Liaisons troubles en maison close
Abstract
À partir d’une ethnographie du travail des femmes migrantes chinoises employées dans une maison close de Taipei, le récit propose une réflexion sur l’éthique de l’enquête. Il narre la production de complicités entre l’ethnographe et une pluralité d’acteurs : le maquereau local, ses partenaires, ses subalternes et les femmes. Construites in situ, les complicités se révèlent précaires et temporaires : elles se font et se défont, débouchant sur une complicité in fine impossible, faite d’ambivalences, de mensonges, de proximités illusoires, d’échanges éthiquement douteux. Dans la maison close, des relations sociales équivoques sont agencées et hiérarchisées en fonction d’intérêts personnels, de relations de pouvoirs et de complicités ambiguës au sein desquelles l’ethnographe négocie sa présence, fragile, précaire, mais est expulsée du terrain quand les complicités se rompent.
Full text
Credits: © Jean-Baptiste Petit
1Alors que je versais du whisky dans son verre, je n’osais même pas regarder Ah-Ge dans les yeux. Je faisais semblant de boire mais je ne buvais quasiment pas. Ah-Ge avait demandé à sa femme de partir, j’étais donc seule avec lui. Il voulait discuter, même si la conversation était plutôt le monologue d’un homme ivre, aux mots sexistes, stéréotypés, violents. Je faisais semblant de rire, d’être amusée. Je devais gagner ses bonnes grâces. Assise sur une chaise devant lui, je tournais la tête et je regardais les tableaux aux motifs vulgaires sur le mur, la table en cristal, les couteaux. En levant la tête, je découvris des caméras. Tout cela était inquiétant et galvanisant à la fois. Tout d’un coup, la confiance en moi et l’enthousiasme que celle-ci générait se transformaient en peur — peur de cet environnement et de ces hommes ; peur de faire un faux pas, d’être imprudente ; peur que quelqu’un me fasse du mal. Des hommes rentraient et sortaient de la pièce. Je faisais semblant d’être à l’aise, sans poser de questions. Je fis mine de sourire quand Ah-Ge insulta ses subalternes en éteignant une cigarette sur la main de l’un d’entre eux, en riant, cherchant mon regard complice, que j’étais quelque peu obligée de lui offrir, gênée.
2Sur le terrain en 2016 et 2017, cherchant à retracer les parcours migratoires et professionnels des femmes migrantes chinoises à Taiwan, j’ai été confrontée à leurs expériences de travail dans des maisons closes, officiellement des salons de massages, dans le « quartier rouge » (Linsen bei) de Taipei. Ah-Ge a cinquante-six ans, il est membre des réseaux d’organisations criminelles locales (hei shehui) et propriétaire d’un salon de massages. J’étais proche de sa femme, la mamasang - en charge de la maison close - qui suivait les cours d’anglais que je donnais le mardi soir dans un magasin de lingerie dans la périphérie de la ville. C’est dans cet espace d’échange que j’ai pu rencontrer un grand nombre de migrantes chinoises qui venaient suivre les cours.
3Je demandai à la femme d’Ah-Ge de pouvoir accéder à ce microcosme opaque et caché. Elle m’indiqua que je devais m’adresser à son mari. Elle ajouta que cela n’irait pas de soi et qu’il faudrait négocier. Elle me précisa qu’il aimait boire. Curieuse et anxieuse, un soir de janvier, je me présentai avec elle au bureau d’Ah-Ge. La façade du bâtiment était délabrée, contrastant avec l’intérieur, très kitsch et rétro. Il me fallut huit soirées pour négocier mon accès au salon. Et chaque fois, les bouteilles de whisky importé se révélaient insuffisantes. Plus loin dans la rue, à proximité de ce bureau logistique, se cachaient des pratiques d’exploitation de la prostitution transnationale, souvent des femmes migrantes, vietnamiennes et chinoises. Pour mon enquête, il me semblait opportun d’y accéder. Cependant, je ne me sentais pas à ma place dans cet espace, même si je ne voulais pas montrer mes hésitations et mes craintes. En ma présence, Ah-Ge riait. Il percevait peut-être mon malaise dans un tel environnement et il me faisait marcher ; chaque rencontre n’était jamais la dernière. Chaque fois que j’avais l’impression qu’il allait accepter, il refusait, et le temps passait.
- 1 Edward P. Thompson, The making of the English working class, Londres, Penguin Books, 1963.
- 2 Michel Naepels, « Une étrange étrangeté. Remarques sur la situation ethnographique », L’Homme no 14 (...)
