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Repères

Le territoire urbain

Divisions et spatialisations
Rosemarie Huhn et Alain Morel
p. 149-166

Résumés

Il s’agit ici de comprendre la manière dont les citadins d’une grande ville (spécifiquement les habitants du XIIIe arrondissement de Paris) divisent l’espace urbain et selon quel régime classificatoire. Quels critères retiennent leur attention, quels éléments font sens ? De quelles ressources disposent-ils pour ce faire ? Parmi les entités qu’ils distinguent, certaines ont une origine administrative ou historique, d’autres sont construites à partir de leur connaissance du terrain. L’arrondissement apparaît comme l’entité d’inclusion principale pour une majorité d’habitants, tandis que le quartier, plus apprécié pour ses potentialités que par ce qui s’y passe réellement, s’apparente à une réalité virtuelle.

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Texte intégral

  • 1 Une enquête a été menée à partir des propos que les habitants du XIIIe arrondissement de Paris tien (...)

1Pour se représenter la diversité de la ville, ses multiples visages et ses nombreuses identités, pour penser un ordre social, l’espace offre un support commode qui satisfait aux données immédiates de la perception. A des lieux sont associés une atmosphère, un style, des mœurs, un esprit, et plus généralement un trait différentiel. L’hétérogénéité perçue suppose la reconnaissance de discontinuités. Celles-ci sont naturellement inscrites dans la ville avec le réseau viaire, la division en îlots et les grandes artères. Mais ces multiples césures n’ont pas nécessairement du sens pour les citadins. La fragmentation du tissu urbain ne constitue qu’un canevas, utilisable pour composer les multiples figures de la diversité urbaine. Le propos de l’étude qui a été menée sur des habitants du XIIIe arrondissement de Paris 1 avait pour but de comprendre la manière dont les citadins d’une grande ville appréhendent un tissu urbain dense, massif et en même temps labyrinthique et opaque. Comment est-il divisé par les habitants, selon quelle logique et quel régime classificatoire ? S’agit-il d’un découpage fondé sur une base rationnelle, produisant des entités homogènes qui, comme les arrondissements, ne se chevauchent pas ? De quelles ressources disposent-ils pour ce faire ? Quels sont les critères qui retiennent leur attention et quels sont les éléments qui font sens ? La différenciation sociale est-elle le critère déterminant ou n’en est-il qu’un parmi d’autres ? A quelles entités (administratives, historiques, sociologiques, topographiques, morphologiques, singulières) se réfèrent-ils et pour dire quoi ? Comment nomment-ils ces dernières ? Enfin, de façon plus générale, quelle forme prend le passage de l’espace indifférencié et neutre, auquel est confronté le nouvel arrivant, au territoire urbain, connu et maîtrisé ?

  • 2 Le XIIIe arrondissement a le poids démographique d’une grande ville française : 172 000 habitants, (...)

2Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, on examinera comment les citadins se représentent l’espace de la ville, à partir des récits qu’ils font de leurs observations, notations, conversations, fréquentations… Celles-ci se traduisent le plus souvent par l’attribution de traits aux lieux qu’ils distinguent. Il en résulte un ensemble de figures urbaines et de lieux caractérisés et évocateurs qui se prêtent à un jeu d’identification et de différentiation. Ce jeu est rendu possible par la nature complexe et kaléidoscopique de la ville 2, qui permet de l’envisager sous des angles très diversifiés et autorise tout un chacun, à sa guise et selon ses connaissances du terrain, à effectuer les distinctions qui lui semblent pertinentes. Celles-ci sont d’autant plus nombreuses et argumentées que le terrain est mieux connu et depuis longtemps. On se limitera aux distinctions les plus communes, celles qui donnent lieu à un minimum de consensus.

3Il existe des entités reconnues, comme l’arrondissement bien sûr, ou le quartier chinois, par exemple, ou encore la Butte-aux-Cailles. Il y a aussi des axes jouant un rôle structurant, l’avenue d’Italie, par exemple, qui est une limite notoire, et il va de soi d’opposer, par ailleurs, d’un côté, un quartier réaménagé, rénové et, de l’autre, un vieux quartier. Pour opérer des distinctions plus fines, les habitants pratiquent d’autres découpages de la ville et plus leur connaissance de celle-ci est pointue, plus se multiplie le nombre de lieux qui ont du sens, parce que là ce n’est plus pareil, parce qu’ici il y a quelque chose à dire. Selon le propos qu’ils veulent tenir, ils se réfèrent à l’entité qui leur semble la plus parlante : un des sous-quartiers, une rue, un coin, une place, le haut (en opposition au bas), etc. La notion de quartier est la plus fréquemment utilisée et on verra qu’elle est instrumentalisée, à toutes fins utiles, pour désigner de multiples entités.

  • 3 Ce travail ne traite pas des images de la ville, sujet que les géographes, après K. Lynch, ont abon (...)

4A partir d’une différentiation qui résulte de données objectives – topographie, morphologie, formes et âge du bâti, plus ou moins grande présence de l’activité commerciale, intensité des circulations –, sur lesquelles se greffent des distinctions qui prennent la forme de jugements de toutes sortes, les habitants tirent parti de l’hétérogénéité et construisent de la discontinuité3.

5Les attributs caractérisant les entités et recensés dans cette étude juxtaposent les registres les plus divers. Lorsqu’on en dresse une liste, on obtient une classification des similitudes et des différences qui semble tout aussi insolite que la classification chinoise des animaux, imaginée par Borges. Les qualités retenues relèvent, en effet, aussi bien de l’esthétique, du sensoriel, de la forme du bâti, du rapport à la centralité et au pouvoir, de la norme sociale, de l’ambiance, des formes d’activité… La délinquance des Olympiades voisine avec la bonne odeur du quartier chinois. Les courants d’air des Olympiades sont-ils pires que ceux de la BNF ? Les « horribles tours » de l’avenue d’Italie s’opposent à l’architecture réussie des Hautes-Formes. Il y a aussi la froideur de tel édifice et le charme du passage ; les immeubles bien habités et les constructions modernes. Le calme du square Héloïse-et-Abélard contraste avec les problèmes des immeubles, type grand ensemble, de la rue Dunois. Il y a encore les vieux quartiers et les quartiers tranquilles, les quartiers de passage, les quartiers sympas et les quartiers sinistres, etc. Ces entités, diversement caractérisées, prennent place sur des échelles de valeurs. La hiérarchie n’est ni simple ni univoque, un attribut négatif peut être mis en balance d’un attribut positif pris dans un autre champ, par exemple : le quartier est éloigné mais il est sympa.

6Les habitants associent lieux et attributs selon ce qui se dit et se répète localement, selon leurs propres observations, ou encore selon les stéréotypes les plus répandus concernant la ville en général. Il est rarement fait mention d’un faisceau d’attributs, comme s’il ne s’agissait d’énoncer qu’un seul trait distinctif à la fois, celui qui soutient le propos tenu.

  • 4 Les chiffres entre parenthèses renvoient aux profession et âge des personnes interrogées : mère de (...)

