Paletó et moi
Résumés
Pour faire face à la mort en 2017 de Paletó, indien wari’ du Brésil, l’anthropologue brésilienne Aparecida Vilaça se souvient de sa rencontre avec cet homme d'exception, véritable père adoptif qui l'a accompagnée pendant trente années dans ses travaux scientifiques mais aussi dans sa vie personnelle et familiale. Grâce à cette relation privilégiée nouée avec les Wari’, faite d'admiration, de camaraderie et d'amour, Aparecida Vilaça explore les transformations subies par leur rituel funéraire, passé du cannibalisme à l'enterrement selon le rite évangélique, tout en montrant qu'il continue de s'inscrire dans une éthique sensible de production de la parenté.
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- 1 Ce portrait constitue la version traduite d’un texte d’Aparecida Vilaça originellement publié dans (...)
1Je me suis souvent surprise à me demander, à mesure que je le voyais vieillir, si je serais capable de pleurer sa mort à la manière des Wari’, par cette lamentation où se mêlent alternativement crises de larmes et paroles chantées de célébration du mort1. Celui qui veille le mort se souvient, dans ce chant, des moments partagés, des repas pris ensemble, des attentions échangées. Plusieurs personnes, à me voir à ses côtés et remarquant peut-être la tendresse de mon regard sur celui qui m’avait adoptée, s’étaient posé la même question et m’avaient demandé si je serais présente à sa mort.
2Je n’y suis pas. Paletó est mort dans l’arrière-pays de l’État du Rondônia et je suis restée ici, à Rio de Janeiro, tentant d’imaginer son cadavre, les quelques poils de barbe blancs clairsemés sur son menton, ses bras robustes. Je me souviens très précisément de chacun de ces détails et n’arrive pas à les imaginer sans vie. Ils bougent, brillent et me parlent.
3Malgré son âge, peut-être plus de 85 ans, et sa faiblesse toujours plus prononcée due à la maladie de Parkinson, sa fin fut pour moi un choc abrupt. Il allait bien, mangeait son maïs avec plaisir, se promenait, me disait sa fille Orowao – ma sœur aînée. Avec elle, il a vécu ses derniers mois dans un village appelé Linha 26, à trois cents kilomètres environ de Porto Velho, la capitale du Rondônia. D’après ce que l’on m’a raconté, il est tombé malade après avoir mangé de la viande avariée, s’est déshydraté et le gendre d’Orowao l’a transporté à l’hôpital de la ville de Guajará-Mirim. Il y est arrivé très affaibli. Il a demandé à me téléphoner, mais on lui a proposé de remettre l’appel au lendemain quand il pourrait parler plus facilement. Paletó est entré dans le coma cette même nuit, avec une insuffisance rénale. Nous ne nous sommes plus jamais parlé.
4Peut-être ferais-je mieux de dire que je n’ai plus jamais entendu sa voix. En effet, je garde l’espoir qu’il ait entendu la mienne dans le téléphone portable que j’ai demandé à mon ami médecin Gilles de Catheu, « Gil », de tenir contre son oreille. Je ne savais pas bien quoi lui dire, mais j’ai eu l’idée de lui raconter en wari’ (la seule langue qu’il parlait) que je pensais à lui, qu’il me manquait, que je voulais qu’il tienne bon, qu’il soit fort, et que mes fils – ses petits-fils Francisco et André qui étaient à mes côtés – pensaient à lui aussi. Gil m’a dit qu’il n’avait pas réagi, ni donné le moindre signe de m’avoir entendue, mais j’espère que ma voix lui est parvenue.
5Qui sait, me dis-je aujourd’hui, peut-être est-ce sa voix qui m’est parvenue la première, puisque j’ai rêvé de lui la nuit de son hospitalisation alors que je n’en savais encore rien. Il était jeune et beau, fort comme toujours, et avait toutes ses dents. Il parlait avec sa clarté d’avant la maladie. Dans mon rêve, je lui ai dit que j’étais surprise de le voir si jeune et il m’a souri avec fierté. Peut-être était-ce déjà son double qui était parvenu jusqu’à moi, sous la forme jeune qu’il prend pour aller habiter au monde des morts. Les Wari’ situaient autrefois ce monde sous l’eau, au fond des rivières. Maintenant qu’ils sont devenus évangéliques, ils le voient au ciel.
***
6Jusqu’en 1961, au moment des premiers contacts pacifiques entre son groupe et les « Blancs », Paletó s’appelait Watakao’, le dernier d’une série de noms qu’il avait successivement reçus depuis l’enfance, une pratique commune chez les Wari’. Marié et père, il devait avoir autour de 30 ans à cette époque.
7La rencontre avec ceux qu’ils appelaient les « civilisés » a provoqué de grands changements chez les Wari’, parmi lesquels l’abandon de la nudité. Watakao’ cependant a gardé cette habitude, refusant de s’habiller malgré l’insistance des fonctionnaires d’État et des missionnaires chrétiens, jusqu’au jour où il s’est passionné pour une veste (paletó) qu’on lui avait offerte et qu’il s’est mis à porter. Il y gagna son nouveau nom.
8Nous nous sommes connus en 1986, vingt-cinq ans plus tard. Son fils Abrão (Abraham), alors âgé de 18 ans, m’a présentée à lui le lendemain de mon arrivée au poste Rio Negro-Ocaia, dans un village wari’ situé près de l’embouchure du Rio Negro, tributaire du Pacaás Novos, lui-même tributaire du Mamoré. J’étais venue avec armes et bagages, prête à y rester quelques mois pour faire un « terrain », étape essentielle de l’initiation de tout anthropologue. À Rio j’avais laissé ma famille, mon petit ami et mon travail de biologiste (oui, j’étais biologiste, spécialiste en écologie végétale). Dans le vol de la Varig qui m’emportait à Porto Velho, en neuf heures et beaucoup d’escales, j’avais deux grandes valises et une chaise de plage qu’un ami anthropologue m’avait dit indispensable si je voulais, au village, m’asseoir quelque part confortablement. Après l’atterrissage, dans le taxi qui m’emmenait à l’hôtel (recommandé par un autre ami anthropologue familier de la ville), je me suis étonnée de la réponse que j’ai donnée au chauffeur : « Vous déménagez ? » Oui, je déménageais.
9Porto Velho, la nuit, m’évoquait une ville du Far West abandonnée. Tétanisée entre autres par les cafards qui se promenaient librement dans ma chambre, je passai une bonne partie de la nuit éveillée à me demander si je devais vraiment continuer cette aventure. Le lendemain matin cependant me trouva de bonne humeur. Je pus prendre un vol pour Guajará-Mirim, où je devais rencontrer Beth Conklin, une anthropologue nord-américaine qui connaissait les Wari’ et avec qui j’étais en correspondance depuis quelques mois. On avait prévu ensuite de prendre ensemble le bateau qui remonte la rivière jusqu’aux villages wari’. Guajará, la « Perle du Mamoré », a vu le jour comme terminus de la ligne ferroviaire Madeira-Mamoré, la « Mad Maria » du livre de Márcio Souza. Elle se situe sur les rives du Mamoré et en face de sa ville sœur bolivienne, Guayaramerín, à quinze minutes de bateau.