4Je devais prouver à Ah-Ge que j’étais de son côté, que j’étais sa complice. Il me fut vite clair qu’Ah-Ge voulait quelque chose en échange : une escort girl à ses côtés pendant ses dîners. « Sous le ciel, il n’y a pas de repas gratuits » (Tianxia mei you mianfei de wucan) nous enseigne le proverbe chinois : je devais le convaincre que non seulement je garderais ses secrets pour moi, sans le dénoncer, mais que j’étais prête à m’engager. Pour ce faire, je devais l’accompagner à plusieurs dîners avec des maquereaux locaux et étrangers avec lesquels il faisait affaire. C’était du do ut des. Je devais « sourire, être jolie, être mignonne », disait-il. Pour lui, j’étais maline et divertissante. Mon apparence « occidentale » lui semblait charmante ; mon statut de jeune femme blanche renforçait de fait la fabrique d’une telle complicité, illusoire pour moi, matériellement tangible pour lui, au moins en situation. Mais c’était une complicité intéressée, mensongère, où chacun poursuivait ses intérêts : Ah-Ge menait à bien ses affaires, et moi, j’accédais au salon, du moins je l’espérais. Se dressaient alors les contours d’une économie morale1 de la complicité, où j’adoptais, en situation et à durée déterminée, des codes de comportement, des normes et des valeurs afin de prendre ma place sur le terrain. Mais plus que d’une « complicité initiatique » trop souvent magnifiée et légitimatrice des expériences ethnographiques2, il s’agissait là d’un jeu de rôle kafkaïen où de sociologue je m’improvisais comédienne, avec maladresse et malaise, dans une pièce dont j’avais du mal à partager l’éthique — à Taiwan tout comme en Europe ou ailleurs dans le monde.
- 3 Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne. Tome 1 : La présentation de soi, Paris, Les (...)
5En accompagnant Ah-Ge dans des restaurants de luxe, ensuite dans les bars et les karaokés, derrière la gestion de l’impression3 d’assurance et nonchalance que je me forçais à donner, j’oscillais entre des émotions ambivalentes : l’excitation et la curiosité — en me sentant privilégiée et acceptée — mais aussi la peur, l’embarras et même, la honte — j’étais témoin de trafics illégaux, d’exploitation de la prostitution, de mobilités humaines clandestines, aidant Ah-Ge à négocier dans des situations éthiquement douteuses. En tout autre contexte, j’aurais eu du mal à m’imaginer soutenir le travail d’un maquereau. Et si l’échange pour obtenir l’accès au terrain relève d’une praxis ethnographique commune, mes (ré)actions complices me donnaient l’impression de légitimer des pratiques illicites et, surtout, moralement insupportables.
- 4 Steven Lubet, « Ethics on the run », The New Rambler Review, 2015. En ligne : http://newramblerrevi (...)
6On buvait, on fumait ; la musique était forte, les pièces étaient sombres. Ah-Ge et les autres hommes se rapprochaient des filles dans le karaoké, leur touchaient les fesses en se fendant de blagues sexistes, auxquelles je faisais semblant de rire. On me demandait de boire. On attendait que je sourie, que je rie, que je m’amuse. Ah-Ge me prenait sous son bras ; je flirtais complaisamment avec ses partenaires, amusés par la présence d’une étrangère. « Être à côté d’une blanche charmante, c’est plutôt chic. Ça n’arrive pas souvent. Ici, il n’y a que des putes bon marché. Tu les vois, elles, il y a juste une chose qu’elles savent faire. Des Chinoises, des Vietnamiennes, elles ne servent qu’à ça. Et c’est pour ça qu’on veut d’elles », me dit Ah-Ge. J’étais révoltée par de telles insultes à l’égard des femmes. Mais je ne disais rien. Quelle est la part d’inévitable et d’acceptable et qu’est-ce qui relève du « trop »4 dans une telle complicité ? Je n’avais aucune estime pour ces hommes ; leurs actes, leurs paroles me répugnaient. J’aurais voulu être en mesure d’exprimer à voix haute mon opinion, ma révolte, mon désaccord. Cependant je me taisais. J’aurais voulu leur dire ce que je pensais d’eux et puis partir. Cependant, je restais. Je jouais la complaisance ; je rougissais par moment, je secouais la tête de manière affirmative. Au fond de moi, j’espérais être ailleurs. Néanmoins, tout commentaire inapproprié, tout signe de désaccord aurait mis fin au contrat fragile que j’étais en train de négocier. J’avais presque honte de moi : honte non seulement de ne pas réagir, d’être en train de co-produire des situations que je trouvais injustes, en laissant prévaloir mes intérêts au détriment de convictions éthiques. J’avais aussi honte de trouver une telle performance théâtrale excitante, mise au défi de l’incertitude des soirées à venir où mes limites devaient chaque fois se trouver repoussées.
7Certes, je méprisais ces hommes. Mais je les laissais m’utiliser, tout comme moi je les utilisais. Ah-Ge savait que je jouais un rôle. Parfois, il m’incitait même à être plus convaincante « sois plus serviable à mon égard, il faut que tu sois crédible, à mes copains tu diras qu’on s’est rencontrés en Europe quand j’étais en voyage d’affaires. » Ah-Ge n’était jamais allé en Europe. L’artificialité de la scène était claire, mais cela n’avait guère d’importance.