7Le contour et le choix de ces attributs gardent une grande part de subjectivité, liée au propos du locuteur et au contexte d’interlocution, liée aussi à son parcours résidentiel qui l’amène à établir des comparaisons avec des entités où il a vécu précédemment. Ainsi, les attributs du XIIIe ne seront pas les mêmes ou du moins auront une tonalité différente selon que l’on compare celui-ci au Ve, au VIe, au XIe, auXVe ou au XXe arrondissement, où l’on aura résidé précédemment. Une première personne (4) 4 distingue des ambiances urbaines : « Quand on va vers le Ve, il y a des boutiques intéressantes et l’on peut passer des heures à regarder un petit objet… On ne peut pas planer dans le XIIIe jusqu’à maintenant. Peut-être cela va changer. » Une deuxième (1) considère la qualité de la convivialité : « C’est un quartier très agréable, qui fait très familial. Parce qu’avant j’habitais dans le VIe et c’est un quartier de passage. Là [dans le XIIIe] les gens se connaissent, c’est sympa. » Une troisième (2) met l’accent sur la composition de la population et un rapport à l’avant-garde : « Moi, je viens du XIe et je peux dire que c’est complètement différent. C’est un secteur qui est beaucoup plus branché, donc beaucoup plus jeune. Là c’est beaucoup plus familial, tout ce qui est autour de la place Jeanne-d’Arc a un côté très province. »Une quatrième (14) met l’accent sur la simplicité et la sociabilité : « Le XVe c’est différent. Les gens sont beaucoup plus sélects, moi, je voyais souvent des acteurs, les plus connus, des comédiens, c’est autre chose… ça n’a plus rien à voir. Le XIIIe… si on accepte de parler, ça vient très vite. » Enfin, une cinquième (12) se situe sur le terrain de la morphologie urbaine : « Par rapport à Belleville, ça a un côté beaucoup plus moderne, donc c’est ce qui est important. […] Surtout Belleville c’est un vrai fouillis, plein de bazars, de ruelles, de petits endroits, en même temps un endroit beaucoup plus ordonné qu’ici. »

8Si le locuteur a toujours habité là, il aura la possibilité de parler de l’évolution et c’est elle qui prévaudra dans sa lecture de la ville. Y aurait-il alors autant de représentations de la ville qu’il y a d’habitants ? Certes, comme on vient de le voir, tous ne font pas les mêmes distinctions mais, du fait des échanges réguliers avec les autres habitants et de la confrontation des points de vue, du fait d’expériences de la vie quotidienne similaires, on retrouve dans les opinions personnelles des concordances qui ne sont pas très éloignées, dans certains cas, de normes de perception. Et si, comme on vient de le voir, les comparaisons avec d’autres arrondissements de Paris sont à l’origine de descriptions du XIIIe différenciées, il se dégage malgré tout une perception commune, celle d’un quartier de Paris marqué par sa tradition populaire et la simplicité des rapports sociaux.

Les modes de segmentation

9Le déchiffrage de la ville ne néces-site pas d’en savoir lire toutes les divi-sions et d’être en mesure de nommer et délimiter ces dernières. On peut se contenter de polarisations à partir d’un toponyme ou même de simples proximités avec des lieux repères ou encore d’orientations à l’aide de locutions directionnelles : « du côté de ».

10Les échelles utilisées sont très variables. Certains pensent les phénomènes au niveau de la ville ou de l’arrondissement, d’autres à celui du quartier, voire du pâté de maisons. On attache peu d’importance à la nature des entités. Sur un même thème, la délinquance, la vétusté, les courants d’air, etc., tout est comparable, quelle que soit la taille de l’entité.

11L’échelle choisie s’adapte au propos et il y a des récits qui trouvent mieux leur cadre au niveau de l’arrondissement, l’ambiance du quartier par exemple, d’autres à celui du coin de rue, telle la relation personnelle avec les commerçants. De toute façon, on ne se pose pas de questions pour passer du plus resserré au plus large, et inversement, sans se soucier de préciser le changement de niveau ou de contexte, comme si ce qui importait était plus le sens de ce qui est dit que le terrain d’application réel du propos. L’emboîtement des entités les unes dans les autres facilite ces changements d’échelle, qui semblent quasiment inconscients. Mais, ce qui complique les choses, un changement d’échelle n’implique pas pour autant un changement de dénomination. Faute d’avoir un nom pour désigner l’entité de référence, les personnes interrogées utilisent le même terme pour tout, « secteur » ou quartier par exemple, ou bien se contentent d’indications de localisation, « ici » par exemple, ou bien « autour de… ». Un même terme peut désigner, chez un même locuteur, différents types d’entités et le recours à des figures métonymiques est fréquent, la partie désigne le tout, la rue vaut pour la section urbaine, le quartier pour tout ce qui s’y trouve. Ainsi cette personne (1) explique : « C’est vrai qu’on a La Mie de pain à côté, le Secours catholique, la clinique, l’Armée du salut… Cela fait beaucoup pour le XIIIe. C’est dommage parce que c’est un quartier qui a une vie familiale qui se transformait, il y avait une autre population qui arrivait… »

12A la souplesse que procurent les changements d’échelle s’ajoute une commodité supplémentaire due à la possibilité de remodeler les entités selon l’usage qui en est fait. Ainsi, un ensemble peut être constitué en réunissant diverses parties voisines pour mettre en avant un trait sémantique, l’ancienneté du bâti d’un quartier par exemple (« C’est un quartier vieux avec aussi plein de petits ateliers et carrément des coins insalubres et fait de bric et de broc au fil des générations » 7). Ces mêmes parties seront dissociées dans le contexte d’un autre récit, l’une d’elles figurant alors le modèle du quartier sordide (« Cela a terriblement changé car la rue du Chevaleret c’était le trou du cul du monde » 5),une autre étant représentative de la catégorie des petits pavillons du XIIIe, pleins de charme : « Le passage Bourgoin et à une époque on y avait des amis, ce passage et le passage National sont des lieux toujours un peu marrants quand on se balade, toutes ces maisonnettes » (7). Cette segmentation à géométrie variable, à différentes échelles, à usages diversifiés, permet de multiplier les classements et d’opérer toutes les comparaisons souhaitables.

13La segmentation implique-t-elle l’établissement de limites ? De manière générale, il apparaît que la définition de limites, même imprécises, n’est pas nécessaire. Le locuteur, pour établir une relation entre un espace et un attribut, ne se préoccupe pas de préciser les limites du lieu qu’il a distingué ni le pourquoi de la délimitation implicite, il se contente de dire : « Cela ne vient pas jusque-là. » S’il souhaite, en revanche, préciser quelque chose, il sait le faire et parvient toujours à situer précisément l’endroit dont il parle.

14Mais des limites reconnues et assez précisément posées existent. Ce sont toujours les mêmes qui sont mentionnées pour préciser une localisation. Dans cette partie sud-est du XIIIe sont conventionnellement considérées comme limites : le boulevard Vincent-Auriol, la ZAC PRG (Paris Rive gauche), le quartier chinois et le boulevard extérieur (Masséna). Il ne s’agit ni des limites de l’arrondissement, ni de celles d’un quartier, mais plutôt ce que l’on appellerait des limites de champ, celles d’entités non officiellement reconnues et non désignées, que le locuteur souhaite néanmoins configurer. Les boulevards des Maréchaux ont une double fonction, ils sont à la fois limites de champ et frontières, ils sont, en effet, perçus comme une frontière avec le début de la banlieue. Ils séparent le dedans du dehors, celui-ci étant en l’occurrence un autre monde avec lequel on prend ses distances : la banlieue. Il est remarquable que les espaces urbains qui se trouvent entre les Maréchaux et le périphérique, bien que proches, ne soient que très rarement mentionnés, comme s’ils n’existaient pas ou comme s’ils faisaient partie d’un autre monde, ou plus précisément d’un no man’s land.