10Je me souviens parfaitement de ce voyage en avion depuis Porto Velho ; j’étais morte de peur, surtout parce que le pilote du bimoteur avait réservé une de ses mains, pendant tout le vol, à un énorme hamburger. Quelqu’un avait été généreux sur la mayonnaise, qui coulait le long de son bras. L’angoisse et l’incertitude ne se sont pleinement levées qu’à mon arrivée à la maison que Beth occupait à Guajará quand elle n’était pas au village. Une petite maison en bois, rudimentaire, mais avec un petit air hippie qui me plut d’emblée car il me rappelait mon appartement de Rio à Santa Teresa.
11Ma décision d’étudier les Wari’ avait été prise de manière plus ou moins arbitraire – quoique depuis quelques années je les entende dire, dans leurs services évangéliques, que Dieu avait guidé mes pas vers eux. Cela s’était passé comme ça : nous nous tenions avec mes camarades, tous étudiants d’Eduardo Viveiros de Castro au Musée national, autour d’une carte du Brésil pour regarder l’emplacement des groupes indigènes en accordant une attention particulière à cette partie, jusque-là peu étudiée, de l’Amazonie. L’un d’eux, Marcio Silva – celui qui me conseillerait ensuite d’emporter une chaise de plage au village – a raconté qu’il avait passé quelque mois comme linguiste chez les Wari’ dans le village de Sagarana, fondé sur les berges du Rio Guaporé par les pères catholiques, et qu’il les avait trouvés très sympathiques. Je me suis décidée sur-le-champ. C’était exactement ce qu’il me fallait ; j’avais entendu quelques mois plus tôt le récit désespéré d’une amie qui avait accompagné un anthropologue pour un séjour chez un groupe indigène où régnait, selon elle, un esprit généralisé de brusquerie et de mauvaise humeur.
12Le lendemain, le pilote de la Funai (la Fondation nationale de l’Indien) Francisco das Chagas, dit « Chaguinha », nous attendait au port de Guajará. Il devait m’accompagner par la suite dans de nombreux autres voyages. Nous avons bourré un canot en aluminium équipé d’un moteur hors-bord de vivres et de boîtes de conserve achetées sur le marché local : lait en poudre, riz, huile de cuisine, haricots, lentilles, sel, sucre, petits gâteaux, café en poudre, pâte de goyave, lait condensé. Je me suis installée sur un des bancs avec Beth, qui a eu la gentillesse de m’accompagner lors de ce premier voyage, et nous sommes partis. À l’époque, si je me souviens bien, on n’était pas encore obligé de porter un gilet de sauvetage. Chaguinha s’est assis à l’arrière, pour piloter. Entre nous était posé un baril d’essence de cinquante litres pour le voyage de retour. L’énorme bidon nous a servi de dossier.
13Au-dessus de nos têtes, des nuées d’oiseaux passaient en permanence : hérons, hoccos à face-nue, aras, toucans, perroquets, etc. Je me souviens que l’impact de ces images et des bruits de la luxuriante végétation tropicale autour de nous me faisait oublier la peur des jours précédents.
14La nuit de notre arrivée, j’ai écrit dans mon carnet de terrain :
- 2 Le terme ribeirinho, littéralement « riverain », désigne au Brésil les populations traditionnelles (...)
- 3 Un palmier de la famille des Arecaceae.
- 4 Stade de football de Rio de Janeiro.
Nous sommes partis de Guajará à 10 heures, dans un bateau de la Funai équipé d’un moteur de 25 chevaux. Peu avant midi nous étions à Tanajura, le premier poste de la rivière Pacaas Novos. La zone indigène se situe sur la rive gauche. Le village est perché sur une petite falaise, et nous voyons d’abord les maisons des missionnaires, en bois, avec des petits rideaux. Ensuite les maisons wari’, qui sont comme celles des Ribeirinhos2, sur pilotis, aux parois et au sol en bois de paxiúba3, au toit de palmes, et avec une grande coursive devant. J’y ai rencontré quelques Wari’, qui m’ont demandé d’où je venais. Quand j’ai dit que j’étais de Rio de Janeiro, ils m’ont aussitôt posé des questions sur le Maracanã4.
Nous avons poursuivi par le Pacaas Novos et sommes arrivés vers 14 h 30 à Santo André. Même paysage, maisons en paxiúba. Ils dorment sur du paxiúba. Beth a laissé des affaires [c’était le village où elle travaillait] et a continué avec moi vers le Rio Negro. Nous y sommes arrivés à 5 heures de l’après-midi. Le paysage est différent. Le fleuve est plus étroit et joli. En quinze minutes nous étions au village. Sur une falaise nous attendaient de nombreuses personnes, hommes, femmes et enfants. Sont également venus à notre rencontre Edna, la maîtresse d’école, et Valdir, le chef de poste. Nous sommes allés directement à la maison d’Edna. Les bâtiments de la Funai sont situés le long du fleuve : chef, infirmerie, école et atelier. Plein de manguiers, d’anacardiers et de jambo un peu partout. Les maisons sont installées autour du terrain de foot. Elles sont reliées par des chemins. La forêt est autour du village. Une femme avait disposé une natte par terre et épouillait son mari (Rio Negro, 14/8/1986).
15Quand je pense qu’au moment de mon arrivée j’avais 28 ans, je me rends compte que je n’étais pas tellement plus âgée qu’Abrão, le fils de Paletó, contrairement à ce que j’ai pensé alors. Nous étions jeunes tous les deux, et à son initiative nous avons commencé à discuter, debout dans l’entrée de la maison d’Edna. Cette sympathique maîtresse d’école venue du Pará m’a hébergée quelque temps dans sa petite maison en maçonnerie, de deux pièces et une cuisine, attenante à la salle de classe.
16Abrão était maigre mais fort, avec un beau sourire et les cheveux courts, très noirs. Il s’est approché de moi pour demander une cigarette. Je lui ai donné du tabac à rouler et des feuilles et on a entamé une conversation en portugais, langue qu’Abrão parlait déjà ; il est devenu, de ce fait, mon traducteur les premiers temps. Il m’a demandé mon nom, d’où je venais, et le nom de mon mari. Ensuite, il m’a fait répéter mes premières phrases en wari’ : Aparecida ina tá (je suis Aparecida) ; narima nukun wijam ina ta (je suis femme de l’ennemi). Cette dernière phrase, je l’appris par la suite, n’était pas quelque chose à répéter en public, puisqu’elle confirmait ma position d’« ennemie », terme que les Wari’ utilisaient à l’époque pour désigner tous les non-Wari’, aussi bien les autres Indiens que ceux qu’ils appelaient « civilisés ». Par esprit de malice, ils m’ont demandé de le répéter plusieurs fois, à haute voix, et tout le monde a ri. D’autres fois, ils m’ont demandé de dire « j’ai pété » en wari’, et ils riaient encore plus fort.
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17Le lendemain du rêve où Paletó m’était apparu jeune et fort, je me suis réveillée heureuse, en ayant à l’esprit que cela faisait exactement un an que je ne l’avais pas vu et que j’avais envie de le retrouver. Je me suis levée et en prenant mon téléphone je suis tombée sur le message WhatsApp de Juscileth Pessoa, dite Preta, fonctionnaire de la Funai et amie de longue date, qui me disait que Paletó se trouvait très mal et avait été hospitalisé. C’est alors qu’ont commencé les innombrables appels et messages détaillant son état de santé.