8Finalement, l’accord obtenu, je fus prise en charge par Ah-Qi, le subalterne d’Ah-Ge. Ce dernier ne voulait pas être embêté par mon enquête, je changeai donc d’interlocuteur. J’avais vu Ah-Qi pour la première fois dans le bureau d’Ah-Ge. Alors qu’on buvait, Ah-Qi entra, ivre probablement, en marchant frénétiquement dans la salle. Quand il me vit, apprenant mon origine italienne, il hurla « puttana la madonna » (ta mère la pute). Je n’avais encore jamais rencontré en Asie une personne utilisant un langage aussi vulgaire et argotique. Je découvris que, fils d’un Taiwanais et d’une Philippine, il avait travaillé dans un restaurant italien et qu’il répétait en fait les insultes que lui adressait son chef d’alors. Travaillant pour Ah-Ge, Ah-Qi s’occupait du recrutement et de la gestion du travail des femmes ; et c’était avec lui que je négociais ma présence in situ le soir et la nuit. En même temps, Ah-Ge me confia qu’il ne faisait plus confiance à Ah-Qi et voulait aussi que j’espionne son travail. Je changeais encore de rôle : de la sociologue à l’escort girl, je devenais maintenant l’espionne du maquereau. De nouvelles complicités, situationnelles, illusoires, bricolées se construisaient. Dans ce contexte, la fabrique des rapports sociaux de complicité était accompagnée par de nouveaux répertoires d’émotions ambivalentes de gêne, de malaise, de honte, de curiosité et d’excitation, qui suivaient à leur tour le rythme de mes engagements pluriels, mimétiques et dissimulateurs.
- 5 L’équivalent du CNRS à Taïwan.
9Ah-Qi et moi nous mîmes d’accord. Quelques jours après, à vingt-heures, depuis mon bureau à l’Academia Sinica5, je reçus un premier message d’Ah-Qi. « Dix heures trente », disait-il. Excitée et inquiète, je pris le métro et me rendis au lieu du rendez-vous en bas d’un immeuble au cœur du quartier à lumières rouges. Je ne savais pas exactement à quoi m’attendre. De l’extérieur, l’immeuble paraissait vieux, gris, délabré, les alentours insalubres. Une fois arrivée, j’envoyais un message à Ah-Qi. Le temps d’une cigarette, il fût en bas. Je ne pouvais pas entrer seule : il y avait un gardien et il fallait un mot de passe, qu’il n’était pas prêt à me révéler. Nous montâmes par l’ascenseur jusqu’au dix-septième étage. En sortant, je fus aveuglée par la lumière des néons. Tables en cristal, corbeilles de fruits, des antiquités luxueuses. La pièce se voulait élégante, mais je trouvais l’ambiance plutôt démodée. Ah-Qi me prit par le bras, en m’intimant de ne pas dire un mot. Du fait de ma couleur de peau, il était difficile de passer inaperçue. Dès qu’on nous saluait, je souriais, je baissais la tête et je me laissais porter par Ah-Qi. Il fallut rapidement sortir du bar pour rejoindre la pièce où les femmes se reposaient entre deux services. Nous entrâmes.
10Sans me prévenir, Ah-Qi m’introduisit auprès des femmes comme sa collaboratrice. Et là, d’emblée s’établit une frontière : je me trouvai arbitrairement placée d’un côté, celui d’Ah-Ge, d’Ah-Qi et des autres hommes, et contre le monde des femmes que je voulais investiguer. Il me fallut bien du temps pour la franchir. Je ne connaissais pas encore la relation entre les femmes et Ah-Qi, ni la réputation de ce dernier. Ce même soir, j’attirai tout de suite l’attention de Bing Bing et Hong Jie qui m’approchèrent en me demandant à quelle heure j’attaquai mon service. Je rectifiai, en expliquant subtilement que je n’étais pas en charge des massages, sans pour autant me révéler complètement dès le début. Xiao Mi nous interrompit. « Hong Jie, il y a ton client pervers qui te réclame. » « J’arrive », répondit-elle. Elle me regarda et testa ma naïveté : « Celui-là est assez terrifiant, il est obsédé par le sang menstruel, il l’étale sur le pain. » Je ne bougeai pas d’un cil. Cependant, derrière mon impassibilité apparente se cachait un dégoût profond. Ah-Qi était dans la pièce, mais sa présence ne gênait pas les femmes, apparemment, la mienne non plus. Il rigolait en allumant une cigarette, jouant son rôle. Bing Bing et Hong Jie rirent aussi.