Les figures de la segmentation

15Quels sont les ensembles urbains, les lieux, les entités auxquelles se réfèrent les habitants pour se représenter la ville et localiser ce dont ils parlent ? On distinguera d’un côté les entités préconstruites, entités administratives et entités historiques possédant un toponyme, de l’autre celles qu’ils construisent à partir de leurs connaissances du terrain, certaines associées à un toponyme, d’autres pas.

Les entités préconstruites •

16Parmi les entités déjà constituées et qui portent un nom, l’arrondissement tient lieu d’entité majeure de référence et ce pour les deux tiers des personnes interrogées. Celles-ci, pour qui le XIIIe ne se réduit pas à une entité administrative, définissent leur appartenance à la ville et les qualités propres de leur lieu de résidence en se situant à l’échelle de l’arrondissement. Par-delà la diversité des quartiers qu’il rassemble, il serait suffisamment homogène pour qu’on en parle comme un tout. On le considère d’autant plus comme une unité qu’il est comparable et opposable à d’autres entités de même niveau : les dix-neuf autres arrondissements. Pour ces personnes, l’arrondissement fait office de quartier, ce serait même le quartier par excellence.

  • 5 Ces quartiers divisent l’espace en des entités très inégales : 69 ha (Croulebarbe), 118 ha (Salpêtr (...)

17Cette représentation de l’arrondissement comme un tout n’est pas pour les habitants incompatible avec le fait qu’en même temps ils le perçoivent comme un ensemble composite. S’ils négligent ou méconnaissent la division administrative de celui-ci en quatre quartiers 5 – Croulebarbe, Salpêtrière, la Gare, Maison-Blanche –, division qui semble ne pas être significative à leurs yeux, ils opèrent, en revanche, un autre découpage en trois parties principales.

18La première, vers le centre-ville, les Gobelins, a des caractéristiques propres. Les Gobelins sont considérés comme un quartier à l’égal des quartiers officiels, bien qu’ils ne représentent en réalité qu’une toute petite partie de l’arrondissement, autour de l’avenue du même nom. L’attribut majeur qui les distingue, accroché pour ainsi dire à leurs immeubles haussmanniens, est leur appartenance à la ville ancienne, avec son urbanité architecturale et sociale ; c’est déjà un autre monde qui appartient à la centralité parisienne, avec ses restaurants et ses cinémas.

  • 6 Elle ne correspond ni au quartier Maison-Blanche ni à l’entité Butte-aux-Cailles.
  • 7 Les différents lieux de la partie ouest sont peu cités. Sont toutefois mentionnés : le village angl (...)

19La deuxième, située à l’ouest de l’avenue d’Italie qui en l’occurrence fait office de limite, n’est pas dénommée 6. Elle se définit en creux par le fait que, malgré son appartenance au XIIIe, on ne la fréquente pas, ou pas plus que les autres parties de la ville. On ne la décrit même pas 7.

  • 8 La dénomination « la Gare », née du projet de la construction au xviie siècle d’une gare fluviale à (...)

20La troisième, à l’est de l’avenue d’Italie, est celle qu’habitent les personnes interrogées, et elle n’est pas non plus nommée 8. Cette division du XIIIe est propre aux habitants de la partie est, ceux des autres quartiers en conçoivent d’autres. Elle contredit l’idée que l’arrondissement constitue un tout et cela explique peut-être en partie pourquoi le tiers restant des personnes interrogées ne parlent pas de l’arrondissement, elles lui préfèrent d’autres entités.

Ce que l’on dit de son quartier

21La différenciation des arrondissements est une ressource essentielle pour penser la ville. Quels sont les attributs principaux du XIIIe ? Il serait d’abord familial et populaire. Deux attributs différents mais qui se rejoignent dans leurs connotations : convivial (« Et c’est vrai, le XIIIe reste dans son caractère populaire. De moins en moins. Mais enfin, il y a une résistance qui est intéressante là-dessus. Mais ça reste valable et automatiquement c’est convivial. Les gens se parlent, les gens sont agréables » 14), sympa, vivant, simple, authentique (« Mais j’aime beaucoup mieux le quartier ici, c’est plus sympathique, avec les commerçants autour, c’est un vrai quartier. Ça change mais c’est un vrai quartier » 15). Ces qualités sont congruentes à l’idée de village, alors qu’au premier regard le XIIIe avec ses tours et ses barres ne fait pas spontanément penser à l’univers de celui-ci. Pour se convaincre que malgré tout leur quartier est à dimension humaine, les habitants opposent au cosmopolitisme du centre le caractère villageois du XIIIe, avec ses rapports personnalisés, dont la place Jeanne-d’Arc offre le spectacle.

22L’attribut populaire ne fait généralement pas référence à une composition précise de la population, il désigne en fait un complexe de traits dans lequel les facteurs d’ambiance prédominent : « Tous ces gens qui se sont retrouvés c’étaient des intellos de gauche… Ce qu’ils aimaient c’était que le quartier soit vivant… Bon c’était un quartier qui était dans leurs moyens, il aurait été dans le Ve si le Ve avait été moins cher. C’était aussi des gens qui avaient une idéologie du XIIIe, qui était un arrondissement communiste, populaire, pas très cher, très vivant, très commerçant » (5). Plus il y a de commerces, plus c’est vivant et plus « c’est agréable ». C’est un quartier « bien vivable » (14).

23Mais d’autres attributs vont venir troubler cette image rassurante du lieu de résidence. Quartier populaire ne rime pas toujours avec débonnaire. Il peut aussi abriter des populations difficiles, qui dérangent. Cependant, l’arrondissement n’est pas décrié comme un haut lieu de la délinquance ; si celle-ci est présente, elle reste localisée. L’atmosphère bon enfant est aussi troublée par les « nouvelles populations », celles qui viennent d’arriver (le terme immigré est très rarement prononcé), et qui sont tenues pour responsables d’une évolution négative de certains lieux du quartier, conséquente d’un déséquilibre dans la composition de la population. Il en résulte l’impression qu’on s’éloigne de la société de village, qu’on n’est plus entre soi (entre gens qui partagent les mêmes valeurs) : « C’est un quartier agréable. Facile à vivre, ça fait un peu village. Maintenant ça l’est un peu moins. Avec toutes les constructions qui ont été faites par la suite et puis également par l’environnement, une population qui a énormément amplifié. […] L’origine est surtout l’arrivée de toutes sortes de races, sans faire du racisme. Il y a plus de problème social, ça c’est certain. En plus, on a récupéré un peu tous les clochards, tous les sans-abri et tout cela. Et ça s’est dégradé beaucoup, depuis une dizaine d’années » (10).

  • 9 La proportion des ouvriers dans la population active n’a cessé de diminuer au profit des employés e (...)