18J’ai reçu une photo de lui allongé sur un matelas bleu en plastique, la tête appuyée sur des draps enroulés, sous une couverture aux motifs rouges. On voyait la forme de ses jambes arquées, genoux écartés et pieds joints, dans la position où il aimait dormir. Il n’avait pas son dentier et ses lèvres s’étaient affaissées. « Lui qui n’aimait pas rester sans dentier ! », ai-je pensé – j’ai su ensuite qu’ils le lui avaient retiré pour éviter qu’il ne s’étouffe. Plus tard, en parlant au téléphone de l’enterrement, j’ai demandé qu’on le lui remette. J’espère qu’ils l’ont fait.
19J’ai reçu des informations que je ne savais pas comment interpréter, mais qui semblaient graves, et j’ai appelé un ami médecin à Rio. Je voulais savoir ce que signifiaient les taux très élevés d’urée et de créatine. D’autres informations étaient claires – comme le fait de n’avoir éliminé que cinquante millilitres d’urine en vingt-quatre heures et, qui plus est, sanguinolente. Au téléphone, Gil m’a résumé la situation : il était dans le coma. Mais son pouls était encore fort, a-t-il tout de suite ajouté. Je savais que Paletó se battait. Il avait survécu à tant de guerres, à des épidémies variées, avait vu tant de personnes de son entourage tomber malade et mourir, qu’un jour, lors de ma dernière visite vers la fin de 2015, il m’avait dit que je ne devais pas me soucier de son état de santé, car il « ne savait pas mourir ».
20J’ai réussi à avoir le numéro de téléphone des infirmières de l’hôpital et elles m’ont donné des informations plus détaillées, entre autres qu’ils avaient prévu de lui faire une hémodialyse au cours de la journée, puis qu’ils y avaient renoncé parce que cela aurait nécessité un déplacement à Porto Velho de quatre heures dans une ambulance. Dans ma peine à distance, j’ai essayé de convaincre plusieurs personnes (y compris mes sœurs) que c’était peut-être sa seule chance de survivre. L’aînée, Orowao, s’est montrée dubitative et Ja, la cadette, ferme : nous ne l’emmènerons pas. Elle avait raison, puisque quelques heures plus tard elle était à ses côtés quand il est sorti du coma, s’est assis dans son lit, a demandé du guarana et du gâteau, s’est recouché puis est mort. À trois heures du matin, d’après Ja ; à cinq heures, d’après le gendre de Orowao, Julião.
21Je me suis réveillée avec le message de Julião, à sept heures du matin : Paletó était mort. J’ai eu du mal à y croire. C’est encore le cas aujourd’hui, un jour après, à l’heure où j’écris ces lignes. Je n’arrive à l’imaginer que vivant, aussi vivant qu’il l’a toujours été. Le portable de Julião m’a transportée à ma sœur cadette, Ja, qui m’a placée ensuite au milieu du chant funèbre, tant de fois entendu, mais tellement étrange maintenant que j’étais appelée à y participer en tant que fille. Ja chantait et sanglotait. Elle prononçait mon nom dans son chant, m’appelant Apa et sœur aînée. Elle disait qu’elle ne supportait pas tant de souffrance, que notre mère était morte en août, allongée dans ses bras, dans une pirogue au milieu du fleuve, et que maintenant nous avions perdu notre père. Elle m’a demandé de venir, puis a accepté mon argument que je n’arriverais pas à temps, avant l’enterrement.
22Comme je l’avais craint en imaginant ce moment, les larmes coulaient sur mon visage mais je n’arrivais pas à chanter. Je n’étais pas capable, avec toute cette émotion, de répéter la mélodie qu’ils attendaient de moi, ni de parler par le chant. La seule chose que je pus faire fut de répéter inlassablement que nous avions perdu notre père, que tout me le rappelait à l’esprit dans ma maison de Rio où il avait passé des moments mémorables, m’enseignant tant de choses, me racontant sa vie et surtout s’étonnant des nouveautés de ce monde qui lui était si étrange.
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23Bien que le nom de Paletó apparaisse très tôt dans mes carnets de terrain, dans une liste des personnes âgées avec qui je devais m’entretenir, je ne l’ai pas connu à mon arrivée au village. D’après mes notes, je suis allée chez sa fille, Orowao, au quatrième jour de mon séjour, et je l’ai vu pour la première fois, assis à côté de sa femme, To’o Xak Wa. Il m’a posé des questions que je n’ai pas comprises, ce qui l’a amusé et l’a fait rire. Son gendre, le mari d’Orowao, m’a traduit quelques-unes des questions : il voulait savoir si mon mari était vieux, si mes parents étaient vieux. J’ai rendu visite à Paletó chez lui deux jours plus tard. Il m’a raconté, par l’intermédiaire d’Abrão, un mythe, puis a exécuté les chants des Orotopan, un peuple mythique qui habite au fond de l’eau. Sa femme l’a accompagné et j’ai enregistré les chants. Il m’a demandé de leur raconter une histoire et la première chose qui m’est venue à l’esprit a été le conte de Cendrillon, qu’Abrão a traduit pour eux.
24C’est lors d’un voyage en bateau, deux mois après mon arrivée, que j’ai appelé Paletó « père » pour la première fois. C’est une des rares fois où j’ai voyagé dans le grand navire en bois du Rio Negro, un chata, comme ils disent dans la région, et que les Wari’ appellent ton ton (onomatopée dérivée du bruit métallique du moteur). Nous étions nombreux à descendre le fleuve vers le village de Tanajura, où il y avait une fête. C’était un départ pénible, parce qu’il y avait toujours quelqu’un ou quelque chose qui manquait. Plusieurs fois j’ai refait le bout de chemin entre chez moi et la rivière, à chaque fois qu’ils m’annonçaient qu’on allait finalement partir. Je portais un sac à dos avec mes affaires et un petit panier contenant du manioc et des œufs durs, ce que je pensais suffisant pour le voyage. Mais le trajet, qui devait prendre huit heures, dura finalement deux jours. Mes maigres provisions, distribuées à ceux qui en demandaient, étaient épuisées après quelques heures.
25Alors que nous étions sur le point d’arriver, sans nourriture et affamés, ils ont décidé de s’arrêter pour pêcher. Je suis restée dans le bateau avec quelques jeunes qui n’avaient pas le courage de participer à la pêche. Luis, le neveu de Paletó, s’est allongé au fond du bateau, le poste collé à l’oreille et réglé sur la Rádio Nacional de Porto Velho. J’ai trouvé amusant d’entendre, au milieu de la forêt, une annonce pour une boutique de tapis et d’argenterie. Luis n’a pas aimé et a changé de station, s’arrêtant sur un morceau lent de Roberto Carlos qui ne lui a pas plu davantage. Il a encore tourné le bouton jusqu’à ce qu’il trouve un morceau plus animé, où le chanteur parlait de l’impossibilité de vivre sans « toi ». Luis a aimé et nous avons écouté.