11Les semaines passaient et le scénario de mon accès au salon était le même. Toutefois, avec le temps, mon rapport à l’espace changeait. Je gagnais en confiance, je connaissais les entrées et les sorties, je transitais sereinement à travers le bar, en attirant de moins en moins le regard. Je saluais même les clients, en refusant poliment les verres que les habitués m’offraient. Ma présence se banalisait. Je rencontrais de plus en plus de femmes et je me rapprochais de certaines d’entre elles. Je leur ramenais de la nourriture, je les aidais à s’habiller, à changer les draps, on partageait du café et de l’alcool tard le soir. Quand on pouvait, on discutait à l’intérieur du salon ou on mangeait un bout ensemble aux aurores à la fin de leur service. Leur travail était précaire. Beaucoup de femmes quittaient le salon, de nouvelles y arrivaient, d’autres y retournaient pour en repartir. L’injustice, l’insatisfaction, la honte, mais aussi le besoin et l’argent les faisaient tourner entre un emploi et l’autre. Elles me confiaient la violence quotidienne qu’elles subissaient. Je les observais interagir entre elles, avec leurs clients, avec Ah-Qi et les autres maquereaux qui circulaient entre le bar et le salon ; via les mots et les gestes des femmes, j’apercevais les géométries sombres d’un endroit encore plus sale que ce à quoi je m’attendais.
12Un jour, je découvris qu’Ah-Qi faisait du chantage aux femmes. À la fin de chaque service, il récupérait des commissions sur leur travail, mais se faisait aussi prêter de l’argent quand, déjà endetté, il devait acheter des amphétamines. Il débarquait silencieusement dans les pièces en réclamant de l’argent. Quand il était trop ivre, il hurlait en cherchant mon regard complice à travers les rigolades, oscillant entre banalité de l’acte et justification inquiète à mon égard. Ah-Qi ne me demandait jamais ouvertement de me taire. La complicité s’était imposée de manière tacite, tout en implicites. Il m’était impossible de révéler ou de dénoncer tout cela, et il me semblait évident qu’il le savait.
13Je ne sus jamais s’il me faisait vraiment confiance. Néanmoins, il ignorait qu’Ah-Ge m’avait demandé de garder un œil sur lui. Un soir, alors qu’il sortait d’une des pièces en se rhabillant, en compagnie d’une des femmes, je compris qu’il couchait avec elles. Pendant que je l’aidais à resserrer son corset un autre soir, Mi Xin le confirma. Elle aussi avait couché avec lui. Me le confier était peut-être pour elle un acte libératoire, ou alors une forme de transgression, de vengeance ou un appel au secours. Qui sait ? Néanmoins, elle craignait d’être trahie. Comme elle, les femmes ne parlaient pas, elles étaient effrayées de perdre leur travail ou qu’on leur fasse du mal. Et quand les expressions d’embarras ou de jugement sur mon visage devenaient indéniables, elles me rappelaient à l’ordre du silence, du « faire semblant ». Et avec un sentiment de honte grandissant, je faisais comme si de rien n’était, en acceptant la spontanéité mensongère qui me poussait à détourner le regard. Ah-Ge soupçonnait de plus en plus le comportement d’Ah-Qi. Il me convoqua dans son bureau et me demanda plus d’informations. Je me tus. Une performance irréprochable : je me montrai surprise et ignorante. Si je perdais Ah-Qi, je perdais mon accès au terrain. Donc, exactement comme Ah-Qi et comme les femmes, je mentis. Ah-Ge me crut, ou au moins, j’en eus l’impression. Dès mon arrivée dans le bar, le salon ou le bureau d’Ah-Ge, j’étais devenue témoin de relations sociales verticales et hiérarchiques, d’interactions mensongères où tout le monde mentait à tout le monde. Au fil du temps et des circonstances, je fus amenée moi aussi à reproduire ces comportements. Mes hésitations et mes regards critiques initiaux laissèrent place à une banalisation des dissimulations et du mensonge, non sans honte, mais certainement avec une aisance qui se renforça au fur et à mesure que j’affermissai ma place sur le terrain.
