, ou par une personne apparentée ou alliée ayant autorité de droit ou de fait16. En revanche, l’inceste en lui-même, c’est-à-dire les relations sexuelles entre individus apparentés, n’intéresse pas le droit dès lors que celles-ci concernent des personnes majeures et consentantes. Et de ce point de vue, les orgasmes incestueux échappent en tant que tels au législateur. D’autres aspects de tels rapports sexuels tombent cependant bien sous le coup de la loi, comme la violence qui peut les marquer (enfants mineurs, absence de consentement d’une des parties), ainsi que les problèmes de filiation des enfants qui en sont issus.

  • 17 Articles 161-163 du Code civil (Livre 1er, Titre V, Chapitre 1er).
  • 18 Article 310-2 du Code civil (Livre 1er, Titre VII, Chapitre 1er).
  • 19 Un arrêt récent de la Cour d’appel de Caen (8 juin 2017) a certes refusé d’annuler le deuxième lien (...)
  • 20 Cass. civ. 1re, 6 janvier 2004.

32L’autre mode de présence de l’inceste dans le droit français, sans qu’il soit nommé en tant que tel, renvoie en effet au mariage et à la filiation. Le Code civil interdit le mariage entre certaines personnes apparentées, notamment entre ascendants et descendants ; entre germains ; entre oncle et tante d’une part, nièce et neveu d’autre part ; entre alliés en ligne directe (par exemple une femme avec son ex-gendre) : c’est ce qu’on appelle couramment les empêchements au mariage17. On peut noter que, à l’inverse de la moralité ordinaire, la loi n’interdit pas un mariage entre cousins germains (du point de vue de l’Église catholique en revanche, une dispense reste nécessaire). Mais c’est uniquement l’union matrimoniale, et non l’union sexuelle, qui est interdite : que se passe-t-il si un enfant naît d’une telle union ? De manière claire, la loi interdit l’inscription à l’état civil d’une filiation à l’égard de deux parents qui ne peuvent s’épouser18 : la filiation ne peut alors être établie qu’à l’égard d’un seul des parents – le premier que l’on a pris en considération19. C’est peut-être signe que la filiation reste étroitement associée à l’institution du mariage (Iacub 2004), d’autant plus que l’interdiction d’une double filiation incestueuse s’applique aussi en cas d’adoption – on ne peut adopter l’enfant de son frère ou de sa sœur20.

33Si certains rapports sexuels incestueux sont problématiques, dans la loi française, c’est donc principalement en raison de la violence dont ils peuvent être le cadre (en cas de viol ou d’abus sexuel sur mineur) ou alors en raison des enfants qui pourraient en naître. Mais ce ne sont que deux conséquences possibles de la sexualité et ce sont uniquement certaines unions matrimoniales qui sont interdites. À nouveau, il n’y a pas lieu de tirer des conclusions trop générales : il est uniquement question de l’inceste du point de vue du droit français. Il aurait également été possible, comme l’ont fait Caruso et Michelet (2017), de privilégier les peurs et les aversions qui relèvent des émotions et jugements moraux ordinaires. L’inceste suscite en effet des réactions hétérogènes (de l’aversion à la fascination), et les craintes qu’il est susceptible de susciter sont d’ordres très divers : transmission de maladies génétiques ou malformations des enfants qui en sont issus, mais aussi catastrophes naturelles ou pollution du vent qui en résulteraient (Héritier 1994, Michelet 2017). Ces conséquences environnementales, voire cosmogoniques, font écho à la variabilité de la parenté elle-même : de même qu’elle ne peut être restreinte aux liens issus de la procréation, les conséquences des unions incestueuses ne se limitent pas par défaut au couple concerné et à son éventuelle progéniture. Ces remarques provisoires invitent à poursuivre la réflexion sur les rapports complexes entre sexualité, reproduction et parenté : ces dimensions ne coïncident pas toujours, et s’articulent différemment suivant les ordres du discours (normes juridiques, prescriptions religieuses ou jugements ordinaires, pour n’en citer que quelques-uns).

La parenté comme vecteur d’une comparaison itérative ouverte

  • 21 Pour une critique, parmi d’autres, de la totalisation, voir la position de Marilyn Strathern telle (...)