26Les autres Wari’ se sont répartis sur le bord du fleuve et les poissons ont commencé à apparaître, ainsi que de petits feux de camp pour les cuire. Personne ne m’a invitée à manger et, ne sachant que faire, j’ai dit à Abrão que j’avais très faim. Il m’a expliqué comment faire : « Il faut que tu ailles voir notre père et que tu lui dises que tu as faim et que tu veux manger. » Je me suis approchée de Paletó, qui était assis à côté d’un feu avec des poissons grillés et, gênée de me retrouver dans cette position fragile d’affamée qui m’était peu familière, j’ai répété exactement ce qu’Abrão m’avait dit : « J’ai faim, père. »
27Je n’oublierai pas sa réaction : il était heureux de pouvoir partager le poisson avec moi, et peut-être content de voir les progrès que j’avais faits dans la compréhension des relations humaines et dans l’activation des liens de parenté. Il semble que c’était une leçon explicite, parce que même aujourd’hui, alors que les Wari’ ont commencé à faire commerce de certains produits et de viande entre eux, ils restent très peu avares et proposent toujours au visiteur qui arrive de partager leur repas s’ils sont en train de manger. Et une fois le repas offert, on n’en fait pas toute une cérémonie. La commensalité est une partie essentielle et constitutive des relations proches.
28Ce fut la première des nombreuses fois où nous avons partagé la nourriture, offerte par lui ou par moi, au Rio Negro ou à Rio de Janeiro. Petit à petit, au cours de ces maints échanges de nourriture, de rires et de pleurs, qui entremêlaient de plus en plus nos familles d’origine, il est devenu naturel pour moi de l’appeler « père ». Lui, pour sa part, m’a rarement appelée par mon nom, préférant me dire « fille » ou, quand j’étais avec mes frères et sœurs, « les enfants » : « Venez m’aider, les enfants ! »
29J’essaie, aujourd’hui, de me rappeler le visage de Paletó pendant ces premiers mois, mais il se confond avec d’autres visages, des différentes périodes que nous avons passées ensemble. Je me souviens des angles, de l’absence de cils et de sourcils, régulièrement arrachés tout au long de sa vie avec une pince faite de brindilles. Je me souviens du nez large, des cheveux, encore complètement noirs, coupés au niveau des oreilles, de la raie au milieu, et de la demi-douzaine de poils de barbe au bout du menton, eux aussi soigneusement et fréquemment arrachés, qui avec le temps sont devenus blancs. À l’époque, les Wari’ trouvaient les poils de barbe ou de corps (y compris pubiens) révoltants et les conjoints étaient toujours disposés à les arracher dans les moments d’oisiveté partagés. Ils disaient que les personnes poilues ressemblaient à des animaux et trouvaient affreux les Brésiliens barbus de la ville.
30Bien que Paletó fût beaucoup moins grand que moi – sa tête passait à peine mes épaules –, j’ai toujours eu l’impression, avec lui comme avec d’autres adultes wari’, que je les regardais d’en bas, peut-être parce que je me sentais un peu enfant quand j’étais avec eux. Il était maigre, mais avec les muscles des bras et des jambes bien dessinés, comme ceux de son fils Abrão. Mais ce que je me rappelle le mieux ce sont ses gestes, sa façon de bouger les bras quand il parlait, désignant ceci et cela, et sa voix, mi-grave et toujours douce, chose normale chez les Wari’, pour qui élever la voix c’est se disputer.
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31Ma sœur cadette, Ja, est restée au téléphone avec moi, à côté du corps de notre père. Elle m’a demandé en chantant de la nourriture pour les enfants qui viendraient veiller le corps. Elle m’a raconté en chantant la mort de notre mère, quelques mois plus tôt. Accrochée au téléphone, je ne faisais que me répéter, tellement frustrée de ne pas pouvoir chanter, bien que j’eusse imaginé ce moment tant de fois. Ensuite, elle m’a laissé raccrocher et appeler Gil pour lui dire d’apporter de la nourriture, ce qu’il a fait tout de suite. Il a emmené du café et du pain au port, où les gens s’embrassaient sur le cercueil en pleurant. Il m’a dit que personne n’avait touché à la nourriture. On ne mange pas quand on pleure.
32Allongée, regardant le plafond de ma chambre, je me torturais à l’idée que je n’y étais pas. Puis j’ai pensé à quelque chose qui pourrait faire plaisir à Paletó, au cas où il aurait pu assister à la scène. Je leur ai demandé de changer de cercueil, d’en prendre un plus beau, tapissé, et de lui mettre une chemise et un pantalon habillés, ainsi que des chaussures cirées à lacets. Je voulais qu’on le voie comme quelqu’un de spécial, que tout le monde, et pas seulement ses parents, le regarde comme l’homme important qu’il était, si savant, si fort, de tellement bonne humeur, curieux, ouvert. Un adulte qui avait gardé de l’enfance ce qu’il y avait de mieux, bien qu’il eût vu tant de choses tristes, parmi lesquelles plusieurs de ses parents abattus par les exploitants de caoutchouc soixante ans plus tôt. Une fois, je lui ai demandé s’il ne détestait pas tous les Blancs à cause de ça ; il m’a répondu, gentil comme toujours, que ma famille et moi n’avions rien à voir avec ça, parce que nous habitions très loin. Je lui suis reconnaissante de ce pardon.
33Larissa, l’infirmière, et Jôice, l’assistante sociale, présentes là-bas à Guajará, sont allées au funérarium, ont demandé qu’on change le cercueil et m’ont dit qu’on l’avait habillé comme je l’avais demandé, à l’exception des chaussures, introuvables sur place. Les morts de la maison funéraire ne portaient que des chaussettes. J’ai dit : « Ce n’est pas possible. Il faut qu’il y aille avec de belles chaussures. » Dans le ciel chrétien où Paletó, depuis quelques années, espérait aller, tous seraient beaux, bien habillés et surtout porteraient de belles chaussures, chose rare chez les Wari’. Jôice a acheté des chaussures. « Pointure 39 ? » Oui, ai-je répondu, mais il a les doigts de pieds écartés, alors je lui ai toujours acheté des chaussures une pointure ou deux au-dessus. Et maintenant, peut-être qu’il a les pieds gonflés en plus. 41, alors. « Achetées », m’a-t-elle répondu par WhatsApp.
34La chaleur de ce mois de janvier 2017 à Rio est insupportable et j’imagine la chaleur du Rondônia et le voyage que Paletó devra faire jusqu’au Rio Negro, au village d’Ocaia III, où il avait une maison et où la plupart de ses enfants habitent. J’ai appris alors que le nouveau cercueil venait avec une sorte de service VIP, avec embaumement du corps et couronne de fleurs. Jôice, qui avait acheté les chaussures, m’a appelée de la maison funéraire pour me dire qu’il était bien installé, dans le beau cercueil, bien habillé et chaussé. Elle a pris une photo pour me montrer, mais je lui ai demandé de ne pas l’envoyer. Je voulais garder l’image de son jeune double dont j’avais rêvé l’avant-veille.
35Un peu plus tard, j’ai reçu un message de Preta, avec une photo du cercueil au loin, et des personnes allongées dessus en larmes. J’ai reconnu ma sœur Orowao, appuyée contre un mur, l’air épuisé, et ma sœur Ja qui embrassait le cercueil. L’image est d’une douleur tranchante. J’ai vu un drap sur le cercueil refermé et j’ai agrandi l’image sur mon smartphone pour mieux voir. Ça ressemblait au drapeau vert et blanc d’une équipe de foot. J’ai demandé à mon fils André qui était à côté de moi de quelle équipe il s’agissait et il m’a répondu sans hésiter : « De Palmeiras. » Une coïncidence ? Paletó ne s’est jamais intéressé au foot et son fils Abrão, que je sache, soutient Vasco de Gama. Mais Palmeiras avait été champion du Brésil en 2016 et c’était peut-être pour ça qu’ils avaient choisi le drapeau. Voulaient-ils donner à Paletó une veillée funèbre de champion ?