24Dans les propos tenus sur le XIIIe, la référence à la centralité est une autre clé de lecture manifeste : « Quand tu habites dans le centre de Paris, c’est autre chose. C’est beaucoup plus épanouissant » (3). Etre au centre c’est jouir de la proximité, qui permet d’accéder à pied aux lieux désirés. C’est une valeur en soi : « Cela nous a toujours manqué d’être plus loin des cinémas, pouvoir sortir facilement, il n’y avait pas beaucoup de restaurants dans le quartier à l’époque, on avait sûrement été très mal habitué rue Mouffetard parce qu’on était vraiment très proche » (5). Cette position dans la hiérarchie urbaine a pour conséquence un moindre coût de l’immobilier, une raison sans doute primordiale dans le choix d’habiter cet arrondissement. Tout récemment l’ouverture de la ligne 14 du métro, qui permet de rejoindre le centre très rapidement, a changé le rapport du quartier à la centralité ; elle a aux yeux des habitants une importance considérable : « C’est le transport, la nouvelle gare Masséna-Météor, qui valorise le quartier. Il y a beaucoup de monde maintenant » (11). Conséquemment les prix montent et ce quartier de Paris, si agréablement populaire, le sera de moins en moins 9. Aux yeux des personnes interrogées les plus âgées, le XIIIe n’est déjà plus aujourd’hui ce qu’il était, c’est-à-dire un véritable quartier ouvrier et donc populaire : « Il ne faut pas oublier que le XIIIe… dans les années 60, fin 60, début 70, c’était très, très populaire » (17).

  • 10 La moitié des logements du XIIIe ont été construits après 1950.

25Le XIIIe se définit aussi par la place prise par des constructions massives qui ne sont pas sans rappeler les grands ensembles. Cette forme urbaine engendrerait une atmosphère définie essentiellement comme impersonnelle : « C’est une architecture moderne sans vie, sans personnalité, impersonnelle. […] Le XIIIe devient un quartier impersonnel » (11). Pour une majorité des habitants, cette architecture marque le XIIIe et elle le défigure : « Bon, c’est sûr, tout de suite ça voulait dire que le XIIIe, dans mon entourage, les horribles tours de l’avenue d’Italie, le Chinatown pas loin » (14). La modernité 10 est un des attributs essentiels du XIIIe. Pour les uns, ceux qui apprécient l’architecture, elle améliore l’image du quartier. Pour les autres, elle donne l’impression de transformations continuelles, une impression d’inachevé, de ville en devenir, qui dérange. La modernité se traduit aussi par une impression de disparité architecturale. Une des habitantes exprime autrement cette constatation en disant que le quartier « manque de style » (11). Cette hétérogénéité est, en effet, appréciée en regard des arrondissements centraux et en particulier du quartier des Gobelins proche, qui lui a du style.

26Pour la génération la plus ancienne, la modernité a une autre signification critique. Elle a entraîné avec elle, et tout particulièrement dans cette partie sud-est de l’arrondissement, la disparition de nombreuses activités, petites entreprises manufacturières, garages, artisanats divers, petites réparations, etc., et des locaux qui les abritaient. Ils ont été remplacés par des immeubles anonymes, qui ne leur disent plus rien. Pour cette génération, les sexagénaires et plus, l’arrondissement pourrait être caractérisé comme l’espace par excellence du changement. Changement économique, changement du tissu urbain, changement de la population.

  • 11 Les habitants du XIIIe voient à Bercy un aménagement réussi, par rapport auquel celui de leur arron (...)

27Au sein de l’arrondissement, il existe d’autres entités préconstruites : des entités notoirement connues, des figures urbaines comme la Butte-aux-Cailles, Bercy, les Gobelins, les Olympiades, le quartier chinois. Le statut des trois premières entités est marqué, d’une part, par le fait qu’il est fondé sur une ancienneté historique, d’autre part, par leur situation de pôles qui bordent le quartier familier et qui ont de l’attrait. A leur toponyme sont associées des connotations qui alimentent la comparaison avec la partie du XIIIe où habitent les personnes interrogées. On a vu que les Gobelins sont perçus sous l’angle des attributs de la centralité qui font défaut à cette partie d’où ils parlent. La Butte-aux-Cailles, assimilée à un Montmartre du XIIIe, est caractérisée comme un lieu de promenade, avec ses rues piétonnières, ses ateliers d’artistes et ses belles rénovations, alors que nombre d’endroits de leur quartier « ne sont pas des lieux de balade ». Bercy, bien que situé de l’autre côté de la Seine, est considéré comme une sorte d’annexe du quartier. Lieu de loisirs et quartier neuf, Bercy joue aussi le rôle de référence majeure pour juger de l’aménagement urbain 11.

28Les deux autres entités, les Olympiades et le quartier chinois, appartiennent à la zone étudiée. Bien que les Olympiades soient une partie de ce qui est appelé le quartier chinois, lequel s’étend sur un espace plus vaste, les deux entités sont toujours considérées séparément, l’une étant très critiquée, l’autre très appréciée.

  • 12 L’endroit où se trouvent les Olympiades était autrefois occupé par la gare de marchandises des Gobe (...)
  • 13 Les Olympiades sont comparées à la place Souham, le lieu par excellence de la délinquance dans l’ar (...)

29Pour les habitants de cette partie du XIIIe, la dalle des Olympiades 12 – ensemble architectural conçu dans les années 1970 – est emblématique de l’urbanisme des grands ensembles. Elle est perçue, et avec elle l’ensemble des hautes et massives constructions de 25 étages, comme un endroit désagréable, un lieu sans âme : « Le jour où on l’a vu, c’était un jour il pleuvait. Il y avait du vent. J’avais un souvenir de la dalle des Olympiades justement, où j’étais allée une fois et j’avais ce souvenir de froideur, presque de désolation et de l’empire du béton » (7). Les Olympiades connaissent une forte concentration de population (10 000 habitants) et elles ont une mauvaise réputation, celle d’un lieu associé à la délinquance. Les jugements critiques 13 sont toutefois atténués par le fait que l’ambiance, créée par la présence massive des Asiatiques sur les lieux, soit très appréciée. Les tours dites de Choisy – on oublie alors l’intitulé Olympiades – sont devenues le symbole de cet univers singulier dans l’arrondissement que compose le quartier chinois : « J’aime bien Hong Kong-sur-Seine si l’on peut dire, le quartier des Chinois cela sent bon » (15). Ce quartier est unanimement perçu comme intéressant et sympathique. On aime s’y promener, c’est le dépaysement à proximité.

Une figure imposée

30Parmi les entités prêtes à l’emploi, pourrait-on dire, il y a encore la ZAC Paris Rive gauche (PRG). Elle constitue une entité à part mais elle est considérée par les habitants des quartiers voisins comme partie intégrante de leur territoire. La forme urbaine de la ZAC PRG, radicalement nouvelle dans le quartier, inquiète et fait naître des espoirs tout à la fois. Elle inquiète parce qu’elle laisse présager la naissance d’un quartier d’affaires, de flux perpétuels, ou un quartier d’un genre nouveau plutôt destiné à une élite. Pour les habitants du quartier voisin, ce n’est pas un lieu de vie, c’est un endroit pour étudiants, un endroit où l’on vient « casse-croûter ». La BNF elle-même ne suscite pas un grand intérêt mais bien davantage des critiques. C’est un équipement qui n’est pas pour les gens du quartier. Cette constatation peut se transformer en crainte lorsqu’elle est transposée à l’ensemble du nouveau quartier PRG si celui-ci devenait en premier lieu un quartier de bureaux ou s’il devait être habité par une population différente de celle du XIIIe existant. Les personnes interrogées ne souhaitent pas voisiner avec des populations qui seraient par trop différentes d’elles-mêmes ; une majorité des habitants ne souhaite pas l’installation de franges plus intellectuelles, plus branchées, de la classe moyenne. Une éventuelle gentrification du quartier dans le sillage de l’aménagement du nouveau quartier PRG est redoutée. En même temps, le nouveau quartier suscite des espoirs. La qualité des constructions et surtout les nouveaux équipements donneront un plus au quartier. Sa modernité, son futurisme même laissent espérer une revalorisation globale de la zone urbaine environnante et, par un effet de contagion, une élévation substantielle des prix de l’immobilier : « Je crois que c’est une bonne chose pour le secteur de faire la Bibliothèque, d’aménager toute cette partie qui n’était pratiquement qu’un terrain vague, si ce n’est occupé par les Moulins de Paris et tous les vieux bâtiments qu’il y avait. C’est vrai, ça a énormément changé le secteur, ça a monté de valeur de toute façon, je pense. Mais enfin le temps que ça se passe, on va voir. […] Ça nous valorise, c’est certain » (10). Les plus enthousiastes en attendent l’éclosion d’une nouvelle vie. L’exemple prometteur de ce futur espéré est la ligne 14 du métro, très appréciée. Par ailleurs, pour les habitants du XIIIe voisin, l’immense chantier en action constitue un spectacle permanent, il est amusant de suivre l’évolution des constructions : « On regarde ça comme les passagers d’un navire qui regarderaient la côte et qui apprécieraient mais sans avoir aucun des inconvénients, les travaux ne nous ont pas gênés, pas d’encombrements de la rue avec les camions ; on en aura tous les avantages, une vie de quartier un peu différente, sans les inconvénients » (7). La relation avec l’entité PRG est donc marquée par un sentiment ambivalent. On en est partie prenante, il s’agit de notre quartier, et en même temps on craint d’en être exclu ou de n’avoir rien à y faire.