34Si j’ai suggéré différentes pistes, je me trouve néanmoins confronté à un problème déjà soulevé par Schneider (1984), et avec lequel j’ai ouvert cette contribution : sans la référence universelle à la généalogie, pourquoi parler de parenté et traduire les termes locaux par des termes de parenté ? Schneider opposait la singularité irréductible des systèmes culturels aux anthropologues qui jugeaient que les liens issus de la procréation offraient le point d’ancrage ou l’invariant légitimant le travail comparatif. Mais on peut juger qu’il s’est en fait attaqué à une version caricaturale de la comparaison. Celle-ci reste, selon moi, possible, souhaitable et nécessaire, à condition qu’elle n’ait pas pour prétention d’être totalisatrice ou de rechercher un point de clôture définitif21. Il faut toujours garder à l’esprit que les concepts qui peuplent l’anthropologie de la parenté, et le concept de parenté lui-même, sont, à l’instar de tous les concepts des sciences sociales, des idéaux types et non des classes ou des catégories (Passeron 1991). C’est parce que de nouveaux contextes sont toujours susceptibles d’être introduits – et réciproquement que d’autres tombent dans l’oubli – que les comparaisons anthropologiques ne peuvent être qu’en mouvement, sans chercher à définir a priori un domaine circonscrit de faits. Dans la mesure où, Comparator, je cherche en premier lieu à étudier l’ensemble des phénomènes sociaux ressortant de contextes spécifiques situés, dans le temps et dans l’espace, susceptibles de se rattacher d’une manière ou d’une autre à la parenté, une définition stricte de ce que serait « la » parenté apparaît éminemment contre-productive a priori et pour le moins superflue a posteriori.

35Les concepts s’enrichissent au fur et à mesure des confrontations successives à de nouveaux contextes ou de nouvelles analyses, et ils peuvent varier en compréhension ou en extension suivant ce qu’on en fait. Ainsi, ce n’est évidemment pas avec des objectifs comparables à ceux des anthropologues de l’Amazonie ou de la Mélanésie que Weston (1991) fait appel à la parenté pour décrire l’expérience des personnes LGBT+ de Californie dans les années 1970 et 1980. Dans ce cas, le fait que la parenté telle que ces personnes la vivent et la fabriquent soit contestée par d’autres fait partie intégrante de la situation à comprendre – par exemple que les parents de naissance d’une lesbienne refusent de reconnaître comme leurs petits-enfants des enfants portés par la compagne de leur fille, ou que l’hôpital interdise à un homme gay de rendre visite à son compagnon malade du Sida. Il y a là certes des distinctions entre différents types de parents, mais ce ne sont pas les mêmes que celles qui opposent affins et consanguins : comme on le voit, c’est tant une relation consanguine qu’une relation affinale qui sont contestées dans ce petit exemple. De même, il est tout aussi légitime et possible de prendre appui pour un travail comparatif sur le caractère éphémère et secondaire de l’affinité dans la parenté occidentale (Dumont 1983) que sur la place centrale des relations d’affinité dans l’élaboration conceptuelle de la citoyenneté américaine (Cott 2000) ou le développement du capitalisme en occident (McKinnon & Cannell 2013). Il n’y a donc pas lieu de chercher à se prononcer de manière radicale sur le caractère durable ou non, fondamental ou non, de l’affinité en Occident. Il s’agit plutôt à chaque fois de préciser dans quelle perspective et en quel sens tel ou tel aspect de la parenté peut être mis en perspective.

36S’il est possible de multiplier les comparaisons, et de développer des comparaisons « latérales » – par exemple entre la parenté dravidienne symétrique en Inde du Sud et la parenté dravidienne concentrique en Amazonie –, la comparaison « frontale » entre le point de vue de l’ethnologue et la population qu’il ou elle étudie reste centrale pour la question qui nous occupe (sur ces deux modes de comparaison, voir Candea 2018). L’anthropologie a été initialement un projet euro-américain et il n’est donc pas étonnant que les fondateurs de la discipline aient ressenti la nécessité de prendre pour point de départ de leur projet comparatif les définitions qui leur étaient familières. Nous autres, anthropologues, continuons à nous déplacer « ailleurs » pour étudier des systèmes de relations, de termes, d’attitudes, etc., qui, d’une manière ou d’une autre, nous apparaissent, immédiatement ou non, partager quelques traits communs avec la parenté occidentale. Ne serait-ce que pour cette raison, on ne peut étudier la parenté en excluant a priori la procréation. Il est néanmoins nécessaire de reconnaître aussi que les autres manières de faire et de vivre présentent un intérêt propre. On est alors mieux à même de se décentrer vis-à-vis de nos systèmes culturels pour appréhender des phénomènes auxquels notre familiarité avec notre culture nous rendait aveugles. En somme, nous n’avons pas besoin de définition pour faire de la recherche et le but de la recherche n’est pas de produire des définitions. Je ne cherche pas à clore les comparaisons possibles, mais, à l’inverse, toujours à les ouvrir, en particulier de manière à comprendre des cas limites (par exemple celles impliquant des non-humains) ou des évolutions inattendues (que ce soit l’explosion contemporaine des cérémonies de mariage ou la parenté des personnes trans).