14Pendant quatre mois, complice d’Ah-Ge au début, d’Ah-Qi ensuite, je me rapprochais de plus en plus des femmes. Dans le salon, je les couvrais. Un soir, pour se soustraire à la violence, Bing Bing drogua un client, qui resta allongé, nu, sur le canapé. Elle aurait pu être renvoyée pour un tel acte. Elle me vit, effrayée, en fermant la porte. Elle craignait que je parle. Dans son regard, je vis sa demande désespérée de silence ; elle me demanda de ne pas appeler les autres. Je la rassurai. Elle sourit, soulagée. Bing Bing couvrait souvent Ah-Qi, mais elle n’était pas sûre qu’Ah-Qi l’aurait couverte. Je mentais, comme les femmes mentaient à Ah-Qi et ce dernier mentait à Ah-Ge. J’adaptais mon comportement à celui des autres, la dissimulation et le mimétisme étaient à la base de la complicité. Quand le client se réveilla et sortit confus de la pièce, il nous regarda, il me regarda. Son visage perplexe laissait présager qu’il était en attente d’une explication. Avec nonchalance, Bing Bing lui passa sa veste en le congédiant. Avec la même nonchalance, je souris en lui souhaitant une bonne nuit, sans ajouter un mot. Heureusement, Ah-Qi ne nous vit pas. Il aurait été responsable devant Ah-Ge d’un tel comportement. En laissant partir le client, sans dénoncer Bing Bing, ma complicité avec Ah-Qi était rompue. Cela ne me gênait pas de couvrir Bing Bing, au contraire, j’en étais presque fière. Contrairement à Ah-Ge et Ah-Qi, je devenais sa complice car je voulais l’être. Les relations sociales pendant l’enquête ethnographique changeaient de nouveau : des déséquilibres émergeaient. Les anciennes complicités équivoques persistaient, mais d’autres se nouaient. Et des hiérarchies s’installaient. Au fil de mes interactions avec les femmes, de ce que je croyais être acceptable et inacceptable éthiquement, je me rangeais du côté des uns ou des autres. Quand je sentais que ma présence devenait fragile, je (re)négociais le contrat de confiance. En suivant mes propres intérêts, le besoin de l’enquête, transgressant l’accord avec Ah-Ge, je rencontrais les femmes à l’extérieur. À la fin de la nuit, quand même le sommeil était passé, nous nous éloignions du salon pour prendre le petit-déjeuner. Nos rencontres et discussions devenaient plus fréquentes. La parole se libérait enfin des contraintes, les non-dits au sein du salon émargeaient alors à travers la narration des expériences que les femmes osaient enfin dévoiler, une fois à l’extérieur de celui-ci.
- 6 Michael Pollack, « La gestion de l’indicibleæ », Actes de la recherche en sciences sociales no 62-6 (...)
15L’écoute, les sourires, les larmes, une compréhension jamais forcée des différences de nos rôles et statuts dessinaient les contours d’une « gestion de l’indicible6 » entre les femmes elles-mêmes, entre elles et moi, mais, surtout, en moi, ethnographe, auditrice, actrice, complice. Les complicités s’établissaient dans des spatialités et des temporalités variables, dont la géométrie se recomposait selon les intérêts personnels et momentanés des uns et des autres dans la maison close, mais aussi en fonction de nouvelles réciprocités nouées à l’extérieur, peut-être même une forme de proximité émotionnelle que je construisais avec elles. Et là, mes convictions éthiques, ma solidarité avec les femmes, qui devenait de plus en plus de l’affection, prenaient le dessus. Je mis les femmes en lien avec d’autres migrantes chinoises dont j’étais déjà proche. Bing Bing, Xiao Mi, Mei Li joignirent même le cours d’anglais que je donnais dans le magasin de soutiens-gorge. Là-bas, de nouvelles trames sociales se faisaient jour dans un ailleurs différent, fait de compréhension, de soutien mutuel ; c’est ce que j’espérais tout du moins. Nos interactions changeaient de cadre, mais pas de substance. Si les mensonges persistaient, étaient-ils partie intégrante de la complicité ? Ou s’agissait-il, de plus en plus, d’une complicité basée sur des affections ? Je ne révélais jamais la double vie de ces femmes aux autres. Celles qui se connaissaient savaient et c’était tout. Là, les complicités noires, camouflées, illusoires, tissées avec les maquereaux se dénouaient, en laissant place à de nouvelles complicités avec les femmes, qui se transformaient en engagements et affinités. Cinq d’entre elles quittèrent le salon pour travailler ailleurs, fortes de nouveaux réseaux professionnels qu’elles avaient pu tisser grâce à mon aide : les complicités fondées sur le secret et les pactes passés avec Ah-Ge et Ah-Qi se défaisaient. Je comprenais ainsi qu’une complicité simultanée avec tout le monde était impossible. Il s’agissait de modes de complicité de crime et de crise, inévitablement friables et précaires. Il s’agissait de complicités produites à partir d’une juxtaposition de rôles multiples et pas toujours conciliables dans l’absolu, mais dont la cohérence s’était jusque-là construite à partir des spécificités des situations et des engagements ethnographiques, des rythmes du terrain, ainsi que des silences, des dissimulations, des mensonges qui composent l’univers mutable des configurations sociales et émotionnelles des différents acteurs impliqués. L’imbrication-même de ces complicités changeantes en générait de nouvelles, différentielles et différenciées, toujours produites en situation, prêtes à se défaire dès que leur équilibre fragile se rompait. De qui étais-je complice ? De qui voulais-je l’être ?
- 7 George E. Marcus, « The use of complicity in the changing mise-en-scene of anthropological fieldwor (...)
- 8 Douglas R. Holmes, Integral Europe. Fast Capitalism, Multiculturalism, Neofascism, Princeton, Princ (...)
- 9 George E. Marcus, Ibid., 1997, p. 102-103.