31Enfin, la paroisse Notre-Dame-de-la-Gare, entité aussi prédéfinie, n’est plus aujourd’hui mentionnée que par une seule personne. Ce n’est plus une ressource possible pour la plupart des habitants.

32Ce premier découpage de l’aire urbaine où se situe cette partie du XIIIe reste à grande échelle. Les habitants sont en mesure de dresser une carte plus détaillée, attestant d’une connaissance plus fine du terrain. Pour ce faire, ils ont recours à d’autres distinctions qui chevauchent ou croisent les précédentes.

Construire de la discontinuité

Les entités qui font fonction de quartier •

33Dans les récits des habitants, la notion la plus récurrente est celle de quartier. Beaucoup d’entités peuvent faire quartier. C’est une catégorie classificatoire désignant toute partie d’un ensemble urbain, grande (un arrondissement par exemple) ou petite (autour d’une rue animée), nommée ou non. Dans cet usage, quartier tend à n’être qu’une catégorie de l’espace et d’autres notions (secteur, partie…) peuvent être concurremment utilisées. Mais s’attache aussi à la notion de quartier l’idée qu’il s’y inscrit une relation personnelle avec les autres citadins et avec la ville. Signifiant flottant, le terme quartier se voit alors attribué les significations de la notion de territoire et ses connotations. Il se charge des potentialités que l’on pense devoir être inscrites dans cette dernière, et notamment l’appartenance sociale. Ainsi, le quartier n’est plus une catégorie quelconque, hétéromorphe, désignant un espace à géométrie variable ; il acquiert les qualités d’une réalité non transposable dans d’autres parties de la ville. Le fait même d’être du quartier confère un intérêt particulier à ce qui s’y passe, sans quoi on n’y verrait que des manifestations banales de la vie urbaine à Paris. Le quartier aurait sa vie propre. Et on en parle comme s’il s’agissait d’une réalité vivante : il naît, se transforme, évolue. Sa nature est complexe et on ne la découvre que progressivement. Il a ses secrets et possède une mémoire. On lui prête une âme. Il peut même être assassiné si l’on s’attaque trop radicalement à son tissu et ses infrastructures et à la composition de la population.

34Mais en quoi consiste la relation avec cette réalité vivante ? Elle se fonde sur une interconnaissance minimale qui se manifeste dans la possibilité de croiser des visages connus et d’échanger des salutations réciproques : « On a vraiment une vie de quartier… sur la place Souham, les gens se rencontrent parce qu’ils y sortent leurs chiens. Je vois que… les affinités se font très vite entre des gens qui partagent les mêmes situations » (12). La relation avec les commerçants, qui jouent facilement d’une familiarité convenue, est aussi importante : « Et 150 mètres d’écart sur la droite, pour peu que le quartier soit assez vivant, et celui-là l’est pas mal, parce qu’il y a encore pas mal de commerces autour de l’axe Patay-Tolbiac, un écart de 150 mètres sur la droite change complètement vos habitudes de commerçants » (7). C’est à quoi se réduit bien souvent « la vie de quartier », à laquelle chacun n’accède que par le canal d’un réseau personnel, qui, lui, est assez limité, voire restreint. Ces éléments d’interconnaissance active permettent de se représenter l’espace appelé quartier comme un espace spécifique, différent des autres. Avec la durée, des relations plus diversifiées et plus consistantes se développent, notamment sur la base de relations de parents d’élèves.

35Cette nature particulière du quartier, plus apprécié pour ses potentialités que par ce qui s’y passe réellement, le rapproche d’une réalité virtuelle. Aussi n’est-il pas étonnant qu’il n’existe pas de quartier bien défini en ce qui concerne la partie du XIIIe fréquentée par les personnes interrogées. Il est parfois fait mention d’un quartier Jeanne-d’Arc mais il n’existe pas de consensus pour dire quelles entités de cette portion du XIIIe en font partie ou non, encore moins pour en préciser les limites, même approximativement. Un quartier Jeanne-d’Arc n’est pas plus défini qu’un quartier Opéra, ensemble flou dont les contours sont fixés par l’existence d’autres ensembles constitués à partir d’autres polarisations : la Madeleine, la Bourse, etc.

36Il est possible de créer des quartiers à partir des places, des rues, à partir d’ensembles immobiliers (les Olympiades) ou encore sur la base de critères ethniques (le quartier chinois). Ces entités sont elles-mêmes plus ou moins superposées, comme ici les Olympiades et le quartier chinois. De fait, quartier désigne davantage une zone constituée autour d’une centralité ou d’un lieu repère ou encore d’un trait particulier, relatif au bâti, aux activités ou à une dominante sociale. L’ensemble de ces zones caractérisées ne s’associe pas à la façon d’un puzzle fait de morceaux ajustés les uns aux autres. Elles se chevauchent, se font concurrence et laissent des vides entre elles, espaces vides qui ne sont pas utiles à penser.

  • 14 Les désignations des lieux ont été appréhendées comme des catégories spatiales.

37Dans cette partie du XIIIe, quelles sont les différentes polarisations qui font quartier 14 ?

Les places

38A la différence des simples carrefours, peu mentionnés, les places sont des éléments de localisation souvent retenus. Quatre places reviennent fréquemment dans les explications des habitants : place d’Italie, place Jeanne-d’Arc, place Nationale, place Souham.

39La place d’Italie, la plus grande, nœud de circulation et point de contact entre plusieurs quartiers, fait figure de centralité. A ce titre elle est un repère majeur non seulement dans le XIIIe mais pour la ville entière. Associée à l’avenue du même nom, elle donne son nom au quartier Italie. Mais celui-ci désigne plus un emplacement qu’une entité bien configurée. Il est assez peu mentionné en tant que tel, on le considère comme un prolongement des Gobelins et il fait figure de quartier plus chic, plus ancien et haussmannien, dans l’arrondissement. L’animation qui est propre au centre commercial multiplexe Galaxie et à l’avenue d’Italie transforme l’image du quartier Italie, lequel perd de sa spécificité locale pour se fondre dans un ensemble de lieux comparables dans l’agglomération urbaine. Aussi ne fait-il guère l’objet de récits circonstanciés.