Nous autres, Victoriens ?

37Le référent européen, ou euro-américain, a cependant longtemps été le plus implicite (comme dans toutes les comparaisons frontales). Il est donc nécessaire de continuer à en expliciter les présupposés pour prendre conscience et éventuellement critiquer le point de départ de nos projets comparatifs. Mon but n’était pas ici d’attaquer gratuitement les fondateurs de la discipline. Des États-Unis, Morgan a été le premier à lancer une enquête comparative sur la parenté, inspirée par les premières données qu’il avait recueillies lors de son travail sur la « Ligue des Iroquois », et dont il publia les résultats dans son Systems of Consanguinity and Affinity (1871). Son objectif était incontestablement de dépasser les présupposés de son époque et son travail sur les terminologies a donné naissance à toute une tradition de recherche. Mais, précisément, il a impulsé un mouvement qui allait nécessairement conduire à sa propre remise en question et à son dépassement – une dynamique interne typique de l’anthropologie. S’il a cherché à rendre compte de la diversité des terminologies de parenté, il est également resté prisonnier d’une conception qui le conduisait à délimiter de manière rigide le type de données qu’il allait comparer (des terminologies entre elles) et à les hiérarchiser au travers d’une perspective évolutionniste. Dans les deux cas, la référence à la procréation joue un rôle crucial quoiqu’implicite.

  • 22 Il s’agit, aussi, d’un moment d’expansion coloniale, et Stoler (2002) a bien montré à quel point la (...)
  • 23 La citation originale est la suivante : « The British nineteenth century evolutionist anthropologis (...)

38Cette focalisation sur la procréation comme fondement de la parenté me semble liée à un moment très particulier de la parenté occidentale, qui est aussi celui de l’essor de l’anthropologie (comme l’a bien décrit Schneider 1984) : ce moment, que Foucault qualifie de victorien, est celui où « le couple, légitime et procréateur, fait la loi. Il s’impose comme modèle, fait valoir la norme » (Foucault 1976 : 10). Précisons, pour éviter tout malentendu, que le moment victorien ne décrit pas la réalité des configurations familiales européennes (ou nord-américaines) à partir de 1830 : il s’agit du moment où ce modèle devient fondamental pour penser la parenté (Stocking 1987 : 197-208)22. Un signe de cette conjonction, parmi d’autres, est l’évolutionnisme qui place le couple monogame et légitime (« holy matrimony ») comme l’aboutissement de l’évolution humaine. Il y a bien entendu de ce point de vue une tension originaire entre la procréation et la légitimité de la filiation. C’est, précisément, la singularité du moment victorien que d’avoir considéré que l’évolution sociale consistait à résoudre cette tension en fournissant les moyens de connaître et de reconnaître légalement les procréateurs des enfants qui naissent. Comme l’écrit Edmund Leach avec la bienveillance qui le caractérise : « Les anthropologues évolutionnistes britanniques du xixe siècle étaient principalement des Écossais presbytériens baignant dans l’étude de l’Antiquité et partageant, autant qu’on puisse en juger, les valeurs impérialistes et paternalistes qui caractérisaient la classe dirigeante anglaise de l’époque. Leurs théories révèlent un monde imaginaire d’hommes dominants qui copulaient sans discrimination avec leurs compagnes esclaves, lesquelles donnaient ensuite naissance à des enfants qui reconnaissaient leur mère, mais pas leur père » (Leach 1966 : 43)23. Son jugement pourrait probablement être étendu au-delà des seuls Britanniques. Il s’agissait pour ces anthropologues d’expliquer comment on était passé d’une telle situation (que Leach qualifie d’« imaginaire » car elle correspond selon lui davantage à l’esclavage de plantation en Amérique qu’au premier stade de l’évolution humaine) à la sacralisation du mariage monogame et de la famille nucléaire en vogue à leur époque. L’anthropologie contemporaine de la parenté est en quelque sorte née, sous l’effet de l’enquête de terrain, de la difficulté d’appliquer sérieusement l’hypothèse de l’évolution unilinéaire des cultures humaines allant des plus primitives aux plus évoluées.