36J’ai su que le bateau, de quarante chevaux, n’avait quitté le port qu’à 10 h 30, quand le soleil était déjà haut. J’ai imaginé le voyage, avec les arrêts dans les différents villages sur le chemin pour que les parents puissent voir le mort, et l’arrivée dramatique au milieu de la foule en larmes, parmi laquelle les trois fils, Abrão, Davi et Main, qui avaient décidé de rester sur place pour l’attendre. Ils allaient passer la nuit à pleurer, cette fois-ci avec le cercueil ouvert et le corps accessible pour être touché et embrassé. Peut-être que quelqu’un s’allongerait sous le corps, et encore un autre en dessous de celui-là, formant ainsi une sorte de pile humaine jusqu’à ce que le dernier perde conscience et qu’on le retire du tas. Ils veulent les odeurs, les liquides, tout ce que le corps peut encore offrir.
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37Autrefois un mort important, qui avait participé à beaucoup de fêtes, était transporté à dos d’homme et on lui offrait de la bière de maïs, comme on le faisait pour les invités lors d’une fête. Ensuite son double arriverait au fond des eaux, dans le monde subaquatique des morts où il boirait de la bière pour de vrai, offerte par un homme doté d’immenses testicules appelé Towira Towira (Testicule Testicule). Gonflé de bière, le double vomirait et serait emmené à la maison des hommes pour une période de réclusion, comme on le faisait avec les guerriers meurtriers. Pour les Wari’, un homme mort se transformait en meurtrier, d’où son aspect jeune et vigoureux, comme celui du double de Paletó qui m’était apparu en rêve.
38Toujours par le passé, les morts n’étaient pas enterrés, comme le serait Paletó, dans le cimetière en amont de la rivière. L’endroit avait été consacré par des missionnaires évangéliques nord-américains de la New Tribes Mission, qui sont arrivés dans la région du Rio Negro en 1961 pour aider à ce qu’ils appelaient la « pacification » des Wari’ et qui encore aujourd’hui habitent dans certains villages. Avant, le corps de Paletó aurait été dans les bras de ses parents, libre des confins du cercueil, pendant que d’autres personnes auraient préparé le feu pour le cuire. On aurait attendu deux ou trois jours que tout le monde arrive pour voir le corps intact, pour l’embrasser et pour se coucher dessous. Certains des parents les plus proches, incapables de supporter sa mort, auraient profité d’un moment de distraction pour se jeter sur les braises pour essayer de rejoindre, au moyen de leur propre mort, le défunt dans le monde sous les eaux où tous finissent. En général, un participant attentif réussissait à les sauver, mais certains arrivaient à se donner la mort.
39Je me souviens de Paletó me montrant ce geste, une des fois où il avait représenté pour moi les différentes étapes d’une cérémonie funéraire pour que je puisse filmer sa mise en scène. Nous étions dans le salon de mon appartement de Rio de Janeiro. Lui, Abrão et moi. Deux chaises reliées par des manches à balai faisaient figure de bûcher funéraire. Un journal froissé et placé dessus passait pour le feu. Et une poupée en plastique, avec des jambes, des bras et une tête amovibles, qu’on avait achetée dans un magasin bon marché du centre-ville, figurait le mort.
40Paletó insistait pour que je participe activement à la reconstitution, pour que j’apprenne directement les détails du rituel. Il m’a enseigné les rôles des deux groupes impliqués dans les funérailles : en tant que parent du mort, je devais pleurer, marcher accroupie et demander en chantant (vous voyez, je m’étais entraînée au chant que j’ai été incapable de répéter le moment venu !) aux non-parents, l’un après l’autre, de manger le mort. Dans le rôle du non-parent, il m’a appris à prendre un morceau préalablement décortiqué de chair rôtie (on la remplaçait par du pain), l’apporter délicatement à la bouche à l’aide des baguettes, et finalement la manger, pour me montrer compatissante avec les parents qui m’avaient demandé de la faire disparaître. Les parents ne voulaient plus voir le mort ; ils n’en pouvaient plus d’être triste.
41La vue du corps du défunt provoquait un immense chagrin chez les parents, et comme ils étaient incapables de le manger eux-mêmes, tout débordés qu’ils étaient par les vivants souvenirs du mort, ils demandaient aux autres de le faire. Mais le but n’était pas seulement de le faire disparaître, ils auraient pu brûler le corps pour atteindre cet objectif ; en le mangeant, les non-parents montraient aux endeuillés qu’un cadavre n’est plus une personne. Ainsi commençait le long travail de deuil des parents, qui culminait ensuite par l’adoption, de leur part aussi, de la perspective des non-parents, des mangeurs, éliminant ainsi de leur mémoire l’image du mort en tant qu’humain.
42Dans la mise en scène, Abrão et moi nous relayions pour prendre les rôles de celui qui mange et de celui qui pleure, et aussi de celui qui filme. Abrão a rapidement appris à manier la caméra, et les seuls moments où la caméra bougeait c’était quand nous étions tous les trois pris d’un fou rire, par exemple quand Paletó se jetait dans le journal-feu et qu’Abrão devait le sauver.
***
43Paletó m’a dit, à plusieurs reprises, qu’il avait beaucoup de mal à manger de la chair humaine, qui souvent sentait très fort, une vraie puanteur. Il m’a raconté qu’une fois les parents d’une femme l’avait appelé quand il était encore jeune pour qu’il mange de sa chair. Il avait essayé et réussi à en manger un peu, mais ensuite il était parti en courant pour vomir. J’imagine que, comme il s’agissait d’une adulte, la chair était déjà bien faisandée parce qu’on attendait plusieurs jours pour que les parents arrivent de villages parfois distants avant de démembrer et de manger le corps.
44Paletó parle beaucoup de ça dans nos enregistrements. Dans une des scènes où je mangeais de la chair de mannequin mort, il m’a dit de me mettre de côté pour vomir. On devait éviter, par délicatesse, de vomir devant les parents. Mais il était également indélicat de manger avec avidité, comme s’il s’agissait de gibier. Juste après la mort, le cadavre n’est pas encore animal, et quoiqu’il le deviendrait par la suite, il fallait respecter la perspective des parents, qui le voyaient encore comme une personne vivante, comme je vois Paletó dans mes souvenirs aujourd’hui. Le risque de commettre un tel impair était plus élevé quand la chair était rôtie avant d’avoir pourri, comme c’était le cas des enfants décédés dont la veillée funèbre était plus courte.
45Par le passé on mangeait tout, consommant le corps entier pour qu’il ne reste plus aucune viande. Si jamais il en restait, on la jetait au feu avec les os, pour qu’elle soit brûlée et ainsi disparaisse. On brûlait également tous les effets personnels du mort, ainsi que sa maison, ses jardins et les troncs sur les chemins de forêt où il avait l’habitude de s’asseoir. Les Wari’ appelaient « balayer » cette destruction, ils « balayaient » tout ce qui restait du mort.