40La place Jeanne-d’Arc, l’autre pôle de l’arrondissement, participe d’une autre forme de centralité, une centralité de proximité, de petite ville, pourrait-on dire. Sur le modèle de cette dernière, l’église, au milieu de la place, consacre la centralité du lieu et lui confère une dimension symbolique. L’attrait exercé par cette place, où se tient un marché bihebdomadaire, est renforcé par la vocation commerçante de la rue du même nom, jalonnée de magasins très fréquentés. Ainsi prend corps l’idée qu’il s’agit d’une entité autonome, puisqu’on y trouve les équipements et services (poste, écoles…) utiles à la vie quotidienne : « Parce que nous, quand nous sortons, nous prenons la rue de Tolbiac, nous allons à la place Jeanne-d’Arc faire des courses et on revient. Tout est situé du côté de la place Jeanne-d’Arc : la poste, les banques, il y a la Caisse d’épargne, tous les commerces chics, conviviaux, fleuristes, enfin il y a tout » (8). Cette entité aurait une personnalité. On s’accorde pour la trouver « sympa ». Comme la précédente, la place Jeanne-d’Arc sert aussi de repère. Il y a donc un côté x et un côté Jeanne-d’Arc, lequel est généralement plus valorisé : « La rue de Patay, au début, j‘ai dit, oh je ne l’aime pas ! J’aime mieux du côté de la place Jeanne-d’Arc » (2).

  • 15 Rue et place forment un ensemble comme l’entité Jeanne-d’Arc.

41La place Nationale fut, avant la rénovation des années 1960, une autre centralité de cette partie du XIIIe. Elle constituait, avec la rue Nationale qui la traverse de part en part, une entité 15 à fortes activités commerciales, un lieu très animé où se manifestait au plus haut point le caractère populaire du quartier : « La rue Nationale c’était comme la rue Mouffetard… c’était hypervivant la place Nationale » (13). Aujourd’hui la place n’est plus qu’un rond-point sans animation. La sculpture moderne placée en son centre symbolise le quartier National, né de l’ancienne ZAC. L’ambiance est celle d’un quartier résidentiel calme sur lequel les habitants n’ont pas grand-chose à dire. On parle beaucoup plus de ce que fut son passé que de son présent. L’autre partie de la rue Nationale, celle qui, au-delà de la rue de Tolbiac, traverse le vieux quartier, est intégrée à celui-ci, elle n’est plus alors que secondaire.

42La place Souham présente une autre figure urbaine, constituée non plus sur une centralité, laquelle est en l’occurrence attachée à la place Jeanne-d’Arc toute voisine, elle est d’abord un espace public. Avec ses grands immeubles autour d’un terre-plein central, qui fait penser à une dalle (« La première fois, la dalle de la place Souham m’effrayait ! » 12), c’est une entité à part entière, conçue comme lieu par excellence d’inscription d’un attribut : la délinquance.

43Elle serait représentative dans l’arrondissement de l’univers de la cité de banlieue et ce d’autant que des jeunes – parmi eux des jeunes issus de l’immigration – se sont approprié l’endroit au détriment d’autres catégories de la population, ce que celles-ci estiment illégitime. Les agressions, bénignes ou sérieuses, dont cette place est le théâtre (dont elle a d’ailleurs la forme), sur fond de trafics de drogue, alimentent les récits dénonciateurs. Là serait le haut lieu de la délinquance urbaine dans l’arrondissement et on déplore d’avoir à y passer : « On n’y va pas, parce qu’on sait que c’est forcément les gens de la place Souham qui y vont. Donc on n’a pas envie. C’est vraiment – c’est à éviter. Tous les gens à peu près normaux du quartier ne vont pas à la place Souham pour le plaisir. J’y vais beaucoup, mais ce n’est vraiment pas la joie » (3), « Je vous dis, la place Souham n’est pas loin, mais enfin on n’y va pas ; c’est un autre monde » (8).

44En même temps, cette place ressemble à bien d’autres endroits du quartier National. Alors pourquoi cette polarisation sur la place Souham qui fait l’objet de plus de répréhension que les Olympiades, par exemple, aussi perçues comme un lieu de délinquance ? Serait-ce parce qu’elle est en plein centre-ville et que ce qui s’y passe a une visibilité plus grande, et parce que c’est un endroit qu’on est amené à fréquenter ? Peut-être aussi parce que la plupart des résidents du quartier préfèrent ne pas trop le décrier dans son ensemble et concentrent leurs critiques sur cette place. En le faisant, de plus, ils ne prennent pas de risques, puisque c’est devenu un lieu commun.

45Il y a d’autres places dans cette partie de l’arrondissement : Docteur-Navarre, Albert-Londres, et, en limite de champ, les places Pinel, de Vénétie et des Alpes. Elles ne sont jamais citées, comme si elles ne structuraient pas l’espace.

Les rues

46Les rues associées à une place peuvent constituer l’armature de quartiers, on l’a vu avec les rues Jeanne-d’Arc et Nationale. Une troisième rue, la rue de Tolbiac, fait office de quartier. Du centre rayonnant on passe à l’axe irriguant. C’est par cette rue que circulent les flux principaux. Comme une rivière qui traverse un pays, la rue de Tolbiac rassemble sur toute sa longueur des parties de la ville auxquelles elle donne son nom : Italie-Tolbiac, Tolbiac-Château-des-Rentiers, Patay-Tolbiac, fac de Tolbiac, pont de Tolbiac… qui sont des points de repère. Elle pourrait aussi donner son nom à l’ensemble de cette partie du XIIIe qu’elle traverse de part en part, et le fait qu’elle soit aussi le nom d’une station de métro renforce sa capacité à faire quartier. Pour autant « quartier Tolbiac » n’est pas une appellation d’usage fréquent. Est-ce dû à une contradiction entre l’image classique du quartier, entité solidaire, et la constatation que cette rue se compose d’entités différentes ? Dans la section qui traverse ce secteur du XIIIe, elle a deux côtés bien distincts : le côté Bercy et le côté Italie, avec le métro.

  • 16 Les rues les plus souvent citées sont : Tolbiac, Albert, Château-des-Rentiers, Nationale, Domrémy, (...)

47Plus l’implantation dans le XIIIe est ancienne et plus le nombre de rues sur lesquelles les habitants ont des choses à dire s’accroît 16. Ils s’expriment comme si chacune représentait une unité en soi, comme si elle avait une spécificité. Ces rues peuvent être vivantes, désertes, commodes, rebutantes, dangereuses… Mais on ne dira pas de n’importe quelle rue qu’elle est déserte. Ce jugement ne s’applique qu’à des rues structurantes importantes, où il est attendu justement de la circulation et de l’animation. S’il n’y en a pas, dire alors qu’elle est déserte a du sens : « Rue de Tolbiac c’était autrefois un désert » (14). Elle était jugée telle avant l’ouverture de Météor qui a amené une affluence régulière et de nouvelles implantations commerciales.

48Les principales entités polarisées dont on vient de voir les contours correspondent à une représentation de la ville principalement axée sur les activités. D’autres représentations privilégient d’autres aspects qui permettent d’aborder la ville sur d’autres plans, en termes d’ambiance, de style urbain, d’éléments remarquables en tout genre, à voir, à dénoncer, etc. Le recours à la bipolarisation est fréquent, mais ce n’est pas le seul outil de construction.

Le vieux opposé au nouveau

  • 17 Il se situe à l’est de l’arrondissement, au sud de la rue de Tolbiac et d’est en ouest, de la rue d (...)