  • 24 Parmi les artistes associés à ce mouvement qui a émergé au cours des dernières décennies du xixe si (...)

39Il est aujourd’hui nécessaire de reconnaître que ce moment « victorien » a été un moment historique (avec un début et une fin) plutôt qu’un aboutissement ou une référence absolue. Le couple monogame et la famille nucléaire ont certes pu exister bien avant le xixe siècle et ailleurs qu’en Europe et en Amérique du Nord : Veyne (1978) en a ainsi montré l’émergence, quoiqu’avec des corrélats assez différents, dans la Rome impériale. Mais ce n’est qu’à des moments très particuliers qu’ils ont été constitués en référence morale et intellectuelle incontournable. Et si le moment victorien m’intéresse au premier chef, c’est parce qu’il coïncide avec celui de la naissance de l’anthropologie et que cette naissance est liée à une idéologie familiale et matrimoniale particulière. Il s’agit probablement de mon point essentiel de désaccord avec l’approche de Hominidae, qui me semble incapable de remettre en question cette prééminence accordée à la monogamie, liée à un héritage historique particulier, même en redéfinissant la notion. Aujourd’hui, cette parenthèse semble se refermer et je pense que les évolutions actuelles (techniques, morales ou juridiques) réalisent en pratique un « ré-ensauvagement » de la parenté euro-américaine qui a sans doute toujours été diverse et changeante. Il est, en effet, possible de voir la démultiplication actuelle des liens de parenté comme la réémergence d’une dynamique éclipsée par le mouvement victorien et néanmoins maintenue alors à la marge dans des cercles restreints, tel le mouvement très subversif qualifié de décadent dans les études littéraires en particulier, promouvant par exemple l’avortement, voire l’infanticide, l’homosexualité et le travestissement, et le sado-masochisme24. Certains baby-boomers s’étaient déjà réapproprié ces pratiques transgressives au travers de la contre-culture des années 1960-1970, avant qu’elles ne se généralisent. Quoi qu’il en soit, l’essor d’une « parenté sans sexualité » et le cumul de parents multiples conduisent à provincialiser, sans les annuler, les formes de parenté fondées simplement sur la coïncidence de principe du couple légitime avec la procréation.

40Il n’y a aucune raison de penser que les autres partagent nos conceptions de la parenté, mais, dans la mesure où les transformations contemporaines tendent à desserrer, non sans mal, les contraintes du modèle victorien, elles nous ont ramenés à des problèmes plus comparables. Les difficultés que rencontre l’anthropologie actuelle de la parenté résultent peut-être moins de la profondeur des transformations en cours que du caractère daté et rigide de nos outils d’analyse. En s’éloignant des coordonnées à partir desquelles la parenté euro-américaine nous semblait intelligible et évidente, elle s’est insensiblement rapprochée des problématiques qui sont prédominantes dans bien d’autres endroits du monde. De manière quelque peu paradoxale, les nouvelles technologies de reproduction et l’évolution du droit qui les accompagnent contribuent au « ré-ensauvagement » du domaine de la parenté.

41Ces questions permettent également de brouiller l’opposition entre l’Occident moderne et le reste du monde, en étudiant comment des technologies identiques peuvent être encadrées par diverses normes et soumises à d’autres priorités (pour le Liban, voir Clarke 2008 ; pour l’Équateur, Roberts 2007), ou inversement comment d’importantes différences légales peuvent exister entre divers pays « euro-américains » (par exemple l’autorisation précoce de la gestation pour autrui aux États-Unis ou l’interdiction de l’inceste, même entre adultes consentants, en Allemagne). C’est là une des raisons pour avoir confiance dans le dynamisme continu de l’anthropologie.

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Notes

1 Pour une discussion déjà ancienne, voir Allard 2006. Pour une version plus récente de la controverse, voir Kuper 2018 et Papadaki et al. 2019.

2 Voir Leach in Kuper 1986 : 375 et 380.

3 Les anthropologues du milieu du xxe siècle, comme certains de leurs épigones contemporains, ont souvent considéré que les sociétés traditionnelles « fondées sur la parenté » (kin-based societies) représentaient l’objet principal de la discipline.