- 10 Pierre Bourdieu, « L’identité et la représentation. Éléments pour une réflexion critique sur l’idée (...)
16Je repensais alors aux réflexions de Marcus7 et Holmes8 sur l’ethnographie des fascistes européens. Mais plus que d’une « affinité cognitive » dérivant de la compréhension mutuelle de la dissonance des rôles respectifs dont parlait Marcus9, j’avais l’impression qu’il s’agissait pour moi et ces hommes, de la fabrique d’une communauté quelque peu utilitariste d’intérêts partagés. Mais curieusement, dans celle-ci perdurait une forme de respect pour des rôles insaisissables au niveau gnoséologique, mais porteurs d’un désir de ne pas empiéter sur le travail de l’autre. C’était peut-être cela qui me dérangeait autant éthiquement. Nous recherchions, eux comme moi, un « profit symbolique10 », qui allait au-delà d’une marchandisation éhontée des attitudes et des comportements et qui, en fin de compte, générait de la tolérance pour les actes et les paroles. Et si une telle complicité allait se défaire naturellement dès que les circonstances me permettraient d’y échapper, elle n’en demeurait pas moins réelle en situation. Au contraire, avec les femmes, je construisais de la mutualité durable, des compréhensions affectives que je considérais plus authentiques car je les croyais — ou peut-être voulais-je les croire — éthiquement plus justes.
- 11 Ghislaine Gallenga & Émir Mahieddin, « Penser au miroir de l’éthique. Entretien avec Ghislaine Gall (...)
17Tout cela avait mis mes intentions intellectuelles, mes engagements éthiques et même ma bonne foi scientifique à rude épreuve. Néanmoins, ce n’était qu’en faisant et défaisant en permanence ces liens que je pouvais rester sur le terrain. C’était précisément une telle complicité, dérivant de la mise en question des règles éthiques, qui garantissait la faisabilité de l’enquête11. Et c’est cela qui préservait in fine l’équilibre instable qui me permettait de maintenir ma présence sur le terrain. J’étais complice de tous contre tous dans ce monde d’illégalité. En même temps, j’étais complice de ce monde illégal contre le monde extérieur. La vraie substance de ces relations était la précarité : celles-ci n’étaient pas tout à fait les mêmes que les relations traditionnelles de sang ou d’affect, ni celle des relations basées uniquement sur l’intérêt. La complicité se jouait sur un entre-deux, fait de silences, d’agréments tacites, d’omissions et, surtout, d’empilements de mensonges dont les acteurs, moi comprise, n’étaient que partiellement dupes.
- 12 Michel Naepels, Ibid.,1998, p. 185-199.
- 13 Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, Paris, Vrin, 1934.
18Dans la maison close, il n’y avait aucune possibilité pour une ethnographe de faire valoir une position « atopique12 », laissant penser qu’elle ne serait d’aucun clan ou d’aucun camp. Au contraire, j’étais bel et bien là, je me positionnais à côté des uns et des autres en fonction de mes intérêts, des rôles que j’étais amenée à jouer selon les situations, mais aussi de mes convictions éthiques, auxquelles j’allais in fine céder. Il n’y avait aucune étrangeté dans mes interactions avec Ah-Ge, Ah-Qi et les femmes chinoises : mon terrain était un lieu construit et conquis13 via des dissimulations et des duplicités parmi les acteurs entre eux, mais aussi entre eux et moi-même. Une conception « fluide » et flexible de l’éthique de l’enquête, à l’image des relations entre les acteurs du monde social étudié — et que rend bien l’ambivalence de la notion de complicité — était nécessaire au maintien de la présence de l’ethnographe sur le terrain : une harmonie quelque peu indiscutable. En jouant à ce jeu de dupe dont tout le monde était conscient des règles et des enjeux, je devenais pleinement partie prenante des réseaux de relations et d’interaction qui se déployaient devant moi.
19Mais cette duplicité et ces ambiguïtés, mes engagements trompeurs, mon double jeu finirent par me condamner à l’expulsion. En me voyant sortir du salon le matin avec les femmes, Ah-Ge doutait de moi depuis plusieurs semaines, mais je l’ignorais. Il découvrit que certaines de ses travailleuses avaient rejoint son épouse à mon cours d’anglais, ce qui fit office de véritable casus belli. Sa femme lui avait menti à cause de moi. Il comprit que je lui avais menti et qu’Ah-Qi lui mentait en permanence. Un mardi soir, Ah-Ge nous suivit toutes au cours d’anglais. Le cours terminé, sa femme, Bing Bing, Hong Jie, Xiao Mei et moi sommes allées ensemble au salon. Ah-Qi était absent. Il avait été viré. Ah-Ge nous attendait. Il gifla sa femme et m’interdit de monter.