49Le « vieux XIIIe » 17 est une entité construite sur la base d’une bipolarisation. Bien que les vieux immeubles soient en régression constante, elle est caractérisée par l’ancienneté de son bâti, en opposition à la partie rénovée. La perception de cette entité est ambiguë. Elle suscite des récits opposés. D’un côté, on y voit un habitat dégradé, pauvre, insalubre même, avec des murs sinistres, un habitat qui de surcroît attire les indésirables et particulièrement des squatters ; de l’autre, on y voit les restes d’un vieux quartier de Paris, avec des petits ateliers, des maisons, des passages – signes d’une forte originalité –, des jardins secrets et des arrière-cours, traces d’un Paris en voie de disparition totale, ayant acquis aujourd’hui une plus-value historique et qui créent le charme du quartier. Ces passages représentent pour certains des habitants une des figures urbaines caractéristiques de cette partie de l’arrondissement.

Le haut opposé au bas

50Comme il y a une forte déclivité dans cette partie est de l’arrondissement, il est possible de distinguer la partie haute de la partie basse, principe élémentaire de division sociale projetée de l’espace. Et en l’occurrence cela fonctionne d’autant mieux que la composition de la population du bas n’est pas tout à fait la même que celle du haut. L’opposition est instrumentalisée pour désigner les parties basses comme des lieux moins intéressants, sans animation et plus pauvres : « C’est vrai qu’en bas c’est plus pauvre, c’est moins commerçant, il y a beaucoup d’immeubles qui vont être démolis ; donc c’est vrai que ça ne vit pas beaucoup en bas » (5).

51La bipolarisation relève d’une construction qui associe plusieurs attributs différentiels et donc nécessite un minimum d’élaboration. On peut vouloir qualifier une entité aux contours flous sans avoir à la définir autrement qu’en lui reconnaissant un attribut particulier : « c’est pas agréable », « c’est triste », « ce n’est pas un coin de balade ». On distingue ainsi des parties ou bien des secteurs : « la partie qui va vers ». De telles dénominations ne nécessitent pas de délimitations précises. De façon encore plus imprécise, on peut se contenter d’indiquer une orientation : « du côté de ». Ce ne sont plus des parties qui s’opposent mais des accentuations de quelque chose. Il s’agit dans cette opération de classement d’indiquer des relations entre lieux et attributs.

52Il est encore possible de recourir à des figures géométriques, telles qu’angle, triangle, quadrilatère et surface : « Je suis géographiquement situé à la limite du triangle avenue de Choisy, avenue d’Ivry et Masséna, ce qu’on appelle le triangle d’or de Chinatown » (17). Mais cet usage est peu fréquent, car les figures géométriques sont dans la plupart des cas trop précises pour désigner des entités vagues, dont on ignore contours et formes. Le terme quartier est bien plus commode et permet de prendre de grandes libertés avec la réalité.

53Enfin, dernier stade du morcellement, pour désigner une petite entité, non nommée, une petite entité que l’on localise au sein d’un sous-ensemble solidaire, on peut avoir recours au terme « coin ». On ne peut lui substituer la notion de quartier car le terme coin désigne dans la plupart des cas une portion de quelque chose. Un quartier peut être constitué de coins avec leurs caractères particuliers : « C’est un quartier vieux avec aussi plein de petits ateliers et tout et carrément des coins insalubres et fait de bric et de broc au fil des générations » (7).

Les lieux repères •

54Pour parler de la ville, les habitants se réfèrent aussi à des lieux qui ne forment pas entité avec leurs abords. Ces lieux possèdent une tonalité spécifique, qui peut être soulignée, et ils servent de repères : « à côté de » ou bien « autour de ». Il s’agit de quelques carrefours (généralement peu usités car il faut pouvoir leur donner un nom), des portes, des squares. Il y a dans la partie est de l’arrondissement quatre portes. Seules les portes d’Ivry et de Choisy sont utilisées comme repères. La porte d’Italie, conçue pour accueillir un trafic routier très important, et la porte de Vitry, qui n’a pas d’activité, ne sont pas mentionnées. Des trois squares, seul Héloïse-et-Abélard fait l’objet de commentaires. Il est unanimement apprécié comme étant un endroit calme et plaisant. C’est la référence pour citer un aménagement urbain très réussi et c’est l’endroit où on aimerait habiter. Dans le même registre, les Hautes-Formes constituent un lieu bien identifié par son architecture et mis à part par la plupart des interviewés. Un lieu d’autant valorisé qu’on vient de l’extérieur pour contempler une architecture qui aurait une valeur exemplaire et que les habitants jugent plutôt bien réussie.

  • 18 Le XIIIe fut, avant sa désindustrialisation, l’arrondissement le plus industrialisé de la capitale.

55Enfin, une lecture de la ville très précise s’effectue sur la base d’une localisation à partir d’endroits singuliers, tels qu’édifices publics (les écoles notamment) et privés, commerces, entreprises 18, etc. : « Donc ici vous aviez “l’enduit à l’eau” et derrière il y avait encore une autre usine qui fabriquait aussi des colles d’ailleurs. Ça s’appelait la SIBEC ou un nom comme ça, et ils fabriquaient aussi de la colle. Juste en dessous, là où il y a l’immeuble avec des boules, c’était un garage. Le garage du Mont-Blanc qui était tenu par la maison Panion et où ils stockaient des voitures. Il y avait une station-service. Enfin, en face, où il y a l’immeuble là, c’était aussi des garages. Il y avait deux ou trois artisans, il y avait un grossiste en pâtisserie, qui vendait des biscuits, des gaufrettes sur des marchés… » (13). Parmi les lieux repères cités : la Caisse d’allocations familiales, le théâtre Dunois, le parc de Choisy, la librairie Le Chapitre.

56Il y a des lieux qui pourraient être remarquables et qui ne le sont pas : Le centre Galaxie, malgré son importance et sa centralité. L’annexe de l’université Paris I. L’université, qui ne tient pas un emplacement important dans le quartier, est peu perçue et surtout peu utilisée comme point de repère, comme lieu remarquable du quartier. Son architecture est mineure et ne tranche pas sur celle du quartier. On la remarque à peine. On en parle plus sous l’angle de la vie étudiante et de l’animation qu’elle apporte. La gare d’Austerlitz. Elle est encore un point de repère pour les anciens du quartier. On ne la mentionne pas plus. Elle est oubliée derrière PRG. Les grands Moulins (ce qu’il en reste). C’était un des lieux emblématiques de cette partie de l’arrondissement. Ils sont aujourd’hui dans une partie du XIIIe quasiment inaccessible et sont essentiellement perçus comme un refuge provisoire d’artistes et de squatters.

57Cette lecture de la ville, à partir de lieux singuliers, est davantage celle de la plus ancienne génération des habitants. La description de ce dont ils parlent s’appuie sur un cheminement mental qui les fait passer d’un lieu singulier à un autre en suivant, de point en point, le tracé de rues. Ils ne découpent pas.

  • 19 Expression de Rob Shields (1991) cité par Brian Rusted (2002).