46Une fois, Paletó m’a dit que si je mourais il pleurerait beaucoup, déchirerait les vêtements que je lui avais donnés et les jetterait au feu. Je songeais à ce que ses parents feraient maintenant avec les effets de Paletó, la mallette qu’il avait toujours avec lui, ses vêtements, le foulard rouge que je lui avais donné il y a longtemps, ses couvertures, ses shorts. Allaient-ils les détruire ? Ou plutôt les vendre ou les donner à quelqu’un, comme ils le font souvent aujourd’hui avec les biens plus durables, comme les télévisions ou les radios ? Avant on ne se posait pas la question, m’avait dit sa femme To’o Xak Wa, parce que les seuls biens durables étaient les ustensiles en terre cuite, qu’on cassait et jetait sur le bûcher funéraire.
47Paletó n’avait plus de maison en propre, ni beaucoup d’affaires à lui, parce qu’il vivait – avec son épouse jusqu’à ce qu’elle meure – tantôt chez l’un de ses fils, tantôt chez l’autre. Ils s’en occupaient et leur donnaient à manger. Pendant les dernières années il avait été atteint de la maladie de Parkinson. Il prétendait que son affaiblissement résultait d’une chute dans l’eau alors qu’il pêchait seul dans une pirogue. Il avait failli se noyer et un de ses fils l’avait sauvé de justesse. Depuis lors, il tremblait beaucoup, comme si le froid de l’eau lui avait durablement pénétré le corps.
- 5 Ouvriers chargés de la collecte du caoutchouc.
48Les photos que je viens de regarder dans mon ordinateur, prises lorsque nous nous sommes vus pour la dernière fois en 2015, le montrent chantant, riant, mais presque toujours avec les yeux fermés. Qu’est-ce qu’il ne voulait pas voir ? Cet homme avait vécu les trente premières années de sa vie dans la forêt, sans contact avec les Blancs sauf lors des raids de ceux-ci, pendant l’un desquels, au milieu des années 1950, il avait perdu deux fils, sa femme, son père, un frère et beaucoup d’autres parents, tous abattus par les mitraillettes des sbires des exploitants de caoutchouc qui envahissaient les terres wari’. Jusqu’alors, Paletó ne connaissait aucun des biens de la civilisation occidentale, sauf les outils en métal, obtenus chez les seringueiros5. Il a vu venir les groupes expéditionnaires du gouvernement et des missionnaires, décidés à pacifier les Wari’, et avec eux sont venus la nourriture étrange, les vêtements et les épidémies qui ont tué les deux tiers de la population au début des années 1960. Habillé de sa veste, il a voyagé dans d’autres villages et a connu la ville de Guajará-Mirim. Il est venu jusqu’à Rio de Janeiro, où il a découvert le téléphone et Internet. Je le vois aujourd’hui sur une photo accrochée au mur, parlant avec moi par Skype quand il était à Guajará, dans la maison de Gil qui a pris le cliché. Peut-être que ses yeux fermés l’emportaient vers ces images du passé.
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49La première fois que Paletó est venu me voir à Rio, c’était en décembre 1992, avec son fils Abrão. Evanir Kich, la maîtresse d’école qui vivait chez les Wari’ et avait de la famille dans le Sud, les avait par gentillesse accompagnés en car. Elle avait poursuivi son chemin pour aller voir sa famille, et nous avions convenu qu’elle passerait les prendre deux mois plus tard sur le chemin du retour vers le Rondônia. C’était la première fois que Paletó allait au-delà des limites de Guajará-Mirim, aujourd’hui une ville de quarante-sept mille personnes, et à l’époque plus petite encore.
50Je suis allée les chercher à la gare routière et nous sommes rentrés chez moi, rue Belisário Távora, à Laranjeiras, serrés dans ma Fiat Uno. L’étonnement de Paletó face aux immeubles, aux machines dans la rue, à l’ascenseur et à la hauteur de mon appartement n’a duré que deux minutes. À chaque nouvelle découverte, sa surprise était vite remplacée par une énorme curiosité, typique de cet homme intrépide et toujours intéressé par la différence qu’offraient les personnes et les choses.
51Ma réticence initiale à le mettre dans des situations qui auraient pu lui faire peur a vite cédé la place aux rires que nous partagions. Il m’a dit qu’il allait habiter dans le téléphérique du Pain de Sucre, tellement il avait aimé le trajet, mais il a changé d’avis après avoir découvert le métro, qui lui semblait encore plus adapté. Il préférait les rues bondées, comme Nossa Senhora de Copacabana où on se promenait l’après-midi, aux transversales plus étroites et plus tranquilles, parce qu’il aimait voir les piétons se rentrer dedans. Il disait qu’ils ressemblaient à des bancs de poissons.
52Paletó, avec son sens aigu de l’ironie, réfléchissait sur tout. Dès le début, il a été frappé par le nombre d’habitants de la ville. Un jour, alors qu’on marchait le long de la route des Paineiras, dans une zone de loisirs près de la forêt de Tijuca, il a remarqué que beaucoup de personnes étaient accompagnées de chiens et il a tenté : peut-être qu’ils couchent avec eux et que c’est pour ça qu’ils sont si nombreux. Par ailleurs, il comparait les chiens les plus grands aux jaguars. C’est ce qu’il a fait un jour où nous étions allés, avec mon fils André, dans un restaurant japonais. Consterné de voir son petit-fils manger du poisson cru, Paletó m’a demandé si je ne craignais pas qu’il ne soit mangé par un jaguar qui flairerait l’odeur du sang cru qu’il avait ingéré – raison pour laquelle les Wari’ veillent à bien cuire viandes et poissons. Devant ma réponse, que je croyais évidente – « Ici, il n’y a pas de jaguars, père » –, il m’a rappelé les grands chiens qu’on avait vus. « Tu crois vraiment qu’ils ne flairent pas le sang ? »
53Il était frappé par le fait que je ne connaisse pas les personnes qu’on croisait dans la rue. Il était inconcevable pour lui d’habiter à côté des gens sans établir avec eux des liens de parenté, à travers des activités puis des souvenirs communs, grâce, surtout, au partage de nourriture. Je crois même que c’est lors de cette visite, et de celles qui lui ont succédé (il est revenu en 2009 et 2012, en avion cette fois, mais toujours accompagné d’Abrão), que notre relation s’est consolidée, ainsi que celle qui le liait à mes enfants, qui m’accompagnaient depuis tout jeunes au Rio Negro et qui petit à petit se sont habitués à l’appeler grand-père, jeo’.
54Je possède un film où Paletó joue d’une flûte qu’il avait fabriquée pour moi – la même qu’utilisaient les meurtriers wari’ pendant leur réclusion – pendant que Francisco, alors âgé de 2 ans, danse au rythme de la musique. De nombreuses années plus tard, j’ai pris une photo de Francisco et Paletó, allongés tête-bêche dans le même hamac, jouant un duo à la flûte. Au moment de son départ de Rio lors de ce premier voyage, dans la gare routière, il m’a dit à propos de Francisco : « Prends soin de notre enfant, ne le laisse pas grimper dans les arbres pour qu’il puisse grandir. » André était toujours très tactile avec lui et j’ai une belle photo d’une scène, prise chez mes parents d’ici, la veille de Noël 2012 : ils sont tous deux assis, les yeux fermés, vêtus de bermudas à carreaux identiques qu’ils avaient reçus en cadeau, le bras d’André enlaçant la taille de Paletó.