20Ah-Ge me vira. Les contrats de confiance fragiles que j’avais négociés dans la maison close se défaisaient in fine quand je témoignais de situations contradictoires qui m’imposèrent de me ranger d’un côté précis. J’en souffris énormément. Sa femme fut déçue, elle m’insulta pour ma stupidité. Elle m’accusa de trahison, mot à valeur émotionnelle forte, que je n’oublierai jamais. Je ne voulais pas être perçue comme une « traitre » ; encore moins par des femmes du côté desquelles je m’étais rangée, socialement et éthiquement, en mettant à mal mes relations avec les autres. À la fin de mon enquête, j’avais hiérarchisé les formes de complicité : celles avec les femmes — des relations que je considérais sincères et durables — et celles avec les maquereaux — que je concevais volontairement comme artificielles, dissimulées et temporaires.
21J’avais donc du mal à comprendre les mots de la femme d’Ah-Ge : elle aussi avait joué le jeu, en étant ma complice. Mais là, elle se replaçait dans l’autre camp, du côté de son mari. Elle cessa de venir aux cours d’anglais et il en fut ainsi pour deux autres travailleuses du sexe qui l’avaient suivie. Par égoïsme, je craignais presque qu’une telle expérience puisse miner mes relations présentes et futures avec d’autres femmes qui suivaient le cours ; que cela mette à mal d’autres loyautés que j’avais tant peiné à construire. Fort heureusement, grâce aux silences et camouflages que l’on avait perpétués pendant des mois, ce ne fut pas le cas.
22Je ne sais pas ce qu’Ah-Qi et Ah-Ge sont devenus. Pendant plusieurs mois, j’eus du mal à passer dans le quartier rouge de Taipei, même à la lumière du jour. Je ne partageai pas cette expérience avec mes collègues auxquels, devant une question explicite, je répondais simplement que j’avais terminé mon terrain. Cela avait été un théâtre invisible de mensonges, de camouflages et de complicités temporaires. Oscillant entre excitation et honte de moi, je ne voulais pas exposer ma vulnérabilité en divulguant des secrets disciplinaires autour de pratiques de terrain que je préférais tout bonnement occulter. Je n’étais pas fière de mon expulsion du terrain. Je me sentais coupable d’avoir cassé l’ordre des choses sur place. J’avais l’impression d’avoir utilisé les acteurs ; j’avais joué des rôles, en me positionnant du côté des uns ou des autres en fonction de mes intérêts. J’avais perpétué des secrets et manqué à mes engagements, j’avais tiré profit de relations fragiles, conflictuelles et ambiguës pour obtenir les informations que je voulais. Les relations de complicité avec les uns et les autres m’avaient causées de la souffrance et du malaise, qui n’étaient pas sans effets sur la pratique ethnographique. J’avais fait ce que je pouvais pour arbitrer entre des positionnements multiples, pour sauver ma présence sur le terrain, tout en limitant les dégâts vis-à-vis des acteurs impliqués. Cependant, j’avais l’impression d’être allée bien au-delà de mon rôle de sociologue et je craignais le jugement des collègues, ou pire, d’un comité d’éthique. Mais ce sont des considérations que je n’ai développées qu’a posteriori.
- 14 Leonardo Piasere, L’ethnographe imparfait, Paris, EHESS, 2010.
- 15 Paul Rabinow, Reflections on Fieldwork in Morocco, Berkley, Los Angeles, University of California P (...)
23Jusqu’à ce jour, je n’avais encore jamais osé évoquer cette expérience. Immergée dans ces relations de complicité, partie prenante de ces dernières, j’avais adopté une éthique des relations absolument conforme à celle des acteurs que j’observais. C’est peut-être dans mes moments de plus forte honte et de culpabilité que j’étais au plus près émotionnellement des femmes, loin d’être prête à entailler une telle expérience par l’écriture14. Intense, épuisant, galvanisant, bouleversant, ce terrain m’a laissé frustrée, honteuse, perplexe, plongée dans un marasme d’émotions et de jugements15.
- 16 Patricia Ticineto Clough & Jean Halley (dir.), The Affective Turn. Theorizing the Social, Durham, D (...)
24Une fois de plus, cette expérience ethnographique m’a appris que toute relation sociale et émotionnelle sur le terrain est construite dans un temps et dans un espace précis. Et que dans la fabrique des engagements situationnels, des relations de proximité et de complicité, la subjectivité de la chercheuse, ses convictions, ses émotions, voire ses engagements et ses affections font partie intégrante de la pratique ethnographique. Et cela ne peut pas être négligé. Tout bien considéré, mes efforts d’adaptation, de dissimulation et de mimétisme m’ont permis de construire des complicités de circonstance avec les acteurs. Leur substance fragile dépendait des contextes dans lesquels elles étaient produites, ainsi que des besoins de l’enquête. Elles étaient tangibles, réelles et quelque peu « vraies » en situation. Néanmoins, elles étaient prêtes à se défaire dès que le contexte des actes, les interactions sociales et les nécessités de la recherche auraient changé. Dans un même temps, je me suis rendu compte que les complicités n’étaient pas toutes égales entre elles et ce non pas sur un plan de réalité, mais au niveau des relations sociales, humaines et émotionnelles qui les structuraient — en suivant le « tournant affectif16 », en vertu de leur importance et intensité, je les considère ici des affects.