4 Ce qui implique un élargissement de la perspective sur ce que serait « réellement » la parenté dans tel ou tel cas.

5 Sinon, le risque est de tomber dans l’anthropologocentrisme (ou ethnologocentrisme), doctrine selon laquelle les idées préconçues de l’anthropologue – ou de l’ethnologue – constituent un modèle de référence pour ranger a priori toute donnée d’observation dans la catégorie idoine.

6 Pour un cas amazonien où l’amitié formelle est héritée en ligne paternelle, voir Lea 2012.

7 Lors d’une réunion de l’équipe « Parenté et logiques relationnelles » du LAS.

8 Pour le dire simplement, quand mes affins peuvent être décrits de leur point de vue comme un ou des groupes de consanguins.

9 Ce qui est probablement à mettre au compte du système de common law.

10 California Courts of Appeal Cases, Cal. App. 4th, 61, 1410 et 1418, In re, Marriage of Buzzanca, 1998. En ligne: https://law.justia.com/cases/california/court-of-appeal/4th/61/1410.html

11 « La conception mentale de l’enfant est un facteur essentiel de sa création et les auteurs de cette conception doivent être reconnus comme les concepteurs [de l’enfant]. » Andrea E. Stumpf, « Redefining Mother: A Legal Matrix for New Reproductive Technologies » (1986), The Yale Law Journal no 96, p. 187-208 : 196 ; cité dans Johnson vs. Calvert, 5 Cal.4th. 84, 851 P.2d 776, 1993 (ma traduction), et repris dans les notes du jugement de l’affaire Buzzanca.

12 Pour une discussion des stratégies analytiques opposant règles et stratégies, voir Moya 2015.

13 C’est d’ailleurs un point sur lequel s’accordent Strathern (1988 : 231-240) et Weiner (1979 : 337-445), pour en donner des interprétations différentes, voir sur ce point Allard (2006 : 443-444).

14 Article 222-31-1 du Code pénal, Loi no 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

15 Le Monde, 5 janvier 2021. En ligne : https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/05/accuse-d-inceste-le-politologue-olivier-duhamel-vise-par-une-enquete-pour-viols-et-agressions-sexuelles_6065265_3224.html, consulté le 12 mai 2021.

16 Loi no 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

17 Articles 161-163 du Code civil (Livre 1er, Titre V, Chapitre 1er).

18 Article 310-2 du Code civil (Livre 1er, Titre VII, Chapitre 1er).

19 Un arrêt récent de la Cour d’appel de Caen (8 juin 2017) a certes refusé d’annuler le deuxième lien de filiation d’un enfant né d’un inceste, mais cet arrêt a fait prévaloir l’intérêt de l’enfant en raison de la reconnaissance de la particularité du cas considéré et ainsi n’est pas venu remettre en cause le principe général de l’interdit s’appliquant à une double filiation incestueuse. En effet, comme le père avait déposé une reconnaissance en paternité avant la naissance de l’enfant, c’est la filiation avec la mère – qui élevait l’enfant – que le tribunal avait initialement annulée ; et les parents – frère et sœur utérins ayant grandi séparément – ignoraient qu’ils étaient apparentés au moment de la conception.

20 Cass. civ. 1re, 6 janvier 2004.

21 Pour une critique, parmi d’autres, de la totalisation, voir la position de Marilyn Strathern telle que commentée par Iteanu (2014).

22 Il s’agit, aussi, d’un moment d’expansion coloniale, et Stoler (2002) a bien montré à quel point la vie affective, érotique et conjugale des colons et des colonisés était au cœur du colonialisme au tournant des xixe et xxe siècles.

23 La citation originale est la suivante : « The British nineteenth century evolutionist anthropologists were mostly Presbyterian Scots soaked in a study of the classics and sharing, as far as one can judge, most of the paternalistic imperialist values characteristic of the English ruling class of the period. Their theories reveal a fantasy world of masterly men who copulated indiscriminately with their slave wives who then bore children who recognised their mothers but not their fathers ».

24 Parmi les artistes associés à ce mouvement qui a émergé au cours des dernières décennies du xixe siècle, c’est-à-dire précisément en pleine période victorienne, on citera Joris-Karl Huysmans, Baudelaire, Oscar Wilde et surtout Rachilde ; voir Besnard-Coursodon 1984 et Bergeron 2012.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Comparator, « La parenté comme vecteur de comparaison »Terrain [En ligne], Lectures et débats, mis en ligne le 15 décembre 2022, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/24347 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.24347

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