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55Mes parents d’ici aussi adoraient Paletó, qui de son côté s’est mis à appeler mon père, Hélio, « frère aîné ». À Noël 2012, il a insisté pour qu’on répète un des genres vocaux pratiqués par les Wari’ au cours de leurs fêtes : des chansons traitant en quelques mots des faits quotidiens, des « petites bêtises des gens », comme il me disait. Au lieu du tambour d’argile recouvert de latex qu’utilisent les Wari’ pour donner le rythme, nous avons utilisé ce qu’on avait sous la main, une boîte de glace vide, qu’on frappait avec une cuiller. Paletó a invité son frère aîné à danser, et il me reste une photo de la scène, où on les voit debout faire un pas en avant, un pas en arrière, les bras entrelacés à la manière wari’.
56Les moquecas de poisson que préparait ma mère dans des plats d’argile pour Abrão et lui les enchantaient et elle gardait une affection spéciale pour Paletó : dans une photo prise lors de ce même Noël 2012, on les voit debout, s’embrassant, joue contre joue et les yeux fermés.
57Nos rapports de parenté s’étendaient au reste de ma petite famille : depuis leur première visite à Rio en 1992, Paletó et Abrão avaient plusieurs fois passé du temps avec mon frère, ma belle-sœur et leurs deux enfants. Paletó disait toujours qu’il avait envie de leur rendre visite à Brasilia, où ils avaient déménagé. Ils ont finalement découvert la ville à l’occasion d’une escale en avion. À la demande de Paletó, mon frère et son épouse les ont emmenés à la « maison de Lula », qu’ils ont appréciée depuis l’extérieur.
58Vers la fin de sa vie, Paletó disait à ses parents wari’ du Rio Negro, mi-figue mi-raisin, que s’ils ne s’occupaient pas bien de lui, il irait vivre à Rio et mourrait ici, où les seuls petits-fils à le pleurer seraient Francisco et André. Lors de mon dernier voyage au Rondônia, en décembre 2015, que j’ai fait exprès pour voir Paletó, j’ai emporté dans mon iPad deux petits enregistrements vidéo où mes deux fils lui parlaient, l’appelant grand-père et disant qu’ils pensaient à lui. Dans une scène émouvante, Paletó et To’o Xak Wa ont discuté avec l’image des deux jeunes hommes comme s’ils étaient présents, comme si c’était une conversation Skype. To’o répétait : « André, André, c’est moi, ta grand-mère. Je suis vieille, je suis faible. Je ne vois plus bien. Francisco, Francisco ! » Quand Paletó s’est saisi de la tablette, il a dit à l’un de ses petits-fils : « Quand vous viendrez ici, je ne serai plus. »
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59Ce qui l’a finalement convaincu de se convertir, dix ans après le premier contact avec les missionnaires évangéliques en 1961, c’était, disait-il, la fin du monde – plus précisément la peur d’être abandonné par ses parents et compatriotes, dont beaucoup s’étaient déjà convertis et iraient donc au ciel. Ce qui arriverait à ceux qui resteraient sur Terre était, d’après le missionnaire Royal Taylor, digne d’un film d’horreur : « Si vous ne croyez pas, vous resterez sur Terre et le jaguar vous mangera. Il y aura toutes sortes d’esprits d’animaux. Un énorme grillon mangera les Wari’. Un grillon énorme envoyé depuis le ciel. Dieu l’enverra dévorer les non-croyants. »
60Pendant une partie de pêche avec Abrão, quand celui-ci était encore jeune, Paletó avait entendu un coup de tonnerre et avait eu peur que ce fût la fin du monde. Nous avions très peur, m’a-t-il dit. Peur de l’enfer, surtout : là, dans un feu qui ne s’éteint jamais, les pécheurs brûleront pour toujours, le corps couvert de blessures, tourmentés par une soif inextinguible.
61De retour à la maison, Paletó a dit à sa femme qu’il voulait devenir croyant. Elle, au début, était moins enthousiaste, mais finalement elle a décidé d’accompagner son mari. Ils sont tous les deux allés voir le pasteur, un Wari’ formé par des missionnaires, pour l’informer de leur décision. Le jour du culte, ils l’ont dit à tout le monde et peu de temps après ils se sont fait baptiser par immersion dans le Rio Negro. Selon Paletó, le baptême de To’o ne s’était pas très bien passé et le fait qu’elle se soit détournée ensuite de la vie chrétienne était bien la preuve que l’immersion avait été incomplète : les cheveux du sommet de son crâne étaient restés secs.
62Quelques années plus tard, au début des années 1980 – juste avant que je ne le rencontre –, parce qu’il avait été mêlé à des combats à la massue, Paletó a décidé de « lâcher » Dieu, comme ils disent. Beaucoup de Wari’ ont fait de même au début de cette décennie-là. Il est redevenu évangélique plus âgé, en 2001 : « Je suis retourné à Dieu », m’a-t-il dit. « Maintenant, je crois comme il faut. Je suis vieux. Les vieux ne vivent pas longtemps. Ils m’ont dit : “Sois croyant pour que ton double s’en sorte bien, et ta femme aussi.” »
63Beaucoup d’autres Wari’ se sont reconvertis au cours de cette même année 2001. D’aucuns m’ont dit qu’ils étaient retournés à Dieu après avoir vu les attaques contre le World Trade Center à la télé. Ils ont alors compris, grâce à la glose des pasteurs, qu’une guerre mondiale allait éclater, signal de la fin du monde.
64Quand je suis arrivée au Rio Negro en janvier 2002, plusieurs personnes m’ont demandé des nouvelles de cette guerre, et surtout si les Talibans étaient arrivés jusqu’à Rio de Janeiro.
65Il n’y avait plus de missionnaires sur le Rio Negro, et comme je ne savais pas que les Wari’ étaient redevenus chrétiens, je ne comprenais pas bien ce qui se passait. Je n’étais pas plus au courant des services nocturnes tenus presque quotidiennement dans l’église locale, qui était à l’époque une construction en paxiúba et en palmes, loin de l’école où j’habitais avec mes fils. Paletó est venu me voir presque tous les jours, mais il s’en allait toujours à la même heure, avec des explications évasives et, à ma grande surprise, sans accepter de partager avec nous son plat préféré, les spaghettis à la bolognaise que j’avais préparés pour lui. C’était l’heure du service et, craignant des reproches, il ne voulait pas que je sache qu’il fréquentait l’église. J’ai quand même fini par assister aux cérémonies et j’ai beaucoup parlé avec les Wari’ de Dieu, de Jésus, son fils, et du Saint-Esprit, son « double ».
66Ma participation aux services faisait très plaisir à Paletó qui s’inquiétait sincèrement de mon salut et de ma montée au ciel, laquelle lui aurait épargné de devoir refuser mes demandes d’eau venues de l’enfer. Bien que je lui aie toujours expliqué que j’étais là par simple curiosité, et pas pour me convertir, il arborait toujours un grand sourire quand il me voyait entrer dans l’église, fier comme le sont les parents évangéliques quand leurs enfants décident de « suivre Dieu ».
67Petit à petit, l’inquiétude que lui inspirait mon avis sur sa conversion s’est calmée. J’ai une photo de nous deux, où il porte un t-shirt rose brodé de la phase « Jésus, notre chemin » et un chapeau de laine avec des carreaux noirs et blancs que mon père d’ici lui avait envoyé. Il a l’air sérieux et moi je souris, avec une chemise couleur de citrouille et un sac en bandoulière où je transportais toujours mon petit carnet de terrain, un stylo, de l’anti-moustique et une lampe de poche.