- 17 Jeanne Favret-Saada, « Être affecté », Gradhiva : revue d’histoire et d’archives de l’anthropologie(...)
- 18 Beatrice Zani, Women Migrants in Southern China and in Taiwan. Mobilities, Digital Economies and Em (...)
25Les affects que j’avais construits avec les femmes et à l’égard des femmes m’ont « affectée » au sens donné par Jeanne Favret-Saada17. Mes intérêts de recherche, mon besoin d’accéder et de rester sur le terrain ainsi que la quête d’informations m’ont menée à construire des complicités de crime et de crise. J’ai surfé sur la vague des ambivalences et des duplicités, en acceptant en bonne comédienne des doubles jeux, en me taisant devant l’éthiquement inacceptable, en perpétuant des impostures, en me rangeant subtilement du côté des différents acteurs pour que l’enquête soit possible. Par ailleurs, les affects ont soutenu la production de relations d’amitié, de liens de solidarité et des complicités sincères. Les affects m’ont aidée à dépasser le malaise et la honte, en prenant le dessus sur les dissimulations et les tromperies quand les situations vécues devenaient pour moi insupportables socialement et éthiquement. Sans le vouloir, les affects m’ont poussée à hiérarchiser les complicités avec les acteurs ; je compris alors la puissance méthodologique et épistémologique des émotions et des affections dans la production des situations ethnographiques, voire de l’objet de recherche18. Mais les affects ont aussi produit du désordre sur le terrain, paradoxalement ils m’ont poussée à de nouvelles dissimulations et « trahisons » comme me dit la mamasang. En fonction des affects j’ai altéré des relations déjà fragiles, mis à mal des rapports de confiance, en provoquant in fine mon expulsion. Était-ce acceptable scientifiquement, voire éthiquement juste ? Aujourd’hui, après cinq ans, je ne me suis pas encore réconciliée avec moi-même.
Notes
1 Edward P. Thompson, The making of the English working class, Londres, Penguin Books, 1963.
2 Michel Naepels, « Une étrange étrangeté. Remarques sur la situation ethnographique », L’Homme no 148, 1998, p. 187.
3 Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne. Tome 1 : La présentation de soi, Paris, Les éditions de Minuit, 1963.
4 Steven Lubet, « Ethics on the run », The New Rambler Review, 2015. En ligne : http://newramblerreview.com/book-reviews/law/ethics-on-the-run [dernier accès : août 2021]
5 L’équivalent du CNRS à Taïwan.
6 Michael Pollack, « La gestion de l’indicibleæ », Actes de la recherche en sciences sociales no 62-63, 1986, p. 30-53.
7 George E. Marcus, « The use of complicity in the changing mise-en-scene of anthropological fieldwork », Representations no 59, 1997, p. 94.
8 Douglas R. Holmes, Integral Europe. Fast Capitalism, Multiculturalism, Neofascism, Princeton, Princeton University Press, 2001.
9 George E. Marcus, Ibid., 1997, p. 102-103.
10 Pierre Bourdieu, « L’identité et la représentation. Éléments pour une réflexion critique sur l’idée de région », Actes de la recherche en sciences sociales no 35, 1980, p. 63-72.
11 Ghislaine Gallenga & Émir Mahieddin, « Penser au miroir de l’éthique. Entretien avec Ghislaine Gallenga réalisé par Émir Mahieddin », Journal des anthropologues no 136-137, 2015, p. 132.
12 Michel Naepels, Ibid.,1998, p. 185-199.
13 Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, Paris, Vrin, 1934.
14 Leonardo Piasere, L’ethnographe imparfait, Paris, EHESS, 2010.
15 Paul Rabinow, Reflections on Fieldwork in Morocco, Berkley, Los Angeles, University of California Press, 1977, p. 153-154
16 Patricia Ticineto Clough & Jean Halley (dir.), The Affective Turn. Theorizing the Social, Durham, Duke University Press, 2007.
17 Jeanne Favret-Saada, « Être affecté », Gradhiva : revue d’histoire et d’archives de l’anthropologie no 8, 1990, p. 3-9.
18 Beatrice Zani, Women Migrants in Southern China and in Taiwan. Mobilities, Digital Economies and Emotions, Abingdon et New York, Routledge, 2021.
Top of pageReferences
Bibliographical reference
Beatrice Zani, “Liaisons troubles en maison close”, Terrain, 77 | 2022, 138-155.
Electronic reference
Beatrice Zani, “Liaisons troubles en maison close”, Terrain [Online], 77 | 2022, Online since 23 September 2022, connection on 15 September 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/23913; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.23913
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