58Il est probable qu’une enquête plus large et donnant plus d’importance aux appartenances sociales, culturelles et générationnelles des habitants ferait apparaître des accentuations et des divergences dans la représentation de la ville selon les différentes catégories considérées. Elle permettrait aussi de mieux saisir la hiérarchisation des espaces et ce qui relève de jeux de classement dans les distinctions effectuées. Nous nous sommes limités ici à mettre en évidence des mécanismes de division de la ville sans trop se préoccuper des appartenances des locuteurs, sur la base de tout ce qui relevait d’une spatialisation sociale 19 dans le corpus considéré. L’espace urbain est essentiellement un espace social et les découpages effectués visent davantage à opposer et comparer des attributs de toute nature que des espaces à proprement parler. Les espaces considérés sont constitués sur la base des propriétés qui leur sont données et leurs contours et leurs limites varient en fonction de ces dernières. Il importe peu qu’une même catégorie spatiale comporte des éléments variables en extension et en compréhension selon le contexte et le propos, car ce qu’il s’agit de mettre en place ce sont des caractéristiques localisées.

59L’étude de ces découpages de la ville éclaire aussi un aspect des classifications vernaculaires. Elle confirme que, en dépit de la scolarisation prolongée de la plupart des personnes interviewées, les principes de classement ne sont pas ceux de la logique classique, mais relèvent d’une autre rationalité qui se fonde sur la validité sémantique des équivalences proposées et non pas sur la validité des principes logiques du raisonnement. Il s’agit avant tout de produire du sens. Dans la conclusion du livre Divisions de la ville, Christian Topalov (2002) oppose deux modèles de division de l’espace. Le moderne qui traite l’espace comme une surface susceptible d’être découpée exhaustivement, sans omission ni chevauchement, en unités homogènes dont les limites sont précisément définies et peuvent être représentées sur une carte. L’ancien, expression d’un autre régime de division territoriale, qui admet le particularisme (l’espace est hétérotopique, une de ses parties n’en vaut pas une autre), l’enchevêtrement des découpages, la discontinuité qui laisse des vides, le flou des limites. Il apparaît que le modèle qui pourrait être construit à partir des récits des habitants du XIIIe s’apparente beaucoup au modèle ancien. Christian Topalov (2002 : 435) discerne encore un autre trait propre aux anciennes divisions spatiales dans « leur territorialité incertaine, qui devient apparente lorsque les divisions sociales cessent de coïncider avec les segmentations sociales qui en sont pourtant l’origine et le fondement ». Cette forme de « territorialité incertaine », qui se traduit notamment par le fait que, dans la partie de l’arrondissement dont il est question ici, il n’y ait pas de quartier bien défini, à peu près délimité et clairement constitué, trouve peut-être son explication dans la composition de la population, qui est, avec l’arrivée en force de diverses fractions de la classe moyenne, passablement bigarrée. Celles-ci prennent possession des diverses parties de ce quartier du XIIIe et, du fait, conséquemment, d’une hétérogénéité insuffisamment contrastée, il n’est pas facile de spatialiser.

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Bibliographie

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Topalov Chr. (ss la dir. de), 2002. Les divisions de la ville, Paris, UNESCO/Ed. de la Maison des sciences de l’homme.

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Notes

1 Une enquête a été menée à partir des propos que les habitants du XIIIe arrondissement de Paris tiennent sur la ville. Il s’agit plus précisément de la partie est du XIIIe, sorte de quadrilatère délimité par l’avenue de Choisy, le boulevard Vincent-Auriol, le boulevard extérieur et la Seine. Elle correspond à une partie de l’entité administrative dénommée quartier de la Gare.

2 Le XIIIe arrondissement a le poids démographique d’une grande ville française : 172 000 habitants, avec toute la diversité qu’implique une telle population.

3 Ce travail ne traite pas des images de la ville, sujet que les géographes, après K. Lynch, ont abondamment traité, mais de la lecture de celle-ci en termes de différenciation du tissu urbain.

4 Les chiffres entre parenthèses renvoient aux profession et âge des personnes interrogées : mère de famille, 30 ans (1) ; mère de famille, 38 ans (2) ; ancienne sécrétaire, informaticienne, mère de famille, 38 ans (3) ; mère de famille, ancienne historienne, 35 ans (4) ; fonctionnaire du ministère de la Culture, 50 ans (5) ; couturière, en retraite (6) ; journaliste de sport, 55 ans (7) ; hôtelière, en retraite (8) ; institutrice, en retraite (9) ; gardien d’immeuble, 58 ans (10) ; fonctionnaire des impôts, 37 ans (11) ; mère de famille, en formation, 40 ans (12) ; restaurateur, 63 ans (13) ; fonctionnaire de la ville de Paris, 42 ans (14) ; artiste peintre, 61 ans (15) ; professeur d’anglais, 40 ans (16) ; fonctionnaire de la ville de Paris, 54 ans (17).

5 Ces quartiers divisent l’espace en des entités très inégales : 69 ha (Croulebarbe), 118 ha (Salpêtrière), 223 ha (Maison-Blanche), 304 ha (la Gare). Cette dernière partie où résident les personnes interrogées est quatre fois plus grande que le petit quartier Croulebarbe.

6 Elle ne correspond ni au quartier Maison-Blanche ni à l’entité Butte-aux-Cailles.

7 Les différents lieux de la partie ouest sont peu cités. Sont toutefois mentionnés : le village anglais à côté de la place de Rungis, le quartier Croulebarbe, le square des Peupliers, la Glacière, l’îlot de Bièvre et, le plus fréquemment, la Butte-aux-Cailles, entité qui est, elle, l’objet d’appréciations.

8 La dénomination « la Gare », née du projet de la construction au xviie siècle d’une gare fluviale à la hauteur du pont de Bercy, n’est plus guère employée, une seule personne utilise encore cette appellation.

9 La proportion des ouvriers dans la population active n’a cessé de diminuer au profit des employés et des cadres (28 %).

10 La moitié des logements du XIIIe ont été construits après 1950.

11 Les habitants du XIIIe voient à Bercy un aménagement réussi, par rapport auquel celui de leur arrondissement semble pauvre et problématique.

12 L’endroit où se trouvent les Olympiades était autrefois occupé par la gare de marchandises des Gobelins.

13 Les Olympiades sont comparées à la place Souham, le lieu par excellence de la délinquance dans l’arrondissement (cf. ci-dessous).

14 Les désignations des lieux ont été appréhendées comme des catégories spatiales.

15 Rue et place forment un ensemble comme l’entité Jeanne-d’Arc.

16 Les rues les plus souvent citées sont : Tolbiac, Albert, Château-des-Rentiers, Nationale, Domrémy, Charcot, les boulevards Vincent-Auriol et Masséna, la rue Jeanne-d’Arc, de Patay, du Chevaleret, avenue de Choisy, d’Ivry.

17 Il se situe à l’est de l’arrondissement, au sud de la rue de Tolbiac et d’est en ouest, de la rue du Chevaleret jusqu’au quartier chinois, et comporte de grandes transversales parallèles : Patay, Albert, Château-des-Rentiers et Nationale.

18 Le XIIIe fut, avant sa désindustrialisation, l’arrondissement le plus industrialisé de la capitale.

19 Expression de Rob Shields (1991) cité par Brian Rusted (2002).

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Pour citer cet article

Référence papier

Rosemarie Huhn et Alain Morel, « Le territoire urbain »Terrain, 41 | 2003, 149-166.

Référence électronique

Rosemarie Huhn et Alain Morel, « Le territoire urbain »Terrain [En ligne], 41 | 2003, mis en ligne le 11 septembre 2008, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/terrain/1694 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/terrain.1694

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Auteurs

Rosemarie Huhn

Paris 

Alain Morel

Mission à l’Ethnologie, Paris 

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Droits d’auteur

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