68Pendant les services, dirigés par les pasteurs wari’ dans leur langue, on chantait des hymnes chrétiens traduits depuis l’anglais ou le portugais par les missionnaires et leurs assistants wari’, on priait à la gloire du travail divin de la création, on demandait la protection de Dieu et on étudiait les livres bibliques qui avaient été traduits. Ces services étaient tellement longs que certaines des ouailles (surtout les plus vieilles) finissaient par s’endormir. Des diacres en patrouille dans l’église, attentifs à la bonne conduite des fidèles, les réveillaient.
69Quand André était petit, j’ai demandé une fois à Francisco, alors âgé de 11 ans, qu’il m’accompagne au service pour m’aider à m’en occuper. Habitués qu’ils étaient à jouer avec les enfants wari’ à flécher les ennemis (pour André) ou aux échecs (pour Francisco), ils ont trouvé le service bien ennuyeux. À la fin, Francisco a annoncé : « Je ferai tout ce que tu veux, mais je n’irai plus à l’église. » Ceci ne l’a pas empêché d’apprendre, avec les jeunes de son âge, quelques hymnes chrétiens en portugais, surtout un qui parlait d’une brebis égarée qui faisait « Bêêê ! Bêêê ! »
70Je dois dire que je suis totalement opposée au travail de conversion entrepris auprès des Indiens par les différents groupes de missionnaires et j’ai toujours exprimé cet avis aux Wari’, de différentes manières et dans différents contextes, y compris en expliquant pourquoi je n’étais pas évangélique, ce qui ne manquait pas de consterner Paletó. Même si je lui expliquais que je ne fréquentais l’église que parce que je souhaitais les accompagner dans leurs activités quotidiennes, le fait que j’assiste aux services était pour lui un signal clair du contraire, à savoir que j’étais disposée à me convertir – pour les Wari’, les actions pèsent plus que les mots. En fin de compte, j’allais à l’église.
71Malgré cela, ils étaient toujours attentifs à ce qu’ils savaient être mes autres centres d’intérêt. Une fois, en 2014, à la fin du service, le pasteur est venu me dire que je devrais aller parler avec un homme âgé venu d’un autre village, parce qu’on lui avait dit que l’homme avait rêvé des esprits animaux, objet de mes recherches. Bien qu’ils aient été catéchisés par des missionnaires fondamentalistes, qui insistaient sur une vision unique du monde, exprimée dans la parole biblique, les Wari’ semblaient être naturellement disposés à accepter une multiplicité de perspectives. Ils sont radicalement non dogmatiques.
72Beto, mon ex-mari, me rappelle aujourd’hui au téléphone un épisode arrivé à Rio de Janeiro en janvier 1993, qui témoigne de cette disposition. Il avait emmené Abrão et Paletó à l’aéroport Santos Dumont pour qu’ils puissent regarder les avions décoller et atterrir. Le premier avion que Paletó a vu décoller était un petit appareil, ce qui lui a fait remarquer qu’il n’arrivait à voler que parce qu’il était petit et qu’il doutait que les plus grands puissent faire de même. Ils ont attendu jusqu’à ce qu’un plus grand décolle et Beto a regardé Paletó, comme pour dire : « Tu vois ? » Paletó a répondu : « Celui-là, oui. » Celui-là seulement. Un seul. Il laissait ainsi entendre qu’il ne présumait pas que cette capacité valût pour l’ensemble des avions.
***
73Comme par le passé, mes parents du Rio Negro vont porter longtemps le deuil, pleurer et entonner le chant funèbre tous les jours pour se souvenir des actions du défunt, Paletó, de ses attentions, de la nourriture qu’il donnait à ses parents. Ils ne mangeront qu’à peine, ils maigriront et finiront la voix rauque.
74Autrefois, au bout de plusieurs mois, un parent proche décidait de mettre un terme au deuil en invitant tous les autres à une partie de chasse de quelques jours. Ils revenaient chargés de paniers pleins d’animaux morts et déjà rôtis et entraient dans le village à l’heure où la personne était morte. Ils pleuraient accroupis autour des paniers de la même manière qu’ils avaient pleuré le mort, entonnant le chant funèbre et se rappelant ses actions, les petites attentions qu’il avait eues pour eux. Ils ne pleuraient pas que ce mort-là, mais d’autres aussi, dont ils se souvenaient encore. Ensuite, tout le monde mangeait le gibier rôti en riant et en le qualifiant de cadavre. « Veux-tu un morceau de cadavre ? », disait quelqu’un, attrapant une brochette pour la proposer à un autre. Ils mangeaient sans baguettes et sans attentions particulières. C’était du cadavre, mais maintenant, c’était aussi du gibier. Une transformation avait eu lieu et ils la fêtaient. Le mort, consommé comme du gibier, quittait enfin le monde et les souvenirs des vivants.
75Paletó ne sera pas mangé. Peut-être qu’il aurait aimé, parce que les Wari’ avaient horreur de l’enterrement, du fait que le corps subsiste longtemps sous la terre. Mais je sais que Paletó craignait aussi que sans un corps intègre il ne puisse pas ressusciter au ciel, où seraient tous ceux qui étaient morts convertis au christianisme, y compris To’o Xak Wa, sa femme.
76Aujourd’hui, j’aimerais vraiment que ce ciel existe, où il désirait tant aller, simplement pour accueillir Paletó, bien habillé, avec ses chaussures à lacets. Tout le monde l’admirerait sûrement à son arrivée, et qui sait, Dieu lui-même, qui n’apparaît jamais à ceux qui sont au ciel, ferait une exception pour le voir arriver.
Notes
1 Ce portrait constitue la version traduite d’un texte d’Aparecida Vilaça originellement publié dans la revue Piauí en octobre 2017, intitulé « Paletó e eu ». Nous la remercions de nous permettre de publier ici cet article. Il s’inscrit également dans le prolongement de la biographie publiée par l’auteur en 2018 aux éditions Todavia : Paletó e eu.
2 Le terme ribeirinho, littéralement « riverain », désigne au Brésil les populations traditionnelles vivant près des rivières, issues du métissage entre colons et Indiens.
3 Un palmier de la famille des Arecaceae.
4 Stade de football de Rio de Janeiro.
5 Ouvriers chargés de la collecte du caoutchouc.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Fig. 1. Paletó, 2018 |
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Crédits | Illustration : Adrià Fruitós |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/docannexe/image/16970/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,1M |
Titre | Fig. 2. Paletó chez Beto, a Itacoatiara, Rio de Janeiro, 2009 |
Crédits | Photo : Beto Barcellos |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/docannexe/image/16970/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 303k |
Titre | Fig. 3. Ethnologue sur le terrain, Rio Negro-Ocaia, 2008 |
Crédits | Photo : Dusan Boric |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/docannexe/image/16970/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 3,4M |
Titre | Fig. 4. Paletó et moi, chez moi, Rio de Janeiro, 2012 |
Crédits | Photo : Carlos Fausto |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/docannexe/image/16970/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 720k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Aparecida Vilaça, « Paletó et moi », Terrain [En ligne], Portraits, mis en ligne le 19 octobre 2018, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/16970 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.16970
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